LES PLUS LUS
Publicité
Publicité

Anna Mouglalis, la présidente du "Baron noir" se confie

Anna Mouglalis
Anna Mouglalis arrive à l'Elysée dans la saison 2 du "Baron noir". © Richard Schroeder / Paris Match
Un entretien avec Karelle Fitoussi , Mis à jour le

Dans la saison deux de « Baron noir », l’ex-Première secrétaire du Parti socialiste arrive à l’Elysée. Un rôle au sommet pour Anna Mouglalis, une actrice au tempérament très indépendant.

A l’écran, elle a été successivement Simone de Beauvoir, Coco Chanel et Juliette Gréco. Révélée par Chabrol et magnifiée par Chanel, Anna Mouglalis est une muse démuselée qui flotte depuis vingt ans sur le cinéma français telle une volute de fumée. Distante mais entêtante. Signant de sa voix rauque chacun de ses rôles à la lisière du bizarre avec exigence et autorité. Qui mieux qu’elle pouvait donc prendre le pouvoir dans la saison 2 de la brillante fiction politique de Canal + « Baron noir » en incarnant la première femme chef de l’Etat, élue face au Front national avec une assurance et une élégance qui forcent le respect ? En attendant de la retrouver en dirigeante de poigne le 22 janvier, puis sous les atours de la sulfureuse « Mademoiselle Julie » de Strindberg sur les planches, nous avons rencontré la comédienne le
temps d’une discussion forcément engagée.

Publicité

Lire aussi : Baron Noir : Kad Merad en lice pour les Emmy Awards

La suite après cette publicité

Paris Match. Avant “Baron noir”, vous n’aviez fait qu’une seule incursion à la télé pour “Les amants du Flore”. Qu’est-ce qui dans ce projet vous a donné envie de signer ?
Anna Mouglalis . J’ai vu très peu de séries dans ma vie. Quelques épisodes des “Soprano”, la série de Jane Campion (“Top of the Lake”), mais autrement rien. Enfant, je ne regardais pas la télé. Mais c’est vrai qu’on trouve aujourd’hui des projets audacieux. Le fait qu’il y ait des scénaristes qui, avant même que Macron soit élu, décident de mettre une femme de 39 ans à la tête de l’Etat… On peut dire que c’est bien tombé ! [Elle rit.]

La suite après cette publicité

Le premier épisode de la saison 1, tourné en 2015, s’appelait “Jupiter”. Visionnaire ?
Ce qui m’avait exaltée dans la saison 1, c’était toute la cuisine interne, très précise, cette façon de mettre à nu les rouages politiques, qui permet aux gens de se réapproprier le politique. Je m’étais dit que les Français, en voyant ça, allaient se rendre compte à quel point voter est important. C’est en quelque sorte un acte militant de participer à “Baron noir”. Comme c’est un acte politique que Patrick Mille accepte dans la saison 2 d’incarner le candidat FN.

"

Ça me rend folle toutes ces femmes qui se défendent en disant : “Je ne suis pas féministe !” Comme si c’était une tare de l’être !

"

Vous voici donc présidente de la République. Encore un rôle de femme forte dans un monde d’hommes !
Mon éveil politique a commencé par un éveil féministe. Chez moi, mes parents ne votaient pas mais j’ai grandi avec une mère qui me disait : “Ne sois jamais dépendante d’un homme.” Très tôt, je me suis baladée dans le monde et j’ai eu des révoltes terribles ! C’était compliqué d’être une jeune femme libre et de constater qu’on ne pouvait pas marcher seule la nuit sans se faire emmerder. Je me suis fait casser la gueule dans la rue, je me suis pris un coup de barre de fer dans la tête, tentative de viol dans le métro… C’est ce qu’explique Virginie Despentes dans “King Kong théorie” : une femme qui décide d’être vivante court le risque de se faire agresser. Mais il faut continuer. S’enfermer, ce serait comme ces gens qui vivent une sale histoire d’amour et finissent par ne plus vouloir aimer parce que ça leur a fait trop mal. J’ai la chance de ne pas être comme ça.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité
"Mon éveil politique a commencé par un éveil féministe"
"Mon éveil politique a commencé par un éveil féministe" © Richard Schroeder / Paris Match

Qui sont les femmes politiques que vous admirez ?
Christiane Taubira ! [Elle rit.] Parce qu’elle est très singulière et a un rapport superbe au langage, à la poésie. Or, la politique est avant tout du langage. Je n’en peux plus de voir les prises de parole et les Tweet de Trump, des gens qui ne parlent que de communication mais qui ne sont pas capables de s’exprimer. On est dans une période assez populiste, où il ne faut surtout pas paraître cultivé. La peur de l’élite est hallucinante ! Il faudrait que le président soit comme le voisin, qu’il soit aussi médiocre que nous. Et en même temps, on veut un homme providentiel qui soit supérieur… C’est d’ailleurs ce qui avait été reproché à Hollande…

Justement, François Hollande avait jugé que la première saison donnait de la politique une image caricaturale…
François Hollande était encore au pouvoir, extrêmement critiqué et affaibli, et la série se passait exclusivement au sein du Parti socialiste. Ça avait été l’une de mes premières réactions à la lecture du scénario. Je m’étais dit : “Mais qu’est-ce que c’est ce truc ? C’est fait pour faire passer les Républicains ou quoi ?” La série est fine et moins manichéenne que ça. Bien sûr qu’il y a des magouilles en politique, mais la plupart du temps ce n’est pas utilisé dans un but égotique mais pour faire passer des lois importantes. Après, que François Hollande ait trouvé ça caricatural, je le conçois très bien…

Il paraît que vous avez suivi le même coaching qu’Emmanuel Macron dans l’entre-deux-tours pour apprendre à parler en public. C’est vrai ?
Non. Je travaille toute seule. J’ai un grand atout, c’est ma voix. Ça m’a joué des tours dans les castings quand j’étais toute jeune : on me faisait venir sur photo pour jouer la fille innocente et, dès qu’on me faisait parler, on me disait : “Ah non, ça ne va pas être possible !” Mais pour ce rôle, ça donne beaucoup d’autorité. La plupart des femmes politiques fument. Ça c’était un peu acquis. J’ai aussi écouté de nombreux discours. Comme ceux de Mélenchon par exemple qui a une verve et un usage du verbe qui est magnifique. François Mitterrand aussi… Enfin, je trouve que ce qu’il se fait de mieux en prise de parole aujourd’hui, c’est Christiane Taubira. Mais avoir en France une femme présidente, noire, on en est encore loin, c’est terrible.

Le monde du cinéma est-il moins sexiste que le monde politique ?
C’est partout pareil. Les femmes de pouvoir ne sont pas jugées désirables parce que ce serait castrateur. Mon personnage passe pour une mal baisée, une lesbienne, ce qui est une chose qu’on ne dirait pas d’un homme. Mais dans le cinéma, c’est aussi très fort. Pendant longtemps les comédiennes étaient toutes avec des metteurs en scène. Ce truc de possession existe vraiment… J’appelle ça la tyrannie du désir. C’est au cœur même de l’acte cinématographique. A priori si le metteur en scène vous choisit, c’est que vous l’avez séduit. Sauf que, nous, comédiennes, on ne vient pas pour rencontrer quelqu’un de séduisant, on vient pour rencontrer un metteur en scène. Donc il y a un décalage. Moi, j’ai toujours été très en colère par rapport à tout ça.

Avec Kad Merad dans la saison 2 de "Baron noir".
Avec Kad Merad dans la saison 2 de "Baron noir". © DR

Que pensez-vous du fait que la parole se libère sur les réseaux sociaux au point de devenir parfois un tribunal populaire ?
Je trouve ça formidable. Ça va profondément changer les choses pour les femmes de parler, même si le système punitif ne bouge pas. Parce que, ne nous leurrons pas, c’est à partir du moment où Weinstein a chuté que cette affaire lui est tombée dessus, ça ne serait pas arrivé avant. Donc il y a encore beaucoup à faire…

Vous avez récemment signé une pétition contre les violences sexuelles qui préconise, entre autres, la création d’un “brevet de la non-violence” au collège…
Oui, c’est comme un brevet de sécurité routière pour lutter contre le sexisme. Je crois à l’éducation. Il faut élever ses fils dans cette optique… Parce que j’ai vu des femmes superbes, libres, se retrouver face à des petits garçons en tenant des discours complètement rétrogrades. On nous enseigne tellement qu’il faut faire attention de ne pas castrer que ça paralyse complètement ! Ça me rend folle toutes ces femmes qui se défendent en disant : “Je ne suis pas féministe !” Comme si c’était une tare de l’être !

"

Enfant, lorsque je voyais des films sur les cow-boys et les Indiens, je rêvais d’être une Indienne

"

Vous avez toujours été aussi engagée, militante ?
Je me sens vivante comme ça. Quand j’ai su que j’attendais une fille, j’ai d’abord été attristée parce que je me suis dit que ça allait être compliqué pour elle. Et puis j’ai repensé à mon enfance. Je me suis souvenue que, lorsque je voyais des films sur les cow-boys et les Indiens, je rêvais d’être une Indienne. Que lorsque j’ai vu des films sur l’apartheid, je rêvais d’être une Black. Aujourd’hui, il faut être une femme parce que c’est là qu’il y a tout à accomplir.

Vous avez dit que certains réalisateurs s’étaient détournés de vous à cause de votre lien avec la maison Chanel…
C’est parce que d’un coup les gens pensaient que je vivais sur un yacht, passais ma vie dans un Jacuzzi à boire du champagne et que je n’avais plus besoin de tourner. Ensuite, il y a eu cette idée que j’étais une princesse couverte de diamants et que, donc, il y avait plein de rôles que je ne pouvais pas jouer, hormis ceux de grande bourgeoise. C’est lié à cette image de papier glacé. Et moi, je n’ai jamais été une image.

Vous êtes l’une des rares actrices à ne pas avoir succombé à la chirurgie esthétique et à assumer vos rides…
Parce que c’est une bénédiction de vieillir. Avant, on se disait que j’allais foutre la merde, du genre : “Et en plus, elle pense ?” C’était considéré comme un danger. Maintenant, j’ai l’âge de ma voix, j’ai même le droit d’être intelligente. [Elle rit.] C’est super ! 

« Baron noir » saison 2, à partir du 22 janvier sur Canal +.

Contenus sponsorisés

Publicité