Mal-logement

Les politiques publiques ne sont pas à la hauteur

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Mal-logement : publication du rapport 2015 de la Fondation Abbé Pierre
Hall d'immeuble insalubre à Saint-Denis (93). D'après le rapport 2015 de la Fondation Abbé Pierre, aucune avancée n'a eu lieu sur le terrain du logement en 2014. PHOTO : ©FANNY/REA

Les années passent, le mal-logement perdure. Dans son 20ème Rapport sur l’état du mal-logement en France (voir plus bas), la Fondation Abbé Pierre dresse un constat sévère des politiques mises en œuvre en 2014. Les chiffres du mal-logement restent les mêmes depuis plusieurs années, avec 3,5 millions de mal-logés (sans domicile, en hébergement contraint chez des tiers, dans des habitations de fortune…) et 5,2 millions de personnes en situation de fragilité (en surpeuplement, en impayés de loyer…). Certes cette stagnation s’explique en partie par le fait que certaines données de l’Insee n’ont pas été actualisées depuis 2006. Cependant, les sollicitations adressées aux centres communaux d’action sociale (CCAS) et au secteur associatif laissent peu de doutes sur l’évolution alarmante de la situation du logement en France.

Les annonces prometteuses faites en début d’année dernière ont été abandonnées, au terme d’une année marquée par deux remaniements ministériels et l’annonce d’un plan d’économie de 50 milliards d’euros sur la dépense publique. « A la moitié de ce quinquennat, l’année 2014 restera comme une année de bascule », note le rapport. Le prisme économique selon lequel le marché semble à nouveau vu comme le seul moyen d’assurer l’adéquation entre l’offre et la demande, domine à nouveau. Malgré quelques avancées, les renoncements ont été nombreux.

Des inégalités accrues face au logement

Le logement est l’un des secteurs où les inégalités entre les ménages sont les plus criantes, note le rapport. Les écarts s’expliquent principalement par le statut d’occupation et le patrimoine, dans un contexte où l’héritage reste un facteur majeur de reproduction des inégalités. Ainsi en 2010, les 10 % les plus aisés détiennent près de la moitié du patrimoine national.

Face à ces inégalités, les politiques mises en place restent insuffisantes : l’encadrement des loyers a été ramené à une simple « expérimentation » à Paris et ne concerne que les loyers les plus élevés. Différents abattements fiscaux (sur les donations de logements neufs ou les plus-values immobilières de cessions de terrains à bâtir...) viennent encore renforcer le phénomène.

Les mesures qui vont dans le bon sens, comme l’encadrement des frais d’agence, en vigueur depuis septembre 2014, ou le chèque énergie pour les ménages les plus démunis, restent circonscrites et dépourvues de moyens suffisants pour les mettre en oeuvre.

Trop pauvres pour le logement social

Dans le même temps, la lutte contre la pauvreté et le renforcement de l’effectivité des droits pour les plus mal-logés n’avancent pas. La production de logements sociaux stagne : elle est estimée à 110 000 pour 2014, en retrait par rapport à 2013, et alors que François Hollande avait annoncé en 2012 un objectif de 150 000 par an. Dans le même temps, les aides à la pierre pour la construction de logements sociaux ont été réduites.

Les nouveaux logements sociaux produits sont en outre de plus en plus chers. Nombre de prioritaires du DALO (droit au logement) se voient ainsi refuser un logement social car ils sont considérés comme trop pauvres pour y accéder, ne pouvant justifier de revenus suffisants.

Les locataires modestes, qui devaient pouvoir être protégés par la garantie universelle des loyers, ont dû se résoudre à son abandon. Le dispositif a été remplacé par la caution locative étudiante et une mesure à destination des salariés locataires, ce qui exclut de la protection les non salariés.

Enfin, en matière d’urgence, la gestion au thermomètre continue de prévaloir. Le manque d’offre de logement et d’hébergement contraint ainsi les travailleurs sociaux à opérer un tri entre les personnes en détresse.

L’enjeu de la décentralisation

Enfin, la Fondation Abbé Pierre met en garde contre une réforme des territoires qui risque de pénaliser les personnes en difficulté. Comment s’assurer que la montée en puissance des intercommunalités ne soit pas synonyme d’inégalités accrues entre les territoires, dans un contexte de réduction budgétaire ?

Qualifiant 2014 d’« année blanche », l’association appelle le gouvernement à repartir dans le bon sens, sous peine que 2015 soit « une nouvelle année noire pour les ménages en difficulté de logement ».

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