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UNIVERSITE PARIS VII – DENIS DIDEROT U.F.R. DE LINGUISTIQUE tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 PHONOLOGIE ET MORPHOLOGIE DU JAPHUG (rGyalrong) Thèse en vue de l’obtention du Doctorat de Linguistique présentée par Guillaume JACQUES Directrice de thèse : Mme. Marie-Claude PARIS Soutenue le 9 Septembre 2004 Jury : M. Boyd MICHAILOVSKY M. Laurent SAGART M. Jackson T.-S. SUN M. Nicolas TOURNADRE Je tiens tout d’abord à remercier mes informateurs, Tshe-‘dzin 陈珍, dPal-can 柏尔青, Kebei 科贝, ‘Jigs-thar 牛灯儿. Sans leur aide, ce travail n’aurait jamais pu être achevé. Je remercie également : z Marie-Claude Paris, qui a accepté de me diriger et grâce à laquelle j’ai pu obtenir un financement pour mener à bien cette thèse. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 z Laurent Sagart, qui s’est chargé de ma formation en phonologie historique du chinois depuis le début de mes études et qui a supervisé l’avancement de cette thèse. z Jackson T.-S.Sun 孫天心, qui m’a guidé dans mon premier terrain sur le japhug en 2002, qui a inspiré un grand nombre d’idées présentées dans cette thèse et qui a revu en détail l’ensemble du texte de cette thèse. z Boyd Michailovsky et Martine Mazaudon, pour leur aide avec le programme archivage et leur enseignement sur les langues tibéto-birmanes du Népal. z Nicolas Tournadre, pour son aide avec les dialectes tibétains. z Lin Youjing 林幼菁 pour m’avoir aimablement prêté ses données sur le dialecte japhug de Da-tshang, et pour ses critiques sur mes analyses de la morphologie du japhug. 1 Introduction Une part importante des langues sino-tibétaines, telles que le chinois ou le birman, sont habituellement présentées comme des exemples typiques de langues isolantes. Des recherches récentes (Sagart 1999) montrent toutefois que le chinois archaïque, c’est à dire la langue représentée dans les textes d’avant 200 av. JC., présente les traces d’une morphologie autrefois plus complexe. Cette morphologie est mieux préservée en tibétain classique, en jingpo, mais surtout dans les langues rgyalronguiques, qui vont faire l’objet de cette thèse. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Les langues rgyalronguiques sont d’un archaïsme remarquable autant du point de vue morphologique (les préfixes qu’on ne retrouve que sous forme de traces dans les autres langues y sont encore productifs) que du point de vue phonologique (des groupes de consonnes initiaux complexes y sont conservés). Une description aussi complète que possible de la phonologie et de la morphologie de chacune des langues de ce groupe est donc d’une importance capitale pour la reconstruction du proto-sino-tibétain. Or, la plupart des langues rgyalronguiques ne sont pas décrites de façon suffisamment détaillée pour permettre une utilisation systématique en reconstruction du sino-tibétain. Ce travail a pour but de documenter la phonologie et la morphologie d’une des langues rgyalronguiques, le japhug, et de proposer une reconstruction préliminaire de l’histoire de cette langue par la comparaison entre les dialectes japhug et avec les autres langues rgyalronguiques. Dans cette introduction, nous présenterons tout d’abord un aperçu historique de la région où sont parlées ces langues, la localisation et la classification des langues rgyalronguiques, un résumé succinct des études antérieures sur les langues rgyalronguiques et enfin la structuration de cette thèse. 1.1 Le pays rGyal-rong Le terme rGyal-rong (jiarong 嘉絨 - 嘉戎) est purement géographique. Il ne désigne en aucun cas les langues de la région. Le terme complet est rGyal-mo tsha-ba rong. Selon Wang et Awang (1992) ainsi que dPal-bzang rgya-mtsho (2000), ce nom viendrait de la montagne rGyal-rong dmu-rdo (moerduoshan 墨爾多山) qui se situe au sud de la région. Ce nom est probablement lié aussi à celui du Daduhe 大渡河 en tibétain : rgyal-mo dngul-chu. Toutefois, la plupart des Tibétains désigne cette région par le terme tsha-kho, une abréviation de tsha-ba rong et de kho-‘phan, nom de famille de nobles de 1 cette région. La proposition de Chang et Chang (1975 : 398) qui suggèrent que la syllabe –rong du nom rGyal-rong soit apparentée à l’autonyme rong des lepcha et à celui des Dulong 獨龍 tə–ruŋ, est donc à rejeter pour deux raisons : d’une part, la syllabe rong signifie simplement « vallée » en tibétain, et d’autre part, le terme rGyal-rong n’est pas l’autonyme des rgyalrongois eux-mêmes, qui se désignent sous le nom de kɯ-rɯ1. Les Tibétains considèrent la région rGyal-rong comme tibétaine, et les langues de cette région comme des dialectes du tibétain. Les intellectuels tibétains d’aujourd’hui remettent en cause la valeur des travaux qui prétendent démontrer que le rGyalrong est une langue indépendante ou que les habitants du rGyalrong ne sont pas des Tibétains « comme les autres ». Ainsi Nyan-shul (1999 : 80) et dPal-bzang (2000 : 115) reconnaissent que les langues du rGyal-rong ne sont pas intercompréhensibles avec le tibétain standard, mais attribuent cette différence à des « évolutions phonétiques » tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (skad-zur-ba) propres à ces « dialectes » les rendant distincts des autres. Ils n’envisagent pas que ces langues puissent avoir une origine autre que le tibétain ancien. De même, les lettrés tibétains tentent de faire remonter l’origine des habitants du rGyal-rong à des ancêtres tibétains prestigieux. Selon dPal-bzang (2000 : 107), la lignée des rois de bTsan-lha serait la plus ancienne famille du rGyal-rong. Cet auteur les fait remonter soit à Bya-khri btsan-po, un des fils du roi mythique Gri-gum btsan-po (le 8ème roi de la dynastie de gNya-khri btsan-po), soit à sNya-‘bring, un fils cadet du roi légendaire Khri-sgra dpung-btsan (le 25ème roi de la dynastie de gNya-khri btsan-po). Etant donné l’authenticité historique incertaine de ces rois2, ces hypothèses ne sont pas à retenir. Le texte du XIXème siècle mDo-smad chos-‘byung « histoire religieuse de l’Amdo inférieur » rattache les habitants du rGyal-rong à une lignée de la famille sbra du Zhang-zhung (Stein 1961 : 27-28, dPal-bzang 2000 : 109). Là encore, la véracité historique de cette affirmation est difficile à établir. Le plus ancien fait historique concernant le rGyal-rong sur lequel tout le monde s’accorde est l’exil du moine Vairocana au rGyal-rong sous l’empereur Khri-srong lde-btsan (755-797)3. Seule une variété de rgyalronguique (voir section suivante), le rgyalrong oriental semble avoir été écrit en alphabet tibétain par les secrétaires (drung-yig ) des rois (土司 1 Nous donnons ici la forme japhug, mais des cognats de ce mot se trouvent dans les autres langues. 2 Le premier roi donc l’authenticité est avérée, gNam-ri srong bTsan, le père de Srong-btsan sgam-po, est 32ème dans cette dynastie, et a vécu au VIIème siècle. 3 Pour un résumé du récit de la vie de Vairocana et de son séjour au rGyal-rong, voir Samten (1993). Pour une description plus générale de la région rgyalrong incluant l’histoire et la géographie, voir Que (1995), et pour un travail sur l’histoire de la partie de la région rgyalrong où est parlé le japhug, voir Daerji et Garangta (2000). Pour un récit de l’invasion du sud du rGyal-rong par les mandchous au XVIIIe siècle, voir Haenisch (1934). 2 tusi / rgyal-po) du rGyal-rong : Ces textes n’ont pas fait l’objet d’une édition et seul l’un d’entre eux jusqu’ici a été traduit (Prins 2003). En revanche, il est quasiment certain que les autres langues rgyalronguiques telles que le japhug ou le zbu n’ont jamais été des langues écrites. On ignore à quand remontent les textes les plus anciens en rgyalrong oriental. Cette tradition d’écrire le rgyalrong oriental en alphabet tibétain est à distinguer de « l’alphabet rGyal-rong (tsha-ba-rong gi yi-ge) » dont parlent Wang et Awang (1992 : 168-174) et dPal-bzang (2000 : 112-115). Ce dernier semble être une sorte d’alphabet ornemental basé sur l’alphabet tibétain, et utilisé pour écrire le tibétain. Enfin, on trouve quelques mots rgyalrongs dans le mDo-smad Chos-‘byung, transcrits en alphabet tibétain, comme par exemple ta-ro « chef de village » (japhug tɤ-ru) dans les noms de certains personnages dont parle cet ouvrage historique. En français, il convient de distinguer rGyal-rong (le nom du pays) de rgyalrong (le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 nom des langues) par la majuscule. 1.2 Répartition et classification des langues rgyalronguiques Les langues rgyalronguiques sont parlées par environ cent mille personnes, classées comme Tibétains par l’administration chinoise, dans les préfectures autonomes tibétaines de rNga-ba (aba 阿霸) et de dKar-mdzes (ganzi 甘孜) au nord-ouest du Sichuan en Chine. Deux cartes en couleurs ont été ajoutées en annexe : une carte indiquant la localisation du pays rGyalrong au Sichuan, et une carte de la répartition des langues rgyalronguiques individuelles. Pour les noms des lieux en chinois et en tibétain, nous avons utilisé la série d’ouvrages Gong et al. (1985abcde, 1986) où les noms de districts, de régions, de cantons et des villages sont indiqués en tibétain et en chinois. Les noms de lieux dans les langues rgyalronguiques proviennent de nos données de terrain. Selon la plupart des auteurs (Sun 1983, Huang 1991), les langues rgyalronguiques appartiendraient au groupe qianguique, auxquelles appartiennent le tangoute, le qiang 羌, le pumi 普米 et un certain nombre de langues obscures récemment décrites : le muya 木 雅 (mi-nyag skad), le zhaba 扎巴, le queyu 卻域, le shixing 史興, le guiqiong 貴瓊 et peut-être aussi le namuzi 納木茲4. Bien qu’aucune innovation commune n’ait été mise en évidence, la parenté entre ces langues semble manifeste si l’on considère la ressemblance dans le vocabulaire. Ces langues sont également typologiquement très semblables, car elles possèdent toutes un système d’accord personnel et un système verbal où l’on trouve des alternances de thèmes (en pumi voir Lu 1998 : 303-306, en tangoute voir Gong 2001). Dans un travail préliminaire de comparaison du rgyalrong avec le tangoute, nous 4 Pour des descriptions récentes de ces langues, voir Liu (1998) et Lu (1998), ainsi que les données dans Huang et al. 1992. 3 avons découvert un certain nombre de mots partagés exclusivement par ces deux langues et absents en chinois, en tibétain, ou en birman (Jacques 2003b). Ce sont parmi ces mots exclusivement partagés que nous pouvons rechercher à démontrer l’existence d’innovations communes entre ces langues. Certains auteurs ont émis l’hypothèse que les langues qianguiques seraient particulièrement proches des langues lolo-birmanes (Li Yongsui 1998). Selon Sun (2000b), on compte six groupes de langues rgyalronguiques : z horpa (aussi appelé ergong 爾龔 ou daofu 道孚 dans les sources chinoises). Cet ensemble de dialectes mutuellement inintelligibles est parlé à rTa’u / Daofu 道孚縣, à Rong-brag / Danba 丹巴縣 et à Nyag-rong / Xinlong 新龍縣 dans la préfecture de dKar-mdzes / Ganzi 甘孜州. z shangzhai 上寨 (stod-sde). Parlé au sud de ‘Dzam-thang / Rangtang 壤塘縣 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 dans la préfecture de rNga-ba / Aba 阿壩州. z lavrung 拉塢戎. Parlé au sud de ‘Dzam-thang / Rangtang 壤塘縣, à, l’ouest de Chuchen/ Jinchuan 金川縣 (dialecte de Thugs-rje chen-mo / Guanyinqiao 觀音 橋 et de ‘Dzo-rogs 業隆) et au sud de ‘Bar-khams / Maerkang 馬爾康縣 (dialecte de ‘Brong-rdzong / Muerzong 木爾宗) dans la préfecture de rNga-ba / Aba 阿壩州. z sidaba 四大壩 (stod-pa), parlé au nord de ‘Bar-khams / Maerkang 馬爾康縣 dans la préfecture de rNga-ba / Aba 阿壩州. z chabao 茶堡 (japhug) , parlé au nord de ‘Bar-khams / Maerkang 馬爾康縣 dans la préfecture de rNga-ba / Aba 阿壩州. z situ 四土 (rgyalrong oriental). C’est la langue la mieux décrite, la plus parlée et la plus répandue. Celle-ci se réparti sur trois préfectures : ‹ Dans la préfecture de rNga-ba / Aba 阿壩州 : „ bTsan-lha / Xiaojin 小金縣 „ Chu-chen / Jinchuan 金川縣, „ ‘Bar-khams / Maerkang 馬爾康縣, „ l’ouest de Khro-chu / Heishui 黑水縣 „ l’ouest de bKra-shis-gling / Lixian 理 縣 (anciennement appelé Zagunao 雜谷腦) ‹ Dans la préfecture de dKar-mdzes / Ganzi 甘孜州, le district de Rong-brag / Danba 丹巴縣. ‹ Dans la préfecture Yaan 雅安 le départment de Baoxing 寶興. Sun (2000b) propose le Stammbaum suivant, reproduit dans le Tableau 1. 4 rgyalrongic Horpa-Shangzhai Horpa Shangzhai rgyalrong lavrung sidaba chabao situ Tableau 1 : Stammbaum des langues rgyalronguiques selon Jackson Sun (2000b). En français, nous appellerons macro-rgyalronguique la sous-famille entière (incluant horpa, lavrong et rgyalronguique) et rgyalronguique le clade qu’il appelle « rgyalrong ». Nous n’aborderons dans le présent travail que les langues de la sous-branche rgyalronguique. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Pour faciliter l’utilisation de ce travail par les tibétologues, nous utilisons en priorité les formes tibétaines des noms de districts et de cantons. Nous indiquons le nom en japhug de chacun de ces endroits entre parenthèses. Pour les villages, en revanche, nous n’emploierons que le nom rgyalrong local, car les noms de villages sont des toponymes généralement purement rgyalronguiques, et les formes tibétaines données dans Gong et al. (1985abcde, 1986) pour les noms des villages ne sont en général que des transcriptions du rgyalrong. Par ailleurs, nous appellerons rgyalrong oriental la langue que J. Sun désigne comme situ 四土話, suivant l’expression chinoise dongbu fangyan 東部方言. Le terme situhua ne désigne en effet au sens strict que le dialecte de ‘Bar-khams. Il exclut les formes de rgyalrong oriental parlé dans les autres régions (bTsan-lha, bKra-shis-gling, Chu-chen etc.) Concernant l’organisation du Stammbaum, nous considérons le zbu (rdzong-‘bur, Ribu 日部) et le tsho-bdun (Caodeng 草登), que J. Sun regroupe sous un clade sidaba / stod-pa comme deux langues indépendantes : rgyalronguique zbu / rdzong-‘bur tshobdun / japhug / caodeng 草登 chabao 茶堡 rgyalrong oriental / ribu 日部 Tableau 2 : Stammbaum des langues rgyalronguiques (n’incluant pas le lavrong et le horpa) Ces quatre langues sont parlées dans le district de ‘Bar-khams / Maerkhang 馬爾康 縣 (mbarkʰom) dans la préfecture de rNga-ba / Aba 阿壩州; seul le rgyalrong oriental est 5 parlé par une population importante dans d’autres districts. Voici la distribution géographique plus précise de ces langues : z zbu Le zbu est parlé dans les cantons de rDzong-‘bur / Ribu 日部 (zbɯ) et Khang-gsar / Kangshan 康山 (tawi). Nous employons le nom rgyalrong de cet endroit plutôt que le nom tibétain, car le nom tibétain semble être une corruption de la forme rgyalrong. Selon Sun (2000a), cette langue serait également parlée dans le district de ‘Dzam-thang / Rangtang 壤塘 (ndzamtʰaŋ) et le district de rNga-ba / Aba 阿壩縣 (rŋawa). La variété étudiée dans cette thèse est le dialecte de bKur-bsam 果爾桑 (appelé fkərsɐ́m en zbu). Nous avons étudié ce dialecte auprès de ‘Jigs-thar 牛燈爾(ndʑəxtʰar). z tshobdun Le tshobdun est parlé dans le canton de tsho-bdun 草登 (mtshoβdɯn) et dans un village tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 du canton de gDong-brgyad / Longerjia 龍爾甲 (ʁdɯrɟɤt). Nous n’avons aucune donnée de première main sur cette langue, et par conséquent nous ne nous en sommes quasiment pas servi dans cette thèse. z japhug Le japhug est parlé dans les cantons de gDong-brgyad / Longerjia 龍爾甲 (ʁdɯrɟɤt), gSar-rdzong / Shaerzong 沙爾宗 (sarndzu) et Da-tshang / Dazang 大藏 (tatsʰi). Le nom japhug vient de la rivière qui passe par gSar-rdzong et Da-tshang (en tibétain Ja-phug, japhug tɕɤpʰɯ). Ce nom ne s’applique pas traditionnellement au canton de gDong-brgyad, dont le nom traditionnel est sɤŋo, mais c’est le seul terme qui nous permet de désigner l’ensemble de la région où est parlée cette langue. La diversité dialectale maximale se concentre à gDong-brgyad. Dans cette thèse, nous utilisons pour l’essentiel deux variétés de japhug : „ le dialecte de kɤmɲɯ / ganmuniao 幹木鳥 parlé à gDong-brgyad, que nous a enseigné Tshe-‘dzin / Chenzhen 陳珍 (tsʰɯndzɯn). Elle est née en 1951. Bien qu’elle ait une très bonne maîtrise du chinois parlé et écrit, et bien qu’elle ait vécu une partie importante de sa vie à Tsho-bdun et à ‘Bar-khams, elle a gardé une remarquable capacité à ressentir les nuances grammaticales en japhug et les différences entre dialectes (elle sait parler aussi les langues de Tsho-bdun et de ‘Bar-khams). Elle emploie quotidiennement sa langue avec son mari dPal-can / Boerqing 柏爾青 (χpaltɕin)5, et ses enfants sont eux aussi bilingues. C’est le dialecte sur lequel porte l’essentiel de notre travail. Nous avons également enregistré des histoires racontées par rDo-rje mtsho (ʁdɤrʑi mtsʰu), la mère de 5 Celui-ci nous a également servi d’informateur, en particulier pour le nom japhug des oiseaux et des mammifères. 6 Tshe-‘dzin, Kun-bzang mtsho (kɯnɯβzaŋ mtsʰu), sa nièce, et andzɯn, son oncle maternel. „ le dialecte de ɬɤjaʁ / heierya 黑爾丫 parlé à gSar-rdzong, que nous avons appris de Kebei 科貝 (née en 1948). z Le rgyalrong oriental Le rgyalrong oriental est parlé sur une région très étendue. Cette langue est appelée roŋba skɤt en japhug du tibétain rong-ba-skad « langue des agriculteurs »6. Le rgyalrong oriental est divisé en quatre dialectes plus ou moins intercompréhensibles : „ bTsan-lha / Xiaojin 小金 (tsanla) „ Chu-chen / Jinchuan 金川 (tɕʰɯtɕin) „ ‘Bar-khams / Maerkang 馬爾康 (mbarkʰom) „ bKra-shis-gling / Lixian 理縣 (kʰusripɯ). tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Le parler de ‘Bar-khams est appelé en chinois situhua 四土話, la langue des quatre rois (tusi 土司 / rgyalpo) : „ So-mang / suomo 梭磨 (sɤmŋo) „ Kyom-kyo / jiaomujiao 腳木足7 (comuco) „ rDzong-‘gag / rDzi-‘gag / songgang 松崗 (rzɯɴɢaʁ). „ Cog-tse / lCog-rtse / mChog-rtse / zhuokeji 卓克基 (tsoχtsi) Ces quatre rois étendaient leur pouvoir sur l’ensemble de la région actuelle du district de ‘Bar-khams. Le rgyalrong oriental servait de lingua franca dans la région jusqu’en 1949, et dans les régions où le japhug, le tshobdun ou le zbu étaient parlés, les hommes étaient tous capables de parler le rgyalrong oriental. Le dialecte de ‘Bar-khams se divise en plusieurs variétés, dont les mieux étudiées sont celles de Cog-tse et de So-mang. Ces sous-dialectes sont très proches les uns des autres, et ne se distinguent que par quelques mots, et peut-être aussi par certains détails dans le fonctionnement de l’alternance de thème verbal. Les variétés dialectales ne correspondent pas nécessairement aux frontières administratives, mais trop peu d’informations sont actuellement publiées pour établir une carte dialectologique du rgyalrong oriental. Ayant effectué l’essentiel de notre terrain à ‘Bar-khams, où le rgyalrong oriental est la langue locale, et bien que nous n’avons pas effectué d’étude spécifique sur cette langue, nous avons pu néanmoins directement vérifier avec les locuteurs de ces langues 6 Le terme roŋba en japhug ne veut pas dire « agriculteur » (on utilise pour cela roŋwa, un emprunt dérivé du même mot tibétain), il désigne spécifiquement les locuteurs du rgyalrong oriental; c’est étrange si l’on considère que l’ensemble de la région rGyalrong est foncièrement une zone d’agriculture, et que de ce fait, tout le monde est rong-ba. 7 Le nom chinois s’écrit 腳木足 jiaomuzu mais se prononce jiaomujiao. L’explication des gens de la région est que ceux qui ont transcrit ce nom en chinois ne voulaient pas écrire deux fois un même caractère dans le même mot et ont donc sciemment évité l’orthographe 腳木腳. 7 certaines données déjà publiées. 1.3 Histoire des études rgyalrong Les travaux les plus anciens sur les langues rgyalrong remontent au XVIIIème siècle : un document du bureau impérial des traducteurs (huayiyiyu 華夷譯語) contient près de 800 mots dans dix langues du Sichuan, transcrits en tibétain et en chinois. Sur ces dix langues, l’une appartient au groupe rgyalronguique. Ce document remarquable a été publié et partiellement étudié par Sun Hongkai 孫宏開 et Nishida Tatsuo 西田龍雄 (1990). Les études occidentales des langues rgyalrong ont commencé par les travaux de Hodgson (1853) sur une variété de rgyalrong horpa, von Rosthorn (1894), Laufer (1916), Edgar (1932), Wolfenden (1936) et Migot (1957). Les travaux de ces auteurs sont très tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 limités et difficilement réutilisables. Par la suite, une tradition chinoise d’études rgyalrong a vu le jour avec Wen You 聞 宥(1943, 1945ab), Jin Peng 金鵬 (1949), et Jin et al. (1957-8) : ce sont les premiers travaux où une langue rgyalronguique est transcrite fidèlement en alphabet phonétique international et où l’existence de tons est remarquée. Au cours des années 50, une vingtaine de dialectes rgyalrong ont été étudiés par l’équipe de recherche dirigée par Jin Peng. Ces données monumentales n’ont malheureusement pas été publiées jusqu’à ce jour, sauf partiellement dans les travaux de Lin Xiangrong et Qu Aitang, mais une publication électronique est en projet8. A cette période se rattache aussi Chang (1968) une publication tardive de données récoltées à la même époque que Wen You et Jin Peng. Chang et Chang (1975) est la première tentative de reconstruction du proto-rgyalronguique, sur la base du terrain d’un des auteurs et des autres données publiées. Cet article souffre de deux limitations : d’une part, les auteurs ne disposaient que de données sur des dialectes du rgyalrong oriental relativement proches les uns les autres ; d’autre part, ils avaient une volonté de comparer de façon forcée l’ensemble des étymons rgyalrong avec des mots tibétains, et n’ont pas proposé de critères clairs pour distinguer cognats et emprunts pour l’ensemble du lexique. La recherche sur le rgyalrong a repris à partir du début des années 1980 : les travaux se succèdent en quelques années : Mansier (1983), Li (1980), Lin (1983, 1990, 1993), Qu (1983, 1984, 1990), bTsan-lha (1983, 1992) et Wang et Awang (1992), Nagano (1979ab, 1984), Huang Bufan (1990, 1991), Huang Liangrong (1993). Nagano Yasuhiko 長野泰彦 a travaillé sur le dialecte rgyalrong oriental de Cog-tse au Népal, et a tenté de proposer une reconstruction du proto-rgyalronguique. Pour un 8 Sun Hongkai, communication personnelle, juillet 2002. 8 compte rendu critique de son ouvrage sur le système verbal (Nagano 1984), voir Lin (2000). La reconstruction de Nagano (1979ab) ne présente pas un progrès par rapport à Chang et Chang (1975) : il souffre des deux mêmes limitations que cet article. Cet auteur a publié récemment deux articles (Nagano 2001, 2003), mais il n’a effectué de terrain sur aucune langue rgyalronguique depuis son départ du Népal : il ne présente rien de nouveau par rapport à son ouvrage de 1984. bTsan-lha Ngag-dbang Tshul-khrims 阿旺措成 a écrit plusieurs articles (bTsan-lha 1983, 1992) sur le rgyalrong oriental de bTsan-lha, sa langue maternelle, qu’il transcrit en alphabet tibétain, ainsi qu’un livre en chinois (Wang et Awang 1992) où il utilise également l’API en plus de l’écriture tibétaine. Son travail a beaucoup d’influence auprès des intellectuels tibétains, car il tente de démontrer que le rgyalrong est un dialecte du tibétain. Même si sa transcription et sa description grammaticale souffrent de ses a-prioris tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 guidés par des considérations extra-linguistiques, son travail a le mérite de présenter des comparaisons entre le tibétain ancien (celui des textes de Dun-huang et des inscriptions sur les rdo-ring) et le rgyalrong, dont certaines ont été reprises dans cette thèse. Cet auteur est un érudit qui connait profondément le tibétain ancien, dont il a publié un dictionnaire (bTsan-lha 1997). Par ailleurs, Ngag-dbang Tshul-khrims a servi à P.Mansier comme informateur ; ce dernier en a tiré une thèse (Mansier 1983). Li Fanwen 李範文 (1980) propose une comparaison préliminaire du vocabulaire et de la grammaire du rgyalrong oriental et du rgyalrong horpa avec le tangoute. Les travaux de Lin Xiangrong 林向榮, Qu Aitang 瞿靄堂 et de Huang Bufan 黃布凡 se distinguent de tous les précédents en cela que ce sont les premiers à présenter des données sur des langues rgyalronguiques autres que le rgyalrong oriental de façon extensive. Lin (1993) est la première grammaire d’une langue rgyalronguique, le rgyalrong oriental de Cog-tse, qui est la langue maternelle de cet auteur. Cet ouvrage contient une grande quantité de données sur les langues rgyalronguiques de toutes les branches, ainsi qu’un essai préliminaire de phonologie historique : Lin Xiangrong est le premier auteur à avoir déterminé des correspondances phonétiques entre différentes branches du rGyalrong, même s’il ne propose pas de reconstruction du proto-rgyalronguique. Un lexique de 1800 mots en rgyalrong oriental et en rgyalrong horpa est inclu dans Huang (1992). Des étudiants de Huang Bufan ont publié des travaux sur des langues rgyalronguiques : Duoerji 多 爾 吉 (1998) sur le rgyalrong horpa de dGe-shi-rtsa / Geshizha 格什扎, sa langue maternelle, et Yin Weibin 尹蔚彬 (2000, 2002) sur le lavrung de ‘Dzo-rogs / Yelong 業隆. Jackson T.-S. Sun 孫天心, à partir de 1994, a effectué des recherches sur quasiment toutes les branches des langues rgyalronguiques (Sun 1994, 1998ab, 1999, 2000ab, 2003, Sun et Shi 2002). C’est le premier chercheur à avoir découvert l’existence de 9 verbes irréguliers dans les langues rgyalronguiques et à distinguer de façon rigoureuse les alternances de thèmes des phénomènes d’Umlaut. A sa suite, plusieurs étudiants en linguistique à l’université Qinghua à Taiwan ont produit des travaux de qualité remarquable sur le rgyalrong oriental de Cog-tse (Hsie Feng-fan 謝豐帆 1998,1999, Lin Youjing 林幼菁 2000, 2002, 2003, Wei Jiewu 韋介武 2001) et sur le japhug (Lin et Luo 2003). Notre étude du système verbal du japhug a profité considérablement de ces travaux. Yang Dongfang 楊東方, locuteur natif du dialecte de Cog-tse, l’informateur de Hsie Fengfan, Lin You-jing et Wei Jiewu, est en train de préparer un recueil de chansons traditionnelles en rgyalrong oriental (skor-bro gzhas 鍋莊歌). Mei Guang 梅廣, un autre chercheur de Taiwan, a également écrit plusieurs travaux non publiés sur la morphologie verbale du rgyalrong oriental (Mei 2001, 2002). Parallèlement, Marielle Prins travaille sur le rgyalrong oriental de Kyom-kyo ainsi que tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sur les textes en rgyalrong oriental ancien. Elle a présenté un travail sur ces textes (Prins 2003). Récemment, un dictionnaire de rgyalrong oriental (Huang Liangrong 黃良榮 et Sun Hongkai 孫宏開 2002) est paru. C’est le premier dictionnaire d’un langue rgyalronguique, et il contient davantage de mots que Lin (1993) ou Hsie (1999). Malheureusement, ce dictionnaire est organisé dans l’ordre chinois – rgyalrong, ce qui rend la recherche d’un mot particulier souvent aléatoire. Ce dictionnaire contient par ailleurs beaucoup de répétitions, la transcription n’est pas toujours consistante, la flexion verbale n’est pas indiquée, il ne distingue pas les phonèmes /a/ et /ɐ/ ainsi que les séries de palatales et d’alvéolo-palatales, et il contient des mots du vocabulaire moderne qui sont tous des emprunts chinois récents sans intérêt. Toutefois, il a l’avantage de donner des phrases d’exemple. Cet ouvrage se présente comme un dictionnaire du dialecte cogtse, mais le dialecte décrit est en fait le somang. Ce dictionnaire est la source principal du rgyalrong oriental utilisé dans cette thèse, mais les travaux de Hsie (1999) et Lin (2000, 2003) seront utilisés également pour parer à ses insuffisances. Bien que ces travaux traitent du dialecte de cogtse, la différence entre les deux dialectes est suffisamment minime pour que cela ne pose pas de problème (les rares cas où ces deux dialectes diffèrent seront indiqués systématiquement dans ce travail). 1.4 Structure de la thèse La présente thèse est un essai de phonologie et de morphologie descriptive et historique de la langue japhug. Les chapitres 2,3 et 4 sont consacrés à la phonologie. Dans le chapitre 2, nous proposons une analyse synchronique de la structure de la syllabe en japhug de kɤmɲɯ. Ensuite, nous abordons l’étude historique du japhug : le chapitre 3 est consacré aux 10 emprunts tibétains en japhug, et le chapitre 4 consiste en une comparaison des dialectes japhug entre eux et avec deux autres langues rgyalronguiques : le zbu et le rgyalrong oriental de So-mang. Nous avons donc d’abord effectué une étude approfondie des couches d’emprunts puis établi des critères explicites et exhaustifs pour distinguer les emprunts des cognats, afin de traiter séparément le vocabulaire emprunté au tibétain et le vocabulaire proprement rgyalronguique en japhug. Dans le chapitre 4, nous proposons une reconstruction préliminaire du proto-rgyalronguique et nous mettons en évidence les changements phonétiques qui se sont produits entre le proto-rgyalronguique et le japhug. Les quatre chapitres suivants traitent de la morphologie verbale : le chapitre 5 propose une description et une reconstruction de la morphologie flexionnelle, le chapitre 6 traite de la morphologie dérivationnelle, le chapitre 7 traite des verbes contractes (une classe de verbes irréguliers) et le chapitre 8 est consacré à la nominalisation. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Décrire la phonologie ou la morphologie verbale du japhug indépendamment l’une de l’autre aurait été impossible, et c’est pourquoi nous avons regroupé ces deux thèmes majeurs dans cette thèse. En effet, la phonologie ne peut être comprise que si l’on prend en compte les alternances morphophologiques observées dans la conjugaison : „ La réduplication partielle (chapitre 5 et 6) nous donne des informations capitales sur la structure des groupes de consonnes (chapitre 2). „ Les alternances de thème verbal et les séries de préfixes directionnels (chapitre 5) nous informent sur le vocalisme de la proto-langue (chapitre 4). „ La formation des verbes contractes fait intervenir des phénomènes phonologiques très particuliers, tels que la fusion des voyelles (chapitre 7). „ Un des critères employés pour distinguer emprunts et cognats (chapitre 3) est la présence de morphologie tibétaine dans certaines formes verbales (par exemple, le préfixe b- de passé). Or, pour prouver que c’est là un critère valide pour montrer qu’on mot est un emprunt, il est nécessaire de prouver que les affixes en question n’existent pas en japhug : une description complète de la morphologie verbale est donc nécessaire (chapitre 5 et 6). La morphologie nominale, en revanche, interagit peu avec la phonologie, car peu d’alternances morphophonologiques y sont présentes. C’est pourquoi nous avons jugé plus profitable de nous concentrer exclusivement sur la morphologie verbale dans cette thèse. 11 2 Phonologie Les langues rgyalronguiques sont connues pour leur riche inventaire de phonèmes consonantiques et leurs groupes de consonnes initiaux nombreux et complexes. Dans ce chapitre, nous présenterons tout d’abord un modèle de la syllabe dans la langue étudiée. Ce modèle est basé sur un phénomène morphophonologique de la langue, la réduplication partielle, dont le fonctionnement permet de distinguer différents types de consonnes dans les groupes initiaux. Ensuite, nous établirons la liste des phonèmes consonantiques de la langue, puis tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 nous étudierons le fonctionnement des groupes de consonnes initiaux. Enfin, à la fin de ce chapitre nous aborderons les voyelles et les rimes, dont l’analyse pose moins de difficultés que celle des groupes de consonnes initiaux. 2.1 La syllabe et la réduplication partielle Nous allons présenter dans cette section une analyse de la structure de la syllabe en rgyalrong de kɤmɲɯ. Un processus morphophonologique important de la langue nous servira de fondement dans notre analyse des différents types de positions consonantiques initiales : il s’agit de la réduplication partielle9. Sur cette base, nous proposerons une analyse des groupes de consonnes en japhug. Par ailleurs, à l’intention des tibétologues, une comparaison avec la terminologie traditionnelle de la grammaire tibétaine est proposée pour clarifier le propos. En rgyalrong japhug de kɤmɲɯ, on trouve au maximum trois consonnes à l’initiale et une consonne finale. Seule une voyelle est admise par syllabe. Le groupe formé par la voyelle et la consonne finale est appelé rime. Dans une représentation traditionnelle en C (consonne) et V (voyelle), où les positions optionnelles sont indiquées entre parenthèses, la structure de la syllabe en japhug ne pose pas de problème : elle peut se résumer comme (C)(C)C(C)V(C). Si la structure de la rime ne pose pas d’ambiguïté, en revanche les consonnes qui précèdent la voyelle ont des propriétés différentes selon leur position. Il est donc 9 La réduplication partielle s’applique parfois à la première syllabe du verbe, parfois à la dernière syllabe de la racine du verbe, et a un grand nombre de fonctions variées. Voir les sections 5.4.4 p.392, 6.7 p.413, et 8.3.4 p.461 pour une description des diverses fonctions de ce procédé morphophonologique ; il n’est attesté que dans la morphologie verbale. 12 nécessaire de trouver un moyen objectif de distinguer ces différentes positions et de leur attribuer un nom. Nous nous servons pour cela de la réduplication partielle. La réduplication partielle transforme une syllabe en deux syllabes, dont le second membre est semblable à la syllabe de base, mais dont le premier membre subit deux changements : sa voyelle et la consonne qui la suit éventuellement est remplacée par -ɯ, et parfois la consonne précédant la voyelle tombe (il faut pout cela qu’il y ait au moins deux consonnes initiales). En utilisant un gabarit simple en C et V, on peut représenter ce processus de la façon suivante avec une syllabe de base à deux ou trois consonnes initiales. Nous illustrons aussi nos gabarits par des exemples10 : (1) a) CCVC Æ Cɯ-CCVC tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 mbro Æ mbɯ-mbro b) 11 CCVC Æ CCɯ-CCVC spe Æ spɯ-spe c) (kɤ-spa « pouvoir ») CCCVC Æ CCɯ-CCCVC zgroʁ Æ zgɯ-zgroʁ d) (kɯ-mbro « haut ») (kɤ-zgroʁ « attacher ») CCCVC Æ CCCɯ-CCCVC fstɯn Æ fstɯ-fstɯn (kɤ-fstɯn « servir ») A partir de (1), nous pouvons définir deux types de structures d’initiales : le cas de a) et c), où la consonne directement adjacente à la voyelle tombe dans la première syllabe, et celui de b) et d), où aucune consonne ne tombe. Nous considérons que la consonne qui tombe dans la première syllabe doit donc être distinguée des autres consonnes. Nous appellerons cette position médiane. Comme le montrent les données en (1), certaines syllabes n’ont pas de médiane. La consonne précédant directement la médiane ou, dans le cas où la syllabe n’a pas de médiane, la consonne précédant la voyelle est appelée initiale. Dans le cas des syllabes ayant un groupe initial limité à une consonne, cette consonne ne tombe jamais lors de la réduplication partielle. On peut donc en conclure qu’une syllabe ne peut avoir de médiane que si elle a déjà une initiale. Les consonnes précédant l’initiale seront appelées préinitiales 12 . Le terme antépréinitiale pourra aussi être utilisé pour désigner la consonne qui précède la 10 Aucune glose n’a été insérée étant donné que la fonction de la réduplication ne nous concerne pas pour ce chapitre. 11 Nous montrerons dans la section sur les groupes initiaux que les prénasalisées sont des phonèmes uniques et non des groupes nasale + occlusive. 12 Dans la terminologie de Venneman (1988 : 10), les préinitiales sont appelées prependix. 13 préinitiale dans le cas de type d). Les antépréinitiales sont rares, et elles ont deux origines : d’une part, des emprunts tibétains (on pourra consulter la liste de ces mots en 2.3.2.1 dans le Tableau 12) et d’autre part, quelques rares groupes se trouvant dans certains mots natifs tels, que mpɕ- ou jmŋ-, qui demandent une explication historique particulière. L’idée de distinguer préinitiale, initiale et médiane est inspirée de la grammaire tibétaine traditionnelle et de la phonologie historique du chinois. Dans la suite de ce travail, nous présenterons des formules pour représenter les gabarits des syllabes en utilisant des lettres symbolisant chacune des positions dans la syllabe : C (consonne : préinitiale, initiale et finale), M (médiane), V (voyelle). Ainsi, en reprenant les exemples de (1) avec cette notation, nous obtenons : (2) a) CMVC Æ Cɯ-CMVC tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 mbro Æ mbɯ-mbro b) (kɯ-mbro « haut ») CCVC Æ CCɯ-CCVC spe Æ spɯ-spe c) (kɤ-spa « pouvoir ») CCMVC Æ CCɯ-CCMVC zgroʁ Æ zgɯ-zgroʁ d) (kɤ-zgroʁ « attacher ») CCCVC Æ CCCɯ-CCCVC fstɯn Æ fstɯ-fstɯn (kɤ-fstɯn « servir ») Notre terminologie peut se comparer partiellement à celle des grammairiens tibétains. En effet, malgré quelques différences, rgyalrong et tibétain ancien ont une structure syllabique proche du point de vue typologique. Ainsi le terme initiale correspond au ming-gzhi « lettre de base », la médiane correspond au ‘dogs-can yi-ge « lettre accrochée au bas », la préinitiale correspond à la fois au sngon-’jug « lettre préfixée » ou au mgo-can yi-ge « lettre superfixe », et la finale correspond au rjes-’jug « lettre suffixée ». Etant donné que le japhug n’admet pas plus d’une consonne finale, il n’y a pas d’équivalent au yang-rjes « lettre post-suffixée » dans notre terminologie. On peut illustrer cette comparaison en analysant un emprunt tibétain en japhug, la syllabe zgroʁ de kɤ-zgroʁ « attacher » selon notre terminologie et le mot tibétain d’origine sgrog « attacher » selon la terminologie traditionnelle : z g r o ʁ préinitiale initiale médiane voyelle finale s g r o g mgo-can ming-gzhi ‘dogs-can japhug tibétain classique dbyangs rjes-’jug Tableau 3 : Comparaison de notre terminologie avec la terminologie tibétaine traditionnelle Du point de vue de la phonologie historique du chinois, ce que nous appelons initiale 14 correspond au terme 聲母 shengmu, la médiane correspond au 介音 jieyin ou 韻頭 yuntou, la finale correspond au 韻 尾 yunwei. Il n’y a toutefois pas de terme correspondant à la préinitiale. Le cas des deux syllabes fstɯn et frtɤn qui ont deux préinitiales est simple, puisqu’il s’agit d’emprunts au tibétain : dans brtan, /t/ est considéré comme l’initiale ming-gzhi, /r/ est préinitiale mgo-can, et /b/ est aussi préinitiale sngon-’jug. En japhug, nous analysons de la même manière frtɤn avec /t/ comme initiale, /r/ comme préinitiale et /w/ comme antépréinitiale. Ce que nous appelons antépréinitiale est donc, du point de vue de la grammaire tibétaine, un sngon-’jug précédant un mgo-can (le sngon-’jug seul étant considéré comme préinitiale). Ce type de sngon-’jug en tibétain classique est toujours un /b/. En rgyalrong, de même, les antépréinitiales que nous trouvons dans ces deux emprunts sont des tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 allophones f- du phonème /w/. Il est notable qu’on ne trouve aucun exemple de syllabe ayant à la fois une antépréinitiale et une médiane ; un groupe de ce type aurait 4 consonnes différentes. Il n’est pas clair si cela est dû à une contrainte phonologique ou simplement à un hasard du fait de la rareté de tels groupes. Maintenant que la structure de la syllabe a été explicitée et analysée, nous allons décrire l’inventaire des phonèmes consonantiques du japhug. 2.2 Phonèmes consonantiques initiaux On distingue en japhug 49 phonèmes consonantiques. Dans cette section, nous allons prouver la distinctivité de chacun de ces phonèmes. Comme ils apparaissent tous en position initiale telle que nous l’avons définie dans la section précédente, nous n’aborderons ici les phonèmes consonantiques que dans cette position. Pour être sûr d’avoir affaire à des phonèmes initiaux, nous ne considèrerons ici que les syllabes n’ayant qu’une seule consonne initiale. Les autres positions seront vues dans les sections ultérieures : antépréinitiales, préinitiales et médiales seront étudiées dans la section sur les groupes initiaux, et les finales seront abordées dans la section sur les rimes. Nous fournirons des paires minimales entre les phonèmes ayant le même lieu d’articulation, et avec d’autres phonèmes ayant un autre lieu d’articulation lorsqu’ils présentent une ressemblance acoustique (par exemple, nous donnerons des exemples des paires /w/ :: /ɣ/, /ɕ/ :: /ʂ/ et /l/ :: /r/). Dans tout ce travail, nous donnons des exemples de phonèmes initiaux de syllabe et non de mots, car la plupart des mots rgyalrong étant préfixés, il eût été impossible de trouver des exemples de paires minimales en utilisant des mots non-préfixés. Nos exemples sont donc pour la plupart précédés de préfixes ayant un vocalisme -ɯ ou -ɤ. En 15 revanche, nous n’avons pas accepté parmi nos exemples de syllabes précédées d’une syllabe fermée. Ainsi le mot mthɯrnda « rênes13 » n’a pas été pris en compte dans nos paires minimales faisant intervenir des dentales, car ce mot peut se syllabifier soit comme mthɯr-nda (où /r/ est en position finale de la première syllabe), soit comme mthɯ-rnda (où /r/ est en position préinitiale de deuxième syllabe) ce qui fait que ce mot n’est pas un exemple sûr de syllabe à initiale nd- sans préinitiale. On remarque qu’à la différence de la plupart des langues rgyalronguiques, l’occlusive glottale n’est pas un phonème dans la langue étudiée. Une justification de l’analyse des prénasalisées comme étant des phonèmes et non des composés de deux phonèmes ne pourra être présentée que dans la section 2.3.2.9.2. Toutefois, nous ne risquons pas de commettre un raisonnement circulaire en procédant de cette manière, car l’ensemble de notre travail jusqu’à ce chapitre resterait valable tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 même si ces phonèmes étaient analysés comme des groupes de consonnes. labiales apicales dentales alvéolo- dorsales rétroflexes palatales vélaires uvulaires palatales occlusives sourdes p t c k q occlusives sourdes pʰ tʰ cʰ kʰ qʰ b d ɟ g mb nd ɲɟ ŋg ɲ ŋ aspirées occlusives voisées occlusives prénasalisées affriquées sourdes ts tɕ tʂ affriquées aspirées tsʰ tɕʰ tʂʰ affriquées sonores dz dʑ dʐ ndz ndʑ ndʐ affriquées prénasalisées occlusives nasales m n fricatives sourdes s ɕ fricatives sonores z ʑ sonantes non-nasales latérale aspirée w l ʂ r ɴɢ x χ ɣ ʁ j ɬ Tableau 4 : Les phonèmes consonantiques. 2.2.1 Les labiales Les paires minimales suivantes permettent de démontrer la distinctivité de chacun 13 Emprunt du tibétain mthur mda, mot de même sens. 16 des phonèmes labiaux entre eux : (3) Avec la rime -ɯ : /p/ :: /pʰ/ :: /b/ :: /mb/ :: /m/ :: /w/ ɯ-pɯ « enfant, intérêt » tɤ-phɯ « motte de terre » kɤ-bɯwa « porter un enfant sur le dos tɯ-mbɯ « sexe masculin » tɯ-mɯ « ciel » khɤwɯ « troisième étage d’une maison traditionnelle » tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (4) Avec la rime –oʁ : /p/ :: /pʰ/ :: /b/ :: /mb/ :: /m/ :: /w/ kɤ-nɯpoʁ « embrasser (un enfant) » kɤ-pʰoʁ « puiser de l’eau » tɯ-boʁ « troupeau » kɤ-mboʁ « exploser » kɤ-moʁ « manger de la rTsam-pa » qa-woʁ « grotte » Le phonème /b/ en initiale de syllabe est très rare. On ne le trouve dans nos données que sept mots ayant /b/ dont cette position : buka « mycose du pied », tɯ-boʁ « troupeau », ɕkɤbɯ « brioche aux poireaux », bɤβ « son d’un objet que l’on jette par terre de toute ses forces », bɤlqhoʁ « tortue », bɯlɯbali « qui ne respecte pas l’avis des autres », kɤ-bɯwa « porter un enfant sur le dos » et bɤbɤβ « en touffe (champignons) » On peut démontrer que /w/ et /ɣ/ sont des phonèmes distincts grâce aux exemples ci-dessous : (5) Avec la rime –ur : /w/ :: /ɣ/ tɯ-wur « habit de pluie » tɯ-ɣur « givre » (6) Avec la rime –a : /b/ :: /mb/ :: /w/ :: /ɣ/ bɯlɯbali « qui ne respecte pas l’avis des autres » kɯ-mba « mince » kɤ-bɯwa « porter un enfant sur le dos » kɤ-nɯɣa « acquiescer » Les rimes ayant les voyelles postérieures arrondies /u/ et /o/ n’apparaissent jamais sans consonne initiale. L’initiale w- qui s’observe dans des exemples ayant ces voyelles tels que tɯ-wur et qa-woʁ peut s’interpréter de deux façons : ou bien comme le phonème /w/ lui-même en position initiale, ou bien comme une position initiale vide. Nous choisirons ici néanmoins de l’interpréter comme une initiale vide dans ces positions. Le phonème /w/ a trois allophones, que nous marquons dans notre transcription de manière distincte : w- en position initiale et en médiane, f- en préinitiale lorsque l’initiale est sourde, et β- en finale ou en préinitiale lorsque l’initiale est sonore. 17 2.2.2 Les dentales Les paires minimales suivantes permettent de démontrer la distinctivité de chacun des phonèmes dentaux entre eux : (7) Avec la rime –a : /t/ :: /tʰ/ :: /d/ :: /n/ :: /ts/ :: /tsʰ/ :: /ndz/ :: /s/ :: /z/ :: /la/ :: /ɬa/ kɤ-ta « mettre, poser » tʰa « un instant, sinon » tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 kɤ-nɯkhada « convaincre, calmer, raisonner qqun » kɤ-nɯna « arrêter » tɯ-tsa « enclume » tsʰa « sel » tɯ-ndza « nourriture » tɯ-sa « molaire » βɣaza « mouche » kɤ-la « bouillir » ɬa « divinité » (8) Avec la rime –i : /t/ :: /tʰ/ :: /d/ :: /nd/ :: /n/ :: /ts/ :: /tsʰ/ :: /s/ :: /z/ kɤ-ti « dire » thitsuku « quoi que ce soit » tɯ-di « arc » fsɤ-ndi « après-demain » kɤ-rɯmani « réciter des maṇi » tɯ-tsi « longévité » kɤ-tshi « boire » si « bois » mɯzi « poudre à canon » (9) Avec la rime -ɯr : /dz/ :: /ndz/ dzɯr « poli et éduqué (mouvements) » ndzɯr naʁ « guêpe » Deux phonèmes parmi les dentales sont particulièrement rares : /dz/ et /ɬ/. On ne rencontre que deux exemples de /dz/ : dzɯr « poli et éduqué » et kɤ-ɣɤdzɯlɯt « s’agiter » (et les dérivés de ce dernier verbe tels que kɤ-sɤdzɯlɯt « agiter »). /ɬ/ est moins rare, on en trouve au moins onze exemples (sans compter les dérivés réguliers des verbes), les cinq premiers étant des emprunts au tibétain : ɬopɕoʁ « sud », ɬa « divinité », ɬarɯɣ « de race divine », ɬaχpo « avoir envie, mais ne pas pouvoir (Adv.) », ɬɤftsɤs « endroit sur le toit où l’on plante un rlung-rta et où l’on élève un tas de silex », tɯ-ɬaʁ « tante », woɬaʁ « marâtre », kɯ-ɬɤt « se dégrader », kɤ-ɬɯt « être en désordre », 18 kɤ-ɬoʁ « sortir », ɬoʁ « devoir (V.Modal) », ɣzɯɬa « pika ». Il doit être noté que /ɬ/ est distinct en japhug de la combinaison /lx/, où /x/ est initiale et /l/ préinitiale. On ne trouve que trois exemples de ce groupe initial : kɤ-lxɤj « être négligés (habits) », lxɤβ-lxɤβ « épais et peu pratiques (habits) » et lxɯ-lxi « maladroit ». On ne trouve pas de paire minimale entre /ɬ/ et /lx/, mais il est probable que cette absence est fortuite, une conséquence du peu d’exemples du phonème /ɬ/ et du groupe /lx/. 2.2.3 Les alvéolo-palatales et les rétroflexes Suivant la tradition établie par Jin Peng (1949, 1956) et Lin Xiangrong (1993), beaucoup de spécialistes du rgyalrong notent les alvéolo-palatales <ɕ> et <ʑ> (ou laminales post-alvéolaires palatalisées) avec les symboles pour les palato-alvéolaires <ʃ> tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 et <ʒ> (ou laminales post-alvéolaires bombées14). Nous avons fait le choix de suivre strictement l’alphabet phonétique international dans notre transcription. Les sons que nous appelons « rétroflexes » sont prononcés comme les initiales <zh> <ch> <sh> du chinois mandarin (selon leur notation en pinyin), qui selon Ladefoged et Maddieson (1996 : 154) sont non pas des rétroflexes au sens propre du terme mais des laminales post-alvéolaires plates (laminal flat postalveolars). La notation qu’ils proposent pour ces sons est <ṣ> pour la fricative sourde et <ẓ> pour la sonore. Pour rendre notre travail plus accessible et en l’absence de données palatographiques, nous conserverons le terme « rétroflexe » pour toute la suite de ce travail ainsi que les symboles <ʂ> et <ʐ>. Les séries alvéolo-palatales et rétroflexes ont ceci de commun qu’elles ne comportent pas d’occlusives simples, mais seulement des affriquées. On note deux trous dans la distribution des rétroflexes : d’une part, /ʂ/, à la différence de /s/ et /ɕ/, n’a pas d’équivalent sonore */ʐ/. D’autre part, /r/ n’a pas de version aspirée */r̻/, à l’inverse de /l/ qui s’oppose à /ɬ/. Les paires minimales suivantes permettent de démontrer la distinctivité de chacun des phonèmes alvéolo-palataux et rétroflexes entre eux : (10) Avec la rime –a : /tɕ/ :: /tɕʰ/ :: /ndʑ/ :: /ɕ/ :: /ʑ/ :: /tʂ/ :: /tʂʰ/ :: /ndʐ/ :: /ʂ/ :: /r/ tɕa kɯɣ « sac pour feuilles de thé » tɯ-tɕʰa « information » ndʑa « arc-en-ciel » ɕa « viande crue » ʑatsa « bientôt » tʂapa « rez-de-chaussée où habitent les cochons » 14 En anglais : laminal domed post-alveolar (Ladefoged et Maddieson 1996 : 154). 19 tʂʰa « thé » tɕʰi ndʐa « comment, pourquoi » kɯ-ʂa « capable » kɯ-ra « devoir » (11) Avec la rime -ɯɣ : /tɕ/ :: /dʑ/ :: /ndʑ/ :: /ɕ/ :: /ʑ/ :: /tʂ/ :: /dʐ/ :: /r/ tɯ-tɕɯɣ « germe » tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 kɯ-ɣɤdʑɯɣdʑɯɣ « être maquillé excessivement » tɤ-ndʑɯɣ « résine de pin » ɕɯɣ ra « crible à gros trous » ʑɯɣ sa « siège (honorifique) » tʂɯɣ pa « sixième mois » dʐɯɣ dʐɯɣ « fort (thé) » rɯɣ pa « mémoire » On peut par ailleurs démontrer que /r/ et /l/ sont des phonèmes distincts grâce à la paire suivante : (12) Avec la rime –u : /l/ :: /r/ tɤ-lu « lait » tɤ-ru « chef de village » Parmi ces phonèmes, trois sont particulièrement rares et ne se trouvent que dans les emprunts tibétains, les onomatopées et les idéophones : /dʑ/, /dʐ/ et /ʂ/. On trouve deux exemples de /dʑ/ : kɯ-ɣɤdʑɯɣdʑɯɣ « être maquillé excessivement » et dʑɤr-dʑɤr « debout tout droit » et trois exemples de /dʐ/ : dʐɯɣdʐɯɣ « fort (thé) », dʐɯβdʐɯβ « tendre et charnue (plante) », rtsɯdʐɯɣ « compte ». Il n’existe pas de paire minimale entre /dʐ/ et /ndʐ/. /ʂ/ est représenté par cinq exemples : kɯ-ʂa « être capable », om-mani-pɤnme-χ oŋ-ʂi « un mantra », ʂɯt « bruit que fait un oiseau en s’envolant », ʂaʁ kɤ-ta « se brûler (au fer rouge) » kɤ-sɤʂɤʂɤt « écrire, lire un soutra de manière très courante ». Les rétroflexes et alvéolo-palatales ne peuvent pas être considérées comme des groupes composés respectivement de [dentale + /r/], et de [dentale + /j/]. Le comportement de ces deux séries d’affriquées dans les réduplications partielles permet de prouver qu’elles se comportent comme des initiales simples et non comme des groupes. Ainsi kɯ-xtɕi « petit » se réduplique comme kɯ-xtɕɯ-xtɕi (réduplication radicale) et non *kɯ-xtɯ-xtɕi comme on l’attendrait si /tɕ/ pouvait s’analyser comme /t/ + /j/. De même, kɤ-nɯrɯtʂa « envier » se réduplique comme kɤ-nɯrɯtʂɯ-tʂa « s’envier les uns les autres » (réduplication radicale à valeur réciproque : se reporter aux sections 6.7 p.413 et 7.2.3 p. 432) et non *kɤ-nɯrɯtɯ-tʂa comme ce devrait être le cas si /tʂ/ pouvait s’analyser 20 comme /t/ + /r/. S’il n’existe pas de groupes tels que */tj-/ ou */tr/ en japhug, on trouve un unique exemple de /dr-/ : drɯβ-drɯβ « plein de saletés (eau) ». Cet exemple confirme notre analyse sur l’impossibilité d’analyser les rétroflexes comme [dentales + /r/]. On trouve aussi un exemple de /tʰj/ : ltʰjɤ-ltʰjɤt « propre et bien repassé (habit) », qui fait paire minimale avec ltɕʰɤ-ltɕʰɤt « pendre (de fils ou de céréales en touffes) » et un exemple de /ndj/ : ndjɤ-ndjɤt « altière et svelte (allure d’une femme)». Avec affriquées et fricatives, on a les mots ɯ-χtsiɯ « moitié » et χsiu « peau de serpent » où [i] est un allophone de /j/. 2.2.4 Les palatales Les palatales sont souvent notées <cç>, <cçʰ> et <ɟj> par les linguistes de Chine tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 continentale, mais nous nous contenterons des graphies simples <c>, <cʰ> et <ɟ> pour désigner ces phonèmes, comme dans Sun (2003a : 490). Les paires minimales suivantes permettent de démontrer la distinctivité de chacun des phonèmes palataux entre eux : (13) Avec la rime -ɤr : ɟɤr « colle » ɲɟɤr-ɲɟɤr « dodu » (14) Avec la rime –o : /ɟ/ :: /ɲɟ/ /c/ :: /cʰ/ :: /ɲɟ/ :: /ɲ/ :: /j/ zgo co « vallée » cʰo « et (conjonction) » kɯ-ɲɟo « être abîmé » kɯ-ɲo « déjà préparé » qa-jo « récipient en terre utilisé pour faire du thé » (15) Avec la rime –aʁ : kɤ-caʁ « célèbre » tɯ-pɤcʰaʁ « nombril » kɤ-ɣɤɟaʁ « cajoler » kɯ-ɲaʁ « noir » tɯ-jaʁ « main » /c/ :: /cʰ/ :: /ɟ/ :: /ɲ/ : /j/ Le dialecte de Somang décrit dans le dictionnaire de Sun et Huang (2002) ne marque pas la distinction entre palatales et alvéolo-palatales, alors que d’autres auteurs (Jin et al. 1956 et Lin 1993) ayant travaillé sur le même dialecte l’indiquent systématiquement. En japhug, cette distinction est bien conservée et ne fait aucun doute. Les paires minimales suivantes montrent la distinctivité de ces deux séries (on ne trouve pas de paire minimale pour /ɲɟ/ et /ndʑ/ uniquement) : (16) Avec la rime –a : /c/ :: /cʰ/ :: /tɕ/ :: /tɕʰ/ 21 ca « chevrotain » cʰa « alcool » tɕa kɯɣ « sac pour feuilles de thé » tɯ-tɕʰa « information » (17) Avec la rime -ɯɣ : /ɟ/ :: /dʑ/ ɟɯɣɟɯɣ « meuble (terre) » kɯ-ɣɤdʑɯɣdʑɯɣ « être maquillé excessivement » Le phonème /j/ a une réalisation spéciale -i- lorsqu’il est en médiane devant une uvulaire ou une vélaire. Ainsi, nous transcrivons ɴqiɤβ « ubac » et non *ɴqjɤβ. Les palatales ne peuvent pas être analysées comme une combinaison [vélaire + /j/] en japhug de kɤmɲɯ, même s’il est possible que cette analyse soit valide pour certaines langues de la famille. En effet, on trouve dans ce dialecte un cas d’initiale /k/ suivie d’une tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 médiane /j/ : le verbe kɤ-kio « faire glisser » (et son dérivé régulier kɤ-ŋgio « glisser »). Par ailleurs, de la même manière qu’elle permet de prouver que palato-alvéolaires et rétroflexes ne sont composées que d’un seul phonème, la réduplication partielle permet de confirmer ce même fait concernant les palatales : un préfixe tel que cʰɯ- (directionnel de série 3 : vers l’aval) sera rédupliqué cʰɯ-cʰɯ- et non *kʰɯ-cʰɯ. Il est toutefois probable qu’à un stade plus ancien de la langue au moins certains mots à palatales étaient analysables comme [vélaire+/j/], car on trouve des exemples de réduplications partielles où la palatale est rédupliquée comme une vélaire, dans les deux mots kɯ-ɣɤgɯɟaŋ et kɯ-ɣɤgɯɟɯɣ signifiant « glisser rapidement ». Enfin, on trouve un mot onomatopéique cʰiɤt « bruit de glissement » où une occlusive palatale est suivie de la médiane /j/ (sous la forme de l’allophone [i]). Ce mot montre que même les palatales peuvent être suivies de /j/, ce qui serait impossible si ce groupe d’occlusive était déjà un groupe [vélaire + /j/]. 2.2.5 Les vélaires et les uvulaires Selon Ladefoged et Maddieson (1996 : 35), les langues qui distinguent uvulaires, vélaires et vraies palatales sont très rares. Ils n’en citent guère qu’un exemple, le Jaqaru (apparentée au Quechua), dans laquelle les palatales contrastent non seulement avec vélaires et uvulaires, mais aussi avec affriquées rétroflexes et alvéolo-palatales. Le japhug est un nouvel exemple du même type, qui distingue en plus des groupes [vélaires + /j/], [uvulaires + /j/] et même [palatales + /j/]. Si l’on compte les groupes avec la médiane /j/, on a en tout sept séries différentes entre les alvéolo-palatales et les uvulaires. Le japhug est peut-être l’une des langues qui distinguent le plus de séries différentes dans cette région de la cavité buccale. Toutes les langues rgyalronguiques ont une série d’uvulaires, à l’exception du 22 rgyalrong oriental où elles se confondent avec les vélaires. On constate deux trous dans la distribution des uvulaires : elles ne comptent pas parmi elles de phonème voisé */ɢ/ , ni de phonème nasal */ɴ/ mais seulement un phonème prénasalisé /ɴɢ/. Les paires minimales suivantes permettent de démontrer la distinctivité de chacun des phonèmes vélaires et uvulaires entre eux : (18) Avec la rime –a : /k/ :: /kʰ/ :: /ŋg/ :: /ŋ/ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 /q/ :: /qʰ/ kaɣɯ « collier avec pendentif en argent » kʰa « maison » kɤ-ŋga « s’habiller » nɯŋa « vache » ɣa « oui » ɯ-qa « patte (d’animal) » kɤ-qʰa « détester » kɤ-χa « manquer un morceau » tɯ-ʁa « temps libre » (19) Avec la rime –ar : « enfermer (les animaux) » tɯ-ŋgar « tissu de laine » kɤ-qar « choisir » tɯ-ɴɢar « crachat » Avec la rime –oʁ : qʰoʁ-qʰoʁ « lingot » tɤ-ɴɢoʁ « vannerie » (21) Avec la rime -ɤɣ : /qʰ/ :: /ɴɢ/ /k/ :: /g/ :: /ŋg/ kɤ-kɤɣ « courber (Tr.) » gɤgɤɣ « instable sur ses pieds» kɯ-ŋgɤɣ « être courbé » (22) Avec la rime -ɯr : /x/ :: /ɣ/ tɯ-tɤ-xɯr « un tour » ɣɯr-ɣɯr « beaucoup de gens rassemblés » (23) Avec la rime -ɤl : :: /χ/ :: /ʁ/ /kʰ/ :: /ŋg/ :: /q/ :: /ɴɢ/ kɤ-sɤkhar (20) :: /ɣ/ :: /x/ :: /χ/ xɤl-nɤ-xɤl « marcher d’un pas assuré » χɤl-χɤl « se sentir relâché après avoir été détaché » Deux phonèmes vélaires sont particulièrement rares : /g/ et /x/. Le phonème /g/ n’est attesté à l’initiale dans le dialecte de kɤmɲɯ que par cinq exemples : gɤgɤɣ « instable sur ses pieds », gɯɣ-gɯɣ « très noir (ciel) », kɯ-ɣɤgɯgɯɣ « faire du bruit en démarrant 23 (moteur) », et les mots kɯ-ɣɤgɯɟaŋ et kɯ-ɣɤgɯɟɯɣ signifiant tous deux « glisser rapidement ». /x/ ne se rencontre que dans sept mots dans nos données : xɤl-nɤ-xɤl « marcher d’un pas assuré », xɯ-chɯ-cho « soupir de fatigue », kɯ-ɣɤxɯxɯɣ « faire du bruit en soufflant (vent) », xɯŋɤŋi « brillant », xɯŋ-xɯŋ « claire (pièce) », tɯ-tɤ-xɯr « un tour », xɯβ-xɯβ « chaud ». Il n’apparaît que devant les voyelles /ɯ/ et /ɤ/. Le phonème /ʁ/ se réalise comme une fricative pharynguale sonore [ʕ] en position finale et préinitiale devant les sonores. Nous ne notons pas ce détail dans notre transcription phonologique. 2.2.6 Conclusion Un certain nombre de phonèmes consonantiques n’apparaissent en position initiale tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 que dans quelques mots qui sont pour l’essentiel des emprunts au tibétain, des idéophones ou onomatopées. Ces phonèmes ont un statut marginal dans le système du japhug, même si leur existence est indéniable. Il faut noter que nous n’avons abordé dans cette section que les exemples où ces phonèmes apparaissent en position initiale sans médiane et sans préinitiale. Les cas où les phonèmes marginaux sont inclus dans un groupe initial seront discutés en détail dans la section suivante. Voici la liste des huit phonèmes marginaux décrits dans cette section : /b/, /dz/, /ɬ/, /dʑ/, /dʐ/, /ʂ/, /g/ et /x/. Dans ce groupe, nous trouvons tout d’abord des occlusives et affriquées voisées non-prénasalisées. Il est toutefois notable que toutes les occlusives voisées non-prénasalisées de la langue n’ont pas un statut aussi marginal : /d/ et /ɟ/ sont chacune attestées par plus d’une vingtaine d’exemples. Une explication pour cet état de fait sera présentée dans la section 4.3.3 p.310. Nous montrerons que les voisées ne sont pas héritées du proto-rgyalrong mais qu’elles sont une innovation du japhug, et que les initiales /d/ et /ɟ/ ont des origines secondaires (simplication de groupes consonantiques tels que *ld- dans le cas de /d/ et changement de *j- à /ɟ/). En ce qui concerne les deux fricatives /x/ et /ʂ/, il est notable que la marginalité du phonème /ʂ/ se manifeste dans le système du japhug non seulement par sa rareté, mais aussi par l’absence de corrélat voisé */ʐ/. Or, si /x/ semble bien avoir un corrélat sonore /ɣ/, ce dernier phonème, même s’il est une fricative voisée, a des propriétés de sonante (il peut se trouver en position médiane, comme nous le verrons dans la section suivante), et il vient d’un *w- en proto-rgyalrong. Si l’on analyse donc /ɣ/ comme une sonante vélaire, /x/ se retrouve sans corrélat sonore tout comme /ʂ/. La rareté de ces phonèmes, leur absence de corrélat voisé et l’absence de mots contenant ces phonèmes reconstructibles en proto-rgyalrong montre qu’il s’agit de développements tardifs en japhug de kɤmɲɯ. 24 2.3 Les groupes de consonnes initiaux Dans les sections précédentes, nous avons proposé une analyse de la syllabe et nous avons relevé les phonèmes consonantiques qui existent en japhug en position initiale et certaines de leurs propriétés. Dans les positions autres qu’initiales, les phonèmes subissent des neutralisations et des restrictions que nous étudierons en détail dans cette section. Nous allons aborder tout d’abord les médianes, puis nous discuterons des préinitiales. Enfin, nous aborderons le cas des syllabes pour lesquelles le test morphologique de la réduplication partielle n’est pas applicable. Nous nous fonderons sur les résultats tirés des sous-sections sur les médianes et les préinitiales non-ambiguës pour proposer une analyse de ces syllabes. En fin de section, nous ferons une synthèse de tous les groupes initiaux et nous tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 étudierons en détail la distribution des phonèmes. 2.3.1 Les médianes Dans la section sur la syllabe, nous avons défini la médiane comme la consonne qui disparaît dans la première syllabe du couple de syllabes rédupliquées lors de la réduplication partielle. Cette réduplication partielle peut être obtenue soit par réduplication de la première syllabe d’un verbe conjugué à la troisième personne singulier du non-passé (une forme où le verbe n’est pas préfixé), soit par la réduplication de la racine du verbe, notamment dans des verbes onomatopéiques tels que kɯ-ɣɤɟɯ-ɟrɯɣ « gargouiller ». Cette définition a l’avantage d’être basée sur les données internes de la langue et non sur des considérations typologiques, et d’être aisément testable, étant donné que la réduplication partielle peut s’appliquer à tous les verbes de manière productive. Toutefois, cette définition pose deux problèmes. Premièrement, certaines combinaisons de consonnes peuvent se rédupliquer de deux façons différentes : ainsi ɕlu « il va labourer » se réduplique soit comme ɕɯ-ɕlu (la forme la plus courante), soit comme ɕlɯ-ɕlu. Dans ces cas, nous considérons que ce type de syllabe est ambigu. Plusieurs structures syllabiques sont possibles pour la même syllabe : dans /ɕlu/, /l/ peut être soit initiale, soit médiane. Deuxièmement, certains groupes de consonnes ne sont pas attestés avec des verbes et le test morphologique est donc impossible. C’est le cas de /lj-/ par exemple. Ce type de cas sera traité dans une section séparée. Nous y montrerons qu’une partie de ces groupes peuvent tout de même être analysés comme initiale et médiane, mais qu’il faut pour cela tout d’abord étudier les propriétés des préinitiales avec des groupes initiaux non-ambigus auxquels le test de la réduplication est applicable. 25 L’inventaire des consonnes en position médiane en japhug est très limité. Seuls les phonèmes /w/, /l/, /r/, /j/ et /ɣ/ peuvent occuper cette position (ce sont les seules consonnes susceptibles de disparaître dans la première syllabe d’un bisyllabe rédupliqué par réduplication partielle). Dans ce chapitre nous donnons tous les cas non-ambigus de groupes initiaux avec médiane, y compris ceux qui n’apparaissent qu’avec un certain type de préinitiale (par exemple, le groupe pʰr- n’est attesté que précédé de la préinitiale m- : mpʰr-15) et pour lesquels on ne trouve donc aucun exemple d’initiale simple. Nos tableaux d’exemples incluent des paires minimales ou quasi-minimales avec des formes sans médiane dans la mesure où l’on peut en trouver. 2.3.1.1 Le phonème /w/ en médiane tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 On n’en trouve que deux cas de -w- médiane dans des racines susceptibles de se soumettre au test de réduplication : groupe exemples avec signification paire minimales : signification initial médiane lw- kɤ-lwoʁ asperger kɤ-loʁ sortir rw- kɤ-rwɤt creuser kɤ-rɤt écrire exemples sans médiane Tableau 5 : Groupes avec -w- comme médiane non-ambiguë. On trouve aussi les groupes jw-, χw-, kw-, kʰw-, [ɕ]qw-, zw-, pour lesquels aucun exemple de racine verbale n’existe. Ils seront traités dans la sous section 2.3.3. On note l’absence de groupes [labiales + /w/] dans la langue. 2.3.1.2 Le phonème /l/ en médiane On trouve sept exemples de /l/ en médiane non-ambiguë : signification signification exemples initial médiane pl- kɤ-plɯt anéantir mbl- kɤ-mblɯt être anéanti kɤ-mbɯt s’écrouler ɕl- kɤ-ɕlu labourer kɯ-ɣɤɕu frais 15 avec paires minimales : groupe exemples sans médiane Il convient de noter que mpʰ- et mp- (nasale + sourde ou sourde aspirée) sont des groupes [préinitiale + initiale], tandis que mb- (nasale + voisée) est un phonème à lui tout seul. 26 ql- kɤ-qlɯt rompre, casser qʰl- kɤ-ɕqʰlɯt sombrer ɴɢl- kɤ-ɴɢlɯt être cassé tɯ-pɯsqʰɯt estomac Tableau 6 : Groupes avec -l- comme médiane non-ambiguë. Le groupe ɕl- peut s’analyser soit comme CM-, soit comme CC- : d’une part, le /l/ peut être soit initiale, soit médiane, et d’autre part, /ɕ/ peut être soit initiale soit préinitiale (voir p. 40). Toutefois la forme rédupliquée ɕɯ-ɕlu est considérée comme la « plus courante », ce qui indique que notre informatrice préfère analyser ce /l/ comme une médiane. On trouve six groupes pour lesquels le test de la réduplication n’est pas applicable : tsl-, zl-, jl-, ŋgl-, gl- et ʁl- qui seront étudiés en 2.3.3. Quasiment tous les lieux tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 d’articulations sont compatibles avec /l/ en japhug : seules les rétroflexes, les alvéolo-palatales et les palatales autres que j- ne peuvent pas précéder ce phonème. Enfin, on doit aussi prendre en compte les groupes βl-, sl-, rl- et ɣl- où /l/ est initiale et non médiane même si β-, s-, r- et ɣ- sont des préinitiales possibles : ɣle du verbe kɤ-ɣle « frotter » se réduplique ɣlɯ-ɣle et non *ɣɯ-ɣle, et rle « il va détacher (un noeud) » du verbe kɤ-rla « détacher » se réduplique rlɯ-rle et non *rɯ-rle, βli du verbe kɤ-βli « planter » se réduplique βlɯ-βli et non *wɯ-βli, et enfin sloʁ du verbe kɤ-sloʁ « fouir (cochon ou sanglier) » donne slɯ-sloʁ et non *sɯ-sloʁ. 2.3.1.3 Le phonème /r/ en position médiane Le phonème /r/ est le plus courant parmi les phonèmes consonantiques pouvant se trouver en position médiane. On trouve dix-huit exemples de groupes présents dans des verbes et pouvant donc être soumis au test de réduplication : groupe exemples avec signification initial médiane pr- kɤ-pri déchirer pʰr- kɤ-sɤmpʰɯ-mpʰri transmettre de paire minimale : signification exemples sans médiane qapi pierre blanche génération en génération mbr- kɤ-mbri crier kɤ-mbi donner tsr- kɯ-tsri salé ɯ-tsi moment ndzr- kɤ-ndzri tordre rɟandzi bovidé noir avec une tache blanche sur la tête 27 sr- kɤ-fsroŋ protéger zr- kɯ-zri long ʑr- kɯ-ʑru grand et fort chr- kɯ-ɣɤchɯ-chrɯɣ faire du bruit en se ʑu yaourt tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 cassant (objet dur) ɟr- kɯ-ɣɤɟɯ-ɟrɯɣ gargouiller (ventre) ɟɯɣ-ɟɯɣ meuble (terre) kr- kɤ-kra faire tomber kaɣɯ pendentif kʰr- kɤ-kʰra bariolé kʰa maison gr- kɤ-zgroʁ attacher ŋgr- kɤ-ŋgra tomber kɤ-ŋga porter un habit qr- kɤ-qrɯ casser qʰr- kɤ-qʰrɯt gratter complètement ɴɢr- kɤ-ɴɢrɯ se casser Tableau 7 : Groupes avec -r- comme médiane non-ambiguë. Le groupe sr- n’est attesté dans un verbe que dans kɤ-fsroŋ « protéger ». La réduplication de ce verbe au non-passé peut s’effectuer de deux manières : soit fsrɯ-fsroŋ, soit fsɯ-fsroŋ, ce qui montre que /r/ peut être analysé soit comme médiane, soit comme initiale dans ce groupe. On doit ajouter aux groupes présentés dans le Tableau 7 les groupes [z]br-, tɕr-, ɕr-, ʁr- et jr-, pour lesquels nous n’avons pas d’exemples réduplicables et qui seront étudiés en 2.3.3. Tous les lieux d’articulation sauf les rétroflexes sont compatibles avec /r/. Dans les groupes βr- et ɣr-, /r/ est initiale : la forme βraʁ du verbe kɤ-βraʁ « attacher à un poteau » se réduplique βrɯ-βraʁ et non *wɯ-βraʁ, et la forme ɣrum du verbe ku-ɣrum « blanc » se réduplique ɣrɯ-ɣrum et non *ɣɯ-ɣrum. 2.3.1.4 Le phonème /j/ en position médiane On compte huit exemples de groupes initiaux avec -j- pour lesquels on peut démontrer que -j- est médiane et non initiale. Nous rappelons que le phonème /j/ a deux allophones : [i] après les dorsales (palatales, vélaires, uvulaires) et après les fricatives dentales /s/ et /ts/ et [j] partout ailleurs. Un certain nombre de mots empruntés au tibétain avec les groupes initiaux khy- et phy- dans cette langue correspondent au japhug kɕ- et pɕ-. On ne trouve pas d’exemples de *kʰj- en japhug, et le seul exemple de pʰj- a une préinitiale s- (voir Tableau 8), si bien qu’il n’y a aucune vraie paire minimale entre pʰj- et pɕ-. Le groupe pɕ- apparaît dans plusieurs verbes, tels que kɤ-pɕɯs « essuyer » (emprunté au passé phyis de ‘byid-pa « essuyer »). La forme au non-passé pɕɯs de ce 28 verbe se réduplique pɕɯ-pɕɯs, ce qui montre que dans ces groupes, /ɕ/ doit être considéré comme initiale et /p/ comme une préinitiale selon nos critères. Voir un complément de discussion sur ce groupe en 2.3.2.1. groupe exemples initial médiane pj- kɤ-pjɤl avec signification paires minimales : signification exemples sans médiane contourner ɯ-pɤl paume de la tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 main pʰj- kɤ-spʰjaʁ s’infiltrer mbj- kɯ-mbjom rapide zj- kɤ-βzjos étudier rj- kɤ-rju parler kɤ-ru regarder ki- kɤ-kio faire glisser kowa méthode ŋgi- kɤ-ŋgio glisser qi- kɯ-qiaβ amer ta-qaβ aiguille Tableau 8 : Groupes avec -j- comme médiane non-ambiguë. Pour le groupe rj-, on a comme seul exemple de verbe le mot kɤ-rju, mais celui-ci étant un verbe contracte (voir le chapitre 7 p.418 sur ces verbes), sa forme au non-passé arju ne permet pas de tester la réduplication. Heureusement, la forme gérondive mɤ-sɤ-rɯ-rju « en cachette » (voir 8.1.4 p.446) donne un exemple de réduplication partielle de cette même racine : rju Æ rɯ-rju et non *rjɯ-rju. On doit ajouter les neuf groupes βj-, tʰj-, dj-, (χ)tsi-, (χ)si-, lj-, chi-, ɴɢi- et ʁj- pour lesquels nous n’avons pas d’exemples réduplicables et qui seront étudiés en 2.3.3 p.53. Tous les lieux d’articulation sauf les palato-alvéolaires et les rétroflexes sont compatibles avec /j/. Dans le groupe ɣj- /j/ est initiale. On ne peut pas tester ce groupe par un verbe au non-passé, mais la forme ɯ-ju-sɤ-ɣjɯ-ɣjɤɣ « afin de le faire finir » du verbe kɤ-sɯɣjɤɣ « faire finir » nous permet d’effectuer le teste de la réduplication. Comme /j/ est rédupliqué dans la première syllabe, c’est une initiale selon nos critères. Si /j/ était une médiane, on attendrait *ɯ-ju-sɤ-ɣɯ-ɣjɤɣ (voir également 8.1.4 p.446). 29 2.3.1.5 le phonème /ɣ/ en position médiane On compte huit exemples de groupes initiaux avec -ɣ- pour lesquels on peut démontrer par le test de la réduplication que -ɣ- est médiane et non initiale : groupe exemples avec signification paire minimale : signification exemples sans initial médiane pɣ- kɤ-pɣaʁ retourner paʁ cochon pʰɣ- kɤ-pʰɣo fuir phoroʁ corvus médiane tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 macrorhynchos mbɣ- kɤ-mbɣaʁ être retourné kɤ-mbaʁ se casser tɣ- kɤ-tɣa récolter kɤ-ta mettre tsɣ- kɤ-tsɣi pourrir ɯ-tsi moment tɕɣ- kɤ-tɕɣaʁ presser kɤ-rɤtɕaʁ fouler du pied tɕʰɣ- kɤ-ntɕʰɣaʁ asperger kɤ-ntɕhaʁ rue ɕɣ- kɤ-ɕɣɤs rendre un objet tɯ-rnamɕɤs âme Tableau 9 : Groupes avec -ɣ- comme médiane non-ambiguë. Le groupe ɕɣ- peut s’analyser de deux façons. Un verbe tel que kɤ-ɕɣɤs « rendre » peut se rédupliquer soit comme ɕɣɯ-ɕɣɤs, soit comme ɕɯ-ɕɣɤs. On peut en conclure que dans ce groupe /ɣ/ peut s’analyser aussi bien comme médiane que comme initiale. Le groupe tʰɣ- est attesté avec verbe kɤ-ntʰɣar « rebondir », mais ce verbe étant contracte, sa forme au non-passé est antʰɣar et la réduplication est impossible. On compte donc 11 groupes initiaux en -ɣ- pour lesquels la réduplication n’est pas applicable : βɣ-, tʰɣ-, ndɣ-, ndzɣ-, sɣ-, ndʑɣ-, ʑɣ-, ʂɣ-, rɣ-, cɣ-, cʰɣ-. Nous étudierons ces groupes en 2.3.3. /ɣ/ n’est pas possible après les vélaires et les uvulaires, alors que c’est le seul à apparaître après une rétroflexe autre que /r/ dans le groupe ʂɣ-. Dans les trois groupes jɣ-, lɣ- et zɣ-, /ɣ/ est initiale et non médiane. La réduplication partielle radicale dans le verbe kɤ-nɤjɣɯjɣɤt « aller et revenir », où jɣɤt est rédupliqué en jɣɯ-jɣɤt et non *jɯ-jɣɤt, permet de le montrer pour jɣ-. La forme zɣɯt du verbe kɤ-zɣɯt « arriver » se réduplique zɣɯ-zɣɯt et non *zɯ-zɣɯt et la forme lɣe du verbe kɤ-lɣa « creuser » donne lɣɯ-lɣe et non *lɯ-lɣe, ce qui démontre que dans lɣ- et zɣ-, /ɣ/ se trouve en position initiale. 30 2.3.1.6 Conclusion La réduplication nous donne un moyen puissant de distinguer médianes et initiales. Nous avons vu que seuls cinq phonèmes consonantiques sont susceptibles de disparaître dans le premier membre d’une réduplication partielle : il s’agit de /w/, /l/, /r/, /j/ et /ɣ/. Ces phonèmes appartiennent à la classe des sonantes dans le Tableau 4, à l’exception de /ɣ/ qui y est classé comme une fricative sonore. Toutefois, du point du vue acoustique, il est connu que les fricatives sonores telles que /ɣ/ ont des propriétés acoustiques de sonantes : elles ont des formants sur un spectrogramme à bande large. Par ailleurs, nous montrerons dans la section 4.3.4 p.327 que /ɣ/ vient pour une part du phonème /w/ en proto-rgyalrong. Il ne serait donc pas absurde de considérer /ɣ/ dans le système phonologique japhug comme une sonante vélaire. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 La réduplication n’est ambiguë que pour trois groupes : ɕl-, ɕɣ- et fsr-, où /l/, /ɣ/ et /r/ respectivement peuvent être à la fois initiales et médianes. Malheureusement, il existe un grand nombre de groupes initiaux pour lesquels le test de la réduplication n’est pas applicable : c’est le cas lorsqu’aucun verbe n’a une racine élargie commençant par le groupe en question. Il n’est alors pas possible d’effectuer le test en utilisant la forme du non-passé. Nous ne proposerons d’analyse pour ces groupes qu’à la fin de la section 2.3.2, lorsque l’inventaire des préinitiales aura été établi. Nous verrons aussi dans la section suivante que la méthode utilisée ici nous a fait omettre une des consonnes pouvant jouer le rôle de médiane : le phonème /ʁ/. Celui-ci, dans les deux verbes pour lesquels on peut effectuer le test de réduplication, kɤ-βʁa « gagner » et kɤ-nɯrʁɯrʁa « grimper », se comporte comme une initiale. Toutefois, on trouve un cas où /ʁ/ ne peut être considéré que comme une médiane, car il est précédé d’une consonne qui ne sert jamais de préinitiale. La mise en évidence de ce problème ne pourra être présentée que dans la conclusion de la section suivante 2.3.2. 2.3.2 Les préinitiales Pour établir l’inventaire des consonnes pouvant se trouver en position préinitiale, nous avons le choix entre trouver des mots dont la consonne la plus proche de la voyelle ne fait pas partie des cinq consonnes susceptibles de se trouver en position médiane, soit de prendre des verbes pour lesquels le test de réduplication est applicable. Cette précaution est nécessaire pour ne pas confondre initiale et préinitiale. Nous avons fait usage de ces deux types d’exemples pour distinguer 17 préinitiales différentes : /p/, /w/ (sous ses allophones f- et β-), /s/ et /z/, /ɕ/ et /ʑ/, /ʂ/, /l/, /r/, /j/, /k/, /x/ et /ɣ/, /χ/ et /ʁ/ et les nasales /m/, /n/. Le voisement des fricatives en position préinitiale, 31 comme nous le verrons, n’est distinctif que dans un cas (voir 2.3.2.2), c’est pourquoi les fricatives préinitiales seront traitées par couple sourde/sonore. Chacune de ces préinitiales fera l’objet d’une sous-section où nous présenterons l’ensemble des groupes non-ambigus possibles où elle peut apparaître. Nous noterons l’archiphonème en écrivant les deux phonèmes sourds et sonores l’un à la suite de l’autre séparé d’un tilde : /s/ ~ /z/, /ɕ/ ~ /ʑ/ etc. Nous présenterons dans chaque sous-section un tableau d’exemples de mots dans la langue pour illustrer chacun des groupes, puis nous présenterons un autre tableau où la distribution de la préinitiale (incluant les groupes possibles et ceux non attestés) sera résumée. Le lecteur est invité à lire attentivement la première sous-section sur les phonèmes /p/ et /w/ pour une explication des conventions utilisées dans chaque tableau. On trouve par ailleurs trois phonèmes susceptibles de se trouver en antépréinitiale : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 /w/, /m/ et /j/. Le cas de /m/ préinitial dans le groupe mpɕ- sera traité dans la sous-section 2.3.2.1. En 2.3.2.9.2, nous synthétiserons les propriétés des groupes de consonnes à initiales, pour justifier entre autre notre analyse des prénasalisées comme des phonèmes uniques et non comme des groupes de consonnes. Dans la section suivante 2.3.3, nous montrerons que le phonème /ʁ/ doit au moins dans un cas être considéré comme une médiane. Pour cette raison, nous ne traiterons pas dans cette section de groupes à consonne suivie de /ʁ/. 2.3.2.1 Les phonèmes /p/ et /w/ en position préinitiale. Le phonème /w/ a deux allophones en position préinitiale : [f] et [β]. C’est l’un des seuls phonèmes qui peut se trouver en position d’antépréinitiale. /w/ peut servir de préinitiale devant 14 consonnes (sans compter les cinq consonnes /l/, /r/, /j/, /ɣ/ et /ʁ/ qui sont susceptibles d’être médianes) : groupe exemples initial signification des paire minimale : signification exemples exemples sans préinitiale kɤ-taʁ tisser tsaʁ au moins ft- ɯ-ftaʁ signe fts- tɯ-ftsaʁ eau qui plafond coule du dans la maison lorsqu’il pleut ftsʰ- kɯ-ftsʰi bénigne (maladie) kɤ-tsʰi boire ftɕ- kɤ-ftɕɤs castrer tɤ-tɕɤs trace de pied ftɕʰ- kɤ-ftɕʰur verser complètement 32 ftʂ- kɤ-ftʂi faire fondre fs- kɯ-fse pareil fɕ- kɤ-fɕaʁ réparer une faute kɯ-ɣɤɕaʁɕaʁ très amer fk- kɤ-fka être rassasié mɲika humiliation βd- kɯ-βdi beau ɯ-di odeur βʑ- kɤ-βʑoʁ éplucher βz- kɤ-βzu faire βʑɤzu seau pour traire les vaches βɟ- kɯ-βɟi ancien βg- kɤ-βgos préparer ɟiga chemin tortueux Tableau 10 : Groupes de consonnes avec /w/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 On remarque les trous suivants dans la distribution de /w/ par rapport aux initiales (nous indiquons à chaque fois entre parenthèses des exemples de groupes d’initiales non attestées) : tout d’abord, il n’apparaît jamais devant les labiales (*fp-, *βb), ni devant les prénasalisées ou les nasales (*βnd-, *βŋg-, *βŋ-). Ensuite, pour certains groupes, /w/ n’est attesté qu’avec un ou deux des modes de voisement (sourd, sonore, aspiré), comme on peut l’observer dans le Tableau 11. Ainsi les groupes *ftʰ-, *βdz-, *βdʑ-, *ftʂʰ-, *βdʐ-, *fc-, *fcʰ- et *fkʰ- ne sont pas attestés. Ces trous dans la distribution sont probablement dus à l’absence d’exemples plutôt qu’à une contrainte phonologique. Nous présenterons un tel tableau pour chaque préinitiale. Les groupes attestés par un seul exemple dans la langue sont indiqués entre parenthèses. Les groupes non attestés sont marqués en grisé. Pour rendre la présentation plus aisée, nous représentons les affriquées dentales comme un « lieu d’articulation » différent et nous incluons les affriquées dans la même colonne que les occlusives. Les cases vides indiquent celles qui ne pourraient pas être remplies parce que l’initiale en question n’existe pas. Par exemple, dans le Tableau 11, comme [ʐ] n’est pas un phonème indépendant en japhug, l’intersection de la ligne « rétroflexe » avec la colonne « fricative » est marquée en noir. En revanche, comme /ʂ/ est un phonème indépendant, nous marquons la case d’à côté en grisé pour indiquer que le groupe *fʂn’existe pas. Enfin, les groupes suivis d’un astérisque * ont comme deuxième membre /ɣ/ ou /ʁ/, phonèmes qui sont susceptibles de servir de médianes. Ces groupes seront étudiés plus en détail en 2.3.3. 33 occlusive occlusive occlusive fricative fricative sourde aspirée sonore sourde sonore βd- fs- βz- fɕ- βʑ- occlusives dentales ft- affriquées dentales fts- (ftsʰ-) alvéolo-palatales ftɕ- (ftɕʰ-) rétroflexes (ftʂ-) palatales βɟ- vélaires fk- (βg-) uvulaires βɣ-* βʁ-* Tableau 11 : Distribution de /w/ devant les occlusives et les fricatives. Le phonème /w/ est également un des rares phonèmes qui puisse se trouver en tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 position antépréinitiale. Dans ces cas, qui sont tous des emprunts au tibétain, la préinitiale est toujours /r/ ou /s/ ~ /z/.16 Par ailleurs, bien qu’en tibétain on trouve des groupes de quatre consonnes, en japhug on n’en trouve jamais plus de trois : le verbe kɤ-zgrɯβ « accomplir jusqu’au bout », emprunt de sgrub-pa « accomplir » par exemple n’a pas l’antépréinitiale /w/. Pourtant, la forme passé de ce sgrub-pa en tibétain est bsgrubs, ce qui aurait dû donner *βzgrɯβ en japhug. On ne peut pas savoir si de telles formes seraient possibles en japhug. Le verbe kɤ-βzɟɯr « changer » semble refléter les quatre consonnes initiales de la forme bsgyur, passé de sgyur-ba « changer », mais le mot japhug n’a en fait que trois consonnes, puisque le groupe -gy- du tibétain a été interprété comme le phonème unique /ɟ/. japhug sens en japhug tibétain sens en tibétain kɯ-frtɤn fiable brtan-po stable, fiable kɤ-fstɯn servir bstun passé ou futur de stun-pa « suivre, se conduire selon » kɤ-fsroŋ protéger17 bsrungs passé de srung-ba « protéger » kɤ-fskɤr contourner bskor passé ou futur de skor-ba « faire tourner, entourer, voyager » kɤ-βzdɯ 16 ramasser bsdu futur de sdu-ba « ramasser » On aurait théoriquement pu trouver des exemples avec une préinitiale /l/ aussi si par exemple une forme telle que bltas, passé de lta-ba « voir » avait été empruntée. Toutefois, nous n’avons pu jusqu’ici trouver aucun cas de ce type. 17 Comme nous le montrerons en 2.3.1.3, le /r/ de kɤ-fsroŋ peut s’analyser soit comme l’initiale, soit comme la médiane, ce qui fait que f- n’est pas nécessairement une antépréinitiale ici. 34 kɤ-βzɟɯr changer bsgyur passé ou de sgyur-ba forme *sgor-ba futur « changer » kɤ-βzgɤr (1) (1) faire retarder *bsgor non-attestée (2) (2) ‘gor-ba « être en retard » envahir *bsgar (1) (2) passé d’une apparentée à 18 passé d’une forme *sgar-ba non attestée signifiant « planter son camps » Tableau 12 : Mots ayant l’antépréinitiale /w/ en japhug et leurs équivalents en tibétain. Le phonème /p/, à la différence de /w/, a une distribution très limitée. On ne le trouve que devant l’initiale /ɕ/ (voir 2.3.1.4 pour une confirmation que /ɕ/ est bien ici une initiale et ne peut en aucun cas être considérée comme une médiane). Quelques paires minimales tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 existent entre /p/ et /w/ en préinitiale : kɤ-fɕi « forger » :: ɯ-pɕi « dehors ». On trouve aussi un groupe mpɕ- dans quelques mots : kɯ-mpɕɤr « beau » kɯ-mpɕu « lisse » tɯ-mpɕar « une feuille (classifieur) » kɤ-mpɕa « reprocher » mpɕimɤr « fête » Comment analyser le groupe mpɕ- ? Dans les cinq mots ci-dessus, seulement deux peuvent être comparés à des mots d’autres langues. Le premier, kɤ-mpɕa est un emprunt au tibétain ‘phya-ba « reprocher ». Le second, kɯ-mpɕɤr correspond au Somang kə-mɕôr « beau », est un mot apparenté au tibétain mchor-po « beau ». La forme du Somang suggère que le tibétain viendrait d’une forme *m-syor19. La forme du japhug, quant à elle provient aussi d’un *mɕɤr, avec un [p] épenthétique automatique sans valeur phonologique. Notons que le groupe *mɕ- n’existe pas en japhug. Après le changement phonétique *mɕ- Æ mpɕ- en japhug, l’opposition entre les groupes venant de *mɕ- et ceux venant de *mpʰj- a été perdue. Dans ces mots, nous considérons /m/ comme antépréinitiale et /p/ comme préinitiale20. La seule autre occlusive pouvant apparaître comme préinitiale (elle aussi devant /ɕ/) est /k/, qui quant à elle s’oppose à /x/ dans cette position (voir p. 45). 18 L’étymologie de ce verbe japhug sera détaillée dans le chapitre sur la stratification des emprunts tibétains, à la section des groupes de consonnes. 19 On sait que les fricatives précédées de nasales en tibétain deviennent automatiquement affriquées : ‘chags-pa « se repentir », passé bshags : ‘chags < *N-sraks, bshags < *p-sraks 20 Il faut noter que dans le système du proto-japhug, les mpɕ- venaient de groupes à une seule préinitiale : *mɕ- et *mpʰj-. 35 2.3.2.2 Les fricatives /s/ et /z/ en position préinitiale. /s/ et /z/ sont les seuls phonèmes pouvant être placés en préinitiale pour lesquels la distinction de voisement est pertinente dans certains cas. Devant les occlusives sourdes et aspirées, on ne peut placer que /s/, et devant voisées et prénasalisées, seul /z/ est acceptable : dans ces contextes, /s/ et /z/ ne sont pas distinctifs. Toutefois, devant les nasales /m/ et /n/, ainsi que devant la sonante non-nasale /ɣ/, on trouve s- lorsque la préinitiale fait partie de la racine, et z- lorsqu’il s’agit d’un préfixe. Cette opposition n’est pas partagée par tous les dialectes japhug : le parler de smɯlju ne la fait pas. /s/ ~ /z/ peuvent servir de préinitiales devant 22 consonnes (sans compter les six consonnes /w/, /l/, /r/, /j/, /ɣ/ et /ʁ/ qui sont susceptibles d’être médianes) : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 groupe initial exemples signification des paire minimale : exemples exemples sans kɤ-pa fermer signification préinitiale sp- kɤ-spa pouvoir spʰ- kɤ-spʰjaʁ s’infiltrer (eau) zb- kɯ-zbaʁ sec zmb- kɤ-sɤzmbrɯ être énervé contre tɤ-mbrɯ colère sm- kɤ-nɤsma admirer kɤ-nɤma travailler zm- kɤ-zmɯnmu faire bouger kɤ-mɯnmu bouger st- kʰa-sta fondations (maison) kɤ-ta poser stʰ- kɤ-mɯstʰaβ être l’un à côté de l’autre (morceaux) zd- tɯ-zda compagnon kɤ-nɯkhada convaincre znd- znde mur en pierre jinde maintenant sn- kɯ-sna utilisable, digne kɤ-nɯna se reposer zn- kɤ-znɤja chérir kɤ-nɤja être dommage sc- scaʁa pie ca cerf scʰ- kɤ-scʰɤt se retirer (eau) zɟ- zɟi sac en poil de yak ɟiga chemin tortueux zɲɟ- tɤ-zɲɟoʁ branche kɤ-ɲɟoʁ coller flexible pour frapper les animaux sɲ- tɤ-sɲa tresse ɲaɲa agneau sk- kɤ-sko fumer kowa méthode skʰ- rɟɤskʰi vannerie tɯ-kʰi chance zg- tɕazga gingembre 36 zŋg- kɤ-khɤzŋga crier kɤ-ŋga s’habiller sŋ- kɤ-sŋa revivre kɤ-ŋa devoir de l’argent sq- kɤ-sqa cuire ɯ-qa patte sqʰ- tɯ-sqʰɤj soeur Tableau 13 : Groupes de consonnes avec /s/ ou /z/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane). On remarque qu’à la différence de /w/, dont la distribution devant les occlusives était défective, /s/ ~ /z/ peuvent apparaître devant toutes les occlusives orales et nasales sauf /ɴɢ/, mais devant aucune affriquée ou fricative. Certaines combinaisons, comme spʰ-, zmb-, scʰ-, zŋg-, ne sont attestées que par un seul exemple. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 /s/ ~ /z/ sourde aspirée sonore pré-nas. nasale labiales sp- (spʰ-) zb- (zmb-) sm- // zm- occlusives dentales st- stʰ- zd- (znd-) sn- palatales sc- scʰ- zɟ- (zɲɟ-) sɲ- vélaires sk- skʰ- zg- zŋg- sŋ- uvulaires sq- sqʰ- // zn- Tableau 14 : Distribution de /s/ ~ /z/ devant les occlusives. Les groupes faisant intervenir plusieurs fricatives sourdes, tels que *sɕ-, *sʂ-, *sx-,*sχ- ne sont pas attestés. Le groupe zɣ- a été discuté en 2.3.1.5. En 2.3.3, nous présenterons une analyse de ce groupe, ainsi que de sɣ- et zʁ-. 2.3.2.3 La sonante /l/ en position préinitiale. La distribution du phonème /l/ en préinitiale est plus restreinte. Il n’apparaît que devant 10 phonèmes différents (sans compter les cinq consonnes /w/, /r/, /j/, /ɣ/ et /ʁ/ qui sont susceptibles d’être médianes), et les exemples en sont peu nombreux : groupe initial exemples signification paire minimale : des exemples exemples sans préinitiale lp- tɯ-lpɤɣ plage ltʰ- ltʰɯ-ltʰɯɣ riche et meuble (terre) ld- ldɯɣi thɯɣ signification bouc / taureau non castré bharal (un bovidé) ln- kɤ-lni flétrir à cause de la chaleur 37 ldz- ldzɣɤm paille ltɕ- kɤ-znɤltɕɤm partager les biens ltɕʰ- ltɕʰɯɣ-ltɕʰɯɣ trempé ldʑ- tɯ-ldʑa brin lcʰ- tɯ-lcʰɯɣ mesure tɕɤmlaŋ gobelet (partie d’un récipient ou d’un sac) lxɤβ-lxɤβ lx- épais et peu pratiques (habits) lŋ- ?? kɤ-nɯndzɯlŋɯs somnoler Tableau 15 : Groupes de consonnes avec /l/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Les combinaisons lp-, ln-, ldz-, lcʰ- et lŋ- n’apparaissent que dans les exemples fournis dans le tableau. Il n’est pas certain que kɤ-nɯndzɯlŋɯs soit un exemple fiable du groupe lŋ- : nous n’avons pas de raison pour syllabifier ce mot comme kɤ-nɯndzɯ-lŋɯs plutôt que comme kɤ-nɯndzɯl-ŋɯs. Comme on peut le constater dans le Tableau 16, /l/ ne se place jamais devant les uvulaires et les rétroflexes, ni devant les prénasalisées. Les groupes *lpʰ-, *lb-, *lm-, *lt-, *lts-, *ls-, *lz-, *ltsʰ-, *lɕ-, *lʑ-, *lc-, *lɟ-, *lɲ-, *lk-, *lkʰ-, *lg- ne sont pas attestés. On remarque d’une part que la seule fricative devant laquelle /l/ peut se trouver est /x/, et d’autre part que les groupes avec labiales, palatales ou vélaires (phonèmes acoustiquement graves) sont moins courants en variété et en fréquence dans la langue que ceux faisant intervenir des apicales / laminales (phonèmes aigus). bilabiales occlusive occlusive occlusive sourde aspirée sonore ltʰ- ld- nasale fricative fricative sourde sonore lx- lɣ-* (lp-) occlusives (ln-) dentales affriquées (ldz-) dentales alvéolo-palatales palatales vélaires ltɕ- ltɕʰ- ldʑ- (lcʰ-) (lŋ-) uvulaires lʁ-* Tableau 16 : Distribution de /l/ devant les occlusives et les fricatives. 38 2.3.2.4 Les fricatives /ɕ/ ~ /ʑ/ en position préinitiale. Les phonèmes /ɕ/ et /ʑ/ perdent leur distinctivité en position préinitiale. /ɕ/ est placé avant les sourdes, les aspirées et les nasales, tandis que /ʑ/ se trouve avant les sonores et les prénasalisées. /ɕ/ ~ /ʑ/ peuvent servir de préinitiales devant 16 consonnes (sans compter les six consonnes /w/, /l/, /r/, /j/, /ɣ/ et /ʁ/ qui sont susceptibles d’être médianes) : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 groupe initial exemples signification des paire minimale : exemples exemples sans préinitiale kɤ-pa fermer signification ɕp- qaɕpa grenouille ɕpʰ- kɤ-ɕpʰɤt réparer ʑmb- ʑmbar ulcère tɯ-mbar ventre de bovidé ɕm- kɯ-ɕmar céréales mar beurre ɕt- kɯ-mɯɕtaʁ froid taʁ haut ɕtʰ- kɤ-ɕtʰɯs tourner vers ɕn- tɯ-ɕna nez kɤ-nɯna s’arrêter ɕtʂ- kɤ-ɕtʂat économiser ɕɲ- ɕɲoʁ-ɕɲoʁ belle et svelte ɕk- ɕkala boîteux kaɣɯ pendentif ɕkʰ- kɤ-ɕkʰo faire sécher kɤ-kʰo donner ʑg- ʑgaʁ tout juste ʑŋg- kɤ-ʑŋga habiller qqun kɤ-ŋga s’habiller ɕŋ- ɕŋaʁ-ɕŋaʁ jaune vif ɕq- kɤ-nɤɕqa supporter ɯ-qa patte ɕqʰ- ɕqʰaloʁ bâton pour caler la kɤ-qʰa détester kɯ-ɴɢu relâché porte ʑɴɢ- kɤ-ʑɴɢu éplucher Tableau 17 : Groupes de consonnes avec /ɕ/ ou /ʑ/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane) La distribution de /ɕ/ ~ /ʑ/ est plus restreinte que celle de /s/ ~ /z/ en préinitiale. On peut résumer la distribution de ces préinitiales devant les occlusives par le tableau suivant : 39 /ɕ/ ~ /ʑ/ sourde aspirée labiales ɕp- ɕpʰ- occlusives dentales ɕt- ɕtʰ- rétroflexes ɕtʂ- sonore pré-nas. nasale ʑmb- ɕmɕn- palatale ɕɲ- vélaires ɕk- ɕkʰ- uvulaires ɕq- ɕqʰ- ʑg- ʑŋg- ɕŋ- ʑɴɢ- Tableau 18 : Distribution de /ɕ/ ~ /ʑ/ devant les occlusives. A la différence de /s/ ~ /z/, les préinitiales /ɕ/ ~ /ʑ/ n’apparaissent pas devant les palatales sauf la nasale et devant les phonèmes /b/, /d/ et /nd/. En revanche, ils peuvent tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 se trouver devant /tʂ/ et /ɴɢ/. On a déjà vu que les préinitiales /s/ ~ /z/ ne se trouvaient jamais devant les fricatives sourdes. C’est aussi le cas des alvéolo-palatales : *ɕs-, *ɕʂ-, *ɕx-, *ɕχ- ne sont pas attestés. Le groupe ɕɣ- a déjà été vu en 2.3.1.5. Le cas de ce groupe, ainsi que celui de ʑɣ- et de ɕʁ-, sera discuté en 2.3.3. 2.3.2.5 Les phonèmes /r/ et /ʂ/ en position préinitiale Dans le système des consonnes préinitiales, [ʂ] peut être considéré comme la variante sourde de /r/. C’est en effet de cette manière que /r/ est prononcé devant les occlusives sourdes et aspirées. Dans tous ces cas, nous noterons dans notre orthographe invariablement <r>. Toutefois, devant une initiale, /ŋ/, le phonème /ʂ/ est distinctif par rapport à /r/ et à d’autres phonèmes tels que /s/ ou /ɕ/. /r/ peut servir de préinitiale devant 32 consonnes, et /ʂ/ devant deux consonnes (sans compter les cinq consonnes /w/, /l/, /j/, /ɣ/ et /ʁ/ qui sont susceptibles d’être médianes) : groupe exemples initial signification des paire minimale : exemples exemples sans signification préinitiale rp- tɯ-rpa hache kɤ-pa fermer rpʰ- kɯ-ɣɤrpʰɯrpʰɤβ faire du bruit en battant ɯ-phɤβ ferment de vin des ailes rmb- kɤ-rmbat proche kɯ-mbat léger (travail) rm- kɤ-rɤrma habiter kɤ-rɤma travailler rt- rtalu année du cheval kɤ-ta mettre rd- tɯ-rdoʁ morceau rnd- tɯ-rnda étage en bois 40 rn- tɯ-rna oreille kɤ-nɯna se reposer rts- rtsawa importance tsa un peu rtsʰ- qartsʰi cigale kɤ-tsʰI boire rdz- rdza-rdza qui n’accepte pas les critiques rs- rsɯβ-nɤ-rsɯβ bruit de feuilles mortes rz- rzɯ-rzi frais (temps) rtɕ- kɤ-nɯrtɕa taquiner kɤ-ɣɤtɕa avoir tort rtɕʰ- rtɕʰɯ-ʁjɯ chenille kɤ-tɕʰɯ attaquer avec tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ses cornes rndʑ- tɕhi-rndʑi sable qandʑi étain rɕ- rɕɯ-rɕɯβ avoir la peau qui pèle rʑ- kɯ-rʑi lourd rc- kɯ-rcat huit rcʰ- rcʰɯɣ-rcʰɯɣ deux kɤ-sɯɲɟaʁskɯs s’étendre porte ko membres personnes en même temps lorsque ce n’est pas nécessaire rɟ- rɟama balance rɲɟ- rɲɟaʁlo bâton pour caler la les rɲ- kɤ-rɲo faire l’expérience kɯ-ɲo déjà préparé rk- tɤ-rka mule kaɣɯ pendentif rkʰ- tɤ-rkʰom partie dure des plumes rg- rgali génisse rŋg- kɤ-rŋgɯ dormir ɯ-ŋgɯ intérieur rŋ- rŋapa cinquième mois kɤ-ŋa devoir de l’argent ʂŋ- kɤ-ʂŋaʁ se faire une entorse rq- tɯ-rqo gorge rqʰ- kɤ-rqʰi lointain kɯ-qʰi difficile à dompter rɴɢ- kɤ-rɴɢlɯm concave ʂχ- kɤ-sɤʂχɯ-ʂχɯβ siroter Tableau 19 : Groupes de consonnes avec /r/ ~ /ʂ/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane) Les groupes rpʰ-, rs-, ʂχ- et rɴɢ- ne sont attestés que par les exemples donnés dans le Tableau 19. On note l’absence des groupes *rb-, *rtʰ-, *rndz-, *rdʑ-, et *rx-. r- n’est pas compatible avec les affriquées rétroflexes. 41 /r/ sourde aspirée sonore labiales rp- (rpʰ-) dentales rt- dentales rts- rtsʰ- alvéolo-palatales rtɕ- rtɕʰ- palatales rc- rcʰ- rɟ- rɲɟ- rɲ- vélaires rk- rkʰ- rg- rŋg- rŋ- uvulaires rq- rqʰ- rd- pré-nasalisée nasale rmb- rm- rnd- rn- fricative sonore fricative sourde (rs-) rz- rɕ- rʑ- rdz- affriquées rndʑ- (rɴɢ-) rɣ-* (ʂχ-) rʁ-* Tableau 20 : Distribution de /r/ ~ /ʂ/ devant occlusives et fricatives. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 /ʂ/ ne s’oppose à /r/ que dans un seul exemple devant les phonèmes /ŋ/ et /ɣ/. On trouve les paires minimales ou quasi-minimales suivantes en préinitiale devant /ŋ/ : (24) /ʂ/ :: /r/ :: /ɕ/ :: /s/ kɤ-ʂŋaʁ « se faire une entorse » rŋa-pa « le cinquième mois » ɕŋaʁ-ɕŋaʁ « jaune vif » sŋaʁ « sorcellerie » Devant /ɣ/, dans le seul exemple ʂɣɤl-ʂɣɤl « transparent et brillant comme la rosée du matin », /ʂ/ ne présente pas de paire minimale avec /r/, même si le groupe rɣ- existe aussi. Ces groupes seront discutés dans la section 2.3.3. 2.3.2.6 Le phonème /j/ en position préinitiale Le phonème /j/ fait partie avec /w/ et /m/ des rares phonèmes pouvant occuper non seulement la position préinitiale mais aussi la position antépréinitiale. /j/ peut servir de préinitiale devant 15 consonnes (sans compter les cinq consonnes /w/, /l/, /r/, /ɣ/ et /ʁ/ qui sont susceptibles d’être médianes) : groupe initial exemples signification des paire minimale : exemples exemples kɤ-pa fermer signification sans préinitiale jp- tɤ-jpa glace jpʰ- kɤ-mɯjpʰɤt vomir jmb- kɯ-nɤjmbɣom avoir le vertige kɯ-mbɣom pressé jm- tɤ-jme queue kɯ-me ne pas y avoir jt- kɤ-jtɯ accumuler 42 qɤjdo jd- corbeau kɯ-do fibreux (Corvus corone) jnd- kɯ-sɤjndɤt sage (enfant) aʁɤndɯndɤt partout jn- tɯ-jno légume kɤ-no chasser jts- tɤ-jtsi pilier ɯ-tsi moment jtsʰ- kɤ-jtsʰi faire boire kɤ-tsʰi boire jtʂʰ- qɤjtʂʰa vautour tʂʰa thé kaɣɯ pendentif kɯ-ŋu être (Aegyptius monachus) jndʐ- kɤ-jndʐɯɣ ruminer jk- kɯjka Corbeau tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (Pyrrhocorax Pyrrhocorax) jŋ- kɯ-jŋu serment jχ- kɤ-jχoʁ avoir le ventre creux Tableau 21 : Groupes de consonnes avec /j/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane) Parmi les groupes dans le tableau ci-dessus, jpʰ-, jmb-, jtʂʰ- et jχ- ne sont attestés que par un exemple unique. On remarque l’absence de *jb-, *jtʰ-, *jdz-, *jndz-, *jtʂ-, *jdʐ, *jkʰ-, *jg- et *jŋg-. Par ailleurs, /j/ ne se place jamais en préinitiale devant les alvéolo-palatales et les palatales. Les seuls exemples de /j/ devant uvulaires sont les groupes jχ- et jʁ-. Ils constituent également, avec jɣ- qui a déjà été étudié en 2.3.1.5, le seul cas où /j/ peut se placer devant une fricative. Nous reparlerons de ces groupes en 2.3.3. occlusives occlusives occlusives occlusives sourdes aspirées sonores prénas. bilabiales jp- (jpʰ-) occlusives jt- (jd-) nasale (jmb-) jm- jnd- jn- fricatives fricatives sourdes sonores dentales affriquées jts- jtsʰ- dentales rétroflexes vélaires (jtʂʰ-) jndʐ- jk- uvulaires jŋ- jɣ-* (jχ-) jʁ-* Tableau 22 : Distribution de /j/ devant les occlusives. On ne trouve qu’un exemple de /j/ en position préinitiale, la racine /jmŋo/ attestée dans tɯ-jmŋo « rêve », kɤ-ɣɤ-jmŋo « rêver » et kɤ-nɯ-jmŋo « être l’objet du rêve de quelqu’un ». La réduplication de ce mot montre sans ambiguïté que /ŋ/ est initiale, ce qui 43 fait que /m/ est préinitiale et /j/ antépréinitiale selon notre terminologie. Cette structure inhabituelle peut s’expliquer historiquement : comme nous le montrerons dans les sections 4.3.2.1 p.279. et 4.2.2.1 p.230, le japhug /jmŋo/ vient d’une forme proto-japhug *lmaˠŋ. Le phonème /m/ est à l’origine l’initiale, et l’insertion du /ŋ/ en japhug est dû à la rime vélarisée du proto-rgyalrong21. 2.3.2.7 Les phonèmes /k/ et /x/ ~ /ɣ/ en position préinitiale. /x/ et /ɣ/ sont en distribution complémentaire lorsqu’il se trouvent en préinitiale. /x/ ~ /ɣ/ peuvent servir de préinitiale devant 24 consonnes (sans compter les cinq consonnes /w/, /l/, /r/, /j/ et /ʁ/ qui sont susceptibles d’être médianes) : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 groupe initial exemples signification des paire minimale : exemples exemples sans signification préinitiale xp- tɯ-xpa année kɤ-pa fermer ɣmb- tɯ-ɣmba joue kɯ-mba fin ɣm- tɯ-ɣmas blessure xt- tɯ-xtu ventre kɯ-tu y avoir xtʰ- kɤ-xtʰom poser verticalement ɣd- ɣdɤso ver blanc ɣnd- kɤ-ɣnda frapper ɣn- ɣni renard volant mani mantra « mani » xts- tɯ-xtsa chaussure tsa un peu xtsʰ- kɯ-xtsʰɯm fin tsʰɯmɕtʂat capacité à économiser xs- xsar Naemorhedus goral ɣz- ɣzɯ singe xtɕ- kɯ-xtɕi petit xtɕʰ- kɤ-xtɕʰɯt pouvoir contenir ɣndʑ- tɯ-ɣndʑɤr poudre xɕ- xɕɤj herbe ɣʑ- ɣʑo abeille xtʂ- kɤ-nɤxtʂɯn ɣndʐ- núɣndʐa 21 tɕi un peu remercier tʂɯnlɤn bienfait pour cette raison tɕʰindʐa pourquoi L’idée de l’existence de rimes vélarisées en proto-rgyalrong vient de Jackson T.-S. Sun, voir aussi la note 61 p.221. 44 ɣr- ku-ɣrum blanc xc- kɯ-xcat nombreux xcʰ- tɤlɤxcʰi lait frais ɣɟ- kɤ-ɣɟaβ battre (le lait) ɣɲɟ- kʰɯɣɲɟɯ fenêtre kɯ-cʰi sucré Tableau 23 : Groupes de consonnes avec /ɣ/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane). Parmi les groupes ci-dessus, xtʰ-, ɣndʐ-, xcʰ- et ɣɲɟ- ne sont attestés que par l’exemple du tableau. On note l’absence de *xpʰ-, *ɣb-, *ɣdz-, *ɣndz-, *ɣndʑ-, *xtʂʰ-,*ɣdʐ-, et *xʂ-. /x/ ~ /ɣ/ ne se placent jamais devant les vélaires et les uvulaires. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 /x/ ~ /ɣ/ sourde aspirée labiales xp- dentales xt- (xtʰ-) dentales xts xtsʰ- alvéolo-palatales xtɕ- xtɕʰ- rétroflexes xtʂ- palatales xc- sonore ɣd- pré-nasalisée nasale ɣmb- ɣm- ɣnd- ɣn- fricative sonore fricative sourde xs- ɣz- affriquées ɣdʑ(ɣndʐ) (xcʰ-) ɣɟ- (ɣɲɟ-) Tableau 24 : Distribution de /x/ ~ /ɣ/ devant occlusives et fricatives. La préinitiale /k/, tout comme la préinitiale /p/, ne se trouve que devant le phonème /ɕ/. On trouve la paire minimale suivante : (25) /k/ et /x/ ~ /ɣ/ en préinitiale : xɕiri « belette » kɕi « chien » /k/ en position préinitiale ne se trouve que dans certains emprunts au tibétain khy- (l’autre réflexe de ce groupe en rgyalrong est cʰ- : comparer japhug cʰi et tibétain khye’u « coin » à japhug kɕi et tibétain khyi « chien »). Le seul mot natif dans lequelle il pourrait être présent est kikɤkɕi « une espèce de belette ». On trouve deux verbes ayant une préinitiale /ɣ/ ~ /x/ qui ont comme particularité d’arrondir la voyelle des préfixes qui la précèdent : il s’agit de ku-xti « grand » et ku-ɣrum « blanc ». 45 2.3.2.8 Les phonèmes /χ/ ~ /ʁ/ en position préinitiale /χ/ et /ʁ/ sont en distribution complémentaire lorsqu’il se trouvent en préinitiale. /ʁ/ se prononce non comme une uvulaire, mais comme une fricative pharyngale sonore [ʕ] dans cette position. /χ/ ~ /ʁ/ peuvent servir de préinitiale devant 22 consonnes (sans compter les cinq consonnes /w/, /l/, /r/, /j/ et /ɣ/ qui sont susceptibles d’être médianes) : groupe initial exemples signification des paire minimale : exemples exemples sans préinitiale χp- kɯ-χpa orgueilleux kɤ-pa fermer χpʰ- ta-χpʰe paume de la main (pour ɯ-pʰe marque frapper) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 signification du datif ʁmb- kɤ-ʁmbɯm concave mbɯmχtɤr cent mille ʁm- kɯ-ʁma trop bas (coup de feu) kɤ-nɤma travailler χt- tɯ-χti compagnon kɤ-ti dire ʁd- ʁdɯrsta amadou ʁnd- kɤ-ʁndɯ battre ʁn- ʁnɤmjaŋ plafond nɤmkʰa ciel χts- kɯ-χtso propre kɤ-tso comprendre χtsʰ- χtsʰɤχtsʰɤt sage et actif (enfant) ɯ-tsʰɤt à la place de ʁndz- kɤ-ʁndzɤr couper aux ciseaux χs- χsɯm trois sɯmpa pensée ʁz- kɤ-naʁzi avoir besoin χtɕ- kɤ-χtɕi laver tɕi un peu χɕ- kɤ-χɕaʁ décéder kɯ-ɣɤɕaʁɕaʁ très amer ʁʑ- ʁʑɯnɯ jeune homme χʂ- χʂɤ-χʂɤt regard très intelligent χc- ɯ-χcɤl milieu χcʰ- χcʰa droite cʰa alcool ʁɟ- kɤ-ʁɟa chauve ʁɲ- ʁnɯɣra masque pour cacher les yeux ʁŋg- mbaʁŋgu masque de danse Tableau 25 : Groupes de consonnes avec /χ/ ~ /ʁ/ comme préinitiales (n’incluant pas les cas où l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane). Parmi les groupes ci-dessus, les groupes χpʰ- et χʂ- ne sont attestés que par un seul 46 exemple. Le groupe ʁŋg- n’apparaît qu’à la liaison entre deux racines et ne constitue donc pas un vrai exemple de groupe. On note l’absence de *ʁb-, *χtʰ-, *ʁdz-, *χtɕʰ-, *ʁdʑ-, *χtʂ-, *χtʂʰ-, *ʁdʐ-, *ʁndʐ, *ʁndʑ- et *ʁɲɟ-. /χ/ ~ /ʁ/ ne peuvent jamais apparaître devant les uvulaires et les vélaires. /χ/ ~ /ʁ/ sourde aspirée labiales χp- (χpʰ-) dentales χt- dentales χts- sonore ʁdχtsʰ- pré-nasalisée nasale ʁmb- ʁm- ʁnd- ʁn- fricative sonore fricative sourde χs- ʁz- χɕ- ʁʑ- ʁndz- affriquées alvéolo-palatales χtɕ- rétroflexes tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 palatales (χʂ-) χc- χcʰ- ʁɟ- ʁɲ- Tableau 26 : Distribution de /χ/ ~ /ʁ/ devant les occlusives et les fricatives. 2.3.2.9 Les occlusives nasales /m/, /n/, /ŋ/ en préinitiale et les prénasalisées. Tout au long de ce chapitre, nous avons supposé que les prénasalisées étaient des phonèmes indépendants et non des groupes de deux phonèmes. Notre analyse suit ici l’approche de Jackson T.-S. Sun (2003a : 490) sur le tshobdun. Nous allons ici démontrer ce présupposé, mais avant cela, il sera nécessaire de faire l’inventaire des groupes où une occlusive est précédée d’une nasale, ce qui inclut les prénasalisées et les groupes à nasales préinitiales (plus un à nasale antépréinitiale). Nous ferons tout d’abord une présentation « naïve » des sons consonantiques qui peuvent se placer après les sons [m], [n], [ɲ], [ŋ] et [ɴ]. Ensuite, nous proposerons une analyse de ces groupes de consonnes. 2.3.2.9.1 Présentation des données [m] peut se placer devant 24 consonnes : groupe initial mp- exemples kɤ-nɯmpa signification des paire minimale : exemples exemples sans élever les signification nasale enfants / kɤ-pa fermer s’occuper des personnes âgées 47 mpʰ- kɯ-mpʰrɤt adéquat mb- tɯ-mbɯ sexe masculin kɤ-bɯwa porter sur le dos mt- kɯ-mɯmta parler dans son sommeil kɤ-ta mettre mtʰ- kɯ-mtʰu trop haut (coup de fusil) kɤ-tʰu demander md- mdarɯ tambour ḍamaru kɤ-nɯkhada convaincre mn- kɤ-mna guérir kɤ-nɯna s’arrêter mts- kɤ-mtsaʁ sauter tsaʁ au moins mtsʰ- mtsʰu lac kɯ-tsʰu gros mdz- mdzadi puce mtɕ- tɯ-mtɕi matin kɤ-tɕitʂi se produire en tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 même temps mtɕʰ- mtɕʰi argousier tɕʰi quoi mdʑ- tɯ-mdʑu langue mdʐ- mdʐɯɕɯɣ punaise mc- tɤ-mcar pinces mcʰ- tɯ-mcʰi bile kɯ-cʰi sucré mɟ- kɤ-mɟa prendre mɲ- tɯ-mɲa flèche ɲaɲa agneau mk- tɯ-mke cou mkʰ- kɯ-mkʰɤs expert mg- tɯ-mgo nourriture mŋ- kɤ-nɯmŋa impressionnant kɤ-ŋa devoir de l’argent mq- kɤ-nɤmqe insulter tɯ-qe excrément mɢ- tɤ-mɢom pince pour maintenir en place une pièce Tableau 27 : Groupes de consonnes avec [m] suivi d’une occlusive. Le phonème /m/ sert d’antépréinitiale dans le groupe mpɕ- (voir 2.3.2.1). Il ne se trouve jamais devant les fricatives. L’opposition entre prénasalisées et sonores est neutralisée. On remarque l’absence de *mtʂ-, *mtʂʰ- et *mqʰ-. [m] sourde aspirée sonore / prénasalisée labiales mp- mpʰ- mb- dentales mt- mtʰ- md- dentales mts- mtsʰ- mdz- mtɕ- mtɕʰ- mdʑ- nasale mn- affriquées alvéolo-palatales 48 rétroflexes mdʐ- palatales mc- mcʰ- mɟ- mɲ- vélaires mk- mkʰ- mg- mŋ- uvulaires mq- mɢ- Tableau 28 : Distribution de [m] devant les occlusives. Le son [n] se place devant 11 consonnes : groupe exemples tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 initial signification des paire minimale : exemples exemples signification sans nasale nb- kɤ-nbaʁ se cacher nt- kɯ-ntaβ stable ntʰ- kɤ-ntʰor s’enfuir et rôder partout nd- fsɤ-ndi après-demain tɯ-di arc nts- ntsɯ toujours ɯ-tsɯ caché ntsʰ- kɯ-ntsʰi mieux valoir kɤ-tsʰI boire ndz- ndzɯrnaʁ guêpe dzɯr polis et éduqués (mouvements) ntɕʰ- kɤ-ntɕʰos utiliser tɕhos ndʑ- tɤ-ndʑɯɣ résine kɯ-ɣɤdʑɯɣdʑɯɣ être ntʂ- kɤ-ntʂu sarcler tʂu chemin ndʐ- tɯ-ndʐi peau ng- kɤ-ngo tomber malade nŋ- tɯ-nŋa dette kɤ-ŋa devoir de religion l’argent Tableau 29 : Groupes de consonnes avec [n] suivi d’une occlusive. Le groupe ntʂ- n’est attesté que par un seul exemple. On note l’absence de *np-, *npʰ-, *nm-, *ntɕ-, *ntʂʰ-, *nk-, et *nkʰ-. [n] n’apparaît jamais devant les palatales et les uvulaires. 49 [n] sourde aspirée labiales sonore / prénasalisée nasale nb- dentales nt- ntʰ- nd- dentales nts- ntsʰ- ndz- ntɕʰ- ndʑ- affriquées alvéolo-palatales rétroflexes (ntʂ-) ndʐ- vélaires ng- nŋ- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 30 : Distribution de [n] devant les occlusives Les sons [ɲ], [ŋ] et [ɴ] n’apparaissent respectivement que devant les palatales, les vélaires et les uvulaires. On ne trouve pas de formes telles que *ɲp- ou *ŋn-. Nous traiterons les groupes de ce type dans un même tableau : groupe exemples initial signification des exemples ɲc- kɤ-ɲcɤr appuyer ɲcʰ- ɲcʰɣaʁ écorce de bouleau ɲɟ sɤ-ɲɟu herbes avec paire minimale : exemples signification sans nasale ɟuli flûte lesquelles on nourrit les vaches laitières ŋk- kɤ-ŋke marcher ŋkʰ- tɤ-ŋkʰɯt poing ɴq- kɯ-ɴqa dur qachɣa renard ɴqʰ- kɯ-ɴqʰi sale kɯ-qʰi difficile à dompter (cheval), insolent kɯ-ɴɢu ɴɢ- relâché Tableau 31 : Groupes de consonnes avec [ɲ], [ŋ] et [ɴ] suivis d’une occlusive. Tous les groupes possibles existent, mais ɲcʰ- n’est attesté que par l’exemple du tableau. 50 2.3.2.9.2 Analyse On constate les faits suivants : 1. Parmi les groupes [nasales + occlusives], on trouve au moins un groupe homorganique pour chaque lieu d’articulation (mp-, nt-, nts-, ntɕʰ-, ntʂ-, ɲc-, ŋk-, ɴq-). 2. Les nasales dorsales [ɲ], [ŋ] et [ɴ] ne peuvent se trouver que devant les occlusives homorganiques. 3. Le son [ɴ] n’est pas un phonème du japhug, c’est le seul parmi les sons nasals qui n’apparaît jamais devant une voyelle. 4. Dans les groupes où la nasale n’est pas homorganique avec l’occlusive qui suit, la nasale ne peut être que [m] ou [n]. Ces faits invitent à penser que les groupes homorganiques et les groupes dont les tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 lieux d’articulation de la nasale et de l’occlusive qui la suit diffèrent sont à classer dans deux types différents. Cela signifie que le [m] du groupe mp- et le [m] du groupe mg-, par exemples, sont phonologiquement différents. Nous appelerons /N/ l’archiphonème nasal homorganique, tandis que nous considèrerons [m] et [n] lorsqu’ils sont suivis d’occlusives orales ou nasales de lieux d’articulation différents comme des réalisations des phonèmes /m/ et /n/. Ainsi, le groupe mp- devrait se noter /Np/ d’un point de vue phonologique, tandis que mg- se note bien /mg/. Dans notre orthographe, nous conservons la forme concrète et nous ne nous servons pas du symbole /N/. Le cas des groupes mb-, nd-, ndz-, ndʑ-, ndʐ-, ɲɟ-, ŋg- et ɴɢ- est encore différent. Nous avions admis dans le corps de ce chapitre que ces groupes étaient constitués d’un phonème et non de deux. Nous allons maintenant proposer une démonstration. Nous disposons de deux arguments. Le premier est simple : dans le groupe ɴɢ-, [ɴ] et [ɢ] ne peuvent pas être séparés. [ɴ] apparaît aussi devant q- et qʰ-, mais nous avons déjà montré qu’il s’agissait d’une réalisation de l’archiphonème /N/, et [ɢ] apparaît bien après m, dans le groupe mɢ-, mais dans une analyse qui considère [ɴɢ] comme un phonème unique, on peut traiter le groupe [mɢ] comme /mɴɢ/, puisque après une nasale il ne pourrait y avoir d’opposition entre voisée et pré-nasalisée. Comme il n’existe aucun phonème */ɢ/ dans la langue, alors qu’il existe un phonème prénasalisé /ɴɢ/, il est logique d’en déduire que les autres groupes à prénasalisées sont en fait des phonèmes uniques comme /ɴɢ/, ou bien il faudrait donner à /ɴɢ/ un statut spécial. Le second argument vient des types des groupes à préinitiales. Tous les groupes [nasales + occlusives] voisées homorganiques pouvaient être précédés d’au moins un type de préinitiale. Voici un tableau récapitulatif : 51 w- z- mb- (zmb-) nd- znd- ʑ- ɣ- ʁ- ʑmb- ɣmb- ʁmb- (jmb-) rmb- ɣnd- ʁnd- jnd- rnd- ndz- j- l- r- (ʁndz-) ndʑ- ɣndʑ- ndʐ- (ɣndʐ-) ɲɟ- zɲɟ- ŋg- (zŋg-) ɴɢ- rndʑjndʐ- ɣɲɟ- rɲɟ- ʑŋg- rŋg- ʑɴɢ- (rɴɢ-) Tableau 32 : Groupes de prénasalisées avec préinitiales. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Avec les groupes tels que mp- ou ŋkʰ- dont l’occlusive n’est pas voisée, en revanche, on ne trouve pas un seul exemple de groupe précédé d’une autre consonne. Cet ensemble de faits nous montre que les prénasalisées n’occupent que la position initiale dans la structure syllabique, tandis que les groupes dont l’occlusive n’est pas voisée occupent l’initiale et la préinitiale. La position antépréinitiale ne pouvant être remplie que dans des cas très spécifiques (dus à des évolutions phonétiques particulières comme dans les deux groupes mpɕ- et jmŋ-, et à la présence d’emprunts tibétains avec la préinitiale /w/), des groupes tels que *ʑmp- ou *ʑŋkʰ- ne peuvent pas exister. Lorsque les prénasalisées sont précédées d’une préinitiale nasale, la distinction entre prénasalisée et voisée est neutralisée. Ainsi par exemple il est vain d’argumenter pour savoir si le [g] dans mg- est la réalisation de /g/ ou de /ŋg/. En conclusion, nous avons montré qu’il existait trois types de groupes à nasales. Dans un premier cas, les nasales /m/ et /n/ en position préinitiale devant une occlusive orale ou nasale non-homorganique (mɟ-, nŋ-), dans un second cas l’archiphonème /N/ (mp-, ɴq-) et dans un troisième cas la première partie d’un phonème prénasalisé (mb-, ɴɢ-). 2.3.2.10 Conclusion Dans cette section, nous avons établi l’inventaire des phonèmes susceptibles de se trouver en préinitiale : il s’agit de /p/, /w/, /s/ ~ /z/, /ɕ/ ~ /ʑ/, /ʂ/, /l/, /r/, /j/, /k/, /x/ ~ /ɣ/, /χ/ ~ /ʁ/ et les nasales /m/, /n/ et l’archiphonème /N/. Dans ce système, les occlusives /k/ et /p/ ont un rôle secondaire : on ne les trouve que devant /ɕ/, et il s’agit d’emprunts au tibétain. /ʂ/ n’est distinctif de /r/ que devant la nasale /ŋ/. Les autres préinitiales sont soit des fricatives, soit des sonantes. La comparaison nous permettra de montrer que ces 52 fricatives correspondent parfois à des occlusives en rgyalrong oriental. Nous avons analysé exhaustivement les antépréinitiales en japhug et nous avons découvert qu’elles se limitent à trois types différents : les groupes mpɕ- et jmŋ-, qui sont les produits d’évolutions historiques particulières, et les groupes à /w/ préinitiale, qui sont tous des emprunts au tibétains. Les antépréinitiales n’apparaissent donc en japhug que dans des cas exceptionnels et il est probable qu’elles ne remontent pas au proto-rgyalrong. Dans cette section, enfin, nous avons montré que les prénasalisées étaient effectivement des phonèmes et non des groupes. Dans la section suivante, nous allons étudier les groupes que nous n’avons pas analysés jusqu’ici : ceux dont la deuxième consonne est susceptible d’être une médiane, que nous avions laissés de côté jusqu’ici. En particulier, nous étudierons les groupes à tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 consonnes suivies de /ʁ/, et nous montrerons que ce phonème peut se trouver en position médiane. 2.3.3 Désambiguïsation des groupes initiaux. Dans les sections précédentes, nous avons volontairement laissé de côté un certain nombre de groupes de consonnes considérés comme ambigus, parce que le test de la réduplication ne leur était pas applicable. A présent que nous connaissons les consonnes susceptibles d’être préinitiales, nous allons être en mesure d’analyser certains groupes dont la seconde consonne fait partie des phonèmes susceptibles de se trouver en position médiane. Cette section se divisera en trois parties : Premièrement, nous allons montrer qu’il existe des cas où /ʁ/ est médiane et nous allons les distinguer de ceux où ce phonème est initiale. Deuxièmement, nous allons analyser tous les groupes que nous avions laissés de côté en 2.3.1. Troisièmement, nous allons faire l’inventaire des groupes réellement ambigus pour lesquels deux analyses sont possibles, et pour essayer de déterminer si les différentes préinitiales et les différentes médianes possèdent des propriétés différentes, ce qui nous permettrait dans certains cas de trancher en faveur d’une analyse particulière. 2.3.3.1 Le phonème /ʁ/ : médiane ou initiale ? Dans la section précédente 2.3.2, nous avons sciemment laissé de côté les groupes dont /ʁ/ était le dernier membre, sans pleinement justifier ce choix. En effet, à ce moment de notre travail, le seul test dont nous disposions pour déterminer si un phonème était 53 initiale ou médiane était celui de la réduplication. Maintenant que nous avons étudié systématiquement l’inventaire des phonèmes se trouvant en position préinitiale dans les groupes non-ambigus, nous avons un autre moyen de distinguer, au moins dans certains cas, les groupes à initiales des groupes à médianes : si dans un groupe de deux consonnes, la première ne fait pas partie des phonèmes dont on a montré qu’ils étaient susceptibles d’occuper la position préinitiale, nous nous trouvons face à un problème : ou bien nous avons affaire à une exception (comme dans le cas des groupes mpɕ- et jmŋ-), ou bien le second doit être une médiane. On trouve un exemple problématique de ce type en japhug : il s’agit de tɯ-ndzʁi « clavicule », où /ʁ/ s’oppose à /ɣ/ dans la paire minimale avec tɯ-ndzɣi « canine ». Comme le lecteur pourra s’en assurer en consultant la section précédente, /ndz/ ne fait pas partie des phonèmes pouvant être en position préinitiale. Et comme il s’agit d’un nom, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 le test de réduplication n’est pas applicable. Or on sait que /ʁ/ partage un certain nombre de points commun avec /ɣ/ : il s’agit d’une fricative sonore. Par ailleurs, dans certaines langues (dont le français standard), la fricative /ʁ/ fonctionne comme une sonante dans le système. Il est donc raisonnable, aussi bien d’un point de vue typologique que du point de vue de l’analyse de la langue, de considérer ici /ʁ/ comme une médiane plutôt que de devoir rajouter un exemple exceptionnel. S’il existe bien un exemple de /ʁ/ comme médiane, il devient nécessaire d’effectuer une étude systématique des groupes finissant en /ʁ/, pour distinguer ceux où ce phonème est médiane de ceux où il est initiale. A part ndzʁ-, on ne trouve que six groupes dont le dernier élément est /ʁ/ : βʁ-, zʁ-, lʁ-, ɕʁ-, rʁ- et jʁ-. Ces groupes, à la différence de ndzʁ-, sont tous ambigus, puisque les six phonèmes /w/, /z/, /l/, /ɕ/, /r/ et /j/ sont susceptibles d’être des préinitiales. On ne peut effectuer le test de réduplication qu’avec deux groupes : βʁ- avec kɤ-βʁa « gagner » qui se réduplique en βʁɯ-βʁa, et rʁ- avec le verbe kɤ-nɯrʁɯ-rʁa « grimper ». Ces deux exemples montrent que /ʁ/ dans ces cas est initiale. Pour les autres groupes, /zʁ/, /lʁ/, /ɕʁ/ et /jʁ/ il n’est pas possible de trancher pour le moment. La raison pour laquelle le cas de /ʁ/ en position médiane nous avait échappé dans la section 2.3.1 est directement liée à l’application de notre méthodologie : le seul cas certain de /ʁ/ médiane est non seulement marginal au sein du système, il est attesté avec un exemple pour lequel le test de réduplication ne s’applique pas. Comme nous avions recherché les médianes uniquement au moyen de ce test, il était normal que nous ne puissions pas mettre cet exemple en évidence. 54 2.3.3.2 Groupes à initiales non-ambiguës. Dans la section 2.3.1 sur les médianes, nous avions laissé de côté tous les groupes pour lesquels le test de réduplication n’était pas applicable. Nous disposons maintenant d’une nouvelle manière de distinguer initiales et préinitiales dans certains groupes ambigus : si la première consonne n’appartient pas à l’inventaire des préinitiales, on peut affirmer que le groupe en question est [initiale + médiane]. En revanche, dans le cas contraire, nous avons toujours affaire à un groupe ambigu. Nous avons classé dans le tableau ci-dessous les groupes ambigus et non-ambigus tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 parmi ceux que nous avions laissés de côté. groupes [initiale + médiane] groupes ambigus -w- kw-, kʰw-,χw-, (ɕ)qw- zw-, jw- -l- tsl-, ŋgl-, gl- zl-, jl-, ʁl- -r- (z)br-, tɕr- ɕr-, jr-, ʁr- -j- tʰj-, dj-, (χ)tsi-, chi-, ɴɢi- βj-, lj-, (χ)si-, ʁj- -ɣ- tʰɣ-, ndɣ-, ndʑɣ-, cɣ-, chɣ- βɣ-, sɣ-, ʑɣ-, ʂɣ- -ʁ- ndzʁ- zʁ-, lʁ-, jʁ-, ɕʁ- Tableau 33 : Groupes pour lesquels le test de réduplication n’est pas applicable : ambigus et analysables. Un commentaire est nécessaire pour le groupe kw- : le phonème /k/ apparaît dans un cas en position préinitiale, et l’on pourrait nous reprocher de classer hâtivement ce groupe parmi les non-ambigus. Toutefois, il convient de noter que d’une part, /k/ ne se trouve que dans un petit nombre d’exemples toujours devant le phonème /ɕ/, et d’autre part, que le seul exemple pour lequel kw- est attesté est l’emprunt au chinois kwitsɯt 22 « armoire », 櫃子 guizi. Il reste toutefois une dernière chance de pouvoir analyser les groupes : les phonèmes susceptibles d’être préinitiales n’ont pas les mêmes propriétés lorsqu’ils se combinent avec des phonèmes susceptibles d’être médianes. Nous allons analyser ces propriétés et voir si nous pouvons réduire le résidu de groupes non-analysés. 22 La consonne finale dans ce mot est inattendue, car la seconde syllabe vient de tsiX au ton shang et non au ton ru en chinois médiéval. On trouve des cas où les dialectes chinois ont une occlusive finale alors que le chinois médiéval a un ton ping ou ru (Sagart 1993 : 155 pour des exemples dans les dialectes Gan). 55 2.3.3.3 Ambiguïté structurelle. Les groupes (de deux consonnes) qui résistent toujours à l’analyse ont entre autres particularités d’avoir comme première consonne un phonème susceptible d’être préinitiale, et comme seconde un phonème susceptible d’être médiane. Si l’on prend un groupe tel que zl- par exemple, il n’est pas possible de déterminer si /z/ est préinitiale et /l/ initiale, ou si /z/ est initiale et /l/ médiane. Nous appellons ces groupes « ambigus structurellement ». Cette ambiguïté peut être résolue si le test de réduplication est applicable, ce qui est le cas d’une partie des groupes à ambiguïté structurelle. Ces groupes ont déjà été désambiguïsés dans la section 2.3.1. Toutefois, il reste un certain nombre de groupes pour lesquels ni la composition interne ni la réduplication ne donnent de solution. Il est donc nécessaire de trouver un troisième type de critère pour réduire l’ambiguïté. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Nous prenons les groupes ambigus structurellement pour lesquels le test de réduplication est applicable comme point de départ. Nous allons essayer d’en déduire les propriétés générales des combinaisons entre les phonèmes qui entrent dans la composition des groupes structurellement ambigus. w[initiale + l- j- ɣ- lw- médiane] [préinitiale + βl- initiale] lɣ- jɣ- r- ʂ- s- z- rw- zr- rj- (β)zj- ɣl- rl- βr- ɣr- rʁ- βʁ- ɣj- sl- analysables de ɕ- ʑ- ʁ- ʑr- zɣ- (f)sr- ɕɣ- deux façons ɕl- non-analysables βj- lj- jw- par βɣ- lʁ- jl- réduplication jr- rɣ- ʂɣ- sɣ- zw- ɕr- (χ)si- zl- ɕʁ- zʁ- ʑɣ- ʁlʁrʁj- jʁTableau 34 : Classification des groupes ambigus structurellement en fonction de la première consonne et du type de structure syllabique tel qu’il est révélé par le test de réduplication. Le Tableau 34 synthétise les données établies dans les chapitres précédents. Nous y classons les groupes de consonnes structurellement ambigus attestés en japhug en quatre catégories différentes : 1. Les groupes [initiales + médiane], qui lorsqu’ils se rédupliquent perdent leur médiane dans la première syllabe. Ainsi ʑru « il est grand et fort » se réduplique ʑɯ-ʑru et non *ʑrɯ-ʑru. 2. Les groupes [préinitiale + initiale], qui lorsqu’ils se rédupliquent ne perdent pas de 56 consonne dans la première syllabe. Ainsi βli « il va planter » se réduplique comme βlɯ-βli et non comme *wɯ-βli. 3. Les groupes qui peuvent se rédupliquer de deux façons différentes indifféremment. Ainsi ɕle « il va labourer » peut se rédupliquer aussi bien comme ɕɯ-ɕle ou comme ɕlɯ-ɕle. 4. Les groupes pour lesquels le test de réduplication n’est pas applicable parce qu’aucun des mots attestés avec ces groupes n’est un verbe dont la forme non-passé commence par le groupe, ou un verbe contenant une forme rédupliquée par morphologie dérivationnelle tel que kɤ-nɯrʁɯrʁa « grimper » Par ailleurs, on note un certain nombre de groupes théoriquement possibles mais tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 non-attestés en japhug, comme le montre le Tableau 35 : l- ɣ- s- ɕ- ʑ- ʁ- ʂ- *lr- *ɣw-, *ɣʁ *sw- *ɕj-, *ɕw- *ʑj-, *ʑw-, *ʁw-, *ʁɣ- *ʂw-, *ʑl-, *ʑʁ- *ʂj-, *ʂl-, *ʂr-, *ʂʁ- Tableau 35 : Groupes structurellement ambigus non-attestés. On remarque les quatre faits suivants : 1. rl- est attesté et non *lr-, comme en tibétain classique. 2. Les vélaires et uvulaires /ɣ/ et /ʁ/ ne peuvent pas se combiner entre elles, et ne peuvent pas être suivies de /w/, alors qu’elles peuvent en être précédées. 3. Les palato-alvéolaires /ɕ/ et /ʑ/ ne peuvent être suivies des approximantes /j/ et /w/. 4. Le phonème /ʂ/ est marginal : parmi ces groupes, il n’apparaît que dans ʂɣ-23, qui n’est attesté que par un seul exemple. Il ne sera pas traité dans la suite de cette section. Le Tableau 34 montre que toutes les consonnes n’ont pas le même fonctionnement dans les groupes pour lesquels la réduplication est applicable. Certaines sont toujours préinitiales même lorsqu’elles sont suivies d’une consonne susceptible d’être préinitiale. Il s’agit de /w/, de /ɣ/ et très probablement de /j/ même si la réduplication n’est applicable à des groupes structurellement ambigus commençant par /j/ que dans un cas. D’autres peuvent être préinitiales dans certains cas, et initiales dans d’autres. Ainsi, /l/ est initiale devant /w/, et /r/ initiale devant /j/ et /w/, alors que ces phonèmes sont initiales devant /ɣ/, /l/ et /ʁ/. Sur la base de ces deux ensembles de faits, nous émettons les hypothèses suivantes : 23 On le trouve aussi dans le groupe ʂχ- qui lui n’est pas ambigu. 57 1. Les approximantes (/j/ et /w/) et les fricatives à propriétés de sonantes (/ɣ/24) sont toujours préinitiales dans les groupes ambigus. Ainsi les groupes βj-, βɣ-, jl-, jr-, jʁ-, jw-, ɣl-, ɣr- et probablement ʁl-, ʁr- ʁj- sont du type [préinitiale + initiale]. 2. Les « liquides », c’est à dire vibrante /r/ et latérale /l/ sont initiales devant les approximantes /j/ et /w/, mais préinitiales dans les autres cas. Ainsi, lj- est un groupe [initiale + médiane], tandis que lʁ- et rɣ- sont du type [préinitiale + initiale]. Ces deux hypothèses pourront être testées si de nouveaux mots susceptibles de subir le test de la réduplication sont découverts dans le cours de nos recherches de terrain futures sur le japhug. Nos hypothèses son résumées dans le Tableau 36, où les groupes pour lesquels nous proposons une analyse sans pouvoir la démontrer par le test de réduplication sont indiqués en gras. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 w- l- j- ɣ- r- [initiale + lw- rw- médiane] lj- rj- [préinitiale + βl- lɣ- initiale] βr- lʁ- jw-, jl-, jr-, jɣ-, jʁ- βʁ- ʁ- ɣl- rl- ʁl- ɣr- rɣ- ʁr- ɣj- rʁ- ʁj- Tableau 36 : Analyse des groupes structurellement ambigus (/w/, /l/, /j/, /ɣ/, /r/, /ʁ/) Les approximantes, les fricatives ayant des propriétés de sonantes et les liquides constituent les six phonèmes qui peuvent se trouver aussi bien en position préinitiale que médiane. Les autres phonèmes du Tableau 34 /s/, /z/, /ɕ/ et /ʑ/ ne peuvent pas servir de médianes. Le statut de ces fricatives lorsqu’elles précèdent des phonèmes susceptibles de servir de médianes est plus difficile à généraliser. Pour les analyser, nous allons tout d’abord étudier les propriétés des phonèmes qui se trouvent en deuxième place des groupes. On remarque que tous les groupes du Tableau 34 dont le deuxième élément est une fricative ayant des propriétés de sonantes sont du type [préinitiale + initiale], à part ɕɣ-, qui peut aussi s’analyser comme [initiale + médiane]. Par ailleurs, selon notre informatrice l’analyse de ɕɣ- comme [préinitiale + initiale] (sans perte de /ɣ/ dans le premier membre de la réduplication) est légèrement plus courante. Les approximantes et les liquides, en revanche, sont parfois médianes : les approximantes sont médianes après les liquides et après /z/, et la liquide /r/ est médiane après /z/ et /ʑ/. Nous tirons de ces faits l’hypothèse que les approximantes sont toujours médianes après les liquides et les fricatives sonores /z/ et /ʑ/, tandis que les liquides /l/ et 24 Probablement /ʁ/ aussi, mais il est impossible de le savoir tant qu’aucun exemple de réduplication n’est attesté pour des groupes commençant par ce phonème. 58 /r/ ne le sont qu’après les fricatives /z/ et /ʑ/, et enfin que les fricatives /ɣ/ et /ʁ/ ne sont jamais médianes dans les groupes structurellements ambigus25. Si cette hypothèse est correcte, zw- et zl- doivent être classés dans les groupes [initiale + médiane], tandis que zʁ- et ʑɣ- doivent être placés parmi les groupes du type [préinitiale + initiale]. On en déduit également une hiérarchie dans les phonèmes placés en deuxième position de groupe, selon qu’il sont plus souvent médianes ou initiales : (26) approximantes > liquides > fricatives Les approximantes sont les plus propres à servir de médianes, suivies des liquides, qui ne sont médianes qu’après /z/ et /ʑ/ (ce qui n’est qu’une partie du contexte où les approximantes peuvent être médianes) et enfin les fricatives ne sont jamais médianes dans les groupes structurellement ambigus. Cette hiérarchie correspond exactement à la hiérarchie de sonorité, qui correspond à tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 la clarté des formants sur un spectrogramme : les approximantes ont des formants aussi clairs que les voyelles, tandis qu’avec les liquides, les formants sont moins énergétiques, et qu’avec les fricatives sonores /ɣ/ et /ʁ/, ils sont en partie masqués par la friction. Les consonnes les plus sonantes sont plus propices à servir de médiane, en vertu du principe de sonorité croissante (voir p.72). Le fait que la hiérarchie que nous avons déduite des propriétés phonologiques et morphophonologiques des groupes structurellement ambigus en japhug corresponde à une hiérarchie basée sur les propriétés acoustiques est un argument supplémentaire pour soutenir notre hypothèse. Avec les fricatives sourdes /s/ et /ɕ/, les groupes pour lesquels le test de réduplication est possible sont ou bien du type [préinitiale + initiale], ou bien indifféremment de l’un ou l’autre groupe. Dans le groupe χsi-, attesté par le mot χsiu « peau de serpent », /s/ doit être initiale puisqu’elle est précédée d’une autre consonne. Nous considèrerons les autres groupes à /s/ et /ɕ/ également comme des groupes [préinitiale + initiale]. On peut donc résumer les hypothèses proposées sur les groupes à initiales /s/, /z/, /ɕ/, /ʑ/ dans le Tableau 37. Nous indiquons ici aussi en gras les groupes pour lesquels notre analyse est une hypothèse. [initiale + s- z- (χ)si- zw-, zl-, zr-, (β)zj- sl-, sɣ- zɣ-, zʁ- ɕ- ʑʑr- médiane] [préinitiale + ɕr-, ɕʁ- ʑɣ- initiale] 25 Le cas de ɕɣ- qui se prête à deux analyses (préinitiale + initiale ou initiale + médiane) est inexplicable. 59 analysables de (f)sr- ɕɣ-, ɕl- deux façons Tableau 37 : Analyse des groupes structurellement ambigus (/s/, /z/, /ɕ/, /ʑ/). Nous avons donc proposé une analyse exhaustive des groupes ambigus en japhug. La comparaison avec le tibétain classique est intéressante. En effet, comme nous l’avons vu en 2.1, la grammaire tibétaine traditionnelle distingue préinitiales et initiales dans sa terminologie, et notre analyse en est directement inspirée. En tibétain, les consonnes /w/, /y/, /r/, /l/ susceptibles d’être médianes sont toujours médianes dans les groupes où elles sont précédée de consonnes, à l’exception de zl- à propos duquel certains grammairiens26 disent que /z/ est l’initiale (ming-gzhi). La nature de l’opposition entre zl- et sl- en tibétain classique est donc la même que celle que nous tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 avons montrée en japhug (voir le Tableau 37). 2.3.4 Conclusion Dans cette section, nous avons montré que /ʁ/ pouvait dans un cas être médiane, puis nous avons proposé une analyse de tous les groupes de consonnes auxquels le test de la réduplication ne pouvait être appliqué. Jusqu’ici, nous avons séparé l’étude des préinitiales de celle des médianes. Or, maintenant que nous avons désambiguïsé l’ensemble des groupes (même si notre analyse est encore une hypothèse pour une partie d’entre eux), il est possible de proposer une analyse générale des contraintes sur les groupes de consonnes et des incompatibilités entre préinitiales et médianes. Ce sujet fera l’objet de la dernière section. Nous y étudierons aussi de manière systématique les trous dans la distribution des groupes. 2.3.5 Etude synthétique des groupes initiaux Les groupes initiaux du japhug peuvent être constitués d’une préinitiale, qui doit être fricative ou sonante, à l’exception du cas des groupes pɕ-, kɕ- et mpɕ-, d’une initiale, où tous les phonèmes consonantiques peuvent se placer, et d’une médiane, qui doit être une sonante non-nasale ou une des fricatives /ɣ/ et /ʁ/. Dans des cas exceptionnels, on peut trouver une antépréinitiale, où seuls trois phonèmes peuvent se placer : /w/ dans certains emprunts du tibétain, /m/ dans mpɕ- et /j/ dans jmŋ-. 26 D’après L. Van der Kuijp (communication personnelle, Oxford, 12-09-2003), le premier grammairien a avoir proposé cette analyse est bSod-nams rtse-mo, dans son yig gi lag-stabs la ‘jug-pa’i sgo, un manuel de grammaire du 15e siècle. 60 Les groupes pɕ-, kɕ, mpɕ-, jmŋ et ceux à antépréinitiale /w/ ont des origines particulières. Comme nous avons déjà discuté de ces groupes, nous n’en parlerons plus dans cette section. Nous appellerons tous les autres groupes de la langue « standards ». L’inventaire des phonèmes possibles dans les groupes standards du japhug est résumé dans le Tableau 38 : Position Préinitiale Initiale Médiane Inventaire approximantes (/w/, /j/) toutes approximantes (/w/, /j/) des nasales (/m/, /n/, /N/) liquides (/l/, /r/) consonnes liquides (/l/, /r/) fricatives (/ɣ/, /ʁ/) possibles fricatives (/s/, /z/, /ɕ/, /ʑ/, /x/, /ɣ/, /χ/, /ʁ/ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 et /ʂ/) Tableau 38 : Inventaire des phonèmes possibles dans les groupes de consonnes standards. Dans les sections précédentes, nous n’avons abordé que très succinctement les trous dans la distribution des groupes, et nous n’avons absolument pas discuté des possibles incompatibilités entre préinitiales et médianes. Ces deux ensembles de problèmes seront analysés en détail dans cette section. Nous allons présenter l’ensemble des groupes attestés en japhug. Dans chaque tableau, la médiane est indiquée en lignes, et l’initiale en colonnes. Les groupes non-attestés sont laissés en blanc, les groupes attestés par un seul exemple (les dérivés réguliers ne comptant que comme un seul exemple) sont écrits entre parenthèses. La structure de chaque groupe peut donc être retirée directement de nos tableaux sans la moindre ambiguïté. Nous marquons d’un -* les syllabes qui peuvent être analysées de plusieurs manières différentes. On trouve 15 phonèmes qui ne peuvent jamais être suivies de médianes. Il s’agit des rétroflexes (/tʂ/, /tʂʰ/, /dʐ/, /ndʐ/, /ʂ/), des nasales (/m/, /n/, /ɲ/, /ŋ/), des approximantes (/j/, /w/), des fricatives vélaires et uvulaires (/x/, /ɣ/, /ʁ/ mais pas /χ/) et de /ɬ/. A ces exemples, on peut rajouter /dz/ et /ɲɟ/ qui ne semblent suivis de préinitiales dans aucun groupe bien qu’aucune contrainte phonologique de la langue ne le leur interdise. Il est possible que des investigations ultérieures permettent de découvrir des exemples de groupes ayant /ɲɟ/ ou /dz/ comme initiale. Nous présenterons les groupes dans l’ordre suivant : sans préinitiale, avec l’archiphonème /N/, puis en fonction du lieu d’articulation de la préinitiale : labiales (/w/ et /m/), dentales fricatives (/s/ ~ /z/), dentales sonantes (/l/, /n/), alvéolo-palatales (/ɕ/ ~ /ʑ/), rétroflexes (/r/ et /ʂ/), palatale /j/ et les vélaires (/x/ ~ /ɣ/), uvulaires (/χ/ ~ /ʁ/), ce qui fait en tout neuf groupes de phonèmes. 61 Après avoir passé en revue l’ensemble des groupes, nous proposerons une série d’analyses sur les propriétés générales des groupes de consonnes en japhug. 2.3.5.1 Groupes sans préinitiales Quasiment toutes les combinaisons entre initiales et médianes sont attestées lorsqu’aucune préinitiale n’est présente : on trouve 62 groupes [initiale + médiane] dont 23 n’ont qu’un seul exemple et 3 ont deux analyses possibles. Nous n’indiquons dans la première colonne du Tableau 39 que les phonèmes qui forment des groupes. En plus des 17 phonèmes qui ne sont jamais suivis de médianes, /b/ et /c/ ne forment de groupes avec médiane que lorsqu’ils sont précédés de préinitiales. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 -O- -w- p- -l- -r- -j- -ɣ- pl- pr- pj- pɣ- pʰ- (pʰɣ-) mb- (mbl-) mbr- mbj- mbɣ- t- tɣ- tʰ- (tʰɣ-) d- (dr-) nd- (ndr-) ts- (tsl-) (ndj-) tsr- tsʰ- (ndɣ-) tsɣ- (tsʰj-) ndz- ndzr- s- sr-* z- zw- l- lw- zl- zr- (ndzɣ-) zj- (tɕr-) tɕɣ- tɕʰ- (tɕʰɣ-) ndʑ- ndʑɣ- ɕ- ɕl-* ʑ- ɕr- ɕɣ-* ʑrrw- rj- cʰ- (cʰr-) ɟ- (ɟr-) k- (kw-) kr- kʰ- (kʰw-) kʰr- g- (ndzʁ-) lj- tɕ- r- -ʁ- (gl-) (cʰi-) (cʰɣ-) (ki-) gr62 ŋg- ŋgl- ŋgr- (ŋgi-) q- ql- qr- qi- qʰ- (qʰl-) qʰr- ɴɢ- ɴɢl- ɴɢr- χ- (ɴɢi-) χw- Tableau 39 : Groupes sans préinitiales. Neuf groupes attestés avec différents types de préinitiales n’ont pas d’équivalents sans préinitiales. Il s’agit de *pʰj-, *pʰr-, *bɣ-, *br-, *tʰj-, *tsi-, *dzɣ-, *si-, *qw- qui ne sont attestés que dans spʰj-, mpʰr-, zbɣ-, zbr-, ltʰj-, χtsi-, ldzɣ-, χsi- ɕqw-. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 2.3.5.2 Groupes avec la préinitiale /N/ Les groupes à préinitiales /N/ avaient été répartis dans le chapitre précédent entre le Tableau 28, Tableau 30 et le Tableau 31. Nous les avons rassemblés dans le Tableau 40. On distingue 22 groupes à préinitiale /N/, dont 8 ayant une médiane. Parmi les groupes à médianes, seuls deux sont attestés par plus d’un exemple. -O- -r- mp- -j- -ɣ- (mpj-) mpʰ- mpʰr- ntntʰ- (ntʰɣ-) nts- (ntsɣ-) ntsʰntɕʰ- (ntɕʰɣ-) (ntʂ-) ɲc- ɲcɣ- ɲcʰ- (ɲcʰɣ-) ŋkŋkʰɴq- (ɴqr-) ɴqʰTableau 40 : Groupes avec la préinitiale /N/. 2.3.5.3 Groupes avec les préinitiales /w/ et /m/ Le Tableau 41 (tableau de droite) consacré à la préinitiale /w/ peut se comparer au 63 Tableau 11, où nous avions simplement inclu les groupes sans médianes, et d’où βl-, βret βj- étaient exclus. On trouve en tout 21 groupes à préinitiale /w/, dont 3 seulement ont une médiane. Parmi ces groupes à médiane, un groupe n’est attesté que par un exemple et un autre est analysable de deux façons. Dans le Tableau 28, nous avions présenté les occlusives pouvant se placer devant /m/, mais nous y avions inclu la prénasalisée /mb/ et les groupes mp- et mpʰ- où m- est en fait une réalisation de l’archiphonème /N/. Nous présentons dans le Tableau 41 (tableau de gauche) l’ensemble des groupes avec préinitiale /m/. On en compte 25, dont seuls 4 sont des groupes à médianes. Parmi ces groupes à médianes, deux ne sont attestés que par un seul exemple. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 -O- -l- -r- -O- mt- ft- mtʰ- βd- md- fts- mn- (ftsʰ-) mts- fs- mtsʰ- βz- mdz- βl- mtɕ- ftɕ- mtɕʰ- (ftɕʰ-) mdʑ- fɕ- mdʐ- βʑ- mc- (ftʂ-) mcʰ- βr- mɟ- βɟ- mɲ- βj- mk- fk- mkʰ- mkʰr- (βg-) mg- mgr- βɣ- mŋ- -r- -j- fsr-* (βzj-) fkr- βʁ- mq- (mql-) mɢ- (mɢl-) Tableau 41 : Groupes avec les préinitiales /m/ (tableau de gauche) et /w/ (tableau de droite). 64 2.3.5.4 Groupes avec les préinitiales /s/ ~ /z/ Parmi les groupes à préinitiales /s/ et /z/, on en trouve deux qui n’apparaissent pas sans médianes : zmbr- et spʰj-, qui n’ont pas d’équivalent *zmb- ou *spʰ-. Ce sont tous deux des groupes attestés par un seul exemple. Nous avions déjà présenté dans le Tableau 14 une partie de la distribution des groupes à préinitiale /s/ ~/z/, mais nous n’avions pas inclu les combinaisons avec les médianes ainsi que les groupes sl-, sr- et sɣ-. On trouve en tout 38 groupes à préinitiale, dont 13 ont une médiane. Parmi ces derniers, 6 ne sont attestés que par un seul exemple. -O- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sp- -l- -r- -j- -ɣ- spr- spj- spɣ- (spʰj-) zb- zbr- zbɣ- (zmbr-) smzmststʰzd(znd-) snznslsr-* sc- (scr-) (scʰ-) zɟ(zɲɟ-) sɲsk- skr- skʰ- (skʰr-) zg- zgr- zŋgsŋsɣ65 sq- (sql-) (sqr-) sqʰTableau 42 : Groupes avec les préinitiales /s/ ~ /z/. 2.3.5.5 Groupes avec les préinitiales /l/ et /n/ Dans le Tableau 16, nous avions présenté la distribution de l- en position préinitiale, mais nous n’avions pas inclu les groupes à médianes comme dans le Tableau 43 (tableau de gauche). On trouve 15 groupes à préinitiales, dont seulement 3 ont des médianes, et ces derniers ne sont attestés que par un seul exemple. Les cas de préinitiale /n/ sont très rares, on n’en trouve que 4 groupes dont un seul ayant une médiane, et qui n’est attesté que par un seul exemple. Dans le Tableau 30 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 nous avions mis ensemble les prénasalisées, les groupes ayant /N/ comme préinitiale (se réalisant [n] devant dentales, alvéolo-palatales et rétroflexes) et les cas de /n/ préinitiale, ce qui explique que les exemples de groupes en n- étaient plus nombreux. -O- -j- -ɣ- (lp-) ltʰ- (ltʰj-) -O- -r- (nb-) (nbr-) ng- ld- nŋ- (ln-) (ldzɣ-) ltɕltɕʰldʑ(lcʰ-) (lcʰɣ-) (lŋ-) lxlɣlʁTableau 43 : Groupes avec les préinitiales /l/ (tableau de gauche) et /n/ (tableau de droite). 2.3.5.6 Groupes avec les préinitiales /ɕ/ et /ʑ/ La distribution des groupes à préinitiales /ɕ/ et /ʑ/ avait été présentée sommairement dans le Tableau 18. Dans le Tableau 44, nous avons rajouté les groupes à médianes. On 66 trouve 27 groupes à préinitiales /ɕ/ ~ /ʑ/, dont deux peuvent être analysés de deux façons (ɕl- et ɕɣ-) et huit ont une médiane. Parmi les groupes à médianes, la moitié est représentée uniquement par un exemple. -O- -w- -l- -r- -ɣ- ɕpɕpʰ- (ɕpʰɣ-) (ʑmb-) ʑmbr- ɕmɕtɕtʰɕn- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ɕl-* ɕtʂɕɲɕk- ɕkr- ɕkʰ(ʑg-) (ʑgr-) ʑŋg- ʑŋgr- ɕŋɕɣ-* ɕq- (ɕqw-) ɕqʰ- ɕqr(ɕqʰl-) ʑɴɢTableau 44 : Groupes avec les préinitiales /ɕ/ et /ʑ/. 2.3.5.7 Groupes avec les préinitiales /r/ et /ʂ/. La distribution de /r/ et /ʂ/ en préinitiale avait déjà été présentée dans le Tableau 20, mais dans le Tableau 45, nous avons rajouté les groupes avec médianes. On trouve 41 groupes avec /r/ ou /ʂ/ comme préinitiale, mais seulement 5 d’entre eux ont une médiane, et seul l’un de ces cinq est attesté par plus d’un exemple. -Orp- -l- -j- -ɣ- (rpj-) (rpɣ-) (rpʰ-) 67 rmb- rmbj- (rmbɣ-) rmrtrdrndrnrtsrtsʰrdzrsrzrl- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 rtɕrtɕʰrndʑrɕrʑrcrcʰrɟrɲɟrɲrkrkʰrgrŋgrŋʂŋrɣ(ʂɣ-) rqrqʰ(rɴɢl-) rʁ(ʂχ-) Tableau 45 : Groupes les préinitiales /r/ et /ʂ/. 68 2.3.5.8 Groupes avec la préinitiale /j/ et avec les préinitiales /x/ ~ /ɣ/ La distribution de /j/ en préinitiale avait déjà été étudiée dans le Tableau 22. Dans le Tableau 46 (tableau de gauche), nous avons rajouté les groupes à médianes et les groupes jw-, jl- et jr- qui avaient été volontairement exclus du tableau précédent. On trouve 22 groupes à préinitiale /j/, dont seulement 3 ont une médiane. Les groupes à médianes ne sont chacun attestés que par un seul exemple. La distribution de /x/ ~ /ɣ/, quant à elle, avait été étudiée dans le Tableau 24. Il y a 25 groupes à préinitiale /x/ ~ /ɣ/, mais ils ne comptent qu’un seul groupe à médiane, et il n’est attesté que par un seul exemple. -O- -r- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 jp- -ɣ- -O- -r- (jpɣ-) xp- (xpr-) (jpʰ-) ɣmb(jmbɣ-) ɣm- jm- xt- jw- (xtʰ-) jt- ɣd- (jd-) ɣnd- jnd- ɣn- jn xts- (jts-) xtsʰ- jtsʰ- xs- jl- ɣz- (jtʂʰ-) ɣl- jndʐ- xtɕ- jr- xtɕʰ- jk- (jkr-) ɣndʑ- jŋ- xtʂ- jɣ- (ɣndʐ-) (jχ-) ɣr- jʁ- xc(xcʰ-) ɣɟ(ɣɲɟ-) ɣj- Tableau 46 : Groupes avec la préinitiale /j/ (tableau de gauche) et avec les préinitiales /x/ ~ /ɣ/ (tableau de droite). 69 2.3.5.9 Les groupes à préinitiales /χ/ ~ /ʁ/ La distribution de /χ/ ~ /ʁ/ avait été présentée dans le Tableau 26, mais nous ajoutons ici les groupes ʁl-, ʁr- et ʁj- qui en avaient volontairement été écartés. On compte 28 groupes à préinitiale uvulaire, dont 4 à médianes. Ces groupes à médiane ne sont attestés chacun que par un exemple. -O- -r- χp- (χpr-) -j- -ɣ- (χpʰ-) (ʁmb-) (ʁmbɣ-) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ʁmχtχtʰʁdʁndχts- (χtsi-) (χtsʰ-) (ʁndz-) χs- (χsi-) ʁzʁlχtɕχɕʁʑʁr(χʂ-) χcχcʰʁɟʁɲʁjTableau 47 : Groupes avec les préinitiales /χ/ ~ /ʁ/. 70 2.3.5.10 Analyse Nous avons effectué l’inventaire complet des groupes de consonnes attestés en japhug. Ceux-ci ne constituent sans doute qu’une partie des groupes possibles, et une analyse plus exhaustive des onomatopées et des idéophones devrait permettre de livrer davantage d’exemples. On compte 335 groupes de consonnes en japhug de kɤmɲɯ. C’est davantage que le dialecte de Cogtse, qui en aurait 231, et approximativement autant que celui de Tshobdun, qui en aurait 341 selon Qu (1990) ; le décompte des groupes effectué par Qu Aitang doit toutefois être évalué avec précaution car celui-ci considère les prénasalisées comme des groupes alors que nous les analysons comme des phonèmes à part entière. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 /N/ /w/ /m/ /s/ /l/ /n/ /z/ /ɕ/ /r/ /j/ /ʑ/ /x/ /χ/ /ɣ/ /ʁ/ Total préinitiale sans médianes 14 18 21 25 12 3 17 36 19 24 24 213 avec médianes 8 2 4 13 3 1 8 5 3 1 4 52 sans_médianes 1 4 0 3 4 1 2 3 5 4 5 32 6 1 2 6 3 1 4 4 3 1 4 35 (un_exemple) avec médianes (un exemple) sans 59 23 Tableau 48 : Nombre des groupes de consonnes en japhug, selon leur préinitiale, leur médiane et selon qu’ils sont attestés par un exemple ou plus. Dans le Tableau 48, nous présentons le nombre des groupes selon qu’ils ont ou non une médiane. Les groupes sans préinitiales sont indiqués séparément et ne participent pas au compte du total. Par ailleurs, nous précisons le nombre de groupes de consonnes qui ne sont attestés que par un exemple parmi chacun des ensembles indiqués dans le tableau. Les groupes que nous avons appelés « standards » sont 213 + 52 + 59 = 324, auxquels ils faut rajouter les sept groupes à antépréinitiale /w/, jmŋ-, mpɕ-, pɕ-, kɕ-, ce qui fait 335 groupes en tout. Seuls 61 de ces groupes comprennent trois consonnes (soit 18 % de l’ensemble). Parmi les groupes « standards », les groupes à trois consonnes (préinitiale – initiale – médiane) sont à 67 % attestés par un seul exemple, alors que cette proportion n’est que de 15 % pour les groupes à deux consonnes du type [préinitiale + initiale]. Tout ceci montre que les syllabes dont la structure est plus compliquée sont plus rares et moins variées que celles dont la structure est plus simple. La structure de la syllabe en japhug obéit à des règles différentes de celles qu’on observe dans la plupart des langues européennes. Ainsi, dans les langues indo-européennes classiques (excepté l’arménien), les syllabes sont structurées par le 71 principe de sonorité croissante (принцип возрастaющей звучности). Voici par exemple la structure de la syllabe en vieux slavon27 selon Xaburgajev (1974 : 106) : Fricative Occlusive nasale ou / Affriquée /v/ [w] liquide voyelle Tableau 49 : Structure de la syllabe en vieux slavon. Ce schéma diffère de l’inventaire des phonèmes selon les positions dans la syllabe en japhug (voir le Tableau 38). En effet, les sonantes (nasales, approximante -v- [w] et liquides) doivent toujours être placées dans la syllabe après les obstruantes (fricatives, occlusives et affriquées). La loi de sonorité croissante indique en effet que les consonnes proches de la voyelles doivent être plus sonores que les consonnes qui en sont plus tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 éloignées. Les groupes tels que zdr-, kn- sont possibles en vieux slavon, mais pas *nk- ou *rt-. Venneman (1998 : 18) décrit un aspect du principe sonorité croissante sous sa head law (loi sur les attaques) : « good syllable heads according to the Head Law are those with a continual drop of Consonantal Strength from the beginning toward, and including, the nucleus » 28 , la force consonantique (Consonantal Strength) étant déterminée par la nature de la consonne : de la plus forte (occlusives sourdes) à la plus faible (voyelles). Selon cette définition, les groupes [occlusive + fricative] (ts-, tʃ-) et les groupes [obstruante + liquide] (kr-, pl-, sr-), les deux conformes à la loi de sonorité croissante, sont de bonnes attaques (good heads). En revanche les groupes [sifflante + occlusive] (tels que st-, zd-, sk- etc.) et les groupes [occlusive + nasale] (gm-, pn-) qui sont conformes au principe de sonorité croissante sont selon cette définition de mauvaises attaques (bad heads). En japhug, les groupes consonantiques n’obéissent pas au principe de sonorité croissante. Non seulement le japhug permet des syllabes avec des préinitiales nasales, ce qui est un cas courant dans les langues d’Asie, il autorise des préinitiales liquides et même des approximantes avant les occlusives, alors que ces trois types de consonnes sont plus sonores que les occlusives. Toutefois, nous avions remarqué en 2.3.3.3 que dans les groupes structurellement ambigus, les approximantes étaient les plus propres à être médianes, suivies des liquides et enfin des fricatives sonores qui ne fonctionnaient jamais comme médianes dans ce type de groupe. Cette hiérarchie des phonèmes selon leur degré de sonorité rappelle le 27 Le vieux slavon était une langue à syllabe ouverte, c’est pourquoi nous n’indiquons pas de consonne finale. 28 « Les attaques (relativement) bonnes, d’après la loi sur les groupes de consonnes initiaux, sont celles dont les consonnes présentent une baisse continuelle de force consonantique de la première consonne jusqu’au noyau de la syllabe inclu. » 72 principe de sonorité croissante. Toutefois, en japhug, ce principe ne permet pas d’interdire l’existence de certaines syllabes comme en slavon, mais seulement de forcer l’analyse de groupes ambigus : les phonèmes les plus sonores ont tendance à servir de médianes, les moins sonores de préinitiales. Nous avons remarqué au cours de ce chapitre plusieurs types d’incompatibilités entre initiales et médianes, ainsi qu’entre préintiales et fricatives. Toutefois, nous n’avons pas abordé le problème de l’incompatibilité éventuelle entre préinitiales et médianes. Il en existe pourtant des exemples, mais il convient d’être prudent, étant donné que certaines préinitiales ne sont attestées que dans très peu de groupes à médianes : il serait fâcheux de tirer des conclusions trop hâtives de l’absence d’un certain type de groupes dans la langue. On remarque toutefois que pour les six phonèmes /w/, /l/, /r/, /j/ et /ɣ/ pouvant se tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 trouver aussi bien en position préinitiale qu’en médiane (/ʁ/ n’étant attesté que par un exemple en médiane, il ne compte pas), on ne rencontre aucun groupe de trois consonnes préinitiale-initiale-médiane ayant le même phonème comme préinitiale et médiane. Ainsi, les groupes du type *βCw-, *lCl-, *rCr-,*jCj- ou *ɣCɣ sont interdits en japhug. On peut y ajouter l’absence de groupes *ʑCj- où la préinitiale est alvéolo-palatale et la médiane palatale. On constate donc dans cette langue une restriction phonotactique des phonèmes identiques ou trop proches dans le même groupe initial. Ce phénomène s’observe également en tibétain classique, où les groupes *rCr- ou *lCl- ne sont pas possibles (ce sont les seuls phonèmes à pouvoir être à la fois préinitiale et médiane dans cette langue). Toutefois, cette restriction n’affecte que marginalement les phonèmes proches par leur lieu d’articulation : les vélaires et les uvulaires, qui ne peuvent pas former de groupes à eux tous seuls *ɣʁ-, *qɣ-, peuvent se combiner dans un cas lorsqu’il l’un est préinitiale et l’autre médiane : le groupe ʁmbɣ- est autorisé. 2.4 Rimes L’étude des rimes ne pose pas la même difficulté que celle des groupes de consonnes initiaux, car la distinction entre les deux positions qui s’y trouvent (voyelle et finale) n’est jamais ambiguë. Le japhug se caractérise par l’absence de tout groupe consonantique final et de vraies diphtongues : les diphtongues apparentes sont dues à une médiane ou à une finale approximante /j/ ou /w/ selon notre analyse, sauf peut-être dans le cas de -ɯu et de -ɯa qui sera étudié en 2.4.3. Dans ce chapitre, nous étudierons tout d’abord les syllabes ouvertes, puis nous aborderons les syllabes fermées. Nous évaluerons la distinctivité de chacun des phonèmes vocaliques selon la consonne finale ou la consonne qui la précède. 73 2.4.1 Syllabes ouvertes Le japhug compte huit voyelles différentes en syllabe ouverte. La voyelle /y/ n’apparaît que dans un seul exemple (qaɟy « poisson » et ses dérivés), et /ɤ/ ne se trouve jamais en fin de mot sauf dans la conjonction nɤ. Cet inventaire de phonèmes est semblable à celui du dialecte de Cogtse. u ɯ i o ɤ e y a Tableau 50 : Triangle vocalique du japhug. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Les paires minimales suivantes permettent d’établir la distinctivité des phonèmes vocaliques en syllabe ouverte : paires minimales devant signification /ɟ/ ou /ɲɟ/ paires minimales signification devant /n/ a wɯɟa cuillère kɤ-nɯna se reposer o kɤ-ɲɟo subir des dommages kɤ-no chasser nɤ conjonction kɤ-sqane plonger ɤ e ʁɟo-ʁɟe alcool dilué u ɟu bambou ɯ waɟɯ tremblement de terre nɯ démonstratif i kɤ-rɤɲɟiɲɟi écraser mani mantra « mani » y qaɟy poisson dans l’obscurité Tableau 51 : Paires minimales entre les voyelles en syllabe ouverte. Bien que le phonème /y/ ne soit attesté que par un seul exemple dans toute la langue, les paires minimales présentées ci-dessus garantissent sa distinctivité par rapport à toutes les autres voyelles de la langue. Le phonème /y/ vient probablement d’une ancienne diphtongue. Sun et Shi (2002 : 90) rapportent la forme qɐɟwɛʔ « poisson » dans la langue de Tshobdun. A la différence des autres langues rgyalronguiques, le japhug ne possède pas d’oppositions tonales ni de glottalisation et semble n’en préserver aucune trace. La voyelle que nous notons /ɤ/ a de nombreuses réalisations différentes en japhug. Devant les palato-alvéolaires et les palatales à l’intérieur des mots lorsqu’elle est suivie d’une voyelle antérieure, elle a tendance à se prononcer [e]. Ainsi, dans tɕheme « fille », il est possible que le –e de la première syllabe soit en fait un /ɤ/ phonologiquement : dans 74 ces contextes, les deux phonèmes ne sont pas distinctifs. De même, devant les labiales à l’intérieur de mot lorsqu’elle est suivie d’une syllabe dont la voyelle est postérieure arrondie, elle a tendance à se prononcer [o]. Ainsi, le mot tɤ-potso « garçon » pourraît phonologiquement s’analyser /tɤpɤtso/. Enfin, devant les consonnes uvulaires, /ɤ/ se prononce [a]. Ainsi dans le verbe kɤ-raχtɕi « laver, Intr. », le [a] de la seconde syllabe pourrait s’analyser /ɤ/. Le phonème correspondant à cette voyelle est généralement noté <ɐ> par les spécialistes des dialectes rgyalrong, à la suite de la tradition établie par Jin Peng et al. (1956). Il nous semble que cette notation est incorrecte même pour les dialectes étudiés par les auteurs en question, tels que celui de Cogtse que nous avons entendu de nos propres oreilles. Le symbole <ɐ> en alphabet phonétique international est une voyelle moyenne entre tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ouverte et mi-ouverte. Elle correspond au /a/ du russe en position accentuée. Il est légèrement plus fermé que le [a] du français et prononcé plus en arrière. Or, le phonème /ɤ/ en japhug (ainsi que son équivalent en Cogtse) a une prononciation très variée selon les contextes, allant de [o], [e] et [a] à l’intérieur des mots, à [ɛ] dans certaines syllabes fermées, et à [ɤ] dans les syllabes ouvertes en fin de mot. Nous préférons donc employer le symbole <ɤ> pour représenter ce phonème, parce qu’il ne semble plus représentatif de sa réalisation la plus habituelle. Le phonème que nous notons <ɯ> est noté <ə> par les autres spécialistes. Là encore, nous nous basons sur sa prononciation en syllabe ouverte en fin de mot, où ce phonème est clairement réalisé comme une voyelle fermée, pour choisir le symbole qui conviendrait le mieux dans la transcription de la langue. Précédé de fricatives dentales ou palatales, /ɯ/ se réalise comme une voyelle apicale [ɿ] ou [ʅ]. /tsɯ/ serait donc [tsɿ] et /tʂɯ/ [tṣʅ] en notation phonétique stricte. Notre transcription se veut phonologique (c’est à dire, toutes les distinctions de la langues y sont représentées de manière consistante, et aucune distinction qui n’existerait pas dans la langue n’est inventée), mais nous préférons choisir une notation proche de l’API plutôt que de suivre la tradition des spécialistes chinois du rgyalrong. 2.4.2 Syllabes fermées L’inventaire des voyelles en syllabe fermée est quasiment le même qu’en syllabe ouverte, à l’exception du phonème /y/, qui comme nous l’avons vu n’apparaît que dans un seul mot. Le phonème /e/ n’apparaît en syllabe fermée que suivi du suffixe –t de deuxième personne du singulier de l’aoriste. Il n’y a aucune voyelle, en revanche, ne pouvant apparaître qu’en syllabe fermée en japhug, même si ce type de situation peut se trouver dans des langues rgyalronguiques telles que le Zbu. 75 Les phonèmes pouvant se trouver en finale sont des occlusives /t/, /p/, des fricatives /ɣ/, /ʁ/, des nasales /m/, /n/, /ŋ/, des liquides /l/, /r/, des approximantes /w/ (sous la forme de [β]) et /j/ et la fricative /s/, soit en tout douze phonèmes. Toutefois, il doit être noté que /p/ est extrêmement rare dans cette position : il n’apparaît que dans deux idéophones. A part /t/ qui est resté occlusif, les finales /k/ et /p/ du Cogtse correspondent à /ɣ/ ~ /ʁ/ et à /w/. Voici un tableau des finales en japhug. Les finales entre parenthèses ne sont pas incluses pour la plupart dans le tableau des paires minimales qui suit : ce sont toutes celles qui n’apparaissent ni devant les occlusives dentales, ni devant les labiales. Il s’agit soit de rimes attestées par un seul mot, soit de rimes ayant une distribution restreinte, en distribution quasi-complémentaire avec d’autres rimes. Ces rimes marginales seront tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 étudiées en 2.4.3. Labiales -p -a- Apicales -β -m -t -n -s -aβ -am -at -an -as (-al) -ar -e- -l -r Dorsales -j -ɣ -ʁ -ŋ (-aɣ) -aʁ -aŋ -oʁ -oŋ (-et) -ɤ- -ɤβ -o- -ɤm -ɤt -ɤn -ɤs -ɤl -ɤr -ɤj -om -ot -on -os (-ol) -or (-oj) (-it) (-in) (-is) (-il) -ɯm -ɯt -ɯn -ɯs -ɯl -um (-ut) (-un) (-us) -i-ɯ- Laminale (-ɯp) -u- -ɯβ -ɤɣ (-ij) -ɯr -ur -ɯɣ (-uj) -ɯŋ (-uɣ) Tableau 52 : Tableau des rimes du japhug. Si l’on inclut les voyelles sans finales et les rimes -ɯu et -ɯa, on compte 61 rimes différentes. Etant donné la variété des initiales, il est difficile de présenter des paires minimales exactes pour toutes ces rimes. Nous donnons un exemple avec une initiale occlusive labiale, et un autre avec une initiale occlusive dentale, les deux exemples sans médiane dans la mesure où des exemples peuvent être fournis. On ne peut pas trouver d’exemple pour la majorité des rimes marquées entre parenthèse dans le Tableau 52. 76 initiale labiale signification initiale dentale signification kɯ-ntaβ stable tɤ-ntɤβ bulle, écume -ɯβ kɯ-ndɯβ fine (poudre) -am tʰam-tʰam maintenant -ɤm kɤ-ntɤm plat -om kɯ-ndom horizontal kɤ-tɯm boule de laine -aβ -β -m tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 -t -n -ɤβ pɤβ natte -ɯm tɯ-χpɯm genou -um kɯ-jpum large (diamètre) -at kɯ-mbat léger (travail) tat-pa foi -ɤt kɤ-ɕpʰɤt réparer tɯ-stɤt le haut du corps -ot kɤ-pʰot oser stot-pa nom d’un lieu -ɯt kɤ-ɕpɯt élever xtɯt chat sauvage (-ut) qusput coucou -an pʰan-thoʁ avantage tan-tan fardeau -ɤn kɯ-pʰɤn avoir de l’effet tsɤndɤn santal tɤ-ton amont, haut χtɯn mortier tɯ-tun but ɯ-tɤs à l’origine tɯs époque dal-tsɯtsa lentement kɤ-rdɤl aller trop loin kɤ-tɯl devenir mauvais à -on -ɯn pɯnbu bonpo (-un) -as kɯ-ɕpas marmotte -ɤs -s -os spos encens -ɯs kɯ-pɯs pourri (-us) kɯ-mbus déborder (-al) pal-tsaʁ glaise appliquée sur les plaques de -l pierre -ɤl ɯ-pɤl partie de la louche qui sert à contenir le liquide -ɯl kɤ-pʰɯl offrir manger (tsampa) -r -ar qapar chacal -ɤr ɕpɤr-ɕpɤr avoir un visage kɤ-tar se développer kɤ-tɤr tomber χtor-ma offrande grand et rond -or 77 -ɯr kɯ-mɤmbɯr saillant tɤ-tɯr outil pour graver l’argent -j -ɤj tɤ-ɣmbɤj face d’une stɤj-stɤj petit et trapu montagne -ɣ (-uj) tɤ-muj plume -ɤɣ tɯ-lpɤɣ banc de sable tɤ-tɤɣ armoire -ɯɣ kɯ-pɯɣ se gonfler tɯɣ poison stuɣsi joug (-uɣ) -ʁ -ŋ -aʁ paʁ cochon taʁ dessus -oʁ kɤ-nɯpoʁ embrasser lɯtoʁ récolte -aŋ kɯ-maŋ beaucoup kɯ-taŋ authentique -oŋ rŋamoŋ chameau sɤ-stoŋ endroit vide tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 53 : Exemples des rimes du japhug devant des occlusives labiales et dentales. Etant donné que les rimes ayant comme voyelles /i/ et /u/ sont dans un grand nombre de cas des rimes marginales, la majorité des racines rgyalrong (y compris les emprunts au tibétain) à syllabe fermée se partagent seulement quatre voyelles : /a/, /ɤ/, /o/ et /ɯ/. L’explication pour la distribution de ces rimes ne pourra être livrée que dans le chapitre 4 sur la phonologie historique. Il est intéressant de noter qu’une partie des rimes à finale labiale (–β ou –m) ne sont pas attestées avec une initiale labiale : c’est le cas de –aβ, –ɯβ, –am, –ɤm et –om. Ce type de contrainte se retrouve aussi en chinois, où à plusieurs reprises dans l’histoire de cette langue, des dissimilations ont causé la disparition de certains types de syllabes dont les initiales et les finales étaient labiales (熊 *bwɨm > hjuwng du chinois archaïque au chinois médiéval, tandis que 法 pjop > faát du chinois médiéval au cantonais). Comme nous le verrons toutefois dans le chapitre sur la phonogie historique, aucun changement phonétique de ce type n’est connu en rgyalrong. 2.4.3 Rimes marginales Les cas de rimes marginales ou à distribution limitée sont les suivants : –ɯp, –aɣ, –oj, –ol, et les rimes avec les voyelles /e/, /i/ et /u/ (sauf –um et –ur) et enfin les rimes -ɯu et -ɯa. La rime -ɯp a comme particularité d’avoir une finale –p, phonème qui n’est autremement jamais attesté dans cette position. On n’en trouve que deux exemples : l’onomatopée rkʰɯrkʰɯrkʰɯp « bruit de coups sur une planche de bois » et l’adjectif ʑɯp-ʑɯp « beaucoup de gens debout, beaucoup d’objets dressés ». La distinctivité avec la rime -ɯβ est garantie par la paire minimale avec kɤ-nɯʑɯβ « s’endormir ». Ces deux 78 mots expressifs ne sont certainement pas hérités du proto-rgyalrong. Cette finale inattendue –p est une innovation du japhug de kɤmɲɯ - il n’est pas certain que l’ensemble des dialectes japhug présente la même particularité. Les finales -ɣ et -ʁ sont en distribution complémentaire : -ɣ se trouve après /ɤ/, /ɯ/ et /u/, tandis que -ʁ se trouve après /a/ et /o/. Toutefois, on trouve un exemple exceptionnel de -aɣ : le génitif de ʑara « 3pl. ils », ʑara-ɣ, qui forme une paire minimale avec l’emprunt au tibétain raʁ « laiton ». On doit toutefois remarquer que les deux prononciations ʑaraɣ et ʑarɤɣ sont considérées correctes par notre informatrice. –aɣ est une finale instable et marginale dans le système. Les rimes –oj et –ol ne sont chacune attestées que par un seul exemple. –oj apparaît dans l’interrogatif ŋoj « où », qui est probablement une forme réduite de ŋotɕu « où ». –ol ne se trouve que dans le nom à valeur prédicative tɯ-tɤʁol « se préoccuper de ce qui ne tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 nous regarde pas » dont l’étymologie n’est pas connue. La rime –et ne peut apparaître, comme nous l’avons dit, qu’à la seconde personne de l’aoriste des verbes transitifs dont la racine est une syllabe ouverte avec le vocalisme –e. On peut trouver des paires minimales -et :: -ɤt du type nɯ-tɯ-ɣle-t « tu l’as frotté », et kɤ-lɤt « lancer ». Avec la voyelle /u/, seules les rimes –um et –ur sont attestées avec un nombre important d’exemples. Pour les autres, on n’en trouve guère plus d’un ou deux : -ut qusput « coucou » (mot onomatopéique, d’après les informateurs) kha-rwut « fièvre aphteuse » (le terme officiel pour cette maladie en tibétain est kha tsha rmig tsha, mais on peut proposer l’étymologie *kha rbod, car rbod-ma signifie « malédiction »). Cette rime est également attestée par l’aoriste des verbes transitifs en –u à la deuxième personne du singulier : thɯ-tɯ-pu-t « tu l’as cuit dans les braises » -un tɯ-tun « but » (du tibétain don « sens ») rɟa-βlun « ministre » (tibétain rgya-blon) βlun-bu « ministre » (tibétain blon-po) -us scus « un gallinacé : Ithaginis cruentus » (japhug de Datshang : sces) kɯ-mbus « déborder » : (Zbu kə-mbôs) -uj tɤ-muj « plumes » (Somang ta-mŋi ́) kɤ-sɤluj « recouvrir complètement » (Somang ka-səli ̂) qʰuj « ce soir » (racine qʰu « tard, après » + locatif *-j fossilisé) -uɣ stuɣsi « joug pour deux bovins » Dans la majorité des cas, il s’agit soit d’emprunts tibétains, soit de mots ayant subi des changements phonétiques spéciaux. Nous discuterons plus en détail de ces exemples dans le chapitre 3. Les rimes avec la voyelle /i/ ne sont pas attestées par aussi peu d’exemples que 79 dans le cas des rimes à /u/, mais leur distribution est limitée : –it, –in et –is n’apparaissent que devant les palatales et les palato-alvéolaires. Or, comme -ɯt, -ɯn et -ɯs ne peuvent jamais se trouver devant ces deux types d’initiales, on peut considérer –it, –in et –is comme des allophones de ces trois rimes. Cette distribution complémentaire n’est qu’imparfaite pour –it et -ɯt : elle ne concerne pas les formes verbales conjuguées. Lorsqu’on ajoute le suffixe –t de seconde personne de l’aoriste, on peut former des contre-exemples tels que pɯ-tɯ-ɣɤjɯ-t « tu l’as ajouté » qui s’oppose à kɤ-jit « couler naturellement », et pɯ-tɯ-fkri-t « tu y as ajouté de la poudre », qui s’oppose à kɤ-jkrɯt « se solidifier ». Les rimes –ij et –il sont plus limitées, mais ne sont pas soumises à la contrainte des rimes –it, –in et –is, car on peut les trouver devant d’autres initiales que les palatales ou les palato-alvéolaires. -ij n’est attestée qu’avec le mot kɤ-wij « être fermés (yeux) ». –il ne tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 se trouve que dans les mots jilco « voisin » dont la première syllabe vient du tibétain yul « pays », et kɤ-rŋil « faner ». Ce dernier mot forme une paire minimale -il :: -ɯl avec l’emprunt tibétain rŋɯl « argent ». La rime -ɯu n’est attestée que par le mot zɯu « une maladie de l’œil ». Cette rime est distincte de -ɯβ, comme le prouve la paire minimale avec kɯ-ɣɤzɯβzɯβ « astringent ». Cette rime est difficile à analyser : s’agit-il d’une diphtongue, d’un cas ou le phonème /u/ pourrait se trouver en position finale, ou à l’inverse de /ɯ/ en position médiane ? Il est impossible de trancher la question, étant donné que nous n’avons qu’un seul exemple et que par ailleurs aucun cognat de ce mot n’est connu dans les autres langues rgyalronguiques. La rime -ɯa n’est attestée que dans mbro-lɯa « crinière », qui correspond à mbro-lwá en somang. Cette rime pose les mêmes problèmes d’analyse que -ɯu. 2.4.4 Resyllabification et influence des autres syllabes Les finales peuvent dans certains cas être réanalysées comme les préinitiales de la syllabe suivante. Les locuteurs de la langue en sont conscients, et lorsqu’on leur demande de syllabifier un mot29, ils hésitent parfois entre plusieurs possibilités. Ainsi l’étymologie de chaque syllabe n’est pas toujours pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer la syllabification. Ainsi kɤ-nɯpʰaʁɲɤl « s’allonger » est un composé hybride tibétain et rgyalrong : la syllabe -ɲɤl vient du tibétain nyal « dormir, se coucher » tandis que pʰaʁ est un mot rgyalrong signifiant « côté ». Toutefois ce composé peut aussi bien se syllabifier /kɤ/nɯ/pʰaʁ/ɲɤl/ selon l’étymologie que /kɤ/nɯ/pha/ʁɲɤl/, avec une extraction de la finale 29 Comme nos informateurs parlent tous chinois et ont tous une certaine notion de l’écriture de cette langue, on peut obtenir la syllabification d’un mot en leur demandant de le découper en « caractères ». 80 en position préinitiale de la syllabe suivante. Les règles précises de la syllabification n’ont pas encore été mises en évidence, et un travail de terrain complémentaire sera nécessaire. Outre le fait qu’elles peuvent devenir les préinitiales des syllabes suivantes, certaines finales disparaissent dans des contextes précis. La finale –t disparaît devant une syllabe à préinitiale nasale ou prénasalisée, l-, r- et χ-, ainsi que devant l’initiale ʂ-. On peut le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 constater dans certains exemples de réduplication totale : ltɕʰɤ-ltɕʰɤt « être suspendu » ltʰjɤ-ltʰjɤt « propre et bien repassé » ndjɤ-ndjɤt « imposante et gracieuse (femme) » ɲcɣɤ-ɲcɣɤt « en très grand nombre » kɯ-ɣɤ-ndɣɤ-ndɣɤt « trembler » tɤ-rkʰɤ-rkʰɤt « chemin de montagne en pierre avec des marches » rŋɤ-rŋɤt « imposant » χʂɤ-χʂɤt « très intelligent (regard) / léger (habit) » χtsʰɤ-χtsʰɤt « sage et très actif (enfant) » kɤ-sɤ-ʂɤ-ʂɤt « lire / écrire de manière très fluide » La finale -β disparaît devant ɕ- et r- préinitiales : ɕpʰɤ-ɕpʰɤβ « (expression que l’on dit lorsque) un petit enfant se couche par terre sans bouger » kɯ-ɣɤ-rpʰɤ-rpʰɤβ « faire le bruit de battement d’ailes » -ɣ et –β disparaissent devant les occlusives sonores correspondantes g- et b- : bɤ-bɤβ « être facile à tromper / épais, lourd et peu pratique / pousser en touffe (champignons) » gɤ-gɤɣ « instable sur ses pieds » Aucun des mots présentés ici ne pourraient être des réduplications partielles puisque la voyelle de la première syllabe est toujours /ɤ/ et non /ɯ/. On ne trouve pas d’exemples avec d’autres voyelles que /ɤ/ du fait que les idéophones et les onomatopées, les seules classes de mots de la langue pour lesquelles la réduplication totale est un phénomène répandu, privilégient les voyelles centrales /ɤ/ et /ɯ/, et n’emploient qu’exceptionnellement /a/, /o/ ou /u/. Les emprunts tibétains fournissent des exemples complémentaires de ce type de phénomènes. Nous étudierons ces exemples dans le chapitre 3. 2.4.5 Contraintes sur les géminées Le japhug n’admet pas de géminées à l’intérieur d’un même lexème : ainsi, les emprunts tibétains dissyllabiques dont la finale de la première syllabe et la première 81 consonne (préinitiale ou initiale) de la seconde sont semblables ne sont pas géminées en japhug (voir chapitre 3). On trouve cepend ant quelques cas de géminées entre deux morphèmes dans les deux cas suivants : z Dans la conjugaison verbale, lorsqu’on ajoute les suffixes –tɕɯ (1d), –nɯ (23p) et –ndʑɯ (23d), à une racine verbale finissant en –t, on observe une géminée. Par exemple, avec le verbe kɤ-fɕɤt « raconter », on a : pɯ-fɕɤ́t-tɕɯ [pɯfɕɛ́ttɕɯ̻] (nous deux avons raconté cela), pɯ-fɕɤ́t-ndʑɯ [pɯfɕɛ́nndʑɯ̻] (eux deux ont raconté cela) ; pɯ-fɕɤ́t-nɯ [pɯfɕɛ́nnɯ̻] (ils ont raconté cela). z Certains mots grammaticaux composés avec un élément /nɤ/ désaccentué tels que kɯ́nnɤ « aussi ». tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 2.4.6 Conclusion La structure des rimes pose moins de difficultés d’analyse que celle des groupes de consonnes initiaux, car, en dehors de -ɯu et -ɯa, il n’y a aucune rime ambiguë. Toutefois, certaines rimes ont un statut marginal que nous n’avons fait ici que constater, et seule l’étude de la phonologie historique nous permettra d’expliquer leur distribution. Le système de finales du japhug est comparable à celui d’autres langues de la région. L’inventaire maximal des finales que l’on rencontre habituellement dans les langues tibéto-birmanes, kam-tai, hmong-mien et austroasiatiques est le suivant : une série d’occlusives orales (–p –t –k), de nasales (-m, -n, -ŋ), d’approximantes (-w, -j), des sonantes –l et –r, les fricatives –s ou –h et le coup de glotte -ʔ. Dans une langue tibéto-birmane comme le qiang du nord, la chute de certaines voyelles finales a permis malgré tout de recréer une inventaire complet de fricatives en finales, et même de groupes de consonnes, mais c’est là une exception. A part la dentale –t, les occlusives du rgyalrong oriental (Cog-tse, So-mang) correspondent à des fricatives sonores en japhug. Nous avons vu que la finale –p du japhug de kɤmɲɯ est une innovation et que le *-p du proto-japhug y était devenu –β. Les –k du cogtse correspondent à -ɣ ou -ʁ en japhug. C’est là une caractéristique partagée par un certain nombre de dialectes, comme nous le verrons dans le chapitre 4 sur la phonologie historique. 82 3 Stratification des emprunts tibétains Le contact entre le rgyalrong et le tibétain est un des points les plus complexes de l’histoire du rgyalrong. Les langues rgyalronguiques appartiennent, tout comme le tibétain, à la famille sino-tibétaine. Toutefois, comme nous l’avons suggéré dans le chapitre d’introduction, ces langues sont sans doute plus proches du tangoute ou du birman qu’elles ne le sont du tibétain. L’étendue de l’influence du tibétain varie selon les dialectes, mais contrairement à une idée répandue, elle est relativement modérée, tout du moins en ce qui concerne le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug : le nombre d’emprunts dans la langue ne s’élève guère qu’à 18 % du vocabulaire de 4000 mots que nous avons compilés (21 % si on y ajoute les mots qui pourrait être cognats). L’étude des emprunts tibétains dans les langues rgyalronguiques pose toutefois une série de problèmes méthodologiques. Tout d’abord, il convient de distinguer cognats et emprunts. Comme nous l’avons vu dans le chapitre d’introduction, la confusion entre ces deux concepts fait que la plupart des intellectuels tibétains considèrent les langues rgyalronguiques comme des dialectes tibétains. Etant donné que le tibétain ancien et les langues rgyalronguiques sont des langues relativement conservatrices phonologiquement, et que certains emprunts du tibétain remontent à une date très ancienne, c’est une opération délicate : certains mots qui ressemblent en tout point à des emprunts pourraient être des cognats. Par ailleurs, ces emprunts viennent d’un grand nombre de dialectes, du tibétain ancien aux variantes modernes de la langue de l’Amdo. Certains emprunts reflètent même des mots qui ne sont pas attestés dans les dictionnaires parce qu’ils viennent de dialectes différents de celui qui est à la base du tibétain classique. On doit donc distinguer plusieurs couches d’emprunts différentes. Ensuite, les emprunts ne sont pas en quantité suffisante pour établir l’ensemble des correspondances phonétiques avec le tibétain classique pour chacune des couches d’emprunts. Enfin, l’étude des emprunts tibétains ne saurait se passer de la phonologie historique des langues rgyalronguiques elles-mêmes. En effet, certains mots ont pu avoir été empruntés dans une langue ancestrale à plusieurs langues rgyalrong, voire en proto-rgyalrong. Ainsi, la phonologie historique du rgyalronguique est nécessaire pour déterminer la stratification des emprunts. L’analyse des emprunts tibétains dans les langues rgyalronguiques présente trois 83 types d’intérêt différents pour le comparatiste. En premier lieu, elle permet d’éviter de confondre emprunts et cognats dans le cadre d’une recherche comparative sur le tibéto-birman qui inclurait le rgyalronguique. En second lieu, elle nous apporte des informations importantes sur la phonologie historique des langues rgyalronguiques, et pourrait même servir dans certains cas d’argument pour classifier ces langues dans un Stammbaum fondé sur les innovations communes. En troisième lieu, elle renseigne sur la prononciation du tibétain ancien, sur l’histoire des dialectes Amdo, et fournit des attestations d’un certain nombre de mots qui n’apparaissent jamais en tibétain classique. Dans ce travail, nous prendrons comme point de référence l’orthographe tibétaine classique, et nous nous limiterons à l’étude du dialecte japhug de kɤmɲɯ, la seule langue rgyalrong pour laquelle nous avons suffisamment de données sur les emprunts. Notre travail se divise en deux grandes parties. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tout d’abord, nous présenterons les données sur lesquelles se fonde notre analyse de la stratification, ainsi que nos critères pour distinguer les emprunts des cognats. Durant la compilation de notre dictionnaire, nous avions rassemblé tous les mots similaires en tibétain et en japhug, sans nous soucier de savoir dans un premier temps s’il s’agissait de cognats ou d’emprunts. Sur la base de ce corpus, nous établirons les correspondances phonétiques entre tibétain et japhug. Nous traiterons séparément les rimes, les initiales, et enfin les correspondances phonétiques inhabituelles de certains dissyllabes. Ensuite, nous tenterons de nous baser sur ces correspondances phonétiques pour classer les mots rgyalronguiques apparentés au tibétain en cognat et en différentes couches d’emprunts. Pour établir ces couches, nous avons recours aux dissyllabes et aux mots constituant une série naturelle (noms des mois, cycle des douze animaux, points cardinaux) : ils doivent avoir été empruntés en même temps à un même dialecte. Nous ferons référence également à la phonologie historique des langues rgyalronguiques. 3.1 Correspondances entre japhug et tibétain L’étude des correspondances entre tibétain classique et japhug se divise en trois parties : les rimes, les groupes de consonnes initiaux, et les correspondances particulières dans certains dissyllabes. Il sera nécessaire de présenter la phonologie du tibétain dans chacune de ces sections pour expliciter quelles rimes et quels groupes initiaux de cette langue sont ou ne sont pas attestés dans le corpus des emprunts du japhug. Dans cette section, nous ne ferons qu’illustrer les correspondances sans proposer d’analyse. Les correspondances seront rangées à partir du tibétain orthographique afin de faciliter par la suite la discussion des couches d’emprunts. Nous n’essaierons pas de distinguer emprunts de cognats, et ne prendrons en compte que des critères 84 phonologiques pour classer ces correspondances. 3.1.1 Rimes Le tibétain classique compte cinq voyelles différentes : a i u e o. Une sixième existe aussi en tibétain ancien (le gi gu inversé ou gi-gu phyir-log), mais il ne semble pas qu’il s’agisse d’un autre phonème. On trouve dans cette langue dix consonnes finales (rjes ‘jug), qui se notent en transcription –b, –d, –g, –m, –n, –ng, –l, –r et –s. Les finales –b, –d, –g se prononçaient probablement comme des sourdes glottalisées, comme dans la plupart des langues de la famille. On trouve également des groupes de finales : les graves (labiales et vélaires) peuvent être suivies de –s, et en tibétain ancien les aiguës (apicales et laminales) –n, –l et tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 –r peuvent être suivies de –d (le da drag). Etant donné qu’il n’existe pas de restrictions sur la combinaison des voyelles avec les consonnes finales, on peut les combiner en 75 rimes différentes en comptant les syllabes ouvertes, ce qui est davantage que les 60 rimes du japhug. Nous n’indiquerons toutefois les rimes ayant une finale complexe telle que –angs que dans les cas où cette rime a des réflexes en rgyalrong différents de ceux de la rime à finale simple. Etant donné que les trois voyelles les plus courantes en japhug en syllabe fermée sont /a/, /ɤ/, /ɯ/ (cette dernière étant réalisée [i] devant palatales et palato-alvéolaires) et /o/, nous avons divisé la colonne des correspondances en cinq sous-colonnes du Tableau 55 au Tableau 59. Les quatre premières sont utilisées lorsque le réflexe japhug de la rime tibétaine présente l’une de ces quatre voyelles suivie de la même consonne que le tibétain classique, selon les correspondances présentées dans le Tableau 54 : tibétain japhug tibétain japhug tibétain japhug -b -β -m -m -l -l -d -t -n -n -r -r -g -ɣ / -ʁ -ng -ŋ -s -s Tableau 54 : Correspondances régulières entre les finales du tibétain et du japhug. Le –s postfinal du tibétain (yang-rjes) ne se retrouve que dans cinq mots : sngags-pa :: sŋaʁspa « sorcier », mdzangs-pa « intelligent » :: kɤ-rɯ-ndzaŋspa « faire attention », sbyangs « apprendre (forme du passé) » :: kɤ-βzjos « apprendre », tshangs « être complet (forme du passé) :: kɤ-tsʰos « être complet » ainsi que rigs :: ɯ-rɯs « sorte » où la finale –g est tombée. Dans le cas où la voyelle du réflexe ne serait pas /a/, /ɤ/, /ɯ/ ou /o/, ou que la finale du japhug serait différente de celle du tibétain, ce réflexe devra être inséré dans la 85 colonne « autre » prévue à cet effet. Par exemple, la dernière syllabe de kɤ-nɯtɕʰɤl « être puni » est comparée à chad-pa « punir ». Bien que la voyelle de cet exemple soit /ɤ/, on doit le ranger dans la colonne « autre » parce qu’il ne suit pas la correspondance –d :: –t, mais présente une correspondance –d :: –l. Nous avons séparé les correspondances en cinq tableaux en fonction de la voyelle du tibétain. Les correspondances indiquées entre parenthèses ne sont attestées que par un seul exemple. rime -a correspondances en japhug aC ɤC -a -ɤ ɯC oC autre japhug sens japhug tibétain (-u) fka ordre bka pjɤ-rgɤt vautour bya-rgod kɯ-mŋu cinq lnga rma blessure tɯ-ɣmas kɤ-ŋga porter (habit) bgo bgos tɯ-ɕnaβ morve snabs rɟɤl-kʰɤβ pays rgyal-khab tat-pa foi dad-pa tʰam-tɕɤt tout thams-cad kɤ-nɯ-tɕʰɤl être puni chad-pa (-as) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (-o) -ab -ad -aβ -at -ɤβ -ɤt exemples -ɤl -ag -aʁ raʁ laiton rag -ags (-aʁs) sŋaʁspa sorcier sngags-pa -am -am tʰam-tɕɤt tout thams-cad kɯ-ndʑɤm chaud ‘jam-po kɤ-rɤ-ntɕʰom danser ‘chams tsa un peu tsam pʰan-tʰoʁ avantage phan-thogs sɯm-tɕɤn animaux sems-can laʁ-dɯn outil lag-ldan kɯ-tʂaŋ juste drang-po loŋ-butɕʰi éléphant glang-poche kho chambre khang ldʑɯŋ-ldʑɯŋ bleu ciel ljang-khu zaŋ cuivre zangs kɤ-rɯ-ndzaŋspa faire attention kɤ-βzjos apprendre mdzangs-pa -an -ang -angs (-an) -aŋ -aŋ (-aŋs) -ɤm -ɤn -om -a (-ɯn) (-ɯŋ) -oŋ -o -os sbyangs 86 -al (-al) -ɤl (-a) (-ar) -ar -ar -ɤr -ɤl dal-tsɯ-tsa lentement dal-mo tʰɤl-wa terre thal-ba ŋgu-ʁar laine *‘go-bal qa-ɕpa grenouille sbal-ba kɤ-tar développer dar-ba ɕɤr-pɕoʁ est shar-phyogs ɯ-pɤl partie de la louche qui sert sbar-mo à contenir le liquide -as -as -ɤs (-ɤj) tɯ-las chance las mbrɤs riz ‘bras nɤj-mbrɯma sorte de bol nas-’bruma tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 55 : Correspondances des rimes à voyelle -a- du tibétain en japhug. Le /a/ du tibétain correspond en général soit à /a/, soit à /ɤ/ en rgyalrong. Devant les nasales –ŋ et –m, il peut correspondre aussi au japhug /o/. La correspondance entre les tibétain /a/ et le japhug /u/ est en revanche limitée au seul exemple donné ici lnga :: kɯ-mŋu « cinq ». Par ailleurs il convient de noter –an :: -ɯn, où /a/ correspond à /ɯ/ en japhug. La finale –in devant les palato-alvéolaires et les palatales doit probablement s’analyser au moins diachroniquement comme /ɯn/, ce qui explique que –in corresponde au tibétain –an dans certains exemples comme jaβ-tɕin « étriller » :: yob-can. rime -e correspondances en japhug exemples aC ɤC ɯC autre japhug sens japhug tibétain (-a) -ɤ (-ɯ) (-e) ʑɤzdaŋ envie zhe-sdang mdʐɯ-ɕɯɣ punaise ‘dre-shig kɯ-βdi beau bde-mo qa-me grain de beauté sme-ba -i (-ɤm) kɤ-nɯ-ʑɤm-ŋɤn envier kɤ-kɯ-nɤ-ndza lèpre mdze zhe-ngan -eb -ɤβ kɤ-zdɤβ plier sdeb-pa -ed -ɤt sɲɤt harnais rmed kɤ-χɕaʁ mourir gshegs -ɯm sɯm-pa pensée sems-pa -ɯn –in skɤ-lɤn réponse skad-lan skɤr-tɕin vénus skar-chen mtɕʰo-rtɯn stupa mchod-rten -eg (-aʁ) -em -en -ɤn 87 -eng (-ɯŋ) (-i) (-ɯ) sɯŋgi lion seng ge tɯ-mbri corde ‘breng mpʰrɯ-mdɯt neuf nœuds ‘phreng-mdud -el -ɤl χɕɤl-mɯɣ lunettes shel-mig -er -ɤr sɤr-wa grêle ser-wa -es -ɤs kɯ-mdzɤs beau mdzes-pa kɤ-sɯs savoir shes-pa (-ɯs) Tableau 56 : Correspondances des rimes à voyelle -e- du tibétain en japhug. Le tibétain /e/ correspond généralement à /ɤ/ et à /ɯ/ en japhug. On trouve aussi /i/ en japhug dans le cas des syllabes ouvertes et des syllabes en –eŋ. Par ailleurs, il faut tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 noter –eg :: –aʁ où /e/ correspond à /a/. rime -o correspondances en japhug aC ɤC (-a) -ɤ ɯC oC autre japhug sens japhug tibétain -o -u tɯ-rŋa visage ngo rɟɤl-pu roi rgyal-po tɕɤ-mɯ nonne jo-mo χɕɤl-zgoŋ miroir shel-sgo po boisseau ‘bo jaβ-tɕin étriller yob-can stɤβ-tsʰɤt concours stobs-tshad kɤ-ɲɟɤt regretter ‘gyod pʰaʁ-rgot sanglier phag-rgod ko-wa méthode bkod-pa kɤ-lɤɣ faire paître ‘brog-pa ɕoʁ sarrasin shog ɕku oignon sgog-pa qro fourmi grog-ma zɯm seau zom om syllabe de mantra om -ɯ (-oŋ) -ob -od -og (-aβ) -ɤβ -ɤt -ot -ɤɣ -oʁ (-o) (-u) (-o) (-ɯm) -om -on -ong (-ɤn) -ɯn exemples (-om) -on -oŋ (-um) -un (-o) kɯ-jpum épais jɤn-tɤn qualité yon-tan kɤ-ndɯn lire ‘don lon-ba tout lon-pa rɟa-βlun ministre rgyal-blon mbroŋ yak sauvage ‘brong kɯ-so vide stong-pa sbom-po 88 -ol -or -ɤl (-ar) -os -ɤr (-ɯr) (-or) -ɤs (-us) (-wi) jɤl-wa voile yol-ba mkʰar-maŋ peuple vkʰor-dmangs tʂa-pʰɤr bol de moine grwa-phor mkʰɯr-lu machine ‘khor-lo χtor-ma offrande gtor-ba tɯ-krɤs discussion gros kɯ-mbus déborder sbos-pa tsʰwi teinture tshos Tableau 57 : Correspondances des rimes à voyelle -o- du tibétain en japhug. Le tibétain /o/ correspond aux voyelles /a/, /ɤ/, /ɯ/, /o/ et /u/ du japhug dans plusieurs tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 rimes. On trouve aussi un exemple d’une correspondance –os :: –wi. rime correspondances en japhug aC ɤC -i ɯC oC -ɯ autre japhug sens japhug tibétain -i rɯdaʁ animal ri-dwags kɤ-βzi saoul bzi-ba kɯ-βde quatre bzhi kɯ-scit heureux skyid-po tɯ-mɲɯɣ luette mid-pa kɯ-rʑi lourd rjid-po tɯ-mɲaʁ œil mig (dmyig) rtsɯ-dʐɯɣ compte rtsi-sgrig kɯ-rtsɤɣ léopard gzig ɬa-rɯɣ d’ascendance divine lha-rigs (-e) -id -it (-ɯɣ) (-i) -ig (-aʁ) -igs -ɯɣ (-ɤɣ) -ɯɣ exemples (-ɯs) ɯ-rɯs -im -ɯm -in -ɯn -ing -aŋ -i (-oŋ) -i (-im) -il (-ɤl) -ɯl (-i) sorte rigs kʰrɯm châtiment khrims srɯn-mɯ démone srin-mo tɯ-χpɣi cuisse byin-pa kɯ-rɲaŋ ancien rnying-po ɕoŋ-tɕa bois shing-cha si arbre shing ʑim-kʰɤm un long moment, zhing-khams ɯ-χcɤl milieu dkyil kɤ-zgrɯl rouler sgril-pa tɯ-rni gencives rnyil le monde entier 89 -is -ɯs (-ɯt) (-i) ʁnɯs deux gnyis tɯ-ɕkrɯt bile mkhris pʰa-ri de l’autre côté pha-ris Tableau 58 : Correspondances des rimes à voyelle -i- du tibétain en japhug. En syllabe ouverte, le tibétain /i/ correspond le plus souvent à /ɯ/ ou à /e/, exceptionnellement à /i/ en japhug. En syllabe fermée il correspond à /ɯ/, sauf devant vélaires, uvulaires et –l, où il correspond aussi au japhug à /a/ ou /ɤ/. Les syllabes à finales sonantes en tibétain –in, –ing et –il donnent aussi la syllabe ouverte en –i japhug. La correspondance –id :: -it n’est attestée que par des exemples à initiale palatale. Bien que les deux rimes –it et -ɯt soient distinctives devant ces initiales, elle ne le sont que dans les verbes en -ɯ auxquels on ajoute le suffixe –t de l’aoriste (tɤ-tɯ-ɣɤjɯ-t « tu as rajouté qqch ») et jamais dans le lexique. Nous manquons ici d’exemples de –id du tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tibétain devant d’autres initiales, mais nous considèrerons qu’il s’agit de la rime -ɯt. Nous n’avons aucun exemple de –ib et de –ir. rime correspondances en japhug aC ɤC -u ɯC oC -ɯ japhug sens japhug tibétain (-u-) mtʰɯ malédiction mthu ʁju turquoise g.yu kɯ-ngɯt neuf dgu mdaʁʑɯɣ arc et flèches mda-gzhu nɤβ-pɕoʁ ouest nub-phyogs ɯ-srɯβ interstice srubs kɤ-ŋgrɯ accomplir ‘grub βdɯt démon bdud tɤ-mtɯ nœud mdud tɤ-ndɤɣ poison dug tɯɣ poison dug χsɯm trois gsum sqa-fsum treize bco-gsum χtɯn mortier gtun tɯ-tun but don kɤ-mkʰroŋ se réincarner ‘khrung-ba khu tigre gung kɤ-pʰɯl offrir ‘bul-ba, phul zbri-lu année du serpent zbrul-lo (-ɯt) (-ɯɣ) -ub (-ɤβ) -ud -ug -ɯβ (-ɯ) -ɯt -ɤɣ (-ɯ) -ɯɣ -um -ɯm (-um) -un -ɯn (-un) -ung -ul -oŋ -ɯl exemples autre (-u) (-i) 90 -ur -us -ɯr (-ɤs) -ɯs -ur (-ɯ) skɯr-ma cadeau skur-ma ʁlɤwur soudainement glo-bur-du kɤ-nɤs oser nus-pa kɤ-lɯs rester lus-pa ɕɤ-rɯ os sha-rus Tableau 59 : Correspondances des rimes à voyelle -u- du tibétain en japhug. Le tibétain /u/ correspond à /ɯ/ en japhug dans la majorité des cas, mais la finale –ung qui correspond à /oŋ/ (il n’existe pas, comme nous l’avons vu, de finale *-uŋ en japhug). Par ailleurs, on doit noter certaines rimes où /u/ correspond parfois à des rimes en japhug ayant les voyelles /ɤ/ et /u/ ainsi que la rime –ul du tibétain qui dans quelques exemples correspond à la syllabe ouverte –i. Quasiment toutes les finales du tibétain classique sont attestées dans notre corpus tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 de mots communs avec le japhug (les seules exceptions étant –ib et –ir). On remarque que très peu de rimes ont une correspondance unique. Certaines rimes ont même jusqu’à cinq correspondances différentes en japhug (cf. tibétain –o). Pour les syllabes ouvertes, on peut toutefois proposer quelques généralisations. A part lnga :: tɯ-mŋu « cinq » et rma :: tɯ-ɣmas « blessure » dont nous verrons qu’il s’agit de cognats, -a correspond à –a ou à -ɤ en japhug. La correspondance -a :: -ɤ ne se rencontre que dans la première syllabe des dissyllabes. (sa-zhing :: sɤ-ʑaŋ « champs »). De même, hormi sme-ba :: qa-me dont nous verrons qu’il s’agit d’un emprunt –e ne correspond jamais à –e. Il correspond toujours à –i en fin de mot, et en milieu de mot, il correspond à i devant la syllabe -wa (βdi-wa :: bde-ba « bonheur », sci-wa :: skye-ba « existence ») et à -ɤ devant les autres consonnes (ʑɤzdaŋ « envie » zhe sdang). La seule exception parmi les emprunts est mdʐɯ-ɕɯɣ « punaise » de ‘dre-shig. De même, pour –o, à part ngo :: tɯ-rŋa « visage » qui est un cognat, ainsi que jo-mo :: tɕɤ-mɯ « nonne » et shel-sgo :: χɕɤl-zgoŋ « miroir » qui ont des correspondances anormales, on constate que –o correspond à –o ou –u partout et parfois aussi à -ɤ dans les premières syllabes de dissyllabes. De même, à part bzhi :: kɯ-βde « quatre » qui est un cognat, nous constatons que –i correspond aussi bien à -ɯ qu’à –i. Enfin, le tibétain –u correspond à -ɯ sauf pour dgu :: kɯ-ngɯt « neuf » dont nous montrerons qu’il s’agit d’un cognat et ʁju « turquoise », un emprunt isolé. Si l’on écarte les exceptions, les correspondances des rimes à syllabes ouvertes peuvent se résumer dans le Tableau 60 : 91 tibétain Première syllabe Seconde syllabe -a -a, -ɤ -a -e -i, -ɤ -i -o -u, -o, -ɤ -u, -o -i -i, -ɯ -i, -ɯ -u -ɯ -ɯ Tableau 60 : Correspondances des syllabes ouvertes. On remarque que toutes les syllabes ouvertes sont susceptibles de correspondre à des voyelles d’arrière non-arrondies en première syllabe de dissyllabe. En seconde syllabe, les correspondances sont plus simples : aucune de ces voyelles n’a plus de deux correspondances différentes. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Dans les syllabes fermées, les correspondances sont simples pour –i, -e et –u si l’on ne prend pas en compte les correspondances attestées par un seul exemple : /i/ correspond toujours à /ɯ/ sauf dans la rime –iŋ et la rime –in, /u/ correspond aussi à /ɯ/ sauf dans la rime –ung et après l’initiale w-, et /e/ correspond soit à /ɯ/, soit à /ɤ/ selon la consonne finale. Pour les rimes ayant ces trois voyelles, si l’on écarte les exceptions attestées par un seul exemple, on trouve en tout seulement quatre rimes du tibétain qui ont plus d’une correspondance en japhug : -ing (correspond à –aŋ et à –i), -in (-ɯn et –i), -ug (-ɯɣ et -ɤɣ) et –en (-ɤn et -ɯn). Nous montrerons en 3.2.1.1 que les correspondances –iŋ :: -i, -in :: -i et –ug :: -ɤɣ sont propres aux cognats. Pour les voyelles /a/ et /o/, les correspondances sont beaucoup plus compliquées, même en ne tenant compte que des correspondances attestées par plus d’un exemple. Pour les syllabes fermées en –oC, à part –on les rimes ont au plus deux correspondances : tibétain -ob -oC :: -oC -oC :: -ɤC -ɤβ -od -og -ot -oʁ -ɤt -ɤɣ -om -on -ong -on -oŋ -ol -un -oC :: -ɯC -ɯn -os -or -ɤl -oC :: -uC -or -ɤr -ɤs Tableau 61 : Correspondances de syllabes fermées à –oC ayant au moins deux attestations du tibétain en japhug. Dans ces correspondances, la voyelle /o/ correspond d’une part au /o/ du japhug, d’autre part au /ɤ/ ou au /ɯ/ du japhug. Pour les syllabes fermées en –aC, les correspondances restent complexes même sans les exceptions : 92 tibétain -ab -aC :: -aC -aC :: -ɤC -ɤβ -ad -ag -am -at -aʁ -am -ɤt -aC :: -oC -ɤm -an -ang -al -aŋ -ɤn -om -ɤl -ar -as -ar -as -ɤr -ɤs -o, -oŋ Tableau 62 : Correspondances de syllabes fermées à –aC ayant au moins deux attestations du tibétain en japhug. Dans ces correspondances, la voyelle /a/ correspond à /a/, à /ɤ/ même à /o/ pour les rimes –am et –ang du tibétain. L’étude des correspondances des rimes nous montre qu’en syllabe fermée, les cinq voyelles du tibétain correspondent à des voyelles postérieures non-arrondies /ɤ/ et /ɯ/, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sauf dans les rimes à finales –ŋ et -ʁ. En dehors des postérieures non-arrondies, les voyelles /a/ et /o/ du tibétain ont également d’autres correspondances possibles dans certaines rimes : le /a/ du tibétain peut correspondre à /a/ ou /o/ en japhug, et le /o/ du tibétain peut correspondre à /o/, voire à /u/ en japhug. Après avoir exclu les correspondances attestées par un seul exemple, nous observons que les rimes du tibétain ont au plus trois correspondances différentes en japhug. 3.1.2 Groupes de consonnes Tout comme le japhug, le tibétain classique présente des groupes de consonnes initiaux. Il est nécessaire dans un premier temps de présenter le système phonologique du tibétain classique, pour ensuite déterminer quels groupes, parmi ceux qui existent, sont attestés dans notre corpus japhug. Le phonologie du tibétain ancien et des dialectes de l’Amdo ne sera abordée que dans la section sur l’analyse des différentes couches d’emprunts. 3.1.2.1 Groupes de consonnes en tibétain classique Le tibétain classique compte 30 initiales, indiquées dans le Tableau 63 dans l’ordre traditionnel. La prononciation des initiales est aussi indiquée en alphabet phonétique international dans les cas où la transcription s’en écarte. 93 Translittération Prononciation kkh- kʰ- g- Translittération Prononciation Translittération Prononciation d- zh- ʑ- n- z- p- ‘- *ɦ- y- j- ng- ŋ- ph- c- tɕ- b- r- ch- tɕʰ- m- l- j- dʑ- ts- sh- ny- ɲ- tsh- t- dz- th- tʰ- pʰ- tsʰ- ɕ- sh- w- ʔ- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 63 : Translittération et prononciation des consonnes du tibétain classique. La prononciation ancienne de l’initiale transcrite ici par une apostrophe ‘-, incorrectement30 appelée « ‘a-chung » par beaucoup de linguistes, a suscité une certaine controverse, aussi la prononciation * ɦ - ne doit être considérée que comme une reconstruction. En position préinitiale, cette lettre indique une prénasalisation31, et en position finale, elle sert à désambiguïser l’écriture des syllabes (par exemple la syllabe dag s’écrit <dg>, tandis que dga s’écrit <dg’>). Le tibétain compte aussi les quatre médianes -w-, -y-, -r-, -l-. Le –w– ne semble pas dans tous les cas être étymologique. Il compte aussi 8 préinitiales : les occlusives b-, d-, g-, les nasales m- et ‘-32, et s-, r-, l-. On distingue par ailleurs trois cas où les préinitiales sont doubles : bs-, br- et bl-. Les combinaisons entre ces préinitiales, les initiales et les médianes sont d’une nature assez complexe. Nous avons compilé une liste des groupes de consonnes en tibétain classique en excluant les groupes exclusivement attestés dans les transcriptions du sanskrit. 30 Le terme ‘a-chung désigne le petit ‘- qui s’écrit sous les syllabes pour indiquer la longueur des syllabes dans les mots sanskrits et certains autres mots étrangers (Ainsi Dalai Lama s’écrit taala’i blama avec un a long marqué par un ‘a-chung). 31 Voir les travaux sur les dialectes tels que Jackson T.-S. Sun (1986, § 4.2.5). 32 Le signe ‘- en préinitiale indique une nasale de même lieu d’articulation que la consonne qui la suit, comme l’archiphonème N- en japhug. 94 initiale initiale + b- d- s- l- r- bs- bk- dk- sk- lk- rk- bsk- brk- (ky-) bky- dky- sky- rky- bsky- brky- (kr-) bkr- dkr- skr- kl- bkl- médiane (k-) g- m- ‘- bl- br- (kw-) k- kh- mkh- ‘kh- khy- mkhy- ‘khy- khr- mkhr- ‘khr- bskr- khwkh- g- bg- dg- mg- ‘g- sg- gy- bgy- dgy- mgy- ‘gy- sgy- gr- bgr- dgr- mgr- ‘gr- sgr- dng- mng- lg- rg- bsg- brg- rgy- bsgy- brgy- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 gwg- bsgr- grwglng- ng- c- (c-) ch- ch- mch- ‘ch- j- j- mj- ‘j- ny- ny- bc- sng- gc- gny- lng- rng- bsng- brng- lc- mny- ljsny- rj- brj- rny- bsny- brny- nywt- (t-) th- thd- d- bt- gt- bd- mth- ‘th- gd- md- ‘d- gn- mn- st- lt- rt- bst- blt- brt- sd- ld- rd- bsd- brd- rn- bsn- brn- dwdr- n- n- sn- (nr-) p- ph- snr- (p-) dp- sp- py- dpy- spy- (pr-) dpr- spr- ph- ‘ph- phy- ‘phy- phr- ‘phr- lp- 95 b- b- db- ‘b- sb- by- dby- ‘by- sby- br- dbr- ‘br- sbr- lb- rb- blmm- dm- (mr-) (ts-) rm- smr- myts- sm- dmybts- gts- smy- rmy- sts- rts- tswtsh- bsts- brts- rtsw- tsh- mtsh- ‘tsh- mdz- ‘dz- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tshwdz- (dz-) w- (w-) zh- zh- bzh- gzh- bz- gz- rdz- brdz- zhwz- zzl- ‘- ‘- y- y- r- r- g.y- rwrll- llw- sh- sh- bsh- gsh- s- bs- gs- sr- bsr- sl- bsl- shws- hh- lh- hwhr- Tableau 64 : Groupes de consonnes attestés en tibétain classique. Le tableau ci-dessus montre que les préinitiales g- et d- se trouvent en distribution complémentaire : d- devant les labiales et les vélaires, g- devant les dentales, les 96 alvéolo-palatales et la palatale y-. Si l’on compte l’ensemble des initiales plus les groupes attestés, on parvient à un total de 211, ce qui est sensiblement inférieur au total des groupes que nous avions comptés en japhug. L’opposition entre les occlusives sourdes non-aspirées et aspirées, comme nous le verrons dans la section sur les couches d’emprunts, n’était pas distinctive en vieux tibétain des textes d’avant le Xe siècle, et ces deux séries d’occlusives sont quasiment en distribution complémentaire en tibétain classique 33 : les aspirées se trouvent lorsqu’il n’y a pas de préinitiale ou lorsque la préinitiale est nasale, tandis que les sourdes non-aspirées sont requises devant toutes les autres préinitiales. Les sourdes non-aspirées ne sont possibles dans les syllabes sans préinitiales que dans des cas très restreints (emprunts, onomatopées, mots expressifs etc.), c’est pourquoi nous les avons indiquées entre parenthèses dans le tableau. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Nous nous conformerons toutefois en tout point au tibétain classique tel qu’il est noté dans l’orthographe pour établir les correspondances phonétiques. L’analyse de la distribution des phonèmes ne sera abordée que dans le sous-chapitre 3.2 sur l’étude des strates d’emprunts. 3.1.2.2 Correspondances des groupes de consonnes initiaux entre tibétain classique et japhug Dans cette section, nous allons tout d’abord présenter les correspondances par initiale dans une série de tableaux fondés sur le Tableau 64 où les correspondances attestées et les groupes tibétains sans équivalent en japhug seront indiqués systématiquement. Nous composerons un tableau par lieu d’articulation en conservant l’ordre de l’alphabet tibétain qui avait déjà été suivi dans le Tableau 64, pour faciliter aux tibétologues l’utilisation de ces données. Les correspondances attestées par un seul exemple seront marquées entre parenthèses. Après chaque tableau, un résumé rappelant les correspondances générales des initiales sera fourni (les correspondances courantes seront soulignées, tandis que celles qui sont limitées à quelques exemples ou à quelques préinitiales ou médianes seront indiquées séparément). Ensuite, nous synthétiserons les propriétés générales des correspondances des initiales, indépendamment du lieu d’articulation ; les remarques exprimées dans cette section serviront de base à l’étude des couches d’emprunts. Enfin, nous étudierons les correspondances de chacune des médianes et des préinitiales dans des tableaux séparés. 33 La première étude conséquente sur la distribution des sourdes et des aspirées en tibétain est Li 1933. 97 3.1.2.2.1 Vélaires groupe initial groupe initial en tibétain en japhug k- k- ston-ka automne ston-ka id. (ʁ-) skya-ka pie sca-ʁa id. fk- bka parole, ordre fka ordre kanaʁ bovidé de bk- mot tibétain signification mot japhug en tibétain signification en japhug (hon.) dk- (k-) dkar-nag blanc et noir couleur noire dont les pattes tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sont blanches sk- rk- dkon-po rare kɯ-rkɯn id. ɴq- dka’-pa dur kɯ-ɴqa id. sk- sku corps,statue skɯ statue de (hon.) (skʰr-) sku corps,statue Bouddha tɯ-skʰrɯ corps (hon.) (mk-) ske cou tɯ-mke cou (qʰ-) sbal-skogs carapace de bɤl-qʰoʁ tortue kɤ-rkʰe graver kɤ-rkɤs graver tortue rk- rk- rko-ba creuser, sculpter (rkʰ-) rko-ba creuser, sculpter dky- (χc-) dkyil milieu ɯ-χcɤl milieu sky- (tɕ-) *skya sga34 gingembre tɕa-zga gingembre (rc-) *skyag gtong rca χtoŋ une insulte sc- skye-ba kɤ-sci naître bkr- (fkr-) *bkra gsal kɯ-fkra-χsɤl voir clair kl- (qʰl-) klu naga qʰlɯ id. ʁl- klung-rta drapeau ʁloŋ-rta id. naître, vivre cérémoniel khmkh- kʰ- mchod-khang chapelle mtɕɤt-kʰo id. k- ljang-khu vert ldʑaŋ-kɯ id. mkʰ- mkhas-po spécialiste, kɯ-mkʰɤs excellent en excellent 34 Le tibétain classique pour ce mot est sga-skya. 98 ‘kh- (ŋkʰ-) ‘khor-ba-pa être vivant ŋkʰor-wa-pa paysan dans le samsara khy- mkʰ- ‘khor-dmangs peuple mkhar-maŋ id. cʰ- khye’u tɤ-cʰɯ id. kʰi-pa-tsɯt une espèce de coin (pour caler) (kʰ-) khyi chien chien mkhy (kɕ-) khyi chien kɕi chien (mcʰ-) mkhyen-pa connaître kɤ-mcʰin percevoir la tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 vraie nature khr- kʰr- khra-bo bariolé kɤ-kʰra id. mkhr- (rk-) mkhrang-po solide kɯ-rkaŋ vigoureux (ɕkr-) mkhris bile tɯ-ɕkrɯt id. ‘khr- (mkʰr-) ‘khrung-ba naître (hon.) kɤ-mkʰroŋ se réincarner g- kʰ- gung tigre (vieux kʰu tigre tibétain) bg- dg- k- gong prix kɯ-nɯ-koŋ cher (βg-) bgod-pa, répartir, kɤ-βgos préparer, bgos donner son dû (ŋg-) bgo-pa , bgo porter un habit kɤ-ŋga id. rg- dga-ba aimer, être kɤ-rga content planifier à chacun content mg- (ʁg-) dge-slong bhikshu ʁgɤ-sloŋ id. (ng-) dgu neuf kɯ-ngɯt id. (ŋg-) mgur chant ŋgɯr discours mystique chanté (épopée de Gesar) ‘g- (k-) mgo tête tɯ-ku id. ŋg- ‘gong-po maléfice, ŋgoŋ-pu malheur démon zg- *mdzo-sga selle de mdzo mdzu-zga attelage ɕk- sgog-pa ail ɕku oignon rg- rg- phag-rgod sanglier pʰaʁ-rgot id. gy- (c-) gyang mur35 caŋ mur en terre mgy- (mɟ-) mgyogs-rwa corne où l’on mɟoʁ-ra id. sg- met la poudre 35 Emprunt du chinois 牆 dzjang par le biais du tibétain. 99 ‘gy- ɲɟ- ‘gyod-pa regretter kɤ-ɲɟɤt id. (j-) ‘gyog-pa lever kɤ-joʁ id. sac en poil de zɟi id. bkyags sgy- (zɟ-) zgye yak rgy- rɟ- rgyal-po roi rɟɤl-pu id. bsgy- (βzɟ-) sgyur-ba, changer kɤ-βzɟɯr id. bsgyur (rc-) brgyad huit kɯ-rcat id. (rʑ-) brgya cent ɣurʑa id. (gr-) gral rang, ordre ɯ-grɤl (kɯ-tu) raison (avoir) kr- gros discussion tɯ-krɤs id. (ʑmbr-) gru bâteau ʑmbrɯ id. (qr-) grog-ma fourmi qro id. dgr- ʁgr- dgra-ya ennemi ʁgra-ja id. mgr- (ndʐ-) mgron-po hôte ndʐɯn-bu id. sgr- zgr- sgril-ba enrouler kɤ-zgrɯl tourner entre brgy- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 gr- les doigts (tʂ-) sgril-ba enrouler kɤ-tʂɯl id. (dʐ-) rtsi-sgrig compte rtsɯ-dʐɯɣ id. grw- (tʂ-) grwa-phor bol de moine tʂa-pʰɤr id. gl- ʁl- glen-ba imbécile ʁlɯn-ba qui ne se préoccupe de rien (l-) glang-po-che éléphant loŋ-bu-tɕi id. (lj-) glag aigle qa-ljaʁ Aquila chysaetos ng- ŋ- ngan-ba mauvais kɯ-ŋɤn id. dng- (rŋ-) dngul argent rŋɯl id. sng- sŋ- sngags sorcellerie sŋaʁ id. lng- (rŋ-) lnga-pa cinquième rŋa-pa cinquième mois rng- (mŋ-) lnga cinq kɯ-mŋu id. rŋ- rnga-mong chameau rŋamoŋ id. Tableau 65 : Groupes ayant des vélaires comme initiales. Parmi les groupes existant en tibétain classique, les suivants ne sont pas attestés dans le corpus japhug : Avec l’initiale k : lk-, bsk-, brk-, kw-, ky-, bky-, rky-, bsky-, brky-, kr-, dkr-, skr-, bskr-, bkl100 Avec l’initiale kh : khw-, ‘khyAvec l’initiale g- : lg-, bsg-, brg-, gw-, bgy-, dgy-, bgr-, bsgr-, ‘gr-, Avec l’initiale ng- : mng-, bsng-, brngLe Tableau 65 présente l’ensemble des correspondances par groupes de consonnes, mais il est utile de synthétiser ces données pour déduire les correspondances tibétain – japhug des initiales seules. Dans certains cas, malgré tout, la correspondance ne saurait être exprimée sans prendre en compte l’influence de la médiane : 1. k- :: k- (aussi k :: kʰ-, k :: kʰr-, k :: q-, k :: qʰ- et k :: ʁ-, chaque fois dans un cas) Sauf avec les médianes -y- et -l- : 2. ky- :: c-, ky- :: tɕ- kl- :: qʰl-, kl- :: ʁl- kh :: kʰ-, kh :: k- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Sauf avec la médiane -y- : 3. khy- :: cʰ-, khy- :: kɕ-, khy- :: kʰ- g- :: k-, g- :: kʰ-, g- :: g- (avec préiniales) Sauf avec les médianes -y-, -r-, -l- : 4. gy- :: c-, gy- :: ɟ- gr- :: dʐ-, gr- :: tʂ-, gr- :: gr-, gl- :: ʁl-, gl- :: l-, gl- :: lj- gr- :: kr- ng- :: ŋ- 3.1.2.2.2 Palato-alvéolaires groupe initial groupe initial en tibétain en japhug c- tɕ- thams-cad bc- ftɕ- gcod-pa, bcad couper mot tibétain signification mot japhug en tibétain complètement signification en japhug tham-tɕɤt id. kɤ-ftɕɤt arrêter de faire qqch gc- (χtɕ-) gces-pa chérir kɯ-χtɕɤs être chéri lc- tɕ- lcags-dkar étain tɕaʁ-kɤr un type de bol khɯ-tsa (ɣl-) lci-ba purin ɯ-ɣli id. (ltɕ-) rta-lcag fouet pour rtɤ-ltɕaʁ id. cheval ch- tɕʰ- cham-ba rhume tɕʰom-ba id. tɕ- rgyan-cha décoration rɟɤn-tɕa id. (tsʰ-) chi quoi tsʰi tsuku quoi que ce soit 101 mch ‘ch- (mtsʰ-) mchin-pa foie tɯ-mtsʰi id. mtɕʰ- mchod-rten stupa mtɕʰo-rtɯn id. (mpɕ-) mchor-po beau kɯ-mpɕɤr id. ntɕʰ- ‘chams-pa danser (danse kɤ-rɤ-ntɕʰom id. religieuse) j- tɕ- jag-pa36 brigand tɕaʁ-pa id. mj- (mdʑ-) ‘go-mjug chef ŋgu-mdʑɯɣ id. ‘j- ndʑ- ‘ja’ arc en ciel ndʑa id. lj- (ldʑ-) ljang-khu vert ldʑaŋ-kɯ id. (rʑ-) ljid-po lourd kɯ-rʑi id. (d-) lji-ba puce mdza-di id. rʑ- rdo-rje vajra ʁdɤ-rʑi id. (tɕ-) rjes trace tɤ-tɕɤs id. ɲ- nyams attitude, ɯ-ɲɤm viande, chair ʁɲɤr-pa id. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 rjny- puissance gny- gnyer-pa ʁɲ- intendant du monastère (ʁn-) gnyis deux ʁnɯs id. sny- (sn-) snying coeur tɯ-sni id. rny- (rɲ-) rnying-po ancien kɯ-rɲaŋ id. (rn-) rnyil gencive tɯ-rni id. Tableau 66 : Groupes ayant des palato-alvéolaires comme initiales. Parmi les groupes du tibétain classique, seuls les suivants ne sont pas attestés en japhug: brj-, mny-, bsny-, brny-, nyw-. Les correspondances des alvéolo-palatales sont plus simples, étant donné que cette classe de consonnes n’a pas de médianes en tibétain (si l’on exclut le groupe nyw- dont aucun mot le contenant n’est, de toute façon, attesté en japhug) : 1. c- :: tɕ- 2. ch- :: tɕʰ-, ch- :: tɕ- (et deux exemples de ch- :: tsʰ- et de ch- :: pɕ) 3. j- :: tɕ-, j- :: dʑ (avec préinitiale nasale) 4. ny- :: ɲ- ny- :: n- 36 Emprunt du chinois 賊 dzok à travers le tibétain. 102 3.1.2.2.3 Occlusives dentales groupe initial groupe initial en tibétain en japhug t- t- lo-tog récolte lɯ-toʁ id. bt- ft- ‘dul-pa btul apprivoiser, kɤ-ftɯl id. mot tibétain signification mot japhug en tibétain signification en japhug convertir gt- χt- gtor-ba disperser kɤ-χtɤr id. st- st- stag-lo année du tigre staʁ-lu id. (ɕt-) stu organe sexuel tɯ-ɕtɯ id. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 féminin lt- (zd-) lteb-ba bltabs plier kɤ-zdɤβ id. rt- rt- rta-lcags fouet de rtɤ-ltɕaʁ id. χtɤ-mbrɤl cérémonie, cheval (χt-) rten-’brel présage, cérémonie, célébration célébration (ft-) rtags bst- (fst-) stun-pa, bstun se conformer à kɤ-fstɯn servir brt- (frt-) brtan-po kɯ-frtɤn fiable marque stable, solide, ftaʁ id. constant, fiable th- tʰ- thab-ka foyer tʰɤβ-ka id. t- thug-pa toucher, kɤ-tɯɣ id. rencontrer mth‘th- (χt-) ‘bum-ther 100000 mbɯm-χtɤr id. mtʰ- mthu magie mtʰɯ id. (mt-) mthong-ba voir kɤ-mto id. (t-) ‘thag-pa, tisser kɤ-taʁ id. btags (d-) dal-mo lent dal-tsɯ-tsa id. t- dad-pa foi tat-pa id. bd- βd- bdag-po maître, hôte βdaʁ-pu hôte gd- ʁd- gdon démon ʁdɯn malheur md- md- mdog couleur ɯ-mdoʁ id. (mt-) mdud-pa nœud tɤ-mtɯ id. (mɲ-) mda flèche tɯ-mɲa id. nd- ‘dar-ba trembler kɤ-nɤ-ndɤr id. d- ‘d- 103 ‘dom-pa (ɟ-) longueur de tɯ-ɟom id. kɤ-zdɯɣ pénible deux bras écartés sd- sdug-po zd- pénible, mauvais ld- d- ldan-pa ayant kɯ-dɤn beaucoup rd- rd- rdo-’bum tas de pierre rdɤ-mbɯm id. (ʁd-) rdo-rje vajra ʁdɤ-rʑi id. (βzd-) sdud-ba, ramasser kɤ-βzdɯ id. bsd- bsdus brd- (rd-) lag-brda geste laʁ-rda id. dw- (d-) ri-dwags animaux rɯ-daʁ id. sauvages, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 gibier drn- tʂ- drin-len bienfait tʂɯn-lɤn id. (d-) ɯ-di odeur dri id. n- nag-ngo seconde naʁ-ŋo id. période du mois (ɲ-) nag-po noir kɯ-ɲaʁ id. gn- ʁn- gnam-yangs plafond ʁnɤm-jaŋ id. mn- (mn-) mnam-pa sentir une kɤ-nɤ-mnɤm id. odeur snrn- ɕn- sna nez tɯ-ɕna id. sn- snag-tsha encre snaʁ-tsa id. rn- rna oreille tɯ-rna id. Tableau 67 : Groupes ayant des occlusives dentales comme initiales. Parmi les groupes du tibétain classique, les suivants ne sont pas attestés parmi les emprunts japhug : lt-, blt-, bsn-, brn-, snr-. Les correspondances des occlusives dentales sont les suivantes : (et un exemple de t- :: d) 1. t- :: t- 2. th- :: tʰ-, th- :: t- 3. d- :: d-, d- :: t- Sauf avec la médiane -r- : 4. (et un exemple de ‘d- :: ɟ-) dr- :: tʂ- n- :: n- 104 3.1.2.2.4 Occlusives labiales groupe initial groupe initial en tibétain en japhug p- b- sdong-po tronc d’arbre zdoŋ-bu id. p- sog-po mongol soʁ-pu id. (w-) ‘bad-pa effort mbɤl-wa salaire d’un mot tibétain signification mot japhug en tibétain signification en japhug tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 lama dp- χp- dpe exemple χpi histoire sp- sp- spos encens spos id. dpy- (χɕ-) dpyid-ka printemps χɕit-ka id. spy- (spj-) spyang-ki loup spjaŋ-kɯ id. spr- spr- sprul-sku réincarné sprɯl-skɯ id. ph- pʰ- phag-lo année du pʰaʁ-lu id. cochon p- phag cochon paʁ id. (p-) ‘phar-ba chacal qa-par id. (pɣ-) ‘phang appareil à filer kɤ-pɣo filer phy- pɕ- phyogs côté pɕoʁ id. ‘phy- (mpɕ-) ‘phya-ba se moquer kɤ-mpɕa id. phr- (rp-) phrag épaule tɯ-rpaʁ id. (mpʰr-) phrug habit en laine mpʰrɯɣ id. ‘phr- mpʰr- ‘phrad-pa se rencontrer kɤ-mpʰrɤt être adéquat b- p- ba so ivoire pas-rɯ id. w- yol-ba rideau jɤlwa id. (ʁ-) * ‘go-bal tissu de laine ŋgu-ʁar id. (ʁ-) dbang pouvoir (n.) tɯ-ʁoŋ id. (w-) rang-dbang liberté rɤ-woŋ responsabilité mb- rwa-’bum ramure de cerf ra-mbɯm id. (p-) ‘bo boisseau po id. zw- sbor-ba, sbar allumer kɤ-zwɤr id. (z-) sbug-chal cymbales zɯɣtɕʰɤl id. (ɕp-) sbal grenouille qa-ɕpa id. (b-) sbal-skogs carapace de bɤl-qʰoʁ tortue kɯ-jpum id. ‘ph- db‘bsb- tortue (jp-) sbom-po épais 105 (p-) sbar-mo paume ɯ-pɤl partie de la louche qui sert à contenir le liquide by- pj- bya-lo année du coq pja-lu id. (βj-) rma-bya paon rma-βja id. p- byed-pa, faire kɤ-pa fermer37 byas, bya byos (χpɣ-) byin-pa cuisse tɯ-χpɣi id. (mb-) sbyin-pa, donner kɤ-mbi id. byin tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 dbysby- (ftɕ-) dbyar été ftɕar id. ʁj- dbyar-sa pâturages ʁjar-sa id. (βzj-) sbyong-ba, apprendre kɤ-βzjos id. sbyangs br- ‘br- pr- brag falaise praʁ id. (r-) brang poitrine tɯ-ro id. (βr-) pho-brang palais pʰo-βraŋ id. mbr- ‘bras riz mbrɤs id. (l-) ‘brog-pa éleveur kɤ-lɤɣ faire paître nomade sbr- (spr-) sbrul serpent qa-pri id. (zbr-) sbrul lo année du zbri lu id. serpent (rw-) sbra tente rwa id. (χw-) sbra tente χwara id. (ɣʑ-) sbrang mouche ɣʑo abeille βl- rgya-blon ministre rɟɤ-βlun id. (rl-) bla âme tɯ-rla id. m- mang-po beaucoup kɯ-maŋ id. (nm-) mag-po mari de la fille tɯ-nmaʁ mari mɲ- mi-rgod yéti mɲɯ-rgot id. dm- ʁm- dmag-mi soldat ʁmaʁ-mi id. sm- sm- sman médicament smɤn id. blm- 37 « Faire » est le sens originel. 106 sme-ba (m-) grain de qa-me id. beauté rm- rm- rma-bya paon rma-βja id. (ɣm-) rma blessure tɯ-ɣmas id. (sɲ-) rmed harnais sɲɤt id. (ʁm-) rma blessure ʁmas-grɯβ cicatrice (jmŋ-) rmang-lam rêve (vieux tɯ-jmŋo id. kɤ-rɲo id. kɤ-sɲu id. tibétain) my- (rɲ-) smy- sɲ- myong-ba, faire myangs l’expérience smyo-ba être fou Tableau 68 : Groupes ayant des labiales comme initiales. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Parmi les groupes du tibétain classique, les suivants ne sont pas attestés en japhug : lp-, pr-, dpr-, lb-, rb-, ‘by-, dbr-, smr-, dmy-, rmy-. Les correspondances pour les occlusives labiales sont les suivantes : 1. p- :: p- (et sans préinitiales p- :: b- et p- :: w-) 2. ph- :: pʰ- ph- :: p- (avec préinitiale nasale ‘ph- :: m) 3. b- :: p- b- :: w- b- :: pʰ- 4. m- :: m- b- :: b- (avec préinitiale nasale) Sauf avec la médiane -y- : my- :: ɲ3.1.2.2.5 Affriquées dentales groupe initial groupe initial en tibétain en japhug ts- ts- tsan-dan santal tsɤn-dɤn id. bts- fts- ‘dzugs-pa, planter, établir kɤ-ftsɯɣ établir mot tibétain signification mot japhug en tibétain signification en japhug btsugs gzugs gts- χts- gtsang-ba propre kɯ-χtso id. rts- rts- rtsa pouls tɯ-rtsa id. rtsw- (rts-) rtswa-dug herbe rtsa-tɯɣ id. empoisonnée tsh- mtsh- tsʰ- tsha-la borax tsʰala id. (fts-) tsha-bo neveu tɯ-ftsa id. ts- tshe vie tɯ-tsi id. mtsʰ- mtsho lac mtsʰu id. 107 ‘tsh ntsʰ- ‘tshog-pa se rassembler kɤ-ntsʰoʁ participer à la lecture des soutras (s-) ‘tsho-ba vivre kɤ-sɯ-su id. tshw- (tsʰ-) tshwa sel tsʰa id. mdz- mdz- mdzes-po beau kɯ-mdzɤs id. (ndz-) mdze lèpre kɤ-kɯ-nɤ-ndza id. ‘dz- ndz- ‘dzam-gling monde ndza-ʁlaŋ id. rdz- (rz-) rdzas objet tɯ-rzas bagages Tableau 69 : Groupes ayant des affriquées dentales comme initiales. Parmi les groupes du tibétain, les suivants ne sont pas attestés en japhug : sts-, bsts-, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 brts-, dz-, brdzLes correspondances pour les affriquées dentales sont les suivantes : 1. ts- :: ts- 2. tsh- :: tsʰ- tsh- :: ts- 3. dz- :: dz- dz- :: z- (tsh- :: s-) 3.1.2.2.6 Approximantes et fricatives groupe groupe initial en initial en tibétain japhug zh- ʑ- zho lait ʑu id. (ndʑ-) zhu-ba demander38 kɤ-ndʑɯ accuser (rʑ-) zhag durée de 24h tɯ-rʑaʁ une nuit βʑ- bzhi-pa quatrième βʑi-pa quatrième bzh- mot tibétain signification mot japhug en tibétain signification en japhug mois (ʑ-) bzhugs-sa siège ʑɯɣ-sa id. (l-) bzha’ humide kɤ-ɣɤ-la mouiller (pj-) bzhag-‘og aisselle tɯ-pjaʁ-pa id. (βd-) bzhi quatre kɯ-βde id. gzh- ʁʑ- gzhon-nu jeune garçon ʁʑɯnɯ id. zhw- ʑ- gser-zhwa coiffe en or χsɤr-ʑa id. z- z- zom seau zɯm id. 38 Le sens d’ « accusation » se retrouve dans l’expression zhu gtugs. 108 ndz- za-ba manger kɤ-ndza id. (rz-) phag-ze poils de pʰaʁ-rzi brosse à dents cochon en poils de cochon bzgzzl- βz- bzang-len récompense βzaŋ-lɤn id. (ʁz-) bza’-mi couple ʁzɤ-mi id. ʁz- gzan kyasha ʁzɤn id. (ɣz-) gzan nourriture ɣzɤn appât (zl-) zla lune pʰaʁ-zla-sqamŋu deux semaines (un demi-mois) (sl-) zla lune sla id. (ɣ-) ‘od lumière ɣot id. (w-) ‘u-lag corvées wu-laʁ id. j- yol-ba rideau jɤl-wa id. (ʑ-) yang-po léger kɯ-ʑo id. ʁj- g.yog-po serviteur ʁjoʁ id. (ʑ-) g.yang-dkar mouton qa-ʑo id. r- rag laiton raʁ id. (ʑ-) rang soi-même tɯ-ʑo id. rw- r- rwa-’bum ramure du cerf ra-mbɯm id. rl- rl- rlag-pa disparaître kɤ-rlaʁ id. l- l- lag-dbyug bâton laʁ-jɯɣ id. j- lag main tɯ-jaʁ id. ɕ- shog papier ɕoʁ-ɕoʁ id. s- shes-pa savoir kɤ-sɯs id. (xɕ-) shed force tɯ-xɕɤt id. (χɕ-) shel verre χɕɤl id. zr- shig pou zrɯɣ id. fɕ- ‘chad-pa, dire, raconter, kɤ-fɕɤt raconter bshad expliquer (ntɕʰ-) bsha’-ba tuer un animal kɤ-ntɕʰa id. (χɕ-) gshegs-pa partir, mourir kɤ-χɕaʁ mourir tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 vyg.yr- sh- bsh- gsh- (hon.) (honorifique) s- sa-cha endroit sɤ-tɕʰa id. (ɕ-) su qui ɕu qui bs- fs- bsang fumigations fsaŋ id. gs- χs- gseb étalon χsɤβ id. s- 109 sr- bsr- (s-) gsar-pa nouveau, frais kɯ-sɤr frais sr- sras fils (hon.) srɤs prince (ʂ-) sra-ba solide kɯ-ʂa capable (ɕr-) chu-sram loutre tɕʰɯ-ɕrɤm id. (r-) ndʑi-rɯ lente sro-ma id. (fsr-) srung-ba, protéger kɤ-fsroŋ id. bsrungs sl- sl- slob-dpon professeur slo-χpɯn id. h- χ- ha-yang aluminium χa-jaŋ id. lh- ɬ- lha divinité ɬa id. hr- (ʂ-) om man̻i mantra om mani pɤnme id. padme hum χoŋ ʂi tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 hri Tableau 70 : Groupes ayant des approximantes ou des fricatives comme initiales. Parmi les initiales ou les groupes du tibétain classique, les suivants ne sont pas attestés en japhug : w-, lw-, shw-, bsl-, hw-. Les correspondances pour les approximantes et les fricatives sont les suivantes : 1. zh- :: ʑ- (aussi zh- :: l-, zh :: j- et zh- :: d-) 2. z- :: z- (aussi z- :: ndz- et z- :: s-) 3. v- :: ɣ- v- :: w- 4. y- :: j- y- :: ʑ- 5. r- :: r- 6. l- :: l- l- :: j- 7. sh- :: ɕ- sh- :: s- 8. s- :: s- s- :: ɕ- Sauf avec la médiane r- : 9. sh- :: zrsr- :: ʂ- sr- :: sr- sr- :: ɕr- h- :: χSauf avec la médiane -r- : hr- :: ʂ- 10. lh- :: ɬ3.1.2.2.7 Synthèse sur les initiales Bien que les correspondances soient très complexes, on peut distinguer des régularités. Nous aborderons ici surtout le problème des occlusives, des affriquées et des fricatives. Les approximantes ont des correspondances moins variées que ces dernières, et la stratification des mots ayant ces initiales pose moins de difficultés, comme nous verrons par la suite. Les nasales ont également des correspondances simples, à 110 l’exception de ny- qui correspond aussi bien à /ɲ/ qu’à /n/ en japhug. Nous allons proposer plusieurs règles générales de correspondance, puis donner une liste exhaustive des exceptions. Nous verrons par la suite que ces exceptions sont pour la plupart facilement explicables : certaines sont des cognats et non des emprunts, d’autres sont des emprunts appartenant à une couche peu représentée. Nous étudierons dans un premier lieu le trait de voisement / aspiration des occlusives, puis nous aborderons les problèmes des correspondances des lieux d’articulation. Les sourdes non-aspirées du tibétain correspondent en règle générale aux sourdes non-aspirées du japhug, mais on trouve trois exceptions. Premièrement, le p- tibétain correspond à b- en japhug dans les suffixes -pa ou –po précédés de nasales : ainsi le tibétain khram-pa « escroc » donne kɤ-rɯ-kʰramba « escroquer » et non *kɤ-rɯ-kʰrampa en japhug. L’autre correspondance p- :: w- est tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 exceptionnelle : elle n’est attestée que par un seul exemple (celui donné dans le tableau ‘bad-pa « effort » :: mbɤl-wa « salaire de lama »). Deuxièmement, le k- du tibétain peut correspondre aux aspirées kʰ- et qʰ- dans certains contextes. Ce sont des correspondances exceptionnelles qui ne sont attestées que par les quatre exemples suivants que nous avons déjà cités dans le Tableau 65 : sbal-skogs « carapace de tortue » :: bɤl-qʰoʁ « tortue », sku « corps » :: tɯ-skʰrɯ « corps », rko-ba « sculpter » :: kɤ-rkʰe « graver », klu « naga » :: qʰlɯ « naga ». Troisièmement, t- correspond à d- en japhug dans le mot lteb-pa bltabs :: kɤ-zdɤβ « plier » Les sourdes aspirées du tibétain, quant à elles, correspondent soit aux aspirées, soit aux non-aspirées du japhug. Toutefois, les correspondances sont là encore moins complexes qu’elles ne le paraissent. Il convient de traîter dissyllabes et monosyllabes de façon séparée. Dans les dissyllabes, on ne trouve aucun cas où l’initiale aspirée de la première syllabe en tibétain corresponde à une non-aspirée en japhug. Ces correspondances ne s’observent que dans les secondes syllabes des dissyllabes, comme par exemple ljang-khu « vert » correspondant à ldʑaŋ-kɯ. Cette correspondance s’explique probablement par le fait que la distinction entre les séries d’occlusives n’était pas pertinent entre syllabes dans le dialecte tibétain donneur39. La proportion d’exemples d’aspirées du tibétain correspondant à des non-aspirées ou à des aspirées en japhug dans les deuxièmes syllabes de dissyllabe peut être déterminée à partir du tableau suivant : 39 L’absence de distinctivité des séries d’occlusives entre deux voyelles s’observe notamment en tamang, une langue proche du tibétain parlée au Népal (M. Mazaudon, communication personnelle, Novembre 2003). 111 kh- ch- th- ph- tsh- non-aspirée 3 4 2 0 2 aspirée 5 9 3 2 4 Tableau 71 : Nombre d’exemples de correspondance des aspirées du tibétains avec non-aspirées et aspirées en japhug dans les deuxièmes syllabes des dissyllabes. Dans les monosyllabes, la situation est différente. On observe une correspondance occlusive aspirée du tibétain :: occlusive sourde non-aspirée en japhug dans quatorze monosyllabes indiqués dans le Tableau 72. Nous montrerons que ces mots sont probablement non pas des emprunts, mais des cognats entre le japhug et le tibétain (voir tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 103). japhug sens en japhug tibétain sens en tibétain ta-qaβ aiguille khab id. kɯ-rko, kɯ-rkaŋ dur, vigoureux khrang-thang id. kɤ-tɯɣ rencontrer thug-pa id. kɤ-taʁ tisser ‘thag-pa, btags id. paʁ cochon phag id. tɯ-pu intestin pho-ba estomac tɯ-rpaʁ épaule phrag id. tɯ-tsi vie tshe id. tɯ-ftsa neveu tsha-bo id. tɯ-rɯ-rtsɤɣ articulation tshigs id. ‘phar chacal qa-par id. kɤ-mto voir mthong-ba id. kɤ-pɣo filer ‘phang appareil à filer kɤ-fkur porter un ‘khur khur porter sur le dos fardeau Tableau 72 : Les racines japhug à initiale sourde non-aspirée correspondant à des mots tibétains à initiale aspirée. Les initiales voisées du tibétain ont les correspondances les plus complexes. Une tendance générale est qu’elles correspondent à des voisées en japhug lorsqu’elles sont précédées de préinitiales en tibétain, et à des sourdes lorsqu’il n’y a pas de préinitiale en tibétain. Les exceptions sont peu nombreuses et peuvent être énumérées systématiquement. Le g- du tibétain sans préinitiale correspond généralement à une sourde en japhug (k-, c- ou tʂ- selon la médiane), à l’exception de quatre exemples : gung :: kʰu « tigre, *gong-bdag :: kʰoŋdaʁ « ancêtre », gru :: ʑmbrɯ « bateau » et gral « rangée, ordre » :: ɯ-grɤl « raison (avoir) », et du cas de gl- qui correspond régulièrement à ʁl-. 112 Le g- du tibétain avec préinitiale correspond quant à lui à g- en japhug, avec cinq exceptions : sgril-ba :: kɤ-tʂɯl « enrouler », mgo :: tɯ-ku « tête », brgyad :: kɯ-rcat « huit », brgya :: ɣurʑa « cent », ‘gyog-pa bkyags :: kɤ-joʁ « lever ». Le j- du tibétain sans préinitiale correspond toujours à la sourde tɕ- en japhug, et avec une préinitiale nasale toujours à la sonore dʑ-. On trouve trois exceptions avec les préinitiales l- ou r- en tibétain : rjes :: tɤ-tɕɤs « trace », ljid-po :: kɯ-rʑi « lourd », rdo-rje :: ʁdɤ-rʑi « vajra ». Le d- du tibétain sans préinitiale correspond toujours à une sourde avec une exception : dal-mo « lent » :: dal-tsɯ-tsa « lentement ». Avec une préinitiale en tibétain, il correspond toujours à d- en japhug sauf dans le mot ‘dom-pa ::tɯ-ɟom « longueur de deux bras écartés ». Le b- du tibétain a des correspondances compliquées en japhug. Sans préinitiale, il tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 correspond soit à p-, soit à w- de façon régulière : p- à l’initiale des premières syllabes de dissyllabes (bon-po :: pɯn-pu « Bon-po ») et w- à l’initiale des secondes syllabes (nor-bu :: nɤr-wu « trésor »). La présence d’une médiane en seconde syllabe n’empêche pas b- de correspondre à w- : ainsi rma-bya « paon » est bien rma-βja en japhug et non *rma-pja, pho-brang « palais » correspond bien à pʰo-βraŋ. On trouve seulement trois exceptions : bla :: tɯ-rla « âme », brang :: tɯ-ro et le mot * ‘go-bal :: ŋgu-ʁar « tissu de laine » qui présente la correspondance tibétain b- :: japhug ʁ-. Avec une préinitiale nasale, b- forme les groupes ‘b- et ‘br- qui correspondent régulièrement à mb- et mbr- en japhug, avec seulement trois exceptions : ‘brog-pa « nomade » :: kɤ-lɤɣ « faire paître », ‘bo :: po « boisseau ».. Les seuls autres exemples de b- tibétain correspondant à b- japhug, b- :: b- sont sbrul-lo :: zbri-lu « année du serpent » et sbal-skogs :: bɤl-qʰoʁ « tortue ». L’initiale dz- du tibétain est toujours précédée d’une préinitiale dans notre corpus d’emprunts. Elle correspond à dz- en japhug sauf dans un cas : rdzas « chose » :: rzɤs « bagages ». On peut donc résumer les correspondances récurrentes des occlusives entre tibétain et japhug dans le tableau suivant : k- première syllabe seconde syllabe k- k- c- préinitiales nasales tɕ- t- t- t- p- p- b- (précédée de nasale) ts- ts- ts- kh- kʰ- kʰ-, k- kʰ- ch- tɕʰ- tɕʰ-, tɕ- tɕʰ113 th- tʰ- tʰ-, t- tʰ- ph- pʰ- pʰ- pʰ- tsh- tsʰ- tsʰ-, ts- tsʰ- g- k- k- g- j- tɕ- tɕ- dʑ- d- t- t- d- b- p- w- b- dz- dz- Tableau 73 : Correspondances régulières entre tibétain classique et japhug. Le trait d’aspiration et de voisement n’est pas le seul qui soit susceptible de varier dans les correspondances entre tibétain et japhug. On trouve aussi des différences de tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 lieu d’articulation. Premièrement, les palato-alvéolaires du tibétain correspondent normalement aux dentales du japhug, à l’exception de mch- :: mtsʰ- (mchin-pa « foie » :: tɯ-mtsʰi ) et de deux exemples de ɕ- :: s- (shing :: si « arbre », shes-pa :: kɤ-sɯs « savoir ») où ils correspondent à des dentales. On peut remarquer la présence d’une voyelle antérieure -e- ou -i- dans ces trois exemples. Deuxièmement, les vélaires k- et g- du tibétain peuvent correspondre aux uvulaires q-, qʰ- et ʁ-. A part les groupes tibétains kl- et gl- qui correspondent au japhug ʁl- de façon régulière, ce sont des correspondances exceptionnelles qui ne sont attestées que par les trois exemples suivants, que nous avions déjà cités dans le Tableau 65 : skya-ka :: sca-ʁa « pie », sbal-skogs « carapace de tortue » :: bɤl-qʰoʁ « tortue », klu « naga » :: qʰlɯ « naga ». Nous montrerons dans la section 4.3.3 p.310 que les occlusives voisées sont secondaires et que certaines occlusives voisées peuvent être reconstruites en proto-rgyalronguique restreint, telles que *b qui devient mb- en japhug (correspondant à w- en somang). Comme on ne trouve aucun cas de b- tibétain correspondant à mb- en japhug, cela prouve que les premiers emprunts tibétains datent d’après le changement *b > mb en japhug. Les correspondances des lieux d’articulations sont aussi rendues plus complexes par l’existence de médianes, comme nous allons le voir dans la section suivante. 3.1.2.2.8 Les médianes Les médianes des groupes de consonnes en tibétain influent de manière importante dans certains cas sur les correspondances des lieux d’articulation des occlusives entre tibétain et japhug. On compte quatre médianes en tibétain : -w-, -y-, -r-, -l-. Nous avons 114 recomposé les tableaux de correspondances en fonction des médianes du tibétain. groupe groupe initial en initial en tibétain japhug grw- (tʂ-) grwa-phor bol de moine tʂa-pʰɤr id. rtsw- (rts-) rtswa-dug herbe rtsa-tɯɣ id. mot tibétain signification en mot japhug tibétain signification en japhug empoisonnée tshw- (tsʰ-) tshwa sel tsʰa id. zhw- ʑ- gser-zhwa coiffe en or χsɤr-ʑa id. rw- r- rwa-’bum ramure du cerf ra-mbɯm id. Tableau 74 : Groupes ayant la médiane -w- en tibétain. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 La médiane -w- n’est jamais reflétée de quelque manière que ce soit en japhug. Ainsi tshwa « sel » donne tsʰa en japhug, où il devient donc homonyme avec la première syllabe de tsha-la « liquide de soudure » en japhug tsʰala. groupe groupe initial en initial en tibétain japhug kl- (qʰl-) klu naga qʰlɯ naga ʁl- klung-rta drapeau ʁloŋ-rta id. ʁlɯn-ba qui ne se mot tibétain signification en mot japhug tibétain signification en japhug cérémoniel gl- ʁl- glen-ba imbécile préoccupe de rien (l-) glang-po-che éléphant loŋ-bu-tɕi id. (lj-) glag aigle qa-ljaʁ Aquila chysaetos blzl- βl- rgya-blon ministre rɟɤ-βlun id. (rl-) bla âme tɯ-rla id. (zl-) zla lune pʰaʁ-zla-sqa deux mŋu semaines (un demi-mois) (sl-) zla lune sla id. rl- rl- rlag-pa disparaître kɤ-rlaʁ id. sl- sl- slob-dpon professeur slo-χpɯn id. Tableau 75 : Groupes ayant la médiane -l- en tibétain. La médiane -l- correspond toujours à -l- sans exception. 115 groupe groupe initial initial en en japhug mot tibétain signification en mot japhug tibétain tibétain signification en japhug dky- (χc-) dkyil milieu ɯ-χcɤl milieu sky- (tɕ-) *skya sga gingembre tɕa-zga gingembre (rc-) *skyag gtong rca χtoŋ une insulte sc- skye-ba naître, exister kɤ-sci naître cʰ- khye’u coin (pour caler) tɤ-cʰɯ id. (kʰ-) khyi chien kʰi-pa-tsɯt une espèce de khy- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 chien mkhy (kɕ-) khyi chien kɕi chien (mcʰ-) mkhyen-pa connaître kɤ-mcʰin percevoir la vraie nature gy- (c-) gyang mur caŋ mur en terre mgy- (mɟ-) mgyogs-rwa corne où l’on met mɟoʁ-ra id. la poudre de fusil ‘gy- ɲɟ- ‘gyod-pa regretter kɤ-ɲɟɤt id. (j-) ‘gyog-pa lever kɤ-joʁ id. sac en poil de zɟi id. bkyags sgy- (zɟ-) zgye yak rgy- rɟ- rgyal-po roi rɟɤl-pu id. bsgy- (βzɟ-) sgyur-ba, changer kɤ-βzɟɯr id. bsgyur (rc-) brgyad huit kɯ-rcat id. (rʑ-) brgya cent ɣurʑa id. dpy- (χɕ-) dpyid-ka printemps χɕit-ka id. spy- (spj-) spyang-ki loup spjaŋ-kɯ id. phy- pɕ- phyogs côté pɕoʁ id. ‘phy- (mpɕ-) ‘phya-ba se moquer kɤ-mpɕa id. by- pj- bya-lo année du coq pja-lu id. (βj-) rma-bya paon rma-βja id. p- byed-pa, byas, faire kɤ-pa fermer brgy- bya, byos (χpɣ-) byin-pa cuisse tɯ-χpɣi id. (mb-) sbyin-pa, byin donner kɤ-mbi id. 116 dbysby- (ftɕ-) dbyar été ftɕar id. ʁj- dbyar-sa pâturages ʁjar-sa id. (βzj-) sbyong-ba, apprendre kɤ-βzjos id. faire l’expérience kɤ-rɲo id. être fou kɤ-sɲu id. sbyangs my- (rɲ-) myong-ba, myangs smy- sɲ- smyo-ba Tableau 76 : Groupes ayant la médiane -y- en tibétain. La médiane -y- correspond normalement à -j- en japhug. Toutefois, les groupes [vélaires + -y-] correspondent à des palatales en japhug, avec quatre exceptions : khyi « chien » : kʰi-pa-tsɯt « sorte de chien », skya-sga :: tɕa-zga « gingembre », khyi :: kɕi tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 « chien », brgya :: ɣurʑa « cent ». Par ailleurs, dans les groupes avec aspirées khy-, phy‘phy-, -y- correspond de façon régulière à -ɕ- comme par exemple phyogs :: pɕoʁ « côté ». On note enfin trois autres cas inhabituels : byin-pa :: tɯ-χpɣi « cuisse », sbyin byin :: kɤ-mbi « donner » et aussi byed-pa, byas « faire » :: kɤ-pa « fermer » où la médiane -ydu tibétain n’a pas de réflexe en japhug. groupe groupe initial initial en en japhug mot tibétain signification mot japhug en tibétain tibétain signification en japhug kɯ-fkra-χsɤl voir clair bariolé kɤ-kʰra bariolé khrang-thang solide kɯ-rkaŋ vigoureux (ɕkr-) mkhris bile tɯ-ɕkrɯt id. ‘khr- (mkʰr-) ‘khrung-ba naître (hon.) kɤ-mkʰroŋ se réincarner gr- (gr-) gral rang, ordre ɯ-grɤl (kɯ-tu) raison (avoir) kr- gros discussion tɯ-krɤs id. (ʑmbr-) gru bâteau ʑmbrɯ id. (qr-) grog-ma fourmi qro id. dgr- ʁgr- dgra-ya ennemi ʁgra-ja id. mgr- (ndʐ-) mgron-po hôte ndʐɯn-bu id. sgr- zgr- sgril-ba enrouler kɤ-zgrɯl tourner entre bkr- (fkr-) *bkra gsal khr- kʰr- khra-bo (rk-) mkhr- les doigts dr- (tʂ-) sgril-ba enrouler kɤ-tʂɯl enrouler (dʐ-) rtsi-sgrig compte rtsɯ-dʐɯɣ id. tʂ- drin-len bienfait tʂɯn-lɤn id. 117 (d-) dri odeur ɯ-di id. spr- spr- sprul-sku réincarné sprɯl-skɯ id. phr- (rp-) phrag épaule tɯ-rpaʁ id. (mpʰr-) phrug habit en laine mpʰrɯɣ id. ‘phr- mpʰr- ‘phrad-pa se rencontrer kɤ-mpʰrɤt être adéquat br- pr- brag falaise praʁ id. (r-) brang poitrine tɯ-ro id. (βr-) pho-brang palais pʰo-βraŋ id. mbr- ‘bras riz mbrɤs id. (l-) ‘brog-pa éleveur kɤ-lɤɣ faire paître ‘br- nomade tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sbr- (spr-) sbrul serpent qa-pri id. (zbr-) sbrul lo année du zbri lu id. serpent sr- bsr- (rw-) sbra tente rwa id. (χw-) sbra tente χwara id. (ɣʑ-) sbrang mouche ɣʑo abeille sr- sras fils (hon.) srɤs prince (ʂ-) sra-ba solide kɯ-ʂa capable (ɕr-) chu-sram loutre tɕʰɯ-ɕrɤm id. (r-) sro-ma lente ndʑi-rɯ id. (fsr-) srung-ba, protéger kɤ-fsroŋ id. mantra om mani id. bsrungs hr- om man̻i (ʂ-) padme hum hri pɤnme χoŋ ʂi Tableau 77 : Groupes ayant la médiane -r- en tibétain. La médiane -r-, enfin, a deux types de correspondances possibles en japhug. D’une part, devant vélaires et labiales, elle peut correspondre au -r- du japhug. D’autre part, les groupes [dentales + r] et [vélaires + r] correspondent parfois en japhug à des affriquées rétroflexes. Le tibétain gr- correspond à kr- / gr- ou à tʂ- / dʐ- en japhug., le tibétain srcorrespond à sr-, ɕr- ou à ʂ- en japhug. Le groupe dr- en revanche correspond à tʂ-, mais pas à dr-, un groupe qui n’est d’ailleurs quasiment pas attesté en japhug (voir 2.2.3). On note neuf exemples inhabituels. Dans deux cas, la médiane -r- du tibétain correspond à une préinitiale r- en japhug : phrag :: tɯ-rpaʁ « épaule » et mkhrang-po « solide » :: kɯ-rkaŋ « vigoureux ». Dans un exemple, -r- correspond à l- en japhug : ‘brog-pa « nomade » :: kɤ-lɤɣ « faire paître », tandis que dans un autre –r- 118 correspond à ʑ- : sbrang « mouche » :: ɣʑo « abeille »40. Par ailleurs, l’initiale en tibétain est sans équivalent dans deux cas : brang :: tɯ-ro « poitrine » et sro-ma :: ndʑi-rɯ « lente ». Enfin, on rencontre un cas où la médiane n’apparaît pas : ɯ-di :: dri « odeur ». Pour finir, on remarque deux correspondances ne pouvant pas être classées dans les catégories ci-dessus. La première est sh- :: zr- comme dans shig :: zrɯɣ « pou » : on trouve une médiane -r- en japhug alors qu’il n’y en a pas en tibétain. La second est bzh- :: pj- attestée par l’exemple unique bzhag-‘og :: tɯ-pjaʁ-pa « aisselle » où l’initiale du tibétain correspond à une médiane en japhug. Nous montrerons dans la section sur la stratification que ce sont des correspondances typiques des cognats. 3.1.2.2.9 Les préinitiales. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 On compte en tibétain classique huit préinitiales g-, d-, b-, m-, ‘-, r-, l-, s- plus trois préinitiales doubles bs-, br-, bl-, la dernière n’étant pas attestée dans notre corpus de mots communs entre tibétain et japhug. Tout comme nous l’avions fait avec les médianes, nous avons recomposé les tableaux en fonction des préinitiales pour faciliter l’analyse. Les groupes à doubles préinitiales seront regroupés dans un tableau séparé. groupe groupe initial initial en en japhug mot tibétain signification en mot japhug tibétain tibétain signification en japhug gc- (χtɕ-) gces-pa chérir kɯ-χtɕɤs être chéri gny- ʁɲ- gnyer-pa intendant du ʁɲɤr-pa id. monastère (ʁn-) gnyis deux ʁnɯs id. gt- χt- gtor-ba disperser kɤ-χtɤr id. gd- ʁd- gdon démon ʁdɯn malheur gn- ʁn- gnam-yangs plafond ʁnɤm-jaŋ id. gts- χts- gtsang-ba propre kɯ-χtso id. gzh- ʁʑ- gzhon-nu jeune garçon ʁʑɯnɯ id. gz- ʁz- gzan kyasha ʁzɤn id. (ɣz-) gzan nourriture ɣzɤn appât ʁj- g.yog-po serviteur ʁjoʁ id. (ʑ-) g.yang-dkar mouton qa-ʑo id. g.y- 40 Un autre exemple de japhug /ʑ/ (venant de *j, voir chapitre 4) correspondant à /r/ en tibétain est rang :: tɯ-ʑo « soi-même ». 119 gsh- (χɕ-) gshegs-pa partir, mourir kɤ-χɕaʁ mourir (hon.) (hon.) gs- χs- gseb étalon χsɤβ id. (s-) gsar-pa nouveau, frais kɯ-sɤr frais Tableau 78 : Groupes ayant la préinitiale g- en tibétain. La préinitiale g- correspond à des fricatives uvulaires en japhug selon le trait de voisement de l’initiale : ʁ- devant les sonores, χ- devant les sourdes. On ne compte que trois exceptions : g.yang-dkar :: qa-ʑo « mouton » et gsar-pa « nouveau » :: kɯ-sɤr « frais » et gzan :: ɣzɤn « appât ». groupe groupe initial initial en en japhug mot tibétain tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 k- mot japhug tibétain tibétain dk- signification en dkar-nag blanc et noir signification en japhug kanaʁ bovidé de couleur noire dont les pattes sont blanches rk- dkon-po rare kɯ-rkɯn id. ɴq- dka’-pa dur kɯ-ɴqa id. dky- (χc-) dkyil milieu ɯ-χcɤl milieu dg- rg- dga-ba aimer kɤ-rga content (ʁg-) dge-slong bhikshu ʁgɤ-sloŋ id. (ng-) dgu neuf kɯ-ngɯt id. dgr- ʁgr- dgra-ya ennemi ʁgra-ja id/ dng- (rŋ-) dngul argent rŋɯl id. dp- χp- dpe exemple χpi histoire dpy- (χɕ-) dpyid-ka printemps χɕit-ka id. db- (ʁ-) dbang pouvoir (n.) tɯ-ʁoŋ id. (w-) rang-dbang liberté rɤ-woŋ responsabilité (ftɕ-) dbyar été ftɕar id. ʁj- dbyar-sa pâturages ʁjar-sa id. ʁm- dmag-mi soldat ʁmaʁ-mi id. dbydm- Tableau 79 : Groupes ayant la préinitiale d- en tibétain. La préinitiale d- du tibétain correspond à r- en japhug devant les vélaires, et aux uvulaires /χ/ ~ /ʁ/ devant les autres occlusives (y compris les palatales venant de vélaires). Le groupe dgr- fait exception, car il correspond à ʁgr- en japhug et non à *rgr-, ce qui était prévisible du fait de la contrainte selon laquelle une syllabe ne peut pas avoir une même 120 préinitiale et une même médiane. On ne trouve en tout que sept exemples qui ne suivent pas cette règle : dge-slong :: ʁgɤ-sloŋ « bhiksu », dkar-nag « blanc et noir » :: ka-naʁ « bovidé blanc et noir », dkar-po « blanc » :: kɤr-pu « chaux », dkar-ngo :: kɤr-ŋu « première période du mois », dgu :: kɯ-ngɯt « neuf », dbyar :: ftɕar « été », dka’-ba :: kɯ-ɴqa « dur ». groupe groupe initial initial en en japhug mot tibétain fk- mot japhug tibétain tibétain bk- signification en bka parole, ordre signification en japhug fka ordre kɯ-fkra-χsɤl voir clair kɤ-βgos préparer, (hon.) bkr- (fkr-) *bkra gsal bg- (βg-) bgod-pa, bgos répartir, donner tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 son dû à chacun bc- planifier (ŋg-) bgo-pa , bgo porter un habit kɤ-ŋga id. ftɕ- gcod-pa, bcad couper kɤ-ftɕɤt arrêter de faire qqch bt- ft- ‘dul-pa btul apprivoiser, kɤ-ftɯl id. convertir bd- βd- bdag-po maître, hôte βdaʁ-pu hôte bts- fts- ‘dzugs-pa, planter, établir kɤ-ftsɯɣ établir quatrième βʑi-pa quatrième btsugs gzugs bzh- βʑ- bzhi-pa mois bzbsh- bs- (ʑ-) bzhugs-sa siège ʑɯɣ-sa id. (l-) bzha’ humide kɤ-ɣɤ-la mouiller (pj-) bzhag-‘og aisselle tɯ-pjaʁ-pa id. (βd-) bzhi quatre kɯ-βde id. βz- bzang-len récompense βzaŋ-lɤn id. (ʁz-) bza’-mi couple ʁzɤ-mi id. fɕ- ‘chad-pa, dire, raconter, kɤ-fɕɤt raconter bshad expliquer (ntɕʰ-) bsha’-ba tuer un animal kɤ-ntɕʰa id. fs- bsang fumigations fsaŋ id. Tableau 80 : Groupes ayant la préinitiale b- en tibétain. La préinitiale b- correspond régulièrement au phonème /w/ du japhug et à ses deux réalisations [f] et [β]. On compte cinq exceptions. D’une part, on trouve trois exemples où la préinitiale du tibétain n’a pas d’équivalent en japhug : bzhugs-sa :: ʑɯɣ-sa « siège », 121 bzha’ « humide » :: kɤ-ɣɤ-la « mouiller » et bsha’-ba :: kɤ-ntɕʰa « tuer un animal ». D’autre part, on trouve bza’-mi :: ʁzɤ-mi « couple (mari et femme) » où b- correspond à ʁ- et bzhag-‘og :: tɯ-pjaʁ-pa « aisselle » où, comme nous l’avions déjà expliqué dans la section sur les médianes, le b- préinitiale du tibétain correspond au p- initiale du japhug. groupe groupe initial initial en en japhug mot tibétain signification en mot japhug tion en japhug tibétain tibétain significa- mkh- mkʰ- mkhas-po spécialiste kɯ-mkʰɤs excellent mkhy (mcʰ-) mkhyen-pa connaître kɤ-mcʰin percevoir la vraie nature mkhr- (ɕkr-) mkhris bile tɯ-ɕkrɯt id. mg- (ŋg-) mgur chant mystique ŋgɯr discours chanté tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (épopée de Gesar) mgy- (k-) mgo tête tɯ-ku id. (mɟ-) mgyogs-rwa corne où l’on met mɟoʁ-ra id. la poudre de fusil mgr- (ndʐ-) mgron-po hôte ndʐɯn-bu id. mch (mtsʰ-) mchin-pa foie tɯ-mtsʰi id. mtɕʰ- mchod-rten stupa mtɕʰo-rtɯn id. (mpɕ-) mchor-po beau kɯ-mpɕɤr id. mj- (mdʑ-) ‘go-mjug chef ŋgu-mdʑɯɣ id. mth- mtʰ- mthu magie mtʰɯ id. (mt-) mthong-ba voir kɤ-mto id. md- mdog couleur ɯ-mdoʁ id. (mt-) mdud-pa nœud tɤ-mtɯ id. (mɲ-) mda flèche tɯ-mɲa id. mn- (mn-) mnam-pa sentir une odeur kɤ-nɤ-mnɤm id. mtsh- mtsʰ- mtsho lac mtsʰu id. mdz- mdz- mdzes-po beau kɯ-mdzɤs id. (ndz-) mdze lèpre kɤ-kɯ-nɤ-ndza id. md- Tableau 81 : Groupes ayant la préinitiale b- en tibétain. La préinitiale m- du tibétain correspond régulièrement à m- en japhug. On recense cinq exceptions. Dans trois cas, m- n’a pas d’équivalent en japhug : mgo :: tɯ-ku « tête », mkhrang-po « solide » :: kɯ-rkaŋ « vigoureux », mkhris :: tɯ-ɕkrɯt « bile ». Dans trois autres cas, on trouve en japhug une prénasalisée : mgur :: ŋgɯr « discours chanté », mgron-po :: ndʐɯnbu « hôte », mdze :: kɤ-kɯ-nɤ-ndza « lèpre ». 122 groupe groupe initial initial en en japhug mot tibétain (ŋkʰ-) mot japhug en tibétain tibétain ‘kh- signification ‘khor-ba-pa être vivant signification en japhug ŋkʰor-wa-pa paysan dans le samsara mkʰ- ‘khor-dmangs peuple mkhar-maŋ id. ‘khr- (mkʰr-) ‘khrung-ba naître (hon.) kɤ-mkʰroŋ se réincarner ‘g- ŋg- ‘gong-po maléfice, ŋgoŋ-pu malheur démon ‘gy- ɲɟ- ‘gyod-pa regretter kɤ-ɲɟɤt id. (j-) ‘gyog-pa lever kɤ-joʁ id. danser (danse kɤ-rɤ-ntɕʰom id. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 bkyags ‘ch- ntɕʰ- ‘chams-pa religieuse) ‘th- (t-) ‘thag-pa, btags tisser kɤ-taʁ id. ‘d- nd- ‘dar-ba trembler kɤ-nɤ-ndɤr id. (ɟ-) ‘dom-pa longueur de tɯ-ɟom id. deux bras écartés ‘ph- (p-) ‘phar-ba chacal qa-par id. ‘phy- (mpɕ-) ‘phya-ba se moquer kɤ-mpɕa id. ‘phr- mpʰr- ‘phrad-pa se rencontrer kɤ-mpʰrɤt être adéquat ‘b- mb- rwa-’bum ramure de cerf ra-mbɯm id. (p-) ‘bo boisseau po id. ntsʰ- ‘tshog-pa se rassembler kɤ-ntsʰoʁ participer à la ‘tsh lecture des soutras ‘dz- ndz- ‘dzam-gling monde ndza-ʁlaŋ id. Tableau 82 : Groupes ayant la préinitiale ‘- en tibétain. Les mots ayant la préinitiale ‘- en tibétain ont ou bien des prénasalisées en japhug (si l’initiale était sonore en tibétain) ou l’archiphonème /N/ (si l’initiale était aspirée). Cette règle a quelques exceptions. Tout d’abord, dans les mots ayant l’initiale kh-, ‘- correspond aussi à /m/ en plus de /N/. On trouve aussi cinq correspondances exceptionnelles où ‘- n’a pas d’équivalent en japhug : ‘bo :: po « boisseau », ‘phar-ba :: qa-par « chacal », ‘thag-pa :: kɤ-taʁ « tisser » et tɯ-ɟom :: ‘dom-pa « longueur de deux bras écartés », gyog-pa bkyags :: kɤ-joʁ « lever » 123 groupe groupe initial initial en en japhug mot tibétain rk- mot japhug en tibétain tibétain rk- signification rko-ba creuser, signification en japhug kɤ-rkʰe graver kɤ-rkɤs graver sculpter (rkʰ-) rko-ba creuser, sculpter rg- rg- phag-rgod sanglier pʰaʁ-rgot id. rgy- rɟ- rgyal-po roi rɟɤl-pu id. rng- rŋ- rnga-mong chameau rŋamoŋ id. rj- rʑ- rdo-rje vajra ʁdɤ-rʑi id. (tɕ-) rjes trace tɤ-tɕɤs id. (rɲ-) rnying-po ancien kɯ-rɲaŋ id. (rn-) rnyil gencive tɯ-rni id. rt- rta-lcags fouet de cheval rtɤ-ltɕaʁ id. (χt-) rten-’brel présage, χtɤ-mbrɤl célébration tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 rnyrt- célébration rd- (ft-) rtags marque ftaʁ id. rd- rdo-’bum tas de pierre rdɤ-mbɯm id. (ʁd-) rdo-rje vajra ʁdɤ-rʑi nom personnel rn- rn- rna oreille tɯ-rna id. rm- rm- rma-bya paon rma-βja id. (ɣm-) rma blessure tɯ-ɣmas id. (sɲ-) rmed harnais sɲɤt id. (ʁm-) rma blessure ʁmas-grɯβ cicatrice (jmŋ-) rmang-lam rêve (vieux tɯ-jmŋo id. tibétain) rts- rts- rtsa pouls tɯ-rtsa id. rtsw- (rts-) rtswa-dug herbe rtsa-tɯɣ id. tɯ-rzas bagages empoisonnée rdz- (rz-) rdzas objet Tableau 83 : Groupes ayant la préinitiale r- en tibétain. La préinitiale r- du tibétain correspond généralement à r- en japhug. Toutefois, on trouve trois cas où elle correspond à /χ/ ~ /ʁ/ : rten-vrel « présage » :: χtɤ-mbrɤl « célébration », rdo-rje :: ʁdɤrʑi « vajra » et rma « blessure » :: ʁmas-grɯβ « cicatrice ». Il existe par ailleurs cinq autres exceptions : rma :: tɯ-ɣmas « blessure », rmed :: sɲɤt 124 « harnais », rmang-lam :: tɯ-jmŋo « rêve », rtags :: ftaʁ « marque » et enfin rjes :: tɤ-tɕɤs « trace » où le r- du tibétain n’a pas d’équivalent. groupe groupe initial initial en en japhug mot tibétain (rŋ-) mot japhug en tibétain tibétain lng- signification lnga-pa cinquième signification en japhug rŋa-pa cinquième mois lc- (mŋ-) lnga cinq kɯ-mŋu id. tɕ- lcags-dkar étain tɕaʁ-kɤr khɯ-tsa un type de bol (ɣl-) lci-ba purin ɯ-ɣli id. (ltɕ-) rta-lcag fouet pour rtɤ-ltɕaʁ id. cheval (ldʑ-) ljang-khu vert ldʑaŋ-kɯ id. (rʑ-) ljid-po lourd kɯ-rʑi id. lt- (zd-) lteb-ba bltabs plier kɤ-zdɤβ id. ld- d- ldan-pa ayant kɯ-dɤn beaucoup tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 lj- Tableau 84 : Groupes ayant la préinitiale l- en tibétain. La préinitiale l- a des correspondances variées en japhug : soit elle n’a pas de phonème correspondant, soit elle correspond à l- ou à r-. Dans des exemples isolés, elle correspond même à m- : lnga :: kɯ-mŋu « cinq » ou à z- lteb :: kɤ-zdɤβ « plier ». Le manque d’exemples rend difficile la détermination de correspondances strictes. groupe groupe initial initial en en japhug mot tibétain sk- mot japhug en tibétain tibétain sk- signification sku corps (hon.) signification en japhug skɯ statue de Bouddha (skʰr-) sku corps (hon.) tɯ-skʰrɯ corps (mk-) ske cou tɯ-mke cou (qʰ-) sbal-skogs carapace de bɤl-qʰoʁ tortue tɕa-zga gingembre rca χtoŋ une insulte tortue sky- sgsgy- gingembre tɕ- *skya sga (rc-) *skyag gtong sc- skye-ba naître kɤ-sci naître zg- *mdzo-sga selle de mdzo mdzu-zga attelage ɕk- sgog-pa ail ɕku oignon (zɟ-) zgye sac en poil de zɟi id. yak 125 sgr- zgr- sgril-ba enrouler kɤ-zgrɯl tourner entre les doigts (tʂ-) sgril-ba enrouler kɤ-tʂɯl enrouler (dʐ-) rtsi-sgrig compte rtsɯ-dʐɯɣ id. sng- sŋ- sngags sorcellerie sŋaʁ id. sny- (sn-) snying coeur tɯ-sni id. st- st- stag-lo année du tigre staʁ-lu id. (ɕt-) stu organe sexuel tɯ-ɕtɯ id. féminin sd- (s-) stong-pa vide kɯ-so id. zd- sdug-po pénible, kɤ-zdɯɣ pénible mauvais ɕn- sna nez tɯ-ɕna id. sn- snag-tsha encre snaʁ-tsa id. sp- sp- spos encens spos id. spy- (spj-) spyang-ki loup spjaŋ-kɯ id. spr- spr- sprul-sku réincarné sprɯl-skɯ id. sb- zw- sbor-ba, sbar allumer kɤ-zwɤr id. (z-) sbug-chal cymbales zɯɣtɕʰɤl id. (ɕp-) sbal grenouille qa-ɕpa id. (b-) sbal-skogs carapace de bɤl-qʰoʁ tortue tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sn- tortue (jp-) sbom-po épais kɯ-jpum id. (p-) sbar-mo paume ɯ-pɤl partie de la louche qui sert à contenir le liquide sby- (βzj-) sbyong-ba, apprendre kɤ-βzjos id. sbyangs sbr- (spr-) sbrul serpent qa-pri id. (zbr-) sbrul lo année du zbri lu id. serpent sm- (rw-) sbra tente rwa id. (χw-) sbra tente χwara id. (ɣʑ-) sbrang mouche ɣʑo abeille sm- sman médicament smɤn id. (m-) sme-ba grain de qa-me id. kɤ-sɲu id. beauté smy- sɲ- smyo-ba être fou 126 Tableau 85 : Groupes ayant la préinitiale s- en tibétain. La préinitiale s- correspond aux phonèmes /s/ et /z/ du japhug en position préinitiale : s- devant les sourdes et les nasales, z- devant les occlusives sonores. Dans cinq exemples, elle correspond à ɕ- : sbal :: qa-ɕpa « grenouille », sna :: tɯ-ɕna « nez », stu :: tɯ-ɕtɯ « organe sexuel féminin », sgog-pa :: ɕku et snabs :: tɯ-ɕnaβ « morve ». On trouve par ailleurs dix cas atypiques : sbal-skogs « carapace de tortue » :: bɤl-qʰoʁ « tortue »,sme-ba :: qa-me « grain de beauté » et *skya sga :: tɕa-zga « gingembre », skyur-mo :: kɯ-tɕur « acide », sbrul :: qa-pri « serpent », sbar-mo :: ɯ-pɤl et sbrang « mouche » :: ɣʑo « abeille » où le s- du tibétain n’a pas d’équivalent en japhug, ainsi que *skyag gtong :: rca χtoŋ « une insulte », sbra :: χwara / rwa « tente », tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ske ::tɯ-mke « cou » et sbom-po :: kɯ-jpum « épais ». groupe initial groupe initial en tibétain en japhug brgy- (rc-) brgyad huit kɯ-rcat id. (rʑ-) brgya cent ɣurʑa id. (rc-) brkyangs- prosternations rcaŋ-pɕaʁ id. phyag jusqu’à un lieu brky- mot tibétain signification mot japhug en tibétain signification en japhug de pélerinage brt- (frt-) brtan-po stable, solide kɯ-frtɤn fiable bsk- (fsk-) skor, bskor faire tourner kɤ-fskɤr contourner bsgy- (βzɟ-) sgyur-ba, changer kɤ-βzɟɯr id. être selon kɤ-fstɯn servir bsgyur bst- (fst-) stun-pa, bstun bsd- (st-) bstod-pa faire l’éloge kɤ-stɤt id. (βzd-) sdud-ba, ramasser kɤ-βzdɯ id. protéger kɤ-fsroŋ id. bsdus bsr- (fsr-) srung-ba, bsrungs Tableau 86 : Groupes ayant deux préinitiales bs- ou br-en tibétain. Nous avons déjà proposé une liste de ces groupes dans le chapitre sur la phonologie : ils y occupent une place toute particulière étant donné qu’ils sont quasiment les seuls en japhug à avoir des antépréinitiales. Nous les présentons à nouveau du point de vue de la comparaison avec le tibétain. Les groupes à deux préinitiales sont attestés par peu d’exemples. Le b- du tibétain dans ces groupes est maintenu sauf dans quatre exemples : brgyad :: kɯ-rcat « huit », 127 brgya :: ɣurʑa « cent », brkyangs-phyag :: rcaŋ-pɕaʁ « prosternations » et bstod-pa :: kɤ-stɤt « louer, faire l’éloge ». Les initiales des deux derniers, comme nous l’avons vu, présentent des correspondances irrégulières. Nous verrons qu’il s’agit de cognats et non d’emprunts. Les six autres exemples ont comme particularité d’avoir une initiale simple ou, dans le cas de gy-, une initiale interprétée comme un phonème unique en japhug. Nous montrerons qu’il ne s’agit pas d’un hasard. A ces mots il faut ajouter le verbe kɤ-βzgɤr « envahir, retarder » dont l’étymologie sera tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 étudiée en 3.2.3.7. groupe initial groupe initial mot signification en tibétain en japhug tibétain en tibétain th- (χt-) ‘bum-ther cent mille mbɯm-χtɤr id. by- (χpɣ-) byin-pa cuisse tɯ-χpɣi id. tsh- (fts-) tsha-bo neveu tɯ-ftsa id. zh- (rʑ-) zhag durée de 24 h. tɯ-rʑaʁ une nuit z- (rz-) phag-ze poils de pʰaʁ-rzi brosse à dents en mot japhug signification en japhug cochon poils de cochon sh- (xɕ-) shed force tɯ-xɕɤt id. sh- (χɕ-) shel verre χɕɤl id. Tableau 87 : Mots japhug ayant une préinitiale sans équivalent en tibétain. On trouve enfin les sept exemples rassemblés dans le tableau 87, où les préinitiales du japhug n’ont pas d’équivalent en tibétain. Une explication sera fournie pour les deux derniers exemples dans la section sur la stratification des emprunts. 3.1.2.3 Conclusion Bien que les correspondances des groupes de consonnes entre japhug et tibétain présentent une certaine complexité, nous avons pu montrer en détail que la plupart des exceptions ne concernait dans chacun des cas que quelques exemples marginaux. Cette variété dans les correspondances était prévisible, sachant que nous n’avons pas tenté ici de distinguer les cognats des emprunts : il nous semblait en effet important de ne pas mélanger les arguments d’ordre phonologique (les différentes correspondances) des autres indices pouvant contribuer à la distinction entre les deux, tels que l’appartenance au vocabulaire de base. Nous avons cependant volontairement occulté les problèmes des correspondances particulières aux dissyllabes dans les sections consacrées aux groupes de consonnes et 128 aux rimes. Nous avons aussi laissé de côté la question des formes verbales du tibétain dans les emprunts. Maintenant que les correspondances phonétiques les plus courantes sont connues, il est possible d’aborder ces questions plus pointues. 3.1.3 Interaction entre la morphologie du tibétain et les règles de correspondance. Le tibétain classique a une morphologie verbale flexionnelle d’une certaine complexité du fait de son manque de régularité, qui fait intervenir préfixation, suffixation et alternances vocaliques, et une morphologie nominale plus simple, limitée à la concaténation de syllabes. Ces deux groupes de phénomènes, comme nous allons le voir, doivent être pris en compte lors de la mise en évidence des règles de correspondance tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 phonétique. 3.1.3.1 Dissyllabes Les dissyllabes du tibétain sont dans leur quasi-majorité analysables en deux morphèmes distincts. Certains dissyllabes présentent un développement irrégulier en japhug par rapport aux correspondances mises en évidence en 3.1.1 et en 3.1.2. Etant donné que l’étude de ces dissyllabes relève à la fois des rimes et des groupes de consonnes initiaux, il nous a semblé bon d’y consacrer une section spécifique. On trouve de nombreux exemples de mots en japhug dont les irrégularités de correspondance avec le tibétain peuvent s’expliquer par les interactions entre les deux syllabes. z gos-chen :: koxtɕin « satin » On attendrait le japhug *kostɕin, *kɤstɕin, *kostɕʰin ou *kɤstɕʰin selon les correspondances décrites dans les précédentes sections. L’irrégularité tient à ce que le tibétain -s- correspond à -x-. Cette anomalie peut s’expliquer lorsque l’on remarque qu’il n’existe pas de syllabes du type stɕ- ou de type ɕtɕ- en japhug (voir le chapitre 2 sur la phonologie). Le seul groupe [sifflante / chuintante + affriquée] autorisé est ɕtʂ-. On peut donc proposer pour le japhug un changement *stɕ- > xtɕ-. Toutefois, une autre possibilité doit être prise en compte : un dialecte qui resyllabifie le –s final de la première syllabe comme une préinitiale de la seconde syllabe, lui faisant subir un changement de /s/ à /h/, comme cela est attesté dans le dialecte de Zho-ngu (Sun 2003b) : lus-po :: ləhpo « corps ». z gcer-bu-pa :: χtɕɯ-rɯ-pa « personne toute nue » On attendrait ici *χtɕɤr-wɯ-pa. Cette irrégularité tient sans doute au dialecte tibétain donneur : le suffixe –bu s’assimile souvent à la syllabe précédente dans les dialectes 129 tibétains, voire en classique (ainsi la forme smyug-gu « pinceau » vient de la forme aussi attestée smyug-bu). Il ne s’agit pas d’un phénomène interne au japhug. z mchod-rten :: mtɕʰortɯn « stupa » On attendrait *mtɕʰɤt-rtɯn ou *mtɕʰot-rtɯn (ou bien -rtɤn avec l’autre vocalisme) selon les correspondances phonétiques régulières. L’absence de –t ici est en réalité parfaitement prévisible si l’on prend en compte la disparition des finales –t dans les réduplications totales telle que nous l’avons décrite dans la dernière section du chapitre sur la phonologie synchronique : la finale –t ne peut apparaître devant un mot à initiale prénasalisée, ou avec les préinitiales nasales l-, r- et χ-. z rgod-ma :: rgonma « jument » mchod-me :: mtɕʰɤnmi « lampe à huile » On attendrait *rgot-ma et *mtɕʰɤt-mi. Toutefois, la nasalisation du –t devant une tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 nasale est un phénomène trivial en japhug : elle est présente dans le cas des conjugaisons. Ainsi la forme d’aoriste nɯ-prɤ́t-nɯ « ils ont coupé » se prononce [nɯprɤ́nnɯ]. z slob-ma :: slama « étudiant » On attendrait *slaβ-ma ou *slɤβ-ma (ou bien avec le groupe *zl-). La disparition du –β devant m- n’est pas attestée autre part en japhug. z lag-bzo « ouvrage manuel » :: laʁzu « type d’offrande » *lag-dbyug :: laʁjɯɣ « bâton »41 lag-brda :: laʁrda « geste » Dans ces trois exemples, on aurait attendu respectivement *laʁβzu, *laʁʁjɯɣ et *laʁβrda. L’impossibilité d’une forme telle que *laʁʁjɯɣ tient à la contrainte générale sur les géminées en japhug dans un même morphème (voir 2.4.5 p.81) – ces mots sont bimorphémiques en tibétain, mais monomorphémiques en japhug, puisque chacun des morphèmes y sont inanalysables. Pour les deux autres formes, nous avons affaire à une contrainte sur les groupes de consonnes qui interdit les groupes de deux fricatives avant fricatives et sonantes : il est notable que les seuls cas de groupes de deux fricatives précédant une autre consonne en japhug viennent de la double préinitiale bs- du tibétain. z zhing-khams « endroit, la terre pure » :: ʑimkʰɤm « le monde entier, le domaine de qqun, un long moment » On attendrait *ʑiŋkʰɤm, *ʑiŋkhom ou *ʑiŋkham (ou bien les mêmes formes avec *ʑaŋ- comme première syllabe) en japhug. L’irrégularité tient à la correspondance de –ng à –m en japhug. Une explication est possible : une resyllabification qui aurait entraîné une forme *ʑiŋkʰɤm en proto-japhug à s’analyser *ʑi-ŋkʰɤm. Or, on sait par ailleurs que le 41 La forme *lag-dbyug n’est pas attestée à notre connaissance en tibétain classique : nous postulons ici un composé de lag « main » et de dbyug « bâton ». 130 tibétain ‘kh- correspond à mkʰ- en japhug : un changement de dissimilation transforme *ŋkʰ- en mkʰ- en proto-japhug (voir 3.2.3). Par ce changement, on peut dériver la forme actuelle *ʑi-ŋkʰɤm → ʑi-mkʰɤm. z *ba-so-rus :: pasrɯ « ivoire”. Ainsi le mot japhug pour l’ivoire, pasrɯ est apparenté au mot tibétain ba-so de même sens. Selon les lois régulières, on attendrait toutefois *paso, *pasu voire *pasɯ en japhug (la correspondance -o :: -ɯ est attestée dans les deuxièmes syllabes de composés). La forme pasrɯ pourrait venir d’un composé tibétain *ba-sru mais un tel composé n’est pas attesté et ne ferait pas sens. La syllabe -rɯ, toutefois, rappelle celle que l’on trouve dans ɕɤ-rɯ « os » (tibétain sha-rus « chair et os »). pasrɯ est donc un composé de pas- (apparenté au tibétain ba-so « ivoire ») et -rɯ (apparenté à rus « os »). En admettant un prototype tibétain *ba-so-rus, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 on peut dériver la forme *pasɯ-rɯ. L’irrégularité de cette forme tient à la disparition du premier /ɯ/. Il n’est pas certain que le mot *ba-so-rus ait jamais existé en tibétain : il peut s’agir d’un composé formé par analogie avec ɕɤ-rɯ à l’intérieur du rgyalrong après que les deux mots aient été empruntés. z gzhon-nu :: ʁʑɯnɯ « jeune garçon » On attendrait *ʁʑon-nɯ, *ʁʑun-nɯ ou *ʁʑɯn-nɯ. L’irrégularité apparente tient à la disparition d’un des /n/. Elle peut être résolue si l’on prend en compte la contrainte générale en japhug contre les consonnes géminées : une forme telle que *ʁʑɯnnɯ n’aurait pas été correcte. z ‘khar-rnga :: mkʰɤrŋa « gong » zas-sna « toutes sortes de nourriture » ::zɤsna « nourriture pour les morts » On attendrait *mkʰɤr-rŋa ou *mkʰɤr-rŋa et *zɤs-sna. Ici encore, la contrainte sur les consonnes géminées interdit ce type de groupes de consonnes en japhug. z sbrul-lo :: zbri-lu « année du serpent » sprel-lo :: spri-lu « année du singe » On attendrait ici *zbrɯl-lu et *sprɤl-lu. On verra en 4.2.1.3 p.218 que le *-ul du tibétain et du chinois correspond à –i ou à –e dans les cognats (qa-pri « serpent », tibétain sbrul, chinois 虺 *bhmulʔ). Toutefois, il est peu probable que la perte du –l, commune aux langues rgyalronguiques, se soit appliquée à des emprunts de la couche B (voir 3.2.3.1). La suppression du –l devant un autre l- est plutôt due à la contrainte sur les géminées déjà évoquée. Si on prend cette contrainte en compte, la forme spri-lu de *spre-lo devient régulière. Toutefois, la forme zbri-lu reste problématique : on attendrait ici *zbrɯ-lu. z ‘brug – glog « dragon, tonnerre – électricité » :: mbɣɯr-loʁ « tonnerre » On attendrait *mbrɯɣ-ʁloʁ au lieu de mbɣɯrloʁ en japhug de kɤmɲɯ. La forme mbrɯɣ pour le tibétain ‘brug se retrouve dans les autres dialectes japhug (gSar-rdzong 131 mbrɯɣ-loχ « tonnerre ») et dans les autres composés de la langue de kɤmɲɯ où cette syllabe du tibétain est empruntée (ainsi ‘brug-lo:: mbrɯɣ-lu « année du dragon »). La métathèse de /ɣ/ et de /r/ dans ce mot est exceptionnelle et isolée, et il convient de noter aussi l’absence de préinitiale ʁ- dans la seconde syllabe -loʁ. La forme du dialecte japhug de gSar-rdzong mbrɯɣ-loχ montre que la préinitiale ʁde la seconde syllabe n’a pas dû être empruntée en japhug. Cet état de fait n’est pas surprenant : d’une part, il est impossible dans cette langue d’avoir une vélaire directement suivie d’une uvulaire, et d’autre part, comme nous l’avons montré avec les exemples ‘khar-rnga et gzhon-nu, lorsque dans deux syllabes adjacentes en tibétain, la finale de la première et la première consonne de la seconde sont semblables, on ne retrouve qu’une consonne simple et non une consonne double en japhug : le /ɣ/ dans ce mot est donc la réflexion à la fois du –g final et du g- préinitial. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Le problème principal est toutefois de rendre compte de la métathèse du /ɣ/ propre au dialecte de kɤmɲɯ. La seule explication éventuelle est la présence d’un -ʁ dans la syllabe qui suit. La forme *mbrɯɣ-loʁ dans un stade antérieur du dialecte de kɤmɲɯ aurait pu s’être resyllabifiée en *mbrɯ/ɣloʁ. On ne trouve aucun mot en japhug de kɤmɲɯ ayant une finale -ʁ et une préinitiale vélaire /x/ ~ /ɣ/. Le changement de *mbrɯɣloʁ à la forme attestée mbɣɯr-loʁ pourrait donc être le fait d’une dissimilation de ce type. z yar-mar :: jamar ou jarma « à peu près » On attendrait ici *jarmar. La contrainte sur la formation des syllabes (pas de rpréinitiale et finale dans la même syllabe) que nous avions déjà évoquée pour expliquer la syllabe /kɤr/ correspondant au tibétain /dkar/ a causé une dissimilation, donnant les deux formes japhug jamar et jarma. z On yos-lo :: jɤzɯlu « année du lapin » attendrait *jɤslu ou *juslu en japhug. L’irrégularité tient à la correspondance inhabituelle -s :: -zɯ. Cette correspondance rappelle le cas du suffixe locatif –zɯ qui correspond à un suffixe –s en somang / cogtse : le –s final, lorsqu’il se resyllabifie, devient -zɯ42 z ‘phreng-mdud « guirlande – nœud » :: mpʰrɯ-mdɯt « groupe de neuf nœuds sur un khatag » La rime –eng est très rare dans notre corpus d’emprunts, mais dans le mot sɯŋgi :: seng-ge « lion », elle correspond à -ɯŋ. On attendrait donc ici *mphrɯŋ-mdɯt. Ce phénomène s’apparente à la simplification du groupe *-ŋmd- en -md-. Or, comme il s’agit du seul cas d’un groupe comprenant deux nasales plus une occlusive orale entre deux voyelles dans toute la langue, nous ne pouvons pas juger si cette simplification est un phénomène régulier. 42 Ce changement n’est pas isolé : le *-k final du génitif, devenu *-ɣ, s’est resyllabifié en ɣɯ). 132 On trouve aussi des composés qui ressemblent à s’y méprendre à des emprunts de dissyllabes mais qui contiennent en fait une racine tibétaine et une racine rgyalrong. Ainsi sɲɯɣjɯ « pinceau » ressemble au tibétain smyu-gu de même sens. Toutefois, le tibétain smyu-gu devrait correspondre à une forme japhug *sɲɯkɯ ou peut-être *sɲɯɣɯ. La correspondance g- :: ɣj- est anormale. L’irrégularité apparente tient ici au fait que seule la syllabe sɲɯɣ- est empruntée (au tibétain smyug « bambou »). La seconde syllabe vient de la racine rgyalrong -jɯ signifiant « poignée ». De même kɤ-rɯ-pʰɯ-rlaʁ « être quelqu’un qui abîme tout » ressemble au tibétain ‘phro-brlag « gaspiller ». Si les correspondances étaient régulières, on attendrait *mpʰru-rlaʁ ou *mpʰrɤ-rlaʁ. L’irrégularité serait donc triple : la préinitiale, la voyelle et la médiane. L’absence de la médiane pourrait être due à la contrainte selon laquelle un même phonème ne peut être à la fois médiane et finale d’une même syllabe (une syllabe tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 telle que *mpʰrɯr serait incorrecte en japhug). Toutefois, l’irrégularité de la préinitiale et de la rime semblent militer contre cette étymologie. Une autre possibilité serait d’analyser ici la syllabe pʰɯ comme la racine japhug signifiant « prix », suivie de la racine du verbe intransitif kɤ-rlaʁ « disparaître » d’origine tibétaine, rɯ- étant un préfixe dérivationnel. Ce serait donc un verbe à incorporation (voir la section 6.9 p.415). Enfin ɕnɤ-to « tabac à priser » ressemble au tibétain sna-tha de même sens. Or la première syllabe doit venir du cognat tɯ-ɕna « nez » et ne peut être un emprunt. La syllabe -to est probablement un emprunt au tibétain de l’Amdo du-wa « fumée » (prononcé [to] à bLabrang) qui signifie également « tabac ». La forme ɕnɤ-to est donc un composé interne au rgyalrong : seule la seconde syllabe a été empruntée. 3.1.3.2 Morphologie verbale Les verbes tibétains (bya tshig) distinguent jusqu’à quatre formes lorsqu’ils sont transitifs et volitif (tha dad pa), et deux lorsqu’ils sont intransitifs ou transitif non volitifs (tha mi dad pa). Ces formes sont généralement traduites comme : présent (da lta ba), passé (‘das pa), futur (ma ‘ongs pa) et impératif (skul tshig). Les verbes intransitifs n’ont qu’une forme pour le passé et l’impératif, ainsi que pour le présent et le futur. Nous emploierons ces termes dans le reste de ce travail même s’ils ne sont pas entièrement satisfaisants pour décrire le fonctionnement du tibétain. Les formes verbales tibétaines seront indiquées dans l’ordre présent – passé – futur – impératif dans la suite de ce travail. Pour une analyse du système verbal tibétain, voir Li Fang-kuei (1933), Uray (1953), Nishida (1957), Coblin (1976) et Zeisler (2001). L’étude de la morphologie verbale dans les mots communs au japhug et au tibétain a un intérêt tout particulier. Elle nous sert d’argument pour prouver que certains mots sont 133 bien des emprunts et non des cognats : étant donné que les affixes de conjugaison tels que le préfixe b- du futur et du passé ou le préfixe g- du futur ne sont pas d’une grande antiquité, et ne peuvent remonter à l’ancêtre commun du rgyalrong et du tibétain, la présence de ces affixes prouve que le mot doit avoir été emprunté à la langue tibétaine historiquement attestée dans les textes. Comme nous le montrerons dans la section sur la morphologie dérivationnelle, il n’existe pas de préfixes dérivationnels f- / β- ou χ- / ʁ- en japhug. Nous nous limiterons dans la présente étude aux verbes ayant plus d’une forme en tibétain classique. Parmi ces exemples, une partie de ceux qui n’ont pas d’affixes spécifiquement tibétains tels que b- ou g- pourraient être des cognats, et nous indiquerons systématiquement ces verbes. En plus des critères morphologiques, nous disposons de critères phonologiques pour tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 distinguer emprunts et cognats, qui seront développés dans la section 3.2. En particulier, nous montrerons que les mots ayant des initiales βd-, rd-, zgr-, rg-, rɟ- ou ŋkʰ- et les rimes –ot, -or , –os, -am et toutes les rimes à finales –n, –ŋ et –l ne peuvent pas être cognats. Par ailleurs, nous disposons de critères sémantiques : les verbes ayant un sens innovateur identique au tibétain doivent être des emprunts. On trouve tout d’abord des exemples de verbes dont toutes formes de la conjugaison en tibétain classique sont ambiguës en japhug, car elles correspondraient toutes à la même forme selon les règles de correspondances courantes. Parmi les mots du Tableau 88, seul kɤ-rlaʁ « disparaître » pourrait être un cognat. Certains appartiennent à un registre bouddhique (kɤ-mkʰroŋ, kɤ-ntsʰoʁ) ou ont une sémantique spécifique trop semblable au tibétain (kɤ-ndʐoʁ), ou une sémantique innovatrice propre à un usage particulier du tibétain (kɤ-sprɤt43, kɤ-ʑɣɤ-χtɤt44). Le verbe kɤ-rɟɯɣ a le groupe initial rɟ- qui vient de latérale en PGR : s’il s’agissait d’un cognat, il devrait correspondre à un mot à latérale en tibétain. Enfin, le verbe kɤ-zwɤr « allumer » ne peut pas être cognat car le verbe tibétain sbor-ba est un dérivé causatif de ‘bar « brûler, exploser », les dérivés 43 Le verbe kɤ-sprɤt « installer » est un emprunt de sprod sprad sprad sprod, forme causative de ‘phrad phrad « se rencontrer » qui signifie entre autre « faire se rencontrer ». Le dialecte tibétain donneur a dû développer le sens de « mettre ensemble les pièces d’une machine », puis simplement « installer (une pièce ou une machine) ». C’est en japhug moderne le verbe kɤ-sɤ-tʰoʁ-mpʰrɤt qui a acquis le sens de « mettre ensemble les pièces d’une machine ». Le préfixe causatif sɯ- du japhug n’a jamais la forme spréinitiale (voir 6.1 p.402) et il ne peut donc s’agit d’un cognat. 44 Le verbe kɤ-ʑɣɤ-χtɤt « s’appuyer sur » est un dérivé réflexif d’un verbe non-attesté *kɤ-χtɤt emprunté au tibétain gtod « se tourner vers, confier à ». Ce verbe est dérivé du nom « côté, direction » thad en tibétain, et forme une famille de mot avec stod, bstad « se tourner vers ». Etant donné que le nom de base n’existe pas en rgyalrong et que la dérivation par préinitiale χ- est inconnue en japhug, il ne peut pas s’agir d’un cognat. 134 causatifs en japhug ne sont jamais formés par une préinitiale s- / z- (voir la section 6.1 p.402). Dans les seuls cas où l’on trouve un préfixe causatif fusionné à la racine en japhug, il s’agit toujours de ɕ- / ʑ-. japhug signification tibétain signification kɤ-mkhroŋ se réincarner ‘khrung ‘khrungs id. kɤ-ʑɣɤ-χtɤt s'appuyer sur gtod gtad gtad gtod se tourner vers kɤ-rɟɯɣ courir rgyug rgyugs id. kɤ-rlaʁ disparaître brlag brlags id. kɤ-ndʐoʁ être ‘drog ‘drogs id. ‘tshog ‘tshogs se rassembler id. effrayé (animal, surtout cheval) kɤ-ntshoʁ participer à la lecture tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 des soutras kɤ-zwɤr allumer sbor sbar sbar sbor kɤ-sprɤt installer sprod sprad sprad faire se sprod rencontrer Tableau 88 : Verbes japhug comparables au tibétain – formes ambiguës. On trouve 4 cas de verbes qui sont comparables à la forme du présent du verbe de manière non-ambiguë (voir le Tableau 89). Parmi ces verbes, kɤ-mɯ-rkɯ, kɤ-rŋu et kɤ-rtsi pourraient être des cognats. kɤ-ndɯn doit être un emprunt car il appartient au vocabulaire bouddhique, et il s’agit d’un sens secondaire (le sens originel de ce verbe est « faire sortir »). japhug signification tibétain signification kɤ-mɯ-rkɯ voler rku brkus brku rkus id. kɤ-rŋu frire (le blé) rngo brngos brngo rngos id. kɤ-rtsi compter rtsi brtsis brtsi rtsis id. kɤ-ndɯn lire à haute voix ‘don bton gdon thon id. Tableau 89 : Verbes japhug comparables au tibétain – présent. On trouve 8 cas de verbes dont le présent et le futur sont identiques en tibétain. Dans le Tableau 90, seul kɤ-sci « naître » pourrait être un cognat. Les autres ont soit une sémantique innovatrice (kɤ-βzu) soit ont le préfixe nasal du présent tibétain (kɤ-ŋgrɯ, kɯ-mpʰrɤt, kɤ-ndʑɯɣ), soit le préfixe g- du présent (kɤ-ʁzɤβ), soit un préfixe dérivationnel g- du tibétain (kɤ-χsu : en tibétain, gso « élever » vient d’une racine *so vivre à laquelle est apparenté le verbe ‘tsho « vivre » cognat lui de kɤ-sɯsu « vivre » en japhug) et kɤ-mpɕa a le groupe pɕ- que l’on ne trouve dans aucun mot du vocabulaire 135 rgyalronguique. En toute rigueur, pour le verbe kɤ-ndʑɯɣ « être détruit », l’argument du préfixe nasal du présent ne tient pas car on sait que le PGR *ʑ devient ndʑ-. Ainsi, ndʑɯɣ pourrait venir de *ʑɯk en PGR et s’accorder ainsi avec la racine. Ce verbe doit toutefois être un cognat étant donné qu’il n’est employé que dans des histoires pour parler de la fin du monde tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 dans un contexte bouddhique. japhug signification tibétain signification kɤ-βzu faire bzo bzos faire, confectionner kɤ-sci naître skye skyes id. kɤ-ŋgrɯ s’accomplir ‘grub grub id. kɯ-mphrɤt adéquat ‘phrad phrad rencontrer kɤ-ndʑɯɣ être détruit ‘jig zhig id. kɤ-χsu élever gso gsos id. kɤ-mpɕa reprocher ‘phya ‘phyas ‘phya ‘phyas id. kɤ-ʁzɤβ attentif, soigneux gzab bzabs gzab bzobs id. Tableau 90 : Verbes japhug comparables au tibétain – ambiguïté présent / futur. On trouve 5 cas de verbes dont le présent et l’impératif sont identiques en tibétain, ou dont le présent et l’impératif pourraient correspondre à la même forme en japhug selon les règles phonétiques connues. Parmi les verbes du Tableau 91, seul kɤ-rtsɯɣ pourrait être un cognat, les autres ayant soit des groupes zgr- (kɤ-zgrɯl, kɤ-zgroʁ, kɤ-zgrɯβ) soit la présence de la finale –l (kɤ-zgrɯl, kɤ-tʂɯl), soit la voyelle -o- du présent qui est un innovation du tibétain (kɤ-rtoʁ). japhug signification kɤ-zgrɯl rouler entre les mains tibétain signification sgril bsgril bsgril sgril id. (sens inverse des aiguilles d'une montre) kɤ-tʂɯl enrouler (tissu) sgril bsgril bsgril sgril id. kɤ-rtsɯɣ empiler rtsig brtsigs brtsig rtsigs id. kɤ-zgroʁ attacher sgrog bsgrogs bsgrog sgrogs id. kɤ-zgrɯβ réaliser qqch du mieux sgrub bsgrubs bsgrub sgrubs réaliser rtog brtags brtag rtogs comprendre que l’on peut kɤ-rtoʁ regarder Tableau 91 : Verbes japhug comparables au tibétain – ambiguïté présent / impératif. On distingue par ailleurs 8 cas de verbes qui sont comparables à la forme passé du 136 verbe de manière non-ambiguë. Tous les mots du Tableau 92 ayant une trace de la préinitiale b- du passé. Il doit s’agir d’emprunts : japhug signification kɤ-ftɕɤt arrêter de faire tibétain signification gcod bcad gcad chod couper bgod bgos bgo bgos distribuer ‘dzugs btsugs gzugs tshugs planter, établir quelque chose kɤ-βgos préparer (les produits nécessaires) kɤ-ftsɯɣ établir (une organisation) kɤ-ftɯl apprivoiser ‘dul btul gdul thul id. kɤ-βzɯr déplacer ‘dzur bzur gzur zur id. kɤ-βzjos45 étudier, entrainer sbyong sbyangs sbyang id. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sbyongs kɤ-fkot établir ‘god bkod dgod khod id. kɤ-fkaβ couvrir ‘gebs bkab dgab khob id. Tableau 92 : Verbes japhug comparables au tibétain – passé. On trouve 6 exemples de verbes dont le futur et le passé ont la même forme. Ces mots doivent être des emprunts, étant donné qu’ils ont une trace du préfixe b- : japhug signification tibétain signification kɤ-βzɟɯr transformer sgyur bsgyur bsgyur sgyur id. kɤ-fɕɤt raconter ‘chad bshad bshad shod raconter, expliquer kɤ-fɕaʁ réparer une faute ‘chags bshags bshag bshogs id. kɤ-fsroŋ protéger srung bsrungs bsrung srungs id. kɤ-fskɤr contourner skor bskor bskor skor id. kɤ-fstɯn servir stun bstun bstun stun se conformer à Tableau 93 : Verbes japhug comparables au tibétain – ambiguïté passé / futur. 45 Pour une analyse de la correspondance tibétain sby- :: japhug βzj-, voir le chapitre 4, section sur la consonne /z/ du japhug. Ce mot doit être un emprunt car le verbe tibétain sbyong sbyangs « apprendre », selon nous, est apparenté aux verbes ‘byong ‘byongs « connaître parfaitement, être expert en » et myong myangs « faire l’expérience de », avec une dénasalisation du *m propre au tibétain. Dans *s-mjaŋ-s > sbyangs, le *m devient /b/ comme dans sbrul « serpent » < *s-m-rul (chinois 虺 xwojX < *bhmulʔ, birman mrwe) ; la dénasalisation de *m entre s- et une médiane n’est pas systématique : les groupes smy- et smr- existent par ailleurs en tibétain, comme dans smyo-ba « fou » ou smra-ba « parler ». On doit peut-être reconstruire des groupes différents pour ces mots en proto-tibétain : *sə-mj> smy contre *smj- > sby-. 137 On trouve 6 verbes dont les formes du passé et de l’impératif ont la même forme en tibétain (il convient de remarquer que certain d’entre eux sont toutefois non-volitifs et n’ont donc pas d’impératif à proprement parler). Parmi les verbes du Tableau 94, seul kɤ-pɕɯs « essuyer » pourrait être cognat. Les verbes kɤ-pjɤl et kɤ-pʰɯl ont des finales –l (kɤ-pʰɯl appartient par ailleurs au registre honorifique et le tibétain ‘byol est apparenté par ailleurs au verbe g.yol, ce que montre que le b- est un préfixe) ; le verbe kɯ-na-χsos a la rime –os correspondant à –os en tibétain, les verbes kɤ-tsʰos et kɤ-nɯ-kʰɯr ont un sens innovant tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (complet > être au complet, porter sur le dos > gérer). japhug signification tibétain signification kɤ-pjɤl contourner ‘byol byol fuir kɯ-na-χsos frais gso gsos id. kɤ-tshos être au complet tshang tshangs tout, complet kɤ-nɯ-khɯr commander, gérer ‘khur khur porter une charge, avoir une responsabilité kɤ-pʰɯl offrir (hon.) ‘bul phul dbul phul id. kɤ-pɕɯs essuyer ‘byid phyis dbyi phyis id. Tableau 94 : Verbes japhug comparables au tibétain – ambiguïté passé / impératif. On constate donc que les formes empruntées non-ambiguës sont de manière prédominante des formes du passé et du présent. On ne trouve que trois exemples de verbes japhug venant de la forme du futur ou de l’impératif de manière non-ambiguës : japhug signification tibétain signification kɤ-βzdɯ ramasser sdud bsdus bsdu sdus id. kɤ-rkɤs graver, sculpter rko brkos brko rkos id. kɤ-χtɤr éparpiller ‘thor btor gtor ‘thor id. Tableau 95 : Verbes japhug comparables au tibétain – trois cas problématiques Toutefois, même dans ces cas, il est possible de discuter l’interprétation de ces formes comme venant du futur et de l’impératif. Le verbe « éparpiller » kɤ-χtɤr en tibétain a une conjugaison alternative où toutes les formes sont gtor (où g- est alors un préfixe dérivationnel et non plus un préfixe de futur), si bien que cet exemple n’est pas une preuve formelle d’un emprunt de verbe au futur. La correspondance –us :: -ɯ est attestée par un exemple : sha-rus « chair et os » :: ɕɤ-rɯ « os ». Il n’est donc pas à exclure complètement que kɤ-βzdɯ vienne de la forme passé bsdus au lieu de bsdu. De même, notre interprétation de kɤ-rkɤs comme venant de l’impératif rkos est basée sur l’idée que 138 le groupe brk- du tibétain correspondrait à *frk- en japhug de kɤmɲɯ, comme on a vu que bsk- correspondait à fsk- et brt- à frt-. Or, le groupe brk- du tibétain n’est attesté nulle part ailleurs dans le corpus. Il n’est pas possible d’affirmer avec certitude qu’il s’agit là bien d’un exemple de forme de l’impératif empruntée. Dans le japhug de gSar-rdzong, on trouve bien la forme du passé ka-frkɤs : le japhug de kɤmɲɯ a pu simplifier le groupe *frken rk-. A cela s’ajoute un autre problème : pour le groupe bsgr- du tibétain, il n’est pas certain que la correspondance à attendre en japhug soit bien *βzgr-. Ce serait le seul cas de groupe à quatre consonnes dans cette langue. Il est donc possible que certains exemples du Tableau 91 (kɤ-zgroʁ et kɤ-zgrɯl) viennent bien des formes de passé bsgrog et bsgril. Il peut s’agir là aussi de formes ambiguës entre le présent et le passé. Si l’on considère qu’aucun verbe japhug ne vient de la forme du futur ou de l’impératif tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 du tibétain, et que l’on ne compte pas kɤ-βzdɯ et kɤ-rkɤs, on peut donc réduire l’ambiguïté : il y a 18 verbes venant du présent et 20 venant du passé, le reste étant ambigu entre ces deux temps. Cet état de fait peut s’interpréter de deux manières. Premièrement, il pourrait s’agir de différentes couches d’emprunts : l’une où la forme de base du verbe serait le présent, et l’autre où ce serait le passé. Deuxièmement, la répartition entre formes du passé et du présent pourrait avoir un lien avec les propriétés sémantiques du verbe. Si on prend en compte la télicité, on peut dresser le Tableau 96 : Transitif – télique Transitif – atélique Intransitif – télique Intransitif - atélique Total Présent 8 5 3 2 18 Passé 13 3 2 2 20 Tableau 96 : Verbes empruntés au tibétain classifiés en fonction de leur télicité. On ne remarque aucune tendance bien nette : la proportion de verbes téliques est peu différente pour les formes du présent (61%) par rapport à celles du passé (75%). Si l’on exclut les sept verbes qui pourraient être des cognats (kɤ-sci, kɤ-rlaʁ, kɤ-ʑɣɤ-χtɤt, kɤ-mɯ-rkɯ, kɤ-rŋu, kɤ-rtsi, kɤ-rtsɯɣ), il semble qu’on trouve une proportion légèrement plus importante de verbes téliques utilisant la forme du passé (présent 47 %, passé 72 % de verbes téliques), comme on peut le voir dans le Tableau 97. Toutefois, les exemples sont trop peu nombreux pour être statistiquement significatifs. Transitif – télique Transitif – atélique Intransitif – télique Intransitif - atélique Total Présent 5 4 2 2 15 Passé 12 3 1 2 18 Tableau 97 : Verbes empruntés au tibétain classifiés en fonction de leur télicité. 139 A cela peuvent se rajouter les 12 verbes du Tableau 98, qui ne sont pas comparables tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 aux formes verbales du tibétain de manière directe. japhug signification tibétain signification kɯ-mbus déborder sbos id. kɤ-rɤ-krɤs discuter bgro bgros id. kɤ-si mourir ‘chi shi id. kɤ-ʑaʁ couler ‘dzag zag id. kɤ-ntɕha découper, disséquer bsha’ bshas bsha’ bshos id. kɤ-rkhe graver rko brkos brko rkos id. kɤ-tʂɯβ coudre ‘drub ‘drubs id. kɤ-ndza manger za’ zos bza’ zos id. kɤ-rɲo essayer, goûter, myong myangs myang myongs id. expérimenter kɤ-taʁ tisser ‘thag btags btag ‘thog id. kɤ-ndʑɯ accuser zhu zhus demander Tableau 98 : Autres verbes japhug ressemblant au tibétain. Parmi ces verbes, la forme kɤ-rɤ-krɤs « discuter » ne semble pas être apparentée directement au verbe bgro-ba « discuter ». Ce mot est plus probablement un dérivé de la forme nominale tɯ-krɤs « discussion » empruntée du tibétain gros « discussion ». Les autres sont soit des cognats, soit des emprunts anciens, comme nous le verrons plus tard. 3.1.4 Conclusion Nous avons étudié les règles de correspondance phonétique entre le japhug et le tibétain, du point de vue des rimes, des groupes d’initiales et enfin nous avons traité les correspondances particulières à certains dissyllabes ainsi qu’aux formes verbales du tibétain. Maintenant que les faits sont établis, il convient d’utiliser la variété des correspondances observées dans certains cas pour classer les mots communs au tibétain et au japhug en plusieurs couches, qui inclueront des emprunts modernes très récents, des emprunts plus anciens et des cognats. 3.2 Analyse des couches d’emprunts Maintenant que nous avons établi les règles générales de correspondance entre 140 japhug et tibétain, il est possible de procéder à l’analyse en couches d’emprunts. Pour cela, nous nous servirons d’une méthodologie similaire à celle de Sagart et Xu (2001, 2002). Leur méthodologie est basée sur le principe de cohérence (adapté ici au rgyalrong dans sa formulation) : les initiales, les préinitiales, les médianes et les rimes d’une même syllabe empruntée ont des correspondances appartenant à la même couche. Il suit que lorsque un même mot du tibétain correspond à deux mots en rgyalrong, il doit s’agir d’emprunts effectués à des époques différentes ou à des dialectes distincts, ou bien l’un des deux est un cognat et l’autre est un emprunt. Ce principe de cohérence, lorsqu’il est appliqué aux dissyllabes, implique que théoriquement les deux syllabes doivent suivre les mêmes lois phonétiques lorsque le composé est non-compositionnel (le sens du composé ne peut être déduit de la somme des sens des syllabes). Cette précision est nécessaire tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 pour s’assurer qu’il ne puisse pas s’agir d’un mot composé indépendamment recréé en rgyalrong à partir de morphèmes tibétains appartenant à différentes couches de vocabulaire. Nous avons toutefois vu que dans certains cas, comme la correspondance des aspirées et des voisées de la deuxième syllabe ou les correspondances –a :: –ɤ et –o :: –ɯ (3.1.2.2.7), il était nécessaire de distinguer dans nos règles de correspondances les premières syllabes et les secondes syllabes de dissyllabes. Dans le cas des emprunts tibétains en rgyalrong, le principe de cohérence doit être rendu plus explicite : les initiales, les préinitiales, les médianes et les rimes de toutes les syllabes d’un polysyllabe emprunté suivent les mêmes correspondances à condition que le mot composé soit non-compositionnel, et que ne s’applique pas une loi particulière aux premières ou aux secondes syllabes de polysyllabes. Si ces lois phonétiques particulières aux premières ou aux deuxièmes syllabes de groupes ne sont pas en trop grand nombre, le principe de cohérence nous permet d’utiliser les dissyllabes comme un outil privilégié pour analyser les couches. Un autre groupe important de données est constitué des mots appartenant à une même série : les numéraux cardinaux (noms des mois) et les noms des années (le cycle des douze animaux). Le principe de cohérence doit s’appliquer aussi à ces séries, car pour être utilisables, ces mots ont dû avoir été empruntés en même temps. Il est toutefois nécessaire de noter que si certaines finales ou certaines initiales ont un grand nombre de correspondances variées, certaines n’ont qu’une ou deux correspondances. Dans ces cas-là, plusieurs couches peuvent se partager une même correspondance. La variété des correspondances est due à deux phénomènes : l’évolution phonologique du tibétain, d’une part, et l’évolution du rgyalrong, d’autre part. Pour une compréhension correcte des couches d’emprunts, il convient donc d’analyser ces deux 141 phénomènes. Du principe de cohérence nous pouvons également tirer le corollaire selon lequel seule la couche la plus ancienne de correspondance peut être génétique. Par ailleurs, il faut prendre en compte le fait que les correspondances des cognats, comme c’est le cas en indo-européen notamment, présentent une plus grande variété que les emprunts d’une même couche : un étymon descendu de la même racine sino-tibétaine en rgyalrong et en tibétain aura subi l’application de procédés morphologiques différents, si bien que la morphologie devra être prise en compte dans l’analyse des correspondances entre ces deux langues. Cette section va comporter trois sous-sections : z La couche des cognats. Nous nous baserons pour cela sur la reconstruction interne du proto-tibétain et sur les résultats de notre chapitre sur la phonologie tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 historique du japhug. Nous étudierons tous les mots monosyllabiques du japhug apparentés au tibétain. z Les couches d’emprunts aux dialectes de l’Amdo. Nous isolerons les mots présentant des innovations phonétiques ou sémantiques propres à ces dialectes. z La stratification des couches d’emprunts sur la base de la phonologie historique du japhug. Nous ne chercherons pas à être complètement exhaustif étant donné que les emprunts en japhug ne se laissent pas aisément classer en couches. Les couches des dialectes de l’Amdo seront intégrées à cette étude plus générale. 3.2.1 Cognats entre japhug et tibétain. Contrairement au cas du chinois et du Hani, il est plus facile de distinguer entre emprunts et cognats entre japhug et tibétain que de séparer les couches d’emprunt les unes des autres. Comme nous le verrons, les cas ambigus entre cognats et emprunts sont assez rares. Pour cette raison, nous commençons notre étude des mots communs entre ces deux langues par les cognats. Nous disposons de quatre groupes de critères pour distinguer entre emprunts et cognats ; les trois premiers sont nécessaires mais non suffisants pour démontrer qu’un mot particulier est un cognat. z Les cognats doivent être des monosyllabes : il est inconcevable que le rgyalrong et le tibétain aient pu hériter des dissyllabes du proto-sino-tibétain. Ce principe n’est valable que pour les dissyllabes sémantiquement opaques en rgyalrong. z Les cognats doivent avoir subi l’ensemble des changements phonologiques du proto-rgyalrong au japhug, et ils doivent donc avoir une structure phonologique conforme au patron normal des syllabes du vocabulaire rgyalronguique. 142 z Les mots qui ne présentent pas les innovations du proto-tibétain au tibétain classique et qui n’appartiennent pas aux autres couches sont selon toute probabilité des cognats : l’Urheimat du tibétain au Tibet central est très éloignée de celle des langues rgyalrong et on sait historiquement que ces langues n’ont été en contact qu’à partir de la seconde moitié du 8e siècle, à l’époque de l’empereur Khri-srong-lde-brtsan. Par ailleurs, les innovations d’ordre morphologique sont aussi à prendre en compte, notamment la morphologie verbale. z On sait que si les lois phonétiques évoluent régulièrement, les procédés morphologiques ne sont pas aussi prédictibles. Pour un même étymon, tibétain et rgyalrong ont parfois choisi des préfixes différents. Ces cas peuvent se détecter lorsque les correspondances entre les deux langues sont incohérentes. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Enfin, des données externes peuvent aider à confirmer qu’il s’agit d’un cognat : le fait que la forme soit reconstructible au proto-rgyalronguique, que l’on puisse trouver des cognats dans d’autres langues que le tibétain et le rgyalrong, et éventuellement l’appartenance ou non au vocabulaire de base. 3.2.1.1 Du proto-rgyalrong au japhug Les cognats entre japhug et tibétain doivent avoir subi l’ensemble des innovations du proto-rgyalrong restreint (PGR), tel qu’il sera reconstruit au chapitre 4, au japhug. Toutefois, le fait qu’un mot ait subi ces innovations n’est pas une garantie qu’il soit un cognat : il est possible qu’on trouve des emprunts tibétains en PGR ou qu’un mot ait été emprunté avant certains changements. Les changements suivants seront mis en évidence au chapitre sur la reconstruction du PGR. Etant donné qu’aucun de ces changements n’a été mis en évidence à partir des données du tibétain, il n’y a pas de risque de commettre un raisonnement circulaire en utilisant ces résultats. PGR japhug *-u -ɯ *-o -u *-aŋ -o *-ɔk -ɤɣ *-ɔt -ɤt *-ɔr -ɤr *-am -om 143 *ʑ- ndʑ- *zb- zw- *j- ʑ- Tableau 99 : Quelques changements entre le proto-rgyalrong et le japhug. A ces changements il faut ajouter les correspondances entre tibétain et japhug -iŋ :: -i, -in :: -i, -eng :: -i qui sont dues à des changements plus anciens. On peut en conclure que toute syllabe qui contiendrait l’une des rimes ou des initiales du Tableau 99 et qui présenterait une correspondance identique entre japhug et tibétain devrait être un emprunt. Ainsi tɯ-tsʰot « heure » correspondant au tibétain tshod doit être un emprunt : s’il s’agissait d’un cognat, on attendrait *tɯ-tsʰɤt. Toutefois, le fait de se conformer à ces évolutions phonétiques est une condition nécessaire mais non suffisante tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 pour démontrer qu’un mot particulier est un cognat. En effet, on trouve des mots bisyllabiques qui ont subi certains de ces changements. Or, comme nous l’avons déjà expliqué, il est exclu que des dissyllabes soient hérités du proto-sino-tibétain. Un exemple de tels bisyllabes est tʂa-pʰɤr « bol de moine », emprunté au tibétain grwa-phor : l’emprunt a dû avoir eu lieu avant le changement de *-ɔr à -ɤr propre au japhug. Ces données nous serviront en 3.2.3 pour analyser les strates d’emprunts. Pour chacun de ces changements, si l’on peut trouver un exemple certain d’emprunt, c’est que le changement n’était pas encore achevé au moment où le mot a été emprunté. Si en revanche on ne trouve aucun emprunt parmi les mots présentant l’un de ces changements, il est vraisemblable que ce changement est plus ancien que le contact entre rgyalrong et tibétain. PGR exemple signification tibétain signification d’emprunt *-u → -ɯ ftɕɯ-pa dixième mois bcu-pa dixième *-o → -u tsʰu-pa village tsho-pa id. *-aŋ → -o mtɕʰɤt-kʰo chapelle de la mchod-khang id. maison *-ɔt → -ɤt mɲi-rgɤt yéti mi-rgod id. *-ɔr → -ɤr tʂa-pʰɤr bol de moine grwa-phor id. *-am → -om mbar-kʰom ville ‘bar-khams id. faire un rapport de ‘bar-khams *ʑ- → ndʑ- kɤ-ndʑɯ accuser zhu *zb- → zw- kɤ-zwɤr brûler, tr. sbor sbar sbar id. sbor Tableau 100 : Changements du PGR au japhug qui ont été appliqués chacun à au moins un emprunt. 144 Nous avons présenté des dissyllabes dans le Tableau 100, parce que, comme nous l’avons dit, ces mots ne peuvent pas être cognats, sauf pour le cas du changement *ʑ- → ndʑ- pour lequel on ne trouve qu’un exemple d’emprunt. Bien que la racine de kɤ-ndʑɯ « accuser » soit monosyllabique, sa signification secondaire « accuser » montre qu’il ne peut pas être un cognat de zhu « faire un rapport ». Le sens « accuser » se trouve en tibétain dans l’expression zhu-gtug « accusation ». Pour les autres changements, on ne trouve pas de cas clairs d’emprunts tibétain. Voici la liste des mots en question : correspondances japhug signification tibétain signification rgyalrong tibétain :: japhug tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 -ing :: -i -in :: -i autres cognats tɯ-sni coeur snying id. tə-ɕné 身 *bhniŋ si bois shing id. ɕé 薪 *bsiŋ tɤ-rmi nom ming id. wu-rmê 名 *bmeŋ tɯ-ji champs zhing-ka id. ka-jê 田 *aliŋ kɯ-smi cuit smin cuit, mûr zbu. Birman tɯ-mtshi foie mchin-pa id. “planter” kə-smî, nə-sməʔ tə-pɕé hmáɲɲ Bir. a-sâɲɲ tɯ-χpɣi cuisse byin-pa mollet zbu. -eng :: -i tɯ-mbri corde ‘breng id. tə-bré 繩 *bmleŋ -og :: -ɤɣ kɤ-lɤɣ faire ‘brog-pa nomade ka-lók 陸 *bluk Bir. câ tə χpjiʔ paître z- :: ndz- kɤ-ndza manger za id. ka-zá y- :: ʑ- kɯ-ʑo léger yang-po id. kə-jô qa-ʑo mouton g.yang-dkar id. kə-jó 羊 *blaŋ ɣʑo abeille sbrang zbu. 蠅 *blɨŋ r- :: ʑ- mouche wu-jɐ̂ tɯ-ʑo soi-même rang id. tə-jó Tableau 101 : Correspondances propres aux cognats entre tibétain et japhug. Parmi ces mots, à part kɤ-ndza, il est possible de montrer sans ambiguïté que nous avons affaire à des cognats : si, tɯ-mtshi et tɯ-sni ont des dentales correspondant aux palato-alvéolaires et palatales du tibétain (voir 3.2.1.2), tɤ-rmi et tɯ-χpɣi ont des préinitiales sans équivalents en tibétain (voir 3.2.1.3.3). En ce qui concerne kɤ-ndza, nous n’avons pas d’autres critères phonologiques pour montrer qu’il s’agit d’un cognat, mais le fait qu’il appartienne au vocabulaire de base, qu’il 145 soit reconstructible en proto-rgyalronguique, et qu’on trouve des cognats dans quasiment toutes les langues sino-tibétaines soutiennent cette hypothèse. Enfin, on trouve deux changements attestés uniquement dans des emprunts tibétains : *ŋkʰ → mkʰ-, et *rb- → rw-. Des exemples de ces changements sont présentés dans le Tableau 102 : proto-rgyalrong exemple signification tibétain signification roue d’emprunt *ŋkʰ → mkʰ- mkʰɯrlu machine, roue ‘khor-lo *rb- → rw- kha-rwut fièvre aphteuse *kha rbod Tableau 102 : Changements du PGR au japhug qui n’ont été appliqués qu’à des emprunts au tibétain. Un corollaire du principe que nous venons de formuler est que les cognats entre le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug et le tibétain font partie du vocabulaire rgyalronguique, et de ce fait doivent se conformer à la structure syllabique de ces mots. Ainsi, un mot présentant un groupe de consonnes initial ou un groupe initial non-attesté dans le vocabulaire rgyalronguique (voir la chapitre 4) mais seulement dans les mots expressifs ou les mots apparentés au tibétain doit être un emprunt. Ainsi, les mots ayant des groupes de consonnes tels que βg- ou βzattestés dans aucun mot rgyalronguique doivent être des emprunts. C’est le cas par exemple des verbes kɤ-βgos « préparer » et kɤ-βzu « faire ». Parfois, même lorsque certains groupes de consonnes ou certaines rimes existent dans des mots rgyalronguiques, la présence d’un groupe identique en tibétain et en japhug trahit un emprunt. C’est le cas des groupes à occlusives voisées zb-, βd-, rd-, zgr-, rg-, rɟ- que l’on trouve dans les verbes monosyllabiques de la section 3.1.3.2. Ces groupes existent dans des mots reconstructibles au PGR (voir la section 4.3.3 p.310) mais : z On ne trouve qu’un ou deux exemples de chacun de ces groupes z Pour une partie de ces groupes, on peut prouver qu’ils viennent de groupes très différents en PGR (groupes à latérale ou à fricative) Lorsque ces groupes correspondent aux groupes tibétains dont la prononciation est proche (βd- :: bd-, rd- :: rd-, zgr- :: sgr-, rg- :: dg-, rɟ- :: rgy-), il ne peut s’agir de cognats. 3.2.1.2 Du proto-tibétain au tibétain ancien. Un premier moyen de distinguer les cognats parmi les mots qui répondent aux critères présentés dans la section précédente est d’utiliser les innovations phonologiques du tibétain. Les innovations les plus facilement détectables entre proto-tibétain et tibétain sont les 146 suivantes : 1. Les occlusives aspirées Les occlusives sans préinitiale ou à préinitiale nasale deviennent aspirées. En tibétain ancien, sourdes et aspirées ne sont pas distinctives et fluctuent parfois dans l’orthographe. En tibétain classique, ces deux séries sont quasiment en distribution complémentaire, mais une série de sourdes non aspirées sans préinitiales s’est recomposée à partir d’emprunts, des enclitiques et de mots dialectaux. Même si la distinction entre aspirées et non-aspirées n’était pas phonémique en tibétain ancien, la fluctuation de l’orthographe n’indique pas que les mots se prononçaient parfois avec une aspirée, parfois avec une sourde, mais seulement que les scribes de l’époque éprouvaient de la difficulté à maintenir de façon constante une distinction sous-phonémique dans l’écriture. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Les cas du Tableau 72 où les aspirées du tibétain correspondent à des non-aspirées en japhug sont reproduits dans le tableau ci-dessous, où l’on a rajouté des exemples de cognats dans d’autres langues. Ces mots n’ont pas subi l’aspiration du tibétain ancien, il doit donc s’agir de cognats, ce qui est confirmé par l’existence de formes apparentées de sens identique dans d’autres langues sino-tibétaines. japhug signification tibétain signification autres cognats ta-qaβ aiguille khab id. Bir. ap kɯ-rko, dur, vigoureux khrang-thang dur Achang kʐak55 kɯ-rkaŋ mkhrang-po kɤ-tɯɣ toucher, rencontrer thug-pa id. Bir. tuik « toucher » kɤ-taʁ tisser ‘thag-pa, btags id. 織 tsyik < *btɨk paʁ cochon phag id. Bir. wak tɯ-pu intestin pho-ba estomac Qiang pu tɯ-rpaʁ épaule phrag id. 膊 pak < *apak tɯ-tsi vie tshe id. Pumi tsi55 tɯ-ftsa neveu tsha-bo id. 子 tsiX < *btsɨʔ « fils » qa-par chacal ‘phar id. Naxi phɑ21 kɤ-mto voir mthong-ba id. pumi sto55 kɤ-pɣo filer ‘phang appareil à 紡 phjangX < *pʰaŋʔ filer kɤ-fkur porter un ‘khur khur fardeau porter sur le Proto-kiranti *kur46 dos Tableau 103 : Racines japhug à initiale sourde non-aspirée correspondant à des mots tibétains 46 Reconstruction de Michailovsky 1994. 147 à initiale aspirée. Le mot kɯ-rkaŋ « robuste » semble poser un problème puisque la rime –aŋ du tibétain correspond à –aŋ en japhug et non à –o comme ce devrait être le cas d’après les données de la section 3.2.1.1. Une explication pour cette anomalie sera proposée dans la section 4.2.2.1 p.228. 2. Les latérales. z Le groupe *ly- devient zh-. Une évolution phonétique similaire a eu lieu en japhug (kɯ-rʑi « lourd » :: Bir. leh « lourd », tɤ-rʑaʁ « une nuit » :: 夜 yaeH < *blak-s). Ce changement est toutefois utilisable pour détecter les cognats dans les cas où le rgyalrong a toujours l- ou un dérivé autre que zh- correspondant au tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tibétain zh- : japhug signification tibétain signification autres cognats kɤ-ɣɤ-la mouiller bzha’ humide Tib. rlon brlan « mouiller » kɯ-βde quatre bzhi id. Bir. lê tɤ-lu lait zho yaourt Tang. lhju 1.3 #3065 bzhag-‘og id. Tib. lag « main » tɯ-pjaʁ-pa aisselles Tableau 104 : Mots tibétains à zh- provenant de latérales et leurs cognats en japhug. z Le groupe *lhy- devient lc-. Un seul exemple de cognat en japhug correspondant à un mot tibétain en lc- : lci-ba :: tɯ-ɣli « purin ». z Le groupe *n-ly- devient lj-. On trouve ici mdza-di « puce » qui correspond au tibétain lji-ba. L’existence d’une latérale en PGR pour ce mot est montrée par le zbu mdzɐ́-lɟə. z Le groupe *ml- devient md-. Un seul exemple : mda :: tɯ-mɲa « flèche ». La présence d’une liquide en proto-tibétain est prouvée par le birman mrâ de même sens. z Le groupe *nl- devient ‘d-. Un seul exemple ‘dom-pa :: tɯ-ɟom « longueur de deux bras écartés » (zbu. ki lɟɐ́m). La latérale est prouvée par le birman laṃ de même sens. 3. Les groupes C + y. Les groupes *sy-, *ty- deviennent sh-, c- / ch-. Les cognats des mots à initiales sh-, c/ ch- en tibétain ont des dentales en japhug : japhug signification tibétain signification autres cognats si bois shing id. Bir. sac kɤ-sɯs savoir shes id. Bir. si 148 tɯ-mtshi foie mchin-pa id. Bir. a sâɲɲ kɤ-si mourir ‘chi shi id. Bir. se tsʰi tsuku quoi que ce soit chi quoi Tableau 105 : Mots tibétains à initiales sh- / ch- provenant de sifflantes et leurs cognats en japhug. Dans le Tableau 105, on remarque que le cognat du tibétain chi « quoi » ne subsite en japhug de kɤmɲɯ que dans l’expression tsʰi-tsuku « quoi que ce soit », avec le changement *tʰi > tsʰi propre à cette variété du japhug (voir la section 4.3.2.2 p. 284). Le japhug de gSar-rdzong en revanche a gardé la forme la plus ancienne tʰi « quoi ». Le japhug de kɤmɲɯ a emprunté l’interrogatif tibétain chi comme tɕʰi. On remarque par ailleurs qu’en tibétain, à part la particule de focus ni, les expressions na-ning « l’année dernière » et gzhes-ning « il y a deux ans » et les emprunts tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 au sanscrit, on ne trouve pas de groupe ni, seulement nyi. Ce trou dans la distribution suggère fortement que les anciens *ni sont devenus /nyi/ de façon régulière. Il n’est pas surprenant de ce point de vue qu’une particule grammaticale telle que ni n’ait pas subi ce changement. japhug signification tibétain signification autres cognats tɯ-sni coeur snying id. Metog : thiŋ-lom tɯ-rni gencive rnyil id. Nosu ni 34 l33 ʁnɯs deux gnyis id. 二 *bnis > nyijH Tableau 106 : Mots tibétains ayant la séquence -nyi- et les mots apparentés en japhug. Le dictionnaire de bTsan-lha Nga-dbang Tshul-khrims (1997) cite une forme rnil-nad « maladie des gencives (so-rnyil gyi nad) ». Même si cette forme ne se retrouve pas à ma connaissance dans le corpus de Dunhuang, elle suggère que le changement de *ni à nyi ne s’est pas opéré de façon uniforme sur les dialectes tibétains, et que certains mots de dialectes n’ayant pas subi ce changement se retrouvent dans certains textes. Il subsiste un doute sur l’interprétation de tɯ-rni « gencive » comme un cognat ou un emprunt. Le seul moyen de prouver qu’il s’agit bien d’un cognat serait de trouver des cognats de ce mot dans d’autres langues rgyalronguiques et de trouver plusieurs cognats qui auraient effectué eux aussi le changement de –il à –i. Pour les autres mots, les formes *sning et *gnis ne sont pas attestées même dans les textes tibétains les plus anciens, et étant donné qu’ils appartiennent au vocabulaire de base, il est peu probable qu’il puisse s’agir d’emprunts. 4. Autres z Le groupe *sr- devient sh-. On remarque deux cas où le tibétain sh- correspond à zr- en japhug : shig « pou » :: zrɯɣ « id. » et ‘chags bshags « se repentir » :: kɤ-nɤ-zraʁ « avoir honte » (Bir. a-rhak « honte »). 149 z Le groupe *sl- devient zl-. On observe un cas de cognat où le tibétain zlcorrespond à sl- en japhug : zla « lune » :: tɯ-sla « id. » (Bir. lá « id. »). z Les fricatives précédées de nasales deviennent affriquées. Ce critère n’est pas entièrement applicable en japhug car des changements similaires se sont produits du proto-rgyalrong au japhug, mais on note les exemples suivants : mchor-po « beau » :: kɯ-mpɕɤr, somang kə-mpɕôr, zbu kə-mpɕʊr, nə-mpɕôr, où l’initiale de la proto-forme *m-ɕ- est devenue mpɕ- en japhug et mch- en tibétain, et le mot japhug kɤ-sɯsu « vivre » par rapport au verbe tibétain ‘tsho-ba, ‘tshos « vivre » (proto-tibétain *ns > ‘tsh-). z La suite de phonèmes *wa en proto-tibétain devient /go/ (Gong [1990] 2002b : 38 pour les correspondances avec le chinois). Le verbe kɤ-ŋga « s’habiller » a conservé le vocalisme ancien (Birman wat), et ne peut donc être un emprunt de tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 bgo-pa, bgos « s’habiller ». C’est le cas du nom tɯ-ɕɣa « dent » (PGR *swa) par rapport au tibétain so « dent » (Birman swâ). En revanche, tɯ-krɤs « discussion » doit être un emprunt et non un cognat de gros « discussion, parole » car gros est le dérivé par suffixe –s nominalisant d’une racine « parler » attestée aussi dans le verbe tibétain bgro « parler ». Cette racine GRO remonte à *gwra ou à *wra en proto-tibétain (le cognat chinois 話 *agwrat-s ou *awrat-s > hwaejH) : le vocalisme /o/ est secondaire. 3.2.1.3 Correspondances incohérentes. Nous avons vu que les préinitiales sont parfois différentes entre le tibétain et le japhug. On trouve même des cas où une préinitiale en japhug ne trouve pas d’équivalent dans le mot tibétain apparenté. Plusieurs raisons sont à l’origine de ces irrégularités. 3.2.1.3.1 Emprunts Lorsque l’on trouve des irrégularités dans les préinitiales, on peut avoir affaire à des emprunts. C’est notamment le cas des bisyllabes, selon le principe expliqué plus haut. Les cas de ce type sont regroupés dans le tableau ci-dessous : japhug signification tibétain signification ka-naʁ bovidé de couleur noire dont le ventre dkar-nag noir et blanc et les pattes sont blancs bɤl-qʰoʁ tortue sbal-skogs carapace de tortue ndʐɯn-bu hôte mgron-po id. ʁzɤ-mi mari et femme bza’-mi id. 150 ʑɯɣ-sa siège bzhugs-sa id. ʁgɤ-sloŋ bhiksu dge-slong id. rca-χtoŋ insulte *skyag-gtong id. ʁdɤrʑi vajra rdo-rje id. χtɤmbrɤl célébration rten-’brel présage, célébration tɕa-zga gingembre *skya-sga id. mbɯm-χtɤr dix mille ‘bum-ther id. pʰaʁ-rzi poil de cochon phag-ze id. mkʰrɯm-kʰaŋ prison khrims-khang id. Tableau 107 : Dissyllabes dont les correspondances des préinitiales sont irrégulières. On observe dans ce tableau plusieurs types d’incohérences : des correspondances tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 irrégulières (tibétain r- correspondant à χ- / ʁ-, m- correspondant à une prénasalisation), présence de préinitiales en japhug alors qu’il n’y en a pas en tibétain (comme dans pʰaʁ-rzi) ou au contraire absence de préinitiale en japhug (bɤlqʰoʁ « tortue »). Une partie de ces mots présentent des innovations typiques des dialectes Amdo, et ils seront traités en 3.2.2. On remarque que dans presque tous les cas du Tableau 107, on ne rencontre pas d’incohérences dans les correspondances telles que la forme japhug ne puisse être directement dérivée de la forme tibétaine. Les seuls cas qui posent réellement problème sont les deux exemples où une préinitiale en japhug ne correspond à aucune préinitiale en tibétain. Le mot japhug mbɯm-χtɤr « 100000 » est doublement irrégulier : le /t/ n’est pas aspiré et une préinitiale χ- non-étymologique a été ajoutée. Une explication possible est qu’il s’agit d’une corruption : la seconde syllabe a subi une analogie avec le mot courant kɤ-χtɤr « disperser » (lui aussi un emprunt du tibétain). Cette hypothèse n’est pas à exclure étant donné que le mot mbɯm-χtɤr est excessivement rare en japhug contemporain. D’autres exemples de corruption peuvent être mis en évidence dans les mots d’origine tibétaine rares et mal compris des histoires traditionnelles (en particulier les noms propres). Le mot pʰaʁ-rzi « poil de crinière de cochon utilisé pour se curer les dents » est différent. Ce mot vient du tibétain phag-ze, qui s’analyse en phag « cochon » et ze « crinière, sommet » (comme dans ri’i ze « sommet d’une montagne »). Le sens de « crinière » est dérivé de celui de « sommet ». Or ce mot ze « sommet » forme probablement une famille de mot avec rtse « sommet » (de *r-se). La présence ici d’une préinitiale r- en japhug est peut-être la trace d’un dialecte archaïque où ze aurait une préinitiale r-. La forme supposée dans ce dialecte serait *phag-rdze : dans ce cas, le japhug atteste d’un dialecte qui a eu une évolution différente de celui qui se trouve à la base du tibétain classique. 151 Parmi les monosyllabes, on trouve quelques exemples d’emprunts dont les correspondances des préinitiales sont irrégulières. japhug signification tibétain signification sɲɤt harnais rmed id. ŋgɯr récit chanté mgur id. po boisseau ‘bo id. tɯ-xɕɤt force shed id. χɕɤl verre shel id. kɯ-mbus déborder sbos id. ftaʁ marque rtags id. Tableau 108 : Monosyllabes empruntés dont les correspondances des préinitiales sont irrégulières. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Parmi les mots du Tableau 108, nous montrerons en 3.2.2 que sɲɤt, tɯ-xɕɤt et χɕɤl sont des emprunts à un dialecte de l’Amdo. Le fait que le mot po « boisseau » ait un vocalisme –o trahit qu’il s’agit d’un emprunt très récent, après le changement de *–o à –u en japhug. Quant à ŋgɯr, il s’agit d’un mot dont la préinitiale m- devient prénasalisation. Il appartient à la même couche d’emprunt que le mot ndʐɯnbu « hôte » du Tableau 107. Le cas de kɯ-mbus sera abordé en 3.2.3.7. ftaʁ doit être un emprunt à un dialecte tibétain dont la forme était *brtags. Le sens de « marque » est secondaire en tibétain. Il vient du verbe rtog brtags « étudier, investiguer », et signifie à l’origine « pronostic, présage » d’où « caractéristique propre, symbole, marque ». Il a également le sens « d’argument » dans le vocabulaire philosophique. La forme standard rtags est dérivée par le –s nominalisateur (Jacques 2003), mais la forme que le japhug semble avoir empruntée est identique au passé du verbe d’où est dérivé ce nom. Seule une étude philologique permettra de déterminer si cette forme est attestée dans des textes dans l’acception qu’elle a en japhug. Dans les autres cas de correspondances irrégulières, on peut montrer que l’on a affaire à des cognats. On constate dans ces cas ou bien la présence d’une préinitiale en japhug ou en tibétain sans équivalent dans l’autre langue, ou bien des préinitiales complètement différentes dans les deux langues. 152 3.2.1.3.2 Présence d’une préinitiale en tibétain sans équivalent en japhug. japhug sens tibétain sens autres dialectes autres rgyalrong cognats 47 kɯ-sɤr nouveau, frais gsar-pa id. kə-tsʰár 鮮 *bser > sjen kɤ-taʁ tisser ‘thag-pa, id. kɐ-ták 織 *btɨk > tsyik zbu. ʁɐ-pér Naxi phɑ21 btags qa-par chacal ‘phar-ba id. qa-me grain de beauté sme-ba id. tɤ-tɕɤs trace rjes id. tɐ-tɕôs Pumi tɕo13 kɤ-ɣɤ-la humide bzha’ id. zbu. kə-ltəʔ Tang. lhji 2.10 Bir. hmáy tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 #1036 tɯ-ku tête mgo id. tə-kó Pumi qho55 qa-ljaʁ Aquila chysaetos glag id. zbu. ʁɐ liɐ̂χ 弋 *blɨk > yik ndʑi-rɯ lente sro-ma id. mdʑi-rúʔ XFF Tang. śjụ 1.59 #3176 tɯ-ro poitrine brang id. tə-ró Bir. raŋ kɯ-tɕur acide skyur-mo id. kə-tɕôr Pumi tʃu55 kɤ-mbus déborder sbos id. kə-mbôs ɯ-pɤl partie de la louche sbar-mo paume Tang. pjạ 1.64 qui sert à contenir #5370 le liquide ndʑi-rɯ lente sro-ma id. mdʑi-rúʔ XFF Tang. śjụ 1.59 #3176 kɤ-kɯ-nɤ- lèpre mdze-nad id. ta-zá lever ‘gyog-pa id. ka-jók id. kə-jó ndza kɤ-joʁ bkyags qa-ʑo mouton g.yang dkar 羊*blaΚ > yang Tableau 109 : Cognats dont la préinitiale du tibétain n’a pas d’équivalent en japhug. L’absence d’une préinitiale n’est pas en soi la preuve qu’un monosyllabe est un cognat ; il pourrait s’agir d’un emprunt à un dialecte qui aurait perdu les préinitiales en question. Toutefois, dans les dix mots du Tableau 109, on remarque les particularités suivantes : 1. Quatre d’entre eux sont préfixés du préfixe nominal non-productif qa- 2. Trois d’entre eux (kɤ-taʁ, qa-par et kɤ-ɣɤ-la) présentent des correspondances d’initiales 47 Nous indiquons ici le dialecte de somang par défaut. Lorsqu’un cognat ne peut se trouver dans ce dialecte, nous citons le dialecte de zbu. 153 prouvant qu’il s’agit de cognats (voir la section 3.2.1.2). 3. Un d’entre eux (qa-ljaʁ) a un phonème sans équivalent en tibétain (la médiane -j-). 4. Tous ces mots sont reconstructibles en proto-rgyalrong (sauf qa-me et ɯ-pɤl) et ont des cognats dans d’autres langues sino-tibétaines (sauf kɤ-mbus et kɤ-kɯ-nɤ-ndza). z Mots à préfixe qa- Parmi les 38 mots ayant ce préfixe dans nos données, seuls les quatre indiqués dans le Tableau 109, plus le mot qa-ɕpa « grenouille » (voir 3.2.1.3.4) sont apparentés au tibétain. Parmi ceux-ci, il est évident que qa-par « chacal » (correspondance d’aspirée en tibétain à non-aspirée en japhug, voir Tableau 103), qa-ʑo « mouton » (le changement de *j- à ʑ- propre au japhug n’a affecté que les cognats, voir Tableau 101) et qa-ljaʁ doivent être des cognats. Je suggère donc que le préfixe nominal qa- a perdu sa productivité avant que le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 rgyalrong n’entre en contact avec le tibétain. Tout mot ayant ce préfixe doit donc être cognat. z tɯ-ro :: brang « poitrine » et ndʑi-rɯ :: sro-ma « lente » Dans ces deux mots, l’initiale disparaît devant le -r-. Les initiales br- er r- d’une part, et sr- et r- d’autre part, ne se confondent dans aucun dialecte moderne du tibétain à notre connaissance. br- se confond en général avec dr- et gr- en tʂ- dans les dialectes, sr- se confond avec kr-, ou devient un phonème distinct /ʂ/, ou devient même /hts/ en Zho-ngu (Sun 2003b). L’absence en japhug de trace de l’initiale prouve donc qu’il s’agit de cognats. z tɯ-ku :: mgo « tête » Le mot tɯ-ku « tête » correspondant au tibétain mgo, est le seul exemple d’un gprécédé d’une préinitiale nasale en tibétain correspondant à un k- en japhug. On trouve un seul autre cas de voisée précédée de nasale en tibétain correspondant à une sourde en tibétain, le mot po « boisseau » correspondant à ‘bo. Toutefois, ces deux mots ne peuvent appartenir à la même couche, puisque dans un cas le –o du tibétain correspond à –o, tandis que dans l’autre il correspond à –u. La correspondance de la rime du mot po « boisseau » indique qu’il s’agit d’un emprunt tardif isolé. Le dialecte tibétain auquel il a été emprunté avait subi un changement des prénasalisées en sourdes simples (c’est le cas de beaucoup de dialectes tibétains, tels que celui de Lhasa). Pour le mot tɯ-ku, une autre explication s’impose : ce mot est un cognat et non un emprunt. Le préfixe m- du partie du corps en tibétain est une innovation morphologique, et ce préfixe ne se trouve pas en japhug. Si l’on compare une forme proto-tibétaine non préfixée *go au japhug tɯ-ku, on observe que la correspondance g- :: k- est parfaitement régulière (voir Tableau 73). z kɤ-kɯ-nɤ-ndza :: mdze « lèpre » Pour le mot kɤ-kɯ-nɤ-ndza « lèpre », c’est la différence de vocalisme entre le japhug 154 –a et le tibétain –e (mdze) qui montre que l’on a affaire à un cognat : ce vocalisme en tibétain est certainement dû à un Umlaut, car ce mot tibétain est apparenté au verbe za « manger » (« la maladie qui ronge » > lèpre). Le préfixe m- en tibétain est probablement ici le préfixe de parties du corps. z ɯ-pɤl « partie de la louche qui sert à contenir le liquide » :: sbar-mo « paume » Le mot ɯ-pɤl « partie de la louche qui sert à contenir le liquide » se retrouve dans les mots composés tɯ-me-pɤl « plante des pieds » et tɯ-rna-pɤl « lobe de l’oreille ». Cette syllabe peut se comparer au tibétain sbar-mo « paume de la main ». S’il s’agissait d’un emprunt, on attendrait *zwɤr et non /pɤl/. La correspondance de /l/ en japhug pour le /r/ final du tibétain est la seule dans toute la langue. La différence de sens importante entre les deux langues exclut qu’il puisse s’agir d’un emprunt ; toutefois, il n’est pas à exclure qu’il s’agisse d’une coïncidence : on ne peut pas reconstruire de finale –l en PGR. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 z kɤ-joʁ :: ‘gyog-pa bkyags « lever » Il est certain que ce mot n’est pas un emprunt, car la correspondance j- :: ‘gy- ne se trouve nulle part ailleurs dans la langue et il n’existe pas dans la région de dialecte tibétain ayant subi un changement gy- ou ky- > j-. Toutefois, la ressemblance entre ces mots pourrait être due à une coïncidence, car la voyelle de la racine en tibétain est /a/ comme le montre la forme du passé et non /o/. z Cas ambigus Les seuls mots du Tableau 109 n’ayant pas de particularités phonologiques ou morphologiques prouvant qu’il s’agit bien de cognats sont kɤ-mbus, kɯ-tɕur et kɯ-sɤr. Le cas de kɯ-mbus sera examiné en 3.2.3.7. Pour les deux autres, le fait que l’on trouve des mots apparentés aussi bien dans les langues rgyalronguiques modernes que dans d’autres langues sino-tibétaines et qu’il appartient au vocabulaire de base, fait qu’il est très probable qu’il s’agisse de cognats. 3.2.1.3.3 Présence d’une préinitiale en japhug sans équivalent en tibétain. japhug signification tibétain signification rgyalrong tɯ-χpɣi cuisse byin-pa mollet zbu. tə χpjiʔ tɯ-ftsa neveu tsha-bo id. tə tsá autres cognats 子 *btsɨʔ > tsiX « fils » ʑmbrɯ bâteau gru id. ʑgrú tɤ-rmi nom ming id. tɐ-rmé 名 *bmeŋ > mjieng tɯ-rʑaʁ temps zhag durée de 24 h. tə-rják 夜 *blak-s > yaeH kɤ-rɲo faire myong l’expérience de myangs « une nuit » id. « nuit » ka-rɲô 155 fso demain sang nyin só-sɲi id. Tang. sjij 1.36 #5500 « l’année prochaine » tɯ-rŋa visage ngo id. kɤ-fkur porter un ‘khur khur porter fardeau sur le ki fkôr Proto-kiranti *kur dos Tableau 110 : Mots dont la préinitiale en japhug n’a pas d’équivalent en tibétain. La présence en japhug d’une préinitiale sans équivalent en tibétain est une preuve que l’on a affaire à un cognat, à moins qu’on ne puisse expliquer l’apparition de la préinitiale en question par une règle phonétique régulière ou qu’on découvre un dialecte tibétain moderne qui aurait conservé une préinitiale non attestée en tibétain classique. Tous les mots du tableau ci-dessus sont reconstructibles au proto-rgyalrong, et tous tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sauf ʑmbrɯ, kɤ-rɲo et tɯ-rŋa ont des cognats en dehors des langues rgyalronguiques et du tibétain. La correspondance japhug -a :: tibétain –o dans tɯ-rŋa :: ngo « visage » suggère de reconstruire un *ŋwa en proto-tibétain. 3.2.1.3.4 Préinitiales différentes entre tibétain et japhug japhug signification tibétain signification rgyalrong autres cognats tɯ-mke cou ske id. tə-mkî tɯ-ɣmas blessure rma id. tə-nmâs Tang. mjaa 1.23 #5702 tɯ-jmŋo rêve rmang-lam id. ta-rmô 夢 *bmuŋs > mjuwngH kɤ-ntɕʰa tuer un animal bsha’ id. ka-ntɕhâ Tang. śjii 1.14 #716 tɯ-rla âme bla id. kɯ-rko dur mkhrang-po id. Bir. lip-pja kə-rkô 硬 *aŋraŋs > ngaengH Bir. sâɲɲ-kre tɯ-ɕkrɯt bile mkhris id. tə-mdʑi-krí ftɕar été dbyar id. pə-tsár kɯ-mŋu cinq lnga id. kə-mŋô 五 *aŋaʔ > nguX kɯ-ngɯt neuf dgu id. kə-ŋgû 九 *bkuʔ > kjuwX ɣurʑa cent brgya id. pə-rjâ 百 *aprak > paek kɯ-rtsɤɣ panthère gzig id. kə-ɕtɕík Tang. zewr 1.8 #5480 ; 5768 ta-ʁjɯβ ombre grib-ma id. ta-wjə́s Bir. a-rip 156 kɯ-jpum épais sbom-po id. kə-jpâm kɯ-ɴqa dur dka’-pa id. zbu. kə-ɴɢʌʔ, kɤ-zdɤβ plier48 ɴɢɐ̂ lteb-ba 疊褶 *alip > dep id. bltabs ɣʑo abeille sbrang mouche zbu. wu-jɐ̂ 蠅 *blɨŋ > ying Tableau 111 : Cognats dont la préinitiale en tibétain et en japhug présente une correspondance exceptionnelle. Dans le Tableau 111, on rencontre un grand nombre de correspondances très inhabituelles : m- :: s-, m- :: ɕ-, m- :: l-, N- :: b-, n- :: d-, r- :: b-, r- :: g-, r- :: m-, f- :: d-, d- :: N-, z- :: l-, ɣ- :: sb-. Ces correspondances incohérentes ne peuvent pas être le résultat d’évolutions phonologiques directes. Dans ces cas, il est nécessaire d’admettre que ces tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 mots ont été préfixés par des préfixes différents de manière indépendante au cours de l’histoire du proto-tibétain et du proto-rgyalrong. Parfois un même phonème subit une métathèse : c’est le cas du r- dans kɯ-rko « dur », parfois l’initiale du tibétain correspond à une préinitiale en japhug comme dans dbyar :: ftɕar « été ». Enfin, il arrive dans plusieurs cas que non seulement la correspondance de la préinitiale est irrégulière, mais aussi celle de l’initiale : tɕʰ- :: sh- dans kɤ-ntɕʰa :: bsha’ « tuer un animal ». On trouve aussi dans ce tableau deux correspondances inhabituelles mais potentiellement explicables comme le résultat de changements phonétiques particuliers : ɣ- :: r- (dans tɯ-ɣmas :: rma « blessure »), j- :: r- (dans ta-ʁjɯβ :: grib-ma « ombre »). z Préinitiale ɕ- correspondant à s- en tibétain Le cas de la correspondance tibétain s- :: rgyalrong ɕ- doit être traité à part. En effet, le tibétain ne distingue qu’une préinitiale fricative, et il n’est pas à exclure que le s- du tibétain ait pu être emprunté comme ɕ- dans certaines couches. japhug signification tibétain signification rgyalrong autres cognats qa-ɕpa grenouille sbal id. kha-ɕpâ Bir. phâ tɯ-ɕna nez sna id. tə-ɕná Bir. hna-khôŋ tɯ-ɕtɯ sexe féminin stu id. tə-ɕtú Muya tə24 tɯ-ɕnaβ morve snabs id. tə-ɕnám Bir. hnap chu-ɕrɤm peau de loutre chu-sram loutre tɕhə-srám Bir. phjâṃ 48 « loutre » La forme japhug ressemble au tibétain sdeb bsdebs « mettre ensemble, accorder », mais la sémantique est douteuse. Il est préférable de considérer ce mot comme un cognat de lteb bltabs « plier ». 157 ɕku oignon sgog-pa ail ɕkó Tang. kjụ 1.59 #2278 Tableau 112 : Mots suivant la correspondance des préinitiales ɕ- :: s-. Parmi les mots du Tableau 112, chu-srɤm, étant donné qu’il est bisyllabique, doit être un emprunt, même si la syllabe sram vient d’un étymon répandu dans les langues tibéto-birmanes. L’évolution sémantique de « loutre » à « peau de loutre » est aussi révélatrice à cette égard. Les rgyalrongois de notre époque ne connaissent pas la loutre, il ne le connaissent que par sa fourrure qu’ils achètent à des Tibétains venant de régions où cet animal est répandu. Cet exemple montre que la correspondance des préinitiales ɕ- :: s- se trouve dans certains emprunts. Le mot qa-ɕpa « grenouille » a le préfixe qa-, dont nous avons vu qu’il n’était propre tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 aux cognats : si ce mot était un emprunt, ce serait le seul des mots à préfixe qa-. Les mots tɯ-ɕna, tɯ-ɕtɯ et tɯ-ɕnaβ sont des parties du corps, qui appartiennent au vocabulaire de base et sont reconstructibles en proto-rgyalronguique. Il semble improbable que ces mots soient des emprunts. Le mot « oignon » ɕku ressemble au tibétain sgog-pa « ail ». Ce mot possède toutes les caractéristiques d’un cognat, car la voisée du tibétain avec préinitiale correspond à une sourde (on aurait attendu *zgoʁ s’il s’agissait d’un emprunt), mais il pourrait également s’agir d’un hasard, car l’absence de finale en rgyalrong et dans les autres langues qianguiques est inexplicable. La correspondance sr- :: ɕr- peut s’expliquer si l’on prend en compte la reconstruction du PGR. Comme nous le montrerons dans la section 4.3.4 p.319, le PGR *sr- devient zren japhug. Après ce changement, il n’y avait plus de sr- dans la langue. Or, comme nous le montrerons, la préinitiale *s- devient ɕ- devant w- (*sw- → ɕɣ-). Si l’on suppose l’existence d’un changement *sr- → ɕr- à la même époque qui aurait affecté les emprunts tibétains, on peut expliquer pourquoi certains emprunts auraient la correspondance sr- :: ɕr- tandis que d’autres auraient sr- :: sr- (bsrung :: kɤ-fsroŋ « protéger ») : les premiers auraient été empruntés avant ce changement, les seconds après. Si cette hypothèse est acceptable, le critère de la préinitiale s- du tibétain correspondant à la préinitiale ɕ- nous permet de distinguer les cognats, sauf pour le groupe ɕr- qui n’est de toute façon attesté que par un exemple. 3.2.1.3.5 Autres correspondances anormales entre tibétain et japhug Les irrégularités avec d’autres parties de la syllabe que les seules préinitiales permettent aussi de distinguer cognats et emprunts. On trouve quelques mots dont on peut être sûr qu’il s’agit d’emprunts : 158 japhug signification tibétain signification autres dialectes rgyalrong qʰlɯ naga klu id. bɤl-qʰoʁ tortue sbal-skogs carapace de tortue kɤ-nɯ-ʑɤm-ŋɤn envier zhe-ngan haine ʁjaŋ-tʂoŋ swastika g.yung-drung id. mda-ʁʑɯɣ arc et flèches mda’-gzhu id. zwɐlkôk Tableau 113 : Emprunts dont initiales, médianes ou rimes en tibétain et en japhug présentent des correspondances exceptionnelles. Les mots qʰlɯ « naga » et bɤl-qʰoʁ « tortue » ont comme point commun d’avoir une occlusive uvulaire aspirée correspondant à la vélaire non aspirée du tibétain. Dans les deux cas, il est certain que ce sont des emprunts : bɤl-qʰoʁ est bisyllabique, et qʰlɯ ne tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 s’emploie que dans des histoires inspirées du folklore bouddhiste tibétain. Les correspondances régulières seraient *ʁlɯ et *zwɤl-skoʁ. Or on peut remarquer qu’il n’existe pas de groupe *kl- en japhug, mais seulement des groupes ql- et qʰl- avec uvulaire. Le mot qʰlɯ a donc été emprunté à un dialecte tibétain dont l’initiale k- n’était pas spirantisée comme c’est le cas dans les dialectes de l’Amdo, et le seul groupe par lequel il était possible de reproduire ce kl- était un groupe à [uvulaire + latérale]. Le cas de bɤlqʰoʁ est plus compliqué. Ce mot ne fait pas partie du vocabulaire habituel du japhug (mon informatrice Tshe-’dzin a dû demander à des membres plus âgés de sa famille pour le connaître) et il a pu subir l’influence d’autres langues rgyalronguiques avant de parvenir en japhug. Nous ne chercherons pas pour le moment à expliquer cette irrégularité. z g.yung-drung :: ʁjaŋtʂoŋ « swastika » On attendrait *ʁjoŋ-tʂoŋ au lieu de la forme attestée ʁjaŋ-tʂoŋ. L’irrégularité est ici probablement due à une étymologie populaire assimilant la syllabe g.yung au mot plus commun g.yang « bon présage » en japhug ʁjaŋ. z zhe-ngan :: kɤ-nɯ-ʑɤmŋɤn « envier », Ce verbe dénominal basé sur un mot *ʑɤmŋɤn « envie » non attesté, doit être un emprunt de zhe-ngan « haine ». On attendrait *ʑiŋɤn en japhug selon les règles phonologiques régulières (voir p.90 et p.100). Cette irrégularité n’est pas explicable. z mda-gzhu :: mdaʁʑɯɣ « arcs et flèches » Ce mot est extrêmement rare et ne s’emploie que dans des histoires. La finale -ɣ irrégulière est probablement due à l’analogie avec un autre mot, mais nous n’avons pas pu trouver lequel. 159 japhug signification tibétain signifi- autres cation dialectes autres cognats rgyalrong ɕɤɣ genévrier shug-pa id. zbu. xɕôx Tang. źjiw 1.46 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 #4118 ɕu qui su id. sə̂ Bir. bhɛ-su -lɛ̂ kɤ-mbi donner sbyin-pa, byin id. kɐ-wə̂ 畀 *bpi-s > pjijH kɤ-pa fermer byed byas faire ka-pá « faire » Tang. .wji 1.10 #5113 kɤ-rkʰe graver rko brkos id. kɤ-ʑaʁ couler ‘dzag zag id. kə-dʑák kʰu tigre gung id. kʰûŋ Qiang χu49 kɯ-rcat huit brgyad id. wu-rját 八 *bpret > peat kɯ-rʑi lourd ljid-po, lci-mo id. kə-lî Bir. lê kɯ-so vide stong-pa id. kə-só kɯ-tʂɤɣ six drug id. kə-tʂók ɯ-di odeur dri id. wu-rí ndzom pont zam id. ta-dzám Bir taṃ tâ qro fourmi grog-ma id. khorók Bir. prwak sos matin sang nyin demain 六 *bCə-ruk > ljuwk Tang. sjij 1.36 #5500 « l’année prochaine » tɤ-ndɤɣ poison dug id. tə-dók 毒 *aluk > dowk tɯ-jaʁ main lag id. tə-ják 胳 *ak-lak > kak tɯ-mtɯ nœud mdud-pa id. ta-mtú tɯ-skʰrɯ corps sku id. ta-skhrú Bir. kuiy tɯ-ʑo soi-même rang id. tə-jó Tang. .jij 1.36 #1245 Tableau 114 : Mots dont les initiales, les médianes ou les rimes en tibétain et en japhug présentent des correspondances exceptionnelles. Les mots du tableau ci-dessus sont irréguliers dans leurs correspondances soit par l’initiale, soit la médiane, soit par leur rime. Presque chacun de ces mots est un cas particulier. z 49 kɯ-so :: stong-ba « vide », kɤ-rkʰe :: rko-ba « graver », kɤ-ʑaʁ :: ‘dzag zag Ce mot Qiang pourrait aussi être un emprunt du chinois 虎 xuX, mais en sichuanais l’initiale 晓 x- du chinois médiéval est passée à f- dans ce mot. Si c’est bien un emprunt chinois, il doit être plus ancien. Seule une étude des dialectes Qiang pourra permettre de juger s’il s’agit d’un emprunt chinois ou d’un cognat avec le rgyalrong et le tibétain. 160 « couler » Dans cette liste, on trouve tout d’abord des mots dont la ressemblance avec le tibétain peut être due au hasard. C’est le cas de kɯ-so « vide », kɤ-rkʰe « graver » et de kɤ-ʑaʁ « couler ». Ces trois mots présentent des correspondances exceptionnelles (japhug s- :: tibétain st-, rkʰ- :: rk-, z- :: ʑ-) sans équivalents ailleurs. Le verbe kɤ-rkʰe « graver » pourrait être un mélange entre le verbe tibétain rko « creuser » et le chinois chinois 刻 kè « graver », prononcé [kʰɛ] en sichuanais. z ɕu :: su « qui » Pour et ɕu « qui », il est difficile d’expliquer la correspondance de palato-alvéolaires en japhug à dentales en tibétain autrement que par cognat. S’il s’agissait d’emprunt, on attendrait la forme *sɯ. Il est notable que le somang et le zbu ont des formes pour « qui » ressemblant fortement à des emprunts d’un dialecte de l’Amdo, respectivement sə́ et səʔ. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 z kɯ-rcat :: brgyad « huit », tɯ-mtɯ :: mdud « nœud » kɯ-rcat « huit » et tɯ-mtɯ « nœud » sont deux mots à préinitiales sonantes. Selon les correspondances habituelles, on attendrait en japhug *rɟ- ou *βrɟ- pour le premier et *md- pour le second : les initiales devraient être voisées. Par ailleurs, la finale de tɯ-mtɯ elle aussi est irrégulière. Le mot « nœud » est reconstructible en proto-rgyalrong, et bien qu’on ne puisse lui trouver de cognat dans d’autres langues tibéto-birmanes, doit être un cognat, sans quoi il est difficile d’expliquer à la fois son initiale et sa finale irrégulière. Le mot « huit » kɯ-rcat est difficile à reconstruire. Dans certains dialectes, comme en zbu və-rɟêt, il ressemble tellement au tibétain qu’on pourrait supposer qu’il s’agit d’un emprunt. En somang, on a la forme wu-rját, dont l’initiale devrait donner rʑ- en japhug (ex : somang wu-rják :: japhug tɯ-ɣu-rʑaʁ « blé d’hiver »). On doit toutefois noter qu’une des innovations communes du zbu et du japhug, l’ajout du –t au numéral « neuf », par analogie avec le numéral « huit » (japhug kɯ-rcat, kɯ-ngɯt :: zbu və-rɟêt, kə-ngít « huit, neuf ») montre que l’ancêtre commun à ces deux langues a hérité du même numéral « huit »50. Le fait que « neuf » n’est pas un emprunt du tibétain prouve en tous les cas que « huit » n’en est pas un non plus. z Rime -ɤɣ :: -ug Les mots ɕɤɣ « genévrier » , tɯ-ndɤɣ « poison » et kɯ-tʂɤɣ « six » ressemblent aux mots tibétains shug-pa, dug et drug. tɤ-ndɤɣ « poison » doit être un cognat au vu de l’irrégularité de son initiale, et du fait qu’il existe une forme synonyme tɯɣ « poison » empruntée. La première syllabe du mot tibétain shug-pa devrait correspondre à une forme *ɕɯɣ en japhug. Or, la rime -ɤɣ correspond régulièrement à –ok en somang et à –ox en 50 Un autre langue sino-tibétaine dans laquelle on trouve un –t dans le numéral « neuf » est le lepcha (Mainwaring 1898) : huit kă-kŭ, neuf kă-kyót , dix kă-tí, mais il ne semble pas que ce –t soit du à l’analogie avec « huit » dans cette langue, puisque le numéral « huit » n’y est pas terminé par –t. 161 zbu : ces trois mots sont donc reconstructibles en proto-rgyalrong (seule la préinitiale xde la forme xɕôx du zbu est inexplicable). La rime *-ɔk du PGR correspondant à –ug en tibétain est donc une particularité des cognats. z kɤ-pa « fermer » :: byed byas « faire » kɤ-pa « fermer » avait comme sens originel « faire » dans la proto-langue, sens toujours attesté en somang et dans certains composés du japhug tels que kɤ-pɤ-mbat « facile à faire ». Le tibétain byed byas bya byos « faire » a comme racine *bya : la médiane du tibétain n’a pas d’équivalent en rgyalrong. Cette anomalie montre que ce mot ne peut être un emprunt. z kɯ-rʑi :: lci-mo « lourd » Le mot kɯ-rʑi « lourd » ne peut pas être emprunté au tibétain ljid-po (on attendrait *kɯ-rʑit) ni au tibétain lci-mo (on attendrait *kɯ-rtɕi). La préinitiale r- n’apparaît pas en tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 somang kə-lî mais se retrouve en zbu kə-rɟəʔ. z kʰu :: gung « tigre » On trouve en tibétain ancien un mot apparenté au rgyalrong « tigre », que l’on retrouve dans le passage suivant (PT1278, 221), où il semble que gung a le même sens que stag, le mot pour « tigre » en tibétain classique : stag bkum nï zu tses bkum // gung bkros ni pyag [phyag] du pul [phul] // Celui qui a tué le tigre, c’est (moi) Zu-tse. (Je lui) ai donné la peau du tigre. La correspondance d’aspirée en japhug à sonore en tibétain est exceptionnelle, mais surtout la rime –ung :: -u est anormale : on aurait attendu *koŋ. Toutefois, Ngag-dbang (1997 : 79-80) cite une glose « gung ni ri-mo med-pa’i stag ste gcan-gzan gyi rigs shig » : « Le gung est un tigre sans rayure, une espèce de fauve ». L’identification au tigre à proprement parler est donc sujet à caution. z ndzom :: zam « pont » Le mot ndzom « pont » ne suit pas la même correspondance que kɤ-ndza « manger », car ce mot doit être reconstruit avec une affriquée prénasalisée en proto-rgyalronguique. En tous les cas, la correspondance entre tibétain z- :: japhug ndzprouve qu’il s’agit d’un cognat ici aussi, car aucun dialecte tibétain à notre connaissance ne présente une évolution de z- à ndz-. z sos « matin » Le mot sos « matin » forme en japhug une famille de mot avec fso « demain », dont on a déjà vu qu’il doit être un cognat (voir p.156). Le sens originel de la racine de ce mot doit être « matin », qui a développé ensuite indépendamment le sens de « demain » en japhug, en tibétain et en tangoute (cf. l’allemand Morgen ou l’espagnol mañana). Le japhug a ici conservé le sens originel perdu en tibétain, il ne peut s’agir d’un emprunt. z kɤ-mbi :: sbyin-pa « donner » Le verbe kɤ-mbi « donner » diffère du tibétain sbyin-pa, byin à la fois par l’initiale et 162 par la rime. On attendrait une forme telle que *pjin. On a vu en 3.2.1.1 que le –in du tibétain correspond à –i dans le cas de certains cognats, mais le –n du tibétain n’est pas attesté dans les autres langues sino-tibétaines et il n’y a pas lieu de supposer qu’il était présent en rgyalrong. z qro :: grog-ma « fourmi » Le mot qro « fourmi » est irrégulier au sein du japhug et du rgyalrong. La forme attestées dans les autres langues a une initiale aspirée et une finale : somang khorók, zbu qʰrôχ. S’il s’agissait d’un emprunt, on attendrait *kroʁma. Ici la présence de l’uvulaire montre qu’il s’agit d’un cognat. Elle serait inexplicable s’il s’agissait d’un emprunt, à la différence de qʰlɯ « naga » où l’absence de groupe *kl- en japhug explique la substitution de la vélaire par une occlusive : le groupe kr- est tout à fait bien formé en japhug. z ɯ-di :: dri « odeur » tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Le mot ɯ-di « odeur » a une correspondance exceptionnelle japhug d- :: somang r-. S’il s’agissait d’un emprunt, ce serait le seul cas où une médiane -r- du tibétain ne laisse aucune trace en japhug (on attendrait *tʂi dans un emprunt). Il semble donc qu’il s’agit bien là d’un cognat. Nous montrerons dans la section 4.3.3 que ce mot doit se reconstruire *tlij en PGR. z tɯ-ʑo :: rang « soi-même » Ce mot présente la correspondance anormale ʑ- :: r- (le ʑ- venant de *j) qui ne se trouve que dans ɣʑo « abeille » :: sbrang « mouche » qui doit être un cognat (voir p.157). C’est là une preuve qu’il s’agit d’un cognat lui aussi. z racine mɯr A cette liste, on peut peut-être rajouter le verbe ‘phur « voler » du tibétain et la syllabe /mɯr/ que l’on retrouve dans un certain nombre de noms d’animaux volants : qa-mɯr-wa « chauve-souris », mɯr-mɯ-mbju « hirondelle », ʁmɯr-cɯ « grive : Garrulax maximus », ʁmɯr-ɲɯɣ « Pomatorhinus erythrocnemis », ʁmɯr-qaʁ « Garrulax ocellatus ».51 3.2.1.4 Autres cas Dans cette section, nous allons fournir une liste des verbes et des noms monosyllabiques empruntés au tibétain. Pour certains d’entre eux, il est possible de prouver de façon certaine qu’ils sont bien des emprunts. Toutefois, il existe aussi des mots qui sont en tout point semblables phonologiquement à des mots tibétains, mais dont l’appartenance au vocabulaire de base et leur reconstructibilité en proto-rgyalrong incite à penser qu’il s’agit de cognats. Dans le 3.1.3.2, nous avons déjà montré que certains verbes pourraient être aussi bien des cognats que des emprunts : 51 Le nom latin de ces oiseaux a été déterminé à l’aide de MacKinnon (Majingneng) et al. 2000. 163 japhug signification tibétain significa- autres dialectes tion rgyalrong kɤ-rlaʁ disparaître brlag-pa id. kɤ-mɯ-rkɯ voler rku-ba id. zbu. kɐ-mə-rkəʔ / kɤ-rŋu frire (le blé) rngo-ba id. zbu. kɐ-rŋoʔ / rŋû / kɤ-rtsi compter rtsi-ba id. kɤ-sci naître, vivre skye-ba naître kɤ-rtsɯɣ empiler rtsig-pa id. kɤ-pɕɯs essuyer phyis-pa id. nɐ-mə-rkʰiʔ autres cognats 寇 *akho-s rŋə̂m zbu. kɐ-rtsə́s ka-pɕís tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 115 : Verbes monosyllabiques japhug qui pourraient être des cognats. Toutefois, parmi les verbes du Tableau 115, seuls kɤ-mɯ-rkɯ et kɤ-rtsɯɣ « empiler » ont une probabilité importante d’être des cognats. Les autres verbes, en effet, ne se retrouvent pas dans les autres langues sino-tibétaines et certains ont un sens qu’on n’attendrait pas d’un cognat entre des langues aussi éloignées et dont la séparation remonte au néolithique (« compter », « frire ») mais nous les incluons ici car nous n’avons pas de critère sûr pour prouver qu’il ne s’agit pas d’emprunts. En dehors des exemples du Tableau 115, il convient de rajouter des verbes qui n’ont qu’une seule forme en tibétain, et que nous n’avions pas discutés dans la section 3.1.3.2. Les verbes monosyllabiques non déjà traités en 3.1.3.2 dont nous pouvons prouver qu’il s’agit d’emprunts sont indiqués dans le Tableau 116. La preuve sur laquelle nous nous basons pour prouver qu’il s’agit d’emprunts est indiqué dans la colonne « preuve ». japhug signification tibétain signification preuve kɤ-mcʰin percevoir la vraie mkhyen-pa savoir bouddhique nature kɯ-mkʰɤs expert mkhas-pa id. bouddhique kɤ-ɣɯ-lɤn répondre len réponse finale –n kɯ-rkɯn peu dkon-po rare finale –n kɤ-rga content dga’-ba id. groupe rg- :: dg- kɤ-tar se développer dar-ba s’étendre sémantique abstraite innovante kɤ-tɕʰɤt s’effondrer de (thang) chad être fatigué sémantique innovante : chad signifie « couper » fatigue kɤ-βzi saoul bzi id. groupe βz- :: bz- kɤ-mtʰɯt allonger un habit mthud-pa relier sens spécifique innové 164 kɤ-pʰot oser phod-pa id. rime –ot :: -od kɤ-zdɯɣ pénible sdug-pa id. dérivé par le préfixe s- du nom dug « poison » . Innovation sémantique empoisonner > ennuyer kɤ-sŋaʁ utiliser la sngags sorcellerie bouddhique thar-ba sauver bouddhique (mot employé sorcellerie kɤ-tʰɤr se sauver en japhug uniquement tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 dans les histoires) kɯ-βdi beau bde-mo bien groupe βd- :: bd- kɤ-fɕɤl avoir la diarrhée bshal id. finale –l kɯ-rgɤs vieux rgas-po id. groupe rg- :: rg- kɯ-rɲaŋ ancien rnying-po id. finale –ŋ kɯ-ʂa capable, fort sra dur tibétain de l’Amdo kɤ-stɤt faire des bstod-pa id. sémantique innovante louanges kɯ-mdzɤs beau (élever > louer) mdzes-po id. sémantique innovante (mot apparenté à mdza’ « cher »). kɯ-mɤ-mbɯr saillant ‘bur id. syllabe (changement /mbɯr/ *mbɯr > mbrɯ en japhug) Tableau 116 : Autres verbes monosyllabiques (emprunts). Les verbes pour lesquels il n’existe aucune preuve phonologique, morphologique ou sémantique qu’il soient cognats ou emprunts sont indiqués dans le Tableau 117 : japhug signification tibétain signification rgyalrong autres type cognats kɤ-nɤ-mnɤm sentir mnam id. Bir. nâm 1 kɤ-tʂɯβ coudre ‘drub id. ka-tʂóp Bir. khyup 1 kɤ-nɤs oser nus id. kɐ-nôs Pumi nua55 1 kɯ-sɤr nouveau, frais gsar-pa id. kə-tsʰár 鮮 *bser 1 kɯ-mɤ-mbɯr saillant ‘bur id. 2 kɤ-nɤ-ndɤr vibrer ‘dar id. 2 kɤ-ɲɟɤt regretter ‘gyod id. 2 kɯ-ndʑɤm tiède, chaud ‘jam-po id. 2 kɯ-scit joyeux skyid-po id. 2 Tableau 117 : Autres verbes monosyllabiques du japhug susceptible d’être des cognats. Parmi les verbes du Tableau 115, seuls les quatre exemples kɯ-sɤr, kɤ-nɤ-mnɤm, 165 kɤ-tʂɯβ et kɤ-nɤs ont une chance importante d’être des cognats du tibétains. Les autres exemples sont presque certainement des emprunts. Enfin, on trouve des noms pour lesquels subsiste la même ambiguïté. Dans le Tableau 118, nous indiquons les noms monosyllabiques dont on peut prouver qu’ils sont des emprunts : japhug signification tibétain signification preuve βdɯt démon bdud id. bouddhique ʁdɯɣ parapluie de gdug id. bouddhique bouddhique sprul-sku ʁdɯn malheur gdon démon tɯ-las chance las action, karma, bouddhique tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 chance ɬa dieu lha id. bouddhique ŋgɯr discours chanté mgur chant mystique bouddhique mtʰɯ mantra mthu id. bouddhique qʰlɯ naga klu id. bouddhique skɯ statue de sku corps bouddhique yum mère bouddhique bouddha jɯm épouse de sprul-sku ɯ-rɯs clairvoyance rigs savoir bouddhique tɕʰos religion chos id. bouddhique + rime –os ʁzɤn kyasha gzan id. bouddhique + finale –n tɯ-smɤt bas du corps smad bas circumfixe s- -d propre au tibétain (racine présente dans *ma dma’-bo « bas ») tɯ-stɤt haut du corps stod haut circumfixe s- -d propre au tibétain présente (racine dans *to mtho-po « haut ») ʑu yaourt zho id. cognat tɤ-lu tɯɣ poison dug id. cognat tɤ-ndɤɣ tɕʰi quoi chi id. cognat tsʰi / tʰi rŋɯl argent rngul id. finale –l rdɯl poussière rdul id. finale –l ; groupe rd- :: rd- χtɯn mortier gtun id. finale -n smɤn médicament sman id. finale –n 166 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tɯ-tun but don sens finale –n ɣzɤn appât gzan id. finale –n ta-ʁdɤn coussin gdan id. finale –n tʰaŋ plaine thang id. finale –ŋ tsʰoŋ commerce tshong id. finale –ŋ mbroŋ yak sauvage ‘brong id. finale –ŋ zaŋ cuivre zangs id. finale –ŋ po boisseau ‘bo id. finale –o :: -o tɯ-tsʰot heure tshod id. finale –ot pɕoʁ côté phyogs id. groupe pɕ- :: phy- < *pl- tɯ-rɟɯ fortune rgyu id. groupe rɟ- :: rgy- srɯn coton srin id. groupe sr- :: sr- zgroʁ bracelet sgrog id. groupe zgr- :: sgr- zɟi sac en poil sgye id. groupe zɟ- fka ordre bka’ parole honorifique zɯm seau zom id. initiale z- ɯ-rɯɣ ethnie rigs espèce innovation sémantique tɯ-rzɤs bagages rdzas chose innovation sémantique ʁzɯɣ apparence gzugs corps innovation sémantique tɯs époque dus temps innovation sémantique kʰri lit, trône khri siège innovation sémantique kɯ-mdza membre de la mdza’-ba cher, aimé, innovation sémantique (le proche mot tibétain est cognat famille des mots chinois 慈 *bdzɨ > dzi et 字 *bdzɨ-s > dziH tɯ-mda fusil mda flèche md- :: md- < *ml- mdoʁ couleur mdog id. préfixe m- (famille de mot en tibétain avec kha-dog « couleur ») et présence d’une voisée. spos encens spos id. rime –os :: -os rtsot vengeance rtsod id. rime –ot :: -od ɣot lumière ‘od id. rime –ot :: -od sɲɤt harnais rmed id. tibétain de l’Amdo rwa tente de nomade sbra id. tibétain de l’Amdo tɯ-xɕɤt force shed id. tibétain de l’Amdo χɕɤl verre shel id. tibétain de l’Amdo tsʰwi teinture tshos id. tibétain de l’Amdo 167 χpi histoire dpe exemple tibétain de l’Amdo dp- > χp- tɯ-sɯm état d’esprit sems bsams penser Umlaut de la voyelle en tibétain (racine *sam) scoʁ louche skyog id. vocabulaire culturel χsɤβ étalon gseb id. vocabulaire culturel χsɤr or gser id. vocabulaire culturel raʁ laiton rag id. vocabulaire culturel tɤ-cʰɯ coin (pour khe’u id. vocabulaire culturel phrug id. vocabulaire culturel gros id. gros caler) mpʰrɯɣ habit en laine tɯ-krɤs discussion < *wras en tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 proto-tibétain ɯ-ftaʁ signe rtags id. innovation sémantique (le tibétain est un nom déverbal en –s dérivé du verbe rtog « comprendre stot haut stod haut rime –ot :: -od tɯ-pʰu haut de la phu id. rime –u :: -u mchod offrande rime –ot :: -od brtags »)52 vallée mtɕʰot libation Tableau 118 : Noms monosyllabiques (emprunts). Dans le Tableau 119, nous indiquons les mots pour lesquels nous ne disposons pas de preuves qu’il soient des cognats ou des emprunts. Dans la colonne « type » de ce tableau, nous indiquons la probabilité qu’un mot soit cognat ou emprunt par des chiffres : 1 indique qu’il s’agit très probablement de cognats, 2 qu’il s’agit plus probablement d’emprunts et 3 pour les mots du vocabulaire culturel qui sont presque certainement empruntés. Pour le numéral « trois », on peut exclure la possibilité qu’il s’agisse d’un emprunt. En effet, étant donné que le numéral « neuf » kɯ-ngɯt est un cognat, il n’est pas envisageable qu’un numéral de rang inférieur soit un emprunt. 52 La forme japhug est probablement dérivée d’un *brtags au lieu de la forme attestée en tibétain classique rtags. 168 japhug signification tibétain signifi- autres autres cation dialectes cognats type rgyalrong tɯ-nɯ sein nu-ma id. tə-nú > 1 *bnɨʔ > 1 *aŋa > 1 *asɨm > 1 乳 *bnoʔ nyuX tɯ-rna oreille rna id. tə-rnâ 耳 nyiX a-ʑo je nga id. ŋá 吾 ngu χsɯm trois gsum id. kə-sám 三 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sam tɤ-tʰo pin thang shing id. tholó tɤ-mbrɯm rougeole ‘brum-pa id. ta-brâm 1 ɯ-pɯ enfant bu id. ta-pú 1 ɕa viande crue sha viande, Bir. thâŋ 1 2 chair praʁ falaise brag id. 2 kɯ-ɣɤrɤβ pentu rab id. 2 ɯ-ɲɤm chair, gras nyam id. 2 tɤ-ɕɤt peigne shad id. snɯm huile snum id. tʰɯɣ taureau ou thug id. ta-ɕót 3 3 特 *tʰɨk > 3 thok bouc non castré tɯ-pɤr dessin dpar id. kʰo chambre khang maison riz ‘bras mbrɤs id. 3 3 糲 *bmə-ret-s 3 > ljejH ras tissu ras id. 3 Tableau 119 : Noms monosyllabiques susceptibles d’être cognats. 3.2.1.5 Cognats du japhug et du tibétain A partir de l’ensemble des critères exposés dans cette sous-section, il nous est possible de proposer une liste des cognats entre le japhug et le tibétain. Nous établissons trois listes différentes : une liste de cognats dont nous sommes sûr, une liste de mots qui pourraient être des emprunts, et enfin une liste de mots dont la ressemblance avec le 169 tibétain pourrait être due au hasard. japhug signification tibétain rgyalrong autres cognats type kʰu tigre gung kʰûŋ qiang χu, animal pumi kɯ-rtsɤɣ panthère gzig kə-ɕtɕík ɣo13 Tang. zewr 2.78 animal #5480, 5768 mdza-di puce lji-ba ndza-jé Bir. khwê hlê animal ndʑi-rɯ lente sro-ma mdʑi-rúʔ XFF Tang. śjụ 1.59 animal #3176 Bir. wak animal kha-ɕpâ Bir. phâ animal glag zbu. ʁɐ liɐ̂χ 弋 *blɨk > yik animal chacal ‘phar-ba zbu. ʁɐ-pér Naxi phɑ21 animal qa-ʑo mouton g.yang-dkar kə-jó 羊*blaŋ tɤ-lu lait zho « yaourt » tə-ló Tang. paʁ cochon phag pák qa-ɕpa grenouille sbal qa-ljaʁ Aquila tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 chysaetos qa-par > yang lhju animal 1.3 animal #3065 qro fourmi grog-ma khorók Bir. prwak animal ɣʑo abeille sbrang wu-jɐ̂ 蠅 *bmə-lɨŋ > animal ying « mouche » ɕu qui su sə̂ Bir. bhɛ-su –lɛ̂ fso demain sang nyin só-sɲi Tang. sjij autre 1.36 autre #5500 « l’année prochaine » ftɕar été dbyar pə-tsár ndzom pont zam ta-dzám sos matin sang nyin autre Bir. taṃ tâ Tang. autre sjij 1.36 autre #5500 « l’année prochaine » ta-qaβ aiguille khab ta-káp Bir. ap autre ta-ʁjɯβ ombre grib-ma ta-wjə́s Bir. a-rip autre tɤ-ndɤɣ poison dug tə-dók 毒 tɤ-rmi nom ming wu-rmê 名*bmeŋ > mjieng autre tɤ-tɕɤs trace rjes tɐ-tɕôs pumi tɕo13 autre neveu tsha-bo ta-tsá tɯ-ftsa 子 *aluk > dowk *btsɨʔ « garçon » « fils » autre > tsiX tɯ-ji champs zhing-ka zbu. tə-ji 田 *aling > den tɯ-jmŋo rêve rmang-lam ta-rmô 夢 *bmuŋs autre autre > autre mjuwngH 170 tɯ-ɟom longueur deux de ‘dom-pa zbu. ki lɟɐ́m Bir. laṃ ‘breng tə-bré 繩 autre bras écartés tɯ-mbri corde *bmleŋ > autre zying tɯ-mtɯ tɯ-rʑaʁ nœud mdud-pa ta-mtú temps zhag « 24 h. » ʑák autre > yaeH 夜*blak-s autre « nuit » tɯ-tsi vie tshe Tang. dze 1.8 autre #2664 ʑmbrɯ bâteau gru ʑgrú autre ɯ-di odeur dri wu-rí autre tsʰi tsuku quoi que ce chi « quoi » tʰê Limbu theʔ autre rang tɯ-jó Tang. .jij 1.36 autre tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 soit tɯ-ʑo soi-même #1245 qa-me grain de sme-ba Bir. hmáy corps beauté tɯ-ɕkrɯt bile mkhris tə-mdʑi-krí Bir. sâɲɲ-kre corps tɯ-ɕna nez sna tə-ɕná Bir. hna-khôŋ corps tɯ-ɕnaβ morve snabs tə-ɕnám Bir. hnap corps tɯ-ɕtɯ sexe féminin stu tə-ɕtú Muya tə24 corps tɯ-ɣmas blessure rma tə-nmâs Tang. mjaa 1.23 corps #5702 tɯ-jaʁ main lag tə-ják 胳 *bk-lak > kak corps tɯ-ku tête mgo tə-kó Pumi qho55 corps tɯ-mke cou ske tə-mkî tɯ-mtshi foie mchin-pa tə-pʰɕé Bir. a sâɲɲ corps tɯ-pjaʁ-pa aisselles bzhag ‘og ta-pja-kê forme une famille corps corps de mots avec tɯ-jaʁ tɯ-pu intestin pho-ba tə-pô Qiang pu corps Bir. lip-pja corps « estomac » tɯ-rla âme bla tɯ-rŋa visage ngo tɯ-ro poitrine brang tə-ró tɯ-rpaʁ épaule phrag ta-rpák 膊 tɯ-skʰrɯ corps sku ta-skhrú Bir. kuiy corps tɯ-sni coeur snying tə-ɕné 身*bhniŋ > syin corps corps Bir. raŋ *apak corps > pak corps 171 tɯ-χpɣi cuisse byin-pa zbu. corps « mollet » tə χpjiʔ lèpre mdze nad ta-zá corps tɯ-ɕɣa dent so tə-swâ Bir swâ corps ɣurʑa cent brgya pə-rjâ 百 *aprak > paek numéral kɯ-mŋu cinq lnga kə-mŋô 五 > nguX numéral kɯ-ngɯt neuf dgu kə-ŋgû 九 *bkuʔ > kjuwX numéral kɯ-rcat huit brgyad wu-rját 八 *bpret > peat numéral six drug kə-tʂók kɤ-kɯ-nɤ -ndza kɯ-tʂɤɣ *aŋaʔ *bCə-ruk 六 > numéral ljuwk tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Bir. lê quatre bzhi kə-wdî ʁnɯs deux gnyis kə-nés 二 > nyijH numéral χsɯm trois gsum kə-sám 三 *asɨm > sam numéral ɕɤɣ genévrier shug-pa zbu. xɕôx Tang. źjiw 1.46 plante kɯ-βde *bnis numéral #4118 si bois shing ɕé 薪 *bsiŋ > sin kɤ-ɣɤ-la humide bzha’ zbu. kə-ltəʔ Tang. plante lhji 2.10 verbe *bmə-luk > verbe #1036 kɤ-lɤɣ faire paître ‘brog-pa ka-lók ljuwk « nomade » kɤ-mbi donner sbyin-pa, byin 陸 ka-wə̂ 畀 *bpi-s > pjijH verbe sto55 verbe kɤ-mto voir mthong-ba ka-mtó Pumi kɤ-ndza manger za ka-zá Bir. câ kɤ-ntɕʰa tuer un bsha’ ka-ntɕhâ Tang. animal verbe śjii 1.14 verbe #716 kɤ-ŋga porter un habit bgo-pa, bgos ka-wát Birman wat verbe kɤ-pa fermer byed byas ka-pá Tang. .wji 1.10 verbe « faire » kɤ-rɲo « faire » #5113 ka-rɲô faire myong l’expérience de myangs kɤ-si mourir ‘chi shi kə-ɕî Bir. se verbe kɤ-sɯs savoir shes ka-ɕî Bir. si verbe kɤ-sɯsu vivre ‘tsho-ba, ka-səsô verbe verbe ‘tshos kɤ-taʁ tisser ‘thag-pa, btags kɤ-tɯɣ toucher, thug-pa rencontrer ka-ták 織 *btɨk > tsyik verbe Bir. tuik verbe « toucher » 172 sbom-po kə-jpâm beau mchor-po kə-mpɕôr dur dka’-pa zbu. kɯ-jpum épais kɯ-mpɕɤr kɯ-ɴqa Tang. wọ 1.70 verbe Pumi ʃu55 verbe #1805 kə-ɴɢʌʔ, verbe ɴɢɐ̂ kɯ-rko, dur, vigoureux kɯ-rkaŋ Achang kʐak55 verbe mkhrang-po kə-rkô, kə-rkâŋ kə-lî Bir. lê verbe khrang-thang kɯ-rʑi lourd ljid-po, lci-mo kɯ-smi cuit smin-pa « cuit, zbu. kə-smî, Bir. hmáɲɲ kɤ-pɣo filer mûr » nə-sməʔ ‘phang ka-pó 纺 *pʰaŋʔ > verbe verbe phjangX « appareil à tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 filer » kɤ-zdɤβ plier lteb-ba bltabs kɤ-fkur porter un ‘khur khur fardeau ki fkôr « un 疊褶 *alip > dep verbe Proto-kiranti *kur verbe fardeau » Tableau 120 : Liste des cognats certains entre le japhug et le tibétain. On trouve donc seulement 90 cognats certains entre le japhug et le tibétain. Parmi ceux-ci, on compte 13 noms liés au monde animal et à l’élevage (nom d’animaux, lait, faire paître), 21 noms liés au corps, et quatre termes liés aux vêtements (tisser, filer, habit, aiguille). On trouve en revanche un seul terme lié à la culture de céréales (tɯ-ji :: zhing-ka « champs »). japhug signification tibétain autres dialectes autres cognats rgyalrong tɯ-nɯ sein nu-ma tə-nú 乳 *bnoʔ > nyuX tɯ-rna oreille rna tə-rnâ 耳 *bnɨʔ > nyiX tɯ-rni gencive rnyil a-ʑo je nga ŋá tɤ-tho pin thang shing tho ló tɤ-mbrɯm rougeole ‘brum-pa ta-brâm bu enfant ɯ-pɯ ta-pú kɤ-mɯ-rkɯ voler rku zbu. kɐ-mə-rkəʔ kɤ-rtsɯɣ empiler rtsig-pa kɤ-nɤ-mnɤm sentir mnam kɤ-tʂɯβ coudre ‘drub ka-tʂóp Bir. khyup kɤ-nɤs oser nus kɐ-nôs Pumi nua55 Nosu ni 34 l33 吾 *aŋa > ngu 寇 *akho-s > khuwH / nɐ-mə-rkʰiʔ Bir. nâm 173 kɯ-sɤr nouveau, frais 鮮 *bser > sjen kə-tsʰár gsar-pa Tableau 121 : Cognats ou emprunts. Comme on le voit dans le Tableau 121, on trouve également 13 cognats probables, pour lequel nous manquons de preuves phonologiques ou morphologiques nous permettant de prouver qu’il s’agit bien de cognats et non d’emprunts. Dans la section 3.2.1.4, nous avions cité d’autres exemples ambigus, mais nous n’avons conservé dans tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 le Tableau 121 que les exemples ayant une probabilité importante d’être des cognats. japhug signification tibétain autres dialectes rgyalrong kɤ-rkʰe graver rko brkos kɯ-so vide stong-pa kə-só ɕku oignon sgog-pa « ail » ɕkó kɤ-ʑaʁ couler ‘dzag-pa zag kə-dʑák ɯ-pɤl partie de la louche qui sbar-mo « paume » sert à contenir le liquide kɤ-joʁ lever ‘gyog-pa bkyags ka-jók Tableau 122 : Cognats ou coïncidences. Les six mots du Tableau 122 ressemblent aux formes tibétaines, mais il est impossible pour l’instant de déterminer s’il s’agit bien de cognats ou simplement de coïncidences. Nous ne présenterons pas ici de résumé des correspondances phonétiques des cognats entre japhug et tibétain. Il nous semble plus judicieux de procéder d’abord à une reconstruction complète du proto-rgyalronguique avant d’établir ces correspondances, qui sont rendues plus complexes du fait des changements internes au japhug. Les cognats mis en évidence pour le moment sont trop peu nombreux pour permettre une étude plus approfondie. Pour la suite du travail, nous considèrerons que tous les mots hormis ceux des Tableau 120, Tableau 121, et Tableau 122 sont des emprunts, même si pour certains nous ne disposons pas de preuve phonologique (voir la section 3.2.1.4). Nous ne prendrons plus en compte ces cognats pour l’analyse des correspondances. 3.2.2 Couches des dialectes tibétains de l’Amdo Nous savons que le rgyalrong est en contact avec les dialectes Amdo. Comme ces dialectes présentent une série d’évolutions phonétiques qui ne trouvent pas d’équivalent en japhug, il est possible de se servir de ces innovations pour classifier certains mots 174 comme des emprunts aux dialectes de l’Amdo. En utilisant par ailleurs le principe de cohérence, nous pourrons présenter un ensemble de règles de correspondance pour les couches d’emprunts relevant des dialectes de l’Amdo. Pour la description des dialectes de l’Amdo, nous nous basons sur Gesang et al. (2002) ainsi que sur le dictionnaire de Hua et al. (1993) qui décrivent les parlers de rTse-khog 擇庫 et de bLa-brang 夏河. On peut consulter aussi des travaux tels que Hua (1983) sur les évolutions phonologiques des dialectes de l’Amdo. Les dialectes de l’Amdo, surtout les dialectes nomades (‘brog-pa) sont sous beaucoup d’aspects plus conservateurs que les dialectes du Tibet central. Ils ont notamment conservé les consonnes préinitiales, ainsi que certaines consonnes finales. Toutefois, ils ont également un certain nombre d’innovations par rapport au tibétain classique. Certains changements phonétiques similaires se sont produits tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 indépendamment entre le proto-rgyalrong et le japhug d’une part, et entre le vieux tibétain et les dialectes de l’Amdo d’autre part. Ainsi, le –u du tibétain classique passe à la voyelle centrale -ə dans tous les dialectes de l’Amdo, mais cela ne nous est d’aucune utilité pour classer les emprunts car comme nous l’avons vu, à l’exception de deux mots, tous les –u du tibétain en syllabe ouverte correspondent à -ɯ en japhug. Nous verrons d’ailleurs dans la section 4.2.2.2 p.232 que le proto-rgyalrong *-u devient -ɯ en japhug. Voici donc une liste de changements propres à la plupart des dialectes de l’Amdo mais qui n’ont pas eu lieu en japhug : Finales : 1. Le –i du tibétain devient -ə dans tous les dialectes Amdo. En syllabe fermée, ce changement se produit aussi, mais la rime –ing a un développement particulier : elle devient –aŋ. 2. La consonne finale –l disparaît généralement ou devient –t dans le dialecte de bLa-brang. 3. La consonne finale –s disparaît et la voyelle devient –i ou on obtient une diphthongue fermante en -i. 4. La consonne finale –d devient –l dans certains dialectes, et disparaît dans d’autres. Groupes initiaux : 1. Les préinitiales d-, g-, s-, l- et -r deviennent h- ou r- selon les dialectes. 2. La fricative sh- devient x- lorsqu’elle n’est pas précédée de préinitiale dans certains dialectes. 3. Le groupe sr- devient ʂ-. 4. Les groupes [vélaires + y] (ky-, khy-, gy-), les palato-alvéolaires du tibétain classique (c-, ch-, j-) et les groupes [vélaires + r] (kr-, khr-, gr-) se confondent en palato-alvéolaires dans la plupart des dialectes de l’Amdo. 175 5. L’occlusive ph- devient h-. 6. L’occlusive b- devient w- (ce changement n’est toutefois pas une particularité limitée aux dialectes de l’Amdo, et son intérêt est plus mineur). Ces innovations sont en nombre limité et dans de nombreux cas, distinguer un emprunt aux dialectes de l’Amdo et un emprunt au tibétain ancien n’est pas facile. Nous allons établir une liste de mots présentant les innovations typiques présentées ci-dessus. Ensuite, nous nous servirons du principe de cohérence pour élargir notre connaissance des correspondances propres à cette couche. correspondance tibétain signification japhug signification nas-’bru-ma à grain d’orge nɤj-mbrɯ-ma un type de bol caractéristique des dialectes de l’Amdo tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 -as :: -ɤj décoré avec des motifs en forme de grains d’orge -od :: -o bkod-ba méthode ɯ-kowa id. -is :: -i pha-ris de l’autre côté pʰa-ri id. -os :: -wi tshos teinture tsʰwi id. -ad :: -ɤl chad-pa punition kɤ-nɯ-tɕʰɤl punir ‘bad-pa effort mbɤl-wa salaire de lama -ing :: -oŋ shing-cha matériau de bois ɕoŋ-tɕa id. -ing :: -aŋ rnying-po ancien kɯ-rɲaŋ id. zgɤr-ɕaŋ perche qui sert à *sgar-shing dresser la tente shing-tog fruit ɕaŋ-toʁ arbre fruitier ‘dzam-gling monde ndza-ʁlaŋ id. rtsi-shing plante rtsɯ-ɕaŋ id. sa-zhing champs sɤ-ʑaŋ id. chu-zhing champs irrigué tɕʰɯ-ʑaŋ id. khur-shing armature en bois kʰɯr-ɕaŋ id. pour porter des charges sur le dos shing-bzo-ba menuisier kɯ-rɯ-ɕaŋ-βzu id. -i :: -ɯ spyang-ki loup spjaŋ-kɯ id. sky- :: tɕ- *skya-sga tɕa-zga gingembre sky- :: rc- *skyag-gtong rca-χtoŋ une insulte sbr- :: rw- sbra rwa id. tente 176 sbr- :: χw- sbra tente χwara id. sh- :: xɕ- shed force tɯ-xɕɤt id. sh- :: χɕ- shel verre χɕɤl id. shel-sgo miroir χɕɤl-zgoŋ id. shel-mig lunettes χɕɤl-mɯɣ id. rd- :: ʁd- rdo-rje vajra ʁdɤ-rʑi id. rt- :: χt- rten-’brel célébration, χtɤ-mbrɤl célébration sɲɤt id. présage rme- :: sɲɤ- rmed harnais Tableau 123 : Emprunts présentant des innovations phonétiques typiques des dialectes de l’Amdo. A cette liste on doit ajouter waji « petit de yak », un mot certainement d’origine tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tibétaine (la première syllabe étant ba « vache ») mais pour lequel nous n’avons pas pu retrouver la forme originelle en tibétain classique, et l’expression rtsɯ-ɕaŋ-laŋ-mtɕɤt « toutes les plantes » corruption de rtsi-shing tham-cad (on attendrait *rtsɯ-ɕaŋ-tham-tɕɤt). Le Tableau 123 permet de voir que plusieurs couches de mots venant de dialectes de l’Amdo cohabitent en japhug : 10. L’initiale sh- correspond aussi bien à ɕ-, qu’à xɕ- ou à χɕ-. 11. La préinitiale r- correspond à r- ou à χ- / ʁ12. Le groupe sky- correspond aussi bien à tɕ- qu’à rc13. La rime –ing correspond à –oŋ et –aŋ 14. Le –l final est conservé dans certains mots et perdu dans d’autres. 15. Le –d final disparaît dans certains cas, tandis qu’il devient –l dans d’autres. En ce qui concerne les occlusives, les emprunts aux dialectes Amdo suivent les règles formulées dans le Tableau 73. Les traitements χɕ- et xɕ- en japhug de l’initiale sh- du tibétain sont intéressants. Dans certains dialectes tibétains de l’Amdo où le changement sh- à x- est attesté, on trouve x- devant les voyelles postérieures, et ɕ- devant les voyelles antérieures. Le japhug fait état d’un stade intermédiaire après le changement sh- à x-, mais avant le changement x- à ɕ- devant –e. Il montre que ce changement s’est effectué en passant par une forme intermédiaire *xɕ- en Amdo. Il est nécessaire de noter que la rime –ing ne correspond jamais à –iŋ en japhug, sauf peut-être dans le cas de la forme ʑimkʰɤm « monde » correspondant au tibétain zhing-khams (voir la section 3.1.3.1 sur les correspondances dans les dissyllabes). Ceci suggère qu’une grande partie des emprunts tibétains en japhug viennent en fait d’un proto-Amdo qui aurait déjà subi le changement –ing → -aŋ mais pas les autres changements. 177 En dehors des dialectes de l’Amdo, les langues rgyalronguiques sont situées près de dialectes hétérodoxes du tibétains qui ne sont pas classifiables comme Amdo, tels que Zho-ngu (Sun 2003b) ou, parlé dans le district de Zungchu / Songpan 松潘 et le dialecte de Chos-rje (Sun 2003c) dans le district de mDzod-dge / Ruoergai 若爾蓋. Nous n’avons toutefois trouvé aucun cas d’emprunt tibétain en japhug manifestement emprunté à l’un de ces dialectes, mais certains mots ayant la correspondance tibétain –ang :: japhug –o pourraient être des emprunts de ces dialectes ou de dialectes apparentés. 3.2.3 Phonologie historique du japhug et stratification des emprunts. Un certain nombre de changements phonétiques du proto-rgyalrong au japhug se sont appliqués aux emprunts, comme nous avons pu le montrer dans le Tableau 100. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Nous reproduisons ci-dessous les huit changements en question : proto-rgyalrong japhug *-u -ɯ *-o -u *-aŋ -o *-ɔt -ɤt *-ɔr -ɤr *-am -om *ʑ- ndʑ- *zb- zw- *ŋkʰ- mkʰ- Tableau 124 : Changements du proto-rgyalrong au japhug ayant affecté les emprunts. Nous pouvons déterminer en partie l’ordre relatif dans lequel se sont produit certains de ces changements. Le changement *-aŋ → -o a dû s’opérer avant *-ot → -ɤt, comme le prouve la paire de dissyllabes mtɕʰɤt-kʰo « chapelle » :: mchod-khang et fsaŋ-mtɕʰɤt « fumigations de genévrier » :: bsang-mchod : en vertu du principe de cohérence étendu (voir l’introduction de 3.2), si ces deux mots appartenaient à la même couche, il devraient tous deux avoir les mêmes correspondances dans les deux syllabes. Dans le dialecte de Zho-ngu (Sun 2003b) et dans le dialecte de Chos-rje (Sun 2003c), la rime –ang du tibétain classique passe respectivement à -ɔ et à -ɔː. Si le japhug avait emprunté à ces dialectes, les mots empruntés auraient la même correspondance –ang :: -o que pour les mots empruntés avant le changement *-aŋ → -o. Nous discuterons de cette possibilité en 3.2.3.1 p. 182, où nous montrerons qu’on peut être certain que la 178 plupart des mots présentant la correspondance –ang :: -o ne viennent pas de ces dialectes. Cela signifie que l’on doit distinguer au moins trois couches que nous appelerons A, B et C : couche correspondance de correspondance exemples –ang en japhug de –od en japhug A -o -ɤt mtɕʰɤt-kʰo :: mchod-khang B -aŋ -ɤt fsaŋ-mtɕʰɤt :: bsang-mchod C -aŋ -ot Tableau 125 : Couches basées sur les correspondances des rimes –ang et –od du tibétain. La couche A est la couche la plus ancienne. Elle contient les mots empruntés avant tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 les changements *-aŋ → -o et *-ɔt → -ɤt en japhug. La couche B est celle des mots empruntés après le changement *-aŋ → -o mais avant *-ɔt → -ɤt. On ne trouve pas de dissyllabe présentant ensemble les deux correspondances de la couche C, mais on peut déduire son existence du simple fait qu’il existe des emprunts ayant la correspondance tibétain –od :: japhug –ot : comme le changement *-ɔt → -ɤt se produit après *-aŋ → -o, il est logique que tous les mots ayant été empruntés après *-ɔt → -ɤt l’aient été également après *-aŋ → -o. Nous prédisons donc que les études ultérieures sur le japhug ne devraient pas permettre de trouver de dissyllabe ayant les correspondances –ang :: -o et –od :: -ot en même temps. En l’absence de données contradictoires, nous faisons l’hypothèse que *-ɔt → -ɤt, *-ɔr → -ɤr et *-ɔs → -ɤr sont trois changements qui se sont produits à la même période. L’un ou l’autre nous permettent donc de distinguer la couche B de la couche C. Par ailleurs, on doit supposer un changement de dissimilation *ŋkʰ- → mkʰ- en PGR, mais ce changement n’est attesté que par les emprunts, probablement parce qu’il n’existait pas de groupe *ŋkʰ- dans le vocabulaire hérité du proto-rgyalrong. Le seul mot natif avec le groupe initial ŋkʰ- dans la langue de kɤmɲɯ est est tɤ-ŋkʰɯt « poing », mais les autres dialectes japhug, tels que celui de gSar-rdzong ont tɤ-rkʰɯt. On trouve cinq exemples attestant l’existence de ce changement : ‘khor-lo :: mkʰɯr-lu « roue », ‘khrung « naître » :: kɤ-mkʰroŋ « se réincarner », ‘khor-dmangs :: mkʰarmaŋ « peuple », plus zhing-khams « domaine » :: ʑimkʰɤm « un domaine, un long moment, la terre entière » et ‘khar-rnga :: mkʰɤrŋa « gong » étudiés en 3.1.3.1. Le changement *ŋkʰ- → mkʰ- se situe entre *-aŋ → -o et *-or → -ɤr. L’exemple mkharmaŋ « peuple » :: ‘khor-dmangs a été emprunté avant le changement *ŋkʰ- → mkʰmais après *-aŋ → -o. Le vocalisme de la rime –ar est irrégulier (c’est le seul cas de ce type dans toute la langue), mais il s’agit probablement d’un phénomène d’Umlaut avec la voyelle de la syllabe suivante. La réalisation de /ɤ/ comme [a] dans les syllabes précédant 179 le suffixe de la première personne –a est systématique dans la conjugaison, comme nous le verrons dans la section 5.2.1 p.349. L’exemple kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkʰɤr « tourner dans le ciel, ruminer sur une idée » de bya ‘khor « l’oiseau tourne », lui a été emprunté après le changement *ŋkʰ- → mkʰ- et avant *-ɔr Æ -ɤr. Cela confirme que *ŋkʰ- → mkʰ- s’est produit avant *-ɔr Æ -ɤr. couche correspondance de correspondance de correspondance de –ang en japhug ‘kh- en japhug –or en japhug B1 -aŋ mkʰ- -ɤr mkhar-maŋ ::’khor-dmangs B2 -aŋ ŋkʰ- -ɤr kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkhɤr ::bya-’khor C -aŋ ŋkʰ- -or kɤ-ŋkʰor :: ‘khor exemples tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 126 : Couches basées sur les correspondances des rimes –ang et –or et du groupe ‘kh- Nous ne disposons pas d’autres critères basés sur le principe de cohérence étendu pour déterminer la chronologie relative des changements phonétiques. Etant donné qu’un changement *-u → -ɯ s’est produit également en tibétain de l’Amdo, il est difficile de savoir si les mots présentant la correspondance tibétain –u :: japhug -ɯ le doivent au changement opéré en tibétain ou à celui du japhug lui-même. Toutefois, nous pouvons rajouter à ces règles le changement phonétique *-iŋ → -aŋ propre aux dialectes de l’Amdo, qui explique les correspondances tibétain –ing :: japhug –aŋ et tibétain –ing :: japhug –oŋ dans l’ensemble du lexique. La seule exception à ces correspondances est le mot ʑimkʰɤm « le monde entier, un long moment » emprunté à zhing-khams « domaine » dont nous avions dit en 3.1.3.1 qu’il avait subi le changement *ŋkʰ- → mkʰ- après une resyllabification. Or, un mot tel que kɯ-rɯ-ɕaŋ-βzu « menuisier » du tibétain shing-bzo montre que le japhug a été confronté à des variétés de tibétain ayant subi le changement *-iŋ → -aŋ avant qu’il subisse lui-même le changement *-o → -u53. Nous n’avons pas ici de moyen de prouver que le changement *-o → -u se soit passé avant ou après les trois changements *-ɔt → -ɤt, *-ɔr → -ɤr et *-ɔs → -ɤs. Dans l’état actuel des données, on peut donc proposer une datation relative de certains changements. Nous employons ici les symboles X <<< Y signifiant « le changement X s’est produit après Y » et X = Y signifiant « le changement X s’est produit en même temps que Y ». *-o → -u = *-ot → -ɤt <<< *-iŋ → -aŋ <<< *ŋkʰ- → mkʰ- <<< *-aŋ → -o En somang, comme nous le verrons dans la section 4.2.2.2, le changement de *-aŋ à 53 Certains dialectes tibétain de l’Amdo présentent le changement –o > -u ; les mots présentant cette correspondance pourraient venir de certains de ces dialectes (N.Tournadre, communication personnelle, juin 2004). 180 –o ne s’est pas accompagné d’un changement du –o final, si bien que les *-aŋ et le *-o du proto-rgyalrong se sont confondus dans cette langue. Voici un résumé des couches que nous avons mises en évidence. Dans la colonne « changements », nous indiquons le ou les derniers changements après lesquels la couche a été empruntée. La couche C devra probablement être subdivisée en plusieurs sous-couches lorsque la chronologie des quatre changements *-ɔr → -ɤr, *-ɔt → -ɤt, *-ɔs → -ɤs et *-o → -u aura été établie sur la base de nouveaux exemples. z Si *-ɔt → -ɤt s’est produit avant *-o → -u, on devrait trouver un dissyllabe dont l’une des syllabes a la correspondance –od :: -ot et l’autre –o :: -u. Par exemple, le tibétain phod-po « homme courageux » devrait donner *pʰotpu. z Si à l’inverse *-o → -u s’est produit avant *-ɔt → -ɤt, on devrait trouver un dissyllabe dont l’une des syllabes a la correspondance –od :: -ɤt et l’autre –o :: -o. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Si cette hypothèse était vraie, le tibétain phod-po « homme courageux » devrait donner *pʰɤtpo. Toutefois, le seul mot dans nos données contenant deux syllabes dont chacune des rimes viennent de deux de ces quatre rimes est yos-lo :: jɤzɯ-lu « année du lapin », qui a dû être emprunté avant que *-ɔs → -ɤs et que *-o → -u ne se produisent. couche changements A –ang ‘kh- –or -od -os -o -o mkʰ- -ɤr -ɤt -ɤs -u B1 *-aŋ → -o -aŋ mkʰ- -ɤr -ɤt -ɤs -u B2 *ŋkʰ- → mkʰ- -aŋ ŋkʰ- -ɤr -ɤt -ɤs -u C *-ɔr → -ɤr *-ɔt → -ɤt -aŋ ŋkʰ- -or -ot -os -o *-ɔs → -ɤs *-o → -u Tableau 127 : Les changements du proto-rgyalrong au japhug et les couches de A à C. On peut noter que le /o/ n’a pas subi de changements dans deux dissyllabes étudiés en 3.1.3.1 : gos-chen :: koxtɕin « satin », slob-dpon : sloχpɯn « professeur ». Cela montre que le changement *stɕ- → xtɕ- en japhug s’est produit avant *-ɔs → -ɤs, et a donc saigné ce changement, ce qui explique que l’on n’aie pas la forme *kɤxtɕin. Pour sloχpɯn, cela montre que la chute du –β final s’est produite avant le changement *-op → -ɤβ (que l’on déduit de la correspondance régulière : tibétain –ob :: japhug -ɤβ). La préinitiale /χ/ n’est pas distinctive de /ʁ/ dans cette position : c’est donc comme si la forme était phonologiquement /sloʁpɯn/. Or, le */o/ du PGR ne devient pas /ɤ/ dans les syllabes fermées par l’uvulaire. Nous allons à présent procéder à l’analyse de chacune des couches, pour voir si d’autres critères phonologiques peuvent nous servir à affiner notre analyse. 181 3.2.3.1 Les correspondances de la rime –ang en japhug La rime –ang du tibétain, comme on peut l’observer dans le Tableau 55 correspond à quatre rimes différentes en japhug. Une de ces correspondances, -ang :: -ɯŋ, n’est attestée que par un seul exemple ldʑɯŋ-ldʑɯŋ « bleu ciel » qui est un expressif et qui ne sera pas traité ici. Les trois autres correspondances sont –ang :: -o, -ang :: –aŋ et -ang :: –oŋ. On sait par ailleurs que –angs correspond dans certains cas à –os, parfois aussi à –aŋ. Nous avons appelé « couche A » la couche qui précède le changement de *-aŋ à –o en japhug, et qui se caractérise par la correspondance –ang :: -o. Nous incluons aussi dans cette couche les mots présentant la correspondance –angs :: -os. Cette correspondance nous montre en effet que le –s n’a pas gêné le changement *-aŋ → –o en tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug. Les deux autres correspondances -ang :: –aŋ et -ang :: –oŋ peuvent correspondre à nos couches B et C. Nous allons donc présenter exaustivement en fonction de chacune de ces correspondances afin d’affiner notre connaissance de chacune de ces couches. japhug signification tibétain signification kɯ-χtso propre gtsang-ma id. kho chambre khang maison mtɕʰɤt-kho chapelle dans la maison où mchod-khang chapelle l’on fait brûler les branches de genévrier kɤ-βzjos apprendre sbyong sbyangs id. kɤ-tshos complet tshang tshangs id. Tableau 128 : Mots présentant les correspondances -angs :: –os et -ang :: –o (couche A) Le seul dissyllabe du Tableau 128 a déjà été employé pour montrer que la couche A contenait des mots ayant la correspondance –od :: -ɤt. Le mot japhug kɯ-ɣɤ-ndʐo « froid (temps) » semblerait apparenté au tibétain grang-mo « froid » par cette correspondance, mais la comparaison avec le somang ta-dʐók « froid glacial » montre qu’il s’agit d’une coïncidence. Dans les dialectes tibétains hétérodoxes de Zho-ngu, parlé dans le district de Zung-chu / Songpan 松潘, et de Chos-rje, parlé dans le district de mDzod-dge / Ruoergai 若爾蓋 près de la région rGyal-rong, la rime –ang du tibétain devient respectivement -ɔ et -ɔː. La correspondance –ang :: -o n’est donc pas une preuve en soit qu’un mot appartient bien à la couche A : il faut s’assurer par ailleurs que le mot en question ne peut venir de dialectes de ce type. Ces dialectes ont perdu les –s finaux (les finales –ang et –angs du 182 tibétain ancien s’y sont confondues en -ɔ), et cette perte a dû se faire avant le passage de –aŋ à -ɔ54 : la rime –angs du tibétain n’a été *-ɔs à aucun moment de l’histoire de ces dialectes. Les mots kɤ-βzjos « apprendre » et kɤ-tsʰos « être complet » ne peuvent donc pas être des emprunts à ces dialectes. Le mot tibétain khang « maison » 55 a dans le dialecte de Zho-ngu une prénasalisée irrégulière : nkʰɔ. Si le japhug avait emprunté ce mot au dialecte tibétain de Zho-ngu, on attendrait une forme *ŋkʰo ou *mkʰo. En revanche, cette nasale irrégulière n’apparaît pas dans le tibétain de Chos-rje, où khang est kʰɔː113. Le mot japhug pourrait donc en principe être un emprunt à ce dialecte. Toutefois, on doit noter que le sens du mot japhug est « chambre » 56 et non « maison », et l’on trouve un mot similaire en somang avec le même sens : kʰô « chambre » 57 . Ce sens de « chambre » est probablement une innovation sémantique qui s’est produite en japhug et en somang tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 après l’emprunt : il s’agit selon toute vraisemblance d’un mot emprunté dans l’ancêtre commun de ces langues ayant subi le changement *-aŋ Æ -o en japhug et en somang (cette hypothèse pourrait être confirmée si l’on trouvait un mot *kʰɐ en zbu ou *kʰi en tshobdun signifiant « chambre »), et non d’un emprunt récent à un dialecte tibétain isolé comme celui de Chos-rje. Pour le mot mtɕʰɤt-kʰo « chapelle », il semble impossible qu’un terme lié à la religion soit emprunté à des dialectes périphériques : cet emprunt doit venir d’un dialecte tibétain qui était dominant au moment de l’emprunt. Le mot kɯ-χtso « propre » pourrait théoriquement être un emprunt au dialecte de Zho-ngu, car celui-ci conserve certaine préinitiales : la forme Zho-ngu est χtsɔ. Seule l’étude des couches d’emprunts dans les autres langues rgyalronguiques permettra de juger si le mot japhug kɯ-χtso est un emprunt ancien ou un emprunt récent à ces dialectes tibétains hétérodoxes. 54 Le –s final avant de disparaître palatalise en Zho-ngu et en Chos-rje les voyelles ouvertes : les rimes du tibétain classique –as et –os deviennent –i en Zho-ngu et respectivement –eːet -ɵː en Chos-rje. Si –angs était passé par *-ɔs, elle serait donc devenue –i elle aussi en Zho-ngu, et probablement -ɵː en Chos-rje. 55 Dans la plupart des dialectes modernes, le mot pour « maison » est la forme suffixée khang-pa, mais la forme simple khang signifie aussi « maison » en tibétain classique. Les formes des dialectes de Zho-ngu et de Chos-rje pourraient venir aussi bien de khang-pa que de khang. 56 Pour dire « maison », le japhug emploie le terme rgyalronguique kʰa (tshobdun ‘kʰe, voir Sun 1998a : 109). 57 Le mot « chambre » se dit khang-mig ou shag-mig en tibétain classique, et dans le dialecte tibétain de Zho-ngu, Jackson T.-S. Sun note pour « chambre » le mot pʰə-tsə d’origine inconnue. 183 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug signification tibétain signification snaŋ-wa état d’esprit snang ba id. spjaŋ-kɯ loup spjang-ki id. tɯ-sraŋ une once srang id. tʰaŋ plaine thang id. tʰɯ-raŋ une sorte de démon the’u rang id. mkʰar-maŋ peuple ‘khor dmangs id. zaŋ cuivre zangs id. ʑɤ-zdaŋ envie, jalousie zhe sdang id. fsaŋ-mtɕʰɤt fumigation bsang mchod id. βzaŋ-sa ami *bzang-sa id. (mot de dialecte Amdo) βzaŋ-lɤn récompense bzang len id. kɯ-tʂaŋ honnête drang po id. ʁjaŋ bon présage g.yang id. ʁlaŋ-lu année du bœuf glang lo id. ʁnɤm-jaŋ plafond gnam yangs id. caŋ mur en terre gyang id. χa-jaŋ aluminium ha yang id. mkʰrɯm-kʰaŋ prison khrims khang prison (Amdo), tribunal (tibétain classique) ldʑaŋ-kɯ vert ljang khu id. kɯ-maŋ beaucoup mang po id. mtsʰoʁ-zaŋ bassine en cuivre pour faire *’tshog zangs « rassembler » - « cuivre » bouillir le thé pour les moines pʰo-βraŋ palais pho brang id. raŋ soi-même rang id. mdzangs-pa héroïque, sage, élevé kɤ-rɯ-ndzaŋ-spa faire attention Tableau 129 : Mots présentant la correspondance -ang :: -aŋ (couches B et C). Dans le tableau ci-dessus, nous remarquons que certains mots appartiennent à la couche B, tandis que d’autre appartiennent à la couche C. Parmi les mots de la couche B, certain appartiennent à B1 (mkʰar-maŋ) de façon non-ambiguë, d’autres appartiennent à B (ʁlaŋ-lu), et enfin d’autres appartiennent à C (pʰo-βraŋ). Le mot spjaŋ-kɯ « loup » appartient à une couche présentant le changement de *-i → -ə des dialectes Amdo. On note également le mot irrégulier mkʰrɯm-kʰaŋ qui a une préinitiale inexplicable. Certains emprunts ayant cette correspondance (χajaŋ « aluminium ») désignent des 184 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 mots très récents et doivent dater du XXe siècle. japhug signification tibétain signification toŋ-bu premier mois dang-po premier tɯ-ʁoŋ pouvoir dbang id. loŋ-bu-tɕʰi éléphant glang-po-che id. kɯ-mtsʰoŋ s’accorder mtshungs id. mtsʰo-ʁloŋ un animal fantastique mtsho glang hippopotame rɤ-woŋ responsabilité rang dbang liberté roŋ-ri les uns les autres rang re id. rkoŋ-toŋ flûte en fémur humain rkang dung id. rkoŋ-ɟɤl démon à un pied *rkang rgyal spoŋ-srɤm un mammifère non identifié *spang sram *loutre des pâturages pjoŋ-pɕoʁ nord byang phyogs id. Tableau 130 : Mots présentant la correspondance -ang :: -oŋ (couches B et C). Parmi les mots du tableau ci-dessus, certain appartiennent à la couche B2 (toŋ-bu, loŋ-bu-tɕʰi), d’autres à la couche C (mtsʰo-ʁloŋ, pjoŋ-pɕoʁ). Le mot pjoŋ-pɕoʁ « nord » appartient à C, car il fait partie des points cardinaux qui ont dû être empruntés ensemble. Or ɬo-pɕoʁ « sud » du tibétain lho-pyogs appartient lui-même à la couche C. A la couche B2 en –aŋ :: -oŋ, on peut rajouter les onze autres noms de mois, qui doivent avoir été empruntés en même temps que toŋ-bu : japhug signification tibétain ʁɲis-pa deuxième mois gnyis-pa χsɯm-ba troisième mois gsum-pa βʑi-pa quatrième mois bzhi-pa rŋa-pa cinquième mois lnga-pa tʂɯɣ-pa sixième mois drug-pa βdɯn-pa septième mois bdun-pa βɟɤt-pa huitième mois brgyad-pa rgɯ-pa neuvième mois dgu-pa ftɕɯ-pa dixième mois bcu-pa ftɕɯ-χtɕɯɣ onzième mois bcu-gcig ftɕɯ-ʁɲis douzième mois bcu-gnyis Tableau 131 : Noms des mois (couche B) Le mot loŋ-bu-tɕʰi « éléphant » n’a pas de trace du g- du tibétain glang-po-che. On attendrait ici *ʁloŋ-bu-tɕʰi. Cette particularité se retrouve en somang laŋ-mbo-tɕhê mais 185 pas en zbu ʁlaŋ-bu-tɕhî. En fait, le somang ne possède pas de groupes tels que ʁl-, et les gl- du tibétain sont empruntés comme l- dans cette langue (autre exemple : ndza-mbu-lâŋ « le monde (Jambudvipa) » du tibétain ‘dzam-bu-gling). Il est possible donc que ce mot japhug soit un emprunt au somang ou au cogtse. Si c’est le cas, la correspondance -ang :: -oŋ peut venir en partie d’emprunts tibétains transmis par ces dialectes rgyalrong. Le mot rɤ-woŋ a comme rime de première syllabe -ɤ au lieu de –oŋ. Cette irrégularité sera abordée dans la section sur les syllabes affaiblies (3.2.3.6). Cette mise en revue des mots présentant les mêmes correspondances montre que l’on trouve deux correspondances pour la rime du tibétain –ang des couches B2 à C : -aŋ et -oŋ. On doit donc distinguer au moins quatre couches différentes (a pour –ang :: -aŋ et b pour –ang :: -oŋ), B2a, B2b, Ca, Cb. On sait par ailleurs que la rime –ing du tibétain correspond à –oŋ dans le mot ɕoŋ-tɕa tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 « matériel en bois ». Cet exemple doit appartenir à B2b ou à Cb. Le japhug a dû au cours de son histoire être en contact avec plusieurs types de dialectes, ce qui explique la complexité des groupes de correspondances. Les correspondances -ing :: -oŋ et -ang :: -oŋ sont dues à des emprunts de dialectes Amdo dont le /a/ de la rime -aŋ était postérieur et donc plus proche du /o/ du japhug, ou bien à des dialectes ayant subi un changement de –aŋ à -oŋ. 3.2.3.2 Les correspondances des rimes –od, –or, –os et –on en japhug. La voyelle /o/ du tibétain en syllabe fermée, comme on peut le constater dans le Tableau 57 et le Tableau 61, correspond aux trois voyelles /o/, /ɤ/ et /u/ en japhug. Parmi les correspondances du Tableau 61, nous avons vu en 3.2.1.1 que –og :: -ɤɣ était une correspondance de cognat et elle ne sera pas prise en compte ici. japhug signification tibétain signification kɤ-ɲɟɤt regretter ‘gyod id. ʑi-wa-rɯ-mtɕʰɤt une célébration zhi-ba ri-mchod id. fsaŋ-mtɕʰɤt fumigations bsang-mchod id. pjɤ-rgɤt vautour bya-rgod id. χtɕɤt-pa exorcisme gcod-pa id. kɯ-sa-ʁnɤt terrible gnod malheur χsɤr-ɣɤt un sutra que l’on lit pour les gser-‘od lumière dorée animaux malades mtɕʰɤt-kʰo chapelle mchod-khang id. mtɕʰɤn-mi lampe à beurre mchod-mi id. mɲi-rgɤt yéti mi-rgod id. 186 kɤ-stɤt faire l’éloge bstod id. tɯ-stɤt le haut du corps stod haut Tableau 132 : Mots présentant la correspondance od :: -ɤt (couches A et B). Parmi les mots ci-dessus, on compte un mot appartenant de façon non-ambiguë à la couche A (mtɕʰɤt-kʰo), mais les autres peuvent appartenir aussi bien à A qu’à B. La seule anomalie dans cette couche est la correspondance de kɤ-stɤt « faire l’éloge » du tibétain tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 bstod qui aurait du être *kɤ-fstɤt. japhug signification tibétain signification ɣot lumière ‘od id. kɤ-fkot établir ‘god bkod dgod khod id. mtɕʰo-rtɯn stupa mchod-rten id. pʰaʁ-rgot sanglier phag-rgod id. kɤ-pʰot oser phod id. rgon-ma jument rgod-ma id. rtsot vengeance rtsod-pa conflit, dispute tʰaʁ kɤ-tɕʰot décider thag chod id. kɤ-nɯ-tsʰɤ-tʂot avoir la fièvre tsha-drod fièvre tɯ-tsʰot heure tshod heure (Amdo), temps (tibétain classique) stot haut stod haut mtɕʰot libation mchod offrande Tableau 133 : Mots présentant la correspondance od :: -ot (couche C). Aucun dissyllabe de ce groupe de mots ne possède de correspondances nous permettant de dater la date où le changement *-ɔt Æ -ɤt s’est produit par rapport aux autres changements. japhug signification tibétain signification kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkʰɤr tourner dans le ciel bya ‘khor « oiseau » - « tourner » mkʰar-maŋ peuple ‘khor-dmangs id. tʂa-pʰɤr bol de moine grwa-phor id. kɤ-χtɤr disperser gtor id. χwɤr Hor (nom d’un pays) hor id. laʁ-ŋkʰɤr moulin à prière lag-’khor id. nɤr-wɯ trésor nor-bu id. kɤ-fskɤr contourner skor bskor faire tourner Tableau 134 : Mots présentant la correspondance -or :: -ɤr (couches A et B). 187 Nous avons montré que certains mots de cette couche doivent être classés dans B1 (mkhar-maŋ) et d’autres en B2 (laʁ-ŋkhʰɤr, kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkʰɤr). La présence de la médiane –w- dans le mot χwɤr :: hor est particulièrement intéressante. Elle montre que l’initiale χs’est labialisée avant le changement *-ɔr → -ɤr. Le mot ‘khor-lo :: mkʰɯr-lu « roue » doit appartenir ou à A ou à B1, mais il présente la correspondance –or :: -ɯr. On retrouve cette correspondance dans les mots rgyalronguiques (japhug fsomɯr, somang somôr « demain soir »), comme nous le verrons dans la section 4.2.3.5 p.256 : ils viennent d’une rime *-ur en PGR. A ces mots on peut peut-être rajouter le mot kɤ-zwɤr « brûler, tr. », un emprunt au verbe sbor sbar sbar sbor de même sens. Ce mot a subi le changement *zb- → zw- du japhug, et il pourrait permettre de savoir lequel de ces changements s’est produit en premier. Malheureusement, la rime -ɤr pourrait correspondre aussi bien au tibétain –ar tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 qu’au tibétain –or. Du fait de cette ambiguïté, ce mot ne peut pas prouver l’antériorité du changement *zb- → zw- sur *-ɔr → -ɤr. japhug signification tibétain signification kɤ-ŋkʰor arriver (honorifique) ‘khor tourner, revenir (verbe) / serviteur (nom). ŋkʰor-wa-pa paysans ‘khor-ba-pa personne vivant dans le samsara χtor-ma offrande gtor-ma id. thaʁ-ŋkʰor moulin à prière que l’on fait *thag ‘khor « corde » - « roue » tourner entre les doigts Tableau 135 : Mots présentant la correspondance -or :: -or (couche C). Le rapport sémantique entre kɤ-ŋkʰor « arriver » et le tibétain n’est pas évident, mais il vient peut-être du sens de serviteur : « être accompagné de ses serviteurs », ce qui convient à un honorifique. A travers les couches successives des emprunts tibétains en japhug, on trouve quatre syllabes différentes correspondant à la même syllabe du tibétain ’khor : mkʰɯr-, mkʰar-, -ŋkʰɤr- et -ŋkʰor. japhug signification tibétain signification tɯ-krɤs discussion gros id. jɤzɯ-lu année du lapin yos-lo id. kɤ-βgos préparer, organiser bgod bgos bgo bgos diviser, distribuer tɕʰos religion chos id. koxtɕin satin gos-chen id. 188 kɯ-na-χsos frais gso gsos id. spos encens spos id. tsʰwi teinture tshos id. Tableau 136 : Correspondances de –os en japhug Deux mots appartiennent à la couche B : gros ::tɯ-krɤs et yos-lo :: jɤzɯ-lu. Le second est particulièrement important, parce qu’il confirme que le –o du tibétain correspond à –u dans cette couche. Les cinq mots ayant la correspondance –os :: -os appartiennent à la couche C, et le mot tsʰwi « teinture » vient d’une couche isolée d’emprunts à un dialecte indéterminé de l’Amdo. Nous avons vu que les changements de /o/ à /ɤ/ propres au japhug nous permettent tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 de distinguer la couche C des couches A et B. Par ailleurs, on trouve en tout cinq cas de correspondance tibétain /o/ :: japhug /u/ en syllabe fermée : sbos :: kɯ-mbus « déborder », *kha-rbod :: kʰa-rwut « fièvre aphteuse », rgya-blon :: rɟaβlun « ministre », blon-po :: βlun-pu « ministre » et don :: tɯ-tun « but ». Nous traiterons tout d’abord les mots à rime –un. Pour placer les mots présentant la correspondance –on :: -un dans les couches A, B et C, il faut étudier les correspondances de la rime –on du tibétain dans son ensemble, mais étant donné que cette rime n’est pas reconstructible en proto-rgyalrong, on ne peut se baser que sur les données des emprunts. La rime –on du tibétain correspond à -ɯn, à –un et à –on en japhug (également à -ɤn dans un exemple isolé que nous n’inclurons pas dans notre discussion). La correspondance tibétain –on :: japhug -on est certainement la plus tardive, puisque c’est celle qui a échappé aux changement phonétiques internes au japhug. La correspondance tibétain –on :: japhug -ɯn, en revanche, est probablement due à un changement phonétique du type *-oC Æ ɯC (où C est une consonne finale, comme dans *-ot Æ -ɯt et *-ok Æ ɯɣ). Nous proposons qu’un changement *-on → -ɯn a d’abord eu lieu, si bien qu’il n’y avait plus dans la langue aucun mot à rime –on. Ensuite de nouveaux emprunts du tibétain ayant la rime –on sont entrés dans la langue. Ils ont subi le changement *-on → -un en même temps que le changement *-o → -u se produisait. Les mots de la correspondances –on :: -ɯn appartiendraient à une couche -ON1 et –on :: -un à la couche -ON2 : couche -ON1 changements -on -o exemples -ɯn -u ston-mo :: stɯn-mu 189 -ON2 *-on → -ɯn -ON3 *-o → -u **-on → -un -un -u -on -o blon-po :: βlunpu Tableau 137 : Hypothèse correcte sur l’évolution de la rime –on. Il n’est pas possible d’interpréter ces données en proposant que *-o → -u a eu lieu avant *-on → -ɯn. Dans l’autre cas où *-o → -u se serait produit en premier (hypothèse 2) on devrait en effet trouver des mots ayant à la fois les correspondances –on :: -ɯn et –o :: -o, mais il ne devrait pas y avoir de mots ayant à la fois la correspondance –on :: -un et –o :: -u. On trouve deux contre-exemples de ce type : les mots bon-po :: pɯnpu « Bonpo » et ston-mo :: stɯn-mu « mariage ». couche changements tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 -ON1 -ON2 *-o → -u -ON3 *-on → -ɯn *-on → -un -on -o -un -u -ɯn -o -on -o Tableau 138 : Hypothèse incorrecte sur l’évolution de la rime –on. La rime –on du tibétain pourrait ne pas être la seule rime en syllabe fermée à avoir subi le changement *o → u. Les mots *kha-rbod :: kharwut « fièvre aphteuse » et sbos :: kɯ-mbus « déborder » devraient appartenir à la même couche ON2 selon notre hypothèse 1, même si ces deux mots sont problématiques : ils sont supposés venir de mots tibétains non-attestés. Nous n’avons en revanche aucun exemple de correspondance –or :: -ur dont notre analyse prédit l’existence. La couche ON3 correspond à la couche C, mais il n’est pas possible de déterminer si les couches ON1 et ON2 recouvrent plutôt les couches A, B1 ou B2. 3.2.3.3 Les correspondances de la rime –o Comme nous l’avons montré dans le Tableau 57 et le Tableau 60, la rime –o du tibétain correspond à –o, à –u ainsi qu’à -ɤ dans certaines premières syllabes de dissyllabes. Nous avons proposé que cette différence de correspondance était due à un changement *-o → -u : les mots empruntés avant ce changement correspondent au japhug –u (couches A et B), et ceux empruntés après correspondent au japhug –o (couche C)58. 58 Il est possible toutefois que certains de ces mots viennent d’emprunts récents de dialectes tibétain de l’Amdo ayant subi le changement –o > -u ; si c’est le cas, il doit s’agir d’emprunt très récents. En effet, s’il s’agissait d’emprunts anciens à ces dialectes tibétains, on devrait observer une correspondance tibétain classique –o :: japhug de kɤmɲɯ -ɯ, car le japhug de kɤmɲɯ (et non les autres dialectes du japhug) a 190 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug signification tibétain signification mdzu-zga attelage mdzo-sga selle pour yak hybride mtʰu-ri feu mon père mtho-ris monde céleste (! sens) loŋ-bu-tɕʰi éléphant glang-po-che id. ŋgu-mdʑɯɣ dirigeant ‘go-mjug du début à la fin (! sens) tsʰu-pa villageois tsho-pa id. bdaʁ-pu hôte bdag-po maître βlun-bu ministre blon-po id. pɯn-pu Bonpo bon-po id. kɤ-βzu faire bzo bzos fabriquer kɯ-rɯ-ɕaŋ-βzu artisan shing-bzo-ba id. tɕʰɯ-rdu galet chu-rdo id. toŋ-bu premier mois dang-po premier kɤ-rŋu faire griller rngo brngos id. kɤr-pu chaux dkar-po id. kɤ-χsu élever gso gsos id. laʁ-zu type d’offrande lag bzo « fait avec les mains » kɯ-mtʰu trop haut (coup de fusil) mtho-ba haut kɤr-ŋu première période du mois dkar-ngo id. naʁ-ŋu seconde période du mois nag-ngo id. tɯ-pʰoŋ-bu corps phung-po id. stɯn-mu mariage ston-mo banquet piwa-lu année 1 (rat) byi-ba-lo id. ʁlaŋ-lu année 2 (bœuf) glang-lo id. staʁ-lu année 3 (tigre) stag-lo id. jɤzɯ-lu année 4 (lièvre) yos-lo id. mbrɯɣ-lu année 5 (dragon) ‘brug-lo id. zbri-lu année 6 (serpent) sbrul-lo id. rta-lu année 7 (cheval) rta-lo id. lɯɣ-lu année 8 (mouton) lug-lo id. subi un changement *-u > -ɯ (voir section 4.2.2.3) : ces mots auraient donc dû avoir été empruntés après ce changement. Les deux seuls mots ayant la correspondance tibétain –o :: japhug -ɯ en fin de mot (srin-mo :: srɯnmɯ « démone » et jo-mo :: tɕɤmɯ « nonne ») sont en revanche peut-être des emprunts à des dialectes tibétains ayant subi le changement –o > -u (on doit supposer l’évolution srin-mo > *srinmu, emprunté comme *srinmu à un stade du proto-japhug, puis *srinmu > *srɯnmu > srɯnmɯ en japhug de kɤmɲɯ). Il existe aussi quelques exemples de mots ayant la correspondance –o :: -ɯ en première syllabe de dissyllabe (voir Tableau 148). 191 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 spri-lu année 9 (singe) sprel-lo id. pja-lu année 10 (coq) bya-lo id. kɕi-lu année 11 (chien) khyi-lo id. pʰaʁ-lu année 12 (cochon) phag-lo id. rgɤt-pu viellard rgad-po id. rgɤn-mu viellarde rgan-mo id. rɟa-wu barbe rgya-bo id. rɯ-mu dessin ri-mo id. kɯ-sɲu fou smyo id. soʁ-pu mongol sog-po id. ʑu yaourt zho id. mbaʁ-ŋgu masque ‘bag-mgo id. Tableau 139 : Mots présentant la correspondance -o :: -u (couches A à C1). Cette correspondance est très bien représentée mais également très diverse. On note de nombreux mots de la couche B (ston-mo :: stɯn-mu, bon-po :: pɯn-pu ainsi que les douze noms des années, étant donné que l’un de ces noms, yos-lo :: jɤzɯ-lu présente la correspondance –os :: -ɤs). Un mot appartient de façon non-ambiguë à la couche ON2 (blon-po :: βlun-bu « ministre »). japhug signification tibétain signification ɬo-pɕoʁ sud lo-phyogs id. mtsʰo-ʁloŋ animal mythique mtsho-glang hippopotame pʰo-βraŋ palais pho-brang id. pʰo-roʁ Corvus macrorhyncos pho-rog corbeau ɬaχpo avoir lhag-po le reste ‘bo id. envie d’accomplir qqch sans pouvoir le faire (adverbe) po boisseau Tableau 140 : Mots présentant la correspondance -o :: -o (couche C2). La couche C contient également les autres points cardinaux (byang-phyogs :: pjoŋ-pɕoʁ « nord », nub-phyogs :: nɤβ-pɕoʁ « ouest » et shar-phyogs :: ɕɤr-pɕoʁ « est ») qui ont dû avoir été empruntés en même temps que ɬo-pɕoʁ. 192 3.2.3.4 Les correspondances de la rime –am La rime –am du tibétain correspond à –am, -ɤm et –om en japhug. En raison du manque de dissyllabes, il est difficile de classer ces rimes dans les couches A, B et C. Toutefois, on doit noter que tous les mots en –am :: -am sont des emprunts, et un tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 changement *-am → -om doit être postulé entre le proto-rgyalrong et le japhug. japhug signification tibétain signification nɤm-kʰa ciel nam-mkha id. ʁnɤm-jaŋ plafond gnam-yangs id. ɯ-ɲɤm chair nyam force tɕʰɯ-ɕrɤm peau de loutre chu-sram loutre kɯ-ndʑɤm tiède ‘jam-po id. ʑim-kʰɤm le monde entier, domaine zhing-khams domaine tɕʰɯ-rtsɤm un type de rTsam-pa chu-rtsam id. Tableau 141 : Mots présentant la correspondance -am :: -ɤm (couche indéterminée). Deux dissyllabes du tableau ci-dessous nous donnent quelques indications sur les couches où l’on trouve cette correspondance : zhing-khams :: ʑimkʰɤm a dû être emprunté avant *ŋkʰ- → mkʰ- et doit donc appartenir à A ou à B1, et gnam-yangs ::ʁnɤm-jaŋ doit appartenir à B ou C, après le changement *-aŋ → -o. Il n’est toutefois pas possible, sur la base de deux exemples, de conclure que l’ensemble des mots ayant cette correspondance appartiennent à B1. japhug signification tibétain signification rkɤ-snom pantalon rkang-snam id. kɤ-rɤ-ntɕʰom danse bouddhique ‘chams id. kɤ-rɤ-ntsʰom faire une retraite mtshams retraite tɕʰom-ba rhume cham-pa id. mbar-kʰom la ville de ‘Bar-khams ‘bar-khams id. Tableau 142 : Mots présentant la correspondance -am :: -om (couche indéterminée). Le fait que le nom même de ‘Bar-khams appartienne à cette couche montre que le changement de *-am à –om du proto-rgyalrong en japhug s’est opéré après que cette ville a été fondée. 193 japhug signification tibétain signification kʰram-ba escroc khram-ba id. tɯ-rnam-ɕɤs âme rnam-shes id. spoŋ-sram un mammifère indéterminé *spang-sram « loutre des prairies » tʰam-tʰam maintenant tham-tham id. tʰam-tɕɤt complètement tham-cad id. Tableau 143 : Mots présentant la correspondance -am :: -am (tardive). Ces mots ont été empruntés après le changement *-am → -om. Ce sont donc en principe les emprunts les plus récents, bien que le manque de dissyllabes nous empêche de les classer dans nos couches ABC selon des critères plus explicites. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 3.2.3.5 Les correspondances des rimes -ad, -ar et –as Un problème non résolu est la correspondance du tibétain /a/ dans les syllabes fermées. Comme nous l’avons présenté dans le Tableau 62, il existe quatre rimes tibétaines dont le /a/ correspond parfois à /a/, parfois à /ɤ/ en japhug : -am, -ad, -ar et –as. Les correspondances de –am venant de faire l’objet d’une étude spéciale ci-dessus, nous n’aborderons que les trois dernières. La phonologie historique du japhug ne peut pas nous aider pour comprendre l’histoire de ces rimes, car en raison des fonctions morphologiques de l’alternance /a/ ~ /ɐ/ dans les dialectes somang et zbu, les correspondances sont difficiles à établir pour ces rimes. Les correspondances /a/ :: /ɤ/ sont plus courantes que les correspondances /a/ :: /a/ pour les trois rimes. Voici le nombre d’exemples par correspondance : tibétain -ar -ad -as correspondance /a/ :: /a/ 7 1 2 correspondance /a/ :: /ɤ/ 19 13 10 Tableau 144 : Nombre d’exemples par correspondance pour les rimes –ar, -ad, -as du tibétain. Les exemples d’emprunts ayant une correspondance en /a/ sont regroupés dans le tableau Tableau 145 : japhug signification tibétain signification jamar à peu près yar-mar id. tɤ-mar beurre mar id. tar-tɕin grand drapeau dar-chen id. 194 mbar-kʰom la ville de ‘Bar-khams ‘bar-khams id. lɤ-sar nouvel an lo gsar id. kɤ-tar se développer dar-ba se répandre, se développer ʁjar-sa pâturages d’été dbyar-sa id. ras tissu ras id. tɯ-las chance las action, karma, chance tat-pa foi dad-pa id. Tableau 145 : Emprunts ayant la correspondance /a/ :: /a/ en syllabe fermée. Le fait que les correspondances /a/ :: /ɤ/ en syllabe fermée soient plus courantes que /a/ :: /a/ ne nous aide pas pour classer ces correspondances en terme de couches. Le manque de dissyllabes dans les mots du Tableau 145 nous empêche de donner un tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 jugement. Parmi les mots ayant /a/ :: /ɤ/ en syllabe fermée, on trouve cinq dissyllabes nous permettant de comparer cette correspondance avec les couches déjà établies : japhug signification tibétain signification kɤr-pu chaux dkar-po blanc kɤr-ŋu seconde partie du mois dkar-ngo id. saŋ-rɟɤs Bouddha sangs-rgyas id. ɕɤr-pɕoʁ est shar-phyogs id. mkʰɤrŋa gong ‘khar-rnga id. Tableau 146 : Dissyllabes ayant la correspondance /a/ :: /ɤ/ en syllabe fermée et une autre correspondance importante. Les deux premiers exemples peuvent appartenir aux couches A à B, et saŋrɟɤs doit être postérieur à A, et donc appartenir à une couche B ou C. ɕɤr-pɕoʁ :: shar-phyogs « est », doit quant à lui appartenir à la couche C, car parmi les quatre points cardinaux lo-pɕoʁ :: lo-phyogs « sud » appartient à cette couche. Le dernier, mkʰɤrŋa :: khar-rnga, enfin, doit appartenir à A ou à B1. 3.2.3.6 Syllabes affaiblies Nous avons vu dans le Tableau 60 que les voyelles –a, -e et –o peuvent correspondre à -ɤ dans la première syllabe d’un dissyllabe. L’exemple rɤ-woŋ « responsabilité » de rang-dbang « liberté » montre que même la rime –ang peut correspondre à cette voyelle. De même, -i peut correspondre à -ɯ, et dans le dissyllabe zhi-ba ri-mchod :: ʑi-wa-rɯ-mtɕʰɤt « un type de cérémonie » on remarque une exception 195 étonnante au principe de cohérence : la voyelle /i/ du tibétain correspond à –i dans une des syllabes et à -ɯ dans l’autre. Cet ensemble de phénomènes nous force à admettre que ces correspondances irrégulières ne sont pas dues uniquement à des changements phonétiques. Il existe en effet en japhug un processus morphologique, la formation de l’état construit, par lequel la rime de la première syllabe d’un dissyllabe devient -ɤ ou -ɯ pour marquer la relation entre les deux syllabes. Par exemple : sɯ-ku « sommet de l’arbre » de si « arbre » et tɯ-ku « tête ». tɤ-ɕɤ-ɣrum « orge blanc », de tɤ-ɕi « orge » et ku-ɣrum « blanc ». Ce procédé n’est jamais systématique. On peut composer des mots composés sans y avoir recours. Sun (1998a : 109) a noté un phénomène similaire en tshobdun. Une explication possible pour les correspondances faisant intervenir -ɤ et -ɯ dans la tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 première syllabe d’un dissyllabe serait que le processus d’état construit aurait été appliqué à la première syllabe. japhug signification tibétain signification rkɤ-snom pantalon rkang-snam id. rɤ-woŋ responsabilité rang-dbang liberté praʁ ɬɤ-rɲaŋ falaise brag lha rnying « falaise des dieux anciens » kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkʰɤr tourner dans le ciel bya ‘khor « oiseau » -- « tourner » pjɤ-rgɤt vautour bya-rgod id. ʁlɤ-wur soudain glo-bur-du id. sɤ-grɤl frontière sa-gral id. tɕɤ-mɯ nonne jo-mo id. kʰɤ-ndɯn lecture de sutras kha-’don id. ɬɤ-ftsɤs endroit sur le toit où l'on lha ?? plante un rlung-rta et où l'on élève un tas de silex lɤ-sar nouvel an lo-gsar id. rdɤ-mbɯm tas de pierre rdo-’bum id. rɟɤ-skɤt escalier rgya-skas escalier chinois rɟɤ-tsʰa plaque de sel rgya-tshwa sel chinois rnɤ-βʑi casserole à rna-bzhi « quatre oreilles » quatre poignées rnɤ-jɯ boucle d’oreille rna-yu id. rtɤ-ltɕaʁ fouet à cheval rta-lcags id. sɤ-pɕoʁ endroit sa-phyogs id. 196 sɤ-stoŋ endroit vide sa-stong id. sɤ-ʑaŋ champs sa-zhing id. tsʰɤ-mbɤr grande lampe à beurre *tsha-’bar kɤ-nɯ-tsʰɤ-tʂot avoir la fièvre tsha-drod fièvre Tableau 147 : Emprunts ayant -ɤ comme première syllabe de dissyllabe. Pour quelques-uns de ces exemples, on peut admettre que le vocalisme irrégulier de la première syllabe est dû à une resyllabification : dans rta-lcags :: rtɤltɕaʁ « fouet à cheval », le tibétain rta-lcags serait devenu *rtal-cags, forme qui donne régulièrement le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug rtɤltɕaʁ. japhug signification tibétain signification mdʐɯ-ɕɯɣ punaise ‘dre-shig id. kʰrɯ-tsu dix mille khri-tsho id. cʰɯ-sɲu rage khyi-smyo id. lɯ-toʁ récolte lo-tog id. mdzɯ-mɤr bovidé brun mdzo-dmar yak hybride rouge mdzɯ-kɤr bovidé blanc mdzo-dkar yak hybride blanc mɯ-tɕʰɯ-mɯ-rɯs toute sorte de *mi chi mi rigs mɯ-ndʐa-mɯ-χtɕɯɣ toute sorte de mi-’dra-mi-gcig id. rɯ-mu dessin ri-mo id. rtsɯ-dʐɯɣ compte rtsi-sgrig id. rtsɯ-ɕaŋ plante rtsi-shing id. mpʰrɯ-mdɯt groupe de neufs nœuds *’phreng mdud nœuds en guirlande ʑi-wa-rɯ-mtɕʰɤt un type de cérémonie zhi-ba ri-mchod id. Tableau 148 : Emprunts ayant -ɯ comme première syllabe de dissyllabes. Dans le tableau ci-dessus, nous n’avons pas inclu les syllabes en –u, qui correspondent à -ɯ de façon régulière. Parmi les cas de –i correspondant à -ɯ, une partie vient probablement de dialectes Amdo où le changement -i → -ə s’était produit, comme rtsɯ-ɕaŋ « plante » par exemple. Pour le cas de mpʰrɯ-mdɯt, voir la tentative d’explication en 3.1.3.1. Le processus par lequel des composés déjà formés en tibétain ont pu subir un procédé morphologique propre au japhug n’est pas clair. 197 3.2.3.7 Formes non-attestées en tibétain classique. Le japhug a emprunté des mots de dialectes tibétains dont certains mots n’ont pas, à ma connaissance, été écrits en tibétain classique. Dans ce chapitre, lorsqu’un tel mot était cité, nous avons écrit la forme tibétaine hypothétique avec une astérique. Certains mots sont des formes légèrement différentes de mots attestés en tibétain classique. Dans d’autres cas, il s’agit de composés sans équivalent ailleurs. tibétain forme signification classique hypothétique de la forme japhug signification du japhug hypothétique khrims-khang *mkhrims-khang prison mkʰrɯm-kʰaŋ prison (Amdo), tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tribunal (tibétain classique) phag ze poil de cochon pʰaʁ-rzi id. rkang gcig pa *rkang rgyal « pied » - « roi » rkoŋ-ɟɤl démon à un pied sga-skya *skya-sga gingembre tɕa-zga id. *skyag-gtong « jeter de rca-χtoŋ une insulte kɯ-fkra-χsɤl voir clair mɯ-tɕʰɯ-mɯ-rɯs toute sorte de mpʰrɯ-mdɯt groupe de neufs *phag-rdze l’excrément » *bkra gsal « bariolé et clair » *mi chi mi rigs *’phreng mdud « nœuds en guirlande » *thag ‘khor nœuds « corde » - « roue » thaʁ-ŋkʰor moulin à prière que l’on fait tourner entre les doigts *spang sram « loutre des spoŋ-srɤm pâturages » bya ‘khor « oiseau » un mammifère non identifié - kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkʰɤr « tourner » tourner dans le ciel, ruminer sur une idée *sgar-shing zgɤr-ɕaŋ « tente » – « bois » perche qui sert à dresser la tente *’tshog zangs « rassembler » - mtsʰoʁ-zaŋ « cuivre » bassine en cuivre pour faire bouillir le thé pour les moines *kha rbod « bouche » kha-rwut fièvre aphteuse « malédiction » 198 *gong bdag « supérieur » - kʰoŋ-daʁ ancêtre ŋgu-ʁar tissu de laine « maître » *’go (snam) bal « tissu » « laine » Tableau 149 : Emprunts japhug de formes tibétaines non-attestées dans la langue classique. On doit y rajouter deux verbes, kɤ-βzgɤr et kɯ-mbus, qui requièrent une discussion spéciale. Le verbe kɤ-βzgɤr « envahir, retarder » vient de deux verbes tibétain non-attestés dans les textes : une forme *sgor-ba, dérivée par préfixe s- de ‘gor-ba « retarder », et dont la forme passée ou future serait *bsgor. Une telle forme donnerait régulièrement la forme attendue βzgɤr en japhug d’après les règles qui nous avons établies. L’autre origine de ce verbe en tibétain est un deuxième verbe non-attesté, *sgar-ba tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 « envahir », signifiant originellement « planter son campement » (sgar ‘debs en tibétain classique). Il s’agirait d’une dérivation verbale du nom sgar « campement » du tibétain classique. La forme passée ou future de ce verbe serait préfixée de b-, d’où *bsgar, forme d’où il est aussi possible de dériver régulièrement βzgɤr. Le verbe kɯ-mbus « déborder » doit être le dérivé d’une forme non attestée en tibétain classique *’bos, apparentée au tibétain classique sbos « déborder ». La correspondance de la rime –os :: –us au lieu de –os :: -ɤs pourrait indiquer qu’il s’agit d’un emprunt de la couche ON2, donc antérieur à C ; mais il est aussi possible que ce mot soit un cognat plutôt qu’un emprunt. Ces exemples semblent contredire le principe d’utiliser les préinitiales inexplicables par le tibétain classique comme critère pour distinguer cognats et emprunts (voir la section 3.2.1.3). En fait, tous les mots du Tableau 149 sont des dissyllabes, ce qui montre qu’il ne pourrait s’agir de cognats. Pour kɤ-βzgɤr, la forme même de la racine (présence de l’antépréinitiale w-) montre qu’il ne peut s’agir d’un cognat. En conclusion, si une forme japhug n’est pas entièrement réconciliable avec le tibétain, on peut montrer malgré tout que c’est un emprunt si l’on dispose d’un argument fort pour le démontrer (bisyllabisme, innovation propre au tibétain) ou que l’on est en mesure de prouver qu’il s’agit d’une corruption du mot originel (voir 3.2.1.3.1 et 3.2.1.3.5). 3.2.4 Conclusion L’étude systématique des emprunts au tibétain en japhug nous a permis de proposer des critères pour distinguer cognats et emprunts. Même s’il subsiste un doute pour certains mots lorsque les correspondances des emprunts et des cognats sont semblables ou que les emprunts sont proto-rgyalronguiques, l’étude de la phonologie historique des 199 langues qianguiques permettra dans le futur d’y répondre. Les emprunts nous fournissent également des informations précieuses sur les changements phonétiques, nous permettant de dater et d’ordonner chronologiquement ces changements, ce que la phonologie historique des langues rgyalronguiques seule ne tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 permet pas. 200 4 Phonologie historique du japhug La phonologie historique des langues rgyalronguiques est un sujet d’une grande complexité, et il ne sera pas possible ici de procéder à une reconstruction complète du proto-rgyalrong. Nous reconstruisons ici une proto-langue idéalisée, où les distinctions présentes en japhug sont projetées sous la forme qu’elle pouvaient avoir en proto-rgyalrong. Nous incluons certaines distinctions que le japhug a perdues sans laisser de trace, dans la mesure où nous sommes certains de la reconstruction, et qu’elles permettent de rendre plus harmonieux le système : par exemple, la médiale *w a selon tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 nous disparu après les vélaires en japhug, ne laissant de trace qu’en zbu, mais nous la reconstruisons en PGR sur la base du zbu car la médiane *w a laissé une trace en japhug après les dentales, et nous ne voulons pas reconstruire un système aberrant où cette médiane ne se retrouverait qu’après les dentales. Cette proto-langue sera appelée proto-rgyalrong restreint (PGR). Cette reconstruction n’est pas à confondre avec le proto-japhug, car elle est basée davantage sur la comparaison avec les autres branches du rgyalronguique que sur les variétés de japhug. En effet, la diversité des dialectes japhug est trop réduite pour parvenir à reconstruire le système ancien. Nous avons toutefois pris en compte systématiquement cette variété dans notre système. Le PGR ne représente pas un état de langue synchronique, car certaines parties de la reconstruction peuvent être plus anciennes que d’autres. C’est toutefois un modèle qui permet de comprendre la phonologie historique du japhug, et c’est dans cet esprit que nous avons réalisé cette reconstruction. Dans le précédent chapitre, nous avons étudié la stratification des emprunts et des cognats entre le tibétain et le japhug. Comme la phonologie historique et l’étude des emprunts sont deux domaines intimement liés, nous avons été obligé d’utiliser dans le chapitre précédent des conclusions tirées du présent chapitre. Pour éviter tout risque de circularité, nous exclurons les emprunts de notre présent travail sur la phonologie historique, et nous ne nous servirons pas des mots japhug cognats avec le tibétain pour établir des changements phonétiques : aucune règle phonologique entre PGR et japhug ne sera proposée sur la seule base d’un mot ayant un rapport au tibétain. Nous ne nous servirons pas ici des adjectifs / adverbes expressifs, même si une partie d’entre eux est peut-être héritée du proto-rgyalrong, car cette classe de mots est mal décrite dans les sources publiées, et nous n’avons pas effectué une recherche extensive sur cette classe de mots dans d’autres langues que le japhug de kɤmɲɯ. 201 Il existe peu de langues rgyalronguiques bien décrites. A part le dialecte oriental de So-mang tiré du dictionnaire de Huang et Sun (2002) et du travail de Hsie (1999) et Lin (2000) sur le rgyalrong oriental de Cog-tse, aucune travail publié sur une langue rgyalronguique ne donne suffisamment d’information pour être employée dans ce travail. En particulier, nous avons renoncé à nous servir des données de Duoerji (1998) sur la langue de dGe-shi-rtsa. Lorsque pour un exemple particulier nous employons le dialecte de Cog-tse plutôt que celui de So-mang, nous indiquons après le mot en question HFF (Hsie Fengfan 1999) ou LYJ (Lin You-jing 2000). Nous employons parfois ces données plutôt que celles du dictionnaire de Huang et Sun pour plusieurs raisons : premièrement, il manque certains mots importants dans ce dictionnaire, deuxièmement certaines distinctions n’y sont pas transcrites (notamment les oppositions entre palatales et palato-alvéolaires et entre /a/ et /ɐ/). Comme le somang et le cogtse sont deux dialectes tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 très proches (plus proches l’un de l’autre que le japhug de kɤmɲɯ ne l’est de celui de gSar-rdzong), l’emploi de plusieurs dialectes différents ne pose pas de problème pour la mise en évidence des correspondances. Dans les rares cas où le cogtse et le somang diffèrent, nous avons indiqué les formes des deux dialectes. Nous avons travaillé sur un nombre important de dialectes japhug à part celui de dDong-brgyad de kɤmɲɯ, nous disposons de données sur les parlers de gDong-brgyad des hameaux de mɤŋi, rqaco, mɤrʑa, smɯlju et le dialecte de gSar-rdzong de ɬajaʁ. Lin You-jing nous a également prêté ses notes de terrain sur le dialecte japhug de Da-tshang. En dehors du japhug, nous avons recueilli un lexique de la langue de zbu (dialecte de fkərsə̂m). Notre travail de terrain sur le zbu a été limité à un mois, les données présentées dans ce travail sont de nature préliminaire, car elles peuvent contenir des erreurs. Nous nous sommes limité dans cette étude à trois dialectes japhug : z kɤmɲɯ (forme citée de façon prioritaire si aucune autre information n’est donnée) z gSar-rdzong z Da-tshang (ces données nous ont été aimablement communiquées par Lin You-jing) Par ailleurs, nous ne nous sommes servi que de deux langues en dehors du japhug z rgyalrong oriental (somang et cogtse) z zbu Dans ce travail, nous étudierons les rimes et les initiales pour lesquelles la comparaison avec le rgyalrong oriental (somang et cogtse) et le zbu est possible. Une partie des initiales et des rimes n’étant attestée que dans les emprunts au tibétain et les mots expressifs, elles ne seront pas prises en compte dans ce chapitre. Tous les autres mots seront systématiquement inclus. Toutefois, étant donné le caractère préliminaire de notre travail sur le zbu et le fait que nous employons des données de seconde main sur le 202 rgyalrong oriental, il est certain que nous n’avons pas pu rassembler l’ensemble des cognats de ces deux langues avec le japhug. Dans de nombreux cas, notamment avec les groupes de consonnes, nous n’avons trouvé qu’un seul exemple pour étayer nos reconstructions : ces reconstructions basées sur un seul exemple doivent donc être considérées avec précaution. Aucune section spéciale ne sera consacrée aux médianes : les problèmes concernant cette position dans la syllabe seront étudiés soit dans la section sur les rimes, soit dans celle sur les initiales. Cette comparaison nous permettra de reconstruire une partie des changements phonologiques du PGR. En dehors du rgyalronguique, nous nous servirons du birman et du chinois archaïque comme points de repère car ces langues conservent les consonnes finales mieux que les langues rgyalronguiques actuelles. Dans d’autres cas, nous tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 emploierons le tangoute et le pumi59 qui sont plus proches du rgyalrong. Notre travail sur la reconstruction est divisé en trois parties : z L’accent tonal (une brève section où nous montrerons l’absence de cette catégorie phonologique en japhug). 4.1 z Les rimes du japhug (résumé des correspondances p.266). z Les initiales du japhug (résumé des correspondances p.332). Accent tonal On sait qu’il existe un accent tonal dans la plupart des langues rgyalronguiques, mais aucune trace de phénomènes similaires ne peut être détectée en japhug : on ne trouve ni accent lexical, ni occlusive glottale finale phonologique dans aucun dialecte japhug en considération. Les accents ne seront donc pas reconstruits en PGR, mais ils ont certainement existé en proto-rgyalronguique. Toutefois, étant donné que nous faisons usage de données du zbu et du somang qui ont des systèmes d’accent tonal, il nous a semblé important d’expliquer ici nos notations. Comme l’a montré Sun (2000b, 2002), en zbu, lorsque l’accent tombe sur la dernière syllabe en syllabe ouverte, on trouve un contraste entre des rimes glottalisées (que nous notons -ʔ comme dans tə-ɣbeʔ « joue ») et non-glottalisées (que nous notons par un ton tombant -^ comme dans rgonbê « monastère »). En syllabe fermée, l’opposition est entre ton haut (que nous notons par un accent aigu comme dans rgɐ́m « boîte ») et ton tombant 59 Nos données tangoutes sont tirées du dictionnaire de Li Fanwen (1998), mais nous utilisons la reconstruction de Gong Hwang-cherng, en indiquant le ton et le numéro de la rime. Nos données du pumi viennent de Huang et al. (1992), mais aussi de Lu (1998). Le numéro indiqué après le signe # en tangoute est la référence dans le dictionnaire de Li Fanwen pour permettre au lecteur une vérification immédiate. 203 (que nous notons avec un accent circonflexe comme dans skɐ̂m « bœuf à viande »). Enfin, l’accent tombe parfois sur une autre syllabe que la dernière comme dans le mot ʁɐ́ltə « vent », auquel cas nous notons la syllabe acccentuée avec un accent aigu. En somang et en cogtse, il existe un système d’accent tonal similaire à celui que nous venons de décrire pour le zbu, comme l’a montré Hsie (1999) pour le cogtse : on distingue deux tons (plat glottalisé et tombant) lorsque l’accent porte sur la dernière syllabe du mot, et aucune distinction lorsque l’accent tombe sur une autre syllabe que la dernière. Dans leur dictionnaire du somang, Huang et Sun notent sur la dernière syllabe des mots une opposition entre trois tons : 55, 53 et 33. Une comparaison avec les données de Hsie (1999) sur le cogtse montre que ce que Huang et Sun notent 55 et 53 correspondent au ton tombant de Hsie, que que ce qu’ils notent 33 correspond au ton plat glottalisé de Hsie. Il ne semble pas que l’opposition entre 55 et 53 représente une tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 distinction réelle dans aucune variété de somang ou de cogtse : c’est une transcription inconsistante. Aussi, pour faciliter la lecture, nous avons retranscrit les tons des données du dictionnaire de somang de Huang et Sun (2002) dans la notation utilisée par Hsie (1999) et Lin (2001) dans leur travail sur le cogtse. Etant donné que le somang et le cogtse sont des dialectes très proches, cette adaptation ne pose aucun problème. Les correspondances des catégories tonales entre le somang et le zbu ne sont pas entièrement régulières. Une des raisons pour certaines irrégularités est que la morphologie verbale dans ces deux langues fait intervenir des alternances tonales (Sun 2000a, Lin 2003). 4.2 Rimes du japhug Parmi les rimes du japhug moderne, seule une partie provient de mots hérités du proto-rgyalrong. Nous reproduisons ci-dessous dans le Tableau 150 les rimes du japhug de kɤmɲɯ tirées du chapitre sur la phonologie, où les rimes rares et marginales sont indiquées entre parenthèses. 204 Labiales -p -a- Apicales Laminale -β -m -t -n -s -l -r -aβ -am -at -an -as (-al) -ar -e- Dorsales -j -ɣ -ʁ -ŋ (-aɣ) -aʁ -aŋ -oʁ -oŋ (-et) -ɤ- -ɤβ -o- -ɤm -ɤt -ɤn -ɤs -ɤl -ɤr -ɤj -om -ot -on -os (-ol) -or (-oj) (-it) (-in) (-is) (-il) -ɯm -ɯt -ɯn -ɯs -ɯl -um (-ut) (-un) (-us) -i-ɯ- (-ɯp) -ɯβ -u-y- -ɤɣ (-ij) -ɯr -ur -ɯɣ (-uj) -ɯŋ (-uɣ) (-yt) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 150 : Rimes du japhug moderne. Certaines consonnes finales du japhug ne se retrouvent quasiment jamais dans des mots cognats avec d’autres langues rgyalronguiques. C’est le cas de -p, de -l, de -n, de -ŋ et de -j. Si l’on exclut les adjectifs expressifs, on ne trouve que les exemples suivants dans le Tableau 151 : japhug sens somang / cogtse kɤ-rŋil faner kə-ɲál kɯ-mkʰrɯn avare kə-mkʰrə̂ŋ HFF kɯ-rkaŋ robuste kə-rkaŋ kɤ-sɤ-luj recouvrir ka-sə-lî HFF Zbu kɐ-sə-ɣliʔ complètement tɤ-muj plume kɤ-wij fermer les ta-mŋí yeux tɤ-ɣmbɤj ki-ɣmbɐ́-vɐ face d’une montagne kɤ-nɯ-mqɤj se disputer kɐ-mqɐʔ, mqʰiʔ qɤj blé qɐʔ kɤ-rɤ-lɤj pétrir la pâte kɐ-lniʔ sɤjku bouleau sí Tableau 151 : Mots rgyalronguiques ayant les finales -j, -l, -n et -ŋ en japhug. Nous ne proposerons pas de reconstruction pour ces mots. Nous parlerons du mot kɯ-rkaŋ « robuste » dans la section sur le -o du japhug. La rime -ɤj sera étudiée dans la 205 section sur les rimes en syllabe ouverte à voyelles antérieures (4.2.1.3). Le cas de tɤ-muj sera abordé dans la section 4.3.2.1. Les mots en syllabe fermée avec /o/, à part -om et -oʁ, sont excessivement rares parmi les mots reconstructibles ; on ne trouve que les trois exemples indiqués dans le Tableau 152 : japhug sens tsɯʁot Somang faisan (Phasianus ɕi-rû Zbu tsə́-χoχ colchicus) tɤ-scos lettre ta-scós kɤ-ntɕʰos utiliser ka-ptɕʰô kɐ-ntɕʰɐʔ, ntɕʰiʔ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 152 : Mots rgyalronguiques ayant les rimes -os et -ot en japhug. Le mot pour le faisan est complètement irrégulier, c’est un mot expressif comme d’autres noms d’oiseau. Les exemples en -os seront abordés dans la section sur la rime -o du japhug. Par ailleurs, aucun des mots communs aux langues rgyalronguiques n’a -am en japhug. Pour ces raisons, nous limiterons notre travail aux rimes indiquées dans le tableau Tableau 153 : -β -a- -m -aβ -t -s -r -at -as -ar -ɤt -ɤs -ɤr -ɣ -ʁ -j -aʁ -e-ɤ- -ɤβ -ɤm -ɤɣ -ɤj -i-o-ɯ-u- -om -ɯβ -ɯm -um -oʁ -ɯt -ɯs -ɯr -ɯɣ -ur Tableau 153 : Rimes du japhug étudiées dans ce chapitre. Les finales -β, -ɣ et -ʁ du japhug remontent à des occlusives *-p, *-k et *-q en PGR. Leur prononciation est variée dans les dialectes japhug. A kɤmɲɯ, ces finales sont voisées comme l’indique la transcription. La finale que nous notons -ʁ est en fait une pharyngale dans cette langue. A gSar-rdzong, une occlusive -p correspond au -β de kɤmɲɯ, et des fricatives sourdes -x et -χ aux fricatives sonores -ɣ et -ʁ de kɤmɲɯ. Les finales -ɣ et -ʁ sont en distribution complémentaire dans le dialecte de kɤmɲɯ (à 206 l’exception du mot ʑaraɣ « gén. 3p »), mais comme nous allons le montrer, ce n’était pas le cas en PGR. 4.2.1 Rimes du japhug en syllabe ouverte : voyelles antérieures et -a Il y a sept voyelles en japhug de kɤmɲɯ, et elles sont toutes attestées en syllabe ouverte. Parmi les rimes héritées du proto-rgyalrong, on peut remarquer que certaines voyelles apparaissent presque uniquement en syllabe ouverte (si l’on met de côté un exemple du Tableau 151) : les voyelles antérieures /i/, /e/ et /y/. En revanche, la voyelle /ɤ/ n’apparaît jamais en syllabe ouverte. Dans cette section, nous traiterons des rimes ouvertes –a, -e et –i du japhug et de leurs correspondances avec les autres langues tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 rgyalronguiques. 4.2.1.1 Rime -a du japhug Le Japhug -a correspond quasiment toujours à –a ou -ɐ en rgyalrong oriental (somang), mais il correspond à six rimes différentes en zbu : -e, -ie, -i, -ɐ, -ʌ et -a. Nous présenterons ici les données en trois parties : z Les cas où le japhug -a correspond à -a en somang et à des voyelles antérieures en zbu (-i, -e, -ie) (Tableau 154) z Les cas où le japhug -a correspond à -a en somang et à une voyelle ouverte en zbu (-ʌ, -ɐ, -a) (Tableau 155) z Les cas irréguliers, en particulier ceux où le japhug -a correspond à des rimes à consonne finale en zbu ou en somang (Tableau 156). sens japhug somang zbu Autres langues (kɤmɲɯ) ca chevrotain câ HFF cʰa alcool cʰâ HFF ɣurʑa cent pə-rjâ və-rɟî Tang. jir 2.72 #2798 Tib. brgya jla hybride de vache et tə-jlâ ʎɟeʔ kə-mbâ kə-mbieʔ, de yak kə-mba mince, profond peu mbiê 207 kɤ-cʰa pouvoir cʰâ HFF kɤ-ɕpa pouvoir ka-ɕpá kɤ-fka être rassasié kə-fka kɤ-ɣɤla mouiller kɐ-sə-wlá Tang. lhji 2.10 #1036 Tib. bzha’ kɤ-ɣɤtɕa avoir tort ka-wa-tɕá kɤ-ɣɤ-xpra ordonner ka-wa-kpra kɐ-sə-vrjî, Tang. phji 1.11 #749 <sə-vrjieʔ kɤ-mɟa prendre, kɐ-vʎɟeʔ, vʎɟî, ramasser un vʎɟoʔ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 objet kɤ-mna guérir kə-mnâ kɤ-ndza manger ka-zá Tang. dzji 1.10 #4517 Tib. za zos Bir. câ kɤ-nɤɕqa supporter kɐ-nɐɕqê kɤ-nɯna se reposer ka-nənâ kɐ-nnê,<nnî kɤ-ntɕʰa découper la ka-ntɕʰâ kɐ-ntɕʰeʔ, Tib. bsha’ bshas ntɕʰî, ntɕʰoʔ viande kɤ-qʰa détester ka-kʰâ kɤ-rla détacher ka-ldá kɤ-rtsa stériliser un ka-rtsá animal femelle kɤ-sɤla kɐ-sɐldɣî, faire bouillir Tang. le ̣ 1.65 #4664 <sɐldɣeʔ kɤ-sɤtsa kɐ-sɐtsɣwî, fermer (à clé) sɐtsʰɣweʔ kɤ-sɤʑa commencer kɤ-sta se réveiller kɤ-ta mettre ka-sajá kɤ-stʰɣiʔ, < Tang. tjị 1.67 #5449 ka-tá Bir. tʰâ kɤ-tɣa récolter tə-kpá kɐ-tɣwî « récolte » kʰijŋga rhododendron jgɐ̂ HFF kʰɯtsa bol kʰətsá kʰrɯ-zwa riz cuit kʰri-zbá kɯ-mpja chaud kə-mpjâ kɯ-nɤtsa adapté ka-natsá 208 kɯ-ra devoir Tang. rjar 1.82 #5523 râ Bir. rá mbala bœuf mbolâ mboleʔ mdzadi puce ndzajé nɯŋa vache nəŋá qa-cʰɣa renard kə-tʰûi ʁɐ-cɣwiʔ qa-ɕpa grenouille kʰa-ɕpâ ʁɐ-spieʔ Tang. piẹ 1.66 #499 Tib. sbal Bir. pʰâ qa-la lapin ka-lá qa-mɯr-wa chauve-souris mbərwá qa-rma gallinacé ka-rmâ ʁɐ-rmeʔ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (Crossoptilon) qra femelle de yak ka-rá qʰriʔ sla lune tsə-lá ki-zdɣî Tang. lhjị 2.60 #2814 « un mois » Tib. zla tə-kʰa pied (longeur) tɤ-jpa neige ta-jpâ tɤ-rmbja éclair ta-bjá tɯ-ɕɣa dent tɯ-swâ Bir. lá kə-kʰeʔ Tang. wjị 1.67 #4091 tə-ɕɣweʔ Tang. śjwi 1.10 #169 Tib. so Bir. swâ tɯ-ɕna nez Tang. njii 2.12 #5700 tə-ɕná Tib. sna Bir. hna kʰôŋ tɯ-ftsa neveux tə-tsá tɯ-ɣmba joue tə-ʑbâ tɯ-mɟa mâchoire tə-mɟâ HFF tɯ-mɲa flèche tə-mɲá Tib. tsha-bo tə-ɣbeʔ tə-mɲeʔ Bir. mrâ « archet » tɯ-ɲcɣa faucille tə-ntuâ tɯ-ngra salaire tə-wrá tɯ-ŋga habit tə-wɐ̂ Tib. mda tə-ɲcɣweʔ Tang. dźjị 1.67 #5436 tə-ŋgwiʔ Tang. gjwi 2.10 #4906 Tib. bgo tɯ-rŋa visage tɯ-rpa hache ɕə-rpâ tə-rŋeʔ Tib. ngo tə-vrieʔ Tang. wji ̣ 1.67 #5203 斧 *bpaʔ > pjuX tɯ-tɣa empant tə-tə-wá 209 tɯ-tʰa-scos le savoir tə-tʰa-scôs tɯ-xpa année tə-pâ və-viê Tang. wji 1.10 #2712 tɯ-xtsa chaussure tɯ-zda compagnon wɯɟa cuillière βɣaza mouche kɯ-sna utilisable tə-ktsâ tə-xtseʔ və-zdeʔ kə-dʑá ɣuzeʔ kə-sná « bon » kə-sniʔ « bon » χcʰa-pɕoʁ ka-tɕʰá droite ʁɐ́-cʰi Tang. tśier 1.78 #2547 kɯ-mba mince, peu kə-mbâ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 profond kə-mbieʔ, Bir. pâ mbiê Tang. bji 1.11 #1475 Tableau 154 : Correspondances du japhug -a (voyelles antérieures en zbu). On trouve 30 cas où le -a du japhug correspond à une rime à voyelle antérieure en zbu, comme on le voit dans le Tableau 154. Ces correspondances sont complexes, mais comme on peut le constater, elles sont obscurcies par la flexion verbale : dans les alternances de thème, -e / -ie alterne avec -i (par exemple, « ordonner » kɐ-sə-vrjî, < sə-vrjieʔ). La distribution entre -e et -ie, en revanche, est plus facile à cerner : -ie se retrouve dans les syllabes à initiales labiales, -e dans les autres (tə-ɣbeʔ « joue » étant une exception). Le birman et le chinois nous indiquent que ces rimes viennent d’une voyelle ouverte préservée en japhug et en somang, et que le zbu a subi une évolution phonétique. Entre le japhug et le somang, les correspondances sont plus simples. Le -a japhug correspond toujours un -a ou un -ɐ en somang, avec une seule exception inexplicable : kə-tʰûi « renard » (qa-cʰɣa en japhug). Le somang maintient une distinction entre -a et -ɐ qui est perdue en japhug, puisque dans cette langue /ɤ/ n’apparaît pas en syllabe ouverte en dehors de quelques conjonctions non-accentuées. Le japhug -a correspond aussi aux voyelles ouvertes -ɐ, -ʌ et -a en zbu, dans les exemples que nous avons rassemblés dans le Tableau 155 ainsi qu’un exemple (tɐ-χɐ̂ « col de montagne ») du Tableau 156 : japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu kɤ-lɣa creuser ka-rwâ kɐ-lwɐʔ, <lwɐʔ, lwiʔ kɤ-nɤma travailler ta-má kɐ-nɐmɐʔ Autres langues « travail » kɤ-nɯ-ʁrɯ-ʁra grimper kɐ-mɐ-lqʌʔ, mɐlqî 210 kɤ-sqa ka-skâ cuire kɐ-sqʌʔ, sqʰɐʔ, sqeʔ ɣjii Tang. 1.14 #4629 kɤ-βʁa gagner kɤ-χa manquer un ka-pká kɐ-vʁʌʔ, vʁɐ̂ kɐ-χɐ̂ morceau kɯ-ɴqa dur (travail) ku-pa chinois ŋgɤ-lɤ-ʁɟa chauve ta-sa chanvre ta-sá tɐ́-sɐ tɤ-rka mule ta-rká tɐ-rkɐ̂ tɯ-ldʑa brin d’herbe tɯ-rna oreille Tib. dka’-ba kə-ɴɢʌʔ, ɴɢɐ̂ kə-pá kə-pɐʔ ŋgo-χɬɐ̂ ki-ldʑɐ̂ tə-rna Tib. rna tə-rnaʔ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Bir. nâ tɯ-spra ki spraʔ une poignée Tableau 155 : Correspondances du japhug -a (voyelles ouvertes en zbu). On compte 15 exemples où le japhug -a correspond aux trois rimes à voyelle ouverte -a, -ʌ et -ɐ en zbu et à -a en somang, comme on peut l’observer dans le Tableau 155, soit moitié moins qu’avec les voyelles antérieures. Après les uvulaires q-, ɴɢ- et ʁ- du zbu, c’est la voyelle /ʌ/ qui est présente en thème 1 (mais les autres voyelles peuvent tout à fait se trouver après ces consonnes aux thèmes 2, 3 et 4). Parmi les deux cas où ces mots ont des correspondants en dehors du rgyalrong, la rime est -a. Enfin, on rencontre des correspondances irrégulières, en particulier celles où le japhug -a correspond à des syllabes fermées en somang et en zbu. Ces exemples sont rassemblés dans le Tableau 156 : japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu Autres langues kɤ-nɤŋka ronger ka-waŋkâj kɤ-ŋga s’habiller ka-wát kɐ-ngwêt, ngwît, Bir. wat ngwét kɤ-sŋa revivre, se ka-mə-sŋár kɤ-sŋêt, sŋît 苏 *as-ŋa > su ranimer kɯ-rɤʑa gratter kə-rajâk tɤ-jʁa col ta-ŋgák tɤ-sɲa tresse ta-sɲak rí tɐ-χɐ̂ « brin de tresse » 211 tɯ-mɢla pas kɯ-jka corbeau à bec tə-mglâ ki-mɢlɐ̂t kʰə-rkô HFF kwé-lkwə rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax) Tableau 156 : Correspondances du japhug -a (mots irréguliers) Le japhug -a correspond à une rime à syllabe fermée dans une des autres langues, soit -aj, -ak, -at ou -ar en somang et -et ou -ɐt en zbu. Dans le cas de la correspondance japhug -a :: somang -ak, on peut supposer l’évolution PGR *-ak > *-aɣ > -a, par opposition à *-ɐk > -ɤɣ dans les correspondances -ɤɣ :: -ak / ɐk. Ce changement phonétique explique pourquoi la rime -aɣ n’existe pas en japhug (sauf pour la forme du génitif ʑaraɣ « leur » qui est un composé tardif de ʑara « pronom 3p. » et de ɣɯ « génitif »). Le *-ak du PGR tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 s’oppose aussi à *-aq qui a donné la rime -aʁ du japhug moderne. Dans le cas de kɤ-ŋga « s’habiller », le verbe japhug s’est peut-être aligné analogiquement sur le nom « habit » tɯ-ŋga qui est lui régulier (voir Tableau 154), à moins que le suffixe –t n’ait eu un rôle dérivationnel en proto-rgyalrong, et que le japhug n’ait hérité d’une forme non-suffixée. Le cas de kɤ-sŋa « revivre » est intéressant : ce mot ressemble à la reconstruction du chinois 蘇 *as-ŋa > su « revivre, se réveiller » proposée par Sagart (1999 : 72), mais ce mot correspond de façon tout à fait irrégulière à des mots en syllabes fermées dans les autres langues. Il est donc difficile de tirer une conclusion définitive sur cette étymologie. Enfin, pour le mot kɯ-jka « corbeau à bec rouge », le somang –o correspondant à –a est peut-être dû à la médiane en PGR *lkwa, mais c’est une irrégularité, car cette médiane du PGR ne laisse pas de trace sur la voyelle *a en temps normal (voir la discussion sur les labiovélaires p. 300). Voici un résumé des correspondances liées à cette rime en PGR : gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang PGR somang zbu -a -a -a *-a -a, -ɐ -i, -e, -ie, -ʌ, -ɐ, -a -a -a -a *-ak -ak -ɐ ? Tableau 157 : Rimes du PGR correspondant à -a dans le dialecte de kɤmɲɯ. Il est probable qu’il existait en PGR une distinction entre *a et *ɐ en syllabe ouverte comme dans les autres dialectes, mais comme dans les dialectes japhug actuels la rime -ɤ n’apparaît jamais en syllabe ouverte sauf dans des conjonctions non accentuées, nous ne disposons pas de données pour mettre en évidence cette distinction. 212 4.2.1.2 Rimes -e et -ɤj du japhug Nous discutons dans cette section des correspondances des rimes -e et -ɤj du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques, mais aussi avec les autres dialectes japhug. Cette section est divisée en six parties. Les quatre premières parties traitent de la comparaison avec les autres langues rgyalronguiques : z Les cas où le japhug de kɤmɲɯ -e correspond à -i en somang et à une voyelle antérieure -i ou -e en zbu (Tableau 158) z Les cas où le japhug de kɤmɲɯ -e correspond à -e en somang et à une voyelle antérieure -i ou -e en zbu (Tableau 159) z Les cas où le japhug de kɤmɲɯ -e correspond à -i en somang et à une voyelle ouverte -a, -ʌ ou -ɐ en zbu (Tableau 160) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 z Trois exceptions où le japhug de kɤmɲɯ -e n’entre pas dans ces correspondances (Tableau 161) Les deux dernières parties traitent des correspondances entre les dialectes japhug : z Les cas où le japhug de kɤmɲɯ -e correspondent à -i ou à -oj dans d’autres dialectes japhug (Tableau 162) z La rime -ɤj du japhug de kɤmɲɯ : la distinction entre –e et -ɤj dans le dialecte de kɤmɲɯ ne se retrouve pas dans les autres dialectes japhug (Tableau 163). Nous ne proposerons pas une reconstruction différente en PGR pour chacune de ces correspondances. sens japhug somang zbu Autres langues (kɤmɲɯ) kɤ-nɤre rire ka-narî kɐ-nɐriʔ Bir. rɛ Tang. rjijr 2.68 #4335 kɤ-nɯfse reconnaître ka-nəmɕí kɐ-nəfsî, nəfseʔ kɤ-rʁe enfiler (une ka-rkî aiguille) kɯ-nɯɲɤmkʰe maigre kə-nəkʰí kɯ-qarŋe jaune kə-ŋî kə-ʁɐrniʔ kɯ-sɤɕke brûlant ka-səɕkî kə-sɐskî, <sɐskʰeʔ tɤ-ŋe soleil ta-ŋí tɐ-ŋiʔ tɤ-ste vessie ta-stî tʰɣe gland tə-wí tɯ-ɣe petits-enfants tə-pkʰî tɯ-me fille tə-mí χtʰɣwî tə-miʔ Tang. mjij̣ 1.61 #960 213 tɯ-rme homme Tang. mjɨr 1.86 #607 tə-rmî Tib. mi kɤ-ntsɣe vendre kɐ-ntsɣwiʔ tɯ-mke cou tə-mkî tə-mkeʔ Tib. ske tɤ-jme queue ta-jmî, tɐ-lmeʔ 尾 *bmɨjʔ > mjɨjX Bir. a mrî cogtse Tang. mjiij 1.39 #5677 tɐ-jmô HFF kɤ-ɕqʰe tousser ka-sqʰweʔ, sqʰwê qa-ndʐe ver de terre ʁɐ-ndʑeʔ Tableau 158 : Correspondances du japhug -e (-i en somang, voyelles antérieures en zbu). tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Dans le Tableau 158, nous avons rassemblé les mots japhug en -e ayant une voyelle antérieure en zbu (-i ou -e) et la voyelle -i en somang. Par ailleurs, ce tableau inclut aussi deux groupes de mots ambigus du point de vue de leurs correspondances. D’une part, il contient des mots japhug sans cognat connu en zbu (par exemple japhug tɯ-rme « homme » :: somang tə-rmî) qui pourraient aussi appartenir à la correspondance japhug –e :: somang –i :: zbu –a / -ʌ / -ɐ du Tableau 160, et d’autre part, il contient des mots japhug sans cognat connu en somang (japhug kɤ-ɕqʰe « tousser » :: zbu ka-sqʰweʔ, sqʰwê) qui pourraient appartenir à la correspondance japhug –e :: somang –e :: zbu –i / -e du Tableau 159. sens japhug somang zbu Autres langues (kɤmɲɯ) Tang. śji 2.9 #4469 kɤ-ɕe aller ka-tɕʰê kɤ-ɕte contaminer ka-ɕtɕé kɐ-stî, stʰeʔ kɤ-fse aiguiser ka-pʰɕé kɐ-fseʔ, fsî kɤ-ɣle frotter ka-klê tɤ-rme poil ta-rɲê tɐ-rmeʔ 眉 *bmrɨj > mij Bir. a-mwê Tang. mjar 1.82 #2600 Tableau 159 : Correspondances du japhug -e (-e en somang). Lorsque le japhug -e correspond à -e en somang, il correspond toujours à une voyelle d’avant -i ou -e en zbu. Une partie des mots du Tableau 158 pour lesquels nous n’avons pas trouvé de cognat en somang (japhug kɤ-ɕqʰe « tousser » :: zbu ka-sqʰweʔ, sqʰwê) peuvent appartenir à cette correspondance. 214 sens japhug somang zbu Autres langues kɐ-nɐmqʰɐʔ, <nɐmqʰiʔ Tang. kiej 1.34 #5143 (kɤmɲɯ) kɤ-nɤmqe insulter, gronder kɯ-mbe ancien kə-wí kə-mbʌʔ, mbɐ̂ Tang. wə̣ 1.68 #923 kɯ-βde quatre kə-wdî kə-vldaʔ Tang. ljɨɨr 1.92 #2205 Tib. bzhi Bir. lê tɤ-rte coiffe ta-rtî tɐ-rtʌʔ tɤ-se sang ta-ɕí ta-saʔ Tang. sjij 1.36 #2734 Bir. swê znde zdî mur (nom) zdaʔ Tableau 160 : Correspondances du japhug -e (-i en somang, voyelle ouverte en zbu). tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Lorsque le japhug -e correspond à une voyelle ouverte -a, -ɐ, -ʌ en zbu, il correspond toujours à -i en somang. Une partie des mots du Tableau 158 pour lesquels nous n’avons pas trouvé de cognat en zbu (par exemple japhug tɯ-rme « homme » :: somang tə-rmî) peuvent appartenir à cette correspondance. japhug sens somang zbu Autres langues (kɤmɲɯ) kɤ-ɣɤme effacer kɐ-səɣmît, səɣmît, səɣmét kɤ-nɤkʰe maltraiter ka-nakʰî kɐ-nɐkʰô, <nɐkʰoʔ qa-le vent kʰalî ʁɐ́ltə Tang. ljɨ 1.29 #2302 Bir. le tɤ-rɣe collier ʁe gauche ta-rwú mkɐ-rgweʔ qwɐ-juʔ Tableau 161 : Correspondances du japhug -e (exceptions). Dans le Tableau 161, on trouve trois exceptions qui ne peuvent se classer dans le Tableau 158, le Tableau 159 ou le Tableau 160. Au mot japhug kɤ-ɣɤ-me « effacer », correspond un mot zbu à syllabe fermée : le japhug –e correspond à -it. Il n’est pas certain si le -t du zbu est ici plutôt un suffixe ou plutôt une consonne finale qui serait tombée en japhug. Pour qa-le « vent », le vocalisme anormal en zbu ʁɐ́ltə est peut-être lié à l’accentuation. Pour tɤ-rɣe < *rbej « collier », l’exception est peut-être due à l’influence de l’initiale sur la voyelle en somang (voir p. 224 pour un groupe d’exceptions similaires en zbu). 215 En conclusion pour cette comparaison de la rime -e du japhug avec les autres langues rgyalronguiques, lorsque le japhug -e correspond à -i en somang, il correspond soit à une voyelle d’avant en zbu, soit aux voyelles ouvertes -a, -ʌ, -ɐ (Tableau 160) et à deux exceptions (Tableau 160). En revanche, lorsque le japhug –e correspond à –e en somang, il correspond toujours à une voyelle antérieure en zbu (Tableau 159). Après avoir passé en revue les correspondances de la rime –e du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques, nous allons étudier les variations de cette rime à l’intérieur du japhug. La rime -e du dialecte japhug de kɤmɲɯ correspond généralement à une diphtongue -ɛj dans le dialecte de gSar-rdzong, et à –e dans celui de Da-tshang. Lorsque les trois dialectes suivent cette correspondance, nous reconstruisons *-ej en PGR (voir Tableau 164). Seuls quatre mots ont une rime différente entre le dialecte japhug de kɤmɲɯ et celui tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 de gSar-rdzong, comme on peut le constater dans le Tableau 162 : gDong-brgyad, village de kɤmɲɯ sens gSar-rdzong qa-me grain de beauté qa-moj kɤ-rʁe enfiler (une aiguille) ka-rʁoj ro-rʁe poutre horizontale ro-rʁoj qa-ndʐe lombric qa-ndʐi ʁe gauche ʁoj Tableau 162 : Différences entre dialectes japhug pour la rime -e Parmi les mots du Tableau 162, deux mots (qa-ndʐe « lombric » et kɤ-rʁe « enfiler une aiguille ») avaient été cités dans le Tableau 158, et un autre (ʁe « gauche ») dans le Tableau 161. Les mots qui ont –e en japhug et –oj dans les autres dialectes. Toutefois, ces rimes ne seront pas reconstruites *-oj en PGR. En effet, dans trois exemples sur quatre, cette rime *-oj ne se trouve qu’après la consonne /ʁ/ dans la langue moderne, et il est donc hautement probable qu’elle soit secondaire. Nous proposons de reconstruire *qwej > -ʁoj (en gSar-rdzong) et > -ʁe (en kɤmɲɯ, peut-être par un état intermédiaire *ʁoj). Cette règle n’est pas valide lorsque l’occlusive est aspirée, comme le montre la forme kɤ-ɕqʰe « tousser » < *ɕqʰwej (zbu kɐ-sqʰweʔ). Pour qa-moj « grain de beauté », nous n’avons pas d’explication, mais les cognats tibétains sme-ba et birman hmáy ont des rimes dont la voyelle principale est antérieure, ce qui suggère que c’était le cas en PGR aussi. Nous n’avons pas d’explication pour l’irrégularité du mot qa-ndʐe « lombric ». Dans le dialecte japhug de kɤmɲɯ, on trouve une diphtongue -ɤj. Elle est prononcée 216 [ɛj], mais nous la transcrivons phonologiquement ainsi car le /ɤ/ subit l’harmonie avec le suffixe verbal -a de première personne singulier dans la conjugaison : kɤ-rɤlɤj « pétrir » devient pɯ-rɤláj-a « j’ai pétri ». Cette rime apparaît le plus souvent dans les emprunts au chinois ayant la rime -ai, mais on la trouve également dans les mots du Tableau 163, qui correspondent au zbu -ɐ : japhug de japhug de japhug de kɤmɲɯ Sar-rdzong Da-tshang tɤ-ɣmbɤj tɯ-ɣmbɛj sens somang zbu ki ɣmbɐ́ vɐ face d’une montagne kɤ-nɯmqɤj kɐ-mqɐʔ, se disputer tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 mqʰiʔ qɤj qɛj qaj kɤ-rɤlɤj ka-rɤlɛj pétrir la pâte sɤjku sɛj bouleau qɐʔ blé sí Tableau 163 : Correspondance du japhug -ɤj. Dans le dialecte japhug de Da-tshang, la rime -aj est une variante allophonique de -e après les uvulaires. On ne trouve pas de syllabe *qe ou *ʁe dans ce dialecte (le mot « excrément » tɯ-qe dans le dialecte de kɤmɲɯ, se dit ta-qaj dans celui de Da-tshang). Cette rime est confondue avec -ɛj dans le dialecte de gSar-rdzong. Nous reconstruisons cette rime *-ɐj en PGR, ce qui permet à la fois d’expliquer la relation avec le zbu -ɐ et de rendre compte de sa valeur phonologique /ɤj/ dans le dialecte de kɤmɲɯ. Cette rime *-ɐj reste distincte du *a-i que nous supposons pour expliquer les alternances de thème 3 (voir la section 5.2.2 p.351). Or, comme nous avons vu dans le Tableau 56 du chapitre 3 p.88, aucun emprunt tibétain n’a -e correspondant à la voyelle –e du japhug. La prononciation du *-e du PGR devait donc s’écarter de celle du –e de la forme de tibétain avec laquelle il a été en contact. gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang PGR rgyalrong oriental Zbu -ɤj -ɛj -e (-aj après uvulaire) *-ɐj -i ? -ɐ -e -ɛj -e (-aj après uvulaire) *-ej -e, -i -i, -e, -a, -ʌ, -ɐ -ʁe -ʁoj -ʁoj *-qwej -ki ? -qwɐ ? Tableau 164 : Rimes du PGR correspondant à -e dans le dialecte de kɤmɲɯ. 217 4.2.1.3 Rime -i du japhug Nous étudions dans cette section les correspondances de la rime –i du japhug de kɤmɲɯ dans les autres langues rgyalronguiques et les autres dialectes du japhug. Cette section est divisée en six parties. Les quatre premières traitent des correspondances entre les langues rgyalronguiques : z Les cas où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à -ə / -i en somang et à -ə / -i en zbu (Tableau 165). z Les cas où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à –e en somang et à –e / -i ou -ə en zbu (Tableau 166). z Les cas où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à –e / -i / -a en somang et à -ʌ, -ə, -a, -ɐ en zbu (Tableau 167). tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 z Les exceptions où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à des syllabes fermées ou à des voyelles arrondies –u, -o (Tableau 168). Les trois dernières parties traitent des correspondances irrégulières à l’intérieur du japhug : z Les cas où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à -ɛj dans le japhug de gSar-rdzong (Tableau 169). z Les cas où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à -ɪj dans le japhug de gSar-rdzong (Tableau 170). z Les autres correspondances irrégulières où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à -ɯs, -a ou –ar (Tableau 171) sens japhug somang zbu autres langues (kɤmɲɯ) ɣni renard volant ka-ɲí HFF ɣni-vaʔ kɤ-ftʂi faire fondre ka-ptʂî kɐ-ftɕʰɣwiʔ kɤ-mbi donner ka-wə̂ kɐ-mbəʔ Bir. pê Tib. sbyin-pa, byin kɤ-mbri kə-mbriʔ fort (bruit), chanter (coq), braire (âne) kɐ-mtsʰiʔ kɤ-mtsʰi conduire, surveiller kɤ-ndzri tordre kɤ-nɤsci changer kɤ-pri déchirer ka-prə̂ ʁɐ-prî kɤ-rɤli dédommager ka-rajlə́́ kɐ-rɐleʔ, rɐlê ka-tsrî kɐ-ndzrəʔ kɐ-fcʰiʔ 218 kɤ-rŋi kɐ-rŋwiʔ bleu Tang. ŋwər 1.84 #257 kɤ-rqʰi lointain kə-tɕʰî kɐ-rqəʔ kɤ-si mourir kə-ɕî kɐ-səʔ, sə́t Tang. sji 2.10 #3072 Tib. ‘chi shi tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Bir. se kə-tɕî kɤ-tsɣi pourrir kɤ-tsʰi boire kɤ-ʑŋgi porter le bois kə-ʑgî kɤ-χtɕi laver kɯ-cʰi kə-tsəʔ kɐ-tʰî, tʰəʔ Tang. dji 2.10 #2404 ka-rtɕî kɐ-χtɕʰəʔ Bir. chê sucré kə-cʰî HFF kə-cʰəʔ kɯ-fɕi forgeron kə-pɕîs kɯ-mɯsti seul tə-ɕtɕî kɯ-nɯpaɴqi paresseux kə-nəpá́ŋke kɯ-ŋgri fin (gruau) kɯ-pɣi gris kə-bgî kə-pʰɣiʔ kɯ-rʑi lourd kə-lî kə-rɟəʔ Tang. tjij̣ 1.61 #5356 kə-ŋgriʔ Tang. ljɨɨ 1.32 #2737 Tib. ljid-po Bir. lê kɯ-smi kə-smî, sməʔ cuit Tib. smin-pa Bir. hmáɲɲ kɯ-tsri salé kə-tsrî kə-tsriʔ, <tsʰriʔ kɯ-xtɕi petit kə-ktsî kə-xtɕəʔ Tang. tsəj 1.40 #3798 ldɯɣi bharal ldəgə̂ HFF ɯ-di puanteur, odeur tə-rí mi peuplier mi-ɕé HFF mɪʔ ɯ-ʁari avant wu-tʂí tə-ʁu-rjî ɯ-rɣi graine tə-rpí HFF tə-rvəʔ mtɕʰi argousier mbo-mtɕʰí ndʑi-rɯ lente mdʑi-rúʔ HFF qa-ndʑɣi faucon (falco kʰa-ldʑî ndʑi-riʔ Tang. rjir 2.72 #567 Tib. sro-ma cherrug) qa-ndʐi ʁɐ-ndʐî salmonidé dont la viande est appréciée qa-ɲi taupe qa-pi silex qa-rtsʰi cigale; criquet ʁá-ɲə ka-pî ʁɐ́-və ʁɐ-ndʑe-rí-ri 219 rgali génisse rgwɐ-ləʔ smi feu sə-məʔ Tang. məə 1.31 #4408 Tib. me tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Bir. mî sŋi journée sɲí ta-ʁri saleté tə-wrí tɕaɣi perroquet tɕagî tɕʰorzi jarre tɤ-ɕi orge tɤ-pɤri repas du soir tɤ-ri fil ta-rí tɤ-ʑi-ri rosée ɕə-rí tɯ-ci eau tə-ci tɯ-di arc tə́-ʎɟə tɐ-krəʔ tɕʰɐ-rzî swî tɐ́-ɕə Tang. śjij 1.35 #2160 tɐ-prî tɐ́-rzəʔ Tang. lhjɨ ̣ 1.69 #5667 矢 *blhijʔ > syijX Bir. lê tɯ-ɣli tə-lɣî engrais Tang. ljɨ 1.29 #3499 Tib. lci-ba tɯ-mtɕʰi lèvres tə-mtɕʰəʔ tɯ-mtɕi matin tə́-mtɕə tɯ-ndzɣi canines ta-ndzuî tə-ndʑwɣiʔ tɯ-ndʐi peau tə-ndʐî tə-ndʑəʔ Tang. dźjɨ 1.30 #1153 Bir. a re tɯ-ɲi tante (sœur du ta-ɲî père) tɯ-ntsi ki-tsəʔ un membre d'une paire tɯ-rni gencive tɯ-tsi longévité tə-rniʔ Tib. rnyil Tang. dze 1.8 #2264 tə-tsî HFF Tib. tshe tɯ-χpɣi cuisse ʑmbri saule mbrə-ɕé HFF ʑŋgri étoile tsu-rî tɤ-χpjiʔ Tib. byin-pa zbrəʔ Tang. biə 1.28 #4252 Tang. gjij̣ 1.61 #109 Tableau 165 : Correspondances du japhug -i (-i et -ə en somang). Comme on le constate dans le Tableau 165, lorsque le -i du japhug correspond à -i ou -ə en somang, on trouve ou bien -i ou bien -ə en zbu (à l’exception de pri « ours », voir 220 Tableau 167). Nous avons classé les mots somang en -ə et –i correspondant aux –i du japhug dans le même tableau, car il existe des alternations entre /i/ et /ə/ dans les dialectes du rgyalrong oriental auxquels appartient le somang (voir notamment le travail de Lin 2000 sur le cogtse). Nous avons inclu dans le Tableau 165 des mots sans équivalents en somang, tels que kɤ-tsʰi « boire » ou tɯ-χpɣi « cuisse » qui pourraient appartenir à la correspondance japhug –i :: somang –e que l’on observe dans le Tableau 166. Les rimes des autres mots doivent venir de voyelles antérieures, puisqu’elles correspondent à -e ou -i en birman. Les mots japhug tɯ-χpɣi « cuisse » kɯ-smi « cuit » correspondent à –in en tibétain ou à –aɲɲ en birman, mais comme leurs formes somang ne sont pas connues60, ces deux mots japhug pourraient tout aussi bien se classer dans le Tableau 166. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Pour les trois mots tɯ-χpɣi « cuisse », qa-ndʑɣi « faucon » et kɤ-tsɣi « pourrir » dont le -ɣ- du japhug n’a pas de correspondance dans les autres langues, nous reconstruisons une voyelle vélarisée en PGR *-iˠ. Dans certaines langues rgyalronguiques, on trouve encore une série presque complète de voyelles vélarisées (voir Sun 2000b61 ainsi que la discussion sur la rime –o à la section 4.2.2.1, celle sur la rime –om à la section 4.2.3.2) et enfin sur la rime –aʁ à la section 4.2.3.7. sens japhug somang zbu Autres langues (kɤmɲɯ) kɤ-ji planter ka-jê HFF kɐ-jeʔ, jê 田 *aliŋ > den Tib. zhing-ka « champs » kɤ-mgri claire (eau) kə-wrê kɤ-sti enlever ce ka-ɕtɕé kɐ-mgreʔ, mgrê Tang. gjii 1.14 #1598 kə-vərniʔ Tang. njij 1.36 #1671 qui est en trop kɤ-tsʰi bloquer ka-tsé́ kɯ-ɣɯrni rouge kə-wurnê Bir. a ni kɯ-mɤɕi riche kə-maɕê ku-xti grand kə-ktê kə-xtiʔ mdza-di puce ndza-jé mdzɐ́-ʎɟə Bir. khwê lhê Tib. lji-ba 60 Le somang a emprunté au tibétain la forme kə-smə̂n « mûr ». 61 L’idée de l’existence de voyelles vélarisées en proto-rgyalrong et de leur réalisation comme -ɣ- avant la voyelle principale en japhug vient de Jackson T.-S. Sun (communication personnelle, ‘Bar-khams, Août 2002). 221 qa-ɕɣi asticot kʰəʃué HFF qa-pri serpent kʰa-bré ʁɐ prî Tang. phio 2.43 #80 Bir. mrwe 虺 *ahmɨjʔ > xwojX Tib. sbrul si ɕé arbre Tang. sji 1.11 #4250 薪 *bsiŋ > sin Tib. shing ta-ʁi petit frère, tə-tɕê a-ʁeʔ petite sœur tɤ-ɣi glaise que l’on applique tə-pkê « boue » tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sur le toit tɤ-jtsi pilier ta-ntɕʰê tɤ-ɲi bâton ta-ɲê tɤ-rmi nom tə-rmé Tang. dzjị 2.60 #4399 tɐ-rmiʔ Bir. a maɲɲ 名 *bmeŋ > mjieng Tib. ming tɯ-ɕtʂi sueur tə-ɕtʂé tə-ltɕʰîx tɯ-mbri corde tə-bré tɐ-mbrəʔ Tang. bji 2.10 #251 Tib. ‘breng tɯ-mi jambe ta-mé tə-məʔ tɯ-mtsʰi foie tə-pɕé tə-mtsʰî Tang. sji 2.10 #5273 Bir. a sâɲɲ Tib. mchin-pa tɯ-pri message tə-kpré tɯ-sni cœur tə-ɕné tə-sneʔ Tang. njiij 1.39 #2518 Tib. snying tɯ-βɣi balle ta-rpê ʑŋgri grenier zgré tɐ-ɣviʔ Tableau 166 : Correspondances du japhug -i (-e en somang). Comme on peut le constater dans le Tableau 166, lorsque le -i du japhug correspond à -e en somang, il correspond à -i, -e ou -ə en zbu. Dans ce groupe de correspondances, on trouve des mots qui viennent de rimes à finale nasale dans un stade antérieur au rgyalrong (elle correspondent à -aɲɲ en birman, *-iŋ ou *-eŋ en chinois archaïque et -ing et -eng en tibétain). Par ailleurs, on trouve dans ce groupe de correspondances des mots qui ne viennent pas de rimes à nasale, comme le mot kɯ-ɣɯrni « rouge ». Il est donc exclu de reconstruire une rime *-iŋ / *-in en PGR. 222 sens somang kɤ-rɤ-ɣndi bourrer ka-rdá kɤ-ri rester, laisser, japhug zbu Autres langues nə-kə-rês kə-rʌʔ, rɐ̂ Tang. rjir 2.72 #2537 (kɤmɲɯ) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 laisser couler kɤ-sti boucher kə-ŋaɕtʰé́ kɐ-stâ, stəʔ kɯ-zri long kə-skrə̂n kə-rzán, kə-rzaʔ Tang. zjir 2.72 #2858 nɤ-rŋi bébé kʰo-rŋâ tɐ-lŋɐ̂χ 兒 *bŋeʔ > nyeX pri ours prí praʔ Tang. rjɨj 2.37 #5605 sarsi abricot sqʰi trépied stɕâ sqi dix ɕtɕé tɯ-rmbi urine sə-rsɐʔ sɐʁɐʔ Tang. bjị 1.67 #5509 tə-rbâ Tableau 167 : Correspondances du japhug -i (voyelle ouverte en somang ou en zbu). Dans le tableau Tableau 167, le -i du japhug correspond à des voyelles ouvertes en zbu et aussi en somang. On avait déjà remarqué un phénomène similaire dans les sections précédentes : la double correspondance des rimes –e et –a du japhug avec aussi bien des rimes antérieures (Tableau 154, Tableau 158, Tableau 159) que des rimes à voyelles ouvertes (Tableau 155, Tableau 160) en zbu. La différence ici tient au fait que le –i du japhug correspond parfois à des voyelles antérieures en somang et pas seulement en zbu. La reconstruction du mot kɯ-zri « long » est particulièrement problématique. Dans le dialecte de gSar-rdzong on trouve kɯ-srɤn, dans celui de Da-tshang kə-skrən comme en somang. En zbu, deux formes kə-rzán et kə-rzaʔ sont attestées, sans différence de sens significative. Cette alternance entre -i et -ɤn en japhug est sans doute due à un ancien processus de suffixation dont la fonction n’est plus claire aujourd’hui. En PGR, comme en zbu actuel, la forme suffixée et la forme non suffixée étaient déjà présentes, mais le dialecte de kɤmɲɯ n’a conservé que la forme non suffixée kɯ-zri tandis que les autres dialectes ont conservé des formes suffixées. japhug (kɤmɲɯ) kɤ-ɕmi sens mélanger somang un zbu ka-ɕmû kɐ-sŋwiʔ kɐ-vəʔ Autres langues liquide kɤ-ɣi venir ka-pô, pi kɤ-mi s’éteindre kə-rmé́k HFF kɤ-rɤɕi / kɤ-rɤɕit tirer ka-raɕé́t 223 kɤ-ti dire ka-tsə́s Tang. tshjiij 1.39 #5612 kɤ-tsʰi attacher très ka-tsʰik serré kɤ-βli planter ka-plû mti turquoise mə-ték HFF qa-ɟɤɣi avoine qa-ndʑi étain ka-ʑə́k qa-ʑmbri plante grimpante tə-wró tɯ-mci salive tə-məɕtʰék tɯ-mcʰîx tɯ-rgi sapin tə-rpʰû tə́-rgwə βʑindi bande molletière ʑo-ndé vʑo-ndév ʁɐ́-wət 锡 *aslek > sek tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 168 : Correspondances du japhug -i (exceptions). Comme on le voit dans le Tableau 168, le japhug -i correspond dans certains cas à des syllabes fermées -ək, -ik et –et et -ek en somang et –ix en zbu. Dans les cas où la syllabe est fermée en –k en somang ou en somang, nous reconstruisons une syllabe fermée *–ik en PGR. Pour le cas du verbe kɤ-ti « parler », il ne convient pas de reconstruire un *-s en PGR. En effet, le somang a probablement généralisé le suffixe -s du passé à tous les thèmes de ce verbe. Le verbe kɤ-ɣi « venir » est encore différent. L’irrégularité de la voyelle est ici du au fait que le japhug correspond au thème 2 pi du rgyalrong oriental et non au thème 3 po (Lin 2003 : 251). Pour les deux cas où l’on trouve une finale –t en somang ou en zbu, nous n’avons pas d’explication : il est impossible de reconstruire un changement *-it > -i, car autrement le verbe kɤ-ɣɯt « apporter » dérivé de kɤ-ɣi « venir » par un suffixe *-t applicatif n’aurait pas pu développer une rime -ɯt. Par ailleurs, on doit noter que pour le verbe kɤ-rɤɕi « tirer » en japhug de kɤmɲɯ on rencontre une forme alternative kɤ-rɤɕit de même sens, où le –t a été conservé. La perte de l’occlusive finale -k après -i explique l’absence de rime *-iɣ en japhug. Pour le cas de βʑindi « bande molletière », le zbu vʑondév suggèrerait de reconstruire *-ip en PGR, mais nous reconstruisons *-ip pour une partie de la rime -ɯβ (voir 4.2.3.1 p.242). Pour les mots kɤ-ɕmi « mélanger » et tɯ-rgi « sapin », on constate une correspondance japhug –i :: somang –u. Pour ces deux mots, on doit reconstruire des consonnes initiales labiovélaires *ɕŋw- et *rgw- en PGR. La forme –u du somang est probablement due à l’influence du *w : *-wi > /u/ (voir aussi p.316). On trouve un cas 224 similaire avec le mot tɤ-rɣe « collier » (voir p. 215) En conclusion pour cette comparaison de la rime -i du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques, nous avons vu que lorsque le japhug –i correspond à –i ou -ə en somang il correspond à –i ou -ə également en zbu (Tableau 165), lorsque le -i du japhug correspond à -e en somang, il correspond à -i, -e ou -ə en zbu (Tableau 166), le japhug –i correspond à des voyelles ouvertes en somang ou en zbu (Tableau 167), et enfin des exceptions diverses où le japhug –i correspond à des voyelles arrondies ou à des rimes fermées (Tableau 168). Nous allons à présent passer en revue les différentes correspondances du –i du dialecte de japhug de kɤmɲɯ avec les autres dialectes japhug. La rime -i du dialecte de kɤmɲɯ a des correspondances variées au sein-même du japhug. A part -i, il correspond aussi à -ɯs, à -ɛj, à -ɪj, et même à -a et à -ar dans le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 dialecte de gSar-rdzong. japhug sens (kɤmɲɯ) japhug japhug (gSar-rdzong) (Da-tshang) tɯ-ɕtʂi sueur tɯ-ɕtʂɛj tə-ɕtʂe tɯ-mci salive tɯ-mtʂɛj tə-mtʂe kɤ-ntsʰi choisir ka-ntsʰɛj ka-ntsʰe kɤ-si mourir ka-sɛj ka-se kɤ-tsʰi attacher, kɤ-tsʰɛj somang zbu tə-məɕtʰék tɯ-mcʰîx kə-ɕî kɐ-səʔ,-sə́t ka-tsʰík étrangler qʰɤ-ndi dans quatre qʰo-ndɛj jours Tableau 169 : Correspondance kɤmɲɯ -i :: gSar-rdzong -ɛj. Lorsque le kɤmɲɯ -i correspond à -ɛj dans le dialecte de gSar-rdzong et à -e dans celui de Da-tshang, nous reconstruisons *-e en PGR. Ce phonème s’est confondu avec -i à kɤmɲɯ et avec -ɛj à gSar-rdzong. Il n’est reconstructible que pour cinq des mots du Tableau 169. Pour kɤ-tsʰi « étrangler », on doit reconstruire une consonne finale en PGR comme le montre la forme du somang ka-tsʰík. La forme du mot « salive » en japhug de gSar-rdzong et de Da-tshang est irrégulière et peut-être formée par analogie avec le mot « sueur » : le japhug de kɤmɲɯ aurait conservé la forme archaïque. Le dialecte de gSar-rdzong est par ailleurs le seul parmi tout les dialectes japhug à maintenir une distinction entre -i et -ɪj. japhug sens (kɤmɲɯ) kʰari japhug tibétain (gSar-rdzong) turban kʰɤrɪj 225 kɤ-rɤli dédommager ka-rɤlɪj tɯ-mdi tout le monde tɯ-mdɪj tɯ-mi jambe tɯ-mɪj mi peuplier mɪj ŋgorli bœuf sans corne ŋgorlɪj tɤ-pi grand frère, grande tɯ-pɪj tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sœur rgali génisse rgalɪj ʁmbɣi soleil ʁmbɣɪj tɤ-rpi sutra ta-rpɪj sqi dix sqɪj tɯ-βɣi balle tɯ-βɣɪj βʑindi bande molletière ʑindɪj kɯ-ɣɯrni rouge kɯ-wurnɪj ʁmaʁmi soldat ʁmaʁmɪj dmag-mi χpi histoire χpɪj dpe ɯ-pɕi dehors pʰɪj phyi tɯ-rni gencive tɯ-rnɪj rnyil tɤ-rtsi huile de porc ta-rtsɪj rtsi sɯŋgi lion sɯŋgɪj seng-ge sa-li arbalète sa-lɪj kɯ-nɯpaɴqi paresseux kɯ-nɯpaɴqɪj Tableau 170 : Rime -ɪj du dialecte de gSar-rdzong correspondant à -i dans le reste du japhug On remarque d’emblée que la plupart des mots de la liste peuvent se ranger dans trois classes : les mots à initiale labiale, les mots à initiale l- et les mots à préinitiale r-. Toutefois, on trouve dans le dialecte de gSar-rdzong des exemples où des mots ayant ces propriétés ont la voyelle -i : tɯ-pi « hôte », tɯ-rmbi « urine », kɤ-mbi « donner », sarsi « abricot », ka-wɤɕqali « crier fort », smi « feu » etc (ces mots sont identiques au dialecte de kɤmɲɯ, sauf pour tɯ-pi « hôte » (on trouve l’emprunt tibétain ndʐuwa < ‘gro-ba à la place) et pour le verbe « crier fort » qui se dit kɤ-ɣɤɕqali). On remarque qu’un certain nombre d’emprunts du tibétain dans la langue de gSar-rdzong ont la voyelle -ɪj. Cela signifie que dans une période plus reculée de l’histoire de ce dialecte (en PGR), la rime -ɪj du dialecte de gSar-rdzong devait être la plus proche de -i. D’autres emprunts ont certes -i pour le -i tibétain : tɕoχtsi « table », kʰri « lit » et mɯzi « poudre », mais il peut s’agir de mots empruntés après le changement. Nous reconstruisons *-i en PGR pour la rime qui devient -ɪj, et *-ij pour la rime qui est -i dans tous les dialectes japhug. Le *-i simple s’est diphtongué dans le dialecte de gSar-rdzong, 226 et le *-j a empêché le *i de diphtonguer. Le seul problème pour cette reconstruction est l’existence d’une rime -ij en japhug de kɤmɲɯ dans le mot kɤ-wij « fermer les yeux ». Etant donné que nous n’avons pu retrouver ce mot ni dans d’autres langues rgyalronguiques, ni même dans d’autres dialectes japhug, nous n’en tiendrons pas compte. sens japhug tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (kɤmɲɯ) japhug japhug (gSar-rdzong) (Da-tshang) kɤ-mgri se troubler ka-mgrɯs kɤ-tsʰi barrer la route ka-tsʰɯs kɤ-βli planter ka-βlɯs kɯ-ɴqʰi sale kɯ-ɴqʰar tɯ-ndzɣi canine tɯ-ndzɣa xɕelwi tique xɕelwɤs kə-ɴqʰar Tableau 171 : Autres correspondances irrégulières de la rime -i du dialecte de kɤmɲɯ. Dans les cas où le kɤmɲɯ -i correspond à -ɯs dans le dialecte de gSar-rdzong (Tableau 171), nous reconstruisons *-i et *-is en PGR. Il s’agit sans doute pour ces trois verbes d’un -s du passé généralisé à toutes les formes. Le dialecte de kɤmɲɯ a lui généralisé la forme non-suffixée. gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang PGR rgyalrong Zbu oriental -i -ɛj -e *-e -i -ə -i -ɪj -i *-i -i, -e, -ə -i, -e, -ə, -a, -ʌ, -ɐ -i -i -i *-ij -i, -e, -ə -i, -e, -ə, -a, -ʌ, -ɐ -i -i, -ɛj -i *-ik -ik, -ək, -ek -ix -i -ɯs ? *-is ? ? -ɣi -ɣi -ɣi *-iˠ -i -i, -ə Tableau 172 : Rimes du PGR correspondant à -i dans le dialecte de kɤmɲɯ. 4.2.1.4 Conclusion Les rimes -a, -e et -i du japhug de kɤmɲɯ ont en commun de correspondre à deux types de voyelles dans le dialecte de zbu : des voyelles antérieures (-i, -e) et des voyelles ouvertes (-a, -ɐ, -ʌ). Nous n’avons pas tenu compte de ces correspondances dans la reconstruction du PGR, mais il sera certainement nécessaire de le faire pour reconstruire le proto-rgyalrong. 227 Nous avons montré l’existence en PGR d’une finale -j et reconstruit les rimes *-ɐj, *-ej, et *-ij. Nous reconstruisons également deux voyelles antérieures *-e et *-i. Les langues extérieures au rgyalrong (chinois archaïque, birman et tibétain) que nous avons employées semblent indiquer que le vocalisme du zbu est innovateur. Toutefois, dans les langues qianguiques, le vocalisme de certains mots s’accorde avec le zbu : ainsi le mot « sang » japhug tɤ-se, zbu ta-saʔ qiang sɑ, pumi sa13, muya sa53 a une voyelle ouverte dans toutes les langues qianguiques sauf le japhug et le rgyalrong oriental. Or, il est probable que le birman swê « sang » soit un cognat de ce mot. Il n’est donc pas aisé de déterminer quelle langue, du zbu ou du japhug, a le vocalisme le plus archaïque dans cette rime. Les consonnes finales *-k et parfois *-t du PGR disparaissent devant les voyelles d’avant et devant le *-a du PGR, ce qui explique que des rimes telles que -aɣ ou –it soient tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 marginales voire quasiment non-attestées en japhug de kɤmɲɯ. 4.2.2 Rimes du japhug en syllabe ouverte : voyelles postérieures. Parmi les voyelles postérieures du japhug moderne, seules /ɯ/, /u/ et /o/ apparaissent en syllabe ouverte, /ɤ/ se restreignant aux syllabes fermées. Contrairement à la situation complexe que l’on observe avec les voyelles antérieures, les correspondances du japhug de kɤmɲɯ -o et –u sont très régulières aussi bien avec les langues rgyalronguiques qu’à l’intérieur du japhug. Les correspondances du japhug de kɤmɲɯ -ɯ avec les autres dialectes sont légèrement plus complexes. 4.2.2.1 Rime -o du japhug sens somang zbu Autres langues co vallée cçokʰá HFF tɣaʔ Bir.twaŋ « puits » cɤ-mtsʰo musc tɕa-msó fso demain só-sɲi fsə-fsîs Tang. sjij 1.36 #5500 japhug (kɤmɲɯ) Tib. sang nyin ɣʑo kə-tɕʰə wujɐ̂ abeille Tib. sbrang Bir. yaŋ « mouche » 蝇 *alɨŋ > ying kɤ-ɣɤjmŋo rêver ta-rmô tə-lmɐʔ, vɐlmî, Tang. mjiij 1.39 #330 vɤlmeʔ Bir. hmaŋ-ca-sáŋ « somnambulisme » Vieux Tib. rmang-lam 228 kɤ-mto ka-mtó́ voir kɐ-mtɐʔ, mtʰɐʔ, Tib. mthong mtiʔ kɤ-ndo kɤ-nɤ-jo tenir, prendre attendre ka-ndo kɐ-ndɐ̂, « avoir » ndəʔ ka-najó́ kɐ-nɟɐʔ, ndəʔ, <nɟiʔ, Tang. ljiij 2.35 #5522 <nɟiʔ kɤ-nɤmɲo ka-namɲô regarder kɐ-nɐmɲɐʔ, Bir. mraŋ <nɐmɲiʔ, nɐmɲiʔ kɤ-ngo tomber malade ka-nəwô kɤ-nɯkro partager, ka-krô ŋo 2.42 #2857 kɐ-ngɐʔ, < Tang. kɐ-nɐʔ, <, niʔ Tang. njij 2.33 #638 distribuer kɤ-no ka-nô chasser tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 讓 *bnaŋ-s > nyangH Bir. hnang kɤ-ŋgio glisser kɤ-pɣo tourner kə-ndʑô un fil ka-pó entre les doigts kɤ-pʰɣo fuir ka-pʰô kɐ-pʰâ, pʰɪ̂ Tang. bọ 2.62 #2451 kɤ-ʁɟo rincer ka-rdʑó́ kɐ-səʁʎɟɐ̂, Bir. kyâŋ səʁʎɟəʔ, səʁʎɟeʔ kɤ-rɲo essayer, goûter ka-rɲô kɤ-sco raccompagner ka-scçóʔ kɐ-rɲɐʔ, <, rɲî Tib. myong-ba, myangs HFF kɤ-sɤmɯtso dire clairement ka-səmtsó́ « transmettre » kɤ-sɯso penser səsô ka-pa kɐ-səsɐʔ, < 想 *bsaŋʔ > sjangX kɯ-ɕo propre kə-ɕô kə-ɕɐ̂, ɕʌʔ Tang. sow 1.54 #4461 kɯ-ɣɤmbɣo sourd ta-wó́ kə-vambaʔ Tang. ba 1.17 #1391 Bir. pâŋ kɯ-mbro haut kə-mbrô kə-mbrɐʔ, < Tang. bjɨ 1.30 #4511 Bir. mráŋ kɯ-ɲo déjà préparé kə-ɲô kɯ-rko dur kə-rkô kə-nkʌʔ, nkɐ̂ 硬 *aŋraŋ-s > ngraengH Tib. mkhrang-po kɯ-so vide kə-só́ kɯ-ʑo léger kə-jô Tib. stong kə-jɐʔ, < Tang. .jij #3807 Tib. yang-po kuxtɕo hotte kə-ɕɐʔ 229 mbɣo charrue mbo-tû mbro cheval mbró mbrɐ Bir. mrâŋ qa-ʑo mouton kə-jó ʁiɐʔ Tang. .jij 2.33 #3452 羊 *blaŋ > yang Tib. g.yang dkar qro pigeon ɕtʂó tɤ-rmbɣo tambour tə-rbó tɤ-sno selle ta-ɕnó tɤ-tʰo pin tʰo-ló qʰrɐ̂ Tang. khjij 2.33 #3626 tɐ-tʰɐ̂ Bir. thâŋ rû Tib. thang shing tɯ-jno légume ta-jnô tɯ-ro poitrine ta-rô Tang. nju 1.3 #4789 tə-rɐ̂ Bir. rang tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tib. brang tɯ-rqo gorge tə-rqwʌʔ tɯ-zgo-ɕɤrɯ colonne tə-zgɐ-ldʐəʔ Tang. kor 1.89 #458 vertébrale tɯ-ʑo soi-même tə-jó Tang. .jij 1.36 #1245 Tib. rang Tableau 173 : Correspondances du japhug -o dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le constate dans le Tableau 173, la rime -o du japhug est remarquable parmi les rimes du japhug pour la régularité de ses correspondances avec les autres langues rgyalronguiques. Elle correspond à -o en somang et à -ɐ, -a et -ʌ (dans un cas) en zbu. Elle correspond systématiquement à -aŋ en birman et à *-ɨŋ et *-aŋ en chinois archaïque (14 exemples sur 42 sans exception). Nous reconstruirons donc *-aŋ pour cette rime en PGR. On trouve en tibétain quelques exemples où cette rime du rgyalrong correspond à -ong (kɯ-so, kɤ-mto)62, mais rien dans les autres langues n’autorise à distinguer une double origine pour cette rime. Nous avons vu dans la section 3.2.3.1 p.182 que certains emprunts du tibétain ont subi le changement de *-aŋ à -o. La seule exception à ce changement est le mot kɯ-rkaŋ « robuste » correspondant au somang kə-rkâŋ, mot apparenté au japhug kɯ-rko « dur » et au tibétain mkhrang-po « dur ». Il ne peut pas s’agir d’un emprunt, étant donné la métathèse du /r/ et l’absence d’aspiration à l’initiale. Cette exception est anormale aussi bien en japhug qu’en rgyalrong oriental. La seule explication possible est qu’il s’agit d’un emprunt dans ces deux langues à un parler rgyalrong (comme le tshobdun) ayant subi le changement *-aŋ → -o plus tardivement que ces deux langues : le mot aurait alors été emprunté après le changement 62 D’autant plus que la comparaison kɯ-so :: stong-ba « vide » est peut-être incorrecte. Nous reconstruisons donc *mə-taŋ en PGR pour kɤ-mto « voir ». 230 *-aŋ → -o en japhug et en somang, mais avant que *-aŋ ne devienne une rime en syllabe ouverte dans cet autre dialecte. Ce dialecte ne peut pas être le zbu, car dans celui-ci, le mot « dur » kə-nkʌʔ, nkɐ̂ a une préinitiale différente. La rime -ɣo avec une médiane sans équivalent dans les autres langues correspond à -a en zbu, et aucun autre exemple ne correspond à cette voyelle. Nous reconstruisons ici une rime vélarisée *-aˠŋ pour ces cas. Pour le verbe kɤ-ɣɤjmŋo « rêver », le -ŋ- est un -ɣnasalisé par l’initiale, et l’on doit donc reconstruire *-aˠŋ pour cette rime également. Toutefois, on trouve ici -ɐ au lieu de -a en zbu. Cette particularité s’observe aussi dans le nom de lieu noté So-mang en tibétain (chinois : suomo 梭磨 ; originellement de nom de l’affluent du Daduhe 大渡河 qui passe par ‘Bar-khams, également le nom d’un village), qui se dit sɤmŋo en japhug. On peut reconstruire *somaˠŋ ou *sɐmaˠŋ pour ce nom en tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 PGR. sens japhug somang zbu Autres langues (kɤmɲɯ) kɯ-ɣɤndʐo froid (temps) ta-dʐók Tang. dźjij 1.36 #735 kɤ-rŋo emprunter ka-rŋâ kɐ-rŋɐ̂, rŋî, rŋeʔ kɤ-nŋo échouer, perdre ka-nŋâ kɐ-nŋəʔ, nŋɐ̂ kɤ-sɤŋo écouter ka-rəŋná kɐ-sɐŋɐʔ, sɐŋî, < qro fourmi kʰorók qʰrôχ Tang. kjiwr 1.88 #2768 Bir. prwak Tib. grog-ma kɤ-kʰo donner, passer kɐ-kʰɐ̂m Tang. khjow 1.56 #1105 Tableau 174 : Exceptions à la correspondance japhug -o :: somang -o :: zbu -ɐ / -ʌ / -a. Le verbe statif kɯ-ɣɤndʐo « être froid » pourrait être un emprunt au tibétain grang-mo « froid », mais la forme somang montre qu’une consonne finale est tombée. Une situation similaire s’observe pour la forme du japhug qro « fourmi » : on attendrait *qʰroʁ. Nous ne proposerons pas de reconstruction pour ces deux mots. La forme du zbu kɐ-kʰɐ̂m « donner, passer » est la généralisation du thème 3 à tous les thèmes (en japhug, le thème 3 de cette forme est kʰɤm, voir la section 5.2.2 p.351). On remarque enfin trois mots, ka-rŋâ « emprunter », ka-nŋâ « perdre » et ka-rəŋná « écouter » qui ont -a en somang là où on attendrait -o. Ces trois mots on comme point commun d’avoir une initiale ou une préinitiale ŋ-. Il s’agit peut-être d’une dissimilation *Cŋaŋ → Cŋa en rgyalrong oriental. Si cette hypothèse est vraie, alors les autres racines en -Cŋo du somang qui n’ont pas de cognats en japhug telles que ka-nasŋó « gronder » ne peuvent venir que de *-o et non de *-aŋ dans la proto-langue, car il ne devrait pas exister de syllabes *Cŋaŋ en proto-somang. 231 Enfin, on peut reconstruire une rime *-aŋs en PGR pour le mot kɤ-ntɕʰos « utiliser », qui correspond à kɤ-ptɕó en somang et à kɐ-ntɕʰɐʔ, <ntɕʰiʔ, ntɕʰiʔ en zbu. gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang PGR rgyalrong Zbu oriental -o -o -o *-aŋ -o -ɐ, (-ʌ) -ɣo -ɣo -ɣo *-aˠŋ -o -a -os -os -os *-aŋs -o -ɐ Tableau 175 : Rime -aŋ en PGR. 4.2.2.2 Rime -u du japhug Comme nous le verrons en 4.2.2.3 p.237, la distinction entre la rime -ɯ et la rime -u tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ne s’opère pas de la même façon à travers les dialectes japhug. En effet, le -u du japhug de gSar-rdzong correspond parfois au -u, et parfois au -ɯ du dialecte de kɤmɲɯ. Dans cette section, nous étudierons uniquement les cas où l’on trouve -u dans les deux dialectes. Les cas où le japhug de gSar-rdzong a –u correspondant au kɤmɲɯ -ɯ seront étudiés dans la section 4.2.2.3 (Tableau 179). japhug(kɤmɲɯ) ɕku somang sens ɕkó oignon zbu skwəʔ Autres langues Tang. kjụ 1.59 #2278 Tib. sgog-pa « ail » kɤ-ɕlu labourer tə-ɕló́ kɤ-ɣɤwu pleurer ka-nawowô kɤ-jʁu courbé ka-rgorgó́ kɤ-kʰu crier ka-ŋa-kʰô kɤ-mɯnmu bouger kɐ-mənmó́ kɤ-mu avoir peur ka-nəmó́ kɤ-naʁju se kɤ-pu curer les Tang. ŋwu 2.1 #3399 kɐ-məlmuʔ Tang. mju 2.3 #4174 kɐ-pəʔ, puʔ, Tang. pju 2.3 #4413 ka-naktɕó dents « fouiller » cuire dans les ka-pô poʔ braises kɤ-qru accueillir ka-kró kɐ-nqʰrəʔ kɤ-rku mettre dans ka-rkô kɐ-rkwə́t, Tang. khjuu 1.6 #4040 rkʰút kɤ-sɤndu échanger ka-ɕandó kɤ-sɯsu vivant kə-səsô kə-səsû Tang. sjwụ 2.52 #487 Tib. ‘tsho-ba 232 kɤ-stu droit ka-stó́ kɐ-stuʔ, <stʰuʔ kɤ-tʰu demander ka-tʰó kɯ-jŋu serment kə-jŋó́ ká́-pa kɯ-maqʰu tard ka-məŋkʰú́ kə-mɐʁû, <mɐʁoʔ kɯ-mŋu cinq kə-mŋô kə-mŋɐ̂ Tang. ŋwə 1.27 #1999 Tib. lnga kɯ-mu ku-mu tétras (tetraogallus tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tibetanus) kɯ-ɴɢu relâché kə-ɴɢwəʔ kɯ-rpu heurter kɐ-rpʰuʔ kɯ-stu assidu ka-skô kɐ-stuʔ, Tang. ku 1.4 #5890 Tang. twụ 1.58 #5128 <stʰuʔ kɯ-tsʰu gros kɯ-ʑŋgu batelier ɯ-rqʰu peau, écorce tə-rkʰó ndʑu bambou ndʑó ndʑu baguettes ta-ndʑó paʁ-ɟu verrat tɤ-jlu pâte tɐ-jlô HFF tɤ-lu lait tə-ló Tang. tshwu 1.1 #984 kə-tsʰó́ kə-zŋgwə paʁ-jəʔ tɐ-ltʰəʔ Tang. lhju 1.3 #3065 Tib. zho « yaourt » tɤ-mdzu épine tə-mdzóʔ HFF tɐ́-mdzə tɤ-mu mère tə-mô tɤ-ru chef de village ta-rô HFF tɐ-roʔ tɤ-tʂu lampe ta-tʂʰó tɐ-tɕʰû tɤ-βɟu matelas ta-pjó tɯ-jaʁndzu doigt ta-jak-ndzó tə-ndzwɣəʔ tɯ-ku tête ta-kó tə-kuʔ Tang. ljuu 2.6 #922 Tang. ɣu 1.4 #2750 Tib. mgo tɯ-mdʑu langue tə-mdɣiʔ tɯ-ŋgru tendon tə-wró tɯ-pju moëlle tə-pjóʔ HFF Tang. lhuu 2.6 #2801 tɯ-pu intestin tə-pô Tang. wju 2.2 #2926 tə-ŋgrəʔ Tang. gju 2.3 #1907 Tib. pho-ba « estomac » tɯ-rcu veste tə-rtɕó 233 tɯ-rju parole tɯ-xtu ventre tə-rjô tə-xtuʔ intérieur « du ventre » tʂu tʂə-la chemin Tableau 176 : Correspondances du japhug de kɤmɲɯ -u dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on peut le constater dans le Tableau 176, le -u du japhug de kɤmɲɯ correspond quasiment toujours à -o en rgyalrong oriental et à -u, -o et -ə en zbu. Nous reconstruisons ici *-o en PGR : nous venons de voir que le -o du japhug moderne venait de *-aŋ en PGR. Tout comme pour la rime -ɯ, le vocalisme du somang est ici plus tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 archaïque. Les exceptions sont limitées aux quelques exemples dans le Tableau 177 : sens japhug somang zbu Autres langues (kɤmɲɯ) tsʰuɣru soude; alcali tsʰə-wré kɤ-rɤ-ru se lever ka-rwâs kɐ-rʊ́t, <rút ŋu être ŋôs ŋoʔ kʰu tigre kʰûŋ Tang. ŋwu 2.1 #508 Vieux tibétain gung Tableau 177 : Exceptions à la correspondance japhug -u :: somang -o Le cas de kʰu « tigre » sera abordé dans la section suivante. gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang PGR rgyalrong Zbu oriental -u -u -u *-o -o -ə, -u, -o Tableau 178 : Rime -o en PGR. 4.2.2.3 Rime -ɯ du japhug La prononciation de cette voyelle varie selon les dialectes japhug. Dans celui de kɤmɲɯ, nous l’avons transcrite /ɯ/, mais dans celui de Da-tshang, Lin You-jing la transcrit /ʊ/. La distinction entre /u/ et /ɯ/ dans les autres dialectes du japhug est loin d’être simple. Certaines variétés ont perdu la distinction entre -ɯ et -u (dialecte de rqaco). Les dialectes japhug de l’est opèrent la distinction entre ces deux phonèmes d’une façon différente du japhug de kɤmɲɯ. Cette section est divisée en deux parties : z Les cas où le -ɯ du japhug de kɤmɲɯ correspond à –u en somang et les 234 correspondances avec le japhug de gSar-rdzong (Tableau 179). z Les exceptions, où il correspond à -ə, -i ou à des syllabes fermées (Tableau 180) japhug japhug (kɤmɲɯ) (gSar-rdzong) ɕkɤrɯ sens somang zbu Autres langues ɕkó-ro espèce d’ovin (Capricornus sumatraensis) ɣzɯ ɣzɯ singe kə-tsú ɣzəʔ kɤ-cɯ ka-cu ouvrir ka-tû kɐ-tɣwɐʔ, Tang. thjwɨ 1.30 <tʰɣwɐʔ, #70 tɣwiʔ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 kɤ-cɯ kɤ-ɕtʂɯ ka-ɕtʂu hiberner tɕú confier, ka-ɕtʂú déposer chez qqn kɤ-ɣɤjɯ kɤ-ɣɤmɯ ka-wɤju ka-wɤmu ka-waju ajouter louer, faire lhu kɐ-zjû, Tang. zjoʔ, zjə̂m #5621 kɐ-mdzoʔ Tang. dzuu 2.5 1.1 ka-wamú́ l’éloge kɤ-mdzɯ ka-mdzɯt s'asseoir #2396 坐 *adzoʔ > dzwaX kɤ-mɯrkɯ ka-mɯrkɯ voler kɐ-mərkəʔ, Tang. kjur 2.70 mərkʰiʔ #5904 Bir. khûi Tib. rku brkus kɤ-mɯskʰrɯ ka-mɯskʰru être enceinte Tang. kwər 1.84 ka-məskrú́ #860 d'un enfant Bir. kuiy Tib. sku « corps » kɤ-ndzɯ ka-ndzɯ éduquer kɐ-zú HFF kɤ-nɯrtsɯ ka-nɯrtsu ramper ka-nərtsú́ kɤ-qrɯ ka-qrɯ tailler kɐ-nəxtsuʔ kɐ-qʰrəʔ (vêtements), broyer, dépaqueter kɤ-rmbɯ ka-rmbɯ amasser kɐ-rbuʔ 235 kɤ-ʁndɯ ka-ʁndu battre qqn kɐ-ɣdoʔ kɤ-rŋgɯ ka-rŋgɯ dormir, kɐ-rŋgəʔ être allongé kɤ-skɯ kɤ-skɯ ka-səkú́ enterrer kɐ-skûs, skʰoʔ kɤ-xtsɯ ka-xtsɯ décortiquer le ka-stsû riz kɤ-βlɯ allumer un ka-plû kɐ-lduʔ ka-χtɯ 2.1 #4506 feu kɤ-χtɯ lu Tang. kɐ-χtəʔ, acheter <χtʰiʔ kɯ-mpɯ mou, tendre kə-nə-pû kə-nbəʔ Tang. wəə 1.31 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 #320 kɯ-ŋgɯ kɯ-ŋgu pauvre kɯ-rɯ ku-ru tibétain kɯ-rnɯ ɯ-jɯ kə-ŋgoʔ kə-rú kə́-rnə mite ɯ-ju kə-ruʔ wu-lû poignée və-juʔ Tang. pjụ 1.59 #2984 Tang. lụ 2.51 #2273 ɯ-pʰɯ ɯ-pʰɯ prix ndʑirɯ ndʑiɣru lente və-ɣwəʔ Bir. a pûi mdʑirúʔ HFF pɣɤkʰɯ pɣɤkʰu hibou pkakʰú qa-jɯ qa-jɯ insecte, ver kə-lú pu-ku Tang. lụ 1.58 #1304 qa-rtsɯ qa-rtsu kə-rtsû hiver ʁɐ-rtsoʔ Tang. tsur 1.75 #1490 ta-ʁrɯ ta-ʁru tə-rú corne ta-ʁrəʔ Tang. khiwə #3517 Bir. khyui tɤ-mtɯ ta-mtu nœud ta-mtú tɤ-mtsɯ ta-mtsu bouton ta-mtsú tɐ-mtsû tɤ-pʰɯ ta-pʰu motte pʰú tɐ-pʰû ta-spû tɐ-zwəʔ de Tib. mdud-pa terre tɤ-spɯ ta-spɯ pus Tang. pə̣ 1.68 #5274 tɤ-tsrɯ ta-tsrɯ pousses ta-tsrú tɐ-tsrəʔ HFF 236 tɯ-ɕtɯ tɯ-ɕtɯ organe sexuel tə-ɕtú tə-stəʔ Tib. stu féminin tɯ-mɯ tɯ-mɯ temps, pluie Tang. mə 1.27 tə-mû #3513 Bir. mûi tɯ-mnɯ tɯ-mnu alène tə-mnû tə-mnoʔ tɯ-ndzrɯ tɯ-ndzru ongle tə-ndzrú tə-ndzrû HFF tɯ-nɯ tɯ-nɯ sein tə-nú tə-nôx Bir. núi « lait » Tib. nu-ma tɯ-pʰɯ tronc ɕəkpʰû ki-pʰuʔ Tang. phu 2.1 #5814 tɯ-zgrɯ tɯ-ɣru coude tə-krú tə-krəvzuʔ Tang. kjiwr 1.79 #1298 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tib. gru-mo ʑmbrɯ βʑɯ βʑɯ bâteau ʑgrú́ zbriʔ souris pə-jû pə́-jə Tang. pia 1.18 #2293 Tableau 179 : Correspondances du japhug de kɤmɲɯ -ɯ dans les autres langues rgyalronguiques (-u en somang) Dans le Tableau 179, nous indiquons le dialecte de gSar-rdzong en plus de celui de kɤmɲɯ dans la mesure où nous disposons des données. Dans les cas où les deux dialectes diffèrent, nous notons celui de gSar-rzdong en gras. Dans le dialecte japhug de kɤmɲɯ, le -ɯ correspond quasiment toujours à -u en somang, et aux rimes -ə, -u et -o (et -ɐ dans le cas de kɤ-cɯ :: kɐ-tɣwɐʔ « fermer »). En birman, à part kuiy « corps », où le -y est une aberration orthographique (imitation du pali kāya), le -ɯ du japhug correspond à -ui, une voyelle arrondie qui se prononce -o dans le dialecte de Rangoune moderne. En tibétain, comme nous l’avons montré dans le Tableau 59 du chapitre 3 p.91, le -ɯ correspond à -u. Les exceptions sont peu nombreuses, et elles seront discutées dans la suite de la section (Tableau 180). Dans le dialecte de gSar-rdzong, en revanche, le -u correspondant à -u en somang est mélangé avec celui venant de -o comme nous avons vu dans la section sur la rime -o. La correspondance kɤmɲɯ -ɯ :: gSar-rdzong -u ne peut s’expliquer par un changement conditionné dans l’un ou l’autre dialecte. La syllabe pʰɯ du dialecte de kɤmɲɯ correspond parfois à pʰu dans celui de gSar-rdzong, et parfois à pʰɯ : on trouve tɤ-pʰɯ :: ta-pʰu « motte de terre » par opposition à ɯ-pʰɯ :: ɯ-pʰɯ « prix ». Par ailleurs, le dialecte de Da-tshang est quasiment semblable à celui de gSar-rdzong mais quelques mots divergent toutefois : le mots « corne » est ta-ʁrʊ dans ce dialecte, s’alignant sur la forme de kɤmɲɯ tɤ-ʁrɯ. 237 Ces faits peuvent s’interpréter de deux manières différentes : un mélange de dialectes ou une distinction phonémique en PGR. On sait que certaines variantes du japhug on perdu la distinction entre -ɯ et -u. Il suffirait que des mots de ce dialecte aient été empruntés dans les dialectes tels que gSar-rdzong ou Da-tshang pour qu’apparaisse cette complexité dans les correspondances. Une autre possibilité serait que l’on doive reconstruire deux phonèmes en PGR : l’un deviendrait -ɯ dans tous les dialectes, et l’autre -ɯ en kɤmɲɯ et -u dans les autres. Nous adopterons la seconde interprétation, car les données sur l’alternance de thèmes en japhug de gSar-rdzong le suggèrent fortement (voir le chapitre 5 sur la flexion verbale). Lorsque tous les dialectes japhug ont -ɯ, nous reconstruisons *-ɯ en PGR, tandis que l’on trouve -ɯ à kɤmɲɯ et -u à gSar-rdzong, nous reconstruisons *-u. Nous avons vu que le -o des dialectes japhug modernes vient de *-aŋ et que -u vient tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 de *-o en PGR. Pour la rime correspondant à -ɯ et à -u, nous reconstruisons *-u en PGR, et pour celle qui correspond à -ɯ dans tous les parlers japhug, nous reconstruisons *-ɯ. japhug japhug (kɤmɲɯ) gSar-rdzong sens somang zbu Autres langues ɣɟɯ ɣɟu tour de garde tə-júŋ tɤ-kʰɯ ta-kʰu fumée ta-kʰə̂ tɐ-kə́t Tang. ɣju 1.3 #3673 Bir. mî khûi qa-mbrɯ qa-mbru kə-brə̂ yak ʁa-mbruʔ Tib. ‘bri « femelle du yak » kɤ-mdɯ vivre jusqu'à ka-mdə̂ « atteindre » tɯ-mbɯ organe tə-mbî sexuel #5362 masculin tɯ-mdɯ Tang. bjij 2.33 neveux tə-mdî ɯ-pɯ ɯ-xpɤk intérêts wu-pə́k kɤ-nɤtsɯ ka-nɤtsu cacher ka-natsú́t ʑgrɯ ʑgrɯk absolument ʑgrə́k kɐ-nɐtsʰiʔ Tableau 180 : Correspondances du japhug de kɤmɲɯ -ɯ dans les autres langues rgyalronguiques (exceptions) Le mot ɣɟɯ « tour de garde » est avec kʰu « tigre » vu dans la section précédente le seul mot correspondant à -uŋ en rgyalrong oriental dans un mot du vocabulaire non emprunté. La rime du rgyalrong oriental correspond toutefois à deux rimes différentes en 238 japhug : -u et -ɯ. Il n’est donc pas possible de reconstruire une rime *-uŋ en PGR. Plusieurs hypothèses sont possibles pour expliquer l’origine du mot ɯ-pɯ « intérêt » du dialecte de kɤmɲɯ, bien qu’il ressemble phonétiquement à wu-pə́k en somang. Soit il est nécessaire de reconstruire un changement *-uk > -ɯ pour ce dialecte (le changement étant *-uk > -ɤɣ dans le dialecte de gSar-rdzong). Soit nous pouvons accepter l’étymologie donnée par les locuteurs natifs : ce mot serait en fait le même que ɯ-pɯ « petit, enfant » dans un emploi métaphorique. Dans cette deuxième hypothèse, seul le dialecte de gSar-rdzong aurait conservé le cognat du somang wu-pə́k. Pour le cas de ʑgrɯ « absolument », en revanche, il est certain que le dialecte de kɤmɲɯ a perdu la finale -k, contrairement à celui de gSar-rdzong. Pour les autres exceptions du Tableau 180, nous n’avons pas d’explication. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang PGR rgyalrong Zbu oriental -ɯ -u -u *-u -u -ə, -u, -o, (-ox) -ɯ -ɯ -ɯ *-ɯ -u -ə, -u, -o -ɯ -ɯk ? *-uk -ək ? Tableau 181 : Rimes du PGR correspondant à -ɯ dans le dialecte de kɤmɲɯ. 4.2.2.4 Conclusion Nous reconstruisons pour les voyelles postérieures une chaîne de changements qui peut se résumer ainsi : *-aŋ → -o, *-o → -u, *-u → -ɯ. Le dernier changement ne s’est produit que dans le dialecte de kɤmɲɯ, et dans les autres dialectes les *-o et les *-u se sont confondus. L’ordre relatif de ces changements nous est donné par l’étude des emprunts au tibétain : il s’agit d’un changement par propulsion. 239 4.2.3 Rimes à syllabe fermée en japhug Dans les deux sections précédentes, nous avons reconstruit en tout sept voyelles en syllabe ouverte : *-a, -e, *-i, *-o, -u et -ɯ, ainsi que les rimes fermées en *-j et la rime *-aŋ. Nous traiterons ici de sept groupes de rimes, en fonction de leur consonne finale : rimes en -β, -m, -t, -s, -r, -ɣ et -ʁ (voir le Tableau 153). La rime -ɤj a été abordée en 4.2.1.2 p.217. A part celles en -m et -ʁ, les rimes fermées du japhug ne comportent que les trois voyelles /a/, /ɤ/ et /ɯ/. Dans cette section sur les syllabes fermées, nous aurons besoin d’introduire deux autres voyelles : *ɐ et *ɔ. Les correspondances entre japhug et rgyalrong oriental pour les tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 rimes en syllabes fermées à -β, -t, -s, -ɣ et –r, et leurs correspondances avec le PGR sont résumées dans le Tableau 182. PGR japhug rgyalrong oriental *-ap, *-at, *-as, *-ar -aβ, -at, -as, -ar -ap, -at, -as, -ar *-ɐp, *-ɐt, *-ɐs, *-ɐr -ɤβ, -ɤt, -ɤs, -ɤr, -ɤɣ -ap, -ɐt, -ɐs, -ɐr, -ɐk *-ɔp, *-ɔt, *-ɔs, *-ɔr, *-ɔk -ɤβ, -ɤt, -ɤs, -ɤr, -ɤɣ -op, -ot, -os, -or, -ok *-op, *-ot, *-ok -ɯβ, -ɯt, -ur, -ɯɣ -op, -ot, -or, -ok Tableau 182 : Mise en évidence des oppositions *ɐ / *a et *o / *ɔ en PGR. Le *ɐ du PGR en syllabe fermée devient /ɤ/ en japhug, et correspond presque toujours à /ɐ/ en rgyalrong oriental. Toutefois, tous les /ɤ/ de la langue moderne ne viennent pas de /ɤ. Le /o/ du rgyalrong oriental correspond à la fois aux rimes à voyelle principale /ɤ/ et /ɯ/ en japhug. Nous reconstruisons donc deux o différents en PGR : un *o qui devient /u/ ou /ɯ/ dans la langue moderne selon les rimes, et un *ɔ qui devient /ɤ/. Un résumé des rimes du PGR et de leurs correspondances en japhug peut se trouver dans le Tableau 214 p.266. 4.2.3.1 Rimes du japhug fermées en -β La consonne finale -β du japhug est prononcée -p dans le dialecte de gSar-rdzong, et -f dans celui de Da-tshang. Elle correspond au PGR *-p. Cette section est divisée en trois parties, correspondant aux trois rimes fermées en -β dans les mots du japhug de kɤmɲɯ qui sont hérités du proto-rgyalronguique : z -aβ (Tableau 183 p.241) 240 z -ɤβ (Tableau 184 p.242) z -ɯβ (Tableau 185 p.242) sens japhug (kɤmɲɯ) somang / zbu cogtse kɤ-ɕaβ rattraper ka-ɕɐ̂p LYJ tɯ-ɕnaβ morve tə-ɕnám Autres langues sɲîv « nez » Bir. hnap Tib. snabs kɤ-ɣɤntaβ poser kɐ-səntɐ̂v ta-qaβ aiguille ta-káp Bir. ap tɐ-ʁâv Tib. khab kɯ-qiaβ amer kə-tɕá́p kɯ-mɤrtsaβ piquant kə-martsá́p kə-mɐrtsâv, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 <mɐrtsə̂v tɯ-rʑaβ épouse kɤ-tʂaβ faire tomber (un ta-rɟjáp HFF kɐ-tɕʰêv, tɕʰîv, tɕʰév arbre) Tableau 183 : Correspondances du japhug –aβ dans les autres langues rGyalronguiques. Comme on peut le lire dans le Tableau 183, la rime -aβ du japhug correspond à -ɐp ou -ap en somang (et -am dans un cas), mais en zbu on trouve -av, -ɐv, -ev, -iv : des voyelles auxquelles correspondait le japhug -a en syllabe ouverte. Nous reconstruisons *-ap en PGR. sens japhug somang zbu (kɤmɲɯ) kɤ-cʰɤβ Autres langues kɐ-cʰóv, cʰúv, cʰív aplatir « rompre » pɤ-ɕtʰɤβ sangle ventrale po-ɕtʰə́k tɤ-jlɤβ vapeur ta-jlôp Tang. lwew 1.43 #3299 kɯ-nɯɣɯmbɤβ enfler kə-mbóp kɯ-ndzɤβ collant, épais kə-rzə́p Tang. « proches l’un 1.59 #3650 dzjụ de l’autre » ɴqiɤβ ubac ta-ntɕáp kɤ-pʰɤβ abaisser qa-rtsɤβ récolte kə-rtsə́p kɤ-tɕɤβ brûler ka-tɕóp kɐ-pʰév, pʰêv kɐ-tɕʰôv, tɕʰə̂v, tɕʰə̂v 241 kɤ-tɤβ battre le grain kɐ-tó́p Tang. tju 2.3 kɐ-tôv, tə̂v #1899 « frapper » Tableau 184 : Correspondances du japhug -ɤβ dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 184, le -ɤβ du japhug correspond à -ap, -op et -əp en somang et -ev et -ov en zbu. Nous reconstruisons *-ɔp lorsque -ɤβ correspond au somang -op et au zbu -ov, *-ɐp lorsqu’il correspond à -ap en somang et -ev en zbu, et *-ɯp lorsqu’il correspond à -əp en somang. La forme pɤ-ɕtʰɤβ « sangle ventrale pour attacher la selle » est irrégulière et nous ne proposerons pas de reconstruction. sens japhug somang zbu Autres langues tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (kɤmɲɯ) ʁmas-grɯβ cicatrice ta-ʁjɯβ ombre ʁmɐ-ʑgruʔ ta-wjə́s Bir. a rip və-ʁjév Tib. grib-ma kɯ-lɯβ être sombre kə-ldôv kɯ-ndɯβ fine (poudre) kə-ndîv, ndə̂v mɲaʁ-tɕʰɯβ clin d'œil mɲak-tʰîp kɤ-tʂɯβ coudre ka-tʂó́p kɤ-nɯʑɯβ s’endormir kɐ-tɕôv, tɕə̂v, Bir. khyup tɕə̂v Tib. ‘drub-ba kɐ-rɐjîv Bir. ip Tableau 185 : Correspondances du japhug -ɯβ dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on l’observe dans le Tableau 185, le japhug -ɯβ correspond à –ip, -op ou -əs en somang, et -ev, -ov ou -iv en zbu. Nous reconstruisons en PGR une rime à voyelle antérieure *-ip lorsqu’il correspond à -ip en somang ou à -ev et -iv en zbu, et une voyelle arrondie *-up / *-op (pas de distinction entre ces deux phonèmes avec la finale -β) lorsqu’il correspond à -op en somang ou -ov en zbu. La rime -up est absente du somang. En cogtse, Hsie Fengfan (1999) transcrit seulement un mot avec cette rime : « sucer » ka-məscçúp, qui est transcrit ka-mərdʑə́p dans Huang et Sun (2002). gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang -aβ -ap -af PGR *-ap rgyalrong oriental -ap, -ɐp Zbu -av, -ɐv, -ev, -iv -ɤβ -ɤp -ɐf *-ɔp -op -ov -ɤβ -ɤp -ɐf *-ɐp -ap -ev -ɤβ -ɤp -ɐf *-ɯp -əp ? 242 -ɯβ -ɯp -əf *-ip -ip -iv, -ev -ɯβ -ɯp -əf *-up -op -ov, -uʔ Tableau 186 : Rimes fermées en *-p en PGR. 4.2.3.2 Rimes du japhug fermées en -m On trouve quatre rimes fermées en -m dans les mots japhug ayant des équivalents dans les autres langues. Cette section est divisée en six parties. Les quatre premières sont consacrées aux correspondances de chacune des rimes du japhug de kɤmɲɯ avec tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 les autres langues rgyalronguiques : z -ɤm (Tableau 187 p.243) z -om (Tableau 188 p.244) z -um (Tableau 189 p.245) z -ɯm (Tableau 190 p.245) Les deux dernières traitent des correspondances entre les dialectes japhug : z Les cas où les japhug de kɤmɲɯ -om correspond à -ɤm dans les autres dialectes (Tableau 191 p.246) z Les cas où le japhug de kɤmɲɯ -ɯm correspond à –um dans les autres dialectes (Tableau 192 p.247) sens japhug somang / cogtse zbu Autres (kɤmɲɯ) langues kɤ-mtsʰɤm entendre ka-msám kɯ-mŋɤm avoir mal tə-pjô kə-mŋâm « être fatigué » kɤ-ntɤm plat ka-ntʰâm, kə-ntáp HFF tɤ-rɤm planche de bois tɐ-rɐ́m skɤm bœuf à viande skɐ̂m kɤ-stɤm se solidifier kə-dɐ̂m LYJ kə-ʁɐstʰɐ́m Tang. tọ 1.70 #148 tɤ-zrɤm racine tɐ-srɐ́m tɐ-rzám Tableau 187 : Correspondances du Japhug -ɤm dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on peut le constater dans le Tableau 187, la rime -ɤm du japhug correspond à -am ou à -ɐm aussi bien en rgyalrong oriental qu’en zbu. 243 sens japhug somang zbu Autres langues kə-sɲɐ́m Tang. niọ 2.63 #5990 (kɤmɲɯ) ɕkom muntjac ɕkám kɯ-ɕnom épi kʰə-ɕnám Bir. a hnaṃ ɕom Tang. śjow 1.56 #4995 ɕám fer Bir. saṃ kɯ-jom large, étendu kə-jâm tɤ-jpʰɣom glace tə-rpâm kɯ-mbɣom occupé, pressé kɤ-nɯqambɯ voler Tang. low 2.47 tɐ-lvɐ́m kə-mbám ka-bjâm kə-ʁɐlbjɐ́m, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 -mbjom Bir. pjaṃ ʁɐ-lbjím kɯ-mbjom rapide tɤ-mɢom presse ta-mkám mɤ-rdom fléau ta-mə-rdám tɤ-rkʰom partie dure des ta-rkám plumes « ailes » côte ta-rnâm tɯ-rnom Tang. .wo 1.70 #4053 kə-mbjɐ́m tə-rnɐ́m Tang. no 1.49 #1915 Bir. naṃ rûi kɯ-rom sec tɯ-snom sœur kə-rám (terme utilisé kə-rɐ́m Bir. hnamá tə-snâm par les garçons pour appeler leur sœur) kɤ-nɯ-sŋom convoiter ka-sŋâm tɯ-ɟom longueur de deux ki-ʎɟɐ́m Tib. ‘dom-pa tɐ-ndzɐ́m Tang. dzow 1.54 #2584 bras écartés ndzom pont ta-dzám Tib. zam Tableau 188 : Correspondances du Japhug -om dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 188, le Japhug -om correspond à -am en rgyalrong oriental (jamais avec -ɐm) et à -ɐm ou -am en zbu. Les mots tɯ-ɟom et ndzom ont des cognats en tibétains. sens japhug somang zbu (kɤmɲɯ) ku-ɣrum Autres langues blanc kə-prám kə-prúm, pʰrúm Tang. phiow 1.55 #1572 kɯ-rɟum large kə-rdʑâm kə-lám 244 kɤ-βʁum renverser kɐ-vʁûm, vʁôm, vʁə̂m kɤ-wum recevoir, fermer ka-ɕúm kɯ-jpum large (diamètre) kə-jpâm Tang. wọ 1.70 kə-lvóm #1805 Tib. sbom-po sqa-fsum Tang. sọ 1.70 ʁɐ-fɕúm kə-sâm treize #5865 « trois » Tib. gsum Tableau 189 : Correspondances du Japhug -um dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on l’observe dans le Tableau 189, la rime -um du japhug correspond à -am ou -um aussi bien en rgyalrong oriental et à -am, -um ou -om en zbu. Deux de ces mots, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 kɯ-jpum et sqa-fsum ont des cognats en tibétain. japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu Autres langues kɯ-jɯm être clair (temps) kə-jám kɯm porte kâm kɤ-nɯ-mbjɯm se chauffer au ka-nə-pjâm kɐ-npʰjúm ta-mkâm tɐ-mkóm feu tɤ-mkɯm oreiller Tang. ɣjow 1.56 #1440 Bir. ûṃ kɯ-mɯm bon (goût) kə-mêm kə-mím tɤ-mtʰɯm viande ta-mtʰám tɤ-ŋgɯm œuf ta-gám tɐ-ŋgúm tɯ-ndzɤŋgrɯm tempes tə-ndzaŋgrə́m ndzɐŋgrɐ́m kɤ-qarndɯm trouble (eau) kə-ʁɐndə̂m Tang. dzjij̣ 1.61 #3464 kɤ-rtɯm rond kɐ-rtúm, rtʰúm tɯ-mbɤ-tɯm rein tə-mbo-tɐ́m kɤ-tsɯm emporter ka-tsâm kɯ-xtsʰɯm fin kə-tɕʰə̂m kə-tsʰîm zdɯm nuage zdém zdím Tang. djɨj̣ 2.55 #2738 Bir. tim tɯ-ʑŋgrɯm cartilage tɐ́-qrəm-qrəm Tableau 190 : Correspondances du Japhug -ɯm dans les autres langues rgyalronguiques. 245 Comme on le voit dans le Tableau 190, la rime -ɯm du Japhug correspond à -am, -im ou -əm en rgyalrong oriental et à -um, -om, -im, -ɐm et -əm en zbu. Quasiment tous les exemples de syllabes fermées en -m en japhug correspondent à -am ou -ɐm en somang. On distingue seulement cinq exceptions : kɯ-mɯm « bon (goût), zdɯm « nuage », kɯ-xtsʰɯm « fin » , tɯ-ndzɤ-ŋgrɯm « tempes » et kɤ-wum « recevoir, fermer ». kɯ-mɯm et zdɯm ont des correspondances régulières : on a -ɯm en Japhug, -em en somang et -im en zbu. La voyelle d’avant dans ces mots est ancienne : on la trouve dans le cognat birman. On peut reconstruire une rime à voyelle d’avant *-im ou *-em en PGR pour ces deux mots. Le mot kɯ-xtsʰɯm « fin » appartient probablement aussi à cette correspondance, si l’on peut expliquer le vocalisme et l’initiale irrégulière du somang. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Pour les autres exemples, on remarque que les rimes -om et -ɤm du japhug correspondent à -ɐm ou à -am en zbu, tandis que -um et -ɯm ont des correspondances plus variées en zbu : -am, -um, et -om. Nous avons vu dans la section 3.2.3.4 p.193 que la rime -am du tibétain correspond aussi à -om et à -ɤm, mais jamais à -um ou à -ɯm en japhug dans les emprunts. On sait que l’alternance des voyelles /a/ et /ɐ/ a un rôle dans la morphologie verbale en rgyalrong oriental (Lin 2003), et les processus morphologiques qu’ont subi certains mots sont responsables pour une part de la complexité des correspondances. Au sein même des dialectes japhug, les rimes -om et -ɤm présentent une certaine variabilité, comme on peut le constater dans le Tableau 191 : gDong-brgyad, sens gSar-rdzong Da-tshang (Lin You-jing) kɯ-rom sec kɯ-rɤm kə-rɐm kɤ-nɯ-sŋom envier ka-nɤ-sŋɤm ka-nɐ-sŋɐm ɕom peau du lait tɤ-lɤ-ɕɤm tɤ-mɢom presse pour maintenir tɤ-mɢɤm village de kɤmɲɯ une pièce en place tɯ-qom larme ɯ-qɤm kɤ-χom bailler kɤ-χɤm kɤ-χsom être réveillé kɤ-χsɤm Tableau 191 : Correspondances -om en japhug de kɤmɲɯ :: -ɤm / -ɐm dans les dialectes de l’est Dans le Tableau 191, on trouve des cas où le dialecte de gDong-brgyad kɤmɲɯ a -om là où les autres variétés de japhug ont une voyelle non-arrondie. En revanche, il n’y a 246 aucun cas de -ɤm en kɤmɲɯ correspondant à -om dans les autres dialectes. Lin (2003) note également quelques cas d’alternances morphologiques faisant intervenir /ə/ et /u/ en syllabe fermées. Au sein du japhug, on retrouve une certaine variation avec ces deux rimes, on peut le lire dans le Tableau 192 : gDong-brgyad, village de kɤmɲɯ sens tɯ-mbɤ-tɯm rein kɤ-rtɯm rond kɤ-rtɯm ka-rtum χsɯm trois χsɯm χsum tɤ-ŋgɯm œuf ta-ŋgum sɯ-rtsʰɯm souche sə-rtsʰum gSar-rdzong Da-tshang (Lin You-jing) ʃombotum tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 192 : Correspondances -ɯm en japhug de kɤmɲɯ :: -um dans les dialectes de l’est Là encore, on trouve des cas où le dialecte de kɤmɲɯ a -ɯm là où celui de Da-tshang a -um, mais pas l’inverse. On trouve enfin un cas unique de -om du dialecte de gDong-brgyad de kɤmɲɯ correspondant à -ɯm dans celui de gSar-rdzong : qom-ndroŋ :: qɯm-ndzrɯt « oie sauvage ». Ce mot est probablement d’origine onomatopéique, ses correspondances et sa structure phonologique sont inhabituelles, et il ne sera donc pas pris en compte dans ce chapitre. C’est le seul cas d’alternance entre les rimes -om / -ɤm et les rimes -ɯm / -um en japhug. La variation entre -om et -ɤm d’une part et -ɯm et -um d’autre part dans les dialectes japhug ne semble pas être déterminée par un contexte phonologique évident. Elle peut théoriquement avoir trois origines. Premièrement, cette variation pourrait venir de six rimes en PGR pour quatre rimes dans les dialectes modernes, comme on peut le lire dans le Tableau 193 : gDong-brgyad, village de kɤmɲɯ Da-tshang *-V1m -om -om *-V2m -om -ɤm *-V3m -ɤm -ɤm *-V4m -um -um *-V5m -ɯm -um *-V6m -ɯm -ɯm Tableau 193 : Hypothèse 1 sur l’origine des rimes fermées en -m en japhug. Cette hypothèse nous ferait postuler un grand nombre de rimes dans la proto-langue, 247 plus que pour aucune autre consonne finale. Deuxièmement, comme nous l’avons évoqué, il pourrait s’agir d’alternances liées à la morphologie. La rime -om du japhug devient -ɤm en composition comme dans ɕom « fer », ɕɤmiŋoʁ « crochet en fer », mais ce procédé ne peut expliquer les irrégularités observées, puisqu’il ne concerne jamais la dernière syllabe d’un composé. Pour les verbes, il est possible d’interpréter les irrégularités dans le Tableau 191 comme le résultat de l’alternance /a/ ~ /ɐ/ observée dans la conjugaison du rgyalrong oriental et du zbu : en perdant ces alternances, le japhug aurait généralisé l’un ou l’autre des thèmes verbaux, et de plus l’aurait fait de façon différente selon les dialectes (ce qui montre que la perte de cette flexion n’était pas achevée en PGR). Cela explique le peu de correspondances régulières avec les -am et -ɐm du rgyalrong oriental et du zbu. Cette hypothèse concerne la morphologie verbale. Elle ne permet donc pas tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 d’expliquer les irrégularités des noms. Or, parmi les trois noms du Tableau 191, on remarque que deux commencent par une uvulaire (tɤ-mɢom « presse pour maintenir une pièce en place », tɯ-qom « larme »). Il n’est pas à exclure que les dialectes japhug de l’est aient subi un changement *Qom → Qɤm auquel ait échappé celui de kɤmɲɯ. Le verbe kɤ-χom « bailler » a peut-être lui aussi subi ce changement, même si son irrégularité pourrait s’expliquer par une variation en PGR due à la morphologie. Toutefois, il existe en japhug de gSar-rdzong un mot kɯ-rʁom « rugueux », mot identique au dialecte de kɤmɲɯ dont l’initiale est uvulaire mais qui a pourtant la rime -om. Si un changement *Qom → Qɤm a bien eu lieu, il a été obscurci par le contact entre les dialectes du japhug. Troisièmement, il pourrait s’agit d’un mélange de dialectes. Ici la distribution de -um en japhug de kɤmɲɯ est intéressante : à part kɯ-rɟum « large », les cinq autres mots de la langue ayant -um ont ou bien une initiale, ou bien une préinitiale labiale. Notre hypothèse est la suivante : il existait deux rimes en proto- japhug *-om et *-um. *-om est devenu -ɯm dans la langue de kɤmɲɯ, sauf dans les syllabes dont l’initiale et la préinitiale étaient labiale. L’exception kɯ-rɟum serait un emprunt à un dialecte n’ayant pas subi ce changement. Nous reconstruisons *-om si l’on trouve un dialecte japhug ayant -um, et *-um si tous les dialectes ont -ɯm. On ne peut pas reconstruire de distinction entre *-om et *-um. On trouve enfin un mot dont la consonne finale est irrégulière au sein des dialectes japhug : la forme tɤ-ɕɤ-rmbjɤβ « orge en javelles » du dialecte de kɤmɲɯ correspond à ta-rnbjɐm en Da-tshang. Nous reconstruisons donc les rimes suivantes en PGR. Les cas irréguliers attestés par seulement un exemple sont indiqués entre parenthèse dans le Tableau 194 : 248 gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang PGR rgyalrong oriental Zbu -ɤm -ɤm -ɤm *-ɐm -am, -ɐm -am, ɐm -om -om, -ɤm -om, -ɤm *-am -am -am, ɐm -ɯm, (-um) -ɯm, (-um) -um *-om -am, -ɐm -om, -um, (-am) -um -um -um *-om (initiale ou -am, -ɐm -om, -um préinitiale labiale) -ɯm -ɯm -ɯm -ɯm -ɯm -ɯm *-um *-im -am, -ɐm, -ɐm, -əm, (-əm) (-um) -em, (-əm) -im Tableau 194 : Rimes fermées en -m en PGR. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 On peut ajouter pour finir le cas des deux mots kɯ-mbɣom « pressé » et tɤ-jpɣom « glace ». L’intrusion d’une médiane dans ces deux mots est liée ici à la présence d’une voyelle vélarisée en PGR, comme nous l’avons expliqué en 4.2.1.3 p.221. Ces deux mots doivent donc être reconstruits *mbaˠm et *lpaˠm respectivement. 4.2.3.3 Rimes du japhug fermées en -t On distingue en japhug trois syllabes fermées en -t ayant des cognats dans d’autres langues rgyalronguiques : -at, -ɤt et -ɯt. Cette section est divisée en trois parties consacrées aux correspondances de chacune des rimes du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques : z -at (Tableau 195 p.250) z -ɤt (Tableau 196 p.251) z -ɯt (Tableau 197 p.252) La finale -t du japhug correspond parfois à -s en somang ou en zbu et inversement. Ce phénomène est un des plus problématiques du comparatisme rgyalrong, il a déjà été noté par J. T.-S. Sun (2000a : 174) qui avait constaté que le –s du cogtse correspond à plusieurs finales, dont -t, en tshobdun. On dispose d’une preuve qu’un changement de *-s à -t s’opère sporadiquement : le mot tibétain rgya-skas « escalier chinois » a été emprunté comme rɟɤskɤt en japhug et shing-skas « escalier en bois » comme ɕoŋskɐ́t en cogtse. Aucun dialecte tibétain de cette région n’est connu pour avoir subi de changement -s > -t, donc il doit s’agir d’un changement propre aux langues rgyalronguiques. Il semble peu probable que l’on doive reconstruire un *-s1 qui resterait -s dans tous les dialectes et un *-s2 qui deviendrait -t dans certains dialectes et pour deux raisons : d’abord, aucune langue de cette région à notre connaissance n’opère de distinction entre 249 deux types de –s finaux, et deuxièmement on trouve à la fois japhug -t :: somang -s et japhug -s :: somang –t : bien plus que deux *-s seraient nécessaires pour rendre compte de l’ensemble des correspondances. Une autre raison possible à ce changement pour certains mots serait l’ajout d’un suffixe -s de passé à une racine verbale en -t qui résulterait en une finale -s (*-ts > -s). Toutefois, en cogtse où le suffixe -s de passé est toujours productif, il ne peut s’ajouter qu’à des racines en syllabe ouverte. Ces irrégularités ne sont pas limitées au lexique : le suffixe d’aoriste de 1,2s -t du dialecte de kɤmɲɯ correspond à -s dans tous les autres dialectes japhug et à -s en zbu. En l’absence de données comparatives de langues extérieures au rgyalrong, il n’est pas possible de reconstruire ces finales. Nous noterons *-t/s en PGR ces formes tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 aberrantes. sens japhug somang Zbu Autres langues (kɤmɲɯ) kɤ-ɕtʂat économiser ka-wuʂtʂá sɯ-mat fruit tə-jmát kɯ-mbat léger (travail) kə-wá́t « facile » kə-mbêt, mbît kɯ-rcat huit wu-rját və-rɟêt Tang. mjaa 1.23 #2436 Tib. brgyad Tang. .jar 1.82 #4602 kɤ-rmbat proche kə-wá́t kɤ-sat tuer ka-sát Tib. gsod bsad Tang. sja 1.20 #4225 Tableau 195 : Correspondances du japhug -at en japhug dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on peut l’observer dans le Tableau 195, les correspondances du -at du japhug sont simples : cette rime correspond à -at en somang et à -et en zbu. La seule exception est kɤ-ɕtʂat « économiser » dont le -t n’a pas d’équivalent en somang. Il pourrait s’agir d’un suffixe. japhug (kɤmɲɯ) sens somang / zbu Autres langues cogtse kɤ-ɕpʰɤt kɐ-spês réparer Tang. bə 2.25 #1386 kɤ-ɕqʰlɤt tomber, sombrer kə-ʒglɐ́t HFF jɤɣɤt balcon jɐwɐ́t HFF 250 kɤ-mɯjpʰɤt kɐ-məmpʰɐ́t vomir kɐ-nbês Tang. jeter, relâcher kɯ-mtsʰɤt rempli kɤ-ndzɤt grandir kə-ndzát tɯ-ɲɤt éboulement tɐ-nɲɐ́t HFF kɤ-pjɤt bourrer un ka-pjót saucisson « remplir » couper ka-prɐ́t HFF kɤ-prɤt 1.19 #4585 HFF kɤ-lɤt wja kɐ-lɐ̂t kə-mtsʰôt kɐ-pʰrát, <, pʰrít kɤ-nɯ-ɴɢɤt se séparer kɤ-ʁdɤt glisser ka-nə-ŋkâs kɐ-ʁʎdɣêt, 躓 *btr-lit-s > trjijH tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ʁʎdɣə́t kɤ-rɤt kɐ-rêt, rît, rét dessiner, écrire Tang. rjar 1.82 #1715 kɤ-ɣɤrɤt kɐ-vɐrêt, vɐrît, jeter vɐrét ta-ʁrɤt charbon de bois ta-ŋkrôt kɤ-scɤt déplacer kə-scçét HFF kɤ-skɤt refuser ka-skɐ́t HFF kɤ-tɕɤt prendre ta-ʁrôt kɐ-tɕʰɐ́t Tang. tśhiə 1.28 #2552 tsʰɤt Bir. chit tɕʰə̂t chèvre Tang. tshjɨ 1.30 #2367 kɯ-ɣɤ-wɤt s'ouvrir (fleur) tɯ-wɤt manche Bir. pân tɐ-pɐ́t HFF tə-ɣʊ́t Tableau 196 : Correspondances du Japhug -ɤt dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 196, la rime -ɤt du japhug correspond à -ɐt, -ət, -et et -ot en rgyalrong oriental et à -at, -ɐt, -ot, -es, -et, -ʊt en zbu. Nous reconstruisons *-ɔt en PGR lorsque le japhug -ɤt correspond à -ot en somang ou -ot, -ʊt en zbu, *-ɐt lorsqu’il correspond à -ɐt en somang et à -ɐt, -at ou -et / -es en zbu, et enfin *-et lorsqu’il correspond à -et en somang ou en zbu. Pour la racine du verbe kɤ-ɕpʰɤt « réparer », on retrouve une forme à -s comme en zbu dans le nom du plantain (Plantago sp. L.) tʂɤɕpʰɤs dans le dialecte de gSar-rdzong (tʂɤɕpʰɤt dans le dialecte de kɤmɲɯ). Le mot tsʰɤt « chèvre » correspondant à tɕʰə̂t en somang est problématique : aussi bien son initiale que sa rime sont irrégulières. 251 japhug sens somang finir de manger ka-ɕkút zbu Autres langues tə-ɕkrə̂t Tang. (kɤmɲɯ) kɤ-ɕkɯt ou de boire tɯ-ɕkrɯt bile tə-mdʑi-krí kjɨɨr 2.85 #3582 Bir. sâɲɲ-khre tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tib. mkhris-pa kɤ-ɕpɯt élever ka-ɕpú́t dɯ-dɯt tourterelle kʰu-ktút du-dút kɤ-jmɯt oublier ka-jmə̂s kɐ-lmît, <lmə́t, Tang. mjɨ̣̣ ̣ qa-mbɯt sable kɤ-ɣɤmɯt souffler lmə́t 2.61 #2325 ʁál-bət Tang. bẹ 1.65 #250 ka-mó́t kɐ-vɐmôt, Tang. « boire » vɐmɤ́t, vɐmɤ́t #2128 kɤ-nɤndɯt se disputer ka-nandôt kɤ-ndzɯt aboyer kə-ŋandzot kɐ-ndzə́t kɯ-ngɯt neuf kə-ŋgû kə-ngít Bir. mé məə 1.31 Bir. kûI Tib. dgu kɯ-ngɯt solide kɤ-nɯt brûler kə-ngəʔ kə-ná́t kɐ-snôt, snə́t, Tang. njwɨ ̣ snə́t 2.61 #5192 « allumer » tɤ-ŋkʰɯt poing ta-rkút tɐ-ŋkə̂t kɤ-pʰɯt arracher, couper ka-pʰôt kɐ-ɣʊ́t, ɣôt, ɣît kɤ-mbɯt s’écrouler kɤ-plɯt détruire ka-plôt kɤ-qʰrɯt gratter ka-kʰrôt kɤ-tɯt mûrir kə-tû, tʰoʔ kɯ-xtɯt court kə-xtə̂n xtɯt chat sauvage xtuʔ kɤ-zɣɯt arriver kɐ-vzɣêt, vzɣə́t kə-nbút, nbôt kɐ-plʊ́t, plôt 刮 *akrot > kwæt Tableau 197 : Correspondances du Japhug -ɯt dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 197, la rime -ɯt du japhug correspond à –ot, -ut, -u, -i et -əs en somang et à –ut, -ʊt, –ot, –u, -ət, -ən, –it et -et en zbu. Nous reconstruisons *-ut 252 lorsque le -ɯt correspond à -ut en somang et à -ut, -ət et -ot en zbu, *-ot lorsque cette rime correspond à -ot en somang et à-ut, -ot et -ʊt en zbu. Enfin, dans les cas où le japhug -ɯt correspond à une rime à voyelle antérieure en somang ou en zbu, nous reconstruisons pas *-it en PGR. Pour le verbe kɤ-zɣɯt « arriver » qui correspond au zbu kɐ-vzɣêt avec une voyelle antérieure, cette reconstruction est renforcée par la famille de mot avec kɤ-ɣɯt « amener » et kɤ-ɣi « venir ». Les données comparatives nous montrent qu’une partie des -t dans ces mots est due à un développement secondaire propre au japhug. Le -t dans le mot kɯ-ngɯt « neuf », comme nous l’avons évoqué dans la section 3.2.1.3.5, est dû à l’analogie avec le numéral kɯ-rcat « huit ». C’est là une innovation commune au japhug et au zbu. Pour le mot kɯ-xtɯt « court », le cognat en zbu a une finale nasale kə-xtə̂n. Cette finale est peut être un suffixe, que l’on retrouve dans l’antonyme kə-rzaʔ ou kə-rzán tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 « long » en zbu. Enfin, on trouve trois exemples, kɯ-ngɯt « solide », kɤ-tɯt « mûrir » et xtɯt « chat sauvage » dont le -t final n’a pas d’équivalent en zbu. Pour le mot « chat sauvage », le japhug de gSar-rdzong a une forme xtu identique au zbu. Dans le cas des deux verbes, il pourrait s’agir d’un suffixe -s du passé généralisé à toutes les formes en japhug, et qui serait par la suite devenu -t. Nous ne trouvons pas d’exemples d’une rime *-ɯt. gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang PGR rgyalrong oriental Zbu -at -at -at *-at -at -et -ɤt -ɤt -ɤt *-ɔt -ot -ot, -ʊt -ɤt -ɤt -ɤt *-et -et -et -ɤt -ɤt -ɤt *-ɐt -ɐt -at, -ɐt, -et -ɯt -ɯt -ɯt *-ut -ut -ut, -ət -ɯt -ɯt -ɯt *-ot -ot -ot, -ut, -ʊt -ɯt -ɯt -ɯt *-it -i, (-əs) -it, -ət, -et Tableau 198 : Rimes fermées en -t en PGR. Il n’est pas possible de reconstruire la finale -t avec certitude en PGR, étant donnée la confusion avec -s. Nous allons voir que cette confusion entre -t et -s se constate aussi dans les correspondances de cette finale avec les autres langues. 4.2.3.4 Rimes du japhug fermées en -s Peu de mots ayant la finale -s sont communs à toutes les langues rgyalronguiques, et 253 étant donnée la complexité des correspondances, il est difficile d’établir des reconstructions fiables pour ces rimes, d’autant plus que le -s du japhug correspond parfois à -t en somang. Nous traiterons ici des trois rimes -as, -ɤs et -ɯs du japhug de kɤmɲɯ. La rimes –os a été déjà traitée dans la section sur la rime –o en syllabe ouverte (4.2.2.1). La présente section est donc divisée en trois parties : z -as (Tableau 199 p.254) z -ɤs (Tableau 200 p.255) z -ɯs (Tableau 201 p.255) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu kɯ-ɕpas marmotte kʰɐ-ʃpɐ̂s HFF kə-spês tɯ-ɣmas blessure tə-nmâs tə-ɣmiʔ Autres langues Tib. rma Tang. mjaa 1.23 #5702 tɯ-ɣmas blessure tə-nmâs kə-smɐ́s, smâs « blesser » tɯ-las tə-ltʰês front Tang. ljạ 1.64 #791 Tableau 199 : Correspondances du Japhug -as dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 199, le japhug -as correspond à -as ou -ɐs en somang, et à -es, -ɐs et -i en zbu. La même racine ɣmas « blessure » du japhug correspond à deux formes différentes ɣmiʔ et mɐ́s en zbu (le s- est ici le préfixe causatif) pour une raison probablement interne à cette langue. japhug (kɤmɲɯ) sens somang / zbu cogtse Autres langues ɕkrɤs chêne skrôs kɤ-ftɕɤs castrer kɐ-ftɕós, ftɕôs, ftɕís kɯ-jndʐɤs kə-jdʐó́t épaisse kə-ndʑôs, ndʑə́s (d’une poudre) kɤ-nɤs oser kɤ-rɤpjɤs tresser cheveux, fils) kɤ-qrɤs raser qa-rtsʰɤs cerf Tib. nus-ba ka-nôs (les ka-kpjɐ́t LYJ ka-rakpjá́t kɐ-rɐpjês, rɐpjîs rɐpjés, rɐpʰjeʔ kɐ-qrôs ka-rtsʰɐ̂s HFF ʁɐ-rtsês 254 tɯ-rtsʰɤs tə-rtsʰós poumon tə-rtsôs Tang. tsə̣ 1.68 #5105 tɤ-tɕɤs Tib. rjes ta-tɕôs trace de pied Tableau 200 : Correspondances du Japhug -ɤs dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 200, la rime -ɤs du japhug correspond à –os, -ɤs et ɤt en somang et à –os et –es en zbu. Nous reconstruisons *-ɔs en PGR lorsque -ɤs correspond à -os en somang ou en zbu, et *-ɐs lorsque -ɤs correspond à -ɐs en somang et -es en zbu. Dans le cas de kɤ-rɤpjɤs « tresser » et kɯ-jndʐɤs « épaisse » nous reconstruisons respectivement *-ɐt/s et *-ot/s pour rendre compte de l’alternance des finales en japhug et en somang. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu Autres langues kɯ-ɕnɯs kə-ɕnə́s sept kə-snâs Tang. śjạ 1.64 #4778 Bir. khu-hnac kɤ-nɯɕpɯs ka-nəɕpə̂s se déguiser, imiter tɯ-mpʰɯs fesse ʁnɯs deux tə-mpʰûs kə-nês Tang. njɨɨ 1.32 ʁnîs #4027 Bir. hnac Tib. gnyis kɤ-raʁrɯs balayer ka-rít / tə-rîs kɤ-sɯs savoir ka-ɕî kɐ-sés Bir. sí Tib. shes-pa kɤ-tɕʰɯs éternuer βɣɯs blaireau kɐ-tɕʰə́s pə́s tə-vîs Tableau 201 : Correspondances du Japhug -ɯs dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 201, la rime -ɯs du japhug de kɤmɲɯ correspond à -es, -is, -əs et –it en somang et à -es, -is et –us en zbu. Nous reconstruisons *-əs lorsque le japhug -ɯs correspond à -əs en somang et à -as ou -ɯs en zbu, *-is lorsqu’on trouve une voyelle antérieure (-i, -es, -is) ou -əs en somang et une voyelle antérieure en zbu, et -us dans le cas où -ɯs correspond au zbu -us. gDong-brgyad -as gSar-rdzong -as Da-tshang -as PGR *-as rgyalrong oriental -as, -ɐs Zbu -es, -iʔ, -ɐs 255 -ɤs -ɤs -ɐs *-ɔs -os -os -ɤs -ɤs -ɤs *-ɐs -ɐs -es -ɯs -ɯs -ɯs *-ɯs -əs -as, -əs -ɯs -ɯs -ɯs *-is -es, -is, -əs -es, -is -ɯs -ɯs -ɯs *-us ? -us Tableau 202 : Rimes fermées en -s en PGR. 4.2.3.5 Rimes du japhug fermées en -r Dans les mots qui ont une étymologie rgyalronguique en japhug de kɤmɲɯ, on trouve quatre rimes dont la finale est -r : -ar, -ɤr, -ɯr et -ur. Les correspondances de ces rimes tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sont simples à l’intérieur du japhug, sauf pour la rime –ur qui correspond à -ɯr dans le japhug de gSar-rdzong. Cette section traite des quatre rimes du japhug de kɤmɲɯ : z -ar (Tableau 203 p.256) z -ɤr (Tableau 204 p.257) z -ɯr (Tableau 205 p.258) z -ur (Tableau 206 p.258) japhug (kɤmɲɯ) sens somang / zbu cogtse Autres langues kɤ-ɕar chercher ka-sâr ftɕar été pə-tsár ftɕér tɤ-mcar pinces tə-mtár tɐ-mcîr tɯ-ɴɢar crachat tə-ŋár tə-ɴɢɐ̂r qa-par chacal ʁɐ-pér Tib. ‘phar-ba tɤ-ʁar ailes və-ʁɐ̂r « ailes » Tang. wer 2.71 Tib. dbyar #1697 smar smɐr-tɕəʔ fleuve Tang. mja 1.20 #1530 xsar Naemorhedus tsʰár xsér goral ʑmbar ulcère tə-ʑbó́́r HFF « rougeole » βʑar busard Tang. bə 2.25 #589 waŋár HFF Tableau 203 : Correspondances du Japhug -ar dans les autres langues rgyalronguiques Comme on le voit dans le Tableau 203, le japhug –ar correspond à –ar et –or en 256 somang et à -er, -ir ou -ɐr en zbu. Nous reconstruisons *-ar en PGR lorsque -ar correspond à -ar en somang et à -er, -ir ou -ɐr en zbu. Le mot ʑmbar « ulcère » est inexplicable : on attendrait *ʑmbɤr s’il venait d’un PGR *ʑmbor. japhug (kɤmɲɯ) sens somang / zbu tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 cogtse Autres langues ɕɤr soir swár ɕŋɤr givre sŋâr kɤ-jɤr en biais kə-ŋadʑórdʑor kɯ-mbɤr bas, petit kɯ-mpɕɤr beau tɤ-ndɤr bouton kɯ-ŋgɤr étroit kə-wó́r tɤ-ŋgɤr graisse tɐ-wôr HFF kɤ-nɤscɤr être saisi kə-nascçɐ̂r kɐ-sɐscír, Tang. de frayeur HFF nɐscêr #1252 kɯ-sɤr frais kə-tsʰár kɯ-tɕɤr étroit kə-tɕó́r kɤ-tɤr tomber kɐ-ntér, ntɐ̂r kɤ-xtɕɤr attacher kɐ-xɕêr, xɕîr, sŋír kə-mbér, mbêr kə-mpɕôr kə-mpɕʊ́r, mpɕôr Tib. mchor-po tɐ ndɐ́r kə-ŋgʊ́r, ŋgôr kjɨ̣ 1.69 Tib. gsar-ba xɕîr zwɤr armoise zbór63 zɣór Tableau 204 : Correspondances du Japhug -ɤr dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 204, le japhug -ɤr correspond à –ar, -ɐr et à –or en somang et à –ir, -ʊr, -ɐr et –er en zbu. Nous reconstruisons *-ɐr en PGR lorsque -ɤr correspond à -ar ou -ɐr en somang et à -ɐr, -er et -ir en zbu, et *-ɔr lorsque -ɤr correspond à -or en somang et à -ʊr en zbu. japhug (kɤmɲɯ) Sens somang zbu Autres langues jɯ-fɕɯr hier kɯ-fsɯr avoir faim (de mə-ɕér kə-fsér viande) kɤ-ftsɯr essorer ka-ndʑirə́t Tang. tswər 1.84 #2464 63 Ce mot vient du dialecte de Cog-tse (données personnelles). 257 kɤ-ɣndʑɯr qa-mɯrwa moudre chauve-souris dźjwɨr ta-ndzór Tang. « moulin » 1.86 #1254 mbərwá Tib. ‘phur-ba « voler » fso-mɯr kɯ-sɤmŋɯr demain soir goût huileux so-môr pə-lmîr Tang. mjɨɨ 1.32 « ce soir » #5078 ka-mŋɐ́r tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 écœurant kɤ-mpʰɯr envelopper ka-mpʰə̂r kɤ-mtɕɯr se tourner kə-məmtɕə́r kɤ-mtsɯr avoir faim (de riz) ɯ-tsɯr fissure ta-tsôr kɤ-nɤqʰawur se mettre un ta-wə́́r kɐ-npʰə́r, < kɐ-mtsʰír, < və-tsír habit sur les épaules kɤ-xsɯr frire (viande) ka-kʰsə̂r kɐ-xsə́r tɤ-ndɯr débris ta-ndér və-ndér Tableau 205 : Correspondances du Japhug -ɯr dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on peut le lire dans le Tableau 205, Nous reconstruisons en PGR *-ɯr lorsque le -ɯr du japhug correspond à -ər ou -ɐr en somang et en zbu et *-ir lorsqu’il correspond à -er dans ces deux langues. nous observons une troisième correspondance dans le Tableau 205 où le -ɯr du japhug correspond à -or en somang et à -ir en zbu. Nous reconstruisons ici *-ur pour cette rime en PGR, réservant *-or pour la rime qui donne -ur. japhug (kɤmɲɯ) sens somang / zbu cogtse kɤ-ndzur être debout kɤ-qur aider ka-kór kɤ-ɣɤ-scur tenir dans les ka-scçór HFF mains « supporter avec Autres langues kɐ-ndzôr, ndzə́r kɐ-ʁʊ́r, <ʁúr pumi qu55 kə-tɕúr, <tɕʰúr Tib. skyur-mo ki-fkôr Tib. ‘khur khur son bras » kɯ-tɕur acide kə-tɕôr pjɤ-ʑŋgur saucisson po-ʑgór kɤ-fkur porter sur le dos kɐ-pkôr HFF « un fardeau » Tableau 206 : Correspondances du Japhug -ur dans les autres langues rgyalronguiques. 258 Comme on le voit dans le Tableau 206, la rime -ur est rare, mais les correspondances sont régulières avec le somang -or et des rimes à voyelles arrondies en zbu -ur, -ʊr et -or. A l’intérieur du japhug, cette rime se confond avec -ɯr dans certains dialectes comme delui de gSar-rdzong. Nous reconstruisons cette rime *-or en PGR. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang PGR rgyalrong oriental Zbu -ar -ar -ar *-ar -ar -er, -ir, -ɐr -ɤr -ɤr -ɐr *-ɐr -ar, -ɐr -ɐr, -ir, -er -ɤr -ɤr -ɐr *-ɔr -or -ʊr -ɯr -ɯr -ɯr *-ɯr -ər, -ɐr -ər -ɯr -ɯr -ɯr *-ir -er -er -ɯr -ɯr -ɯr *-ur -or -ir -ur -ɯr -ur *-or -or -or, -ʊr, -ur Tableau 207 : Rimes fermées en -r en PGR. 4.2.3.6 Rimes du japhug fermées en -ɣ On ne trouve que deux rimes fermées en -ɣ : -ɤɣ et -ɯɣ. La finale -ɣ, comme nous l’avons montré, est en distribution complémentaire avec -ʁ par rapport à la voyelle, sauf pour le mot ʑaraɣ « génitif de 3p. » qui est un composé postérieur au PGR. Pour les deux finales -ɣ et -ʁ du japhug de kɤmɲɯ, nous reconstruisons *-k et *-q respectivement en PGR comme nous l’avons vu dans l’introduction de 4.2, sauf pour la finale *-iq qui donne -ɯɣ. En PGR, ces deux finales ne sont pas en distribution complémentaire. En somang, la finale -ɣ du japhug correspond à –k, tandis qu’en zbu, elle correspond à aussi bien à –x qu’à –χ. La présente section se divise en deux parties : z -ɤɣ (Tableau 208 p.260) z -ɯɣ (Tableau 209 p.261) japhug (kɤmɲɯ) sens somang / zbu Autres langues cogtse ɕɤɣ genévrier ɕə́k xɕôx Tib. shug-pa Tang. źjiw 1.46 #4118 kɯ-jɤɣ être d'accord kə-jôx kɯ-ŋgɤɣ courbé kɐ-ŋgə̂x Tib. gug-po 259 kɤ-lɤɣ ka-lôk garder les kə-ltʰôx, ltʰə̂x animaux Tib. ‘brog-pa « nomade » Tang. lhew 1.43 #993 kɯ-tʂɤɣ kə-tʂók six Bir. krok kə-tɕôx Tib. drug Tang. tśhjiw 1.46 #3200 kɯ-rtsɤɣ kə-ɕtɕík panthère Bir. sac qə-sɐ̂ Tib. gzig Tang. zewr 2.78 #5768 smɤɣ laine kɤ-krɤɣ couper smôk de smôx kɐ-krɐ̂k HFF l'herbe tɯ-xtɤɣ tə-kték frère (terme employé par les tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 garçons) kɯ-ɕɤɣ Tang. sjiw 1.46 #3457 kə-ɕə́k nouveau Bir. sac tɯ-mtʰɤɣ taille tə mtʰə́k tɤ-ndɤɣ poison ta-dók Tang. do 1.49 #8 Tib. dug Tableau 208 : Correspondances du Japhug -ɤɣ dans les autres langues rgyalronguiques Comme on le voit dans le Tableau 208, le japhug -ɤɣ correspond à –ok, -ɐk, -ik et -ək en somang et à -əx, –ox et -ɐ en zbu. Nous reconstruisons *-ɔk lorsque le japhug -ɤɣ correspond à -ok en somang et à -ox en zbu, *-ek lorsqu’il correspond à -ik ou -ek en somang, et *-ɐk lorqu’il correspond à -ɐk en somang. Les cas où le japhug -ɤɣ correspond au somang -ək sont problématiques : il pourrait s’agir d’emprunts du rgyalrong oriental au japhug - en effet, le /ə/ du somang et du cogtse est moins fermé que le /ɯ/ du japhug, et le phonème /ɤ/ est donc mieux adapté pour reproduire ce son. Il n’est pas à exclure aussi que ɕɤɣ « genévrier » soit un emprunt au somang ɕə́k, lui-même emprunté à la première syllabe du mot tibétain shug-pa, et non un cognat du tibétain comme le mot zbu xɕôx. japhug (kɤmɲɯ) kɤ-ɕlɯɣ sens lâcher sans faire Somang zbu Autres langues kɐ-ɕlə́k attention kɤ-cɯɣ sommet de la tə-ték HFF tə-ku cíx tête, fontanelle kɤ-fɕɯɣ déchirer, démolir ka-sarɕók 260 kɤ-jndʐɯɣ ruminer tə-jró́k ka-pa kɤ-mtsɯɣ mordre kʰa-mtɕə́k ka-lat kɤ-pʰɯɣ déployer, ouvrir tɤ-ndʐə̂x ka-pʰə́k en soutenant kɤ-sɯɣ kə-sík serré, tendu kɐ-séχ, <sêχ Tang. se 2.7 #1921 kɯ-ɣɯ-ndʑɯɣ collant, visqueux kɯ-ndzôk (colle, résine) kɯ-pɯɣ se gonfler kə-ɣvə̂x sqa-ptɯɣ onze ʁɐ-fcə̂x tɤ-rʑɯɣ ride ta-rʑə́k tɯ-pʰɯɣ-pa cuisse tə-pʰət-pá Tib. gcig « un » tɐ-rndʑíx tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 209 : Correspondances du Japhug -ɯɣ dans les autres langues rgyalronguiques Comme on le voit dans le Tableau 209, la rime -ɯɣ du japhug correspond à -ək, -ok –ek –ik et -ət en somang et à -əx, -eχ, –ix en zbu. Nous reconstruisons *-ok lorsque le japhug -ɯɣ correspond à -ok en somang, et *-ɯk lorsqu’il correspond à -ək dans cette langue (en zbu, on trouve -ik après palatales et alvéolo-palatales). Les *-ik du japhug se confondent avec *-i (voir 4.2.1.3 p. 224), mais le mot kɤ-sɯɣ « serré » doit remonter à *siq : cette rime donne -ik en somang; et -eχ en zbu. La nature uvulaire de la finale n’est conservée qu’en zbu. On doit reconstruire une opposition entre vélaires et uvulaires *-ik / *-iq en PGR. Pour le mot tɯ-pʰɯɣpa « cuisse », dont le cognat en japhug a une finale -t au lieu de -k, nous n’avons pas d’explication. Par ailleurs, le mot kɤ-cɯɣ « fontanelle » pose également problème, car sa rime ne peut ni venir de *-ik ni de *-ek, mais il correspond à une rime –ek en somang, et il faudrait reconstruire une voyelle antérieure. L’initiale de ce mot est également problématique (voir section 4.3.2.4 p.297). On ne peut pas reconstruire une rime *-uk distincte de *-ok. gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang PGR rgyalrong oriental Zbu -ɤɣ -ɤɣ -ɤɣ *-ɔk -ok -ox -ɤɣ -ɤɣ -ɤɣ *-ek -ek, -ik ? -ɤɣ -ɤɣ -ɤɣ *-ɐk -ɐk, -ək -əx -ɯɣ -ɯɣ -ɯɣ *-ɯk -ək -əx / -ix -ɯɣ -ɯɣ -ɯɣ *-ok -ok -əx ? -ɯɣ -ɯɣ -ɯɣ *-iq -ik -eχ Tableau 210 : Rimes fermées en PGR correspondant aux rimes à finale -ɣ. 261 4.2.3.7 Rimes du japhug fermées en -ʁ On ne trouve en japhug de kɤmɲɯ que deux rimes fermées en -ʁ : -aʁ et -oʁ. Cette finale n’est pas voisée dans les autres dialectes japhug, où elle correspond à –χ. La finale -ʁ du japhug correspond à –k en somang et à –χ en zbu. Elle remonte au PGR *–q. La présente section se divise en deux parties : z -aʁ (Tableau 211 p.264) z -oʁ (Tableau 212 p.265) japhug (kɤmɲɯ) sens somang / zbu Autres langues tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 cogtse tɯ-pɤ-cʰaʁ nombril tə-ɣú-tɕʰəχ kɯ-ɕpaʁ avoir soif ka-ɕpâk HFF kɐ-spʰjɐ́χ kɯ-ɕqraʁ intelligent kə-ɕkrɐ́k HFF kə-ɕqrɐ̂χ kɯ-mɯɕtaʁ froide (eau) kə-mə-ɕtâk Tang. dạ 2.56 #4052 HFF kɯ-jaʁ épais kə-já́k kə-jɐ̂χ Tang. lạ 1.63 #3485 tɯ-jaʁ main ta-ják tə-jɐ̂χ Tang. lạ 1.63 #3485 Bir. lak Tib. lag-pa tɤ-jwaʁ feuille tɐ-jwɐ́k sí-lwɐχ Tang. bạ 2.56 #4567 Bir. a rwak kɤ-mbaʁ se casser Tang. bja 2.17 #4459 ka-bâk (bambou) tɯ-mɲaʁ œil tə-mɲák tə-mɲɐ̂χ Bir. myak Tib. mig kɤ-mqlaʁ kɐ-mɢlə́χ, avaler mɢlɐ̂χ kɤ-mtsaʁ sauter kɯ-ɲaʁ noir ka-mtsɐ̂k HFF kə-ɲɐ̂χ Tang. njaa 1.21 #176 Bir. nak Tib. nag-po kɤ-nbraʁ ɲcʰɣaʁ rendre la terre kɐ-nbrɐ̂χ, plus meuble <nbrɐ̂χ, <nbrə́χ écorce de ntʰwák-HFF cʰɣwɐ̂χ ka-ldʑá́k kɐ-ldʑɐ̂χ bouleau kɤ-ndʑaʁ traverser la rivière 262 kɤ-ntɕʰaʁ rue kə-tsʰôk tɯ-ntɕʰaʁ goutte tə-ntʰák paʁ porc pák pɐ̂χ Tang. wa 1.17 #294 Bir. wak Tib. phag kɤ-pɣaʁ retourner kɐ-pkɐ̂k HFF kɐ-pʰɣɐ́χ, <pʰɣɐ́χ, pʰɣéχ kɤ-pʰaʁ couper ka-pʰâk kɐ-pɐ̂χ, pə̂χ Tang. pha 1.17 #4007 tɯ-pjaʁ-pa aine ta-pja-kê qaʁ houe kâk Tib. bzhag-‘og qwɐ̂χ Tang. kwạ 2.56 khia 2.15 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 #1752 kɤ-qaʁ enlever la peau kɤ-ɴɢraʁ s’abîmer kɐ-qɐ̂χ, qə́χ kə-ŋgrâk (habits) qraʁ qʰrɐ́χ soc Tang. #4680 kɤ-qraʁ déchirer kɯ-rnaʁ profond kɐ-qʰrə́χ, qʰrɐ̂χ Tang. na 1.17 #4693 kə-rná́k Bir. nak tɯ-rpaʁ épaule Tang. wạ 1.63 #5170 ta-rpák Tib. phrag kɤ-ɣɤrʁaʁ chasser Tang. ba 1.17 #2200 tɐ-rwɐk HFF ka-narwá́k kɯ-rtaʁ assez kə-rtɐ́k HFF tɯ-ɣurʑaʁ blé d'hiver wu-rják tɤ-rʑaʁ temps ʑɐ́k kɤ-sɤtaʁtaʁ amasser ka-sataktak kɤ-taʁ tisser ka-ták kə-rtə́χ və-ʑə́χ kɐ-tɐ̂χ, tɐ̂χ, tə́χ Bir. rak 織 *btɨk > tsyik Tib.‘thag,btags kɤ-rɤtɕaʁ fouler du pied ka-ra-tɕá́k kɐ-rɐtɕɐ̂χ, rɐtɕɐ̂χ, rɐtɕə́χ kɤ-tɕɣaʁ presser ka-ktɕár tʰawaʁ assiette kɯ-zbaʁ sec kə-zbá́k tɯ-zraʁ honte ka-nasrâk HFF tʰie-və́χ tə-rzɐ̂χ Bir. rhak 色 *bsrɨk > srik tə-srák Tib. gshags « confession » kɤ-βraʁ attacher ka-prák kɐ-prɐ̂χ 263 kɤ-rɤβraʁ kɐ-rɐvróχ, se gratter rɐvrôχ,<rɐvréχ Tableau 211 : Correspondances du Japhug -aʁ dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on peut le lire dans le Tableau 211, quasiment tous les mots japhug en -aʁ correspondent à -ak ou -ɐk en cogtse (le somang de Huang et Sun ne distingue pas ces deux rimes) et à -ɐχ et -əχ en zbu. Par ces mots, nous reconstruisons *-aq / *-ɐq en PGR. On ne trouve que deux exceptions : kɤ-rɤβraʁ « se gratter » et kɤ-ntɕʰaʁ « rue » dont les rimes correspondent à -ok en somang et -oχ en zbu. Pour ces deux mots, nous reconstruisons *-ɔq en PGR. Pour le verbe « presser » kɤ-tɕɣaʁ, nous reconstruisons une voyelle vélarisée *aˠ en tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 PGR (voir p. 221). japhug (kɤmɲɯ) sens somang / zbu Autres langues cogtse kɯ-fsoʁ clair (ciel) kə-pʰsó́k tɤ-jŋoʁ crochet ta-jkó́k kɤ-joʁ lever ka-jó́k ɕna-loʁ anneau nasal kɤ-lwoʁ asperger ka-rwôk kɤ-mboʁ exploser kə-mbâk kɤ-moʁ manger kɤ-sɤmtɕʰoʁ de kə-fsóχ, fsôχ sɲɐ-lôχ kɐ-móχ, la môχ, Tsampa méχ ordonner kɐ-sɐmtɕʰôχ, <sɐmtɕʰə́χ, <sɐmtɕʰə́χ kɤ-mtɕʰoʁ ka-rampɕó́k en ordre « mettre en ordre » kɤ-mtɕoʁ kə-ŋamtɕó́k pointu kɐ-mtɕʰôχ, mtɕʰə́χ kɤ-ndzɯqoʁ roter mdzəkó́k kə-pa tɯ-ɲoʁ grains et balle tə-ɲóχ kɤ-ɴqoʁ être accroché, se kə-lŋóχ, lŋôχ tenir sɯ-kɯntʰoʁ pic-vert kɤ-nɤpoʁ embrasser enfant ɕe-ko kəntok un si-kuntʰoχ kɐ-npóχ, npôχ, <npêχ 264 tɯ-rnoʁ tə-rnók cerveau tə-rnôχ no Tang. 2.42 #118 脑 *anoʔ > nawX kɤ-roʁ graver kɐ-rók-LYJ kɐ-róχ, róχ, réχ kɤ-rqoʁ prendre dans ses ka-rkó́k kɐ-lqʰóχ, lqʰôχ, kɤ-stʰoʁ bras lqʰéχ appuyer kɐ-stɐ̂χ, stɐ̂χ, stə́χ stoʁ pois ta-stók tɤ-tsʰoʁ clou ta-tsʰôk tɤ-tsoʁ Potentilla ta-tsôk snôχ 菽 *bstuk > syuwk tɐ-tsôχ anserina (une tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 plante) kɤ-sɤtʂoʁloʁ mélanger ka-satɕolô tɯ-zloʁ fois tə-tə́-lok tə-lôχ ʑɴɢoloʁ noix ʑgoló-HFF zɢólo Tableau 212 : Correspondances du Japhug -oʁ dans les autres langues rgyalronguiques Comme on le voit dans le Tableau 212, e -oʁ du japhug correspond à -ok en somang et à -oχ en zbu dans presque tous les cas, sauf ʑɴɢoloʁ « noix » et kɤ-sɤtʂoʁloʁ « mélanger » où cette rime correspond à -o dans les deux langues, et kɤ-mboʁ « exploser » où l’on trouve -ak en somang. gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang PGR rgyalrong oriental Zbu -aʁ -aχ -aχ *-aq -ak -ɐχ -aʁ -aχ -aχ *-ɐq -ɐk -əχ -aʁ -aχ -aχ *-ɔq -ok -oχ -oʁ -oχ -oχ *-oq -ok -oχ -ɣaʁ ? ? *-aˠq -ak ? Tableau 213 : Rimes fermées en PGR correspondant aux rimes à finale -ʁ 4.2.3.8 Le systèmes des rimes : conclusion Nous avons reconstruit dans les syllabes fermées un système de 8 voyelles, dont trois postérieures arrondies *ɔ, *o et *u pour deux antérieures *e et *i. *o et *u ne sont distinctives que dans les rimes à finales -t et -r. Ce système ne semble pas cohérent du point de vue typologique, mais c’est pourtant un système similaire qu’on observe en zbu : dans cette langue, il n’y a que deux phonèmes antérieurs /i/ et /e/ pour trois postérieurs 265 arrondis /o/, /ʊ/ et /u/, mais /ʊ/ n’est distinctif de /u/ que dans les rimes -ʊt / -ut. Dans le Tableau 214, nous indiquons les correspondances de notre PGR avec les dialectes de kɤmɲɯ et de gSar-rdzong. Les colonnes du tableau indiquent les voyelles de la rime, et les lignes indiquent les consonnes finales. Pour chaque rime, nous combinons deux cases : le PGR est indiqué en gras dans la case du dessus, et les dialectes modernes sont placés dans la case du dessous. Lorsqu’il n’y a qu’une seule forme dans la case du dessous, cela signifie que les dialectes de kɤmɲɯ et de gSar-rdzong sont semblables pour cette rime. Les formes du dialecte de gSar-rdzong ne sont indiquées (après une barre oblique) que lorsqu’elles diffèrent de l’autre dialecte. Les rimes ne tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 pouvant être reconstruites en PGR sont indiquées en grisé. *a *ɐ *ɔ syllabe *-a *-ɐ ouverte -a *-p *-ap *-ɐp -aβ / -ɤβ / -ɤp *e *o *ɯ *u *i *-e *-o *-ɯ *-u *-i -i / -ɛj -ɯ *-ɔp *-ɯp *-t *-am *-ɐm *-om -om -ɤm -ɯm / -um *-at *-ɐt *-as *-ɔt *-r *-ɐs *-ɯm *-um *-im -ɯm *-ut -ɯt -ɯt *-ɯs *-us *-it *-is -ɯs -ɤs *-aj *-ɐj *-ej *-ij -e / -ɛj -ɤj / -ɛj -e / -ɛj -i *-ar *-ɐr *-ak *-ɔr *-or *-ɐk *-ɯr -ur -ɤr -a *-ŋ -ɯβ / -ɯp *-ot *-ɔs -ar *-k *-et -ɤt -as *-j *-ip -ɤp -at *-s *-up -ɤβ / -ap *-m -i / -ɪj *-ɔk -ɤɣ *-ek *-ur *-ir -ɯr *-ok *-ɯk *-uk *-ik -ɯɣ -ɯɣ -ɯ / -ɯɣ -i *-aŋ -o *-q *-aq *-ɐq -aʁ / -aχ *-ɔq *-oq *-iq -oʁ / -oχ -ɯɣ Tableau 214 : Récapitulation des rimes du PGR et leur correspondences dans les dialectes de kɤmɲɯ et de gSar-rdzong. Pour trouver l’endroit où une rime particulière est discutée, il suffit de se reporter au chapitre qui discute de la rime du japhug de kɤmɲɯ en question. Entre le PGR et les 266 dialectes japhug, un certain nombre de consonne finales sont tombées, notamment dans les rimes *-ak, *-ik et *-uk. Il convient par ailleurs de noter que les finales que nous reconstruisons *-s en PGR deviennent parfois sporadiquement –t au lieu de –s dans les dialectes modernes. L’évolution des rimes à consonne finale –j est décrite dans la section sur la rime –e tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (4.2.1.2 p.216) et la section sur la rime -i (4.2.1.3 p.226). 267 4.3 Les consonnes initiales du japhug La richesse des groupes consonantiques du japhug est telle qu’une reconstruction exhaustive de chacun des groupes en PGR et en proto-rgyalrong dépasse l’objet de ce travail. Nous ne présenterons ici qu’un aperçu des correspondances entre le japhug et les autres langues rgyalronguiques. Comme nous le verrons, le système d’initiales est quasiment identique dans les dialectes japhug, mis à part pour l’initiale /ɣ/ du dialecte de kɤmɲɯ qui correspond dans certains cas à /w/ dans le parler de gSar-rdzong et quelques mots isolés. Pour reconstruire le PGR, il est donc nécessaire d’avoir recours à la reconstruction interne et à la comparaison avec les autres dialectes. Certains changements que nous reconstruisons tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 dans ce chapitre datent du proto-rgyalrong, tandis que d’autres sont plus tardifs. Comme nous l’avons vu dans le chapitre sur la phonologie synchronique, on distingue 50 consonnes différentes en japhug moderne. Nous reproduisons ci-dessous le tableau des phonèmes consonantiques dans le Tableau 215 : labiales apicales dentales alvéolo- dorsales rétroflexes palatales vélaires uvulaires palatales occlusives sourdes p t c k q occlusives sourdes pʰ tʰ cʰ kʰ qʰ occlusives voisées (b) d ɟ (g) occlusives prénasalisées mb nd ɲɟ ŋg ɲ ŋ aspirées affriquées sourdes ts tɕ tʂ affriquées aspirées tsʰ tɕʰ tʂʰ affriquées sonores (dz) (dʑ) (dʐ) affriquées prénasalisées ndz ndʑ ndʐ occlusives nasales m n fricatives sourdes s ɕ fricatives sonores z ʑ sonantes non-nasales latérale aspirée w l (ʂ) r ɴɢ (x) χ ɣ ʁ j (ɬ) Tableau 215 : Les phonèmes consonantiques du japhug de kɤmɲɯ Nous avons indiqué entre parenthèses dans le Tableau 215 les phonèmes consonantiques les plus rares dans cette langue. On note en particulier qu’en dehors des 268 phonèmes /ɟ/ et /d/, les occlusives voisées non-prénasalisées sont extrêmement rares en japhug. Les données sur les dialectes autres que celui de kɤmɲɯ nous manquent pour estimer si ces phonèmes sont plus communs et si l’on retrouve des mots apparentés ayant ces phonèmes dans les autres dialectes. Etant donné le statut particulier des occlusives voisées, elles seront traitées dans une section séparée. Cette section sera divisée en cinq parties : z Les préinitiales et la structure des groupes de consonnes en PGR. z Les occlusives et les affriquées du japhug, dont nous présenterons les correspondances avec les autres langues. z L’origine des consonnes voisées du japhug, où nous montrerons que les occlusives et affriquées voisées du japhug ne peuvent pas remonter à une série tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 d’occlusives voisées dans la proto-langue. z Les fricatives et les sonantes non-nasales du japhug. z Conclusion générale où nous présenterons une synthèse des correspondances et des reconstructions. Les listes de vocabulaire comprennent les cognats en somang et en zbu des mots japhug du vocabulaire de base. Les mots que nous reconnaissons comme emprunts au tibétain n’ont pas été inclu dans ces données, et tous les mots apparentés au tibétain que nous supposons cognats sont indiqués comme tels ; les correspondances phonétiques ne seront jamais bâties exclusivement sur ces mots, si bien que même s’il s’avère que certains mots que nous considérons comme des cognats étaient des emprunts, nos correspondances seraient toujours valides. Nous incluons dans les tableaux de chaque phonème consonantique une liste d’exemples sans préinitiale ni médiane, puis dans une deuxième partie du tableau, les groupes de consonnes classés dans l’ordre des préinitiales que nous avions déjà utilisé dans le chapitre sur la phonologie : /N/, /w/, /m/, /l/, /n/, /s/, /ɕ/, /r/, /j/, /x/, /χ/. Bien que la majorité des mots rgyalronguiques soient monosyllabiques, on trouve quelques étymons polysyllabiques de date proto-rgyalronguique qui ne sont pas des emprunts au tibétain tels que tɕaɣi < *tɕakij « perroquet », tɕʰorzi < *tɕʰaŋrzij « jarre ». Certains de ces disyllabes sont encore analysables étymologiquement, comme ɕkɤrɯ « une espèce d’ovin (Capricornus sumatraensis) », dont les syllabes peuvent peut-être s’analyser comme « oignon » ɕku et « corne » rɯ (litt. : corne en forme d’oignon ?), mais le sens originel est obscurci car le composé était déjà formé en proto-rgyalronguique. 4.3.1 Les préinitiales du PGR Avant de passer en revue les initiales et les groupes de consonnes, nous allons présenter les correspondances générales des préinitiales entre le japhug et les autres 269 langues. Les exceptions ne seront toutefois étudiées que dans le corps du chapitre avec chaque initiale. En japhug seules les sonantes et les fricatives peuvent occuper la position de préinitiale dans la syllabe. C’est là une différence majeure avec le somang où des groupes tels que kt- ou pk- sont tout à fait bien formés. Entre le japhug et les autres langues rgyalronguiques, les correspondances entre les préinitiales est parfois compliquée : on rencontre souvent des cas où les préinitiales d’une autre langue n’ont pas d’équivalent en japhug (par exemple japhug tɯ-pri « message », somang tə-kpré) et inversement (japhug fso-mɯr « demain soir », somang so-môr). Les correspondances les plus courantes entre le japhug et le somang indiquent que les préinitiales occlusives p- et k- du somang sont devenues des fricatives en japhug. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Quelques exemples peuvent être consultés dans le Tableau 216 : japhug (kɤmɲɯ) sens somang Changement kɤ-ɣɤ-xpra ordonner ka-wa-kprá *kpr- > xpr- tɯ-xtɤɣ frère tə-kték *kt- > xt- tɯ-fsi foie (gSar-rdzong) tə-pɕé *ps- > fs- Tableau 216 : Correspondances de préinitiales en japhug et en somang. Dans notre reconstruction du japhug, nous étendrons ce principe aux autres préinitiales : sauf indication contraire, les préinitiales fricatives f-, x- et χ- viennent d’occlusives *p-, *k- et *q- en PGR. Dans ce chapitre, nous proposerons des reconstructions pour des groupes de consonnes souvent attestés par un seul exemple. C’est là un problème méthodologique, car les reconstructions basées sur si peu de données ne sont pas fiables ; aussi les groupes reconstruits sur la base d’un seul exemple seront indiqués entre parenthèses dans les tableaux récapitulatifs en fin de chaque section. On doit par ailleurs reconstruire deux groupes du type [occlusive + médiane] en PGR. Comme on peut l’observer dans les exemples du Tableau 217, les groupes tels que pr-, pl- ou kr- en somang ou en zbu correspondent en japhug à des groupes [occlusive sourde + r/l/lj] où l’occlusive tient le rôle d’initiale, et [fricative voisée + r/l/lj] où la fricative est préinitiale et le phonème r/l/j est initiale. Nous reconstruisons dans ces cas deux types de groupes en PGR : des groupes [occlusive sourde + r/l/lj] (*pr-, *pl- etc.) où l’occlusive devient une fricative en japhug, et des groupes [présyllabe + r/l/lj] (*pə-r-, *pə-l- etc.) où le schwa disparaît et l’occlusive ne se lénifie pas. Cette distinction n’existe qu’avec les sourdes. Les groupes [occlusive aspirée / prénasalisée + r/l/lj] du PGR ne changent pas (*mbr- > mbr-, *pʰr- > pʰr etc.) et nous n’avons aucune raison de reconstruire des groupes à présyllabes aspirées ou 270 prénasalisées du type *pʰə-r- ou *mbə-r-. Dans les groupes plus complexes à préinitiales du type [nasale + occlusive sourde + r/l] ou [fricative + occlusive sourde + r/l/lj] tels que mpj- ou xpr- en japhug, nous ne reconstituons également que le type sans présyllabe en PGR : il n’existe pas de présyllabes à initiale complexe (par exemple, xpr- < *kpr-, mais on ne trouve pas de groupes tels que *kpə-r- dans la proto-langue). Devant *-lj-, les occlusives du PGR sont toujours lénifiées. Les médianes *j et *w se distinguent de *r, *l et *lj car on ne trouve pas d’opposition entre groupes à présyllabes et groupes fusionnels. Ainsi, le PGR *pj- et *qj- restent pj- et qj- en japhug. La seule exception est peut-être celle entre *kj- qui donne c- et *kə-j- qui donne ki- : dans ce cas, toutefois, l’initiale n’est pas spirantisée (on a c- et non *ɣj-). tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug (kɤmɲɯ) sens somang / cogtse zbu PGR kɤ-βraʁ attacher ka-prák kɐ-prɐ̂χ *pr- kɤ-prɤt couper ka-prɐ́t HFF kɐ-pʰrát, <, pʰrít *pə-r- kɤ-βli planter ka-plû kɤ-plɯt détruire ka-plôt tɤ-βɟu matelas ta-pjó *plj- βʑɯ souris pə-jú *pə-lj- tɯ-ɣru coude tə-krú couper kɐ-krɐ̂k HFF *kə-r- *pl- kɐ-plʊ́t, plôt *pə-l- tə-krəvzuʔ *kr- (gSar-rdzong) kɤ-krɤɣ l’herbe tɯ-pju moëlle tə pjó HFF *pj- kɯ-qiaβ amer kə-tɕáp *qj- Tableau 217 : Groupes occlusive + médiane en PGR. Nous reconstruisons les préinitiales j- du japhug comme *l- en PGR devant les labiales (et peut-être aussi les vélaires). La preuve que ces préinitiales viennent d’une latérale est donnée par le zbu, où j- correspond systématiquement à l-, comme on peut le voir dans les exemples du Tableau 218. On trouve quelques exemples de préinitiales l- en japhug qui pourraient venir du PGR : tɯ-ldʑa « brin », mais jamais devant les consonnes graves (dorsales et labiales). japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu Autres langues tɤ-jpɣom glace tə-rpam tɐ-lvɐ́m kɯ-jpum large (diamètre) kə-jpâm kə-lvóm, lvôm Tib. sbom-po tɤ-jme queue ta-jmî tɐ-lmeʔ 尾 *bmɨjʔ > mjɨjX 271 kɤ-jmɯt oublier ka-jmə̂s kɐ-lmît, <lmə́t, lmə́t tɯ-jmŋo rêve ta-rmô tə-lmɐʔ kɯ-jka corbeau kʰə-rkô kwél-kwə à bec rouge (Pyrrhocorax Tib. rmang-lam HFF pyrrhocorax) Tableau 218 : La préinitiale j- du japhug et sa correspondance en zbu. Enfin, on trouve six groupes dont l’initiale du PGR est lénifiée à cause de la préinitiale en japhug (Tableau 219). Dans trois cas (*pk- > pɣ-, *mŋ- > mw- et *tp- > tɣ-) la préinitiale du PGR devient initiale en japhug. La reconstruction du groupe *kp- est encore hypothétique, car on ne trouve pas un groupe comparable en somang. La lénition de la seconde occlusive dans les groupes de deux occlusives est un phénomène qui s’observe dans d’autres langues d’Asie, l’exemple typique étant le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 nha-heun, une langue bahnarique parlée au Laos (Ferlus 1971). Un phénomène similaire a dû se produire en chinois (Sagart 1999). japhug (kɤmɲɯ) sens somang / cogtse PGR pɣa oiseau pká *pk- > pɣ- kɤ-βʁa gagner ka-pká *pq- > βʁ- βɣɯs blaireau pə́s *kp-> βɣ- kɤ-naʁju se curer les dents ka-naktɕó *qc- > ʁj- tɤ-muj plume ta-mŋí *mŋ- > mw- kɤ-tɣa récolter tə-kpá « récolte » *tp- > tɣ- Tableau 219 : Initiales lénifiées par les préinitiales en japhug. 4.3.2 Les occlusives et affriquées du japhug Dans ce chapitre, nous allons étudier la reconstruction des occlusives et des affriquées sourdes, aspirées et prénasalisées. Les occlusives voisées seront étudiées dans la section 4.3.3. La présente section est divisée en six parties : z Les labiales z Les occlusives dentales z Les affriquées dentales, rétroflexes et alvéolo-palatales z Les occlusives palatales z Les vélaires z Les occlusives uvulaires 272 4.3.2.1 Les occlusives labiales On trouve 5 occlusives labiales en japhug : /p/, /pʰ/, /b/, /mb/ et /m/. Nous ne traiterons pas ici de l’occlusive voisée /b/ (voir la section 4.3.3 p.316). La présente section se divise en quatre parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances des initiales du japhug de kɤmɲɯ dans les autres langues rgyalronguiques. En fin de section tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 se trouve un résumé des reconstructions en PGR pour les initiales labiales (Tableau 224). z p- (Tableau 220 p.270) z pʰ- (Tableau 221 p.276) z mb- (277Tableau 222 p.277) z m- (Tableau 223 p.279) japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu ku-pa chinois kə-pá kə-pɐʔ ɯ-pa bas paʁ porc qa-par Autres langues və-viê pɐ̂χ Tib. phag chacal ʁɐ-pér Tib. ‘phar-ba tɤ-pɤ-ri repas du soir tɐ-prî qa-pi silex ka-pî ɯ-pɯ intérêt wu-pə́k kɯ-pɯɣ se gonfler ɯ-pɯ enfant kɤ-nɤ-poʁ embrasser un kɐ-npóχ, npôχ, enfant <npêχ kɤ-pu cuire dans les pák ʁɐ́-və kə-ɣvə̂x ta-pú ka-pô Tib. bu kɐ-pəʔ, puʔ, poʔ braises tɯ-pu intestine tə-pô pɣɤ-kʰɯ hibou pka-kʰú kɤ-pɣaʁ retourner qqch kɐ-pkɐ̂k HFF kɐ-pʰɣɐ́χ, <, « défricher » pʰɣéχ kə-bgî / kə-pʰɣiʔ kɯ-pɣi gris Tib. pho-ba tə-pkê kɤ-pɣo filer entre les ka-pó Tib. ‘phang Tib. bzhag ‘og doigts tɯ-pjaʁ-pa aine ta-pja-kê kɤ-rɤpjɤs tresser ka-kpjɐ́t LYJ kɐ-rɐpjês, ka-rakpjá́t rɐpjîs, rɐpʰjeʔ 273 kɤ-pjɤt bourrer un ka-pjót tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 saucisson tɯ-pju moëlle tə pjó HFF kɤ-plɯt détruire ka-plôt kɐ-plʊ́t, plôt kɤ-prɤt couper ka-prɐ́t HFF kɐ-pʰrát, <, pʰrít kɤ-pri déchirer ka-prə̂ qa-pri serpent kʰa-bré ʁɐ-prî pri ours prí praʔ tɯ-pri message tə-kpré kɯ-mpja chaud kə-mpjâ kɯ-mpɯ mou, tendre kə-nə-pû kɤ-spa pouvoir ɕpá́ tɤ-spɯ pus ta-spû tɯ-spra poignée kɤ-ɕpɯ-ɕpa plat ka-ʑba-ʑbá́ qa-ɕpa grenouille kʰa-ɕpâ ʁɐ-spieʔ kɯ-ɕpaʁ avoir soif kɯ-sa-ɕpá́k kɐ-spʰjɐ́χ kɯ-ɕpas marmotte kʰɐ-ʃpɐ̂s HFF kə-spês kɤ-nɯ-ɕpɯs se déguiser, ka nə-ɕpə̂s Tib. sbrul kə-nbəʔ tɐ-zwəʔ ki-spraʔ Tib. sbal imiter kɤ-ɕpɯt élever ka-ɕpú́t tɤ-jpa neige ta-jpâ tɤ-jpɣom glace tə-rpam tɐ-lvɐ́m kɯ-jpum large (diamètre) kə-jpâm kə-lvóm, lvôm Tib. sbom-po tɯ-rpa hache ɕə-rpâ tə-vrieʔ 斧 *bpaʔ > pjuX tɯ-rpaʁ épaule ta-rpák kɤ-rpu heurter kɤ-ɣɤxpra ordonner, tɯ-xpa Tib. phrag kɐ-rpʰuʔ, < kɐ-səvrjî, Tang. phji 1.11 envoyer en <səvrjieʔ, #749 misson <səvrjieʔ une année ka-wakprá tə-pâ və-mpieʔ Tang. wji 1.10 #2712 tɯ-χpɣi cuisse tɤ-χpjiʔ tɯ-χpɯm genou tə-χpum Tib. byin-pa Tableau 220 : Correspondances du Japhug p- dans les autres langues rgyalronguiques Le japhug /p/ correspond à /p/ (et à /b/ dans un cas) en somang et à /p/, /v/, /pʰ/ (et à /ɣv/, /w/ ou /b/ chacun dans un exemple) en zbu, comme on le voit dans le Tableau 220. 274 Le japhug /p/ correspond parfois à des initiales spirantisées /v/ ou /w/ en zbu, mais la plupart du temps, il ne semble pas que l’on puisse prédire des formes japhug ou somang si l’on trouve une initiale spirantisée ou non-spirantisée en zbu : on trouve les deux types de correspondance dans les formes sans préinitiale (paʁ :: pɐ̂χ « cochon », qa-pi :: ʁɐ́-və « silex ») et à préinitiale r- (kɤ-rpu :: kɐ-rpʰuʔ « heurter », tɯ-rpa :: tə-vrieʔ « hache »). Lorsque la préinitiale est ɕ- en japhug, la forme du zbu n’est jamais spirantisée (ʁɐ-spieʔ « grenouille », kɐ-spʰjɐ́χ « avoir soif », kə-spês « marmotte »), et lorsque la préinitiale est j- en japhug, la forme du zbu est spirantisée (tɐ-lvɐ́m « glace », kə-lvóm « large ») ; mais les exemples sont encore trop peu nombreux pour que l’on puisse tirer de conclusion de ces correspondances. Les groupes pl- et pr- du japhug, comme nous l’avons vu dans l’introduction sur les préinitiales (4.3.1 p.271), doivent être reconstruits *pə-l- et *pə-r- en PGR respectivement, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 les groupes *pl- et *pr- du PGR devenant βl- et βr- (voir section 4.3.4 p.323 et p.325). Dans tɤ-pɤ-ri « repas du soir », les deux dernières syllabes -pɤ-ri correspondent à une seule syllabe en zbu -prî. Il s’agit là probablement d’un exemple où la voyelle de la présyllabe n’est pas tombée. Ce mot doit aussi se reconstruire également avec une initiale *pə-r- en PGR. Les groupes pɣ- du japhug correspondent parfois à pk- en somang. La forme somang est ici probablement plus archaïque : en japhug, la préinitiale *p est devenue initiale et l’initiale *k s’est lénifiée en /ɣ/ et est devenue médiane. Nous reconstruisons *pk- pour ces groupes en PGR, mais il est possible que la lénition du *k dans cette position soit une innovation commune au japhug, au zbu et au tshobdun. Dans d’autres formes (kɤ-pɣo « filer », tɤ-jpɣom « glace », tɯ-χpɣi « cuisse », kɤ-pʰɣo « fuir » dans le Tableau 221 et kɤ-ɣɤ-mbɣo « sourd », kɯ-mbɣom « pressé » et tɤ-rmbɣo « tambour » dans le Tableau 222), elle est due à l’existence de voyelles vélarisées en PGR (voir la section sur la rime -o 4.2.2.1 p.230). Pour le groupe xp- du japhug qui n’est attesté que dans tɯ-xpa « année » en japhug, nous reconstruisons *kə-p- en PGR. Le groupe *kp- du PGR donne βɣ- en japhug. Parmi ces mots, ɯ-pɯ « enfant » est peut-être un emprunt au tibétain. japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu Autres langues kɤ-pʰaʁ couper ka-pʰâk kɐ-pɐ̂χ, pɐ̂χ, pə̂χ kɤ-pʰɤβ abaisser tɯ-pʰɯ tronc ɕək-pʰû ki-pʰuʔ tɤ-pʰɯ motte de terre pʰú tɐ-pʰû ɯ-pʰɯ prix à payer kɤ-pʰɯɣ déployer, ouvrir kɐ-pʰév, pʰêv və-ɣwəʔ ka-pʰə́k en soutenant 275 tɯ-pʰɯɣ-pa cuisse tə-pʰət-pá kɤ-pʰɯt arracher, couper ka-pʰôt kɐ-ɣʊ́t kɤ-pʰɣo fuir ka-pʰô kɐ-pʰâ, pʰɪ̂ kɤ-mpʰɯr envelopper ka-mpʰə̂r kɐ-npʰə́r, < tɯ-mpʰɯs fesse tə-mpʰûs kɤ-ɕpʰɤt réparer kɐ-spês kɤ-mɯjpʰɤt vomir kɐ-məmpʰɐ́t kɐ-nbês, nbîs HFF ta-χpʰe kɯ-tá-χpɯt gifle Tableau 221 : Correspondances du Japhug pʰ- dans les autres langues rgyalronguiques. Le japhug /pʰ/ correspond à /pʰ/ en somang et à /pʰ/, /p/ et /ɣ/ (et /b/ dans un cas) en tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 zbu, comme on le voit dans le Tableau 221. La correspondance japhug pʰ- :: zbu p- dans les verbes sans préinitiales est probablement due à l’alternance d’aspiration en zbu (voir Sun 2000a) qui s’est généralisée à tous les thèmes de ce verbe. Dans le Tableau 220 et le Tableau 221, on trouve deux cas où une initiale sourde en japhug correspond à une initiale voisée en zbu : kɯ-mpɯ :: kə-nbəʔ « mou », kɤ-mɯ-jpʰɤt :: kɐ-nbês « vomir ». Il semble que dans ces cas la préinitiale nasale voise l’initiale en zbu. Toutefois, ce phénomène n’est pas général : ainsi dans kɐ-npʰə́r « envelopper », l’initiale est restée sourde. japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu Autres langues kɯ-mba mince, peu kə-mbâ kə-mbieʔ, mbiê Bir. pâ Tang. bji 1.11 profond #1475 mbala boeuf kɤ-mbaʁ se casser mboleʔ ka-bâk (bambou) kɯ-mbat léger (travail) kə-wá́t kə-mbêt, mbît kɯ-mbe ancien kə-wí kə-mbʌʔ, mbɐ̂ kɯ-mbɤr bas, petit kɯ-nɯ-ɣɯ-mbɤβ enfler kə-mbóp kɤ-mbi donner ka-wə̂ kə-mbér, mbêr kɐ-mbəʔ Bir. pê Tib. sbyin-pa tɯ-mbɯ organe sexuel tə-mbi masculin 276 qa-mbɯt sable ʁá-lbɯt kɤ-mboʁ exploser kɯ-mbus déborder tɯ-mbri corde kɤ-mbri fort (bruit), crier kə-mbâk tə-bré kə-mbôs, mbə́s Tib. sbos tɐ-mbrəʔ Tib. ‘breng kə-mbriʔ, < tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (poulet, âne) qa-mbrɯ yak kə-brə̂ ʁa-mbruʔ Tib. ‘bri mbrɯ-tɕɯ couteau mbərtsâ mbɯ́r-tɕʰə kɤ-sɤ-mbrɯ s’énerver tɤ-mbrɯm rougeole ta-brâm tɐ-mbrúm Tib. ‘brum-pa kɯ-mbro haut kə-mbrô kə-mbrɐʔ, < Bir. mráŋ mbro cheval mbró mbrɐ̂ Bir. mrâŋ kɤ-nɯqambɯ- voler ka-bjâm kə-ʁɐlbjɐ́m, Bir. pjaṃ kɐ-nmʊ́r, <nmúr mbjom <ʁɐlbjím kɯ-mbjom rapide kɤ-nɯ-mbjɯm se chauffer kə-mbjɐ́m au ka-nɯ-pjâm kɐ-npʰjúm ta-wó́ kə-vambaʔ feu kɯ-ɣɤmbɣo sourd kɯ-mbɣom occupé, pressé kə-mbám, < kɤ-nbraʁ rendre la terre kɐ-nbrɐ̂χ, <, plus meuble <nbrə́χ ʑmbar ulcère tə-ʑbó́́r HFF ʑmbri saule mbrə-ɕé HFF qa-ʑmbri plante grimpante tə-wró ʑmbrɯ bateau ʑgrú́ kɤ-rmbat proche kə-wá́t tɤ-rmbɣo tambour tə-rbó tɯ-rmbi urine tə-rbâ kɤ-rmbɯ amasser kɐ-rbuʔ tɯ-ɣmba joue tɤ-ɣmbɤj face d‘une tə-ʑbâ Bir. paŋ zbrəʔ zbriʔ Tib. gru tə-ɣbeʔ ki-ɣmbɐ́-vɐχ montagne Tableau 222 : Correspondances du Japhug mb- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 222, le japhug mb- correspond à mb-, b- et w- en somang et à mb- en zbu. Avec les préinitiales, le japhug /mb/ correspond à /b/ en zbu (ʑmbri :: zbrəʔ « saule », ʑmbrɯ :: zbriʔ « bateau », kɤ-rmbɯ :: kɐ-rbuʔ « amasser » etc.). Parmi les mots du Tableau 253, le japhug kɯ-mbus « déborder » et son équivalent en zbu 277 kə-mbôs sont peut-être des emprunts au tibétain, comme nous l’avons discuté dans la section 3.2.3.7 p.198. Pour ɣmb-, nous reconstruisons *kmb- en PGR-. Le groupe ʑmbr- dans ʑmbrɯ « bateau » est très problématique : il correspond régulièrement à zbr- en zbu, mais à des groupes à vélaires en somang ʑgrú et en tibétain gru. On constate deux cas de métathèse entre le japhug et les autres langues (nous citons le zbu) : mbrɯ-tɕɯ :: mbə́r-tɕʰə « couteau » et kɤ-sɤ-mbrɯ :: kɐ-nmʊ́r « s’énerver ». Il est probable qu’ici les formes du zbu soient plus archaïques : en effet, la syllabe mbɯr en japhug moderne ne se trouve que dans les emprunts au tibétain kɯ-mbɯr « saillant » et ses dérivés. On pourrait donc postuler un changement *mɯr / *mbɯr > -mbrɯ propre au japhug, même si la motivation phonologique de ce changement n’est pas claire. Le groupe mbr- vient dans certains cas d’un groupe *mr- en PGR : la phonotactique tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 du japhug ne permet pas de groupes [nasale + médiane]. Dans les mots mbro « cheval » et kɯ-mbro « haut », le birman a en effet mr- là où les japhug, le somang et le zbu ont mbr-. L’épenthèse du [b], bien qu’elle soit attestée dans la plupart des langues rgyalronguiques, n’est sans doute pas de date proto-rgyalronguique. Tout d’abord, elle a dû se produire après la métathèse du /r/ en japhug dans le mot kɤ-sɤ-mbrɯ « s’énerver ». Par ailleurs, Mansier (1983 : 76) signale que le dialecte rgyalrong oriental de bTsan-lha a ka-mə-ro pour « haut », et s’accorde en cela avec les transcriptions de Wolfenden (1936) kă-mô-rô « grand, long » et de Edgar (1932) kimoro « élevé ». L’épenthèse de [b] est tardive et s’est produite indépendamment en somang, en zbu et en japhug. Nous reconstruisons donc *mr- pour ces mots en PGR. Toutefois, il est certain qu’une partie des groupes mbr- du japhug moderne viennent de *mbr- ou de *br- dans la proto-langue. Parfois, le mb- du japhug correspond à w- en somang au lieu de correspondre à mb- / b-. Ce fait avait été remarqué par Lin Xiangrong (1993 : 606).L’initiale des mots ayant la correspondance japhug mb- :: somang w- correspond à p- en birman et à b- en tibétain. Etant donné que le b- du japhug moderne ne vient pas du PGR (voir section 4.3.3), nous reconstruisons ici *b- en PGR. Ce phonème s’est confondu avec *mb- en japhug et en zbu et avec *w- en somang. De la même façon, le *g- du PGR devient ng- en japhug et correspond à w- en somang (voir section 4.3.2.5 p.303). japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu Autres langues kɤ-nɤma travailler ta-má́ sɯ-mat fruit tə-jmát tɕʰe-me fille tə-mí kɤ-ɣɤme effacer, perdre kɐ-nɐmɐʔ tə-miʔ kɐ-səɣmît, səɣmît, <səɣmét kɤ-ɣɤ-mi éteindre ka-wa-rmé́k 278 kɤ-mi s’éteindre kɐ-rmék HFF mi peuplier mi-ɕé HFF mɪʔ tɯ-mi jambe ta-mé tə-məʔ kɤ-ɣɤ-mɯ louer ka-wa-mú́ tɯ-mɯ temps, pluie tə-mû kɯ-mɯm bon (goût) kə-mêm qa-mɯrwa chauve-souris mbərwá ʁmɯr-cɯ grive mərtɕû (Garrulax kə-mím tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 maximus) fso-mɯr demain soir so-môr kɤ-ɣɤmɯt souffler ka-mót kɐ-vɐmôt, « boire » vɐmɤ́t, vɐmɤ́t kɤ-mu avoir peur ka-nə-mó́ tɤ-mu mère tə-mô tɤ-muj plumes ta-mŋí kɤ-mɯnmu bouger kɐ-mənmó́ kɐ-məlmuʔ, < smɤɣ laine smôk smôx kɯ-smi cuit kə-smî, sməʔ Tib. smin-pa smi feu sə-məʔ Tib. me kɤ-ɕmi mélanger un ka-ɕmû kɐ-sŋwiʔ, < ka-rmâ ʁɐ-rmeʔ liquide qa-rma gallinacé (Crossoptilon) tɤ-rme poils ta-rɲê ta-rmeʔ 眉 *bmrɨj > mij tɯ-rme homme tə-rmî kə-rmbju ?? Tib. mi tɤ-rmi nom tə-rmé tɐ-rmiʔ Tib. ming tɤ-jme queue ta-jmî tɐ-lmeʔ 尾 *bmɨjʔ > mjɨjX kɤ-jmɯt oublier ka-jmə̂s kɐ-lmît, <lmə́t, lmə́t tɯ-jmŋo rêve ta-rmô tə-lmɐʔ Tib. rmang-lam tɯ-ɣmas blessure tə-nmâs tə-ɣmiʔ Tib. rma Tableau 223 : Correspondances du Japhug m- dans les autres langues rgyalronguiques Comme on l’observe dans le Tableau 223, l’initiale /m/ du japhug correspond à /m/, /mŋ/, /mb/, et /ɲ/ en somang et à m et mb- en zbu. Dans certains exemples en somang ou en zbu, on trouve des préinitiales qui n’ont pas de réflexes en japhug : il s’agit là peut-être de préfixes dérivationnels rajoutés à la racine dans ces langues. Le cas de qa-mɯr-wa :: mbərwá « chauve-souris » est particulier. La syllabe -mɯr- du mot japhug, comme nous 279 l’avons proposé dans la section 3.2.1.3.5, est très probablement un cognat du tibétain ‘phur « voler ». Cette syllabe se retrouve dans les mots d’oiseaux comme la grive ʁmɯr-c ɯ. En somang, la syllabe correspondante est soit mbər-, dans le nom de la chauve-souris, soit mər-, dans le nom de la grive. Les changements phonologiques qui ont causé ces variantes nous échappent pour le moment. Dans le nom tɤ-muj « plume », l’initiale /m/ semble correspondre à /mŋ/ en somang. Ce mot ressemble fortement à l’étymon sino-tibétain pour « poil » (Bir. mwê, 眉 *bmrɨj > mij), ce qui suggèrerait que le -ŋ- du somang soit secondaire. Toutefois, le mot japhug qui correspond à cette racine sino-tibétaine est plus probablement tɤ-rme « poil ». Nous proposons qu’ici c’est l’initiale et la voyelle mu- du japhug qui correspond au somang mŋ-. Nous reconstruisons ici *mŋ- en PGR : le *ŋ s’est lénifié après la préinitiale nasale de la même façon que le *k lénifie après *p dans les groupes japhug pɣ- venant de *pk-. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Comme il existe encore des groupes mŋ- en japhug, nous devons leur supposer une origine différente : des groupes à présyllabes *mə-ŋ- (voir p.304). Le groupe ɕm- du verbe kɤ-ɕmi « mélanger » correspond à sŋw- dans le cognat zbu kɐ-sŋwiʔ. Il est tentant de reconstruire *ɕŋwi en PGR avec un changement *ɕŋw- > ɕm- en japhug et en somang (la médiane arrondissant la voyelle). Toutefois, le ŋw- du zbu correspond à ŋ- en japhug dans kɤ-rŋi :: kɐ-rŋwiʔ « bleu » ; kɤ-ɕmi serait donc le seul cas en japhug où une labiovélaire devient labiale. C’est donc peut-être un emprunt à une variété du rgyalrong oriental. Le nom tɤ-rme « poil » correspond à /ɲ/ en somang. Ces deux langues ont subi un changement *mj- > mɲ- (voir p.299) : le somang a développé une médiane qui n’a pas laissé de trace dans les autres langues. Le groupe jmŋ- du mot tɯ-jmŋo « rêve » est anormal, car ici /ŋ/ est initiale et il est précédé de deux préinitiales. C’est en fait la réalisation du /ɣ/ qui est la trace du trait vélarisé de la voyelle en PGR. L’ensemble des correspondances mises en évidence dans cette section sont résumées dans le Tableau 224. Les correspondances attestées par un seul exemple sont indiquées entre parenthèses. PGR japhug (kɤmɲɯ) rgyalrong oriental Zbu *p- p- p-, (b-) p-, v-, (ɣv-), (w-), (b-) *pʰ- pʰ- pʰ- pʰ-, ɣ-, p-, (b-) *mb- mb- mb-, b- mb-, (b- avec préinitiale) *b- mb- w- mb- *m- m- m-, (mb-), (ɲ-) m- *pə-r- pr- pr- pr- (pʰr-) 280 *pə-l- pl- pl- pl- *pj- pj- pj- pj- *mbr- mbr- mbr- mbr- *mr- mbr- mbr- mbr- *pk- pɣ- pk- pʰɣ- *kmb- ɣmb- ʑmb- ɣb-, ɣmb- (*mŋ-) mu- mŋ- ? (*kpr-) xpr- kp- ? (*qp-) χp- ? χp- Tableau 224 : Correspondances des occlusives labiales du japhug avec les autres langues tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 rgyalronguiques. 4.3.2.2 Les occlusives dentales On trouve 5 occlusives dentales en japhug : /t/, /tʰ/, /d/, /nd/ et /n/. Nous ne traiterons pas ici de l’occlusive voisée /d/ (voir la section 4.3.3 sur les occlusives voisées). La présente section se divise en quatre parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques. En fin de section se trouve un résumé des reconstructions en PGR pour les initiales dentales (Tableau 229). z t- (Tableau 225 p.283) z tʰ- (Tableau 226 p.284) z nd- (Tableau 227 p.285) z n- (Tableau 228 p.286) japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu Autres langues kɤ-ta poser taʁ haut kɤ-taʁ tisser ka-tá́ və-tɐ̂χ ka-ták kɐ-tɐ̂χ, tɐ̂χ, tə́χ Tib. ‘thag, btags kɤ-sɤtaʁtaʁ amasser kɤ-tɤr tomber kɤ-tɤβ battre le grain ka-sataktak kɐ-ntér, ntɐ̂r kɐ-tó́p kɐ-tôv, tə̂v « battre » kɤ-ti dire ka-tsə́s tɯ-mbɤ-tɯm rein tə-mbo-tám kɐ-tsʰəʔ, <tsʰît pumi tʃə13 281 kɤ-tɯt mûrir kə-tû, tʰoʔ tɯ-tɣa empant tə-tə-wá kɤ-tɣa récolter tə-kpá kɐ-tɣwî tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 « récolte » mti turquoise mə-ték HFF tɤ-mtɯ nœud ta-mtú kɤ-mto voir ka-mtó́ kɤ-ɣɤ-ntaβ poser kɤ-ntɤm plat kɤ-sta se réveiller tɤ-ste vessie ta-stî tɐ́-xsə kɤ-stɤm se solidifier kə-dɐ̂m LYJ kə-ʁɐstʰɐ́m, < kɤ-sti enlever ce qui ka-ɕtɕé kɐ-mtɐʔ, mtʰɐʔ, mtiʔ Tib. mthong kɐ-sə-ntɐ̂v kə-ntʰâm kɤ-stʰɣiʔ est en trop kɤ-sti boucher kə-ŋaɕtʰé́ kɯ-mɯ-sti seul tə-ɕtɕî stoʁ pois ta-stók kɐ-stâ, <stəʔ, stəʔ snôχ 菽 *bstuk > syuwk kɯ-stu assidu ka-skô kɐ-stuʔ, <stʰuʔ kɤ-stu droit ka-stó́ kɐ-stuʔ, stʰuʔ Tang. twụ 1.58 #5128 kɯ-mɯ-ɕtaʁ froide (eau) kə-mə-ɕtá́k kɤ-ɕte contaminer ka-ɕtɕé́ qa-ɕti pêche mdzo-tí tɯ-ɕtɯ organe sexuel tə-ɕtú tə-stəʔ kɐ-stî, stʰeʔ Tib. stu féminin kɯ-rtaʁ assez kə-rtá́k kə-rtə́χ, rtɐ̂χ tɤ-rte coiffe, chapeau ta-rtî tɐ-rtʌʔ kɤ-rtɤβ frapper avec un kɐ-tó́p marteau kɤ-rtɯm rond kɐ-rtúm, <rtʰúm kɤ-sɤjtɯ accumuler kɐ-sɐjtə̂n HFF tɯ-xtɤɣ frère (terme tə-kték employé par les garçons) ku-xti grand kə-ktê kə-xtiʔ, < kɯ-xtɯt court kə-xtə̂n xtɯt chat sauvage xtuʔ 282 tɯ-xtu intérieur du tə-xtuʔ ventre kɤ-χtɯ acheter kɐ-χtəʔ, <χtʰiʔ Tableau 225 : Correspondances du Japhug t- dans les autres langues rgyalronguiques Comme on le voit dans le Tableau 225, le japhug t- correspond à t- en somang et à tet tʰ- en zbu. Par ailleurs, l’initiale t- du verbe kɤ-ti « parler » en japhug correspond dans les autres langues à des affriquées : ts- en somang et tsʰ-. Il semble que ce soit une innovation du japhug : en pumi, on trouve tʃə13 « parler » et en tangoute tshjiij 1.39 avec une affriquée comme en somang et en zbu, mais l’explication de cette anomalie nous échappe. On trouve une autre anomalie inexplicable dans la forme japhug kɤ-stu « assidu » où le /t/ correspond à /k/ en somang : ka-skô. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 z ɕt- On trouve deux cas encore où le groupe ɕt- du japhug correspond à ɕtɕ- en somang et à st- en zbu. Comme le groupe ce groupe ɕtɕ- se trouve dans les deux cas devant la voyelle –e, et qu’on ne trouve pas de syllabe *ɕte en somang (ou *ʃte dans les données cogtse de Hsie Fengfan), l’explication la plus simple est qu’il s’agit d’une innovation du somang / cogtse *ɕte > ɕtɕe sans rapport avec le japhug. Il n’est pas nécessaire de supposer ici *ɕtɕ- > ɕt- en japhug. z tɣ- Pour le groupe tɣ- dans kɤ-tɣa « récolter », nous reconstruisons *tp- en PGR (on peut supposer un changement *tp- > *tw- > tɣ- qui doit se produire après *tw- > *cw-, voir p.297). La lénition du *p s’observe aussi en zbu. En somang, le PGR *tp- est devenu kp- : un changement typologiquement similaire s’observe dans certains dialectes tibétains où le groupe dp- du tibétain classique devient χp-. Dans tɯ-tɣa « empant », en revanche, ce groupe vient de *tə-w- en PGR. Le groupe *tə-w- se développe parfois avec une aspirée, comme dans tʰɣe « gland ». z mt- Pour le groupe mt- du japhug, nous ne pouvons pas reconstruire *mt- en PGR, car ce groupe du PGR donne mc- (voir section 4.3.2.4 p.297). Nous reconstruisons donc un groupe à présyllabe *mə-t-. Ce groupe à présyllabe peut encore s’observer en somang : le japhug mti correspond au somang mə-ték « turquoise ». Toutefois, dans les autres exemples, la présyllabe a fusionné avec la syllabe en somang. z xt- et χt- La préinitiale x- devant t- provient dans certains cas d’une occlusive *k- en PGR comme c’est le cas. En somang, le changement n’a toujours pas eu lieu, car les xt- du japhug et du zbu y correspondent à kt-. Pour le groupe χt- du japhug, nous reconstruisons de façon similaire un groupe *qt- dans la proto-langue. Le verbe ku-xti est exceptionnel en 283 ce que lorsque la racine est précédée de la voyelle /ɯ/ comme c’est le cas à la forme infinitive ou à la forme imperfectif passé pu-xti, elle est colorée en [u]. L’origine de ce segment labial est inconnu, et cette particularité n’est partagée en japhug qu’avec le verbe ku-ɣrum « blanc » dont l’initiale a une origine différente. Le n- dans kɐ-ntér est un préfixe dérivationnel apparenté au nɯ- du japhug : il ne s’agit donc pas ici d’une correspondance irrégulière japhug t- :: zbu nt-. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu tɯ-tʰa-scos savoir tə-tʰá « livre » tʰawaʁ assiette tʰɤstɯɣ combien tʰəstê tɤ-tʰo pin tʰo-ló kɤ-tʰu demander ka-tʰó ka-tʰi (gSar-rdzong) boire tʰi (rqaco) quoi tʰê « quoi » téjə « quoi » tʰɣe gland tə-wí HFF χtʰɣwî tɯ-mtʰɤɣ taille tə-mtʰə́k tɤ-mtʰɯm viande ta-mtʰám Autres langues Nosu tepyy tʰievə́χ tɐ-tʰɐ̂ Tib. thang shing kɐ-tʰî, tʰəʔ, tʰəʔ Tib. chi cuite sɯ-kɯ-ntʰoʁ pic-vert ɕe-ko si-ku ntʰôχ kə́-ntok kɤ-stʰoʁ appuyer pɤ-ɕtʰɤβ sangle kɐ-stɐ̂χ, stɐ̂χ, stə́χ po-ɕtʰə́k ventrale Tableau 226 : Correspondances du Japhug tʰ- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 226, le japhug tʰ- correspond à tʰ- en somang et à tʰ- ou t- en zbu. En japhug de kɤmɲɯ, les correspondances sont rendues plus complexes du fait d’un changement phonétique tʰi > tsʰi attesté dans les deux mots kɤ-tsʰi « boire » (japhug de gSar-rdzong ka-tʰi) et la première syllabe de l’expression tsʰi tsuku « quoi que ce soit » en japhug de kɤmɲɯ qui correspond à l’interrogatif tʰi « quoi » en japhug de rqaco (dans les dialectes de gSar-rdzong et de Da-tshang, l’interrogatif est une forme xto innovante). L’interrogatif « quoi » a été remplacé en japhug de kɤmɲɯ par la forme tibétaine tɕʰi. Le groupe tʰɣ- dans tʰɣe « gland » vient d’un groupe à présyllabe en PGR *tə-w-, ce qui explique que le *t n’ait pas été palatalisé /c/ en japhug (voir 4.3.2.4 p.297). Le groupe *tə-w- donne aussi des non-aspirées comme dans tɯ-tɣa « empant ». 284 japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu Autres langues tɤ-ndɤɣ poison ta-dók tɤ-ndɤr bouton tɐ-ndɐ́r fsɤ-ndɤ-pa l'année d'après fsɐ-ndé-vie tɤ-ndɯr débris, lie ta-ndér kɤ-nɤndɯt se disputer ka-nandôt kɯ-ndɯβ fine (poudre) kə-dʑə́́p ? kə-ndîv, ndə̂v kɤ-ndo tenir, prendre ka-ndó kɐ-ndɐ̂, ndəʔ, ndəʔ Tib. dug və-ndér « avoir » kɤ-sɤ-ndu échanger ka-ɕa-ndó kɤ-mdɯ vivre jusqu'à ka-mdə̂ « atteindre » tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tɯ-mdɯ tə-mdî neveu (enfant du frère) znde mur en pierre kɤ-qarndɯm trouble (eau) kɤ-rɤɣndi bourrer kɤ-ʁndɯ battre zdî zdaʔ kə-ʁɐrndə̂m, < ka-rdá kɐ-ɣdoʔ, ɣdû, ɣdə̂m Tableau 227 : Correspondances du Japhug nd- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 227, le nd- du japhug correspond à nd- ou d- en somang (et peut-être à dʑ- si l’étymologie kɯ-ndɯβ « poudre » avec kə-dʑə́ p est possible) et à nd- en zbu (ou d- avec certaines préinitiales). Pour kɤ-rɤ-ɣndi « bourrer » et kɤ-ʁndɯ « battre », nous reconstruisons respectivement *knd- et *qnd- en PGR (voir 4.3.1 p. 269) japhug (kɤmɲɯ) sens somang kɤ-nɯ-na se reposer ka-nə-nâ kɤ-nɤs oser ka-nôs tɯ-nɯ sein tə-nú kɤ-nɯ-nɯ sucer kɤ-nɯt brûler zbu Autres langues kɐ-nneʔ, <nnî, Tib. nus tə-nôx Tib. nu-ma kɐ-nnôx, <nnə̂x kə-ná́t kɐ-snôt, snə́t, snə́t « allumer » kɤ-no chasser ka-nô kɤ-mna meilleur, kə mnâ kɐ-nɐʔ, nɐʔ, niʔ Bir. hnaŋ guérir tɯ-mnɯ alène tə mnû tə mnoʔ 285 kɯ-sna utilisable kə-sná « bien » tɯ-sni cœur tə-ɕné tə-sneʔ Tib. snying tɤ-sno selle ta-ɕnó tɯ-snom sœur (terme tə-snâm Bir. hna-má Tib. sna employé par les garçons) tɯ-ɕna nez tə-ɕná tɯ-ɕnaβ morve tə-ɕnám sɲîv Tib. snabs tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 sèche kɯ-ɕnɯs sept kə-ɕnə́s kə-snâs Bir. khu-hnac kɯ-ɕnom épi kʰə-ɕnám kə-sɲɐ́m Bir. a-hnaṃ tɯ-rnom côte ta-rnâm tə-rnɐ́m Bir. naṃ-rûi tɯ-rna oreille tə-rnâ tə-rnaʔ Tib. rna kɯ-rnaʁ profond kə-rná́k tɯ-rni gencive kɯ-ɣɯrni rouge kɯ-rnɯ mite tɯ-rnoʁ cerveau kə-wurnê Bir. nak tə-rniʔ Tib. rnyil kə-vərniʔ Bir. ni kə́-rnə tə-rnók tə-rnôχ 脑 *anoʔ > nawX tɯ-jno légume ta-jnô ɣni renard ka-ɲí volant LYJ ɣni vaʔ Tableau 228 : Correspondances du Japhug n- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 228, le n- du japhug correspond à n- en somang et à n- en zbu, sauf pour le groupe ɕn- qui correspond parfois à sn-, parfois à sɲ- en zbu et pour le mot ɣni « renard volant ». En zbu, le verbe kɐ-snôt « allumer » est un dérivé causatif d’un verbe non attesté *kɐ-nôt avec lequel doit être comparé le japhug kɤ-nɯt. Le groupe ɕn- du japhug correspond à sɲ- en zbu dans kɯ-ɕnom « épi » :: kə-sɲɐ́m, tɯ-ɕnaβ « morve » :: sɲîv « morve, nez ». On peut supposer peut-être un changement PGR *ɕn- > sɲ- en zbu, mais il devient difficile d’expliquer la forme du mot « sept » kɯ-snâs où le *n ne s’est pas palatalisé. Parmi les mots du Tableau 228, kɤ-nɤs « oser » et tɯ-rni « gencive » sont peut-être des emprunts au tibétain. 286 japhug (kɤmɲɯ) PGR japhug rgyalrong oriental Zbu (gSar-rdzong) *t- t- t- t-, t-, (tʰ-) *mə-t- mt- mt- mt-, mə-t- mt- *tʰ- tʰ-, tʰ- tʰ-, (tʰ-), tʰ-, (t-) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tsʰ- (devant –i) *nd- nd- nd- nd-, (d-) nd- *n- n- n- n- n- (*tp-) tɣ- tɣ- kp- tɣw- (*kt-) xt- xt- kt- xt- (*qt-) χt- χt- ? χt- (*knd-) ɣnd- ɣnd- rd- ? (*qnd-) ʁnd- ʁnd- ? ɣd- (*tə-w-) tʰɣ-, tɣ- ? tə-w- tʰɣ- *ɕn- ɕn- ɕn- ɕn- sɲ-, sn- Tableau 229 : Correspondances des occlusives dentales du japhug avec les autres langues rgyalronguiques. 4.3.2.3 Les occlusives affriquées On trouve 3 séries d’affriquées en japhug : dentales, palato-alvéolaires et rétroflexes. Nous ne traiterons pas ici des voisées /dz/, /dʑ/ et /dʐ/ (voir la section 4.3.3 p.312), ni de /tʂʰ/ : aucun mot ayant cette initiale n’est reconstructible. La présente section se divise en huit parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques. En fin de section se trouve un résumé des reconstructions en PGR pour les initiales affriquées (Tableau 238 p.295) : z ts- (Tableau 230 p.289) z tsʰ- (Tableau 231 p.290) z ndz- (Tableau 232 p.291) z tɕ- (Tableau 233 p.292) z tɕʰ- (Tableau 234 p.293) z ndʑ- (Tableau 235 p.293) z tʂ- (Tableau 236 p.294) z ndʐ- (Tableau 237 p.295) 287 japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu Autres langues kɯ-nɤ-tsa ka-na-tsá́ adapté, convenable ʁdɯr-tsa amadou smə-sâ tɯ-mɤ-tsa cousin tə-tsá kɤ-sɤtsa fermer tɯ-tsi longévité tə-tsî HFF kɤ-nɤtsɯ cacher ka-natsú́t kɤ-tsɯm emporter ka-tsâm ɯ-tsɯr fissure ta-tsôr tɤ-tsoʁ Potentilla tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 anserina kɐ-sɐtsɣî, sɐtsʰɣeʔ Tib. tshe kɐ-nɐtsʰiʔ və-tsír tɐ-tsôχ (une plante) kɯ-tsri salé kə-tsrî kə-tsriʔ, <tsʰriʔ tɤ-tsrɯ pousses ta-tsrúʔ HFF tɐ-tsrəʔ kɤ-tsɣi pourrir kə-tɕî kə-tsəʔ tɯ-ftsa neveu (enfant tə-tsá tə-ftsɣî Tib. tsha-bo de la sœur) ftsoʁ ftsóχ femelle d'hybride de yak et de vache kɤ-mtsaʁ sauter ka-mtsâk tɤ-mtsɯ bouton ta-mtsú kɤ-mtsɯɣ mordre kʰa-mtɕə́k tɐ-mtsû ka-lat kɤ-mtsɯr kɐ-mtsʰír, < avoir faim (de riz) kɤ-ntsɣe vendre kɐ-ntsɣwiʔ, < tɯ-ntsi un membre ki-tsəʔ d'une paire kɤ-rtsa stériliser un ka-rtsá animal femelle tɤ-rtsa vague kɯ-mɤrtsaβ piquant ci-rtsês kə-martsá́p kə-mɐrtsâv, <mɐrtsə̂v kɯ-rtsɤɣ panthère kə-ɕtɕík qa-rtsɤβ récolte kə-rtsə́p qə-sɐ̂ Tib. gzig 288 kɤ-nɯrtsɯ ramper ka-nərtsú́ kɐ-nəxtsuʔ, < qa-rtsɯ hiver kə-rtsû ʁɐ-rtsoʔ tɤ-jtsi pilier ta-ntɕʰê tɯ-xtsa chaussure tə-ktsâ kɤ-xtsɯ décortiquer ka-stsû tə-xtseʔ le riz χtsiɯ χtsɣû unité de mesure kɤ-χtsɤβ ka-waktsóp pétrir « taner » HFF Tableau 230 : Correspondances du Japhug ts- dans les autres langues rgyalronguiques. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Le japhug /ts/ correspond à /ts/ ou à /tɕ/ en somang et à /ts/ ou /tsʰ/ en zbu (sauf pour kɯ-rtsɤɣ :: qa-sɐ̂ « panthère »). Le groupe xts- du japhug semble avoir deux origines, car il correspond à la fois au somang kts- et au somang sts-. La lénition de *k- en x- en préinitiale a déjà été observée en 4.3.2.2 p. 213 avec le groupe xt-, et l’on peut reconstruire *kts- en PGR pour les exemples où xts- :: kts. On sait par ailleurs que les groupes *sts- sont mal formés en japhug. Il est donc possible de supposer un changement dissimilatoire *sts- > xts- dans les mots présentant la correspondance xts- :: sts-. L’existence d’une telle dissimilation en PGR est probable au moins pour le groupe *stɕ- > xtɕ- pour le traitement d’un emprunt tibétain (voir la section 4.3.2.3 p.292). Pour le groupe /tsɣ/ dans kɤ-ntsɣe « vendre », nous renconstruisons *tsw-. Le changement de *w- à ɣ- s’observe aussi à l’initiale (voir p.322). Pour le groupe χts-, nous reconstruisons *qts- en PGR. Le somang ayant confondu les uvulaires et les vélaires, le correspondant de l’initiale japhug en somang est kts-. japhug (kɤmɲɯ) sens somang tsʰɤt chèvre tɕʰə̂t kɤ-tsʰi bloquer ka-tsʰé́ kɤ-tsʰi attacher ka-tsʰik mbrɤs-tsʰi gruau kʰri-tɕʰi-də̂ tɤ-tsʰoʁ clou ta-tsʰôk kɯ-tsʰu gros kə-tsʰó́ tsʰu-ɣru soude tsʰə-wré kɤ-mtsʰɤm entendre, sentir ka-msá́m kɯ-mtsʰɤt rempli tɯ-mtsʰi foie zbu tsi-tɐ̂ Autres langues Bir. chit kə-mtsʰôt, mtsʰə́t tə-pɕé tə-mtsʰi Tib. mchin-pa 289 kɤ-mtsʰi kɐ-mtsʰiʔ, < conduire, surveiller cɤ-mtsʰo musc tɕa-msó tɯ-rtsʰɤs poumon tə-rtsʰós tə-rtsôs qa-rtsʰɤs cerf ka-rtsɐ̂s ʁɐ-rtsês HFF kɯ-xtsʰɯm kə-tɕʰə̂m fin kə-tsʰîm Tableau 231 : Correspondances du Japhug tsʰ- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 231, le japhug /tsh/ correspond à /tsʰ/, à /tɕʰ/ en somang et à /ts/ ou /tsʰ/ en zbu. On trouve également des cas où l’affriquée en japhug correspond à une fricative /s/ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ou /ɕ/ en somang. C’est uniquement dans le groupe mtsʰ-. Comme il n’existe pas de groupes *ms- en japhug, on peut en conclure qu’il s’est produit une innovation *ms- > mtsʰ- en japhug (et en zbu) similaire à celle que l’on peut observer en tibétain où les groupes [nasale + fricative] du proto-tibétain donnent [nasale + affriquée aspirée] (par exemple le présent ‘chi du verbe « mourir » venant de *N-syi). Le nom « foie » est particulier, puisqu’on observe en japhug une variation : tɯ-mtsʰi dans le dialecte japhug de kɤmɲɯ (PGR *m-sij), et tɯ-fsi dans celui de gSar-rdzong (PGR *p-sij). La raison de la variation dans ce préfixe est inconnue. La forme du gSar-rdzong (préfixe *p-) s’accorde avec celle du somang, tandis que la forme de kɤmɲɯ (préfixe *m-) s’accorde avec le zbu. Le verbe kɯ-mtsʰɤt « rempli » est un cas différent. En japhug, on trouve la paire kə-mtsʰôt « rempli » et kɐ-fsôt « remplir » : kə-mtsʰôt est dans cette langue un dérivé de kɐ-fsôt par la prénasalisation intransitivante (voir la section 6.6 p.411). En japhug, la forme originale cognat de kɐ-fsôt a disparu (on aurait attendu *kɤ-fsɤt ; à la place pour « remplir » on dit en japhug kɤ-sɯ-mtsʰɤt avec un préfixe causatif innovateur) et seule s’est maintenue la forme dérivée intransitive kɯ-mtsʰɤt. japhug (kɤmɲɯ) sens somang / zbu Autres langues cogtse kɤ-kɯ-nɤ-ndza lèpre ta-zá kɤ-ndza manger ka-zá́ Tib. mdze k ɐ -ndze ʔ , <ndzi ʔ , Tib. za ndzʌʔ Tang. dzji 1.10 #4517 tɯ-ndzɣi canines ta-ndzuî kɤ-ndzɤt grandir kə-ndzát kɯ-ndzɤβ collant, épais kə-rzə́p tə-ndʑwɣiʔ 290 kɤ-ndzɯ éduquer kɐ-zúʔ HFF kɤ-ndzɯ-qoʁ roter mdzə-kó́k kə-pa kɤ-ndzɯt aboyer kə-ŋandzót kɐ-ndzə́t ndzom pont ta-dzám tɐ-ndzɐ́m kɤ-ndzri tordre ka-tsrî kɐ-ndzrəʔ tɯ-ndzrɯ ongle tə-ndzrúʔ tə-ndzrû Tib. zam tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 HFF tɯ-jaʁ-ndzu doigt ta-jak-ndzó kɤ-ndzur être debout mdza-di puce kɤ-mdzɯ s'asseoir tɤ-mdzu épine tə-ndzwɣəʔ kɐ-ndzôr, ndzə́r ndza-jé kɐ mdzoʔ, mdzuʔ tə-mdzóʔ tɐ́ mdzə HFF Tableau 232: Correspondances du Japhug ndz- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on peut le lire dans le Tableau 232, le japhug /ndz/ correspond à /ndz/ et à /z/ en somang et à /ndz/ (et /ndʑ/ dans un cas) en zbu. Une correspondance ndz- :: z- avait déjà été mise à jour par Lin Xiangrong en comparant le cogtse et le tshobdun (1993 : 605). Il n’avait cité que deux exemples (« manger » et « lèpre »). Entre le japhug et le somang, nous trouvons quatre mots qui présentent cette correspondance : kɤ-kɯ-nɤ-ndza « lèpre », kɤ-ndza « manger », kɤ-ndzɯ « éduquer » et kɤ-ndzɤβ « collant, épais ». Etant donné que l’on ne rencontre pas d’initiale z- (sans préinitiale ou ne se trouvant pas à l’intérieur d’un disyllabe) dans les mots rgyalronguiques du japhug, nous reconstruisons *z en PGR pour ces quatre mots. Pour le groupe /ndzɣ/ dans tɯ-ndzɣi « canine », nous reconstruisons *ndzw-. japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu Autres langues kɤ-ɣɤ-tɕa avoir tord ka-wa-tɕa tɕaɣi perroquet tɕagî kɤ-rɤtɕaʁ fouler du pied ka-ratɕá́k tɤ-tɕɤs trace de pied ta-tɕôs kɯ-tɕɤr étroit kə-tɕó́r kɤ-tɕɤt prendre kɤ-tɕɤβ brûler ka-tɕóp kɐ-tɕʰôv, tɕʰə̂v kɯ-tɕur acide kə-tɕôr kə-tɕúr, <tɕʰúr Tib. skyur-mo kɤ-tɕɣaʁ presser ka-ktɕár ftɕar été pə-tsár ftɕér Tib. dbyar kɐ-rɐtɕɐ̂χ Tib. rjes kɐ-tɕʰɐ́t, tɕʰât 291 kɤ-ftɕɤs castrer kɐ-ftɕós, ftɕôs, ftɕís tɯ-mtɕi matin tə́-mtɕə kɤ-mtɕɯr se tourner kə-məmtɕə́r kɤ-mtɕoʁ pointu kə-ŋamtɕó́k kɤ-xtɕɤr attacher kɯ-xtɕi petit kə-ktsî kə-xtɕəʔ kɤ-χtɕi laver ka-rtɕî kɐ-χtɕʰəʔ kɐ-mtɕʰôχ, mtɕʰə́χ kɐ-xɕêr, xɕîr, xɕîr Bir. chê Tableau 233 : Correspondances du Japhug tɕ- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 233, le japhug /tɕ/ correspond à /tɕ/ ou /ts/ en somang et à /tɕ-/, /tɕʰ/ ou /ɕ/ en zbu. Nous ne reconstruisons pas d’initiale différente en PGR pour la correspondance japhug /tɕ/ :: somang /ts/ dans les deux mots ftɕar « été » et tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 kɯ-xtɕi « petit » : il n’est pas clair laquelle des deux langues est innovante. Nous reconstruisons *ktɕ- normalement pour le groupe xtɕ- du japhug, mais le groupe *stɕ- pourrait donner également xtɕ-. En effet la forme l’emprunt tibétain koxtɕin < gos-chen « satin » suggère qu’il aurait été emprunté avant ce changement. Toutefois, cette reconstruction est à considérer avec circonspection, car dans le dialecte tibétain de Zho-ngu (Sun 2003b) parlé non loin du pays rgyalrong, le –s final devient /h/ lorsqu’il est en première syllabe de dissyllabe (lus-po « corps » > ləhpo). Pour expliquer la correspondance japhug tɕɣ- :: somang ktɕ- du mot kɤ-tɕɣaʁ « presser », nous suggérons de reconstruire ici une voyelle vélarisée en PGR *aˠ (voir section 4.2.3.7 p. 262). La forme *ktɕaˠq du PGR est d’abord devenue *ktɕɣaq, puis la préinitiale *k- s’est lénifiée en *x- et enfin la préinitiale a disparu par dissimilation avec la médiane *xtɕɣaq > *tɕɣaq car on sait qu’aucune syllabe japhug ne peut avoir à la fois /x/~/ɣ/ comme préinitiale et /ɣ/ comme médiane. japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu tɯ-tɕʰa paire kí-tɕʰe kɤ-tɕʰɯs éternuer kɐ-tɕʰə́s mɲaʁ-tɕʰɯβ clin d'œil tɕʰorzi jarre mtɕʰi argousier tɯ-mtɕʰi lèvres kɤ-sɤmtɕʰoʁ mettre en ordre Autres langues mɲak-tʰîp tɕʰɐrzî mbo-mtɕʰí tə-mtɕʰəʔ ka-ra-mpɕó́k kɐ-sɐmtɕʰôχ, <sɐmtɕʰə́χ kɤ-ntɕʰa découper, tuer ka-ntɕʰâ rue Tib. bsha’ ntɕʰoʔ un animal kɤ-ntɕʰaʁ kɐ-ntɕʰeʔ, ntɕʰî, kə-tsʰôk 292 tɯ-ntɕʰaʁ goutte tə-ntʰák pumi stʰɑ13 Tableau 234 : Correspondances du Japhug tɕʰ- dans les autres langues rgyalronguiques. Dans le Tableau 234, le japhug /tɕʰ/ correspond à /tɕʰ/ et /tʰ/ en somang et à /tɕʰ/ en zbu. Le cas de kɤ-sɤ-mtɕʰoʁ « mettre en ordre » est particulier : la forme du somang ka-ra-mpɕók suggère de reconstruire *m-ɕoq en PGR, avec un changement *mɕ- > mtɕʰcomme en tibétain, mais l’on doit reconstruire un groupe *mɕ- pour kɯ-mpɕɤr « beau » et ce groupe *mɕ- devient mpɕ-. L’initiale palato-alvéolaire du nom tɯ-ntɕʰaʁ « goutte » en japhug est probablement secondaire, car on trouve une occlusive dentale non seulement en somang tə-ntʰák, mais aussi en pumi stʰɑ 13 (Lu 2001 : #771) « s’écouler goutte à goutte ». Nous n’avons tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 toutefois aucune explication pour cette irrégularité. japhug (kɤmɲɯ) kɤ-ndʑaʁ sens traverser la somang / cogtse ka-ldʑá́k zbu Autres langues kɐ-ldʑɐ̂χ rivière à la nage qa-ndʑi étain ka-ʑə́k ndʑi-rɯ lente mdʑi-rúʔ HFF kɯ-ɣɯ-ndʑɯɣ collant, kɯ-ndzôk 锡 *as-lek > sek ndʑi-riʔ visqueux ndʑu baguettes tɯ-mdʑu langue kɤ-ɣndʑɯr moudre ta-ndʑó tə-mdɣiʔ ta-ndzór « moulin » Tableau 235 : Correspondances du Japhug ndʑ- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 235, le japhug /ndʑ/ correspond à /ndʑ/, /dʑ/, /ʑ/ et /ndz/ en somang et /dʑ/, /ndʑ/ /dɣ/ en zbu : on trouve une correspondance différente par mot. Les initiales des mots du Tableau 235 sont particulièrement difficiles à reconstruire. Pour kɤ-ndʑaʁ « nager », étant donné la correspondance ndʑ- :: ldʑ-, nous reconstruisons *lndʑ- en PGR. On trouve des groupes ldʑ- en japhug : tɯ-ldʑa « brin », correspondant au zbu ki-ldʑɐ̂, mais nous proposons de reconstruire ici *lʑLa correspondance ndʑ- :: ʑ- entre le japhug et le somang se retrouve pour un emprunt au tibétain : kɤ-ndʑɯ « accuser », somang ka-ʑú, zbu kɐ-ndʑuʔ, ndʑoʔ, tibétain zhu « demander ». Le sens des langues rgyalronguiques est clairement secondaire, et cet exemple montre que le japhug a subi un changement *ʑ- > ndʑ- pour ce mot tibétain et pour le mot « étain » qa-ndʑi. Le somang conserve ici la prononciation ancienne. 293 japhug (kɤmɲɯ) kɤ-tʂaβ kɤ-tʂɯβ sens somang zbu faire tomber kɐ-tɕʰêv, (un arbre) tɕʰîv, tɕʰév coudre ka-tʂó́p kɐ-tɕôv, Autres langues Tib. ‘drub tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tɕə̂v, tɕə̂v tɤ-tʂu lampe ta-tʂhó tɐ-tɕʰû tʂu chemin tʂə-la kɯ-tʂɤɣ six kə-tʂók kə-tɕôx kɤ-ftʂi faire fondre ka-ptʂî kɐ-ftɕʰɣwiʔ kɤ-ɕtʂat économiser ka-wu-ʂtʂá tɯ-ɕtʂi sueur tə-ɕtʂé kɤ-ɕtʂɯ confier, déposer ka-ɕtʂú Tib. drug tə-ltɕʰîx chez qqn Tableau 236 : Correspondances du Japhug tʂ- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 236, le japhug /tʂ/ correspond à /tʂ/ en somang et à /tɕ/, /tɕʰ/ (ou /ɕ/ ) en zbu. Dans nos données zbu, on ne trouve de /tʂ/ ou de /tʂʰ/ que dans les emprunts au tibétain. L’initiale /tʂ/ du japhug vient au moins dans certains cas d’un groupe *tr- dans la proto-langue. Les familles de mots du japhug permettent de le prouver. L’initiale tʂ- du numéral kɯ-tʂɤɣ « six » correspond à r- dans le numéral sqaprɤɣ « seize ». Nous pouvons ici reconstruire en PGR *kə-trɔk « six » et *sqa-pə-rɔk « seize ». L’élément *pəse retrouve avec tous les numéraux entre dix et dix-neuf (sqaftɤɣ < *sqa-pə-tek « onze » sqamnɯs « douze » < *sqa-pə-nis etc). Nous n’avons aucune raison de reconstruire un groupe *tə-r- qui s’opposerait à *tr- en PGR. L’initiale /ndʐ/ elle aussi vient d’un groupe en r- en PGR. Si l’initiale /tʂʰ/ aspirée existe bien en japhug, seuls des emprunts chinois tardifs tels que tʂʰa « thé » du mandarin 茶 cha2 ont cette initiale. Il est possible qu’un groupe *thrait existé en PGR, et qu’il se soit confondu avec *tr- en /tʂ/. Le mot « lampe » tɤ-tʂu pourrait être un exemple de *thr-, car le zbu et le somang ont ici une aspirée. japhug (kɤmɲɯ) sens qa-ndʐe ver de terre tɯ-ndʐi peau qa-ndʐi un salmonidé kɤ-nɤ-ndʐo prendre froid somang zbu Autres langues ʁɐ-ndʑeʔ tə-ndʐî tə-ndʑəʔ Bir. a re ʁɐ-ndʐî ta-dʐók 294 kɯ-jndʐɤs épaisse (poudre) kə-jdʐó́t kə-ndʑôs, ndʑə́s kɤ-jndʐɯɣ ruminer tə-jró́k ka-pa tɤ-ndʐə̂x Tableau 237 : Correspondances du Japhug ndʐ- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 237, le japhug /ndʐ/ correspond à /r/, /ndʐ/ ou à /dʐ/ en somang et à /ndʐ/ ou /ndʑ/ en zbu. Comme c’est le cas du japhug /tʂ/, l’initiale japhug /ndʐ/ vient d’un groupe en *r- que nous reconstruisons *nr-. Ici encore, les familles de mots en japhug permettent de le montrer : le suffixe -ndʐi, que l’on trouve dans les temporels tels que jɯ-fɕɯ-ndʐi « avant-hier » de jɯ-fɕɯr « hier » et ja-pa-ndʐi « il y a deux ans » de ja-pa « l’année dernière », est apparenté à la dernière syllabe du locatif ɯ-ʁɤ-ri « devant » (cf. somang tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 wu-tʂí « devant »). La comparaison avec le somang, où dans un exemple /ndʐ/ correspond à /r/ (kɤ-jndʐɯɣ « ruminer »), appuie cette hypothèse. PGR japhug (kɤmɲɯ) rgyalrong oriental Zbu *ts- ts- ts-, (tɕ-), (tɕʰ) ts-, tsʰ- (*kts-) xts- kts- xts- *qts- χts- kts- χts- *tsw- tsɣ- ? tsɣw- *tsʰ- tsʰ- tsʰ- ts-, tsʰ- (*ms-) mtsʰ- ms- mtsʰ- *ndz- ndz- ndz-, dz ndz- *ndzw- ndzɣ- ndzu- ? *z- ndz- z- ndz- *tɕ- tɕ- tɕ-, (ts-) tɕ-, tɕʰ (*stɕ-) xtɕ- ɕtɕ- ? *tɕʰ- tɕʰ- tɕʰ-, (tsʰ-) tɕʰ- (*ndʑ-) ndʑ- ndʑ-, (ndz-) ndʑ- (*ʑ-) ndʑ- ʑ- ? *tr- tʂ- tʂ- tɕ-, tɕʰ- (*ptr-) ftʂ- ptʂ- ftɕʰ- (*thr-) tʂ- tʂʰ- tɕʰ- *nr- ndʐ- ndʐ-, dʐ-, (r-) ndʐ-, ndʑ- Tableau 238 : Correspondances des affriquées du japhug avec les autres langues rgyalronguiques. 295 4.3.2.4 Les occlusives palatales On trouve 5 occlusives palatales en japhug : /c/, /cʰ/, /ɟ/, /ɲɟ/ et /ɲ/. Nous ne traiterons pas ici de l’occlusive voisée /ɟ/ (voir la section 4.3.3 p.312) ni de la prénasalisée /ɲɟ/ pour lesquelles nous n’avons aucun exemple de mots reconstructibles. La présente section se divise en trois parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques. On doit noter que sans les données du somang de Huang et Sun (2002), les palatales et les palato-alvéolaires sont confondues. Toutefois, le dialecte somang préserve normalement la distinction entre ces deux séries. Nous avons utilisé les données de Hsie Fengfan (1999) du dialecte de cogtse lorsqu’elles étaient disponibles car elles maintiennent cette distinction. En fin de section se trouve un résumé des reconstructions en PGR pour les initiales tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 palatales (Tableau 242 p.299). z c- (Tableau 239 p.297) z cʰ- (Tableau 240 p.298) z ɲ- (Tableau 241 p.299) japhug (kɤmɲɯ) sens ca chevrotain tɯ-ci eau kɤ-cit bouger somang / cogtse zbu Autres langues cçâ HFF tə-cî ka-stɕə́t « déplacer » kɤ-cɯ ouvrir ka-tû kɐ-tɣwɐʔ, tʰɣwɐʔ, tɣwiʔ sɤ-cɯ clé tɐ-ɟji ndʒóʔ HFF kɤ-cɯ hiberner kɐ-tʃúʔ HFF kɤ-cɯɣ sommet de la tə-ték HFF tə-ku cíx tête, fontanelle co vallée cçokʰá HFF tɣaʔ tɯ-ɲcɣa faucille tə-ntuâ tə-ɲcɣweʔ tɤ-mcar pinces tə-mtár tɐ-mcîr tɯ-mci salive tə-məɕtʰék tɯ-mcʰîx kɤ-nɤscɤr être saisi kɐ-nɐscçɐ̂r HFF kɐ-sɐscír, nɐscêr de frayeur kɤ-scɤt déplacer kɤ-nɤ-sci changer kɤ-sco raccompagner Bir.twaŋ « puits » kə-scçét HFF kɐ-fcʰiʔ, < ka-scçóʔ HFF 296 tɤ-scos lettre ta-scçós HFF kɤ-ɣɤ-scur tenir dans les ka-scçór HFF mains « supporter avec son bras » kɯ-rcat huit wu-rját tɯ-rcu veste tə-rtɕó və-rɟêt Tib. brgyad Tableau 239 : Correspondances du Japhug c- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 239, le japhug /c/ correspond à /cç/ ou /t/ en somang / cogtse et à /c/, /cʰ/ ou /tɣ/ en zbu. Comme les données du somang de Huang et Sun (2002) ne distinguent pas les palatales des palato-alvéolaires, nous avons eu recours au données cogtse de Hsie Fengfan (1999) lorsque le cognat y était attesté. A cet égard, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 le verbe kɤ-cɯ « hiberner » est irrégulier, car la palatale du japhug correspond à une palato-alvéolaire en cogtse. Le numéral « huit » kɯ-rcat est également irrégulier : le groupe rj- du somang correspond normalement à rʑ- en japhug. Lorsque le japhug /c/ correspond à des palatales en somang et en zbu, nous reconstruisons des palatales en PGR. En revanche, lorsque /c/ correspond à /t/ ou /tʰ/ en somang et à /tɣ/ en zbu, nous reconstruisons une dentale en PGR. La dentale *t du PGR devient une palatale dans deux conditions : lorsqu’elle est suivie de *w (kɤ-cɯ < *twu « ouvrir », co < *twaŋ « vallée », ɲcɣa < *ntwa « faucille »), et lorsqu’elle est précédée de *m- (tɤ-mcar < *mtar « pinces », tɯ-mci < *mtik « salive »). Le mot « vallée » est irrégulier, car la palatalisation a eu lieu aussi en somang où on trouve cçokʰá au lieu de *two. Cela est peut-être dû à une contrainte sur l’existence de syllabes telles que *two en somang. Le groupe tʰɣ- du japhug vient de *tə-w- en PGR (voir 4.3.2.2 p. 281) ; ce qui explique qu’il n’a pas été palatalisé. De même, les groupes mt- du japhug moderne viennent de *mə-t- en PGR (voir section 4.3.2.2 p. 281). Le *t du PGR devient une palatale /c/ lorsqu’il est précédé ou suivi directement d’une consonne labiale. Cette hypothèse prédit que le groupe ft- du japhug ne peut pas venir de *pt-, car ce groupe devrait donner *fc- en japhug (un groupe qui n’existe pas). Comme tous les mots japhug ayant le groupe ft- sont apparentés à des mots tibétains en bt-, notre hypothèse prédit qu’il doit s’agir d’emprunts, car dans le cas contraire on aurait *fc- correspondant à bt- en tibétain. Nous avons reconstruit *kj- en proto-japhug pour le groupe initial du préfixe cu- de direction vers le bas dans le dialecte japhug de rqaco (voir la section 5.3 p.358), et il est possible que les palatales *c que nous reconstruisons en PGR puissent s’analyser *kjdans la proto-langue. Pour la clarté de l’exposé, toutefois, nous gardons les palatales comme une série distincte dans la proto-langue. Le mot « fontanelle » kɤ-cɯɣ est problématique : on ne peut pas reconstruire *tw297 comme on a t- et non tw- en somang. La rime de ce mot est également problématique (voir section 4.2.3.6 p. 259). Il s’agit peut-être d’un emprunt au zbu ou au tshobdun. japhug (kɤmɲɯ) sens cʰa alcool fermenté tɯ-pɤ cʰaʁ nombril qa-cʰɣa renard kɤ-cʰɤβ aplatir, écraser somang / cogtse zbu Autres langues cçʰâ HFF tə-ɣú tɕʰəχ kə-tʰûi ʁɐ-cwiʔ kɐ-cʰóv, cʰúv, cʰív "casser" kɯ-cʰi sucré kə-cçʰî HFF kə-cʰəʔ ɲcʰɣaʁ écorce de ntʰwák HFF cʰɣwɐ̂χ ka-cçʰáʔ HFF ʁɐ́-cʰi tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 bouleau χcʰa droite Tableau 240 : Correspondances du Japhug cʰ- dans les autres langues rgyalronguiques. Le japhug /cʰ/ correspond à /cʰ/ ou /tʰ/ en somang et à /cʰ/ ou /c/ en zbu. Selon le même principe que pour /c/, nous reconstruisons *cʰ- en PGR lorsque /cʰ/ correspond à une palatale en somang et *tʰw- pour le groupe cʰɣ- du japhug qui correspond à tʰw- en somang. Le /tɕʰ/ en zbu dans le mot « nombril » est irrégulier. Il est possible que les *cʰque nous reconstruisons en PGR puissent s’analyser comme des groupes *kʰj- dans la proto-langue. Le groupe χcʰ- dans le mot « droite » doit se reconstruire avec une préinitiale uvulaire *q- : en somang et en zbu, cette présyllabe est encore indépendante. Nous avons reconstruit *tʰj- en proto-japhug pour le préfixe cʰɯ- de direction vers l’aval en japhug (voir la section 5.3 p.358). Nous n’avons pas trouvé de raison de reconstruire ce groupe dans aucun des mots du Tableau 240, ni de reconstruire un *tjpour les c- du japhug. japhug (kɤmɲɯ) sens somang / cogtse kɯ-ɲaʁ noir kɯ-ɲo déjà préparé tɯ-ɲoʁ grains et balle tɯ-ɲɤt éboulement tɐ-nɲɐ́t HFF tɤ-ɲi bâton ta-ɲê tɯ-ɲi tante (sœur du ta-ɲî zbu kə-ɲɐ̂χ Autres langues Tib. nag-po kə-ɲô tə-ɲóχ père) qa-ɲi taupe ʁɐ́-ɲə 298 ɲɤ-ndi ɲɐ-ndeʔ dans quatre jours tɯ-mɲa flèche ɕə-mɲá tə-mɲeʔ Bir. mrâ « archet de violon » tɯ-mɲaʁ oeil tə-mɲák Tib. mda tə-mɲɐ̂χ Tib. mig Bir. myak kɤ-nɤmɲo regarder ka-namɲô kɐ-nɐmɲɐʔ, Bir. mraŋ <nɐmɲiʔ, nɐmɲiʔ tɤ-sɲa tresse ta-sɲak rí « tresse » kɤ-rɲo essayer, goûter ka-rɲô kɐ-rɲɐʔ, <, Tib. myong rɲî myangs tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 241 : Correspondances du Japhug ɲ- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 241, le japhug /ɲ/ correspond à /ɲ/ en somang et en zbu. Les données comparatives externes au japhug montrent toutefois que le groupe mɲ- du japhug provient de groupes où m- est initiale : il correspond notamment à mr- en birman. Nous reconstruisons *mj- en PGR. Le groupe rɲ- dans le verbe kɤ-rɲo « goûter, faire l’expérience de » vient lui aussi d’un groupe *mj- précédé d’une préinitiale *r-. Mais comme un groupe à deux préinitiales tel que *rmɲ- serait mal formé en japhug, ce groupe s’est simplifié en rɲ-. PGR japhug (kɤmɲɯ) rgyalrong oriental Zbu *c- c- c- c-, cʰ- *kj- c- ?? ?? *tw- c- tw- tɣ- (*ntw-) cɣ- ntw- ɲcɣ- *mt- mc- mt-, mtʰ- mc-, mcʰ- *mə-t- mt- mə-t-, mt- mt- *cʰ- cʰ- cʰ- cʰ- *tʰj- cʰ- ?? ?? *tʰw- cʰɣ- tʰw- cw, cʰɣw- (*qcʰ-) χcʰ- ka-cʰ- ʁɐ-cʰ- *ɲ- ɲ- ɲ- ɲ- *mj- mɲ- mɲ- mɲ- (*rmj-) rɲ- rɲ- rɲ- Tableau 242 : Correspondances des palatales du japhug avec les autres langues rgyalronguiques. 299 4.3.2.5 Les occlusives vélaires On trouve 5 occlusives vélaires en japhug : /k/, /kʰ/, /g/, /ŋg/ et /ŋ/. Nous ne traiterons pas ici de l’occlusive voisée /g/ (voir la section 4.3.3 p. 310). La présente section se divise en quatre parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques. Le japhug a perdu la distinction entre les vélaires et les labiovélaires d’une part, et les uvulaires et les uvulaires labiovélarisées d’autre part. Ces distinctions sont maintenues en zbu. Nous reconstruisons une labiovélaire lorsque le zbu a un /w/ sans équivalent dans les autres langues, et que les autres langues n’ont pas de voyelles postérieures arrondies, comme par exemple dans japhug tɯ-ŋga :: zbu tə-ŋgwiʔ < *gwa « habit ». En effet, le zbu semble avoir dans certains cas diphtongué des voyelles postérieures : japhug ɕku :: zbu skwəʔ < PGR *ɕko tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 « oignon ». On retrouve –w- en tangoute dans les mots reconstruits avec une labiovélaire ou avec une uvulaire labiovélarisée, ce qui montre que le zbu maintient un archaïsme. En fin de section se trouve un résumé des reconstructions en PGR pour les initiales vélaires (Tableau 247 p. 305) z k- (Tableau 243 p.301) z kʰ- (Tableau 244 p.302) z ŋg- (Tableau 245 p.303) z ŋ- (Tableau 246 p.304) sens japhug somang zbu (kɤmɲɯ) Autres langues kɯm porte kɯmu tétras (tetraogallus kâm kúm kumu tibetanus) tɯ-ku tête ta-kó kɤ-krɤɣ couper de kɐ-krɐ̂k HFF tə-kuʔ Tib. mgo l’herbe kɤ-kro partager, distribuer ka-krô kɤ-kio faire glisser kə-ndʑô « glisser » kɤ-nɤŋka ronger kɤ-ŋke marcher kɤ-fkur porter sur le dos kɤ-fka être rassasié ka-waŋkâj kɐ-nceʔ kɐ-pkôr HFF ki-fkôr Tib. « un fardeau » khur ‘khur kə-pká́ 300 tɯ-mke cou tə-mkî tə-mkeʔ Tib. ske tɤ-mkɯm oreiller ta-mkám tɐ-mkóm Bir. uṃ skɤm boeuf à viande kɤ-skɤt refuser ka-skɐ́t HFF kɤ-skɯ enterrer ka-səkú́ kɐ-skûs, skʰoʔ kɯ-sɤɕke brûlant kə-saɕkî kə-sɐskî, <sɐskʰeʔ ɕkɤrɯ ovin skɐ̂m ɕkóro (Capricornus sumatraensis) kɤ-ɕkɯt finir de manger ou ka-ɕkút tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 de boire ɕkom muntjac ɕkrɤs chêne vert tɯ-ɕkrɯt bile ɕkám skrôs tə-mdʑi-krí tə-ɕkrɯ̂t Tib. mkhris-pa ɕku oignon ɕkó skwəʔ tɤ-rka mule ta-rká tɐ-rkɐ̂ kɯ-rkaŋ vigoureux kə-rkâŋ Tib. sgog ? Tib. mkhrang-po kɤ-mɯrkɯ voler kɐ-mərkəʔ, mərkʰiʔ kɯ-rko dur kə-rkô kə-nkʌʔ, nkɐ̂ kɤ-rku mettre dans ka-rkô kɐ-rkwə́t, rkʰút, rkoʔ kɯ-jka corbeau à bec rouge kʰə-rkô HFF kwé-lkwə Tib. rku (Pyrrhocorax pyrrhocorax) Tableau 243 : Correspondances du Japhug k- dans les autres langues rgyalronguiques. Dans le Tableau 243, on peut constater que les correspondances du japhug /k/ dans les autres langues sont très régulières : il correspond à /k/ en somang et en zbu. La seule exception est le verbe kɤ-ŋke « marcher », où l’on trouve une palatale /c/ en zbu kɐ-nceʔ. Pour le groupe kr-, nous reconstruisons *kə-r- en PGR (le *kr- du PGR devenant ɣren japhug). De même, le groupe fk- vient de *pə-k- (*pk- devenant pɣ- en japhug). Le groupe ki- du japhug de kɤmɲɯ correspond à cɣ- dans celui de gSar-rdzong dans le verbe glisser kɤ-kio / kɤ-cɣo. La forme somang kə-ndʑô « glisser » (probablement *ɲɟcar le dictionnaire de Huang et Sun 2002 ne distingue pas palato-alvéolaires de palatales) est apparentée au verbe japhug dérivé par le voisement intransitivant kɤ-ŋgio « glisser ». Une reconstuction telle que *kj- en impossible en PGR pour cette initiale, puisque ce groupe devient c-. Nous proposons *kə-j- de façon tentative pour ce groupe. Le groupe *kw- n’est reconstructible que dans kɯ-jka < *lkwa « corbeau à bec rouge ». 301 sens japhug somang zbu Autres tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (kɤmɲɯ) langues tɯ-kʰa pied kə-kʰeʔ kɤ-nɤkʰe maltraiter ka-nakʰî kɯ-nɯɲɤmkʰe maigre kə-nəkʰí kʰɯ-na chien kʰə-ná pɣɤ-kʰɯ hibou pka-kʰú tɤ-kʰɯ fumée ta-kʰə̂ kʰɯtsa bol kʰə-tsá kɤ-kʰo donner, passer kɤ-kʰu crier ka-ŋa-kʰô kʰu tigre kʰûŋ kʰrɯ-zwa riz cuit kʰri-zbá tɤ-ŋkʰɯt poing ta-rkút kɤ-nɯskʰrɯ être enceinte ka-məskrú́ tɤ-rkʰom partie dure des ta-rkám « ailes » kɐ-nɐkʰô, nɐkʰoʔ Tib. khyi tɐ-kə́t Bir. mî khûi kɐ-kʰɐ̂m Tib. gung tɐ-ŋkə̂t Tib. sku plumes Tableau 244 : Correspondances du Japhug kʰ- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 244, le japhug /kʰ/ correspond à /kʰ/ en somang et en zbu, sauf dans les mots à préinitiales où il correspond à /k/ dans ces deux langues. Le nom « fumée » en zbu tɐ-kə́t a une initiale et une finale irrégulières. Le nom tɤ-ŋkʰɯt « poing » en japhug de kɤmɲɯ est tɤ-rkʰɯt en japhug de gSar-rdzong. C’est le seul exemple de groupe ŋkʰ- en japhug. Il est possible qu’il s’agisse d’un emprunt à une langue rgyalronguique proche du zbu qui aurait une préinitiale ŋ- dans ce mot. sens japhug somang zbu autres langues (kɤmɲɯ) kɤ-ŋga mettre ka-wá́t (un vêtement) kɐ-ngwêt, Bir. wat Tib. bgo ngwît, ngwét Tang. gjwi 2.10 #4906 tɯ-ŋga habit tə-wâ kɯ-ŋgɤr étroit kə-wó́r tɤ-ŋgɤr lard tɐ-wôr HFF kɯ-ŋgɤr étroit kə-ŋgʊ́r, ŋgôr kɯ-ŋgɯ pauvre kə-ŋgoʔ, ŋgô tɤ-ŋgɯm œuf ta-gám tə-ŋgwiʔ ta-ŋgúm 302 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tɯ-ŋgra salaire tə-wrá kɯ-ŋgri fin (gruau) kə-ŋgriʔ, < tɯ-ndzɤŋgrɯm tempes ndzɐŋgrɐ́m tɯ-ŋgru tendon tə-wró tə-ŋgrəʔ Tang. gju 2.3 #1907 kɯ-ngɯt neuf kə-ŋgû kə-ngít Tib. dgu kɯ-ngɯt solide kɤ-ngo tomber malade ka-nə-wô kɤ-ʑŋgi porter le bois kə-ʑgî ʑŋgri étoile tsu-rî tɯ-ʑŋgrɯm cartilage tɐ́-qrəm-qrəm kɯ-ʑŋgu batelier kə-zŋgwə pjɤ-ʑŋgur saucisson kɤ-rŋgɯ dormir, kə-ngəʔ kɐ-ngɐʔ, < Tang. gjɨ ̣ 2.61 #108 po-ʑgór kɐ-rŋgəʔ être allongé kʰijŋga rhododendron jgɐ̂ HFF Tableau 245 : Correspondances du Japhug ŋg- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 245, le japhug /ŋg/ correspond à /ŋg/ ou /w/ en somang et /ŋg/ en zbu. Lorsque /ŋg/ a une préinitiale en japhug, on trouve /g/ et non /ŋg/ en somang. Le groupe complexe ʑŋgr- de tɯ-ʑŋgrɯm « cartilage » correspond de façon irrégulière à q- en zbu. Le mot « étoile » tsurí en somang doit s’analyser phonologiquement /tsə-wrí/. La double correspondance du ŋg- du japhug avec ŋg- et à w- en somang avait déjà été remarquée par Lin Xiangrong (1993 : 605-606). Lin Xiangrong interprète de façon erronée la correspondance ŋgr- :: wr- comme une correspondance ŋgr- :: r- car il transcrit les exemples tə-wrá « salaire » et tə-wró « tendon » tu-ra et tu-ro respectivement. Le /ŋg/ du japhug qui correspond à /w/ en somang correspond une fois à /w/ en birman (japhug kɤ-ŋga, somang ka-wat, birman wat « s’habiller ») mais la forme tangoute, langue plus proche du rgyalronguique, a gw- dans ce mot. Dans les autres mots qui suivent cette correspondance, on trouve g- en tangoute (japhug tɯ-ŋgrɯ, somang tə-wró, tangoute gju 2.3 « tendon » et japhug ʑŋgri, somang tsurí, tangoute gjɨ ̣ 2.61 « étoile »). Nous supposons que les mots qui présentent cette correspondance viennent de *g- en PGR, tout comme les mots où le japhug mb- correspondait à w- en somang venaient de *b- (4.3.2.1). Le zbu montre qu’il faut reconstruire non pas *g mais *gw en PGR. Le changement de *w à *gw s’est opéré également en tangoute, mais il est possible qu’il s’agisse d’un développement parallèle car *w Æ *gw- est un changement banal. Le groupe /ng/ du japhug a aussi deux origines : *nə-ŋg- (kɯ-ngɯt « neuf » où il correspond à ŋg- en somang) et *nə-g- (kɤ-ngo « malade » où il correspond à nə-w- en 303 somang). sens japhug somang zbu autres langues (kɤmɲɯ) nɯ-ŋa nə-ŋá vache ŋwə-leʔ Tang. ŋwe 2.7 #395 tɤ-ŋe soleil64 ta-ŋí tɐ-ŋiʔ ŋo-tɕu où kɤ-sɤŋo écouter ka-rəŋná kɐ-sɐŋɐʔ, sɐŋî kɯ-ŋu être ŋôs ŋû kɯ-mŋɤm avoir mal tə pjô kə-mŋâm ŋó-tsʰo tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 « être fatigué » kɯ-sɤ-mŋɯr ka-mŋɐ́r goût huileux écœurant kɯ-mŋu cinq kə-mŋô kɤ-sŋa revivre sŋi journée sɲí kɤ-nɯ-sŋom désirer, ka-sŋâm kə-mŋɐ̂ Tib. lnga kɐ-sŋêt, sŋît 苏 *bs-ŋa convoiter ɕŋɤr givre sŋâr sŋír tɯ-rŋa visage kɯ-qarŋe jaune kə-ŋî kə-ʁɐrniʔ, < nɤ-rŋi bébé kʰo-rŋâ tɐ-lŋɐ̂χ kɤ-rŋi bleu tə-rŋeʔ kɐ-rŋwiʔ, < Tib. ngo Tang. ŋwər 1.84 #257 kɤ-rŋil faner kɤ-rŋo emprunter kə-ɲá́l (un ka-rŋâ kɐ-rŋɐ̂, rŋî, rŋeʔ objet) tɤ-jŋoʁ crochet ta-jkó́k kɯ-jŋu serment kə-jŋó́ ká́ pa Tableau 246 : Correspondances du Japhug ŋ- dans les autres langues rgyalronguiques. Le japhug /ŋ/ correspond à /ŋ/ ou /ɲ/ en somang et à /ŋ/ en zbu. Le nom tɯ-jmŋo « rêve » est traité dans la section 4.3.2.1. Dans le mot « crochet », le groupe japhug jŋcorrespond à jk- en somang. Nous proposons de reconstruire un groupe *lŋk- en PGR 64 Contrairement aux apparences, ce mot est sans relation avec le tibétain nyi-ma « soleil » ou le birman ne ; il s’agit probablement d’un mot apparenté à kɯ-qa-rŋe « jaune ». 304 pour expliquer cette correspondance. On peut reconstruire un *ŋw en PGR pour les mots nɯ-ŋa « vache » et kɤ-rŋi « bleu » comme le montrent les formes zbu ŋwə-leʔ et kɐ-rŋwiʔ. Les formes tangoutes ŋwe 2.7 #395 « vache » et ŋwər 1.84 #257 « bleu » ont aussi une médiane w-, ce qui montre que la présence de cette médiane en zbu est un archaïsme. Le groupe mŋ- du japhug vient de *mə-ŋ- en PGR, car *mŋ- devient mu- en japhug (voir p.279). Le groupe *ŋa du PGR devient /ŋa/ en japhug dans un cas (nɯŋa « vache ») mais aussi /a/ dans la plupart des cas, en particulier dans le pronom aʑo < *ŋa-jaŋ « je » :: somang ŋa, zbu ŋəʔ, et dans les préfixes dérivationnels (voir le chapitre 7 sur les verbes contractes). japhug (kɤmɲɯ) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 PGR rgyalrong oriental Zbu *k- k- k- k- (*kw-) k- ? kw *kə-r- kr- kr- kr- *kə-j- ki- (cɣ- en gSar-rdzong) ? ? *pə-k- fk- pk- fk- *kʰ- kʰ- kʰ-, (k-) kʰ- *ŋg- ŋg- ŋg-, g- ŋg- *g- ŋg- w- ŋg- (*gw-) ŋg- w- ŋgw- *ŋ- ŋ- ŋ-, ɲ- ŋ- (*ŋw-) ŋ- ? ŋw- (*lŋk-) jŋ- jk- ? *mə-ŋ- mŋ- mŋ- mŋ- Tableau 247 : Correspondances des vélaires du japhug avec les autres langues rgyalronguiques. 4.3.2.6 Les occlusives uvulaires On trouve 3 occlusives uvulaires en japhug : /q/, /qʰ/, /ɴɢ/. La présente section se divise en trois parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques. Comme nous l’avons vu en 4.3.2.5 p.300, le japhug a perdu la distinction entre vélaire et labiovélaire, et entre uvulaires et uvulaires labiovélarisées. Seul le zbu peut nous permettre de reconstruire ces 305 distinctions. En fin de section se trouve un résumé des reconstructions en PGR pour les initiales uvulaires (Tableau 252 p.310) z q- (Tableau 248 p.307) z qʰ- (Tableau 250 p.309) z ɴɢ- (Tableau 251 p.309) sens japhug somang zbu (kɤmɲɯ) autres langues tɤ-qa patte ta-ká qaʁ houe kâk qwɐ̂χ Tang. kwạ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 2.56 kɤ-qaʁ kɐ-qɐ̂χ, qɐ̂χ, qə́χ enlever la peau ta-qaβ aiguille ta-káp tɐ-ʁâv qɤj-do corbeau kî qɐ́-rə (Corvus corone) qɤj blé qɐʔ kɤ-qɤt séparer ka-nəŋkâs kɤ-qur aider ka-kór kɐ-ʁʊ́r, <ʁúr kɯ-qiaβ amer kə-tɕá́p kə-qʰjêv, qʰjîv ɯ-qiɯ moitié qra femelle de yak qraʁ soc kɤ-qraʁ déchirer və-tə́-ʁə ka-rá qʰriʔ qʰrɐ́χ kə-ŋgrâk kɐ-qʰrə́χ, qʰrɐ̂χ "s'abîmer" kɤ-qrɤs raser kɐ-qrôs, qrə́s, qrə́s kɤ-qrɯ tailler kɐ qʰrəʔ (vêtements) qro pigeon ɕtʂó qʰrɐ̂ qro fourmi kʰo-rók qʰrôχ kɤ-qru accueillir ka-kró kɐ-nqʰrəʔ kɯ-ɴqa dur (travail) kɯ-nɯpaɴqi paresseux kə-nəpá́ŋke ɴqiɤβ ubac ta-ntɕáp kə-nɢʌʔ, nɢɐ̂ Tib. grog-ma Tib. dka’-po 306 kɤ-ɴqoʁ kə-lŋóχ, lŋôχ être accroché, se tenir kɤ-nɯmqɤj se disputer kɐ-mqɐʔ, <mqʰiʔ kɤ-mqlaʁ avaler kɐ-mɢlə́χ, mɢlɐ̂χ kɤ-sqa cuire ka-skâ kɐ-sqʌʔ, <sqʰɐʔ, sqeʔ sqi dix ɕtɕé kɤ-nɤɕqa supporter kɯ-ɕqraʁ intelligent tɯ-rqo gorge kɤ-rqoʁ prendre sɐʁɐʔ kɐ-nɐɕqê kə-ɕkrá́k tə-rqwʌʔ dans ka-rkó́k kɐ-lqʰóχ, lqʰôχ, lqʰéχ les bras tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 kə-ɕqrɐ̂χ Tableau 248 : Correspondances du Japhug q- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 248, le japhug /q/ correspond à /k/ en somang et à /q/ , /qʰ/, /ɢ/, /ŋ/ ou /ʁ/ en zbu. Le groupe /qi/ correspond à /tɕ/ en somang. Le somang a perdu la distinction entre uvulaires et vélaires, et nous reconstruisons *q en PGR. z Le groupe qi- du japhug vient de *qj- en PGR, qui se palatalise en /tɕ/ en somang. En particulier, le numéral « dix » ɕtɕé du somang correspond au PGR *sqji, et n’est pas apparenté au birman chay « dix » malgré leur ressemblance superficielle. z Le groupe qr- vient de *qə-r- et s’oppose à *qr- > ʁr-. Le mot ɕtʂo « pigeon » en somang est irrégulier, il convient peut-être de reconstruire *ɕ-raŋ dans l’ancêtre du somang, contre *qə-raŋ dans l’ancêtre du japhug et du zbu (différents préfixes animaux). z En zbu, les occlusives des groupes *nq- et *mq- se voisent en /ɴɢ/. Lorsque le voisement ne s’opère pas en zbu, on peut reconstruire *mə-q- comme dans le verbe kɤ-nɤ-mqɤj :: kɐ-mqɐʔ « se disputer » Le voisement de *q dans les mots « dix » sɐʁɐʔ, ou « aider » kɐ-ʁʊ́r est inexpliqué. z Le groupe rq- vient de *rə-q- car le PGR *rq- donne rʁ-. z On peut reconstruire *qw- dans le mot qaʁ « houe » (zbu qwɐ̂χ). Le tangoute kwạ 2.56 montre que la labiovélarisation est ancienne. japhug sens somang zbu autres langues (kɤmɲɯ) qa-cʰɣa renard kə-tʰûi ʁɐ-cwiʔ qa-ɕpa grenouille kʰa-ɕpâ ʁɐ-spieʔ Tib. sbal 307 qa-jɯ insecte, ver qa-ɟy poisson qa-la lapin qa-ljaʁ aigle (aquila kə-lú ʁɐ-juʔ ka-lá ʁɐ-liɐ̂χ Tib. glag ʁɐ-mbruʔ Tib. ‘bri chrysaetos) qa-mbrɯ yak kə-brə̂ qa-ndʐe ver de terre qa-ndʑɣi faucon (falco ʁɐ-ndʑeʔ kʰa-ldʑî tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 cherrug) qa-ndʐi un salmonidé ʁɐ-ndʐî qa-ɲi taupe ʁɐ́-ɲə qa-par chacal ʁɐ-pér qa-pri serpent kʰa-bré ʁɐ-prî qa-rma crossoptilon ka-rmâ ʁɐ-rmeʔ qa-rtsʰɤs cerf ka-rtsʰɐ̂s HFF ʁɐ-rtsês qa-ʑo mouton kə-jó ʁiɐʔ Tib. ‘phar Tib. g.yang dkar Tableau 249 : Préfixe qa- des noms d’animaux. Le japhug q- se trouve aussi avec le préfixe de noms d’animaux. Ce préfixe correspond à kə-, ka- ou kha- en somang et à ʁɐ- en zbu. Il est possible que le zbu et le japhug aient perdu la distinction entre une forme aspirée *qa- et une forme *qʰa- du préfixe. Le fait que l’on trouve ici systématiquement ʁ- correspondant à q- du japhug montre que cette lénition en zbu peut être liée au statut morphologique des syllabes. sens japhug somang zbu (kɤmɲɯ) autres langues kɤ-qʰa s'énerver ka-kʰâ kɯ-maqʰu tard ka-məŋkʰú́ kɤ-qʰrɯt gratter (une ka-kʰrôt kə-mɐʁû, <mɐʁoʔ surface) sqʰi trépied kɤ-ɕqʰe tousser kɤ-ɕqʰlɤt tomber, stɕâ kɐ-sqʰweʔ, sqʰwê kə-ʒglɐ́t HFF sombrer kɤ-rqʰi lointain kə-tɕʰî ɯ-rqʰu peau, écorce tə-rkʰó kɐ-rqəʔ 308 Tableau 250 : Correspondances du Japhug qʰ- dans les autres langues rgyalronguiques Comme on le voit dans le Tableau 250, le japhug /qʰ/ correspond à /kʰ/, /tɕ/, /tɕʰ/ ou /g/ en somang et à /qʰ/, /q/ ou /ʁ/. Nous reconstruisons ici partout *qʰ en PGR. Le groupe *qʰi- du PGR se palatalise en somang, mais la forme stɕâ « trépied » non aspirée est anormale. on peut reconstruire une uvulaire labiovélarisée dans le mot kɤ-ɕqʰe « tousser » (zbu kɐ-sqʰweʔ). sens japhug somang zbu autres langues tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (kɤmɲɯ) tɯ-ɴɢar crachat tə-ŋár tə-ɴɢɐ̂r ɴɢoɕna grosse araignée kʰa-ɕnâ HFF ʁɐ-sɲîv kɯ-ɴɢu relâché kə-ɴɢwəʔ tɯ-mɢla pas ki-mɢlɐ̂t tɤ-mɢom presse pour maintenir tə-mkám en place une pièce ʑɴɢoloʁ ʑgoló HFF noix zɢólo Tableau 251 : Correspondances du Japhug ɴɢ- dans les autres langues rgyalronguiques Comme on le voit dans le Tableau 251, le japhug /ɴɢ/ correspond à /ŋ/, /kʰ/, /g/ ou /k/ en somang et à /ɴɢ/ et /ʁ/ en zbu. Nous reconstruisons ici *ɴɢ en PGR. Le nom ɴɢoɕna « grosse araignée » est un cas particulier. Ce mot semble consitué d’un préfixe animal et du mot « nez » (litt. : « la bête à gros nez ? »). Le zbu a ici /sɲîv/, racine signifiant à l’origine « morve » et correspondant au japhug tɯ-ɕnaβ, mais qui a développé le sens innovant de « nez ». Cela signifie que la relation sémantique entre le nom de l’araignée et le mot « nez » était encore compréhensible lorsque l’innovation s’est produite. Ici c’est le japhug qui est étrange en ayant un préfixe ɴɢo- au lieu du *qaattendu. PGR japhug (kɤmɲɯ) rgyalrong oriental Zbu *q- q- k- q-, ʁ- *qj- qi- tɕ- q- (*qw-) q- k- qw- *qə-r- qr- kr- qʰr-, qr- *qʰ- qʰ- kʰ-, k- qʰ-, ʁ- *qʰj- qʰi- tɕʰ-, tɕ- q? (*qʰw-) qʰ- ? qʰw309 *nq- ɴq- ŋk- ɴɢ- *mq- mq- mk- mɢ- *rə-q- rq- rk- rq-, lq- (*mə-q-) mq- ? mq- *ɴɢ ɴɢ- ŋ-, kʰ-, k-, g- ɴɢ-, ʁ- *ɕɴɢ- ʑɴɢ- ʑg- zɢ- Tableau 252 : Correspondances des uvulaires du japhug avec les autres langues rgyalronguiques. 4.3.3 L’origine des consonnes voisées du japhug tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Les mots ayant comme initiales des voisées non-prénasalisées et n’ayant pas de préinitiales sont dans la majorité des cas soit des mots onomatopéiques ou des expressifs redoublés, soit des emprunts au tibétains. C’est le cas également de tous les groupes [occlusives voisées + médianes]. Si l’on exclut ces mots de ces trois catégories et que l’on ne garde que les mots du vocabulaire japhug, les mots à initiales voisées se limitent aux exemples du Tableau 253. Nous n’avons pas inclu dans ce tableau les dérivés de ces mots comme kɯ-ɣɤdi « puer » tiré de ɯ-di « odeur » ou ɟuli « flûte » dérivé de ɟu « bambou ». Nous avons indiqué tous les exemples par souci d’exhaustivité, mais nous ne proposerons de reconstruction que pour les mots ayant des cognats dans d’autres langues. japhug sens somang zbu autres langues / cogtse buka mycose du pied tɯ-boʁ troupeau ɕkɤbɯ brioche aux poireaux kɤ-bɯwa porter un enfant sur le dos dɤlje bienvenue ɯ-di odeur wu-rí mdza-di puce ndza-jé tɯ-di arc kɯ-do fibreuse (plante) kɤ-ɣɤɟaʁ cajoler Tib. dri mdzɐ́-ʎɟə Tib. lji-ba tə́-ʎɟə 矢 blhiʔ > syijX 310 qa-ɟɤɣi avoine ʁɐ́-wət ɯ-ɟɤm goût ɟɯga chemin tortueux tʂə-la dʑə́-ga ɟu bambou ɟjóʔ HFF Tang. lhjụ 2.52 #4726 paʁ-ɟu verrat qa-ɟy poisson waɟɯ tremblement ʁɐ-juʔ de terre wɯɟa cuillère tɯ-ɟom longueur de kə-ɟjáʔ HFF ki-ʎɟɐ́m 覃 *alɨm > dom deux bras tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tib. ‘dom-pa kɯ-zbaʁ sec kə zbá́k tɯ-rqɤ-zbɤβ goître tɐ-spɐ́p HFF tə zbâv tɯ-zboʁ une poignée kɤ-βde jeter kɯ-βde quatre kə wdî kə-vldaʔ Tib. bzhi 四 *bs-hlij-s > sijH ldɯɣi bharal (ovis ldəgə̂ ammon) ldɯɣɯ couteau courbé kɯ-ldɯm sérieux mɤrdom fléau kɤ-rdom vagabonder kɤ-rdɤl aller trop loin kɤ-zdɤβ plier rdû ta-mə-rdám 疊褶 *alip > dep 摺 *bt-lip > tsyep tɯ-zda compagnon, autre zdi flèche zdɯm nuage, brume və-zdeʔ 矢 blhiʔ > syijX zdém zdím Bir. tim Pumi sdĩ 55 Tang. djɨ̣̣j ɣdɤso ver blanc tɯ-ɣdɤt une section kɤ-rɤɣdɯt empailler 2.55 une peau d’animal 311 kɤ-ʁdɤt kɐ-ʁʎdɣêt, glisser, trébucher 躓*btr-lit-s > trjijH65 ʁʎdɣə́t kɤ-naʁdɤs détester ʁdɯrtsa amadou tɯ-ldʑa brin kɤ-βɟɤt obtenir kɯ-βɟi ancien kɤ-βɟi suivre tɤ-βɟu matelas tsʰə-wdár ki-ldʑɐ̂ ta-pjó Tang. ljuu tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 2.6 #922 kɯ-rɟum large kə-rdʑâm kɤ-ɣɟaβ baratter ɣɟɯʁar croquemitaine kɤ-nɯ-ɣɟɯ mourir de faim ɣɟɯ tour de garde tə-júŋ kɤ-ʁɟo rincer ka-rdʑó́ kə-lám, < kɐ-səʁʎɟɐ̂, Bir. kyâŋ səʁʎɟəʔ, səʁʎɟeʔ ŋgɤ-lɤ-ʁɟa chauve ŋgo-χɬɐ̂ kɤ-mɟa prendre, kɐ-vʎɟeʔ, ramasser un objet vʎɟî, vʎɟoʔ tɯ-mɟa mâchoire tə-mɟâ HFF tɯ-zgo- colonne vertébrale tə-zgɐ- Pumi sɢo13 ɕɤrɯ (zgo « montagne ») ldʐəʔ « montagne » ʑgaʁ à l’instant ʑgrɯɣ certainement tɯ-rgi sapin rgali génisse rgɤl soudain tɯ-zgrɯ coude ʑgrə́k tə-rpʰû tə́-rgwə rgwɐ-ləʔ tə-krú tə-krə-vzuʔ gru-mo 肘*bt-r-kuʔ > trjuwX Tableau 253 : Mots à initiales voisées en japhug qui ne sont ni des onomatopées, ni des mots expressifs, ni des emprunts au tibétain. z 65 Initiale b- Cette reconstruction est proposée dans Sagart (1999: 94). 312 On ne trouve pas de mots apparentés aux exemples à b- dans les autres langues rgyalronguiques sauf pour kɯ-zbaʁ « sec » et tɯ-rqɤ-zbɤβ « goître ». Nous pouvons reconstruire ici *smb- en PGR : ce groupe n’existe pas en japhug, et ces groupes ne peuvent venir d’un *sb-, puisque le groupe *sb- devient normalement zw- en japhug. z Initiale d- Pour d-, le cas est différent : dans un cas ɯ-di « odeur », d- correspond à r- en somang et à dr- en tibétain, et dans deux cas, mdza-di « puce », tɯ-di « arc » et zdi « flèche », il correspond en chinois ou en tibétain à des mots à initiale latérale. L’idée que d- vient d’une latérale est confirmée par le mot sa-li « arbalète » en japhug qui forme une famille de mot avec tɯ-di et zdi. Parmi les mots japhug ayant l’initiale d- sans préinitiale, certains sont des emprunts au tibétain. Dans ces cas, le d- du japhug correspond à un groupe d- avec préinitiale en tibétain dont la préinitiale est tombée. Par exemple, dans tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 kɯ-dɤn « beaucoup » venant du tibétain ldan-pa « ayant », le groupe *ld est devenu /d/. Enfin, dans le numéral kɯ-βde « quatre » qui a cette fois une préinitiale, l’initiale dprovient aussi d’une latérale comme le montre la comparaison (tibétain bzhi, birman lê). A cela on peut rajouter le verbe kɤ-zdɤβ « plier » dont l’initiale /d/ vient aussi d’une latérale : il correspond au chinois 疊褶 *alip > dep, 摺 *bt-lip > tsyep et au tibétain lteb bltabs (proto-tibétain *t-lap). Pour expliquer l’origine du d- en PGR, nous reconstruisons provisoirement *tl- en PGR. Toutefois, il existe une hypothèse alternative pour expliquer l’origine d’au moins une partie de ces d-. Parmi les mots en d- dont l’étymologie montre qu’ils viennent de mots à latérales, on trouve trois exemples ayant la voyelle –i, et un autre ayant –e : il s’agit toujours de voyelles antérieures. Cet état de fait pourrait suggérer un changement de *l à /d/ devant les rimes palatalisées. Un changement de ce type est attesté dans certains dialectes chinois du groupe Gan (Sagart 1993 : 253-4). Le problème de cette hypothèse est d’expliquer d’où viennent les syllabes /li/ et /le/ du japhug moderne. Les exemples de mots ayant ces séquences sont cités dans le Tableau 254. japhug de kɤmɲɯ japhug de gSar-rdzong sens PGR kɤ-rɤ-li ka-rɤ-lɪj dédommager *li sa-li sa-lɪj arbalète *li kɤ-ɣɤ-ɕqali ka-wɤ-ɕqali crier fort *lij tɯ-ɣli tɯ-ɣli purin *klij kɤ-βli ka-βlɯs planter *plij, plis qa-le qa-lɛj vent *lej 313 kɤ-ɣle ka-ɣlɛj frotter *klej kɤ-ra-ʁle ? poli *qlej Tableau 254 : Exemples du PGR *l restant /l/ devant les voyelles antérieures. Le seul exemple d’un /li/ en japhug venant de *lij en PGR est le verbe kɤ-ɣɤ-ɕqali « crier fort » qui ne semble pas exister en dehors du japhug. L’idée d’une fortition de *l devant *-ij lorsque *l n’est pas précédée par une occlusive pourrait donc être retenue. Toutefois, cette hypothèse pose deux problèmes : „ Il serait surprenant que *lij devienne /di/ alors que la latérale palatalisée *lj devient /j/ devant *-ij (comme dans tɯ-ji < *ljij« champs »). „ Il devient impossible d’expliquer l’origine du japhug ɟ- par *tlj-, puisqu’on ne reconstruirait alors aucun *tl en PGR. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Pour les mots en syllabes fermées kɤ-ʁdɤt « glisser » et kɤ-zdɤβ « plier », nous reconstruisons *qə-tl[e,ɐ]t66 ou et *sə-tl[ɐ,e,o]p respectivement en PGR. Pour kɯ-βde « quatre », nous reconstruisons *pə-tlej. Enfin, pour le groupe ld- du japhug qui correspond à ld- ou à rd- en somang, nous ne pouvons pas reconstruire *ld- en PGR (sinon ce groupe se serait confondu avec *tl-) et nous proposons de reconstruire *rl-, le groupe rl- du japhug moderne venant d’un *rə-l-. Pour le groupe rd- dans mɤrdom « fléau », qui correspond aussi à rd- en somang, nous proposons un groupe *rə-tl- en PGR. Pour le groupe ʁd- dans ʁdɯrtsa « amadou », nous reconstruisons *wl- : ce groupe correspond à wd- en somang. Pour d’autres exemples de *w devenant /ʁ/ en japhug, se référer aux pages 326 et 325 (les groupes ʁj- < *wlj- et ʁr- < *wr-). Le seul cas d’un /d/ dont nous sommes certains qu’il ne vient pas de latérale est celui de zdɯm « nuage », dont les cognats en birman tim et en pumi sdĩ 55 , tangoute djɨ̣̣j 2.55 #2738 ont une occlusive dentale, et qui devait être voisée dans ces trois langues (le birman tim vient du proto-lolo-birman *C-dim1)67. Il n’est pas possible d’exclure que le groupe zd- du japhug moderne vienne donc ici de *sd- du PGR. Ce serait le seul groupe où cette initiale voisée *d aurait été conservée. Toutefois, une autre possibilité serait un emprunt d’un dialecte (comme le somang) où les groupes [z + prénasalisées] deviennent [z + voisées] (*snd- > zd-). Enfin, le groupe ɣd-, bien qu’attesté dans plusieurs mots natifs du japhug, ne se trouve dans aucun mot reconstructible. Nous ne proposerons aucune reconstruction, bien que ce groupe puisse se reconstruire *kə-tl- selon la logique de notre système. 66 La correspondance entre kɤ-ʁdɤt « glisser » et le chinois 躓 *btr-lit-s > trjijH invite a reconstruire plutôt une voyelle antérieure *qə-tlet. 67 Voir Bradley (Bulaidelei 1989 : #320.2 p.374). 314 z Initiale dʑ- Pour tɯ-ldʑa « brin », correspondant au zbu ki-ldʑɐ̂ nous proposons de reconstruire *lʑ- (*lndʑ- devient ndʑ- en japhug). z Initiale ɟ- Le phonème /ɟ/ initial du japhug correspond à /ɟ/ en cogtse et à dʑ- en somang (les données somang de Huang et Sun ne distinguent pas les alvéolo-palatales et les palatales). Il semble donc à première vue possible de reconstruire un phonème *ɟ pour l’ancêtre commun au japhug et au cogtse / somang. Toutefois, une partie au moins des /ɟ/ du japhug viennent eux aussi de latérales, comme le montrent les exemples ɟu « bambou » et tɯ-ɟom « longueur de deux bras ». Nous avons reconstruit *lj- pour le j- du japhug, et ici nous reconstruisons *tlj- pour ɟ-. Les deux changements de *tl- > d- et de *tlj- > ɟ- se sont effectués de façon parallèle : la préinitiale *t du PGR a transformé les tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 latérales en occlusives, probablement par un stade *tl- > *dl- > *ld- > d- et *tlj- > *dlj- > *ldj> *lɟ- > ɟ-. Pour βɟ-, ɣɟ-, ʁɟ- et mɟ-, nous reconstruisons *plj-, *klj-, *qlj- et *mlj- en PGR respectivement. Le βj- et ɣj- du japhug n’apparaissent que dans des mots expressifs et ne sont pas hérités du PGR, et ʁj- a d’autres origines (voir 4.3.4 p. 317). Le groupe *pə-ljdevient βʑ-, et nous n’avons pas d’exemples du groupe *kə-lj- ou de *qə-lj-. Pour le groupe rɟ- qui vient de latérale dans kɯ-rɟum « large », nous reconstruisons *rlj- en PGR, *rə-lj- devenant rʑ- en japhug. z Initiale g- Le mot « coude » tɯ-zgrɯ en japhug de kɤmɲɯ est tɯ-ɣrɯ dans le japhug de gSar-rdzong. La forme /ɣrɯ/ provient de façon régulière de *kru en PGR. La forme du japhug de kɤmɲɯ vient quant à elle d’un prototype à présyllabe *sə-kru en PGR. La fusion de la présyllabe avec la racine s’est opérée après la lénition de *k : *sə-kru > *sə-ɣru puis, la phonotactique du japhug interdisant un groupe tel que *zɣr- (dans les groupes comprenant deux fricatives et une sonante, la seconde fricative doit être /s/ ou /z/), le *ɣ a subi une fortition *zɣr > sgr-. Une reconstruction similaire *ɕə-krɯk doit probablement être supposée pour l’adverbe ʑgrɯɣ « certainement ». Dans le mot zgo « montagne », que l’on trouve dans l’exemple t ɯ -zgo- ɕ ɤ r ɯ « colonne vertébrale » du Tableau 253, le groupe zg- vient probablement de *sɴɢ- en PGR : le groupe *zɴɢ- n’existe pas en japhug moderne, et on trouve bien une uvulaire dans ce mot dans les dialectes pumi qui ont conservé l’opposition entre uvulaires et vélaires. Les groupes rg- du japhug correspondent à rgw- en zbu. Nous reconstruisons *rŋgwen PGR pour ce groupe. Il s’oppose à *rŋg- qui devient rŋg- en japhug et en zbu (dans kɤ-rŋgɯ « dormir »). La forme somang tə-rpʰû « sapin » est énigmatique. La correspondance entre une labiale en somang et une labiovélaire en zbu s’observe aussi 315 dans le verbe « mélanger » japhug kɤ-ɕmi, somang ka-ɕmû et zbu kɐ-sŋwiʔ, mais ce phénomène n’est en aucun cas régulier. Par ailleurs, dans ces deux exemples, la labiovélarisation semble avoir influencé la voyelle *i en /u/ en somang (voir p. 224). tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 PGR japhug (kɤmɲɯ) rgyalrong oriental Zbu *smb- zb- zb-, sp- zb- *tl- d r-, j-, d- ʎɟ-, ld- *tlj- ɟ- ɟ- ɟ-, ʎɟ- *rl- ld- ld-, rd- ? (*r-tl-) rd- rd- (*wl-) ʁd- wd- (*lʑ-) ldʑ- ? ldʑ- (*sɴɢ-) zg- ? zg- *rŋgw- rg- ? rpʰ- rgw- (*plj-) βɟ- pj- ? *mlj- mɟ- mɟ- vʎɟ- (*klj-) ɣɟ- j- ? (*qlj-) ʁɟ- rdʑ- (*rɟ-) ʁʎɟ-, χɬ- (*rlj-) rɟ- rdʑ- (*rɟ-) l (*sə-kr-) zgr- kr- kr- Tableau 255 : Correspondances des occlusives voisées du japhug avec les autres langues rgyalronguiques. Les occlusives voisées du japhug ne viennent pas de celles du PGR, sauf peut-être dans quelques cas isolés. Les anciennes occlusives voisées *b et *g se sont confondues avec les prénasalisées *mb et *ŋg. Il existait sans doute un *d en PGR, mais nous n’avons pas trouvé de moyen de reconstruire ce phonème : peut-être s’est-il confondu avec *t ou avec *nd. 316 4.3.4 Fricatives et approximantes En japhug actuel, on trouve deux séries de fricatives : voisées et sourdes. Toutefois, nous avons vu que les voisées *z et *ʑ du PGR se confondent respectivement avec *ndz et *ndʑ (section 4.3.2.3 p. 287). les voisées actuelles doivent avoir une origine différente. Nous ne traiterons pas dans cette section de l’origine du japhug /x/ et /χ/, car aucun cognat n’a pu être détecté pour les mots ayant ces initiales. La présente section se divise en huit parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques de ces phonèmes lorsqu’il sont en position initiale. Dans les groupes pouvant avoir deux tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 analyses sr-, ɕɣ- et ɕl-, nous considèrerons le premier phonème du groupe comme étant l’initiale : il faudra donc chercher la reconstruction de ces trois groupes respectivement dans la section sur /s/ et /ɕ/ respectivement. z s- (Tableau 256 p.318) z z- (Tableau 257 p.319) z ɕ- (Tableau 258 p.320) z ʑ- (Tableau 259 p.321) z w- (Tableau 260 p.322) z l- (Tableau 261 p.323) z r- (Tableau 262 p.325) z j- (Tableau 263 p.326) z ɣ- (Tableau 264 p.327) z ʁ- (Tableau 265 p.329) japhug (kɤmɲɯ) sens somang ta-sá zbu autres langues ta-sa chanvre tɐ́-sɐ sarsi abricot kɤ-sat tuer ka-sát tɤ-se sang ta-ɕí kɯ-sɤr frais kə-tsʰár Tib. gsar si arbre ɕé Tib. shing kɤ-si mourir kə-ɕî kɐ-səʔ, sə́t kɤ-sɯɣ serré, tendu kə-sík kɐ-séχ, <sêχ kɤ-sɯs savoir ka-ɕî kɐ-sés sərsɐʔ Tib. gsod bsad ta-saʔ Bir. swê Tib. ‘chi shi Tib. shes 317 kɤ-sɯso penser; vouloir səsô ka-pa kɐ-səsɐʔ, < 想 *bsaŋʔ > sjangX kɯ-so vide kə-só́ Tib. stong kɤ-sɯsu vivant kə-səsô kə-səsû kɤ-fse aiguiser ka-pɕé́ kɐ-fseʔ, fsî kɤ-nɯ-fse reconnaître, ka-nə-mɕí kɐ-nə fsî, nə fseʔ Tib. ‘tsho être familier kɯ-fsɯr kə-fsér avoir faim (de viande) fso demain só-sɲi fsə-fsîs kɯ-fsoʁ clair (ciel) kə-pʰsó́k kə-fsóχ, fsôχ xsar un bovidé tsʰár xsér Tib. sang nyin tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (naemorhedus goral) kɤ-xsɯr frire (viande) ka-kʰsə̂r kɐ-xsə́r χsɯm trois kə-sâm χsúm Tib. gsum Tableau 256 : Correspondances du Japhug s- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 256, le /s/ du japhug correspond à /s/, /ɕ/ ou /tsʰ/ en somang et à /s/ en zbu. Nous reconstruisons ici *s en PGR. En somang, devant les voyelles antérieures –e et –i, le *s se palatalisent en /ɕ/. Dans les données de Hsie Fengfan (1999), on trouve toutefois des combinaisons /si/ et /se/. Celles-ci doivent avoir une origine différente en PGR : par exemple, síʔ « bouleau » correspond à sɤjku en japhug, et provient donc d’un *sɐj en PGR, ce qui explique que la consonne initiale ne se soit pas palatalisé. Nous reconstruisons les groupes fs-, xs- et χs- respectivement comme *ps-, *ks- et *qs- en PGR, selon le principe que les préinitiales occlusives se lénifient. japhug (kɤmɲɯ) βɣa-za sens mouche somang zbu autres langues kə-wɐ̂s HFF, ɣu-zeʔ kə-wós tɯ-zloʁ fois tə-tə́-lok tə-lôχ kɤ-nɤzraʁ avoir honte ka-nasrák tə-rzɐ̂χ tɤ-zrɤm racine tɐ-srɐ́m tɐ-rzám kɯ-zri long kə-skrə̂n kə-rzaʔ, < Tib. gshags 318 kʰrɯ-zwa riz cuit kʰri-zbá zwɤr armoise zbór68 tɯ-rzɯɣ section tə-rzə́k tɕʰorzi jarret ɣzɯ singe zɣór Tib. tshigs tɕʰɐ-rzî kə-tsú ɣzəʔ Tableau 257 : Correspondances du Japhug z- dans les autres langues rgyalronguiques Comme on le voit dans le Tableau 257, le japhug /z/ correspond à /z/, /ts/ ou /s/ en somang et à /z/ en zbu. Comme nous l’avons vu en 4.3.2.3 p. 287, le *z du PGR est devenu ndz- en japhug lorsqu’il n’était pas précédé de préinitiale. Nous reconstruisons ici *rz- pour le groupe rz- du japhug, mais *sr- pour le groupe zr-, qui reste sr- en somang et qui subit une métathèse en rz- en zbu. Le groupe sr- du japhug tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 vient de *sə-r-. Dans βɣaza « mouche », le /z/ provient de la consonne finale. Nous reconstruisons *kpɐs en PGR pour ce mot. Le /o/ en somang dans ce mot est probablement une erreur de transcription de la part de Huang et Sun (2002), car la voyelle /ɐ/ acquiert une coloration particulière après l’initiale /w/ : la forme kə-wɐ̂s transcrite par Hsie Fengfan est plus fiable. En japhug et en zbu, une voyelle –a a été rajoutée, et le *s final s’est voisée par un processus régulier. Le zl- de tɯ-zloʁ « une fois » pourrait venir d’un *sl- en PGR, mais les autres langues ne conservent pas de traces de ce *s. Pour le groupe ɣz- attesté par un exemple, nous ne proposons pas de reconstruction. Enfin, on trouve une forme empruntée à la correspondance suprenante : kɤ-βzjos « apprendre » qui vient de la forme passé du tibétain sbyangs. Il s’agit d’un emprunt ancien (couche A, voir la section 3.2.3 p.178). La suite de phonèmes sb- du tibétain a subi une métathèse et est devenue βz- en japhug. Ce phénomène s’observe dans les autres langues rgyalronguiques : le zbu a vzjɐ̂, vzjʌʔ, vzjeʔ et le cogste (Hsie 1999) a ka-bzjâŋ. Le groupe sb- du tibétain devient normalement zw- dans les emprunts anciens en japhug. Si ce phénomène était limité au japhug, on pourrait proposer un changement *sbj- > *zwjpuis une métathèse *wzj-, due au fait que la position de médiane était déjà occupée par *j. Toutefois, l’existence de cette métathèse dans d’autres langues nécessite une autre explication, puisque ni le zbu ni le cogtse n’ont subi de changement *sb- > zw- . Nous n’avons pas de solution à cette énigme. 68 Ce mot vient du dialecte de Cog-tse (données personnelles). 319 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu autres langues kɤ-ɕar chercher ka-sâr kɤ-ɕaβ rattraper ka-ɕɐ̂p LYJ kɤ-ɕe aller ka-tɕʰê kɯ-ɕɤɣ nouveau kə-ɕə́́k ɕɤɣ genévrier ɕɤr soir swár kɤ-rɤ-ɕi tirer ka-ra-ɕé́t kɯ-mɤɕi riche kə-maɕê tɤ-ɕi orge swî kɤ-rɤɕi / kɤ-rɤɕit tirer ka-raɕé́t kɯ-ɕo propre kə-ɕô kə-ɕɐ̂, ɕʌʔ ɕom fer ɕám ɕɐ́m Bir. saṃ ɕu qui sə̂ səʔ Tib. su tɯ-ɕɣa dent tə-swâ tə-ɕwɣeʔ Tib. so qa-ɕɣi asticot kʰəʃué HFF kɤ-ɕlɯɣ lâcher sans kɐ-ɕlə́k Bir. sac xɕôx Tib. shug-pa tɐ́-ɕə faire attention kɤ-ɕlu labourer tə-ɕló́ kɯ-fɕi forgeron kə-pɕîs kɤ-fɕɯɣ déchirer, ka-sarɕók démolir jɯ-fɕɯr hier mə-ɕér Tableau 258 : Correspondances du Japhug ɕ- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 258, le /ɕ/ du japhug correspond à /ɕ/, /tɕʰ/ ou /s/ en somang et à /ɕ/ en zbu. Le somang /sw/ correspond à ɕɣ- ou ɕ- en japhug dans les trois mots tɯ-ɕɣa « dent », ɕɤr « soir » et tɤ-ɕi « orge ». Nous reconstruisons ici *sw- en PGR, ce groupe devenant ɕɣ- en japhug. On attendrait *ɕɣɤr et *ɕɣi à la place de ɕɤr ou de tɤ-ɕi. On peut probablement supposer un changement *ɕɣi > ɕi en proto-japhug, car le groupe ɕɣn’apparaît jamais devant les voyelles d’avant en japhug moderne. La forme ɕɤr « soir » reste inexpliquée. Le groupe ɕɣ- vient aussi peut-être d’un *ɕw- en PGR, qui donne ʃu(ɕw-) en somang / cogtse dans le mot « asticot » qa-ɕɣi :: kʰə-ʃué. 320 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug (kɤmɲɯ) sens somang zbu kɤ-sɤʑa commencer ka-sajá́ kɯ-rɤʑa grater kə-rajâk kɤ-nɯ-ʑɯβ s’endormir qa-ʑo mouton kə-jó tɯ-ʑo soi-même tə-jó kɯ-ʑo léger kə-jô βʑɯ souris pə-jû βʑar busard waŋár HFF ɣurʑa cent pə-rjâ tɯ-ɣu-rʑaʁ blé d'hiver wu-rják tɯ-rʑaβ épouse ta-rɟjáp HFF tə-rɟêv kɯ-rʑi lourd kə-lî kə-rɟəʔ tɤ-rʑɯɣ ride ta-rʑə́k tɐ-rndʑík ɣʑo abeille autres langues kɐ-rɐjîv, < Bir. ip ʁiɐʔ Tib. g.yang dkar Tib. rang kə-jɐʔ, < Tib. yang-po və-rɟî Tib. brgya kə-tɕʰə wu-jɐ̂ Tib. lci-ba Tib. sbrang Bir. yaŋ « mouche » Tableau 259 : Correspondances du Japhug ʑ- dans les autres langues rgyalronguiques Comme on le voit dans le Tableau 259, le japhug /ʑ/ correspond à /j/ en somang et à /j/ en zbu lorsqu’il n’est pas précédé de préinitiales. Dans ces cas, nous reconstruisons *j en PGR. Pour le groupe βʑ- du japhug, nous reconstruisons *pə-lj- en PGR dans le mot βʑɯ « souris », groupe qui s’oppose à *plj- > βɟ-. Dans βʑar « busard » /ʑ/ correspond à /ŋ/ en somang. Nous ne proposerons pas de reconstruction pour ce groupe en PGR. Pour rʑ-, nous reconstruisons trois groupes : *rə-lj- lorsque rʑ- correspond à rj- ou len somang (dans tɯ-ɣu-rʑaʁ « blé d’hiver », ɣurʑa « cent » et kɯ-rʑi « lourd »), *rjlorsque rʑ- correspond à rɟ- en somang et en zbu, et peut-être aussi *rʑ- lorsque rʑcorrespond à rʑ- en somang et à rndʑ- en zbu (mais les exemples sont trop peu nombreux). Le groupe *rj- s’oppose à *rə-j- qui devient rj- en japhug. Pour ɣurʑa « cent », il n’est pas clair s’il convient de reconstruire *wə-rja ou *pə-rja en PGR. Enfin, Le groupe ɣʑ- correspond à wu-j- en zbu. Nous reconstruisons *wj- en PGR. 321 japhug (kɤmɲɯ) sens somang qa-mɯrwa chauve-souris mbərwá kɯ-ɣɤwɤt / kɯ-ɣɤpɤt s'ouvrir (fleur) ta-pát tɯ-wɤt manche kɤ-ɣɤwu pleurer ka-nawowô kɤ-nɤqʰawur se mettre un habit ta-wə́́r zbu autres langues Bir. pân tə-ɣʊ́t sur les épaules tɤ-jwaʁ feuille tɐ-jwɐ́k sí-lwɐχ Bir. a-rwak Tang. bạ 2.56 #4567 Tableau 260 : Correspondances du Japhug w- dans les autres langues rgyalronguiques. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Le *w du PGR devient ɣ- en japhug de kɤmɲɯ. Le w- du japhug actuel doit donc avoir une origine secondaire dans cette variété de japhug. Le cas de tɤ-jwaʁ « feuille » est particulier : on peut reconstruire ici *lbaq en PGR, avec un changement *lb- > /jw/ en japhug. L’occlusive est attestée dans la forme tangoute. On ne peut pas reconstruire ici *lw- car ce groupe donne /lɣ/ en japhug. Parmi les mots du Tableau 260, si l’on excepte la syllabe –wa dans qa-mɯrwa « chauve-souris » et tɤ-jwaʁ, il est possible d’expliquer pourquoi l’on ne trouve pas ɣ-. Le verbe kɯ-ɣɤ-wɤt « s’ouvrir (d’une fleur) » a une forme alternative kɯ-ɣɤ-pɤt. La forme en w- doit être un emprunt à un dialecte autre que le japhug, ce qui explique la cohabitation des deux formes. Pour les trois autres mots, le w- est secondaire. En PGR, on peut reconstruire ces mots sans consonne initiale : tɯ-wɤt < *ɔt « manche », kɤ-ɣɤ-wu < *o « pleurer » et kɤ-nɤ-qʰawur < *ur « se mette un habit sur les épaules ». Les voyelles arrondies sans consonne initiale ont développé une initiale *w- à un stade du proto-japhug. Cette initiale s’est développée avant le changement *-ɔt > -ɤt (voir 4.2.3.3) : ainsi *ɔt > *wɔt > /wɤt/ dans le nom tɯ-wɤt. Si le changement *-ɔt > -ɤt s’était passé avant, il aurait saigné *ɔ > *wɔ, et *ɔt serait devenu *ɤt. Le développement de /w/ s’observe aussi après l’initiale χ- dans l’emprunt tibétain χwɤr « Hor » qui viendrait d’un proto-japhug *χɔr > *χwɔr > χwɤr du fait du changement *-ɔr > -ɤr (voir 4.2.3.5). Comme les dialectes japhug autres que celui de kɤmɲɯ ne distinguent pas le *w- du PGR (devenu ɣ- dans le dialecte de kɤmɲɯ) du *w développé devant les voyelles arrondies (resté w- dans le dialecte de kɤmɲɯ) , cela signifie que le *w venant du *w du PGR et le *w apparu devant les voyelles labiales étaient restés distincts en proto-japhug : le changement de *w à ɣ-, comme il est particulier au dialecte de kɤmɲɯ, a dû se produire après le changement *ɔ > *wɔ. Nous noterons donc *w2 le /w/ développé en proto-japhug devant les voyelles arrondies. Alors que *w devient ɣ-, *w2 reste w- en japhug. On peut ordonner les quatre changements qui interviennent ici de la façon suivante : 322 z *ɔ- > *w2ɔ-, *o- > *w2o-, *u- > *w2u- z *-ɔt > -ɤt, *-ɔr > -ɤr z *w- > ɣ- (changement propre au dialecte de kɤmɲɯ) z *w2 > w- japhug (kɤmɲɯ) sens somang qa-la lapin ka-lá kɤ-sɤla faire bouillir ka-səwla zbu autres langues kɐ-sɐldɣî, sɐldɣeʔ tɯ-las front qa-le vent kɤ-lɤɣ garder tə-ltʰês les kʰa-lî ʁɐ́ltə Bir.lê ka-lôk kə-ltʰôx, ltʰə̂x Tib. ‘brog-pa tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 animaux kɤ-lɤt jeter, relâcher kɐ-lɐ̂t kɤ-rɤli dédommager ka-rajlə́́ kɯ-lɯβ être sombre lɯ-lu chat to-rú tɤ-lu lait tə-ló tɐ-ltʰəʔ kɤ-sɤluj recouvrir ka-səlî HFF kɐ-səɣliʔ, < kɐ-rɐleʔ, rɐlê kə-ldôv Tib. zho complètement kɤ-lwoʁ asperger qa-liaʁ aigle (aquila ka-rwôk ʁɐ-liɐ̂χ Tib. glag chrysaetos) mbro-lɯa crinière mbro-lwá kɤ-βli planter ka-plû kɐ-vləʔ kɤ-βlɯ allumer un feu ka-plû kɐ-lduʔ, < sla lune tsə-lá ki-zdɣî Tib. zla « un mois » kɤ-rla détacher ka-ldá jla hybride de yak tə-jlâ ʎɟeʔ tɐ-rjôx et de vache tɤ-jlɤβ vapeur ta-jlôp tɤ-jlu pâte tɐ-jlô HFF kɤ-ɣle frotter ka-klê tɯ-ɣli engrais tɯ-ʁla avant-bras tə-lɣî Tib. lci-ba tə-kʰlê HFF ta-kʰlá Tableau 261 : Correspondances du Japhug l- dans les autres langues rgyalronguiques. 323 Comme on le voit dans le Tableau 261, le japhug /l/ correspond à /l/ et exceptionnellement à /r/ en somang et à /l/, /ld/, /lt/, /ltʰ/ ou /r/ en zbu. Le conditionnement de l’apparition d’une occlusive en zbu n’est pas clair. Dans les formes sans préinitiales ni médianes, nous reconstruisons *l en PGR. Les autres groupes demandent une étude spéciale. On distingue deux groupes à médiane en japhug : lw- et li-, auxquels il faut rajouter lɯ- dans mbro-lɯa « crinière » que nous avions laissé de côté dans notre étude synchronique. Le li- du japhug ne peut pas venir de *lj- en PGR, puisque ce groupe donne j- en japhug. Le seul nom où ce groupe est attesté en japhug de kɤmɲɯ, qa-liaʁ « aigle » est probablement un emprunt au zbu ou au tshobdun. En japhug de gSar-rdzong, on trouve qa-rɟa⎟ « aigle » qui remonte à un PGR *rljaq selon les lois phonétiques régulières. Pour les groupes lw- et lɯ- du japhug, nous reconstruisons en revanche *lw- et lɯ- en tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 PGR. Lorsque *lu ou *lw- ne sont pas précédés d’occlusive en PGR, le *l devient /r/ en somang : c’est le cas dans to-rú < *lu « chat », dans ka-rwôk < *lwoq « creuser » et aussi dans ka-rwâ < *lwa « creuser » apparenté au japhug kɤ-lɣa. Précédé d’une occlusive, il reste /l/ : ka-plû < *plu « allumer un feu ». Le *l ne subit pas de rhotacisation non plus dans le groupe *lɯ- qui devient /lw/ en somang. Les groupes à préinitiales ont des origines variées : z βl-, ɣl- et ʁl- viennent respectivement de *pl-, *kl- et *ql- en PGR, et ils s’opposent à *pə-l- > pl- (voir section 4.3.2.1) et à *plj- > βɟ-, *klj- > ɣɟ- et *qlj- > ʁɟ- (voir section 4.3.3). z sl- vient de *sə-l- (peut-être même *tsə-l- comme le suggère la forme du somang) en PGR. Ce groupe s’oppose à *sl- > zl-. z rl- vient de *rə-l- en PGR. Ce groupe s’oppose à *rl- > ld- (4.3.3). En somang, les groupes *rl- et *rə-l- du PGR se confondent en rd-. z jl- pourrait venir de *cl- ou de *jl- en PGR. Ce groupe pourrait avoir plusieurs origines, comme le suggère la correspondance avec le zbu rj- et lɟ-. japhug (kɤmɲɯ) sens somang kɯ-ra devoir râ ras-ti navet (Brassica tɐ-rɐ̂s HFF zbu autres langues Bir. rá sp.) kɤ-nɤre rire tɤ-rɤm planche de bois ɯ-ʁɤri avant kɤ-rɤt dessiner, ka-narî kɐ-nɐriʔ Bir. ray tɐ-rɐ́m wu-tʂí tə-ʁu-rjî kɐ-rêt, rît, rét écrire 324 kɤ-ɣɤrɤt kɐ-vɐrêt, jeter vɐrît, vɐrét kɤ-ri rester, laisser, nə-kə-rês laisser couler tɤ-ri fil kɤ-ri rester, ta-rí kə-rʌʔ, rɐ̂ laisser, laisser couler ɕɤ-rɯ os ɕa-rə́ ɕɐ̂r kɯ-rɯ tibétain kə-rú kə-ruʔ ndʑi-rɯ lente mdʒi-rúʔ Tib. rus Tib. sro-ma tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 HFF tɯ-ro poitrine ta-rô tə-rɐ̂ kɯ-rom séché kə-rá́m kə-rɐ́m, rîm kɤ-roʁ graver kɐ-rók LYJ kɐ-róχ tɤ-ru chef de village ta-rô HFF tɐ-roʔ kɤ-rɤ-ru se lever ka-rwâs kɐ-rʊ́t, <rút tɯ-rju parole tə-rjô kɤ-βraʁ attacher ka-prák kɤ-rɤβraʁ se gratter Tib. brang kɐ-prɐ̂χ kɐ-rɐvróχ, rɐvrôχ, <rɐvréχ tsʰuɣru soude; alcali tsʰə-wré tɯ-ɣru coude tə-krú tə-krə-vzuʔ blanc kə-prâm kə-prúm, Tib. gru-mo (gSar-rdzong) ku-ɣrum <pʰrúm ta-ʁrɤt charbon de ta-ŋkrôt ta-ʁrôt bois ta-ʁri saleté tə-wrí tɐ-krəʔ ta-ʁrɯ corne tə-rú ta-ʁrəʔ kɤ-ra-ʁrɯs balayer tə-rîs Tableau 262 : Correspondances du Japhug r- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on voit dans le Tableau 262, le /r/ du japhug correspond toujours à /r/ en somang et en zbu. Nous reconstruisons ici *r en PGR. Les groupes ont les origines suivantes : z Le japhug rj- vient de *rə-j- en PGR. Il s’oppose à *rj- > rʑ- en japhug. z Le japhug βr- vient toujours de *pr- en PGR. z Le japhug ɣr- vient normalement de *kr-, mais dans ku-ɣrum « blanc », les 325 données comparatives suggèrent que le groupe *pr- devient ɣr- devant les rimes labiales (on ne trouve pas de groupes tels que *βro- ou *βru- en japhug moderne). Il vient peut-être également de *wr- dans le mot tsʰuɣru « soude » (voir paragraphe suivant). z Le japhug ʁr- vient de *qr- lorsqu’il correspond à kr- en somang ou à ʁr- en zbu. z Le japhug ʁr- vient aussi du PGR wr- lorsqu’il correspond à wr- en somang. Le changement *wr- > ʁr- où la préinitiale *w- devient ʁ- devant r- en japhug est parallèle au changement *wlj- > ʁj- (voir p.326) et *wl- > ʁd- (voir p.314). La forme tsʰuɣru « soude » est difficile à expliquer, on attendrait *tsʰɯʁru si le PGR était *tsʰɯ-wro. Etant donné que le vocalisme de cette forme est aussi irrégulier, nous ne proposerons pas de reconstruction. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 japhug sens somang zbu autres langues (kɤmɲɯ) tɯ-jaʁ main ta-ják tə-jɐ̂χ Tib. lag kɯ-jaʁ épais kə-já́k kə-jɐ̂χ Tang. laa 1.22 #3192 kɯ-jɤɣ accomplir jó́k jɤɣɤt balcon jɐwɐ́t HFF kɯ-jɤɣ être d'accord kɤ-jɤr en biais kə-jôx kə-ŋa-dʑórdʑor kɤ-ji planter ka-jê HFF kɐ-jeʔ, jê Tib. zhing-ka kɤ-ɣɤjɯ ajouter ka-wajú kɐ-zjû, zjoʔ, zjə̂m Tang. lhu 1.1#5621 qa-jɯ insecte, vers kə-lú ɯ-jɯ poignée wu-lû kɯ-jɯm être clair kə-jám kɤ-nɤjo attendre ka-najó́ kɯ-jom large kə-jâm kɤ-joʁ lever ka-jó́k ta-ʁjɯβ ombre ta-wjə́s kɤ-naʁju se curer les ka-naktɕó dents « fouiller » Tang. lụ 1.58 #1308 və-juʔ Tang. lụ 2.51 #2273 kɐ-nɟɐʔ, <nɟiʔ, <nɟiʔ və-ʁjév Tib. grib Tableau 263 : Correspondances du Japhug j- dans les autres langues rgyalronguiques. Comme on le voit dans le Tableau 263, le /j/ du japhug correspond à /j/, /l/ ou /dʑ/ en somang et à /j/ ou à /ɟ/ en zbu. Toutefois, ce /j/ correspond à des latérales dans les langues extérieures au rgyalronguique comme le tibétain ou le tangoute. Nous reconstruisons *lj- en PGR. Ce groupe est resté distinct de *j en japhug, puisque *j y est 326 devenu /ʑ/. Le groupe lj- du japhug moderne ne se retrouve que dans le mot qa-ljaʁ « aigle » en japhug de kɤmɲɯ, mais cette forme ne remonte pas au proto-rgyalronguique (voir la section sur /l/). Les deux cas où le /j/ du japhug correspond à /l/ en somang sont devant la voyelle u. Il est possible que *lju est devenu lu en somang de façon régulière (dans les mots wu-lû « poignée » et kə-lú « insecte ») et que le verbe ka-wa-jú « ajouter », où le /j/ du japhug correspond à /j/ en somang devant /u/ soit un emprunt du japhug en somang. Pour ʁj-, nous reconstruisons *wlj- lorsqu’il correspond à wj- en somang comme dans ta-ʁjɯβ :: ta-wjə́s « ombre », et *qc- lorsqu’il correspond à ktɕ- dans kɤ-nɤ-ʁju « se curer les dents » :: ka-na-ktɕó « fouiller »69. Le groupe *wj- est différent de *wlj-, car il donne ɣʑ- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 en japhug. Le changement de la préinitiale *w- à ʁ- est parallèle *wr- > ʁr- et à *wl- > ʁd-. japhug (kɤmɲɯ) sens somang tɯ-ɣe petits enfants tə-pkʰî kɤ-ɣi arriver ka-pô tɤ-ɣi glaise que l’on applique sur le zbu autres langues kɐ-vəʔ tə-pkê « boue » toit jɤɣɤt balcon jɐwɐ́t HFF tɕʰɯ-ɣur digue tɕʰi-jûr tɤ-ɣur haie tɯ-βɣi balle ta-rpê tɐ-ɣviʔ βɣɯs blaireau pə́s tə-vîs βɣa-za mouche kə-wɐ̂s HFF, ɣu-zeʔ tɐ-ɣʊ́r kə-wós kɤ-lɣa creuser ka-rwa kɐ-lwɐʔ, <, lwiʔ sɣa rouille tɤ-rɣe collier ta-rwú mkɐ-rgweʔ ɯ-rɣi graine tə-rpí HFF tə-rvəʔ tɕaɣi perroquet tɕagî ldɯɣi bharal ldəgə̂ HFF zwi Tang. wẹ 1.65 Tableau 264 : Correspondances du Japhug ɣ- dans les autres langues rgyalronguiques. 69 La notation ktɕ- est probablement à comprendre comme *kc-, étant donné que le dictionnaire de Huang et Sun 2002 ne distingue pas palatales de palato-alvéolaires, à moins qu’une dissimilation n’ait eu lieu dans cette langue, un groupe [vélaire + palatale] étant difficile à distinguer d’une simple palatale. 327 Les correspondances du japhug /ɣ/ avec les autres langues rgyalronguiques sont très complexes. On distingue cinq situations différentes : Le /ɣ/ du rgyalrong de kɤmɲɯ correspond parfois à /w/ en japhug de gSar-rdzong et à /w/ en somang. C’est en particulier le cas des préfixes verbaux très communs ɣɤ- et ʑɣɤ(voir les sections 6.1 p.402 et 6.5 p.409), qui correspondent à wa- et jwo- en somang / cogtse. Dans ces cas, nous reconstruisons *w en PGR. Le changement *w > /ɣ/ s’observe par ailleurs dans tous les dialectes japhug lorsque /w/ était médiane : on a déjà mis en évidence les changements *tw- > cɣ- et *tʰw- > cʰɣ- (p. 297), *sw- > ɕɣ- (p. 320). Les seuls mots ayant un ɣ- sans préinitiale venant directement de *w dans le Tableau 264 sont tɕʰɯ-ɣur « digue », tɤ-ɣur « haie » et jɤɣɤt « balcon ». Pour lɣ- nous reconstruisons *lw- en PGR. Ce groupe devient rw- en somang (voir le changement de *l p. 323). Le groupe sɣ- vient de *sə-w- en PGR. Il est impossible de tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 reconstruire ici *sw car ce groupe donne ɕɣ- en japhug. Le groupe rɣ- vient de *rb- en PGR. La voisée subit ici une lénition comme dans *sb> zw-. Devant une rime terminée par *-q, *rb- s’assimile et devient rʁ- (voir le passage suivant sur le ʁ- japhug). En somang, *rb- devient rw- ou rp-. La reconstruction du groupe βɣ- est problématique. Nous proposons de restituer *kpen PGR, ce groupe subissant une métathèse en japhug, tandis qu’il se simplifie en p- ou en w- en somang. Ce groupe doit peut-être également se reconstruire pour kɤ-ɣi « arriver » (voir ci-dessous). Pour les ɣ- ne correspondant pas à w- en somang, la reconstruction est malaisée car on trouve une correspondance différente par exemple : z les mots tɤ-ɣe :: tə-pkʰî « petit-fils » et tɤ-ɣi :: tə-pkê « glaise que l’on applique sur le toit », où le japhug ɣ- correspond à pkʰ- et pk- en somang, nous proposons de reconstruire *pk- en PGR ; ce groupe devient normalement pɣ- en japhug (voir p.274), et nous sommes contraints ici de supposer une simplification irrégulière du groupe de consonnes. Il est impossible de reconstruire *pə-k-, car ce groupe donne fk- (voir p. 301). z Pour kɤ-ɣi :: ka-pô « venir », il est peut-être possible de suggérer une reconstruction *kp- en PGR, avec une simplification subséquente en japhug. Enfin, pour le ɣ- à l’intérieur des mots dans ldɯɣi « bharal » et tɕaɣi « perroquet », nous reconstruisons *k en PGR : ce *k devient /ɣ/ en japhug entre deux voyelles à l’intérieur d’une racine, et /g/ en somang. 328 japhug (kɤmɲɯ) tɤ-ʁar sens somang aile zbu və-ʁɐ̂r Tang. wer 2.71 « plumes » #1697 ʁe gauche qwɐ-juʔ ɯ-ʁɤri devant tə-ʁurjî kɤ-βʁa gagner kɤ-βʁum renverser kɐ-vʁûm kɤ-nɯrʁɯrʁa grimper kɐ-mɐlqʌʔ, ka pká autres langues kɐ-vʁʌʔ, vʁɐ̂ mɐlqî kɤ-ɣɤrʁaʁ chasser ka-narwá́k Tang. ba 1.17 #2200 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 kɤ-rʁe mettre un fil ta-ká́p ka-rkî dans une aiguille kɤ-jʁu courbé ka-rgorgó́ Tableau 265 : Correspondances du Japhug ʁ- dans les autres langues rgyalronguiques. Le phonème japhug /ʁ/ est extrêmement rare dans les mots reconstructibles lorsqu’il n’a pas de préinitiale. Pour ʁe « gauche », nous avions déjà reconstruit *qwej en PGR (voir p.216). Nous proposons que *qw- devient parfois ʁ- (comme dans le Tableau 265), parfois q- (comme dans qaʁ « houe », zbu qwɐ̂χ) en japhug. Nous reconstruisons le groupe βʁ- du japhug comme *pq- en PGR. Le groupe rʁ- a deux origines : *rq- (lorsque rʁ- correspond à rk- en somang ou à lq- en zbu) et *rb-. Comme nous l’avons dit plus haut dans le paragraphe sur le japhug /ɣ/, le groupe *rbdevient rʁ- et non rɣ- lorsque la syllabe termine par une uvulaire, ce qui explique l’absence de syllabes *ɣaʁ ou *ɣoʁ en japhug lorsque /ɣ/ est initiale. Le mot kɯ-ʁaʁ « éclore » pour lequel nous n’avons pas pu trouver de cognats dans les autres langues, de la même façon, devrait se reconstruire *waq en PGR, le *w devenant ʁ- plutôt que ɣdevant les rimes terminées par -ʁ. Le groupe jʁ- vient de *lq- en PGR. PGR japhug (kɤmɲɯ) rgyalrong oriental Zbu *s- s- s-, ɕ-, tsʰ- s- *sb- zw- zb- zɣ- *sr- zr- sr- rz- *rz- rz- rz- ? 329 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 *ɕ- ɕ- ɕ-, tɕʰ- ɕ- *sw- ɕɣ-, ɕ- sw- ɕɣw-, ɕ- *j- ʑ- j- j- (*pə-lj-) βʑ- pə-j- ? *rə-lj- rʑ- rj-, l- lɟ- (*rj-) rʑ- rɟ- rɟ- (*rʑ-) rʑ- rʑ- rdʑ- *(wj-) ɣʑ- ? wu-j- *pr- βr- pr- vr- (*kr-) ɣr- kr- kr- *qr- ʁr- r-, kr- ʁr- *lj- j- j- / l- j- / ɟ- (*wlj-) ʁj- wj- ʁj- (*qc-) ʁj- ktɕ- (= kc- ?) ? *w- ɣ- w- w- *kp- βɣ-, ɣ p-, w-, rp- v-, ɣv- *pk- pɣ-, ɣ- pk- pɣ-, pʰɣ- *rb- rɣ- / rʁ- rw-, rp- rgw- ? *qw- ʁ-, q- k- qw-, ʁ- *pq- βʁ- pk- vʁ- *rq- rʁ- rk- lq- (*lq) jʁ- rg- Tableau 266 : Correspondances des fricatives et des sonantes du japhug avec les autres langues rgyalronguiques. Conclusion Le système consonantique du proto-rgyalrong restreint que nous avons reconstruit dans ce chapitre se distingue typologiquement de celui du japhug par quatre caractéristiques principales : z On ne trouve pas de fricatives uvulaires et vélaires en PGR. z Les groupes de deux occlusives tels que *pk-, *pq- ou *kp- sont reconstructibles en PGR. z Il existait des labiovélaires et des uvulaires labiovélarisées en PGR. z Il n’existait pas de rétroflexes en PGR. La structure des groupes consonantiques du PGR est sembable au japhug : on trouve des médianes, des initiales et des préinitiales, ainsi que des groupes à présyllabe. 330 Nous reconstruisons des occlusives voisées *b, *g et *gw en PGR, mais celles-ci se confondent avec d’autres phonèmes dans toutes les langues rgyalronguiques : en zbu et en japhug, elles se confondent avec les prénasalisées *mb et *ŋg, alors qu’en somang elle se confondent avec *w. Un défaut de notre reconstruction est l’absence d’un phonème *d en PGR : typologiquement, il est impossible qu’une langue ait une occlusive voisée vélaire sans avoir en même temps une occlusive voisée dentale. Il ne fait aucun doute qu’un tel phonème devait exister en PGR, mais les langues que nous avons prises en compte dans cette reconstruction n’en gardent pas de traces claires. Voici un résumé des groupes de consonnes reconstruits en PGR. Ces correspondances sont indiquées selon le même principe dans le Tableau 214 sur les rimes (p.266). Les groupes du PGR sont séparés en deux tableaux : les groupes à médianes (Tableau 267) et les groupes à préinitiales (Tableau 268). Les groupes à tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 préinitiales correspondants sont indiqués en dessous : par exemple, pour trouver le groupe *pə-r- il faudra se référer au Tableau 267, car le groupe sans présyllabe correspondant *pr- est un groupe à médiane. En revanche, pour trouver *mə-t-, il faudra se référer au Tableau 268, car le groupe sans présyllabe correspondant *mt- est un groupe à préinitiale. Cw*p*pə- Cl- Clj- Cj- Cr- *pl- *plj- *pj- *pr- βl- βɟ- pj- βr- *pə-l- *pə-lj- *pə-r pl- βʑ- pr- mb*m*t*tə- *mbj- *mbr- mbj- mbr- *mlj- *mj- *mr- mɟ- mɲ- mbr- *tw- *tl- *tlj- *tj- *tr- cɣ-, c- d- ɟ- c- tʂ- *tʰw- *tʰj- *tʰr- cʰɣ- cʰ- tʂ- *tə-wtʰɣ-, tɣ- *tʰ*ts*ndz- *tsw- *tsr- tsɣ- tsr- *ndzw- *ndzr- ndzɣ- ndzr331 *n- *nrndʐ- *k- *kw- *kl- *klj- *kj- *kr- k- ɣl- ɣɟ- c- ɣr- *kə-j- *kə-r- ki- kr- *kə*kʰ- *kʰrkʰr- *g- *gw- *gr- > ŋg- ŋg- ŋgr- *ŋg- *ŋgw- *ŋgr- ŋg- ŋgr- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 *q- *qw- *ql- *qlj- *qj- *qr- q-, ʁ- ʁl- ʁɟ- qi- ʁr- *qə- *qə-rqr- *qʰ- *qʰw- *qʰl- qʰw- qʰl- *ɴɢ- *ɴɢlɴɢl- *s*ɕ- *sw- *sl- *sr- ɕɣ-, ɕ- zl- zr- *ɕlɕl- *w*r- *wl- *wlj- *wj- *wr- ʁd- ʁj- ɣʑ- ʁr- *rjrʑ- Tableau 267 : Groupes de consonnes à médianes en PGR Dans le Tableau 267, nous incluons les groupes à médianes reconstruits en PGR. Nous distinguons cinq médianes différentes (*w, *l, *lj, *j, *r). En japhug moderne, on n’a pas de médiane *lj-, mais on trouve en plus des médianes /ɣ/ et /ʁ/. 332 *p- *m- *p*pʰ- *t- *n- *k- *q- *l- *tp- *np- *kp- *qp tɣ- mp- βɣ- *r- *s- *ɕ- *lp- *rp- *sp- *ɕp- χp- jp- rp sp- ɕp- *npʰ- *qpʰ- *lpʰ- *ɕpʰ- mpʰ- χpʰ- jpʰ- ɕpʰ- *b *rb- *sb- mb rɣ- zw- *mb- *nmb- *kmb- *rmb- *ɕmb- nb- ɣmb- rmb- ʑmb- *m*t tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 *j- *Cə-t- *km- *qm- *lm- *rm *sm- *ɕm- ɣm- ʁm- jm- rm sm- ɕm- *mt- *nt- *kt- *qt- *jt- *st- *ɕt- mc- nt- xt- χt- jt- st- ɕt- *mə-t- mt*tʰ *nd*n*ts- *mtʰ- *ntʰ- *stʰ- *ɕtʰ- mcʰ- ntʰ- stʰ- ɕtʰ- *mnd- *knd- *qnd- *rnd- *snd- md- ɣnd- ʁnd- rnd- znd- *mn- *kn- *jn- *rn- *sn- *ɕn- mn- ɣn- jn- rn- sn- ɕn- *pts- *mts- *nts- *kts- *qts- *rts- *sts- fts- mts- nts- xts- χts- rts- xts- *tsʰ- *ktsʰ- *rtsʰ- xtsʰ- rtsʰ- *mndz- *ndz- mdz*tɕ- *ptɕ- *mtɕ- *ktɕ- *qtɕ- ftɕ- mtɕ- xtɕ- χtɕ- *tɕʰ*ndʑ*c- *mtɕʰ- *ntɕ- mtɕʰ- ntɕ- *mndʑ- *kndʑ- mdʑ- ɣndʑ- *mc- *qc- *sc- mc- ʁj- sc- *cʰ- *qcʰχcʰ- *ɲ *sɲsɲ- *k *pk- *mk- *nk- *lk- *rk- *sk- *ɕk- pɣ- mk- ŋk- jk- rk- sk- ɕk333 *Cə-k- *pə-k- fk*kʰ*ŋg- skʰ- ɕkʰ*ɕŋg- rŋg- ʑŋg- *rg- ŋg- rg- *Cə-ŋ- *ɕkʰ- *rŋg- *g*ŋ- *skʰ- *mŋ- *jŋ- *rŋ- *sŋ- *ɕŋ- mu- jŋ- rŋ- sŋ- ɕŋ- *mə-ŋ- mŋ*q *pq- *mq- *nq- *lq- *rq- *sq- *ɕq- βʁ- mq- ɴq- jʁ- rʁ- sq- ɕq- *rqʰ- *sqʰ- *ɕqʰ- rqʰ- sqʰ- ɕqʰ- *mɴɢ- *sɴɢ- *ɕɴɢ- mɢ- zg- ʑɴɢ- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 *Cə-q- *rə-qrq- *qʰ*ɴɢ*s- *ps- *ms- *ks- *qs- fs- mtsʰ- xs- χs- *z *rz- ndz- rz- *ɕ- *pɕfɕ- *ʑ- *lʑ- *rʑ- ndʑ ldʑ- rʑ- *l*Cə-l- *jl- *rl- jl- ld*rə-lrl- *lj- *rlj- j rɟ- *Cə-lj- *rə-ljrʑ- Tableau 268 : Groupes à préinitiales. Dans le Tableau 268, nous avons indiqué les groupes à préinitiales reconstruits en PGR. Comme pour le Tableau 267, le PGR est indiqué au-dessus de la forme japhug. Les initiales sans préinitiales changent peu du proto-japhug au japhug. Les initiales qui diffèrent entre les deux états de langue ont été indiquées en gras dans la première 334 colonne, et la forme du japhug est indiquée en dessous de la forme du PGR (c’est le cas pour cinq phonèmes : *b, *g, *z, *ʑ et *lj). Les groupes dont l’initiale a subi un changement particulier dû à l’influence de la préinitiale (comme par exemple *pk-) sont indiqués dans le tableau par un cadre double. Pour trouver un groupe donné du PGR dans le texte, il faudra se référer à la section concernant l’initiale du groupe en question en japhug. Par exemple, *pk- > pɣ- est discuté dans la section sur /p/ p.274, tandis que *ptɕ- > ftɕ- sera discuté dans la section sur /tɕ/ p.292. Nous n’avons inclu dans ce tableau que les groupes pour lesquels nous avons au moins un exemple. Certains groupes attestés en japhug, tels que ʑr-, ne sont pas discutés, car aucun cognat contenant ce groupe n’a été encore tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 découvert. 335 5 Morphologie verbale flexionnelle Parmi les langues sino-tibétaines, les langues rgyalronguiques sont parmi celles dont la morphologie verbale est la plus riche. En particulier, elles disposent toutes d’une flexion verbale complexe qui code les catégories de temps-aspect-mode (TAM) et l’accord avec deux actants. Il est certain que le proto-rgyalrong avait déjà un système complet semblable à celui observé dans les langues modernes, mais il est encore difficile de savoir si cette morphologie remonte au proto-qianguique voire au proto-sino-tibétain comme certains auteurs l’ont suggéré. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 La morphologie verbale flexionnelle est à proprement parler la conjugaison du verbe, et elle inclut tous les affixes et autres procédés morphologiques qui ne créent pas de nouveaux verbes, mais simplement de nouvelles formes d’un même verbe. Les préfixes dérivationnels, qui eux servent à dériver de nouveaux verbes, se placent entre les préfixes flexionnels et la racine du verbe (voir la structure du mot verbal dans l’appendice C). Il n’y a guère d’hésitation pour déterminer si un affixe dépend de la morphologie flexionnelles ou dérivationnelle. Même les quatre préfixes dérivationnels les plus productifs : ʑɣɤ- réflexif, nɯ- moyen, nɯ- applicatif et sɯ- causatif, ne peuvent pas être considérés comme faisant partie de la morphologie flexionnelle, car le sens des verbes dérivés a parfois évolué indépendamment du verbe de base (kɤ-tsʰi « attacher » devient kɤ-ʑɣɤ-tsʰi « se suicider en se pendant » avec le préfixe réflexif ʑɣɤ-). En japhug, il n’y a pas lieu de distinguer les verbes des adjectifs du point de vue morphologique. Les seuls vrais adjectifs de la langue sont les expressifs, une catégorie de mots dont nous ne traiterons pas dans cette thèse. C’est pourquoi nous emploierons le terme de « verbe » pour désigner les mots qui correspondent à des adjectifs lorsqu’on les traduit en français. Il convient de distinguer toutefois les verbes transitifs des verbes intransitifs et les verbes statifs des verbes dynamiques. Cette dernière distinction sera élaborée dans la section 8.1.1 p.434. Ce chapitre est divisé en quatre parties : z Le marquage de l’accord et sa relation avec la transitivité du verbe. z Les alternances de thèmes verbaux en japhug selon les catégories de TAM et leur reconstruction en PGR. z Les préfixes directionnels, leur usage et leur variantes morphologiques. z Synthèse des données des trois sections précédentes en établissant l’inventaire des catégories TAM en japhug et leur formation du point de vue de l’accord, du 336 thème verbal et des préfixes directionnels. 5.1 Accord et transitivité Le japhug, comme les autres langues rgyalronguiques, est une langue ergative du point de vue des marques de cas70. Toutefois, comme nous allons le montrer, le codage des actants par la morphologie verbale n’est ni ergatif, ni accusatif. Le système du japhug ne diffère que très peu de celui des autres langues rGyalronguiques déjà décrites dans des travaux tels que Lin (1993 : 194-226) sur le cogtse et Sun et Shi (2002) ou Sun (2003a : 495-496) sur tshobdun. Dans un premier temps, nous allons présenter une définition de la transitivité en japhug. Dans un second temps, nous décrirons le système d’accord du japhug et sa relation historique avec les autres langues rgyalronguiques. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Dans ce travail, nous aurons besoin d’utiliser les concepts de sujet et d’objet, mais ceux-ci ne seront définis que dans la section 8.1.3. (voir aussi 8.5. p.469). 5.1.1 Transitivité La morphologie du japhug distingue rigoureusement les verbes transitifs des verbes intransitifs ; ce fait a déjà été remarqué dans Sun (2000 : 186) et Sun (2003a : 496). Les verbes transitifs peuvent s’accorder avec deux actants, tandis que les verbes intransitifs ne peuvent s’accorder qu’avec un seul. Par ailleurs, les verbes transitifs ont trois marques spécifiques à certains temps : En premier lieu, à l’aoriste et au médiatif indirect passé (voir la section 5.4.1.1 p. 373 pour les fonctions de ces temps), un suffixe –t s’ajoute aux verbes transitifs à syllabe ouverte à la première et à la seconde personne : kɤ-ndza « manger », tɤ-ndzá-t-a « j’ai mangé », tɤ-tɯ-ndza-t « tu as mangé ». Ce suffixe est -z- / -s dans le japhug de gDong-brgyad de smɯlju, de gSar-rdzong et de Da-tshang (Lin et Luo 2003 : 21). En second lieu, à l’aoriste, un préfixe –a- est préfixé entre la racine et le préfixe directionnel à la troisième personne. kɤ-ndza « manger » tɤ-a-ndza [tandza] « il a mangé ». En dernier lieu, dans les temps du non-passé et à l’impératif, les racines verbales terminant en –u, -o, -ɯ et –a ont un thème spécial (dont la formation fera l’objet de la section 5.2.2) : kɤ-ndza « manger », ɲɯ-ndze « il mange (j’en suis témoin en ce moment) ». 70 L’ergatif / instrumental est marqué par la particule kɯ, le génitif par ɣɯ et le locatif par zɯ. L’absolutif n’a pas de marque casuelle. 337 Il est donc toujours possible, au moins par le second critère, de savoir si un verbe est transitif ou non. Quelques rares verbes peuvent à la fois être transitifs ou intransitifs. C’est le cas de kɤ-mɯ-rkɯ « voler ». Ainsi on peut dire kʰɯtsa ci tɤ-mɯ-rkɯ́-t-a « j’ai volé un bol » avec le suffixe –t (forme transitive), mais également tɤ-mɯ-rkɯ́-a « j’ai volé » sans suffixe –t (forme intransitive), auquel cas l’objet ne peut pas être ajouté dans la phrase. Ce procédé n’est pas généralisable à tous les verbes. Il est impossible de dire *pɯ-tsʰi-a « j’ai bu », l’ajout du suffixe –t est obligatoire. La forme correcte est pɯ-tsʰí-t-a. On trouve quelques verbes sans marque morphologique de transitivité qui peuvent avoir un deuxième actant à l’absolutif. Il s’agit d’une part des verbes de mouvement tels que kɤ-ɕe « aller », qui indiquent la destination parfois sans postposition, de verbes copules tels que kɯ-ŋu « être » ou kɤ-pa (contracte) « devenir », et d’autre part de dérivés biactanciels de verbes triactanciels. Ceux-ci se retrouvent avec deux actants mais tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 perdent leur morphologie transitive. On trouve deux exemples : kɤ-rɤ-ɕtʂɯ « déposer qqch à un endroit » dérivé de kɤ-ɕtʂɯ « déposer qqch pour qqun à un endroit » et kɤ-sɤ-sɯɣɕɤt « se consacrer à l’enseignement de qqch » dérivé de kɤ-sɯɣɕɤt « enseigner qqch à qqun ». Ainsi on doit dire : (27) nɤ-kʰa tɯ-tʰɯ kɤ-rɤɕtʂɯ-a *kɤ-rɤɕtʂɯ-t-a 2s-maison casserole AOR:1s:déposer J’ai déposé une casserole chez toi.71 Toutefois, il convient dans ces cas d’utiliser l’ergatif lorsque le sujet est à la troisième personne, une propriété typique des verbes transitifs : ʁdɤrʑi (28) kɯ rDo-rje ERG nɤ-kʰa tɯ-tʰɯ kɤ-rɤɕtʂɯ 2s-maison casserole AOR:3s:déposer rDo-rje a déposé une casserole chez toi. Ces deux verbes (kɤ-rɤ-ɕtʂɯ et kɤ-sɤ-sɯɣɕɤt), à la différence des verbes de mouvement et des verbes copules, partagent donc des propriétés transitives et intransitives et constituent une catégorie à eux seuls. Nous les appellerons « faiblement transitifs ». 5.1.2 Système d’accord Le marquage de la personne varie de façon importante entre les langues rGyalronguiques. Nous parlerons dans cette section tout d’abord des marqueurs d’accord dans les verbes intransitifs, puis la structure de l’accord des verbes transitifs, et enfin nous consacrerons une sous-section au préfixe inverseur ɣ-. 71 1er actant : première personne du singulier, marqué uniquement par la flexion verbale ; 2ème actant tɯ-tʰɯ « casserole » ; nɤ-kʰa « ta maison » est un circonstant. 338 5.1.2.1 Pronoms et affixes de personnes. Les langues rgyalronguiques font partie des langues sino-tibétaines ayant un système d’accord, parmi lesquelles se trouvent des langues aussi variées que les langues qianguiques, le trong, les langues kouki-tchin, les langues kiranti et d’autres langues du Népal et du Bhoutan. Selon une idée proposée à l’origine par Hodgson dès le 19ème siècle, les systèmes d’accord dans les langues sino-tibétaines seraient dus à une grammaticalisation récente de pronoms sur le verbe. Selon ce point de vue, le proto-sino-tibétain n’aurait pas eu de système d’accord, mais plusieurs branches de la famille auraient innové indépendamment. Cette opinion semble justifiée par la ressemblance frappante entre les affixes d’accord et les pronoms dans les langues sino-tibétaines et par l’absence de verbes irréguliers du point de vue de l’accord verbal tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 –on ne trouve jamais plus d’une série d’affixes de personne (rien de comparable aux verbes athématiques de l’indo-européen). Toutefois, Bauman (1975) a proposé un autre point de vue selon lequel les systèmes d’accord des langues tibéto-birmanes seraient trop semblables les uns avec les autres pour être le seul fait d’une évolution indépendante. Ce point de vue est partagé par Ebert (1990), qui propose que les langues rgyalronguiques soient apparentées aux langues kiranties, et par Driem (1993), qui propose que le proto-sino-tibétain (« tibéto-birman » dans sa terminologie) avait déjà un système d’accord. Toutefois, d’autres chercheurs, tels que Li Yongsui (2002), maintiennent l’idée ancienne d’une grammaticalisation récente des systèmes d’accord. Il ne sera pas question ici de donner une réponse à cette question, mais d’examiner ce que l’on peut affirmer sur l’origine de ce système dans les langues rgyalronguiques étant données les connaissances actuelles sur la phonologie historique de ces langues. La première description fiable du système d’accord des verbes intransitifs et transitifs. d’une langue rgyalronguique est le travail de Jin et al. sur le somang. Le système d’accord des verbes japhug de Da-tshang a été décrit partiellement par Qu (1983). Voici tout d’abord les formes des verbes intransitifs72. La racine du verbe est notée R. 72 cogtse zbu tshobdun japhug 1s R-ŋ R-ŋ R-aŋ R-a̻ 1d R-tʃh R-tɕi R-tsə R-tɕɯ̻ 1p R-i R-ji R-jə R-ji̻ Le cogtse est tiré de Lin (1993), le tshobdun de Sun et Shi (2002) et Sun (1998), le japhug et le zbu viennent de nos données. 339 2s tə-R-n tə-R tə-R tɯ-R 2d tə-R-ntʃh tə-R-ndʑi tə-R-ndzə tɯ-R-ndʑɯ̻ 2p tə-R-ɲ tə-R-ɲ tə-R-nə tɯ-R-nɯ̻ 3s R R R R 3d R-ntʃh R-ndʑi R-ndzə R-ndʑɯ̻ 3p R-ɲ R-ɲ R-nə R-nɯ̻ Tableau 269 : Marques d’accord des verbes intransitifs en cogtse, en tshobdun, en zbu et en japhug. En japhug, les suffixes de personne ne sont pas accentués, alors que l’accent tombe normalement sur la syllabe finale, et les voyelles de ces suffixes sont assourdies, d’où notre notation par le signe V ̻ dans le Tableau 269 (on omettra toutefois le signe tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 d’assourdissement, prévisible par l’analyse morphologique, pour ne pas alourdir notre transcription). En japhug, on trouve trois verbes avec lesquels l’usage du préfixe tɯ- de seconde personne est irrégulier. Il s’agit de kɤ-zɣɯt « arriver », ɣɤʑu « y avoir », maŋe « ne pas y avoir ». kɤ-zɣɯt est un verbe contracte (voir le chapitre 7), et sa seconde personne devrait être tɯ-ɤzɣɯt. Cette forme est effectivement acceptée par les locuteurs, mais la forme tɯ-zɣɯt sans préfixe ɤ- est considérée comme meilleure. Les auxilliaires ɣɤʑu et maŋe sont des verbes anormaux en cela qu’ils n’ont pas de forme nominale. Leurs secondes personnes sont respectivement ɣɤ-tɤ-ʑu et ma-ta-ŋe : ici tɯ- s’insère à l’intérieur du mot comme si ɣɤ- et ma- étaient des préfixes, ce qu’ils doivent être historiquement. En particulier, la première syllabes de maŋe semble apparentée au négatif non-passé mɤ- et la seconde au verbe être kɯ-ŋu. A l’exception du suffixe –n de deuxième personne en cogtse, qui a disparu dans les trois autres branches, les quatre langues ont des affixes de personnes comparables, et l’on remarque que les deuxième et troisième personnes partagent les mêmes suffixes au duel et au pluriel. Tous ces suffixes personnels sont apparentés aux préfixes possessifs 73 et aux pronoms eux-mêmes (sauf ceux de troisième personne). Pour faciliter la comparaison, voici le tableau des pronoms : cogtse zbu tshobdun japhug 1s ŋa ŋəʔ ɐ-ɟjiʔ a-ʑo 1d incl. ndʒo tɕɐ-ɲi tsə-ɟjə-niʔ tɕɯ-ʑo 1d excl. ŋə-ndʒe 73 tsə-ɟjə Le paradigme des préfixes possessifs peut être consulté dans l’annexe. 340 ŋgɐ-reʔ jə-ɟjə-rɐʔ i-ʑo 1p incl. jo 1p excl. ŋə-ɲe 2s no nə-jeʔ nɐ-ɟjiʔ nɤ-ʑo 2d ndʒo ndʑɐ-ɲi ndzə-ɟjə-niʔ ndʑɯ-ʑo 2p ɲo ɲɐ-reʔ nə-ɟjə-rɐʔ nɯ-ʑo 3s wə-jo apʰeʔ o-ɟjiʔ ɯ-ʑo 3d wə-jo-ndʒəs apʰeʔ-ɲi ɟjɐ-niʔ ʑɤ-ni 3p wə-jo-ɲe apʰe-reʔ ɟjɐ-rɐʔ ʑa-ra jə-ɟjə Tableau 270 : Pronoms personnels en cogtse, en tshobdun, en zbu et en japhug. Les syllabes–jo, -jeʔ, -ɟjiʔ / ɟjɐ et -ʑo / ʑɤ viennent de la racine « soi-même » PGR *jaŋ, les suffixes -ndʒəs, -ɲi, niʔ et –ni sont les marqueurs nominaux du duel, et enfin -ɲe, -reʔ, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 –rɐʔ et –ra sont les marqueurs du pluriel. Ces mots ont tous des fonctions en dehors du système pronominal et doivent avoir été récemment ajoutés. On constate un certain nombre d’irrégularités entre les suffixes personnels des diverses langues. z Le suffixe de la 1s Le suffixe de première personne singulier est différent en cogtse, en tshobdun et en japhug. Le –aŋ du tshobdun ne peut pas venir du proto-rgyalrong *-aŋ, qui donne –i en tshobdun, –o en japhug et en cogtse et -ɐ en zbu. Le –aŋ du tshobdun vient donc peut-être de *-ŋ, avec le développement d’un /a/ prothétique. Le proto-japhug *ŋa donne /a/ , et il est donc possible de reconstruire *-ŋa pour ce suffixe. Il faudrait alors supposer que les trois autres langues ont perdu la voyelle *a. z Dentales et palatales / palato-alvéolaires On remarque que les pronoms de 1d, 2d, 2p et les suffixes du duel et du pluriel (seconde et troisième personnes) correspondant au japhug –tɕɯ, –ndʑɯ, -nɯ présentent une inconsistance : leur lieu d’articulation est palatal / palato-alvéolaire dans certaines langues, dental dans d’autres. Nous avons indiqué en gras les formes à dentales. On remarque que le cogtse et le zbu ont des palatales / palato-alvéolaires dans l’ensemble du paradigme, que le tshobdun a des dentales dans l’ensemble du paradigme, et que le japhug présente une situation intermédiaire où seulement la forme du pluriel est dentale. Nous ne disposons pas de données du tshobdun nous permettant de savoir si ces correspondances avec le cogtse et le zbu sont régulières ou non. Entre le japhug et les les autres langues, les correspondances des phonèmes /n/ et /ɲ/ sont simples. On ne trouve aucun cas de /n/ japhug correspondant à /ɲ/ en cogtse. On ne trouve que quelques rares exceptions de ce type entre le japhug et le zbu : kɯ-ɕnom « épi » :: kə-sɲɐ́m, tɯ-ɕnaβ « morve » :: sɲîv « morve, nez », mais où la préinitiale est sans doute la cause de la correspondance (PGR *ɕn- > sɲ-). Il semble donc qu’on doive admettre ici un 341 changement irrégulier. Celui-ci ne peut s’expliquer par l’état non accentué des suffixes, puisque les pronoms présentent la même correspondance, et les pronoms sont accentués normalement. Cette irrégularité commune aux pronoms et aux suffixes d’accord semble indiquer que les pronoms ont été grammaticalisés comme suffixes d’accord indépendamment dans les langues rgyalronguiques, ce qui impliquerait que le système des suffixes d’accord est très tardif. En faveur de cette thèse, on peut ajouter le fait qu’il existe un verbe défectif, qui ne peut s’employer qu’à la première personne du singulier et à la forme négative du non-passé : mɤ-xsi « je ne sais pas ». Il est certainement apparenté étymologiquement au verbe kɤ-sɯs < *sis « savoir ». L’absence de suffixe de première personne –a est étonnante : il pourrait s’agir du seul reliquat dans toute la langue d’un ancien type de conjugaison où la première personne n’était pas marquée par un suffixe74. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Si cette hypothèse est vraie, on devrait trouver d’autres exemples de verbes irréguliers non-suffixés dans les autres langues rgyalronguiques. Toutefois, il est possible de soutenir l’idée que la grammaticalisation des pronoms soit postérieure à la désintégration du proto-rgyalrong. On ne peut exclure que les suffixes d’accord en proto-rgyalronguique étaient identiques aux pronoms, et que la relation entre les deux séries de morphèmes était transparente, si bien que lorsque les pronoms ont subi un changement analogique, les suffixes d’accord se sont alignés sur eux. La seule exception à la congruence entre les pronoms et les suffixes est le pronom de première personne du pluriel ŋgɐ-reʔ du zbu. Il s’agit peut-être du reliquat d’un stade plus archaïque où les suffixes d’accord ne correspondaient pas entièrement aux pronoms, avant que l’analogie n’ait régularisé les deux séries. 5.1.2.2 Verbes transitifs Le système des verbes transitifs est relativement complexe. Nous ne parlerons ici que du japhug pour ne pas alourdir notre propos, mais étant donné que son système diffère peu des autres langues, nous serons amené à citer les travaux d’autres auteurs. Le paradigme transitif des verbes rgyalrong est indiqué dans le Tableau 271 (les colonnes indiquent la personne et le nombre de l’objet, les lignes celles du sujet). Le verbe a 30 formes différentes. 74 On peut même suggérer que la marque de la première personne était ici un préfixe *k- (le PGR *k-si devenant -xsi). Seules les données comparatives permettront de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse. 342 1s 1d 1p 2s 2d 2p ta-R ta-R-ndʑɯ ta-R-nɯ 3s 3d 3p R-a R-a-ndʑɯ R-a-nɯ R-tɕɯ 1d R-i 1p tɯ-R 2s tɯ-R-ndʑɯ 2d kɯ-R-a-nɯ tɯ-R-nɯ 2p ɣ-R-a R 3s kɯ-R-a kɯ-R-a-ndʑɯ kɯ-R-tɕɯ kɯ-R-i ɣ-R ɣ-R-a-ndʑɯ ɣ-R-tɕɯ ɣ-R-i tɯ-ɣ-R tɯ-ɣ-R-ndʑɯ ɣ-R-ndʑɯ ɣ-R-nɯ R-ndʑɯ tɯ-ɣ-R-nɯ ɣ-R tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 1s ɣ-R-a-nɯ ɣ-R-ndʑɯ 3d ɣ-R-nɯ R-nɯ ɣ-R ɣ-R-ndʑɯ 3p ɣ-R-nɯ Tableau 271 : Système d’accord avec les deux actants en japhug. Le préfixe ɣ- présent dans les cases en gras du tableau ci-dessus fera l’objet de la sous-section 5.1.2.3, car son fonctionnement, notamment lorsque les deux actants sont à la troisième personne, nécessite un traitement particulier. Les suffixes personnels ne reçoivent pas l’accent final du mot, et les voyelles sont souvent dévoisées. Nous notons l’accent sur la voyelle de la dernière syllabe de la racine, mais le dévoisement des voyelles des suffixes étant un phénomène secondaire, nous ne l’indiquons pas dans la transcription. Dans cette représentation du système, on observe qu’à l’exception de la première personne sujet, toutes les formes dont l’objet est à la troisième personne sont identiques à celles des verbes intransitifs. Ce n’est pas le cas en cogtse. On trouve dans le paradigme transitif trois morphèmes qui n’apparaissent pas dans le paradigme intransitif. Tout d’abord, on trouve les préfixes ta- qui note le sujet à la première personne en même temps que l’objet à la seconde, et kɯ-, qui note le sujet à la seconde personne en même temps que l’objet à la première. Ces deux morphèmes sont sagittaux selon la définition d’Hagège (1982). Ces préfixes ont comme point commun de devoir être utilisés en combinaison avec un suffixe qui marque la personne et le nombre de l’objet. Si ce suffixe est –a (1s), on peut lui adjoindre les suffixes de pluriel et du duel du sujet à la seconde personne. Balthasar Bickel (2000) a proposé de distinguer la nature de l’accord dans les langues indo-européennes et tibéto-birmanes. Il propose que dans les langues indo-européennes, l’accord soit intégratif, c’est à dire que les traits morphosyntaxiques 343 (genre, nombre et personne) des groupes nominaux sujets doivent être identiques à ceux marqués sur le verbe. Dans les langues tibéto-birmanes, l’accord serait associatif : les traits d’accords sur le verbe ne sont pas nécessairement identiques à ceux des syntagmes sujets ou objets, ce que Bickel appelle accord par identité (identificational agreement), mais peuvent en différer de trois façons. Tout d’abord, Bickel cite l’accord par apposition (appositional agreement), où le syntagme sujet ou objet représente en fait un actant à la première ou à la seconde personne, ce qui se traduirait en français par une apposition, comme dans la phrase suivante en Belhare, une langue kirantie : (29) masiŋ cha vieille dame même siŋ taŋŋ-e tʰaũ-ʔ-ŋa arbre plante:LOC grimper:non-passé:1s Bien que (je sois) une vieille dame, je grimpe sur les arbres. Dans ce type de phrase, toutefois, il n’est pas évident que l’analyse de Bickel soit correcte. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Etant donné qu’on ne trouve aucune marque de cas sur le nom masiŋ « vieille dame », il n’est pas évident qu’il s’agisse d’un actant. Ensuite, il cite l’accord par relation (relational agreement), que l’on trouve dans l’expression des verbes de perception ou de sentiment en Lai, une langue Kuki-Chin. Dans cette langue, l’expérient est marqué par un préfixe possessif sur un nom, tandis que le verbe (intransitif) s’accorde avec l’actant qui est la cause du sentiment : (30) ka-lùŋ na-r̻ìŋ 1s:cœur 2s:être méfiant Je me méfie de toi L’accord sur le verbe est à la seconde personne, alors que l’expérient est à la première personne et le syntagme sujet à la troisième. Comme le remarque à juste titre Bickel, il ne peut pas s’agir non plus d’une structure causative (« tu rends mon cœur méfiant ») puisque ce verbe suit une morphologie intransitive. Il s’agit donc bien d’un type d’accord particulier. Enfin, Bickel distingue l’accord de groupe (partitional agreement), dans lequel le syntagme sujet ou objet représente la partie d’un groupe, et par lequel le verbe s’accorde en nombre avec le groupe entier et non avec le syntagme lui-même. Ce type d’accord se retrouve aussi bien en Belhare qu’en Lai. Les phénomènes que décrit Bickel présentent un grand intérêt, mais il n’est pas certain qu’il soit juste de parler « d’accord » dans ces cas ; le marquage de la personne et du nombre sur le verbe n’est pas toujours congruent avec les syntagmes nominaux présents dans la phrase, mais étant donné que dans ces langues, à la différence des langues indo-européennes, la présence d’un actant « sujet » n’est pas obligatoire et que l’actant unique n’est pas marqué par un cas, il est difficile d’affirmer que ces syntagmes sont des actants sélectionnés par le verbe. En japhug, dans les textes, on ne trouve aucun cas où le suffixe d’accord serait différent de celui des actants, et seulement quelques rares cas où le nombre des suffixes 344 d’accord et des actants est différent : (31) tɤ-mu kɯ dɯɣpa-nɤ, mère ERG quel malheur IRR:D-haut:3s:venir ti-ndʑɯ ɲɯ-ŋu NPA:3d>3:dire MDR:3s:être a-tɤ-ɣi, a-tɤ-ɣi IRR:D-haut:3s:venir (koŋzoŋ.54) La mère (et le père) dirent : « le pauvre, qu’il monte, qu’il monte » Dans cette phrase, le verbe est suivi du suffixe –ndʑɯ du duel, alors que le sujet est singulier. Cette anomalie peut s’expliquer si l’on tient compte du contexte de l’histoire, où ce sont les deux parents qui devraient dire cette phrase. L’accord imparfait dans cette phrase est donc dû à une élision : la phrase complète (attestée par ailleurs dans la même histoire) devrait être tɤ-mu tɤ-wa ni kɯ .... ti-ndʑɯ, avec le mot tɤ-wa « père », qui prend toujours la seconde place dans cette expression, et le marqueur de duel ni. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (32) a! ndʐɯnbu tɯ-rme wortɕʰi-ʑo tɤ-rɤru A! hôte homme IMP:s:se lever car 1s:père s’il vous plait χsɤltɕʰɯ mbɣom (koŋzoŋ.28) eau (honorifique) NPA:3s:être pressé ma a-pa a-ma 1s:mère A ! Monsieur, s’il vous plait, levez-vous, car mon père et ma mère (ont besoin) d’eau de façon urgente. Dans cette phrase, le verbe mbɣom « il est pressé » est au singulier, alors qu’on attendrait le duel étant donné la présence du syntagme a-pa a-ma « mon père et ma mère ». Il est probable ici que a-pa a-ma soit plutôt le thème que le sujet de la phrase. On pourrait traduire littéralement « en ce qui concerne mon père et mon père, l’eau est pressante ». On trouve un cas où une telle explication n’est pas possible : (33) tɕe lɯlu kɯ ci CONJ chat ERG un ERG kɯ to-tɯ-nɯrdóʁ-ndʑɯ ɲɯ-ŋu, ci MDR:3s:être un ERG kɯ pjɤ-tɯ-krá-ndʑɯ MIP:2d>3:faire tomber (lɯlu.72) MIP:2d>3:ramasser des morceaux Le chat (dit :) l’un (de vous) les (fruits) a fait tomber, l’un (de vous) les a ramassés... Les deux verbes sont marqués au duel ici aussi, alors que leur sujet à chacun ci kɯ « l’un » est singulier. Dans cette histoire, il y a trois personnages : un chat, une souris (qui a ramassé les fruits) et un oiseau (qui les a fait tomber de l’arbre), et il est donc clair que le sujet de ces verbes ne peut pas être interprété comme duel. Pendant la révision du texte avec notre informatrice Tshe-‘dzin, elle a pu confirmer que cette phrase était parfaitement correcte, même si l’emploi du singulier serait ici aussi possible. Enfin, on trouve de réelles erreurs, qui ont été identifiées comme telles lors de la réanalyse des textes par notre informatrice. 345 (34) nɯ-jaʁ tɤ-kɯ-ɕtʰɯs ra, nɯ-jaʁ pjɤ-ʁndzɤ́r-nɯ, 3p:main pluriel 3p:main D-haut:NAG:diriger vers tɤ-kɯ-ru ra nɯ-mɲaʁ pluriel 3p:yeux MIP:3p>3:couper pjɤ-tɕɤ́t-nɯ ntsɯ qʰe toujours CONJ (gesar.357-358) D-haut:NAG:regarder MIP:3p>3:prendre (La flèche de Gesar, en tombant), coupait les mains de ceux qui les tendaient (pour attraper la flèche) et creuvait les yeux de ceux qui dirigeaient leurs regards vers elle. Dans cette phrase, les verbes devraient être au singulier (pour s’accorder avec le sujet ici non marqué ouvertement), mais sont marqués au pluriel. Dans ce contexte, deux formes tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 seraient correctes, ou bien pjɤ-ʁndzɤr et pjɤ-tɕɤt, ou bien pjɤ́-ɣ-ʁndzɤr-nɯ et pjɤ́-ɣ-tɕɤt-nɯ. 5.1.2.3 Le préfixe ɣ- On trouve un préfixe ɣ- dans une partie du paradigme transitif, cognat avec w- en cogtse et o- en tshobdun. Ce préfixe a fait l’objet d’études spéciales dans les autres dialectes, notamment Sun et Shi (2002) sur le tshobdun. En japhug, ce préfixe a comme propriété d’attirer l’accent sur la syllabe qui le précède. Si aucune syllabe n’est présente, il se réalise comme ɣɯ́- : (35) kɯ-mɯm a-pɯ-tu tɕe, NAS:bon (à manger) IRR:3s:y avoir CONJ ɣɯ́-ndza NPA:INV:3>3s:manger ɕti NPA:3s:être(affirmatif) Si c’est bon, on le mangera. Ce préfixe a comme autre propriété notable d’arrondir en [u] les /ɯ/ et en [o] les /ɤ/ lorsqu’il se place juste devant ces phonèmes. Ce phénomène rappelle les deux verbes ku-ɣrum « blanc » et ku-xti « grand », où l’on retrouve un arrondissement des /ɯ/ en [u] dans les préfixes placés devant les racines de ces verbes (voir la discussion sur ku-xti au chapitre 4.3.2.2). Comme on peut le constater dans le Tableau 271, Le préfixe ɣ- est obligatoire dans les cas où le sujet est à la troisième personne et l’objet à la première ou à la seconde. Il est possible lorsque les actants sont tous deux à la troisième personne. Dans les cas où l’objet est à la première ou à la seconde personne, le préfixe ɣ- n’a d’autre rôle que d’éviter la confusion avec la forme où c’est l’actant à la première ou la seconde qui est sujet : 346 (36) tɯ-rme nɯ ra homme démonstratif pluriel pɯ-mtó-t-a-nɯ AOR:1s>3p:voir J’ai vu ces gens. (37) tɯ-rme nɯ ra homme démonstratif pluriel kɯ pɯ́-ɣ-mto-t-a-nɯ ergatif AOR:3p>1s:voir Ces gens m’ont vu.75 Selon Sun et Shi, le marquage du sujet et de l’objet par le verbe transitif est lié à l’échelle d’empathie (Silverstein 1976). D’après ce principe, les actants dans la phrase n’ont pas le même statut du point de vue du locuteur. Sun et Shi donnent la hiérarchie suivante : (38) locuteur >> auditeur >> humain >> animaux >> autres objets tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Les actants participants à la conversation (locuteur et auditeur) ont la place la plus élevée, suivie des humains non-participants (3ème personne), puis des non-humains, eux-mêmes hiérarchisés en fonction de leur capacité d’action. La hiérarchie d’empathie ne se reflète pas dans la morphologie dans la plupart des langues, mais en rgyalronguique, le préfixe inverseur w-, o- ou ɣ- selon les dialectes permet de marquer précisément les situations où le sujet est un actant d’un niveau moins élevé sur l’échelle d’empathie que l’objet. C’est le cas des situations où le sujet est à la troisième et l’objet à la première ou à la seconde personne (3 > 1, 3 > 2), où comme nous avons remarqué, le préfixe ɣ- est systématiquement employé en japhug. Enlever ce préfixe changerait le sens de la phrase ou la rendrait agrammaticale. Dans les cas où le sujet est à la seconde et l’objet à la première (2 > 1), selon la hiérarchie présentée en (38), on s’attendrait à ce que le préfixe ɣ- soit présent. C’est le cas dans le dialecte de cogtse, où ces situations sont exprimées par kə-w-R-ŋ. En japhug, la forme est kɯ-R-a, avec un préfixe sagittal kɯ- et le suffixe de première personne –a : le préfixe inverseur n’est pas employé 76. Cela montre qu’en japhug, la hiérarchie doit être : (39) locuteur = auditeur >> humain >> animaux >> autres objets Les participants à la discussion (locuteur et auditeur) ont une place également élevée dans la hiérarchie. Lorsque les deux actants sont à la troisième personne, en revanche, le préfixe inverseur est toujours obligatoire lorsque les actants ne sont pas au même niveau dans la hiérarchie. Si l’on prend l’exemple suivant (adapté en japhug d’un exemple tshobdun de Sun et Shi 2002) : 75 Le marquage de l’ergatif est redondant, mais obligatoire. 76 Le zbu est semblable au japhug de ce point de vue (voir Sun et Shi 2002 : 85, note 13). 347 (40) tɤ-rɤm kɯ pierre qui tombe ERG jla tɤ́-ɣ-xtsɯɣ yak hybride AOR:INV:3>3s:atteindre L’éboulement a blessé le yak hybride. Par ailleurs, lorsque les deux actants sont au même niveau (ex : deux êtres humains) et l’objet se place avant le sujet, le préfixe inverseur est aussi obligatoire : (41) ʁdɤrʑi kɯ ɬamu pɯ-mto rDorje ERG Lhamo AOR:3s>3:voir rDo-rje a vu Lhamo. (42) ɬamu ʁdɤrʑi Lhamo rDorje kɯ pɯ́-ɣ-mto ERG AOR:INV:3>3s:voir tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Lhamo a été vue par rDo-rje. Dans ces cas, le préfixe inverseur remplit un rôle proche de celui du passif en français. Le verbe s’accorde alors en nombre avec l’objet et non avec le sujet. Dans notre glose, nous notons donc le nombre sur le deuxième actant : (43) ɬamu tɯ-rme ra Lhamo hommes pluriel kɯ pɯ́-ɣ-mto (*pɯ́-ɣ-mtó-nɯ *pɯ-mtó-nɯ) ERG AOR:INV:3>3s:voir Les gens ont vu Lhamo Enfin, lorsqu’aucun des deux actants n’est exprimé dans la phrase, la présence ou non du préfixe inverseur permet de présenter le récit du point de vue d’un actant : (44) kʰa to-ɕé-ndʑɯ tɕe, tɯ-ci ɲó-ɣ-jtsʰí-ndʑɯ, maison MIP:D-haut:3d:aller CONJ eau tɯ-mgo ɲó-ɣ-mbí-ndʑɯ tɕe pjó-ɣ-sɯ-rmá-ndʑɯ (ɲimawozɤr.79) nourriture MIP:INV:3>3d:donner CONJ MIP:INV:CAU:3>3d:habiter MIP:INV:3>3d:donner à boire Alors ils (les deux frères) montèrent vers la maison, (le vieillard) leur donna de l’eau à boire, leur donna de la nourriture et les accueillit chez lui pour la nuit. Sans le préfixe inverseur, on pourrait exprimer le même sens de façon non ambiguë en utilisant une forme verbale au singulier dans ce contexte puisque l’autre actant est au singulier : tɯ-ci ɲɤ-jtsʰi, tɯ-mgo ɲɤ-mbi tɕe pjɤ-sɯ-rma. Le préfixe inverseur a également un emploi impersonnel, que nous notons IP1 (impersonnel 1). Il s’emploie de pair avec l’IP2 (impersonnel 2), marqué par un préfixe kɯ-, utilisé avec les verbes intransitifs (avec lesquels ɣ- est impossible). Ces constructions s’emploient dans les phrases exprimant des vérités générales : (45) tɯ-ʑo tɤ́-ɣ-ndza tɕe, ɲɯ-kɯ-tso soi-même AOR:IP1:3>3s:manger CONJ MDR:IP2:3s:comprendre Il faut avoir mangé soi-même pour savoir (si c’est bon). 348 5.1.2.4 Le préfixe kɯ- impersonnel Le préfixe « inverseur » ɣ- a des utilisations comme impersonnel, mais ce préfixe ne peut être employé qu’avec les verbes transitifs. Pour les verbes intransitifs, il existe toutefois un préfixe kɯ- qui exprime l’impersonnel. (nous le notons IP2 dans nos gloses): (46) tɯ-ʑo tu-kɯ-mbro ɲɯ́-ɣ-sɯso soi-même IPF:IP2:haut IPF:INV:3>3s:penser On pense devenir grand. Ce préfixe peut s’employer avec les verbes transitifs pour indiquer une forme passive : la forme au médiatif direct ɲɯ́-ɣ-mto « on le voit » s’oppose à ɲɯ-kɯ-mto « on est vu ». Du fait de la hiérarchie d’empathie cette forme doit s’employer dans les cas où l’agent est un tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 non-humain et le patient un humain : (47) kʰu kɯ tɯ-rme kɯ-ndza ɕti *ɣɯ-ndza tigre ERG homme NPA:IP2:3s>3 :manger NPA:3s:être (affirmatif) Les tigres mangent les hommes. (litt. : (nous), les hommes, on est mangé par les tigres) L’impersonnel en kɯ- ne doit pas être confondu avec le préfixe de nom d’agent et de nom d’action statif kɯ-. Ces formes nominalisées ressemblent souvent aux formes impersonnelles, parce que ni dans l’une ni dans l’autre on ne peut ajouter d’affixe d’accord, et que le verbe ne se trouve jamais au thème 3, mais elles doivent être distinguées de par leur fonction. L’impersonnel en kɯ- fonctionne comme un prédicat, ce que ne peuvent faire formes nominalisées. 5.2 Alternance des thèmes Une des particularités typologiques les plus intéressantes des langues rgyalronguiques est l’alternance de thèmes dans la conjugaison, et l’existence de verbes irréguliers. Ces irrégularités prouvent qu’un système verbal existait en proto-rgyalronguique, même s’il n’incluait pas forcément l’ensemble des affixes présents dans les langues modernes. Nous allons tout d’abord étudier les phénomènes phonologiques qui se produisent sur la racine lorsque sont ajoutés les suffixes de personnes dans le japhug de kɤmɲɯ. Ensuite, nous décrirons le fonctionnement de l’alternance dans les dialectes japhug. Enfin, nous proposerons une reconstruction de ces alternances en proto-japhug. 5.2.1 Assimilation et Umlaut Les phénomènes phonologiques d’assimilation qui s’opèrent lors de la conjugaison 349 ne doivent pas être confondus avec l’alternance de thèmes qui fera l’objet de la section suivante 5.2.2. On rencontre quatre types de phénomènes d’assimilation ou d’Umlaut dans le système verbal du japhug : z Le passage de la finale –s à -z- lorsque suivie de suffixes voisés z L’assimilation de /ɤ/ à /a/ dans les syllabes fermées z Le comportement des voyelles en syllabe ouverte lorsque suivies de /a/ z L’assimilation des finales des racines aux suffixes à nasales. Le premier phénomène concerne les thèmes dont la finale est –s. Suivie de n’importe quel suffixe voisé, cette finale devient –z- : kɤ-βzjos « apprendre » pɯ-βzjóz-a « j’ai appris », pɯ-βzjóz-nɯ « ils ont appris », mais pɯ-βzjós-tɕɯ « nous deux avons appris ». Ce phénomène est général en japhug et s’applique aussi aux composés. Il n’est donc pas tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 propre à la conjugaison. Le second phénomène concerne les thèmes à syllabe fermée dont la voyelle est /ɤ/. Lorsqu’on ajoute le suffixe –a de première personne du singulier, le /ɤ/ de la racine devient invariablement /a/ : Infinitif sens 1s sens kɤ-fɕɤt raconter pɯ-fɕát-a j’ai raconté kɤ-fkrɤm mettre en ordre nɯ-fkrám-a j’ai mis en ordre kɤ-fskɤr contourner jɤ-fskár-a j’ai contourné kɤ-ftɕɤs castrer nɯ-ftɕáz-a je l’ai castré kɤ-rɤlɤj pétrir pɯ-rɤláj-a j’ai pétri kɤ-χɤβ boire complètement kɤ-χáβ-a j’ai bu complètement kɤ-lɤɣ faire paître nɯ-láɣ-a j’ai fait paître. Tableau 272 : Assimilation de /ɤ/ à /a/ à la première personne du singulier avec différentes finales. Ce phénomène se produit sporadiquement dans certains mots composés77 mais n’est en aucun cas productif dans l’ensemble de la langue. 77 Avec le préfixe nominal tɤ- : ta-ma « travail » d’un *tɤ-ma, ta-mar « beurre » d’un *tɤ-mar, ta-sa « chanvre » d’un *tɤ-sa, ou le préfixe sɤ- : sa-kaβ « puis » d’un *sɤ-kaβ (litt. : l’endroit où l’on vient prendre de l’eau). Par ailleurs, ce phénomène se retrouve dans mkʰarmaŋ « peuple » d’un *mkʰɤrmaŋ, emprunt du tibétain ‘khor-dmangs, et peut-être dans le composé paltsaʁ « glaise appliquée sur les plaques de pierres qui servent à construire le toit », de ɯ-pɤl « partie de la louche servant à contenir le liquide ; ici : le contenu d’une poignée » et le suffixe -tsaʁ « seulement, au moins » à valeur diminutive : « une petite poignée (la quantité de glaise à appliquer ?) ». 350 Le troisième phénomène concerne les thèmes à syllabe ouverte. Lorsque ces thèmes sont suivis par le suffixe –a de première personne du singulier, ils se combinent en une syllabe. Cette combinaison se produit de façons différentes : Infinitif sens 1s sens kɤ-sɤŋo écouter nɯ-sɤŋwa j’ai écouté kɤ-rɤru se lever tɤ-rɤrwa je me suis levé kɤ-fka être rassasié tɤ-afka je n’ai plus faim kɤ-fse ressembler fsja je ressemble à qqun kɯ-nɯpaɴqi être paresseux ɲɯ-nɯpaɴqja je suis paresseux Tableau 273 : Influence du –a sur la racine dans les syllabes ouvertes Les voyelles postérieures /u/ et /o/ se confondent en [w] devant –a, les voyelles tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 antérieures /i/ et /e/ se confondent en [j], tandis que lorsque la voyelle de la racine est -a, le suffixe –a se confond avec la racine sans allongement de la voyelle ou ajout de voyelle épenthétique. Pour simplifier la lecture, nous transcrirons systématiquement e-a, i-a, o-a et u-a. Ainsi nous écrirons par exemple nɯ-sɤŋo-a « j’ai écouté ». Comme le japhug ne connaît pas de phénomène de hiatus, aucune confusion n’est possible. Enfin, le dernier phénomène concerne la finale –t. Lorsqu’un préfixe nasal (-nɯ ou –ndʑɯ) suit ces finales, celles-ci s’assimilent en -n. Ce phénomène a été évoqué dans la section 2.4.4 p.80. kɤ-fɕɤt « raconter » ta-fɕɤ́t-nɯ [tafɕɛ́nnɯ] « ils ont raconté ». 5.2.2 Alternance des thèmes dans les dialectes japhug L’alternance de thèmes n’a pas attiré l’attention des linguistes travaillant sur le rgyalronguique jusqu’à l’article de Sun (1994) sur le tshobdun et ses recherches complémentaires sur ce sujet dans les deux articles Sun (2000 a et b) sur le zbu, la langue de Pho-sul / Puxi 蒲西 et le lavrong de ‘Brong-rdzong / Muerzong 木爾宗. Suite à ce travail, des articles sont parus sur le lavrong de ‘Dzo-rogs / Yelong 業隆 (Yin 2002), le japhug de Da-tshang (Lin et Luo 2003) et le cogtse (Lin 2003) qui décrivent les phénomènes d’alternance de thème dans diverses variétés de rgyalronguique. Selon J. Sun. T.-S., on trouve jusqu’à trois thèmes verbaux différents dans les langues rgyalronguiques. Les fonctions et la formation de ces thèmes ont des points communs à travers toutes ces langues. Suivant la terminologie de J. Sun T.-S., nous les désignons par des nombres : z Thème 1 : thème de base, utilisé en particulier dans la plupart des formes nominalisées. z Thème 2 : thème de l’aoriste (en zbu, sert également à marquer le progressif). 351 z Thème 3 : thème du non-passé singulier (au pluriel on emploie le thème 1), utilisé aussi avec les modalités irréelles et impératives. Seuls les verbes transitifs (mais pas tous) distinguent un thème 3 distinct, et ceci dans toutes les langues rgyalronguiques. En plus des trois thèmes découverts par J. Sun, nous proposons de distinguer un thème 4 distinct du thème 2 en zbu : z Thème 4 : thème du progressif. Il est identique au thème 2 sauf pour les trois verbes kɐ-qâr « séparer », kɐ-rɐndzeʔ « couper (des légumes) » et kɐ-rɐpjês « tresser (une natte) » dans les données que nous avons récoltées. Voici un exemple des quatre thèmes en zbu, la langue rgyalronguique tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 morphologiquement la plus riche de la famille : ‹ kɐ-qâr « séparer » (forme nominalisée, thème 1) ‹ nɐ́-qʰar « il a séparé » (aoriste, thème 2) ‹ nə-qér « sépare » (impératif, thème 3) ‹ rɐ-qʰír « il est en train de séparer » (progressif, thème 4) Dans certains verbes du zbu, à l’aoriste et à l’impératif, on observe un recul de l’accent (voir Sun 2000b). Nous notons ces formes par le signe < : ainsi pour le verbe oublier kɐ-lmît (aoriste nə́-lmət, progressif rɐ-lmə́t), nous notons kɐ-lmît, <lmə́t. Au progressif ou au non-passé, l’accent ne recule pas, mais on utilise le même thème 2 ou 3 que pour l’aoriste ou l’impératif. Nous notons toujours les thèmes dans l’ordre que nous nous sommes fixé : ainsi le verbe « séparer » en japhug décrit ci-dessus se notera kɐ-qâr, <qʰar, qér, qʰír. Lorsque le thème 3 ne se distingue pas du thème 1, ou que le thème 4 ne se distingue pas du thème 2, nous n’indiquons que deux ou trois formes en zbu. Dans les dialectes japhug, les thèmes sont beaucoup moins complexes. Aucun verbe n’a plus de deux thèmes verbaux différents (Lin et Luo 2003) : certains verbes ont un thème 2 différent du thème 1, tandis que d’autres ont un thème 3 différent du thème 1. On ne trouve pas de thème 4. z Thème 2 Le thème 2 est limité à trois verbes, chacun d’un type d’alternance différent : signification thème 1 (infinitif) thème 2 (aoriste) type d’alternance aller kɤ-ɕe jɤ-ari supplétion parler kɤ-ti tɤ-tɯt suffixe arriver kɤ-ɣi jɤ-ɣe ablaut Tableau 274 : Survivances du thème 2 en japhug. Dans le dialecte japhug de gSar-rdzong, le thème 2 du verbe kɤ-ɕe est tʰɤr, ce qui 352 s’accorde avec la forme du japhug de Da-tshang que Lin et Luo (2003) ont noté thɐl. Ces formes sont empruntées au tibétain tʰal-ba « passer ». Etant donné que le cogtse a également une alternance semblable pour le verbe aller (thème 1 tʃʰe, thème 2 tʰɐl), il est probable que la forme tʰɤr est ici due à l’influence du rGyalrong oriental sur ces langues. L’alternance observée dans le Tableau 274 pour le verbe kɤ-ti « parler » se retrouve en zbu : on a kɐ-tsʰəʔ, <tsʰít. La finale –t de ces formes se retrouve en rGyalrong oriental ka-tsə̂s sous la forme de –s généralisé à tous les thèmes. Pour le verbe kɤ-ɣi « venir », un Ablaut similaire s’observe en tshobdun (Sun 1994). En japhug, le thème 2 s’observe à l’aoriste jɤ-ɣe « il est venu » (voir 5.4.1.1 pour les fonctions de l’aoriste) avec le nom d’agent perfectif jɤ-kɯ-ɣe « celui qui est venu » (voir la section 8.1.3 p.444). z Thème 3 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 La formation du thème 3 ne s’applique qu’aux verbes transitifs en syllabe ouverte en –a, -u, -o et -ɯ, et se forme d’une façon prédictible et régulière en japhug de kɤmɲɯ : Rime du thème 1 Rime du thème 3 exemples -a -e kɤ-ndza « manger », tɤ-ndze « mange ! » -o -ɤm kɤ-mto « voir », pɯ-mtɤm « regarde ! » -u -e kɤ-βzu « faire », tɤ-βze « fais ! » -ɯ -i kɤ-βzdɯ « ramasser », tɤ-βzdi « ramasse ! » Tableau 275 : Règle d’alternance des thèmes en japhug de kɤmɲɯ. Le thème 3 sert à former l’impératif, l’irréel, le jussif, le non-passé et l’imperfectif quand le sujet est au singulier. Lorsque le sujet est au pluriel, ou lorsque l’objet n’est pas à la troisième personne, le thème 1 est utilisé à ces temps. Cette propriété est partagée par le zbu. Une allusion au suffixe –m du japhug au thème 3 se trouve dans Qu Aitang (1983 [2000:634]), mais cet auteur n’a donné aucun exemple. Dans le paradigme du verbe kɤ-mto « voir » au non-passé dans l’appendice A, on peut constater que le thème 3 ne se trouve que dans les trois situations 1s >3, 2s > 3 et 3s >3, sans préfixe ɣ-. La formation du thème 3 en japhug de kɤmɲɯ est productive : elle s’applique aux emprunts tibétains et même aux emprunts chinois récents. Ainsi du verbe intransitif kɤ-nɯ-koŋtso « travailler au bureau », (ici nɯ- est un préfixe dénominal) dérivé du nom koŋtso « travail au bureau » venant du chinois 工作 gongzuo « travail », on peut dériver un causatif transitif kɤ-z-nɯ-koŋtso « faire travailler au bureau » auquel s’applique l’alternance de thème : ɲɯ-z-nɯ-koŋtsɤm « il le fait travailler ». Il n’est pas certains que la formation du thème 3 soit pleinement productive dans les autres dialectes japhug. En japhug de gSar-rdzong comme dans le japhug de Da-tshang décrit par Lin et Luo 353 (2003), la formation du thème 3 est plus complexe. La voyelle –u, en effet, correspond parfois à –e, parfois à -ɯm. Voici une liste des verbes transitifs ayant la voyelle –u en syllabe ouverte dans le dialecte de gSar-rdzong et leurs cognats dans le dialecte de kɤmɲɯ : Japhug Sens Japhug (gSar-rdzong), Japhug (gSar-rdzong), infinitif thème 3 (kɤmɲɯ) Catégorie kɤ-sɤndu échanger ka-sɤndu sɤndɯm 1 kɤ-sɯjaʁndzu montrer du doigt ka-sɯjaʁndzu sɯjaʁndzɯm 1 kɤ-ngu élever (animaux) ka-ngu ngɯm 1 kɤ-nɤŋumdʑu chercher à ka-nɤŋgɤmdʑu nɤŋgɤmdʑɯm 1 ka-naʁju naʁjɯm 1 s’attirer les tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 faveurs de qqun kɤ-naʁju se curer les dents kɤ-rŋu frire ka-rŋu rŋɯm 1 kɤ-nɤrqʰu éplucher ka-nɤrqʰu nɤrqʰɯm 1 kɤ-sɤrɯru comparer ka-sɤrɯru sɤrɯrɯm 1 kɤ-nɤpɤru diriger (la ka-nɤpɤru nɤpɤrɯm 1 ka-sɤstu sɤstɯm 1 ka-nɯtʂu nɯtʂɯm 1 récolte) kɤ-sɤstu tendre, mettre droit kɤ-nɯtʂu sarcler en sol en marchant kɤ-ʑɴɢu éplucher ka-ʑɴɢu ʑɴɢɯm 1 kɤ-nɯβlu tromper ka-nɯβlu nɯβlɯm 1 kɤ-χsu élever ka-χsu χsɯm 1 kɤ-ʁndɯ frapper ka-ʁndu ʁndɯm 2 kɤ-tʰɯ monter (une ka-tʰu tʰɯm 2 ka-nɤxtʂu nɤxtʂɯm 2 tente), réparer (un chemin), élever (un pont) kɤ-nɤxtʂɯ apporter en passant kɤ-βlɯ allumer un feu ka-βlu βlɯm 2 kɤ-ɣɤmɯ faire l’éloge ka-wɤmu wɤmɯm 2 kɤ-sɤjtɯ accumuler sɤjtu sɤjtɯm 2 354 kɤ-ɣɤjɯ ajouter ka-wɤju wɤjɯm 2 kɤ-ɕtʂɯ déposer chez ka-ɕtʂu ɕtʂɯm 2 qqun kɤ-cɯ ouvrir ka-cu cɯm 2 kɤ-pu cuire dans les ka-pu pɛj 3 braises kɤ-qru accueillir ka-qru qrɛj 3 kɤ-rku mettre dans ka-rku rkɛj 3 kɤ-rndu trouver ka-rndu rndɛj 3 kɤ-ru prédire l’avenir ka-ru rɛj 3 kɤ-stu faire ka-su sɛj 3 d’une tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 certaine manière kɤ-tʰu demander ka-tʰu tʰɛj 3 kɤ-βzu faire ka-βzu βzɛj 3 Tableau 276 : Verbes transitifs à rime –u en japhug de gSar-rdzong, leur thème 3 et leur équivalent dans le dialecte de kɤmɲɯ. On sait que le –u du dialecte de gSar-rdzong correspond parfois à –u, parfois à -ɯ dans le dialecte de kɤmɲɯ. Nous avions reconstruit respectivement *-o et *-u pour ces finales en PGR (réservant *-ɯ pour les cas où l’on trouve -ɯ dans les deux dialectes). Dans les verbes pour lesquels nous reconstruisons *-u (type 2), le thème 3 dans le dialecte de gSar-rdzong est toujours -ɯm. Dans ceux pour lesquels nous reconstruisons *-o, le thème 3 est parfois -ɯm (type 1), parfois -ɛj (type 3). Une explication pour ces phénomènes sera proposée p.356 dans le Tableau 278. La consonne –m dans les thèmes 3 en -ɤm et -ɯm est un suffixe que l’on retrouve en zbu dans le thème 3 de sept verbes : Zbu Zbu Zbu sens japhug tibétain (thème 1) (thème 2) (thème 3) kɐ-ɣdoʔ ɣdû ɣdə̂m battre qqn kɤ-ʁndɯ kɐ-rŋoʔ rŋû rŋə̂m frire (le blé) kɤ-rŋu rngo brngos kɐ-ɕû ɕoʔ ɕə̂m confier, déposer kɐ-nkrós <nkʰrús <nkrəm discuter kɤ-rɤkrɤs gros « discussion » kɐ-rzû rzoʔ rzə̂m élever (animaux) kɐ-zjû zjoʔ zjə̂m ajouter kɤ-ɣɤjɯ kɐ-sɐmbû <sɐmbo <sɐmbəm amasser kɤ-rmbɯ Tableau 277 : Le suffixe –m dans les thèmes 3 du zbu 355 En zbu, on trouve au thème 1 les voyelles –u et –o pour ces sept verbes. Toutefois, ceux-ci correspondent en proto-japhug aussi bien à *-o (kɤ-rŋu) qu’à *-u (kɤ-ɣɤjɯ, kɤ-ʁndɯ) qu’à *-ɯ (kɤ-rmbɯ). Deux de ces exemples sont des emprunts au tibétain. On trouve par ailleurs un verbe du zbu qui a généralisé le thème 3 au thème 1 : kɐ-kʰɐ̂m « donner, transmettre » correspondant à kɤ-kʰo en japhug (on attendrait *kɐ-kʰɐ). C’est le seul exemple en zbu d’un mot correspondant au PGR *-aŋ ayant le suffixe –m. En zbu tout comme en japhug, le choix du suffixe –m pour le thème 3 semble dicté par la voyelle finale. En japhug, il s’ajoute aux rimes *-aŋ, *-o et *-u. Il est remarquable que, dans les deux langues, l’ajout de ce suffixe s’accompagne d’une modification du timbre de la voyelle. Bien qu’on sache que *-um devient -ɯm en japhug, il n’est pas nécessaire d’expliquer ce phénomène par un changement phonétique du proto-japhug aux dialectes modernes. Il convient donc peut-être de reconstruire un suffixe *-ɯm en tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 proto-japhug. Après *-u et *-o, la voyelle *ɯ est tombée. Après *-aŋ, ce suffixe donne -ɐm en zbu et *-ɐm en proto-japhug, ce qui est le résultat de la fusion des deux rimes : avant de tomber, la rime *-aŋ a influencé le suffixe -ɯm. Ces phénomènes, étant communs au zbu et au japhug, remontent à l’ancêtre commun à ces deux langues. Avec les rimes –u venant du PGR *-o en japhug de gSar-rdzong, le thème 3 peut se former soit par -ɯm, soit par -ɛj. Etant donné que seule les formes en -ɯm sont productives, il est possible que l’analogie soit ici en train de brouiller une ancienne distinction où les –u venant de *-o avaient toujours un thème 3 *-ej et où l’opposition entre *-o et *-u était conservée au thème 3. Pour les rimes *-a et (au moins une partie, sinon l’ensemble) des rimes en *-o, l’alternance au thème 3 est avec *-ej puisqu’on trouve -ɛj à gSar-rdzong et –e à kɤmɲɯ. La rime *-ɯ, quant à elle, alterne avec *-ij, car on trouve –i à gSar-rdzong et non -ɪj. Rime du thème 1, proto-japhug Rime du thème 3, proto-japhug Rime du thème 3, proto-japhug (première analyse) (seconde analyse) *-a *-ej *-a-i *-o *-ej *-u *-ɯm *-ɯm *-ɯ *-ij *-ɯ-i *-aŋ *-ɐm *-aŋ-ɯm (? *-ɯm) *-o-i (? *-ɯm) Tableau 278 : Alternance des thèmes en proto-japhug. Etant donné que nous avons analysé le premier type d’alternance comme dû à un suffixe *-ɯm, il semble raisonnable de tenter d’analyser les autres alternances des thèmes par un autre suffixe. Nous proposons de reconstruire un suffixe *-i. Ce suffixe est tombé en japhug, causant l’avancement des voyelles *-a, *-o et *-ɯ et leur confusion 356 respectivement avec *-ej et *-ij. Il est notable que *-a-i ne se soit pas confondu avec *-ɐj. Voici un tableau récapitulatif des rimes à finale *-j ou à voyelle antérieure en proto-japhug, et des rimes à suffixe *-i : gDong-brgyad gSar-rdzong Da-tshang Proto-japhug -i -ɪj -i *-i -i -ɛj -e *-e (initiales non-labiales) -e -oj -oj *-e (initiales labiales) -i -i -i *-ij, *-ɯ-i -e -ɛj -e *-ej, *-o-i, *-a-i -ɤj -ɛj -ɛj *-ɐj tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 279 : Rimes à finale *–j ou à voyelle antérieure en proto-japhug et les rimes à suffixes *-Ci. Notre reconstruction d’un suffixe *-i en proto-japhug est supportée par le tshobdun. Selon Sun (2003a : 496) le tshobdun a un suffixe –jə dont les fonctions sont décrites de la façon suivante : « In direct imperfective sentences with a singular non-first-person actor [...], a transitivity marker –jə is added to verb stems containing no coda other than the glottal stop. » Autrement dit, il s’emploie dans les mêmes conditions que le thème 3 du japhug, à la seule différence que le thème 3 s’emploie aussi avec la première personne dans cette langue. Il donc est vraisemblable que ce suffixe soit cognat avec le suffixe *-i que nous avons reconstruit. Enfin, il est possible qu’un même suffixe *-i soit la cause de certaines alternances vocaliques observées en zbu où l’on trouve un /e/ ou un /i/ au thème 3, comme on peut le voir dans le Tableau 280. Définition Thème 1 Thème 2 Thème 3 tibétain japhug étudier kɐ-vzjɐ vzjʌʔ vzjeʔ sbyangs kɤ-βzjos voir kɐ-mtɐʔ mtʰɐʔ mtiʔ mthong-ba kɤ-mto tirer kɐ-rɐskɐʔ <rɐskʰɐʔ rɐskiʔ creuser kɐ lwɐʔ <lwɐ lwiʔ kɤ-lɣa Tableau 280 : Traces possibles de suffixe *-i de thème 3 en zbu. 357 5.3 Les préfixes directionnels Toutes les langues rgyalronguiques partagent un certain nombre de préfixes directionnels, dont certains, voire l’ensemble, remontent au proto-rgyalronguique. Lin et Luo (2003) ont déjà proposé une analyse du système des directionnels en japhug, pour le dialecte de Da-tshang. Dans une première sous-section, nous étudierons la formation de ces préfixes dans les différentes variétés du japhug, particulièrement celle de kɤmɲɯ dont les préfixes diffèrent légèrement de ceux du dialecte de Da-tshang. Dans une seconde sous-section, nous décrirons l’emploi précis des préfixes directionnels avec les verbes de mouvement au village de kɤmɲɯ lui-même ; les conclusions de cette seconde partie ne tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 seront valide que pour la variété de japhug parlée dans ce village. 5.3.1 Le système des préfixes directionnels en japhug Dans toutes les langues étudiées sauf le zbu, dont le système de préfixes directionnels n’est pas encore élucidé, on trouve trois paires de préfixes. Selon les recherches récentes de Sun (2000a) en tshobdun et en lavrong (dialecte de ‘Brong-rdzong), et de Lin (2002) en cogtse, ces préfixes encodent trois dimensions : haut-bas, amont-aval et est-ouest. Dans les descriptions plus anciennes du cogtse, telles que Lin (1993), la dimension est-ouest avait été décrite comme amont-aval et la dimension amont-aval comme montagne-fleuve (靠山 kaoshan -靠水 kaoshui), mais les recherches de Lin (2002) ont montré que cette confusion était due à la situation géographique particulière de ‘Bar-khams. En japhug de Da-tshang, selon Lin et Luo (2003), la situation est différente (voir 5.3.2). Nous ne nous attacherons qu’à étudier dans cette section que la morphophonologie de ces préfixes. Voici les préfixes directionnels dans plusieurs langues rgyalronguiques : direction japhug cogtse tshobdun lavrong (‘Brong-rdzong) haut tɤ- to- tɐ- ʌ- bas pɯ- nɐ- nɐ- nʌ- amont lɤ- ro- lɐ- lʌ- aval tʰɯ- re- tʰɐ- və- est kɤ- ko- kə- kʌ- ouest nɯ- nə- nə- nə- Tableau 281 : Préfixe directionnels dans plusieurs langues rgyalronguiques. Le préfixe pɯ- du japhug de kɤmɲɯ pour le bas semble une innovation (cette série 358 de suffixes est probablement liée étymologiquement à ɯ-pa « le bas »), tandis que l’ensemble des autres préfixes trouve un équivalent en cogtse, en tshobdun ou en lavrong. Comme en tshobdun (Sun 2000 : 181), on distingue en japhug quatre séries de préfixes. Voici les formes du japhug de kɤmɲɯ : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 1 2 3 4 adverbe de Adverbe Adverbe direction 1 2 haut tɤ- tu- ta- to- tɕɤ-tu taʁ bas pɯ- pjɯ- pa- pjɤ- / pjo- tɕɤ-ki pa amont lɤ- lu- la- lo- tɕɤ-lo lo locʰu aval tʰɯ- cʰɯ- tʰa- cʰɤ- / cʰo- tɕɤ-tʰi tʰi tʰɯchu est kɤ- ku- ka- ko- tɕɤ-kɯ kɯ kucʰu ouest nɯ- ɲɯ- na- ɲɤ- / ɲo- tɕɤ-ndi ndi ndɯcʰu sans jɤ- ju- ja- jo- direction Tableau 282 : Les quatre séries de préfixes directionnels en japhug de kɤmɲɯ Pour la série 4, les formes à -ɤ (pjɤ-, cʰɤ-, ɲɤ-) et les formes à –o (pjo-, cʰo-, ɲo-) sont en variation presque libre (toutefois, les formes en –o sont parfois dues au préfixe inverseur ɣ- qui labialise les voyelles qui le précèdent). Les formes en –o sont ici probablement analogiques. Dans les dialectes japhug de l’est à partir du village de rqaco au canton de gDong-brgyad jusqu’à gSar-rdzong et Da-tshang (Lin et Luo 2003), les préfixes sont légèrement différents. 1 2 3 4 haut tɤ- tu- ta- to- bas pɯ- cu- pa- co- amont lɤ- lu- la- lo- aval tʰɯ- cʰu- tʰa- cʰo- est kɤ- ku- ka- ko- ouest nɯ- ɲu- na- ɲo- sans direction jɤ- ju- ja- jo- Tableau 283 : Les quatre séries de préfixes directionnels en japhug de l’est (gSar-rdzong). Dans ces dialectes, le préfixe du bas présente une différence allomorphique entre les 359 séries 1, 3 et les séries 2, 4. Cette propriété doit être plus archaïque, et le dialecte de kɤmɲɯ doit avoir crée une forme pjɯ- par analogie avec le préfixe de série 1. La correspondance kɤmɲɯ -ɯ :: gSar-rdzong –u nous permet de reconstruire *-u en proto-japhug et la correspondance –u :: -u nous permet de reconstruire *-o. Parmi les préfixes de série 2, les préfixes indiquant le bas, l’aval et l’ouest ont un suffixe *-ju, tandis que les autres ont un suffixe *-o. Pour l’analyse de la série 4, voir page suivante. Nous reconstruisons *kju et *tʰju respectivement pour les préfixes du bas et de l’aval. La reconstruction d’une occlusive *k- pour le préfixe du bas ici est basée sur la forme de l’adverbe de direction tɕɤki « vers le bas » qui a conservé en japhug de kɤmɲɯ la forme correspondant au préfixe ancien. La reconstruction de *tʰ- pour le préfixe de l’aval est tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 basée sur la forme du préfixe de série 1 tʰɯ-. 1 2 3 4 haut *tɤ- *to- *tɤ-a- *to-a- bas *pɯ- *kju- *pɯ-a- *kju-a- amont *lɤ- *lo- *lɤ-a- *lo-a- aval *tʰɯ- *tʰju- *tʰɯ-a- *tʰju-a- est *kɤ- *ko- *kɤ-a- *ko-a- ouest *nɯ- *nju- *nɯ-a- *nju-a- sans direction *jɤ- *jo- *jɤ-a- *jo-a- Tableau 284 : Les quatre séries de préfixes directionnels en proto-japhug. Le préfixe *a- du proto-japhug avec les préfixes de série 4, mais pas ceux de série 3, correspond au préfixe á- de médiatif indirect du cogtse (Lin 2000 : 74). Lin et Luo 2003 ont déjà proposé d’analyser la série 3 comme étant la série 1 suivie d’un préfixe -a-. Lin et Luo (2003 : 20-23) ont décrit les fonctions de base de ces séries en japhug de Da-tshang. Selon elles, l’emploi de ces quatre séries peut se résumer de la façon suivante : z Série 1 : perfectif 1ère et 2ème personne ; impératif z Série 2 : imperfectif ; médiatif indirect passé (deuxième personne) z Série 3 : perfectif 3ème personne z Série 4 : médiatif indirect passé (troisième personne) . En japhug de kɤmɲɯ, la forme des préfixes ne diffère pas du dialecte de Da-tshang excepté pour la formation du médiatif indirect (voir Tableau 286), et nous avons classé dans le Tableau 285 ces séries de préfixes en fonction des catégories de TAM où ils apparaissent. 360 Série de fonction exemple sens aoriste des verbes intransitifs tɤ-ɣe il est venu (vers le préfixes 1 haut) aoriste des verbes transitifs dont tɤ-ndzá-t-a j’ai mangé le sujet est à la première ou à la tɤ-tɯ-ndza-t tu as mangé impératif tɤ-ndze mange ! jussif a-tɤ-ndze qu’il mange nom perfectif ɯ-tɤ-kɯ-ndza celui qui a mangé imperfectif non-passé tu-ndze il mange nom imperfectif ɯ-tu-kɯ-ti celui deuxième personne 2 qui dit tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (d’habitude) 3 aoriste des verbes transitifs à la ta-ndza il a mangé to-ndza il a mangé (je n’en troisième personne 4 médiatif indirect passé ai pas été témoin) médiatif passé intransitif suffixé to-kɤ-mɤtí-ndʑɯ-cʰɯ ils ont discuté des verbes contractes Tableau 285 : Emploi des séries de préfixes dans les catégories de TAM. Un point commun entre les deux langues est la présence d’une série de préfixes spéciale pour les verbes transitifs dont le sujet est à la troisième personne (la série 3 en japhug, la série 4 de Sun). En japhug, le vocalisme de cette série est uniformément /a/, tandis qu’en tshobdun, c’est /e/. Or, il semble que les /a/ du japhug correspondent aux /e/ du tshobdun (c’est le cas aussi avec les /e/ du zbu), et donc que ces préfixes suivent ici les lois de correspondance régulières. C’est là la preuve que cette série de préfixe est reconstructible pour l’ancêtre commun aux deux langues. Les préfixes de série 4 sont à analyser comme des composés de deux morphèmes : d’une part, les préfixes de série 1, et d’autre part, un préfixe a-/ɤ-. En effet, les dialectes japhug diffèrent dans l’ordre par lequel ils placent le préfixe de seconde personne tɯ- et le préfixe a-. Dans les parlers de kɤmɲɯ et de mɤŋi, on place le préfixe a-/ɤ- avant tɯ-, si bien qu’au médiatif indirect passé, le préfixe ne change pas selon les personnes. Les préfixes à vocalisme /u/ tu-, lu-, ku- et ju- de série 2 acquièrent un vocalisme /o/, tandis que ceux à vocalisme /ɯ/ ɲɯ-, cʰɯ-, ɲɯ- développent un vocalisme /ɤ/ suite à la fusion avec le préfixe a-/ɤ-. Dans ces deux dialectes, on peut réellement parler d’une série de préfixes distincte, et le préfixe a-/ɤ- n’est analysable que du point de vue diachronique. 361 Dans les autres dialectes, dont le japhug de Da-tshang (Lin et Luo 2003 : 21), le préfixe a-/ɤ- se place après le préfixe tɯ- de seconde personne, si bien que le vocalisme du préfixe change à la seconde et à la troisième personne (on ne trouve pas de première personne pour cette catégorie verbale). Catégorie kɤmɲɯ mɤŋi autres dialectes japhug MIP, 2s to-tɯ-ndza-t to-tɯ-ndza tu-tɯ-ɤ-ndza [tutɤndza] MIP, 3s to-ndza to-ndza tu-ɤ-ndza [tondza] Tableau 286 : Préfixes du médiatif indirect passé dans les dialectes japhug du verbe kɤ-ndza « manger ». 5.3.2 Le fonctionnement des préfixes directionnels. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 A chaque verbe est associé au moins un préfixe directionnel qui lui sert à former les catégories de TAM à préfixe. Pour la plupart des verbes, le choix du préfixe est lexicalement déterminé. Ainsi, « manger » kɤ-ndza requiert les préfixes tɤ-, tu-, ta-, to- qui indiquent la direction vers le haut. Pour les verbes de mouvement, en revanche, les préfixes indiquent une direction spatiale. Lorsque aucune direction ne peut être spécifiée, on emploie les préfixes jɤ-, ju-, ja-, jo- qui sont précisément réservés aux verbes de mouvement pour cet usage. Selon l’analyse de Jackson Sun T.-S. (Sun 2000a, 2000b et 2003a), les préfixes directionnels des langues rgyalronguiques encodent trois dimensions : haut-bas, amont-aval, est-ouest. Si cette analyse est vraie pour l’essentiel, et présente une grande avancée dans notre compréhension de la morphologie verbale du rgyalrong, on ne peut se contenter de l’appliquer mécaniquement pour comprendre toutes les subtilités de l’utilisation des préfixes en japhug. Nous présenterons tout d’abord une description détaillée de l’emploi des préfixes, puis nous proposerons une analyse de leur emploi p.368. Selon Lin et Luo (2003 : 20), en japhug de Da-tshang, les trois dimensions des préfixes ne recouvrent pas celles du tshobdun ou du somang : la dimension marquée par les préfixes lɤ- / tʰɯ- (lɐ- / thə- dans leur notation) n’indique pas la dimension amont-aval, mais « altitude élevée / altitude basse » (地勢高/ 地勢低). Selon les auteurs, c’est la conséquence de la situation géographique très particulière du village de Da-tshang dont le dialecte est étudié dans cet article : il n’est pas situé dans une vallée. En japhug de kɤmɲɯ, toutefois, le fonctionnement de ces préfixes ne semble pas fondamentalement différent des autres dialectes, et recouvrent bien la dimension amont-aval. Nous avons étudié de façon systématique le fonctionnement des préfixes directionnels au village de kɤmɲɯ. Ce village est un ensemble de hameaux construits sur 362 la rive nord du fleuve comuco (chi. 腳木足 Jiaomujiao, tib. Kyom-kyo). Il est séparé du village de ɣɟɯ-tsʰapa à l’ouest par le ruisseau ɣɟɯ-βɣɤci et du village de mɤŋi à l’est par le ruisseau praʁwu-βɣɤci. Chaque hameau habité a été indiqué par un point, et les pointillés indiquent les chemins. La route étant construite sur la rive sud du fleuve comuco, il convient de prendre le pont au niveau du hameau de cɤmi pour atteindre le village de kɤmɲɯ lorsque l’on arrive par la route. Sur la carte, nous présentons le village de kɤmɲɯ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 vu du versant sud. Carte 1 : Le village de kɤmɲɯ La complexité de l’emploi des préfixes tient au fait que les dimensions est-ouest et amont-aval sont parfois confondues. Ainsi, dans le village de kɤmɲɯ, l’amont du fleuve (tɕɤ-lo) est dirigé vers l’ouest, et l’aval (tɕɤ-tʰi) vers l’est. Lorsqu’on se trouve près du fleuve, l’opposition amont-aval prime et l’opposition est-ouest est réinterprétée comme la une direction perpendiculaire à la direction du fleuve (nord-sud). Ainsi, lorsqu’on se trouve au niveau du fleuve comuco au village de kɤmɲɯ, les préfixes de l’est kɤ-, ku-, ka- ko- indiquent le nord, tandis que ceux de l’ouest nɯ, ɲɯ-, na-, ɲɤ- indiquent le sud. Au niveau du fleuve (ce qui inclut le hameau de cɤmi), pour indiquer que l’on se dirige vers les hameaux situés plus haut dans la montagne, on emploiera soit les préfixes du haut tɤ-, tu-, ta-, to- ou de l’amont lɤ-, lu-, la-, lo-. Les préfixes de l’amont sont obligatoires uniquement pour les hameaux situés sur les ruisseaux (praʁwu, tɤɣɤco et ɣɤrti), tandis que pour les hameaux taʁrdo et kʰijmɤɕom, qui ne sont pas situés très 363 hauts par rapport au niveau du fleuve, on peut employer aussi bien les préfixes du haut que ceux de l’amont. Les dimensions spatiales sont réflexives, et pour désigner la descente de la montagne jusqu’au niveau du fleuve, les préfixes du bas pɯ-, pjɯ-, pa-, pjɤ- ou ceux de l’aval tʰɤ-, cʰɯ, tʰa-, cʰɤ- seront choisi en fonction des mêmes critères : ainsi si le village se trouve sur un ruisseau comme praʁwu, on devra employer les préfixes de l’aval pour désigner la descente jusqu’au niveau du fleuve, pour un hameau tel que taʁrdo, on pourra employer aussi bien les préfixes de l’aval que ceux du bas, et pour les autres hameaux, on devra employer les préfixes du bas. Les préfixes directionnels à employer lorsque l’on part du fleuve (nous indiquons les directions par les préfixes de série 1) sont indiqués dans le Tableau 287 en fonction du hameau de destination. hameau de destination Préfixe tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 cimɤr ciri ɕɯxco ftsi kɤndʐɤŋgɤɣ mɯwa tɤ- (haut) mtʰa prɤɕta prɤku prɤscʰɯ prɯ rɟɯɕɯɣ rpɤŋgɯ tɤɣɤco praʁwu lɤ- (amont) ɣɤrti kʰijmɤɕom tɯlu lɤ- / tɤ- (haut ou amont) taʁrdo Tableau 287 : Préfixes de direction employés pour désigner un déplacement depuis le niveau du fleuve vers chacun des hameaux du village de kɤmɲɯ. Au niveau de la montagne, loin du fleuve, la dimension est-ouest prévaut. Les hameaux de kɤmɲɯ sont classés selon cette dimension. Ceux de l’ouest ndɯcʰu ra comprennent (en partant du bas de la montagne) : cɤmi, tɯlu, taʁrdo, ndʐɤŋgɤɣ, mɯwa, 364 rɟɯɕɯɣ, ftsi, cimɤr et ɕɯxco. Ceux du centre ɯ-χcɤl ra comprennent rpɤŋgɯ, prɤscʰɯ et mtʰa. Ceux de l’est kɯcʰɯ ra comprennent tɤɣɤco, ɣɤrti, kʰijmɤɕom, prɤku, prɤɕta, praʁwu. A l’exception des deux ruisseaux ɣɟɯ-βɣɤci et praʁwu-βɣɤci qui ont chacun leur propre dimension amont-aval, cette dimension est neutralisée dans la montagne, et réinterprétée comme la direction perpendiculaire à la dimension est-ouest, c’est à dire la direction nord-sud. Ainsi, dans la montagne, tɕɤ-lo désigne le nord et tɕɤ-tʰi le sud. Ainsi rpaχku, la montagne inhabitée située sur la rive sud du fleuve comuco en face du village de kɤmɲɯ, est désignée comme tʰɯcu pʰɤri « le côté sud (litt. aval) ». La langue japhug construit un repère basé sur trois dimensions, mais différents environnements peuvent requérir des repères différents. Pour donner une idée la plus exhaustive possible du fonctionnement des préfixes directionnels dans la montagne et justifier notre analyse, nous avons établi pour certains tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 hameaux la liste des préfixes utilisés pour désigner un déplacement vers chacun des autres hameaux du villages. Nous indiquons les directions par les préfixes de série 1. hameau de destination Préfixe rpɤŋgɯ mɯwa tɤ- (haut) ndʐɤŋgɤɣ praʁwu cɤmi tʰɯ- / pɯ- (aval ou bas) tɤɣɤco kɤ- (est) kʰijmɤɕom tɯlu nɯ- (ouest) Tableau 288 : Préfixes de direction employés pour désigner un déplacement du hameau de taʁrdo vers les autres hameaux du village de kɤmɲɯ. Au hameau de taʁrdo, on se trouve approximativement à la même altitude que ceux de tɯlu, tɤɣɤco et kʰijmɤɕom, et on emploie donc la dimension est-ouest (préfixes kɤ- et nɯ-) pour exprimer les déplacements vers ces hameaux. Pour tous les hameaux qui se trouvent plus haut, on emploie la dimension haut-bas (préfixe tɤ-). hameau de destination rgɯnba Préfixe tɤ- (haut) tɯlu taʁrdo pɯ- (bas) cɤmi prɤscʰɯ lɤ- (amont) prɤɕta 365 mtʰa kʰijmɤɕom tʰɯ- (aval) tɤɣɤco praʁwu ɣɤrti kɤ- (est) prɤku ndʐɤŋgɤɣ ftsi nɯ- (ouest) rɟɯɕɯɣ Tableau 289 : Préfixes de direction employés pour désigner un déplacement du hameau de rpɤŋgɯ aux autres hameaux du village de kɤmɲɯ. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Du hameau de rpɤŋgɯ, on emploie ici encore la dimension est-ouest (tɕɤ-kɯ / tɕɤ-ndi) pour désigner les hameaux à la même altitude. Pour les hameaux proches du ruisseau praʁwu-βɣɤci et situés à une altitude plus basse que celle de rpɤŋgɯ, on utilise le directionnel de l’aval tʰɯ-, car pour arriver à ces hameaux depuis rpɤŋgɯ, il faut aller jusqu’à praʁwu puis descendre le ruisseau. Il est étrange que l’on utilise d’ailleurs l’est kɤplutôt que l’aval tʰɯ- pour indiquer la direction de rpɤŋgɯ à ɣɤrti, car ce hameau se trouve sur le ruisseau en aval de praʁwu. Pour aller aux hameaux prɤscʰɯ et prɤɕta, on emploie le préfixe lɤ- de l’amont plutôt que celui de l’est kɤ-. La raison est probablement que ces villages sont situés sur l’autre versant de la montagne (et sont donc au nord, direction interprétée comme l’amont lɤ- dans la montagne). Pour les hameaux situés plus à l’est tels que prɤku, la dimension est-ouest prime sur la direction nord-sud, ce qui fait que l’on emploie le préfixe kɤ-. hameau de destination rgɯnba Préfixe tɤ- prɤscʰɯ prɤɕta moŋlo tɤɣɤco taʁrdo pɯ- tɯlu cɤmi prɤɕta moŋtʰi lɤ- mtʰa tʰɯ- ɣɤrti praʁwu kɤ- ɕɯxco 366 cimɤr rɟɯɕɯɣ ftsi mɯwa ndʐɤŋgɤɣ rpɤŋgɯ Tableau 290 : Préfixes de direction employés pour désigner un déplacement du hameau de prɤku aux autres hameaux du village de kɤmɲɯ. Le fonctionnement des directionnels est quasiment le même à prɤku et à rpɤŋgɯ, mais il convient de préciser deux particularités. Premièrement, le déplacement vers village de tɤɣɤco est ici indiqué par le préfixe du bas pɯ- plutôt que par celui de l’aval tʰɯ- : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 la dimension haut-bas prime ici sur amont-aval, malgré le fait que tɤɣɤco se trouve au bord du ruisseau. Deuxièmement, le hameau de prɤɕta est divisé en deux, prɤɕta moŋlo (du nord, de l’amont) et prɤɕta moŋtʰi (du sud, de l’aval). Paradoxalement, la direction de l’amont lɤ- est utilisée pour prɤɕta moŋtʰi du sud, alors que l’on réserve le haut tɤ- pour prɤɕta moŋlo. Ce paradoxe apparent peut s’expliquer si l’on prend en compte que prɤɕta moŋlo ne se trouve pas seulement au nord, mais aussi à une altitude légèrement plus élevée que prɤɕta moŋtʰi : ainsi la dimension nord-sud (amont-aval) prime pour un déplacement vers prɤɕta moŋtʰi, alors que la dimension haut-bas reprend le dessus pour un déplacement vers prɤɕta moŋlo, plus élevé que l’autre hameau. Le fonctionnement des préfixes directionnels devient irrégulier lorsqu’on désigne les déplacements vers les villages proches de kɤmɲɯ. village de destination (gDong-brgyad) Préfixe mɤŋi nɯ- mɤrʑa nɯ- ɣɟɯtsʰapa kɤ- rqaco pɯ- smɯlju pɯ- Tableau 291 : Villages proches de kɤmɲɯ. Lorsque le déplacement s’effectue par le fleuve (vers Tsho-bdun ou vers mɤŋi), on emploie les préfixes de la dimension amont-aval de façon régulière (amont lɤ- vers Tsho-bdun, aval tʰɯ- vers mɤŋi). En revanche, lorsqu’on marche dans la montagne, on emploie des préfixes de la dimension est-ouest, mais à l’inverse de leur emploi régulier : est kɤ- pour ɣɟɯtsʰapa qui est situé à l’ouest du côté de Tsho-bdun, et ouest nɯ- pour 367 mɤŋi et mɤrʑa, qui sont situés à l’est. Cette anomalie est inexplicable, tout comme l’est l’emploi du préfixe du bas pɯ- pour désigner un mouvement vers les villages de rqaco ou smɯlju. En conclusion, l’analyse selon laquelle les préfixes directionnels indiquent trois dimensions haut-bas, amont-aval et est-ouest est correcte, mais l’utilisation de ces préfixes dans les situations concrètes nécessite la formulation suivante : (48) Lorsqu’on trouve un fleuve ou un cours d’eau à proximité, la dimension amont-aval s’applique à ce cours d’eau, tandis que la dimension est-ouest devient la dimension perpendiculaire au fleuve. (49) Lorsque aucun fleuve n’est à immédiate proximité la dimension est-ouest prime et la dimension amont-aval est réinterprétée comme la dimension nord-sud. Les directionnels ont d’autres usages particuliers. Premièrement, la dimension tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 amont-aval sert à indiquer l’entrée (amont, lɤ-) et la sortie (aval, tʰɯ-) d’un endroit clos (maison, pièce)78. Deuxièmement, la cuisine / salle à manger traditionnelle (kʰɤjmu), quelle que soit son orientation réelle, est découpée selon les dimensions amont-aval et est-ouest. Les kʰɤjmu sont des pièces rectangulaires, dont les quatre côtés ont des noms particuliers. Le côté en face de l’entrée, place du maître de maison, est kʰɤɕkʰɤr, à la droite, la place de la maîtresse de maison, le kʰɤdi, à sa gauche, la place des personnes âgées (qui doivent mettre du bois dans le foyer) est le ɕoŋlo, et en face, la place des serviteurs et des enfants, le soŋdi. Au milieu de la pièce se trouve un foyer tʰɤfka, où l’on fait cuire les aliments sur un trépied sqʰi. 78 C’est le cas également en tshobdun, voir Sun (2003a : 496). 368 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Tableau 292 : Cuisine traditionnelle et préfixes directionnels. L’axe kʰɤɕkʰɤr – soŋdi est interprété dans la langue comme la dimension est-ouest : kʰɤɕkʰɤr est toujours est kɯ-, et soŋdi toujours ouest nɯ-. De même, l’axe ɕoŋlo – kʰɤdi est interprété comme amont-aval : ɕoŋlo est amont lɤ- et kʰɤdi aval tʰɯ-. Dans les cas où les préfixes directionnels codent réellement une direction, nous marquons dans nos gloses juste après la marque de la catégorie verbale un D- (comme direction) suivi de la direction en question : D-haut, D-bas, D-amont, D-aval, D-est, D-ouest. Par exemple, pɯ-ɣe « il est venu (en descendant) » sera glosé [AOR:D-bas:3s:venir]. Dans les cas où le préfixe est uniquement lexicalement sélectionné, on ne marquera rien. Des systèmes de préfixes directionnels typologiquement similaires existent dans les autres langues qianguiques, mais il est difficile de savoir s’il s’agit d’un trait hérité du proto-qianguique : il est possible qu’il s’agisse d’un trait typologique aréal. Pour une étude comparative des systèmes de préfixes dans les langues qianguiques, voir Huang (1993). 369 5.4 Les catégories de TAM en japhug Dans les trois sections précédentes, nous avons décrit les affixes d’accord, les alternances de thèmes des racines et les préfixes directionnels. Les catégories de TAM (temps, aspect et mode) sont formées à partir de ces éléments. Le temps, l’aspect et la modalité sont trois groupes de catégories qui tendent à être marquées par la morphologie verbale dans les langues du monde. Comrie (1976 : 2) définit le temps linguistique (tense) comme le moment d’une situation par rapport à un point de référence (en général, le moment de l’énonciation). Par ailleurs, il défini l’aspect (Comrie 1976 : 5) comme « la façon d’envisager la constitution temporelle (internal temporal constituency) d’une situation ». La modalité, quant à elle, selon Jespersen (1924, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 cité dans Palmer 1986 : 5), exprime « l’attitude d’esprit du locuteur façon au contenu d’une phrase ». Le concept d’aspect, et particulièrement l’opposition entre les deux catégories imperfectif et perfectif vient à l’origine de l’étude des langues slaves. L’usage des aspects dans ces langues ne recouvre pas ceux que l’on retrouve en japhug, mais offre un parallèle typologique qui facilite la description. Selon les travaux de l’école russe d’aspectologie présentés par Zaliznjak et Shmelev (2000 : 54-61), on distingue trois types principaux de situations : les états (состояния), qui sont des situations sans changements pendant une certaine période de temps, les processus (процессы), qui sont des situations homogènes dans lesquelles alternent des phases différentes et en enfin les événements (события) dans lesquels une situation nouvelle fait suite brutalement à une situation ancienne. En russe, l’imperfectif peut décrire ces trois types de situations, tandis que le perfectif ne peut décrire que des événements. Les activités bornées (предельныe) ou téliques sont des processus suivis d’un événement qui en marque l’achèvement, les activités non bornées (непредельные) ou atéliques étant des processus simples. Le passé perfectif du russe correspond quasiment toujours au passé composé ou au plus que parfait du français. En revanche, le passé imperfectif ne correspond pas toujours à l’imparfait du français. On distingue trois groupes de différences d’emploi entre les deux langues, où le passé imperfectif correspond au passé composé : z Les situations atéliques en russes sont toujours marqués à l’imperfectif. En particulier, l’emploi de certains adverbes (tels que всегда « toujours ») obligent l’emploi de l’imperfectif, alors qu’en français il sont compatibles avec le passé composé. Voici un exemple tiré de Cohen (1989 : 35) : Вчера мы играли в шахматы. Hier, nous avons joué aux échecs. 370 z On emploie l’imperfectif lorsqu’une action a été annulée : Ты сегодня открывал окно ? Tu as ouvert la fenêtre aujourd’hui ? (la fenêtre a été refermée). z On emploie également l’imperfectif pour une action dans le passé indéterminé : Ты показывал ей письмо ? Tu lui as montré la lettre ? Comme nous le montrerons, l’emploi du passé perfectif (aoriste) du japhug ne recouvre ni celui du passé perfectif du russe, ni le passé composé du français, et il en va de même pour le passé imperfectif du japhug qui n’est comparable ni au passé imperfectif du russe ni à l’imparfait du français. Etant donné que nous n’avons aucune intention de proposer une théorie de l’aspect, nous ne donnerons pas de définition « absolue » de l’imperfectif et du perfectif. Nous tenterons plutôt de proposer une description la plus exacte possible de l’usage de chacune des catégories. Nous appellerons « imperfectives » les catégories verbales qui peuvent décrire des états et des processus, et « perfectives » celles qui ne tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 peuvent décrire que des événements. Mei Guang, dans un certain nombre de travaux non publiés a proposé que le temps absolu n’existait pas en japhug, et que l’emploi de toutes les catégories verbales de ces langues pouvaient s’analyser en terme d’aspect et de modalité. Cette proposition a été réfutée pour le dialecte de tshobdun par Jackson T.-S. Sun (1998b,1999). En japhug, si certaines catégories sont plus aspectuelles que temporelles en ce qu’elle peuvent s’employer au passé comme au non-passé (aoriste, imperfectif, médiatif direct) d’autres catégories sont strictement limitées à un domaine temporel (passé imperfectif, présent, non-passé). Les données du japhug, comme nous le montrerons, réfutent aussi l’hypothèse de Mei Guang. Une partie de ces catégories a déjà fait l’objet d’études dans d’autres langues telles que le tshobdun et le zbu (Sun 2000ab; 2003), le cogtse (Lin 1993, Lin 2000, Lin 2003) et aussi le japhug de Da-tshang dans Lin et Luo (2003). Nous aborderons tout d’abord les temps du passé, puis les temps du non-passé, puis enfin les modalités. Ensuite, nous consacrerons une section spéciale aux fonctions de TAM de la réduplication partielle. Enfin, dans une cinquième partie, nous décrirons quelques autres préfixes flexionnels indépendants des catégories TAM. 5.4.1 Passé On distingue en japhug quatre catégories non-composées du passé : le passé perfectif ou aoriste (AOR), le médiatif indirect passé (MIP), le passé imperfectif (PIF), le médiatif indirect passé imperfectif (MIF) auxquelles on peut rajouter les catégories faisant usage du préfixe asɯ- / ɤsɯ- : passé imperfectif continu (PIF:CNT) et le médiatif indirect passé imperfectif continu (MIF:CNT). Ces catégories codent à la fois l’aspect et la modalité. 371 L’existence de l’aoriste et du médiatif indirect passé en japhug de Da-tshang a été notée par Lin et Luo (2003 : 20-23), où ces catégories sont appelées 完 成 體 (imperfective) et 間接示證完成體 (indirect evidential). Comme nous l’avons noté p.362, la formation du médiatif indirect passé en japhug de Da-tshang diffèrent de celle du japhug de kɤmɲɯ qui fait l’objet de cette étude. thème série de autre propriété exemples 1 suffixe –t tɤ-xti 3(3. transitif) (1,2s transitif) tɤ-ndzá-t-a « j’ai mangé » 4 suffixe –t to-xti (2s transitif) to-tɯ-ndza-t « tu as mangé (mais je préfixe AOR MIP 2 1 « il a grandi » « il a grandi » n’en ai pas été témoin) » tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 PIF 1 MIF 1 pɯ- suffixe –t pɯ-xti (2s transitif) pɯ-ndza « si... j’aurais mangé » « il était grand » pjɤ-xti « il était grand (je n’en ai pas pjɤ- été témoin » PIF:CNT 1, 2 pɯ-asɯ- MIF:CNT 1, 2 pjɤ-kɤ-ɤsɯ- pɯ-asɯ-ndza suffixe –cʰɯ « il mangeait » pjɤ-kɤ-ɤsɯ-ndzá-cʰɯ « il mangeait » optionnel Tableau 293 : Formation des catégories TAM du passé en japhug. Les catégories employant le préfixe du continu (CNT) asɯ- / ɤsɯ- utilisent soit le thème 1, soit le thème 2 (c’est aussi vrai au non-passé), mais le seul verbe pour lequel on puisse le constater est kɤ-ti « parler », le seul verbe transitif à avoir un thème 2 distinct du thème 1. Les formes de ce verbe sont respectivement pɯ-as-tɯt / pɯ-asɯ-ti et pjɤ-kɤ-ɤs-tɯt / pjɤ-kɤ-ɤsɯ-ti. On peut noter la chute irrégulière du /ɯ/ lorsque le thème 2 est employé. C’est probablement là une indication que cette forme est plus archaïque et que l’autre est analogique. Comme l’ont montré Sun et Shi (2002 : 87-88) et Sun (2003a : 497), on trouve un préfixe apparenté en tshobdun : ɐsɐ-, qui marque un progressif de transitivité haute (high-transitivity progressive, 高及物進行體) utilisé avec les verbes transitifs non préfixés par l’inverseur -o- (voir p. 346). On remarque qu’à certains temps ce n’est pas le préfixe lexical du verbe qui est utilisé, mais un préfixe imposé pɯ- ou pjɤ-. La formation du préfixe asɯ- / ɤsɯ- sera étudiée dans le chapitre 7. Par ailleurs, pour les verbes contractes, la formation du médiatif indirect passé et du médiatif indirect passé imperfectif est particulière et nécessite une description spécifique. Ces catégories seront appelées MIP2 et MIF2 et seront abordées aussi dans le chapitre 7. Toutes ces catégories emploient le négatif passé mɯ-. 372 La marque de l’imperfectif en cogtse na- (Lin 1993 : 234, Lin 2003 : 273) et en tshobdun nɐ- (Sun 2003a : 496) est le directionnel du bas dans ces deux langues, et est donc structurellement équivalente au préfixe japhug pɯ-. On rencontre dans les histoires racontées par la mère de Tshe-‘dzin (voir notamment gesar.108), qui a plus de 70 ans, une forme anormale pour le médiatif indirect passé du verbe kɤ-ti « dire » : kʰɯ-ti et kʰɯ-ti-nɯ, respectivement à la troisième personne du singulier et du pluriel (formes régulières to-ti, to-ti-nɯ). Le préfixe kʰɯ- n’a pas d’équivalent dans le reste de la langue, ni dans les autres langues rgyalronguiques. 5.4.1.1 Aoriste et imperfectif Dans cette section, nous étudierons ensemble les particularités de l’aoriste et du tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 passé imperfectif, afin de mieux mettre en valeur les contextes dans lesquels ils s’opposent. Dans une première partie, nous traiterons de l’usage général de ces catégories, et dans une seconde partie, nous étudierons leur usage dans les phrases complexes. 5.4.1.1.1 Aoriste et passé imperfectif dans les phrases simples En japhug, tous ces temps ne sont pas compatibles avec toutes les catégories de verbes. On peut diviser les verbes en trois types. Premièrement on distingue les verbes intransitifs, auxquels le préfixe asɯ- / ɤsɯ- ne peut être ajouté et qui ne peuvent donc former le passé imperfectif continu et le médiatif indirect passé imperfectif continu. Certains verbes transitifs ne peuvent pas former non plus le médiatif indirect passé, soit parce que leur préfixe lexical est pɯ-, ce qui fait que la forme de l’aoriste et du médiatif indirect passé est identique, soit par incompatibilité sémantique (par exemple : kɤ-nɤsta « s’habituer » n’a pas de forme imperfective). Avec les verbes statifs, qui correspondent aux adjectifs du français, l’emploi de l’aoriste ou du médiatif indirect passé les rend dynamiques (ingressifs) : (50) tɤ-ɕi nɯnɯ tɤ-xti tɕe, tɕe ɯ-rtsɤɣ ra orge DML AOR:3s:être grand CONJ CONJ 3s:segment pluriel tu-lɤt (tɯ-sqar.53) IPF:3s>3:jeter Quand l’orge a grandi, il lui pousse des segments. Seul le passé imperfectif ou le médiatif indirect passé imperfectif permettent d’exprimer un état au passé. L’emploi de l’aoriste ou du médiatif indirect passé avec les verbes statifs développe un sens ingressif : un événement (l’apparition d’une nouvelle situation) suivi 373 d’un état. Ainsi pɯ-xti (PIF) signifie « il était grand (il ne l’est plus) », tɤ-xti (AOR) « il a grandi (il est peut être toujours encore grand) » (événement : devenir grand suivi d’un état : être grand). Deuxièmement, on distingue les verbes transitifs, qui ne peuvent pas former de passé imperfectif pour exprimer un passé imperfectif (pour ces verbes, l’usage du passé imperfectif est limité aux phrases hypothétiques, voir plus bas). Pour ces verbes, l’aoriste s’oppose au passé imperfectif continu ou à la forme composée traitée plus tard : (51) tɯ-ɣjɤn tɕe qɤjɣi tɯ-rdoʁ tɤ-ndzá-t-a *pɯ-asɯ-ndza-a une fois CONJ pain morceau AOR:1s>3s:manger Une fois, j’ai mangé un pain. (52) ɯʑo jɯ-ɣe ri qɤjɣi tɯ-rdoʁ pɯ-asɯ-ndza-a *tɤ-ndzá-t-a79 il CONJ pain morceau PIF:CNT:1s>3s:manger AOR:3s:venir tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Quand il est arrivé, je mangeais un pain. On trouve toutefois un cas avec le verbe « se souvenir », où le préfixe pɯ- semble avoir une valeur imperfective : (53) ɯʑo jɤ-ɣe ri ta-tɯt il CONJ AOR:3s>3:dire NOM AOR:3s:venir nɯ aʑo kɤ-ɕɯftáʁ-a je AOR:1s>3s:se souvenir Lorsqu’il est arrivé, je me suis souvenu de ce qu’il avait dit. (54) ɯʑo jɤ-ɣe ri ta-tɯt il CONJ AOR:3s>3:dire NOM AOR:3s:venir nɯ aʑo pɯ-ɕɯftáʁ-a je PIF:1s>3s:se souvenir Lorsqu’il est arrivé, je m’étais souvenu de ce qu’il avait dit. Une des différences d’usage les plus facilement testables entre aoriste et passé imperfectif est que l’aoriste s’emploie pour exprimer un procès semelfactif ou itératif (многократный). (55) a-ʁi tɯ-ɣjɤn / χsɯ-ɣjɤn tɤ-aɕqʰe 1s:petit frère une:fois / trois:fois AOR:3s:tousser Mon petit frère a toussé une fois / trois fois. La forme pɯ-ɕɯftáʁ-a ne peut pas être considérée comme étant à l’aoriste, car il est impossible d’ajouter tɯ-ɣjɤn « une fois » à cette phrase : (56) tɯ-ɣjɤn ɕe, ta-tɯt une fois AOR:3s>3:dire NOM CONJ nɯ aʑo kɤ-ɕɯftáʁ-a *pɯ-ɕɯftáʁ-a je AOR:1s>3s:se souvenir Une fois, je me suis souvenu de ce qu’il avait dit. L’emploi du passé imperfectif continu pɯ-asɯ-ɕɯftáʁ-a est possible dans ce contexte comme imperfectum de conatu (cf. comme l’usage du passé imperfectif russe уговаривал, но не уговорил) : 79 L’aoriste est tout de même possible dans cette phrase, mais l’interprétation devient différente : « quand il est arrivé, je me suis mis à manger ». 374 (57) ɯʑo jɤ-ɣe ri ta-tɯt nɯ aʑo pɯ-asɯ-ɕɯftáʁ-a il AOR:3s:venir CONJ AOR:3s>3:dire NOMje PIF:CNT:1s>3s:se souvenir Lorsqu’il est arrivé, j’étais en train (d’essayer) de me rappeler ce qu’il avait dit. Le passé imperfectif signifie ici que l’on s’était souvenu avant que l’autre personne ne vienne, tandis que l’emploi de l’aoriste signifie que c’est la venue de l’autre personne qui à causé le fait que l’on se soit souvenu. Il sera toutefois nécessaire de trouver d’autres exemples aussi clairs avant de pouvoir tirer des conclusions sur l’emploi du passé imperfectif avec les verbes transitifs et les différences qu’il présente avec l’aoriste et le passé imperfectif continu. L’usage de l’aoriste et du passé imperfectif ne se limite toutefois pas aux situations passées. Le passé imperfectif sert aussi dans les phrases contrefactuelles, comme nous tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 verrons dans la section sur les modaux : (58) ʑatsa tu-tɯ-ti a-pɯ-ŋu tɕe aʑo pɯ-nɯmbé-t-a tôt MDR:2s>3 :dire IRR:3s:être CONJ je IPF :1s>3s:dédommager ɕti NPA:3s:être (affirmatif) Si tu l’avais dit plus tôt, je l’aurais dédommagé. Dans ces phrases, on peut former le passé imperfectif avec tous les verbes transitifs sans exception, mais il ne s’agit de la même catégorie que du point de vue morphologique, pas du point de vue syntaxique. Contrairement au passé imperfectif qui s’emploie strictement au passé, l’aoriste est en fait une catégorie plus aspectuelle que temporelle, car on peut l’employer couramment pour désigner des faits non-passés, notamment dans les phrases complexes (voir 5.4.1.1.2), mais aussi dans certains énoncés exprimant une action que l’on s’apprête à exécuter (ce dernier usage rappelle l’emploi du perfectif passé russe я пошел dans le sens de « j’y vais ») : (59) nɤʑo jɤ-ɕe, tɕiʑo ni tu IMP:aller nous duel possible (qɤjdoskɤt.38) nɯ-ɴɢɤ́t-tɕɯ ma mɤ-jɤɣ AOR:1d:se séparer à part NGNP:NPA:3s:être Pars ! Nous devons absolument nous séparer ! (60) aʑo tɤ-tɕɯ je garçon ɲɯ-ŋu-a tɕe a-χpɯm ʁnɯs nɯ kɤ-tá-t-a MDR:1s :être CONJ 1s:genou deux DML AOR:1s>3s:mettre (koŋzoŋ.170) Moi, comme je suis un garçon, je vais mettre deux genoux (sur le feu pour faire un tripode). 375 L’aoriste sert aussi paradoxalement à décrire un événement qui se répète (et qui devra donc se traduire par un présent ou un imparfait en français) ; dans ces cas, l’emploi de l’aoriste indique que l’événement se produit de cette façon à chaque fois : (61) aʑo sɲikuku tɤ-rɤru-a tɕe tɤ-lu ku-tsʰi-a je AOR:1s:se lever CONJ lait IPF:1s>3s:boire tous les jours ŋu NPA:3s:être Tous les jours, quand je me lève, je bois du lait (à chaque fois). L’aoriste permet aussi d’exprimer une durée déterminée : (62) aʑo a-ɕɣa je tɯ-tsʰot 1s:dent une:heure χsɯ-skɤrma ʑo nɯ-χtɕi-t-a trois:minute adv. AOR:1s>3s:laver Je me suis lavé les dents pendant trois minutes (mais j’ai fini de me les laver). tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Cette construction s’oppose à imperfectif + ŋu, une forme composée signifiant que l’action est encore en cours (voir la section 5.4.2.3). Pour exprimer les deux bornes d’une période, on est obligé de combiner aoriste et passé imperfectif : (63) aʑo tɯ-tsʰot sqamŋɯs tɕe kɤ-rŋgɯ-a je CONJ AOR:1s:dormir CONJ heure douze tɕe nɯ-mɤɕtʂa jusqu’à maintenant pɯ-rŋgɯ-a PIF:1s :dormir J’ai dormi de midi jusqu’à maintenant. 5.4.1.1.2 Aoriste et passé imperfectif dans les phrases complexes Dans les phrases complexes, le sens de l’aoriste et du passé imperfectif peut changer en fonction de la conjonction utilisée. Nous distinguons onze conjonctions : tɕe, ri, nɯtɕu, ɯ-raŋ, ɕɯmɯma, qʰe, ɯ-rɯru, ɯ-tsi, ma, tɤ-kʰa, nɤ. Certaines sont d’origine nominale (« au moment où » ɯ-raŋ, ɯ-tsi, « à l’instant où » tɤ-kʰa). La conjonction nɤ n’est pas utilisée dans ces cas. Nous allons décrire cinq types de phrases complexes selon le temps du verbe dans les deux propositions (aoriste ou passé imperfectif, plus le cas de l’aoriste au futur). Premièrement, lorsque les verbes des deux propositions sont au passé imperfectif, on rencontre deux cas de figure. Dans le premier cas, avec les conjonctions qʰe ou tɕe, on exprime une relation de causalité entre l’action de la première proposition et celle de la seconde, les deux événements étant simultanés : (64) nɤʑo pɯ-tɯ-rɤʑi qʰe / tɕe pɯ-sɤscit tu PIF:2s:rester là CONJ PIF:3s:être agréable / amusant Comme (grâce au fait que) tu étais là, c’était amusant. 376 Dans le second cas, avec les conjonctions ri, nɯtɕu, nɯra, ɯ-raŋ et ma on exprime la simultanéité des deux événements sans sous-entendre de causalité. La conjonction ma a un sens différent des autres, comme on peut le constater dans les phrases ci-dessous : (65) nɤʑopɯ-tɯ-rɤʑi ri / nɯtɕu / nɯra / ɯ-raŋ pɯ-sɤscit Pendant que tu étais là, c’était amusant (66) nɤʑo pɯ-tɯ-rɤʑi ma pɯ-sɤscit Tu étais là lorsque c’était amusant. Dans cette situation, les autres conjonctions ɯ-tsi, tɤ-kʰa et ɕimɯma ne sont pas grammaticales. Deuxièmement, lorsque le verbe de la première proposition est au passé imperfectif et la seconde à l’aoriste, on rencontre deux cas de figure. Dans le premier cas, avec les conjonctions qʰe et tɕe, on exprime la causalité : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (67) ɯʑo mɯ-pɯ-rɤʑi il tɕe / qʰe aʑo NGPA:PIF:3s:être là CONJ je tɤ-rɤndzɤtsʰi-a AOR:1s:prendre un repas Comme il n’était pas là, j’ai pris un repas. Les conjonctions ɯ-tsi, ɯ-raŋ, nɯtɕu et nɯra ne peuvent pas être utilisées seules dans ce type de phrase, mais peuvent être employées avec tɕe : (68) ɯʑo mɯ-pɯ-rɤʑi ɯ-tsi / nɯra / ɯ-raŋ / nɯtɕu tɕe il CONJ CONJ NGPA:PIF:3s:être là aʑo tɤ-rɤndzɤtsʰi-a je AOR:1s:prendre un repas Pendant qu’il n’était pas là, j’ai pris un repas. Dans le second cas, avec ri et ma, on exprime une concession : (69) ɯʑo mɯ-pɯ-rɤʑi ri / ma aʑo tɤ-rɤndzɤtsʰi-a Bien qu’il n’était pas là, j’ai pris un repas. Les conjonctions ɕimɯma, ɯ-rɯru et tɤ-kʰa ne peuvent pas être utilisées dans ce cas. Troisièmement, lorsque la première proposition est à l’aoriste et la seconde au passé imperfectif, on peut utiliser toutes les conjonctions sauf tɕe, qʰe et ɯ-rɯru : (70) ɯʑo jɤ-azɣɯt nɯra / ɯ-raŋ / ɕimɯma / ri / ma / nɯtɕu aʑo pɯ-rɤʑi-a Quand il est arrivé, j’étais là. Quatrièmement, lorsque les verbes des deux propositions sont à l’aoriste, on peut utiliser toutes les conjonctions sauf ma : (71) ɯʑo jɤ-azɣɯt tɕe / qʰe / ri / nɯtɕu / ɯ-raŋ / ɕimɯma / ɯ-rɯru pɯ-mto-a Quand il est arrivé, je l’ai vu. Deux verbes à l’aoriste l’un après l’autre expriment des événements simultanés ou bien successifs. Les conjonctions n’ont pas toutes le même sens : nɯtɕu implique que l’événement ne s’est produit qu’une fois, tandis que tɕe peut signifier que la même 377 succession d’événements s’est produite plusieurs fois (auquel cas on traduira par l’imparfait en français) : (72) tɤ́-ɣ-nɤmqe-a nɯtɕu nɯ-nɤɕqá-t-a AOR:3s>1s:gronder CONJ AOR:1s>3s:supporter (A ce moment), lorsqu’il m’a grondé, je l’ai supporté. (73) tɤ́-ɣ-nɤmqe-a tɕe nɯ-nɤɕqá-t-a AOR:3s>1s:gronder CONJ AOR:1s>3s:supporter Lorsqu’il me grondait, je le supportais / Lorsqu’il m’a grondé, je l’ai supporté. Enfin, dans les cas où l’aoriste désigne une action se produisant dans le futur, seules les conjonctions tɕe et qʰe peuvent être employées80 : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (74) ɯʑo fso jɤ-azɣɯt tɕe / qʰe aʑo ɯ-ndzɤtsʰi il demain AOR:3s:arriver CONJ je 3s:repas tu-βze-a ra IPF:1s>3s:faire NPA:3s:devoir Demain, quand il arrivera, je ferai son repas. Toutefois, les autres conjonctions ɯ-raŋ, ɯ-tsi, nɯtɕu et ɕimɯma peuvent être employées en combinaison avec tɕe dans ces phrases. A la différence du perfectif russe, mais comme le passé composé français, l’emploi de l’aoriste du japhug n’est pas influencé par la télicité du verbe (en particulier, la définitude de l’objet) : ainsi qɤjɣi tɤ-ndzá-t-a peut signifier « j’ai mangé du pain » ou bien « j’ai mangé le morceau de pain ». 5.4.1.2 Catégories aspectuelles secondaires au passé Nous distinguerons trois autres catégories aspectuelles du passé : les aoristes 2, les imperfectifs composés, et l’auxillaire kɤ-rɲo « avoir fait l’expérience de ». 5.4.1.2.1 Aoriste 2 Dans cette catégorie (que nous notons AOR2 dans les gloses), le verbe ne s’accorde pas avec les actants, bien qu’il ne s’agisse ni d’une construction impersonnelle, ni d’une forme de nominalisation. Pour former l’aoriste 2, on préfixe au thème 1 du verbe un préfixe -tɯ- lui-même précédé du préfixe intrinsèque du verbe à la forme 2. Le perfectif 80 Lin You-jing (communication personnelle, ‘Bar-khams, mars 2003) est à l’origine de l’idée que les postpositions influent sur la valeur aspectuelle de l’aoriste. C’est elle qui a découvert que la valeur future de cette catégorie verbale était liée à l’usage de ces conjonctions en japhug. Toutefois, il semble que le fonctionnement de l’aoriste diffère légèrement entre le japhug de kɤmɲɯ et celui de Da-tshang. 378 immédiat décrit un événement se passant immédiatement avant un autre (celui-là à l’aoriste 1) : (75) aʑo pjɯ-tɯ-mto tɕe ɯʑo pɯ-aʁdɤt je AOR2:voir il AOR:D-bas:3s:tomber CONJ Dès que je l’ai vu, il est tombé. Du fait de l’absence de marque sur le verbe, les pronoms sont fréquents dans ces constructions pour éviter l’ambiguïté, et avec les verbes transitifs, on observe même que les pronoms de première et de seconde personnes peuvent porter la marque d’ergatif (sans que celle-ci soit obligatoire), alors qu’elle est normalement prohibée pour ces pronoms : (76) aʑo kɯ nɯ tu-tɯ-ti tɕe, je CONJ ERG cela AOR2:dire ɯʑo tɤ-sɤmbrɯ il ɕti AOR:3s:s’énerver NPA:3s:être tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Dès que j’ai dit cela, il s’est mis en colère. 5.4.1.2.2 Passé imperfectif composé Cette formation a déjà été décrite dans Lin et Luo (2003 : 22). Avec les verbes transitifs, nous avons vu qu’il est possible de former une catégorie aspectuelle s’opposant à l’aoriste avec le passé imperfectif ou le passé imperfectif continu dans certains cas, mais la manière la plus courante de former l’imperfectif d’un verbe transitif, toutefois, est un temps composé où l’on combine l’imperfectif avec le verbe être auxiliaire au passé imperfectif pɯ-ŋu. Cette construction, a une valeur aspectuelle semblable au passé imperfectif. Elle peut exprimer une action qui se répète dans le passé : (77) ta-ʁndzɤr-pu ci ɲɯ-nɤxtʂɯ́-ndʑɯ tɕe coup de cuve pour nourrir les cochons un IPF:3d>3:faire en passant CONJ tu-nɤpɣaʁláʁ-ndʑɯ ʑo pɯ-ŋu ɲɯ-ŋu. (koŋzoŋ.44) IPF:3d>3:renverser dans tous les sens adv. PIF:3s:être MDR:3s:être Elles lui donnaient un coup avec la cuve pour nourrir les cochons en passant et le frappaient jusqu’à ce qu’il se roule par terre. Ou bien une action continue qui s’est passée dans le passé pendant une période durant un certain temps : (78) pɣɤtɕɯ rcánɯ ɯ-loʁ ŋgɯ ntsɯ ʁɟa-ʁɟa ʑo oiseau 3s:nid intérieur toujours exclusivement adv. CONJ ku-nɯ-rŋgɯ pɯ-ŋu (qacʰɣa.164) IPF:3s:MOY:dormir IPF:3s:être Les oiseaux restaient tout le temps dans leurs nids. Dans les textes, on ne trouve que trois cas de passé imperfectif continu pour 35 cas de passé imperfectif composé imperfectif + pɯ-ŋu. Il est donc clair que la forme composée 379 est la forme préférée pour exprimer le passé imperfectif des verbes transitifs, même si plus de travail est nécessaire pour éclairer la nature de l’opposition sémantique entre les deux catégories. Il est également possible de former l’équivalent de ce temps composé au médiatif indirect en employant pjɤ-ŋu au médiatif indirect passé imperfectif au lieu de pɯ-ŋu au passé imperfectif. 5.4.1.2.3 Parfait avec l’auxiliaire kɤ-rɲo Pour exprimer l’équivalent des adverbes « déjà » et « jamais » du français, on doit employer une forme de passé avec l’auxiliaire kɤ-rɲo « être passé par, avoir fait l’expérience de » à l’aoriste précédé du verbe sous la forme du nom d’action simple (NAC) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ou du nom d’action sans marque (NASM). La formation de cette catégorie sera expliquée dans la section 8.3.1 p.459. (79) aʑo tɯ-sqar kɤ-ndza pɯ-rɲó-t-a je NAC:manger AOR:1s>3s:faire l’expérience tsampa J’ai déjà mangé de la tsampa. Au négatif, cette catégorie se traduit par « jamais » : (80) nɤʑo kɯ-fse a-ŋkʰor nɯ ɯ-mto toi NAS:ressembler 1s:serviteurs DML 3s:NASM:voir mɯ-pɯ-rɲó-t-a (smɤnmi1.157) NGPA:AOR:1s>3s:faire l’expérience (Parmi) mes sujets, je n’ai jamais vu (de personne) telle que toi. 5.4.1.3 Le médiatif indirect Les catégories du médiatif indirect MIP et médiatif indirect passé imperfectif ont des emplois presque parallèles à ceux de l’aoriste et du passé imperfectif, mais expriment des faits dont le locuteur n’a pas été témoin lui-même. C’est typiquement le temps utilisé pour raconter des histoires, ou rapporter des informations de seconde main. La valeur aspectuelle du médiatif indirect passé n’est pas entièrement comparable à celui de l’aoriste : en effet, il ne peut pas être employé avec tɕe pour indiquer un moment précis : (81) nɯ-kʰa ɯ-kɯ-pʰɯt ra to-ɣɯɣu ntsɯ pjɤ-ŋu, 3p:maison 3s:NAG:arracher pl. IPF:3s:se préparer toujours MIF:3s:être tɕendɤre nɯ tɤ-aɣɯɣu nɯtɕu tɕe (ɲimawozɤr.89-90) CONJ cela AOR:3s:se préparer CONJ CONJ (des catastrophes) qui arrachaient leurs maisons étaient toujours en préparation, et au moment où elles se préparaient... 380 Par ailleurs, comme le passé imperfectif, mais à la différence de l’aoriste, le médiatif indirect passé peut exprimer un imperfectum de conatu : (82) ɯ-ɲcʰɣaʁ-thɯm nɯ kɯ to-sɯ-rku nɤ 3s:récipient en écorce de bouleau DML ERG MIP:3s>3:puiser CONJ to-sɯ-rku ri maka mɯ-pjɤ-khɯ MIP:3s>3:puiser CONJ pas du tout NGPA:MIF:3s:pouvoir (tɤ-ru ʁnɯs.10) Elle essayait de l’attraper avec son récipient en écorce de bouleau, mais elle n’y est pas du tout parvenu. Lin (2000 : 78) a remarqué que lors des changements d’états, le médiatif indirect pouvait s’employer même si le locuteur était témoin du résultat du changement. Ainsi, dans cette langue, il est possible de traduire « le riz est cuit » au moyen de cette catégorie tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 verbale aussi bien qu’avec l’aoriste : (83) kʰri ká-smən / kó-smən riz médiatif indirect:être cuit / aoriste:être cuit Dans ces cas, l’aoriste indique que le locuteur a été témoin de l’ensemble du processus de cuisson (en ouvrant de temps en temps le couvercle de la casserole), tandis que le médiatif indirect indique que le locuteur n’a observé que l’état final, le riz cuit. En japhug, la situation est exactement la même : (84) tɯ-mgo ko-smi / kɤ-smi riz MIP:3s:être cuit / AOR:3s:être cuit Le médiatif indirect passé ne permet pas non plus d’exprimer un perfectif futur dans des phrases subordonnées comme l’aoriste. Le médiatif indirect n’est pas compatible avec la première personne, puisqu’il implique un savoir appris par l’intermédiaire de quelqu’un d’autre, sauf lorsque le locuteur n’a pas eu conscience de l’action (par exemple, il était ivre ou malade ou n’a pas fait exprès) et qu’on lui a raconté, qu’il a vu les résultats par la suite, comme c’est le cas en tibétain de l’Amdo (Sun 1993: 964) : (85) qa-pri ci pjɤ-rɤtɕáʁ-a serpent un peu MIP:1s>3s:marcher sur J’ai marché sur un serpent (sans le faire exprès). C’est aussi le cas du verbe kɤ-jmɯt « oublier », pour lequel il est requis d’employer le médiatif indirect passé ɲɤ-nɯ-jmɯ́t-a « j’ai oublié » plutôt que l’aoriste. Le médiatif indirect passé peut servir à rapporter un « oui-dire » : (86) <xinwen> ŋgɯ <zongtong> ɲɤ-si ɲɯ-ti informations intérieur président MDR:3s>3:dire MIP:3s:mourir Aux informations (à la télévision) on a dit que le président était mort. Dans une telle phrase, l’emploi de l’aoriste est impossible. On peut accentuer le sens de « ouï-dire » en employant la particule kʰi : 381 (87) a-ri tɤ-scos pjɤ-rɤt kʰi 1s:petit frère lettre MIP:3s>3:écrire particule modale Mon frère a écrit une lettre (quelqu’un me l’a dit). Mais à part le ouï-dire, le MIP et le MIF permettent d’exprimer une action que l’on devine à partir de traces observables, comme pour l’inférentiel du tibétain bzhag (voir la note de Tournadre dans la traduction française de Kesang Gyurme 1992 : 227). C’est le cas dans cette phrase tirée de Dahl (1985, #60) : (88) kɯ-mɯrkɯ nɯ kʰɯɣɟɲɯ ŋgɯ lo-ɣi ɲɯ-ŋu NAG:voler fenêtre MIP:D-amont:3s:venir MDR:3s:être DML intérieur Le voleur est entré par la fenêtre (phrase du policier ayant constaté des empreintes sous la fenêtre). En cogtse, il ne semble pas que l’emploi du médiatif indirect soit obligatoire dans ces tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 cas, comme on peut le constater dans l’adaptation de cette phrase par Lin (2000 : 107) où une structure nominalisée est privilégiée : (89) kə-ʃmo tə ʃtə wə-kamtsa wə-ngu-s voleur démonstratif 3s:fenêtre 3s:intérieur déterminant ko-kə-pi nə́-ŋos NACP:venir AOR:3s:être Enfin, le médiatif indirect passé imperfectif permet aussi d’exprimer la découverte d’une chose nouvelle81. Cet usage n’est pas médiatif indirect à proprement parler. (90) pjɤ-mpɕɤr nɯ ! MIP:3s:être beau particule. C’est beau (je ne m’en aperçois que maintenant). 5.4.2 Les catégories du non-passé (futur et présent) Pour exprimer le présent et le futur, on trouve quatre catégories, que nous appellerons non-passé (NPA), l’imperfectif (IPF), le médiatif direct (MDR) et le présent (PRE), certains pouvant être adjoint du préfixe aspectuel continu (CNT) asɯ- / ɤsɯ-. chacune de ces catégories emploie le thème 3. Une analyse de la formation de l’imperfectif a été déjà proposée pour le japhug de Da-tshang dans Lin et Luo (2003 : 22, 24). 81 Lin You-jing (communication personnelle, ‘Bar-khams, mars 2003) a découvert cet usage du médiatif indirect passé imperfectif qu’elle appelle « miratif ». 382 thème série de exemples préfixe NPA 3 - ndze « il mange, il va manger » IPF 3 2 tu-ndze « il mange » MDR 3 ɲɯ- ɲɯ-ndze « il mange (je le vois) » PRE 3 ku- ku-ndze « il est en train de manger » MDR:CNT 1, 2 ɲɯ-ɤsɯ- ɲɯ-ɤsɯ-ndza « il mange (je le vois) » PRE:CNT 1, 2 ku-ɤsɯ- ku-ɤsɯ-ndza « il est en train de manger » Tableau 294 : Formation des catégories TAM du non-passé en japhug. En cogtse, on trouve un imperfectif en ko- et thème 2, qui ressemble partiellement au présent continu, et la catégorie « observationnel » en na- et thème 1, dont l’usage tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ressemble au médiatif direct. Dans les deux langues, les préfixes directionnels est-ouest servent donc à marquer la distinction entre deux catégories du non-passé. On utilise le négatif non-passé mɤ- (NGNP) pour le non-passé, mais pour les autres catégories, on se sert du négatif passé mɯ- (NGPA). Au médiatif direct, il existe deux formes négatives concurrentes : une forme fusionnée mɯ́-j-mpɕɤr, et une forme analytique mɯ-ɲɯ-mpɕɤr « il n’est pas beau ». La forme fusionnée est toujours accentuée. Elle se retrouve dans le japhug de gSar-rdzong comme mɛ́j-, et l’on ne sait pas exactement quelle reconstruction proposer en proto-japhug pour ce préfixe. La forme analytique est certainement plus tardive (une recréation analogique). 5.4.2.1 Présent Le présent (PRE) exprime une action en cours de déroulement. Avec les verbes dont le préfixe directionnel lexical est celui de l’est kɯ- / ku-, le présent n’est pas distinct de l’imperfectif. Le présent décrit un état ou un processus incluant le moment du l’énonciation (dans l’exemple ci-dessous le verbe kɤ-nɤma « travailler » emploie les préfixes tɤ- et nɯet non kɤ-, il ne peut donc pas s’agit de l’imperfectif) : (91) a-ʁi qala nɯtɕu tɕʰi ku-tɯ-nɤme (qala kɯ-ɕqraʁ.10) petit frère lapin là quoi PRE:2s>3:travailler Mon petit lapin, qu’es-tu en train de bricoler là ? Toutefois, on peut aussi se servir de cette catégorie pour exprimer une action habituelle, qui peut être un événement, comme dans la phrase ci-dessous : (92) aʑo tɯ-tsʰot kɯ-ɕnɯs tɕe ku-rɤru-a je heure CONJ PRE:1s:se lever sept Je me lève à sept heures (d’habitude). Cette catégorie s’emploie exclusivement au présent. L’usage d’adverbes tels que 383 jɯfɕɯr « hier » ou fso « demain » est impossible avec cette catégorie, ce qui est la preuve que le temps absolu joue un rôle dans le fonctionnement du système TAM du japhug (pace Mei Guang). La distinction entre présent et présent continu (PRE:CNT) n’est pas claire, mais le présent continu ne peut s’employer que pour des actions en cours de déroulement et non des actions habituelles : (93) ɯʑo kɯ tɤ-scos pɤjkʰɯ ku-ɤsɯ-rɤt ɕti il ERG lettre PRE:CNT:écrire NPA:3s:être encore Il est encore en train d’écrire sa lettre. (94) tʰamtʰam aʑo jɤ-ɣe-a maintenant je ɯ-qʰu AOR:1s:venir 3s:après lɤβzaŋ ɯ-ɕki bLo-bzang 3s:DAT ku-ɤsɯ-ti tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 PRE:CNT:3s>3:parler Maintenant que je suis venu, bLo-bzang est en train de lui parler. Au présent continu, l’objet ou un actant au datif ne peuvent être à la troisième personne. Il est donc impossible de dire *a-ɕki ku-ɤsɯ-ti, on doit dire a-ɕki ku-ti « il est en train de me le dire ». Avec le présent, on ne peut employer que les conjonctions ɯ-kʰɯkʰa, tɕe, qʰe, ri et ma. Avec ɯ-kʰɯ-kʰa « en même temps » et deux propositions au présent, on décrit deux processus se produisant en même temps, avec tɕe et qʰe on introduit une relation causale entre les deux propositions, et avec ri et ma on développe un sens adversatif : (95) ɯʑo tɯ-ci ku-tsʰi ɯ-kʰɯ-kʰa qɤjɣi il eau PRE:3s>3:boire CONJ pain ku-ndze PRE:3s>3:manger En même qu’il boit de l’eau, il mange du pain. (96) aʑo qɤjɣi ku-ndze-a je PRE:1s>3s:manger CONJ pain tɕe / qʰe nɤʑo mɤ-kɤ-ndza tu NGNP:NAC:manger me NPA:3s:ne pas y avoir Comme je mange du pain, tu ne peux pas ne pas en manger. (97) aʑo qɤjɣi ku-ndze-a je PRE:1s>3s:-manger CONJ pain ri / ma nɤʑo mɯ́-j-tɯ-ndze tu NGPA:MDR:2s>3:manger Moi je mange du pain, mais toi tu n’en manges pas (en ce moment). 5.4.2.2 Médiatif direct Cette catégorie (notée MDR) s’emploie pour une action dont on a été témoin de ses 384 propres yeux. Avec les verbes dont le préfixe directionnel lexical est celui de l’ouest nɯ- / ɲɯ-, le médiatif direct n’est pas distinct de l’imperfectif. En cogtse, la catégorie « observationnel » (Lin 2000 : 82) à laquelle correspond le médiatif direct a comme particularité de ne pas être compatible avec la première personne, à moins que le verbe soit non-volitionnel. On retrouve une tendance similaire en japhug. Ainsi, pour traduire le français « je suis grand », il convient de dire aʑo mbro-a au NPA, la forme *ɲɯ-mbro-a étant incorrecte. Avec les verbes transitifs, cette contrainte s’observe aussi : on peut dire ndze-a « je mange(rai) » mais non *ɲɯ-ndze-a. Cette contrainte est également valable avec les noms ayant un possessif à la première personne comme on peut le constater pour les deux exemples suivant tiré de Dahl (1985 : #1, #2) : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (98) ki kʰa ki uɣma ɲɯ-xti DMP maison DMP très MDR:3s:être Cette maison est grande (maison devant laquelle on se trouve). (99) a-kʰa uɣma xti 1s:maison très NPA:3s:être Ma maison est grande. Dans ces exemples, lorsque l’on parle d’une maison visible du locuteur et de l’interlocuteur, on emploie le médiatif direct, mais pour désigner sa propre maison, on emploie le non-passé. Avec des prédicats exprimant des actions dont le locuteur n’aurait pas voulu qu’elles se produisent, le médiatif direct est en revanche possible : (100) a-xtu ɲɯ-mŋɤm 1s:ventre MDR:1s:malade J’ai mal au ventre. (101) aʑo ɲɯ-ngo-a je MDR:3s:être malade Je suis malade. Avec les noms de degré en tɯ- (voir la section 8.2.1 p.448), le médiatif direct est prohibé aussi à la première personne : (102) ɯ-tɯ-pe (*a-tɯ-pe) ɲɯ-saχaʁ 3s:NDtɯ:être bien MDR:3s:extrêmement Il va très bien. Lin (2000 : 82) pense qu’en cogtse les prédicats à « l’observationnel » ne sont compatibles avec la première personne que dans le cas d’actions non-volitives ou inconscientes, dont les exemples ci-dessus font parties. Toutefois, il n’est pas encore clair dans l’état de nos recherches si en japhug également toutes les actions non-volitives ou inconscientes à la première personne peuvent être marquée par le médiatif direct. La contrainte sur la première personne peut sembler paradoxale pour une catégorie qui 385 décrit une situation dont on a été témoin de ses propres yeux. En fait, cette catégorie verbale sert à décrire une situation que l’on a observée, mais pas une action que l’on a entreprise de son propre gré. Dans les textes, on ne trouve que très peu d’emploi du médiatif direct à la première personne, et en voici la liste exhaustive : (103) nɤʑo nɤ-sni ɲɯ-ɲaʁ ma aʑo a-sni CONJ je mɯ́-j-ɲaʁ tu 2s:cœur MDR:3s:noir tɕɤn ɬandʐi uɣma nɯ nɤʑo ɲɯ-tɯ-ŋu ma CONJ démon très DML tu MDR:2s:être CONJ 1s:cœur NGPA:MDR:3s:noir aʑo ɬandʐi ɲɯ-máʁ-a je démon MDR:1s:ne pas être (ɬandʐi.10-11) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Ton cœur à toi, il est noir, le mien il n’est pas noir ; le vrai démon c’est toi, moi je ne suis pas (un vrai) démon (le démon fait la morale au moine qui veut tuer un mouton d’un coup de hache). (104) aʑo tɤ-tɕɯ ɲɯ-ŋu-a tɕe a-χpɯm ʁnɯs nɯ je garçon MDR:1s:être CONJ 1s:genou deux DML kɤ-tá-t-a (tɤ-ru ʁnɯs.170) AOR:1s>3s:mettre Etant donné que je suis un garçon, je mettrai deux genoux. (105) a-zda tɕʰeme ɲɯ-ŋu 1s:compagnon fille MDR:3s:être tɕe ɯ-χpɯm ɯ-ntsi CONJ 3s:genou 3s:un d’une paire ka-ta aʑo tɤ-tɕɯ ɲɯ-ŋu-a tɕe AOR:3s>3:mettre je MDR:1s:être CONJ 1s:genou droite et gauche kɤ-tá-t-a tɕe (koŋzoŋ.174-175) AOR:1s>3s:mettre CONJ garçon a-χpɯm cʰoʁe Ma compagne étant une fille, elle mettra un genou, étant donné que je suis un garçon, je mettrai deux genoux, l’un à droite, l’autre à gauche. (106) ɯ-smɤt ɲɯ-ɕi-a ri qʰlɯ ʁdɯxpa-kɤrpu ɯ-me ɲɯ-ŋu-a, 3s:bas IPF:D-est :1s:aller CONJ klu gdug pa dkar po 3s:fille MDR:1s :être ɯ-stɤt ɲɯ-ɕi-a ri tɕʰeme ci ɲɯ-ɕti-a tɕe. 3s:haut IPF:D-est :1s:aller CONJ fille MDR:1s :être CONJ une (gesar.44-46) Si je vais vers le bas, (ils sauront que) je suis la fille de klu-gdug-pa-dkar-po, si je vais en bas, (il penserons que) je suis une (fille commune). (la princesse qui pense ces paroles vient d’avoir été abordée par des chasseurs qui lui ont dit « si tu es une fille de haut caste momtʰa (mo mtha’), va vers le bas, si tu es une fille de basse caste morɤβ (mo rabs), va vers le bas. ») 386 (107) aʑo tɕʰeme ɲɯ-ŋu-a tɕe rŋɯl qaɕpa je CONJ argent grenouille une NPA:3s:y avoir fille MDR:1s:être tɕe nɯ tʰɯ-mqláʁ-a CONJ DML ci ɣɤʑu (ɲimawozɤr.144) AOR:1s>3s:avaler Il y avait une grenouille d’argent, et étant donné que je suis une fille, je l’ai avalée (la fille avale la grenouille d’argent, le garçon avale la grenouille d’or). Ces cinq exemples de médiatif direct avec la première personne ont comme point commun d’avoir des verbes copules kɯ-ŋu, kɯ-maʁ et kɯ-ɕti. Il ne peut pas s’agir d’imperfectifs car ces verbes ont tɤ- / tu- comme préfixe lexical. Dans les exemples (103) et (106), le locuteur se met dans la position de quelqu’un qui se découvre une nouvelle identité : le démon dit qu’il n’est pas un vrai démon, la princesse pense à la manière dont les chasseurs vont interpréter son identité en fonction du chemin qu’elle va prendre, et se tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 place donc de leur point de vue. Dans les autres exemples, nous avons toujours traduit ɲɯ-ŋu-a « étant donné que je suis » : le locuteur se place d’un point de vue général : il présente (dans trois histoires différentes) la façon dont un garçon ou un fille doit se comporter. Dans ces cinq exemples, le locuteur prend un point de vue extérieur sur lui-même, ce que permet d’exprimer l’emploi du médiatif direct. Outre le présent comme dans les exemples ci-dessus, le médiatif direct peut s’employer dans des contextes passés, comme « l’observationnel » du cogtse. (108) jɯfɕo ʑatsa ce matin tôt kɤ-ɣe-a matɕi ɲɯ-tɯ-ngo AOR :D-est :1s :venir CONJ MDR:2s:être malade Ce matin, comme tu étais malade, je suis venu un peu plus tôt. (109) jɯfɕɯr kʰa pɯ-mto-j nɯ uɣma ɲu-xti hier AOR:1p>3:voir NOM très MDR:3s:grande maison (Dahl 1985 : #4, japhug) La maison que nous avons vu hier était très grande. (110) wətə wə-tʃim na-kə́kte (Dahl 1985 : #4, cogtse) DML 3s:maison observationnel:être grand Cette maison était grande. Les phrases (109) et (110) sont des phrases tirées du questionnaire de Dahl (1985). La phrase cogtse est tirée de Lin (2000, appendice 1). Ces phrases sont traduites de façon légèrement différente, car le contexte est plus explicite dans la version japhug que dans la version cogtse, mais il est remarquable de noter que l’on obtient le médiatif direct en japhug et à l’observationnel en cogtse dans le même contexte. Le médiatif direct continu, avec le préfixe continu ɤsɯ- / asɯ-, peut servir à marquer un imperfectif passé : 387 (111) jɯfɕɯr aʑo jɤ-ɣe-a hier je ri AOR:1s:arriver CONJ lɤβzaŋ ɯ-ɕki ɲɯ-ɤsɯ-ti bLo-bzang 3s:DAT MDR :CNT:3s>3:dire Hier, quand je suis arrivé, il en parlait à bLo-bzang (je l’ai vu). On pourrait aussi employer le PIF:CNT pɯ-asɯ-ti dans ce contexte. Il n’y aurait alors aucune indication que le locuteur a été témoin de la scène. Enfin, un comportement curieux du médiatif direct est qu’il est possible d’ajouter la particule modale kʰi indiquant le ouï-dire (et donc normalement le médiatif indirect) après des verbes conjugués au médiatif direct : (112) tɤ-ndɤɣ pɯ-kɤ-ʁeʁe kɯ-fse nɯnɯ poison NACP:arriver à boire NAS:se passer de cette manière DML ra tɕe tɕendɤre nɯ pluriel CONJ CONJ DML NAS:avoir de l’effet kɯ-pʰɤn ɲɯ-ŋu kʰi MDR:3s:être particule (kuwu.20) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 On dit qu’il est efficace pour tous les cas où l’on a bu du poison. (113) uɣma ʑo ɲɯ-mbat kʰi tɕe très adv. MDR:3s:facile particule CONJ (kɯ-ju jmɤlu.3) On dit que c’est (le bois) le plus facile (à couper). Cette anomalie apparente peut s’exprimer si l’on considère que l’on rapporte des paroles de quelqu’un qui a lui-même été témoin du fait en question, et qui a donc utilisé le médiatif direct : on ne fait que rapporter ses paroles. 5.4.2.3 Imperfectif L’imperfectif exprime une situation habituelle, qui peut être état, processus ou événement. Il se distingue des autres temps du non-passé en ce qu’il est le temps privilégié avec lequel on forme l’impersonnel en ɣ- des verbes transitifs. Dans notre corpus, on ne trouve pas d’exemple de présent continu ou de médiatif direct avec ce préfixe. L’imperfectif avec le préfixe ɣ- est la forme verbale la plus courante dans les textes procéduraux dont nous citons ici un exemple tiré de l’histoire « Comment préparer la rTsam-pa » tɯ-sqar.123-127 : (114) tɕʰɯrtsɤm kɯ-maʁ nɯ tɕe tɕe tú-ɣ-χtɕi chu-rtsam NAG:ne pas être NOMCONJ CONJ IPF:IPS:3>3s:laver qʰe iɕqʰa tɤ-tɯ́t-a nɯ tú-ɣ-stu CONJ à l’instant AOR:1s>3s:dire NOM IPF:IPS:3>3s:faire d’une certaine manière qʰe nɤkínɯ qambɯt ɯ-ŋgɯ nɯ tɕu cʰɯ́-ɣ-rŋu qʰe CONJ CONJ DML LOC IPF:IPS:3>3s:frire CONJ sable 3s:intérieur rŋɤmboʁ tɤ-aβzu tɕe qʰe lú-ɣ-tɕɤt, grains explosés AOR:3s:être fait CONJ CONJ IPF:IPS:3>3s:retirer 388 qʰe nɯnɯ nɯ-mɯɕtaʁ CONJDML AOR:3s:être froid cʰɯ́-ɣ-ɣndʑɯr ʑo qʰe tɕe nɯkóʁmɯs adv. CONJ CONJ tout de suite ma IPF:IPS:3>3s:réduire en poudreCONJ nɤki mɤ-kɯ-mɯɕtaʁ nɯ CONJ NGNP:NAS:être froid NOM cʰɯ́-ɣ-ɣndʑɯr tɕe tɕendɤre ʑaʑa ʑo IPF:IPS:3>3s:réduire en poudre CONJ CONJ longtemps avant adv. ɲɯ-tɯl tɕe tɯ-sqar mɯ-ɲɯ-mɯm IPF:3s:devenir mauvais à manger CONJ rtsampa NGPA:MDR:3s:être bon ŋu. NPA:3s:être Les (types de) rtsampa qui ne sont pas du « chu-rtsam », on les lave, on fait ce que je viens de dire, on les fait frire dans du sable, et lorsque les grains explosent, on les enlève, et lorsqu’ils ont refroidi, on les réduit en poudre tout de tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 suite, car lorsqu’on réduit en poudre des grains qui ne sont pas froids, ils deviennent mauvais à manger et la rtsampa n’est pas bonne. L’imperfectif peut s’utiliser également dans les énoncés performatifs, dans lesquels l’énoncé lui-même réalise un action (exemple tiré de Dahl #125) : (115) kɯ-jŋu pjɯ-te-a jɤɣ ma fso promesse IPF:1s>3s:mettre NPA:3s:être possible CONJ demain tɕe nɤ-kʰa ɣi-a CONJ 2s:maison NPA:1s:venir Je te promets que j’irai demain chez toi. Avec l’auxiliaire être pɯ-ŋu, pjɤ-ŋu, ɲɯ-ŋu ou ŋu, l’IPF permet d’exprimer une situation habituelle au passé ou au présent (voir en particulier 5.4.1.2 sur le passé imperfectif composé). L’usage du médiatif direct ou indirect permet de préciser si l’on a été ou non témoin de l’action : (116) aʑo japa sɲikuku tɯ-tsʰot kɯ-tʂɤɣ tɕe je tous les jours heure l’année dernière six tu-tɤru-a CONJ IPF:3s:se lever pɯ-ŋu tʰamtʰam tɕe tɯ-tsʰot kɯ-ɕnɯs tɕe PIF:3s:être maintenant CONJ heure CONJ tu-rɤru-a ŋu. IPF:3s:se lever NPA:3s:être sept L’année dernière, je me levais tous les jours à six heures, maintenant je me lève à sept heures. Avec l’auxiliaire ŋu, l’imperfectif exprime également une situation persistante, en précisant la durée pendant laquelle l’action s’est déjà produite, c’est à dire un événement (correspondant au début de l’action à un temps précis) suivi d’un état ou d’un processus non-borné (il s’oppose en cela à l’aoriste, qui exprime dans ce type de phrase une action achevée voir (62)). 389 (117) aʑo a-ɕɣa tɯ-tsʰot χsɯ-skɤrma ʑo ɲɯ-χtɕi-a je heure IPF:1s>3s:laver NPA:3s:être 1s:dent trois:minutes adv. ŋu Cela fait trois minutes que je me lave les dents (je n’ai pas fini). Comme l’aoriste ou le non-passé, l’imperfectif peut servir à exprimer une action que l’on s’apprête à exécuter (événement) : (118) nɤ-ki nɯ aʑɯɣ ŋu tɕeri ɲɯ-ta-mbi (koŋzoŋ.42) 2s:DMP DML 1s:GEN NPA:3s:être CONJ IPF:1>2s:donner Cette chose avec toi est à moi, mais je te la donne. Enfin, avec les verbes de déplacement, l’imperfectif est parfois un non-passé déguisé, où le préfixe n’est là que pour indiquer la direction. Ainsi lu-ɕi-a, forme apparemment à l’imperfectif, peut signifier « je vais vers l’amont » comme s’il s’agissait d’une forme de tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 non-passé. 5.4.2.4 Non-passé Le non-passé (NPA) en japhug peut s’appliquer à diverses situations au futur et au présent, tout comme le non-passé du tshobdun (Sun 2003: 496) ou du cogtse (Lin 2003 : 258). Cette catégorie peut s’employer pour décrire des situations génériques : (119) ɯʑo ɕɤrwa ɲɯ-ŋu tɕɤn paʁ-ɕa il MDR:3s:être CONJ viande de porc NGNP:NPA3s>3:manger musulman mɤ-ndze. Comme il est musulman, il ne mange pas de viande de porc. Elle peut s’utiliser pour les situations habituelles : mbro-a « je suis grand », et des situations présentes : (120) tɤ-rɤru ma aʑo mbɣóm-a (koŋzoŋ.44) IMP:s:se lever CONJ je NPA:1s:être pressé Lève-toi, car je suis pressée. Enfin, le non-passé peut s’employer pour exprimer le futur, qu’il soit proche ou lointain. A la différence de l’aoriste, qui ne permet d’exprimer au futur qu’un événement, et qui doit être suivi d’une autre proposition, le non-passé peut s’employer avec des états et des processus aussi : (121) ta-nɯmɢla ɕti ma aʑo ɕi-kɤ-pjɤl NPA:1>2s:marcher dessus NPA:3s:être CONJ je HIN:NAC:contourner mɤ-tsu-a (koŋzoŋ.17) NGNP:NPA:1s:avoir le temps Je t’enjamberai, car je n’ai pas le temps de te contourner. (122) fso tɕe nɤ-kʰa ɣi-a demain CONJ 2s:maison NPA:1s:venir Demain, je viendrai chez toi. 390 5.4.3 Les catégories modales On distingue trois catégories qui marquent différents types de modalités particulières. Ce sont l’impératif (IMP), l’irréel (IRR) et l’irréel imperfectif (IRRIP). thème série de exemples préfixe IMP 3 1 tɤ-ndze « mange ! » IRR 3 1 a-tɤ-ndze « s’il mange » IRRIP 3 pɯ a-pɯ-mbro « s’il était grand » Tableau 295 : Formation des catégories TAM de mode en japhug. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Lin Xiangrong (1993 : 241-244) a présenté brièvement le fonctionnement de l’impératif et de l’irréel en cogtse, Jackson T.-S. Sun (1998b, 2000b) a proposé une description très approfondie de leur fonctionnement, et Lin You-jing (2000) a appliqué la méthode de Sun (2000b) à l’étude du cogtse. Dans ces trois catégories, comme dans l’ensemble des langues rgyalronguiques, le thème 3 n’est différent du thème 1 qu’au singulier des verbes transitifs. L’impératif indique toujours la seconde personne, mais on peut lui adjoindre les suffixes de nombre –nɯ et –ndʑɯ. Il indique un ordre à réaliser immédiatement, et en cela s’oppose au jussif. La forme négative de l’impératif se forme de la façon suivante : préfixe négatif ma- + préfixe directionnel de série 1 + préfixe de seconde personne tɯ- + verbe au thème 3. Par exemple, avec le verbe kɤ-ndza « manger » : (123) qɤjɣi tɤ-ndze / tɤ-ndzá-ndʑɯ / tɤ-ndzá-nɯ Mange / mangez du pain. (124) qɤjɣi ma-tɤ-tɯ-ndze / ma-tɤ-tɯ-ndzá-ndʑɯ / ma-tɤ-tɯ-ndzá-nɯ Ne mange pas / ne mangez pas de pain. L’irréel peut servir de jussif, où un ordre est donné à une personne à laquelle le locuteur ne s’adresse pas directement : (125) a-tɤ-ɕime stu ku-xti a-lɤ-ɣi ɲɤ-ra (koŋzoŋ.236) 1s:jeune fille plus NAS:grande IRR :D-aval:3s:venir MIP:3s:devoir Que vienne la fille aînée ! Par ailleurs, l’irréel permet d’exprimer un impératif distal (comme en tshobdun et en cogtse, Sun 2000b, Lin 2000) lorsqu’il est utilisé à la seconde personne. La différence est que l’irréel indique une tâche qu’on devra accomplir dans le futur à un moment précis : 391 a-ɣɯ-lɤ-kɯ-sɯ-mtsʰám-a (126) ma HER:IRR:D-amont:CAU:2s>1s:entendre CONJ aʑo ɣi-a je NPA:1s:venir ra (koŋzoŋ.132-133) NPA:3s:devoir (A ce moment là), tu (devras) m’informer car je viendrai. La phrase ci-dessous montre la différence d’usage entre les deux types d’impératifs : un des ordres est à accomplir immédiatement, l’autre est à accomplir à un moment déterminé du futur : (127) nɤʑo χwɤr kɤ-ɕe tɕe saŋtɕɤn-mbrɯɣmu tu Hor IMP:s:aller CONJ sangs-chen-‘brug-mo ɯ-ɲɯ́-ɣi nɤ QU:IPF:D-ouest:3s:venir CONJ a-tɤ-tɯ-tʰe (gesar.335) JUS:2s>3:demander Vas à Hor, et (lorsque tu arriveras là-bas), demande si Sangs-chen-‘brug-mo (la tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 femme de Gesar) va revenir chez nous (à l’ouest). Dans cette phrase, la forme à l’imperfectif ɯ-ɲɯ́-ɣi est en fait un non-passé auquel on a rajouté un préfixe directionnel pour préciser la direction (voir la fin de la section 5.4.2.3). Avec les verbes statifs, on peut former une forme imperfective d’irréel : ainsi la forme imperfective a-pɯ-mbro « s’il était grand » peut s’opposer à la forme normale a-tɤ-mbro « s’il devenait grand ». L’irréel est aussi employé dans les conditionnelles, mais nous n’étudierons cet emploi que dans la section 5.4.4.1, où l’irréel et la réduplication partielle seront comparés. 5.4.4 Les fonctions flexionnelles de la réduplication partielle Comme nous l’avons montré dans le chapitre 2, la réduplication partielle est un processus phonologique d’une grande importance pour analyser la structure de la syllabe. Comme le fonctionnement morphophonologique de ce processus a déjà été décrit exhaustivement dans le chapitre 2, nous n’aborderons ici que ses fonctions morphosyntaxiques. Lorsque la réduplication partielle a une fonction flexionnelle, la première syllabe du verbe subit la réduplication82, tandis que lorsqu’elle a une fonction dérivationnelle, c’est la dernière syllabe de la racine qui la subit. La réduplication partielle a trois fonctions verbales flexionnelles et deux fonctions dérivationnelles, lesquelles seront étudiées dans la section 6.7 p.413. Parmi les fonctions 82 C’est là la preuve qu’il s’agit bien d’un procédé morphologique flexionnel (voir l’appendice C) car les procédés morphologiques flexionnels sont placés plus loin de la racine que les procédés dérivationnels, et comme la réduplication partielle s’applique dans ces cas à la première syllabe, c’est le préfixe le plus éloigné de la racine, qui appartient à la même cas que le préfixe a- irréel ou le préfixe ɯ́- interrogatif. 392 flexionnelles, on distingue les subordonnées hypothétiques, l’expression d’une augmentation (de plus en plus) et l’expression de la répétition (à chaque fois). 5.4.4.1 Subordonnées conditionnelles : réduplication / irréel Dans ce type de subordonnées, la réduplication partielle est utilisée pour construire une forme verbale hypothétique correspondant au « si » du français. Dans ces contextes, elle ne s’oppose qu’à une seule autre forme verbale : l’irréel. Dans ces subordonnées, le verbe rédupliqué est toujours suivi de la conjonction nɤ. (128) ɯʑo jɯ-jɤ-azɣɯt nɤ pjɯ-ta-sɯ-mtsʰɤm il RED:AOR:3s:arriver CONJ IPF:1>2s:CAU:entendre S’il était venu, je te l’aurais dit. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (129) CONJ jɯfɕɯr nɤʑo nɤ-kɤ-nɤma nɯstʰi hier tu 2s:NAC:travailler autant RED:NGPA:PIF:3s:être dur nɤ nɤʑo jisŋi mɤ-tɯ-ɲɤt tu aujourd’hui nɯstʰi autant ci mɯ-mɯ-pɯ-ɴqa un NGNP:NPA:2s:être fatigué Si tu n’avais pas travaillé autant hier, tu ne serais pas aussi fatigué maintenant (litt. : si ton travail n’avais pas été aussi dur). Comme le montrent ces deux exemples, l’usage de la réduplication partielle recouvre à la fois les subordonnées conditionnelles réelles et irréelles (Lin 2000 : 86-87), et prend le pas sur celui de l’irréel. Comparons la phrase suivante tirée de l’ouvrage de Dahl (1995, #106) en japhug et en cogtse de Lin (2000) : (130) jɯfɕɯr tɤ-potso ɯ-rŋɯl jɯ-jɤ-azɣɯt nɤ hier garçon RED:AOR:3s:arriver CONJ 3s:argent ɯ-tɕʰeme-χti ɣɯ ɯ-tɤ-poro χti 3s:fille-amie GEN 3s:cadeau NPA:3s>3:acheter Hier, si le garçon avait obtenu l’argent, il aurait acheté un cadeau pour son amie (le garçon attendait une somme d’argent mais ne l’a pas obtenue). (131) məʃer poŋi ́ a-nə́-pja-w ti tə-mi ta-pu Hier argent IRR:3s>3:obtenir CONJ fille enfant wə-swɐ te kî-w (cogtse, Lin 2000 : 87) 3s:cadeau un NPA:3s>3 :acheter Dans cette phrase, où le cogtse utilise l’irréel, le japhug se sert de la réduplication. La valeur de l’irréel du japhug est donc différente de celle du cogtse. La réduplication doit absolument s’employer dans les conditionnelles réelles : (132) tɤ-jmɤɣ kɯ-ku-tɯ-ndze nɤ nɯɕima tɤ-z-nɯne champignon RED:PRE:2s>3:manger tout de suite IMP: s:CAU: s’arrêter 393 ma mɯ́-j-pe CONJ NGPA:MDR:3s:être bon Si tu es en train de manger le champignon, arrête tout de suite car il n’est pas bon (il est toxique). (133) lɤβzaŋ pɯ-pɯ-tɯ-ŋu nɤ nɯɕima bLo-bzang RED:PIF:2s:être CONJ jɤ-nɯ-ɕe tout de suite IMP:MOY:s:aller Si c’est toi bLo-bzang, va-t-en tout de suite (on sait que bLo-bzang allait venir, et on entend quelqu’un entrer). (134) nɤʑo kɯ-mɯrkɯ pɯ-pɯ-tɯ-ŋu nɤ ʑatsa tɤ-ti tu NAG:voler CONJ tôt IMP:s:dire RED:PIF:2s:être ɲɯ-mna MDR:3s:mieux valoir Si c’était toi le voleur, il vaut mieux que tu le dises le plus tôt possible. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Dans les phrases de ce type, aussi bien en japhug qu’en cogtse, l’usage de l’irréel est strictement interdit. En cogtse, c’est une construction préfixée en mə- qui tient le rôle de la réduplication (exemple tiré de Lin 2000 : 88) : (135) ʃɐrwɐ mə-tə-ŋô-n rə pakʃa musulman mə:NPA:2s:être CONJ viande de porc mɐ-tə́-zɐ-w NGNP:NPA:2s>3 :manger Si tu es musulman, tu ne manges pas de porc. En revanche, dans les conditionnelles irréelles, l’irréel et la réduplication sont tous deux possibles, et leur opposition sémantique n’est pas toujours claire : (136) jɯfɕɯr rŋɯl a-ɕki a-nɯ-tɯ-kʰɤm / nɯ-nɯ-tɯ-kʰo-t nɤ hier argent 1s:DAT IRR:2s>3:passer / RED:AOR:2s>3:passer CONJ tɕe nɤ-poro CONJ 2s:cadeau PIF:1s>3s:acheter pɯ-χtɯ́-t-a ɕti NPA:3s:être-affirmatif Si tu m’avais donné de l’argent hier, je t’aurais acheté un cadeau. La différence entre les deux peut s’observer dans l’exemple suivant de proposition contrefactuelle : (137) aʑo rɟɤlpu a-pɯ-ŋu-a tɕe sɯ-sát-a je IRR:1s:être CONJ NPA:CAU:3s>3:tuer NPA:3s:être-affirmatif roi ɕti Si j’étais roi, je le ferais tuer (mais je ne pourrai jamais le devenir). (138) aʑo rɟɤlpu pɯ-pɯ-ŋu-a nɤ je RED:PIF:1s:être CONJNPA:CAU:3s>3:tuer roi sɯ-sát-a ɕti NPA:3s:être-affirmatif Si j’étais roi, je le ferais tuer (il est possible que je le devienne un jour). 394 Dans les deux cas, il s’agit bien d’une contrefactuelle, car le locuteur n’est pas lui-même un roi et la première proposition est donc fausse, mais l’usage de la réduplication au lieu de l’IRR rend la phrase moins hypothétique. Elle pourrait être prononcée par quelqu’un de la famille royale qui pourrait devenir roi un jour. Il convient de noter que, bien que pɯ-pɯ-ŋu nɤ signifie normalement « s’il est ... », la forme figée mɤʑɯ pɯ-pɯ-ŋu nɤ signifie « par ailleurs ». 5.4.4.2 Expression d’une augmentation La réduplication partielle est également le moyen standard en japhug pour traduire le français « de plus en plus ». Il s’emploie dans ce sens avec l’adverbe ʑo, suivie du verbe être au médiatif direct ɲɯ-ŋu, ou de la particule kɯ. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Cette construction permet d’exprimer l’augmentation d’une propriété. C’est notamment le cas avec les verbes statifs qui traduisent les adjectifs du français. (139) tɯ-tu-mbro ʑo ɲɯ-ŋu RED:IPF:3s:être haut adv. MDR:3s:être Il est de plus en plus grand (d’un enfant) Avec d’autres verbes, cette construction exprime une augmentation dans la fréquence de l’action : (140) tɯ-tu-ɤɕqʰe ʑo ɲɯ-ŋu RED:IPF:3s:tousser adv. MDR:3s:être Il tousse de plus en plus souvent. Il est impossible d’appliquer cette construction à des verbes transitifs, aussi l’emploie-t-on de façon privilégiée avec les verbes réfléchis : (141) tɯ-tu-ɤmɯmí-tɕɯ ʑo RED:IPF:1d:s’entendre adv. Je m’entends de mieux en mieux avec lui (nous (deux) nous entendons de mieux en mieux l’un et l’autre). Dans d’autres cas où l’usage d’une construction réfléchie est impossible, il est nécessaire d’utiliser un verbe statif, comme kɤ-ɣɤdɤn « augmenter » : (142) aʑo tɤ-lu kɤ-tsʰi tɯ-tɤ-ɣɤdán-a je lait NAC:boire RED:AOR:1s:augmenter Je bois de plus en plus de lait (litt. : en ce qui concerne l’action de boire du lait, j’augmente). 5.4.4.3 Expression d’une action se répétant systématiquement La réduplication permet enfin d’exprimer que deux actions sont liées : l’une action se 395 répète à chaque fois que l’autre se réalise. Dans ces cas, il convient d’ajouter la particule ʑo après le verbe : (143) rgɯnba jɯ-ju-ɕe-a ʑo monastère RED:IPF:1s:aller adv. ku-rɯskɤrwa IPF:1s:faire touner les moulins à prière ŋu NPA:3s:être A chaque fois que je vais au monastère, je fais tourner les moulins à prière. 5.4.5 Autres préfixes flexionnels tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Au cours de ce chapitre, nous avons présenté les affixes flexionnels liés aux catégories de personne, de direction et de TAM. Certains affixes de morphologie flexionnelle n’ont toutefois pas été traités dans les sections précédentes. Ce sont les préfixes de direction ɕɯ- et ɣɯ-, le préfixe nɯ- de situation persistante, le préfixe jɯd’immédiat et le préfixe nɯ- de « voix moyenne ». 5.4.5.1 Préfixes de déplacement ɕɯ- et ɣɯ- Ces préfixes ɕɯ et ɣɯ- permettent d’indiquer la direction de l’action par rapport au locuteur, comme les directionnels hin et her de l’allemand ou 来 / 去 du chinois. Ils se placent avant les préfixes directionnels mais après le a- de l’irréel ou les préfixes de négation. Ainsi on dit mɤ-ɕɯ-nɤtɯti-a « ne n’irai pas raconter partout » et non *ɕɯ-mɤ-nɤtɯti-a mais ɕ-tɤ-χti « va l’acheter » et non *tɤ-ɕɯ-χti. Le préfixe ɕɯ- (noté HIN dans nos gloses) indique que l’action s’accompagne d’un déplacement s’éloignant du locuteur où du lieu où il se trouve. Il peut se traduire comme comme « aller ... ». Devant les préfixes directionnels, il a quatre allomorphes différents. D’une part, la voyelle tombe. Lorsqu’il se trouve devant un préfixe à consonne sonante, il devient voisé z- ou ʑ-, et lorsqu’il se trouve devant un préfixe à consonne sourde, il reste sourde s- ou ɕ-. Dans les cas des préfixes à initiale palatale où à médiane palatale, le préfixe ɕ- alvéolo-palatal devient dental (on a montré dans la section 2.3.5.10 p.71 que les préinitiales ɕ- / ʑ- étaient incompatibles avec des initiales palatales ou avec des groupes à médiane -j-). La distribution des allophones de ɕɯ- devant les préfixes directionnels est résumée dans le tableau ci-dessous, où nous n’avons indiqué que les deux premières séries de préfixes, la série 3 et la série 4 se comportant respectivement comme la série 1 et la série 2 : 396 série 1 série 2 allomorphe de ɕɯ- tɤ-, pɯ-, tʰɯ-, kɤ- tu-, ku- ɕ- lɤ-, nɯ- lu- ʑ- pjɯ-, cʰɯ-, s- ɲɯ-, ju- z- jɤ- Tableau 296 : Allomorphes de ɕɯ- en fonction du préfixe directionnel qui le suit. Devant les autres préfixes ou les racines verbales, le préfixe ɕɯ- ne change pas. Le préfixe ɣɯ- (que nous notons HER dans nos gloses) n’a pas d’allomorphie variée comme ɕɯ-, et a le sens inverse : il implique que l’action implique un déplacement vers soi. Il peut se traduire la plupart du temps comme « venir ... ». Ce préfixe ɣɯ- se distingue tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 du préfixe ɣɯ́- inverseur et impersonnel en cela qu’il n’attire pas l’accent. Ces deux préfixes sont dérivés respectivement de la grammaticalisation de kɤ-ɕe « aller » et de kɤ-ɣi « venir » qui devaient être des verbes indépendants à un stade de la proto-langue, mais qui se sont agglutinés au verbe pour devenir de simples préfixes. En cogtse, la grammaticalisation est poussée encore plus loin, car le préfixe po- dérivé du verbe « venir » dans cette langue n’exprime même plus un déplacement, mais a développé une valeur modale de prospectif (Lin 2000). 5.4.5.2 Le préfixe nɯ- de situation persistante Ce préfixe (noté PST dans nos gloses) peut s’employer au présent à la forme affirmative et à l’aoriste à la forme négative. Au présent, il indique qu’un état ou un processus est en train de se continuer. Il s’emploie souvent avec l’adverbe pɤjkʰu « encore » : (144) aʑo pɤjkʰu ku-nɯ-mtsɯ́r-a je encore PRE:PST:1s:avoir faim J’ai encore faim. A l’aoriste, à la forme négative, le préfixe directionnel tombe devant nɯ-. Le préfixe nɯ- de situation persistante a deux usages à la forme négative de l’aoriste. Tout d’abord, il permet d’exprimer qu’une situation ne se reproduira plus. Il s’emploie en général avec l’adverbe nɯma « ne plus » (cet adverbe signifiant littéralement « à part cela »). Ainsi, avec le verbe kɤ-mto « voir » (préfixe lexical : pɯ-) : (145) nɯma mɯ-nɯ-mtó-t-a plus AOR2:1s>3s:voir Je ne le verrai plus. 397 (146) aʑo nɯ ɯ-qʰu ʁlaŋsaŋtɕʰin ɣɯ ɯ-jɯm je 3s:après gesar GEN 3s:femme DML mɯ-nɯ-sna (gesar.354) AOR2:être digne Désormais, après cela, je ne serai plus digne d’être la femme de Gesar ! Ensuite, l’aoriste 2 est utilisé avec certains verbes transitifs causatifs de verbes statifs (tels que kɤ-ɣɤxti « faire grandir » tiré de ku-xti « grand »). A l’aoriste 1 à la forme négative, le négatif porte sur l’action entière : (147) mɯ-tɤ-tɯ-ɣɤdɤn AOR:2s>3:faire augmenter Tu ne les as pas rendus plus nombreux. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 En revanche, l’aoriste 2 permet dans ces phrases de faire porter sur l’état atteint et non sur l’événement qui cause le nouvel état : (148) mɯ-nɯ-tɯ-ɣɤdɤn AOR2:2s>3:faire augmenter Tu les as rendus moins nombreux. 5.4.5.3 Préfixe jɯ- d’immédiat Ce préfixe que nous notons IMM, peut s’ajouter avant des verbes conjugués à l’aoriste ou au non-passé : à l’aoriste il signifie que l’action a failli se produire, tandis qu’au non-passé il indique que l’action est sur le point de se produire. Sun (2003a : 496) a noté l’existence d’un préfixe jə- identique en tshobdun (relative future prefix) ayant ces deux mêmes fonctions. Voici des exemples de son emploi à l’aoriste (faillir) : (149) rdɤstaʁ ta-lɤt, zɯmi ʑo jɯ-tɤ́-ɣ-tsɯɣ-a pierre presque adverbe IMM:AOR:3s>1s:atteindre AOR:3>3:lancer Il a jeté une pierre, et j’ai failli être atteint. (150) nɤrwɯ kɯ pʰɯntshoʁ ʑ-na-βɟi tɕe, Norbu ERG Phuntshogs HIN:AOR:3s>3:poursuivre CONJ jɯ-na-ɕaβ ʑo IMM:AOR:3s>3 :rattraper adverbe I Norbu est allé poursuivre Phuntshogs, et il a failli le rattraper. Voici des exemples de son emploi au non-passé (être sur le point de) : (151) jɤ-ru ma jɯ-nɯʑɯβ ʑo ɲɯ-ŋu IMP:s:regarder CONJ IMM:NPA:3s:s’endormir adverbe MDR:3s:être Regarde ! Il est sur le point de s’endormir ! 398 (152) nɤrwɯ kɯ pʰɯntshoʁ jɯ-ɕaβ ʑo Norbu ERG Phuntshogs IMM:NPA:3s>3:rattraper adverbe ɲɯ-ŋu MDR:3s:être Norbu va bientôt rattraper Phuntshogs (j’en suis témoin) 5.4.5.4 Préfixe nɯ- de voix moyenne Ce préfixe (noté MOY dans nos gloses) est compatible avec toutes les catégories de TAM. Ses usages sont variés selon les situations et les catégories verbales avec lesquelles il est employé. A l’impératif l’usage de ce préfixe donne un ton plus poli, il permet d’exprimer une invitation plus qu’un ordre. Elle s’emploie lorsque le locuteur suppose que la personne à laquelle il s’adresse aurait envie d’accomplir l’action mais ne l’ose pas le faire ou ne s’est pas encore permis de le faire83 : ainsi les phrases qɤjɣi tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tɤ-nɯ-ndze « mange du pain » ou kɤ-nɯ-mdzɯ « assied-toi » sont généralement plus appropriées que les phrases qɤjɣi tɤ-ndze ou kɤ-mdzɯ sans préfixe. En revanche, dans le cas où l’on peut présupposer que la personne à laquelle on s’adresse n’a pas envie de faire l’action en question, l’emploi du préfixe nɯ- exprime un ton méprisant 84 : ainsi nɯ-nɯ-ɣɤwu, impératif du verbe kɤ-ɣɤwu « pleurer » avec le préfixe moyen pourrait se traduire « tu peux pleurer (ça m’est égal) ». Aux autres temps, il peut s’employer pour décrire une action qui s’est produite accidentellement : (153) mdaʁʑɯɣ si ɯ-taʁ ta-nɯ-lɤt ɲɯ-ŋu arc arbre 3s:haut AOR:MOY:3s>3:jeter MDR:3s:être J’ai tiré (la flèche) sur l’arbre (sans le faire exprès). (154) tɯ-tʰɯ kɯ a-jaʁ casserole ERG 1s:main ʂaʁ kɤ-nɯ-sɯ-tá-t-a brûlure au fer rouge AOR:MOY :CAU:1s>3:mettre Je me suis brûlé la main avec la casserole. Il peut permettre d’insister sur le fait que l’agent agit sur lui-même, un sens qui rappelle une des fonctions du médio-passif en grec (φέρω : j’apporte qqch; φέρομαι : j’apporte qqch pour moi-même), d’où notre appellation de moyen pour désigner cette catégorie en japhug : 83 En russe, l’emploi de l’imperfectif a le même effet sémantique : pour traduire le français « asseyez-vous » on dispose d’une forme imperfective садитесь plus polie que le perfectif сядьте. 84 De même; en russe; lorsque l’on suppose que l’action n’est pas désirée par la personne à laquelle on s’adresse, le perfectif est plus poli : pour traduire « attendre », on dit donc plus volontier le perfectif подождите que l’imperfectif ждите. A l’impératif, les formes en -nɯ- moyen ont un fonctionnement parallèle à l’imperfectif en russe. 399 (155) ʑaka ku-nɯ-βzu mɤ-rtáʁ-tɕɯ (koŋzoŋ.111) chacun PRE:MOY:3s>3:faire NGNP:NPA:1d:être assez Nous ne sommes que deux, ce n’est pas assez pour s’occuper chacun dans son coin (il faut partager). (156) a-mgɯr nɯ-nɯ-rɤβráʁ-a 1s:dos AOR:MOY:1s>3s:se gratter Je me suis gratté le dos. Une phrase où le verbe est préfixé en nɯ- doit avoir le même actant comme possesseur de l’objet et comme sujet. Il est impossible de former une phrase telle que *nɤ-mgɯr nɯ-nɯ-βráʁ-a « je t’ai gratté le dos » avec le préfixe moyen. Enfin, il peut servir à décrire une action qui est agréable pour le sujet. Ainsi pour le verbe kɤ-rɤʑi « rester », l’emploi du préfixe nɯ- moyen développera un sens tel que « se tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 reposer à la maison ». 5.4.5.5 Préfixe ɯ- interrogatif Pour exprimer l’interrogation, le japhug utilise une forme verbale préfixée en ɯ- et accentuée sur ce préfixe (cette forme est noté QU dans nos gloses). Le préfixe tɯ- de seconde personne attire l’accent (on dit donc ɯ-tɯ́-sɯs « sais-tu » et non *ɯ́-tɯ-sɯs) Avec le préfixe négatif mɯ-, l’accent seul permet de marquer l’interrogation. (157) a-wɯ, tɯ-ci 1s:grand père eau ɲɯ-kɯ-jtsʰí-tɕɯ ɯ́-jɤɣ MDNP:2>1s:donner à boire QU:NPA:3s:possible (ɲimawozɤr.78) Grand-père, serait-il possible que vous nous donniez de l’eau à boire ? (158) a-pa ɣɯ-pɯ-ru, ɯntɕe ɯ́-ɲɯ-tɯ-stu 1s:père HER:IMP:s:regarder ensuite QU:MDR:2s:croire (ɲimawozɤr.138) Père, regarde par ici, maintenant est-ce que tu (me) crois ? (ce qu’elle disait avant mais que son père ne croyait pas) (159) a-tɕɯ nɤ-ɬaʁ kɯ nɯ ɲɯ-ti tɕe, 1s:fils 2s:marâtre ERG DML MDR:3s>3:dire CONJ ɕ-ku-tɯ-nɯʁdɤn ɯ-tɯ́-cʰa HIN:IPF:D-est:2s>3:inviter QU:NPA:2s:pouvoir (smɤnmi.22) Mon fils, ta marâtre a dit tout cela, es-tu capable d’aller le chercher (la personne en question est sMan-mi me-tog ku-sha-na ?, un personnage mythique) Cette forme interrogative peut être suivie de la conjonction nɤ, alors elle développe une fonction de marqueur de proposition conditionnelle : (160) a-tɤɕime, ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom nɤ 1:jeune fille QU:IPF:2s:pressée CONJ tu-kɯ-nɯmɢla, IPF:2s>1s:passer par dessus mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom nɤ tu-kɯ-nɯ-pjál-a NGPA:QU:IPF:2s:pressée CONJ IPF:2s>1s:contourner (tɤ-ru ʁnɯs.13-14) 400 Ma jeune fille, si tu es pressée, passe-moi par dessus, si tu n’es pas pressée contourne-moi. Une forme similaire, un préfixe accentué orthographié e, se trouve en tibétain pour exprimer l’interrogation : (161) nyam-chung sbrang-bu’i las-bskos ‘di-‘dra pauvre abeille-GEN destin tel kye-hud mthon-po’i gnam e-dgongs interjection haut-GEN ciel interrogatif-penser Mon destin de pauvre abeille, aya, le ciel élevé le connait-il ?85 Ce n’est toutefois pas une preuve qu’il s’agit d’un phénomène hérité du proto-sino-tibétain dans les deux langues : l’expression de l’interrogation par la préfixation d’une voyelle accentuée s’apparente davantage à un type d’intonation qu’à une vraie tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 morphologie, et pourrait avoir été empruntée du tibétain en japhug. Le préfixe ɯ- est le seul affixe de la langue, à part le préfixe inverseur ɣ- et la forme négative du MDR mɯ́-j-, à permettre à l’accent de se placer sur une syllabe autre que la dernière syllabe (sans compter les suffixes d’accord qui sont toujours non-accentués). 85 Exemple tiré du grand dictionnaire tibétain-chinois (Zhang et al. 1993). 401 6 Morphologie verbale dérivationnelle Comme la morphologie verbale dérivationnelle reconstruite pour le chinois (Sagart 1999), la morphologie dérivationnelle du japhug est en grande partie basée sur la préfixation : alors que l’on trouve bien des suffixes dans la flexion verbale, il n’existe aucun suffixe dérivationnel, sauf le suffixe –s nominalisateur (8.3.2) et le suffixe –t applicatif (6.5) qui ne sont attestés que par quelques exemples et qui ne sont plus productifs. Nous présenterons quatre types de préfixes à valeur dérivationnelle : sɯ- / ɕɯ- et ɣɤ- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 causatifs, nɯ- applicatif, nɯ-, ɣɤ-, rɯ-, mɤ-, sɤ-, ɕɯ- dénominaux, rɤ- / sɤ- intransitivants, plus une section où seront décrits d’autres affixes isolés. Ensuite, nous aborderons le voisement des initiales, la réduplication partielle, l’infixation en l- et l’incorporation qui sont les quatre autres procédés dérivationnels utilisés dans la formation des verbes japhug. 6.1 Les préfixes causatifs sɯ- / ɕɯ- et ɣɤCe préfixe est l’un des éléments morphologiques les mieux conservés dans la famille sino-tibétaine. Il existe dans les autres langues rgyalrong telles que le cogtse (Lin 1993 : 122, 251-254). La découverte de ce préfixe dans la famille remonte à Conrady (1896). Le préfixe causatif sɯ- est l’un des éléments les plus productifs de la langue. Ce préfixe augmente d’un actant la transitivité du verbe. Le causatif correspond à la construction « faire + verbe » en français86. Les verbes de base intransitifs en –a, -u, -ɯ, -o, une fois préfixés de sɯ- peuvent former un thème 3 différent du thème 1 étant donné qu’ils sont devenus transitifs. Il a trois allophones réguliers : z- devant d’autres préfixes dérivationnels (kɤ-nɤ-scɤr « être saisi de frayeur », kɤ-z-nɤ-scɤr « faire peur »), s- devant les rares préfixes à consonne sourde (comme qa- dans kɯ-qa-rndɯm « trouble (eau) », causatif kɤ-s-qa-rndɯm « rendre trouble »), et sɯ- / sɯɣ- dans les autres cas. L’allomorphe sɯɣa une distribution particulière : il n’apparaît jamais avant les préfixes dérivationnels, et ne se trouve que devant les racines à initiales labiales, dentales (sauf s-), palato-alvéolaires, palatales et r- sans préinitiales ni la médiane ɣ- des verbes intransitifs. Nous avons pu 86 En français, par exemple, si l’on prend un verbe transitif (à deux actants) tel que « voir », la construction causative implique trois actants A, B, C : A fait voir B à C. 402 attester la présence du préfixe sɯɣ- dans nos données devant des verbes ayant les initiales suivantes : p-, mb-, m-, t-, d-, nd-, n-, ts-, tsʰ-, ndz-, z-, tɕ-, tɕʰ-, l-, ɬ-, ɕ-, ʑ-, r-, cʰ-, ɲɟ-, ɲ-. Prenons quelques exemples pour illustrer le principe : consonne transitivité verbe de base sens verbe dérivé sens tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 causatif ɕ- intr. kɤ-ɕe aller kɤ-sɯɣ-ɕe envoyer qqun ɕ- trans. kɤ-ɕɯm couver kɤ-sɯ-ɕɯm faire couver r- intr. kɯ-rom sec kɤ-sɯɣ-rom rendre sec r- trans. kɤ-roʁ graver kɤ-sɯ-roʁ faire graver j- intr. kɯ-jɤɣ se terminer kɤ-sɯɣ-jɤɣ finir j- trans. kɤ-ja enfermer kɤ-sɯ-ja faire enfermer (moutons) (moutons) ndz- intr. kɤ-ndzur être debout kɤ-sɯɣ-ndzur faire se lever ndz- trans. kɤ-ndzɯ éduquer kɤ-sɯ-ndzɯ faire éduquer par qqun. ts- intr. kɤ-tso comprendre kɤ-sɯɣ-tso faire comprendre ts- trans. kɤ-tsɯm emporter kɤ-sɯ-tsɯm envoyer Tableau 297 : Distribution des allophones sɯ- / sɯɣ- en fonction de la transitivité du verbe. La présence d’une préinitiale ou d’une médiane ɣ- dans la racine bloque le processus. Par exemple, kɤ-tɣa « récolter » forme un causatif kɤ-sɯ-tɣa et non *kɤ-sɯɣ-tɣa. On distingue trois exceptions. Tout d’abord, kɤ-tɯt « mûrir » forme le causatif kɤ-sɯ-tɯt au lieu de *kɤ-sɯɣ-tɯt et kɯ-tɕɤr « étroit » forme kɤ-sɯ-tɕɤr au lieu de la forme attendue *kɤ-sɯɣ-tɕɤr. Ces formes irrégulières sont toutefois explicables, car elles permettent d’éviter la confusion avec les causatifs de kɯ-xtɯt « court » kɤ-sɯ-xtɯt et de kɤ-xtɕɤr « attacher » kɤ-sɯ-xtɕɤr. Le maintien de la distinction entre ces mots prime sur la règle morphophonologique. Une dernière exception est le causatif de kɯ-pe « être bien » kɤ-sɤ-pe avec une voyelle /ɤ/ anormale, au lieu de la forme attendue *kɤ-sɯɣ-pe. Certains verbes transitifs permettent la préfixation en sɯɣ-, mais leur sens n’est plus causatif, il indique que le sujet est capable d’accomplir l’activité en question. Dans ces cas, le verbe reste biactanciel : kɤ-lɤɣ « faire paître (des animaux) » : kɤ-sɯ-lɤɣ « envoyer qqun faire paître (les animaux) » 403 kɤ-sɯɣ-lɤɣ « être capable de s’occuper (des animaux) » kɤ-joʁ « soulever qqch » kɤ-sɯ-joʁ « faire soulever qqch à qqun » kɤ-sɯɣ-joʁ « être capable de soulever qqch » Parallèlement à sɯ-, on trouve un préfixe ɕɯ- non-productif dans un nombre limité d’exemples que nous pouvons présenter ici exaustivement : verbe de base kɤ-fka sens être rassasié verbe causatif kɤ-ɕɯ-fka sens permettre à qqun de manger à sa faim kɯ-mŋɤm faire mal (une partie kɤ-ɕɯ-mŋɤm faire mal à qqun tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 du corps) kɤ-ngo être malade kɤ-ɕɯ-ngo rendre malade kɤ-nŋo perdre kɤ-ɕɯ-nŋo gagner kɤ-ɴqoʁ être suspendu kɤ-ɕɯ-ɴqoʁ accrocher kɤ-mu avoir peur kɤ-ɕɯɣ-mu faire peur kɤ-rŋo emprunter (un objet kɤ-ɕɯ-rŋo prêter (un objet qu’on peut qu’on peut rendre) rendre) kɤ-rŋgɯ dormir, s’allonger kɤ-ɕɯ-rŋgɯ fermenter un alcool kɤ-rga aimer, être content kɤ-ɕɯ-rga rendre qqun content kɤ-ɴqoʁ être suspendu kɤ-ʑɴɢoʁ accrocher (à un crochet) kɤ-pʰɣo fuir kɤ-ɕpʰɣo fuir après avoir volé qqch, s’enfuir d’une prison avec qqun kɤ-ŋga s’habiller kɤ-ʑŋga aider qqun à s’habiller kɤ-tsʰi boire kɤ-jtsʰi donner à boire kɤ-mbri crier kɤ-ʑmbri jouer (instrument à vent) Tableau 298 : Verbes causatifs en ɕɯ-. Dans cette liste, la forme causative du verbe kɤ-rga a une variante avec le préfixe sɯ- kɤ-sɯ-rga dont le sens est identique à celui de kɤ-ɕɯ-rga. Le préfixe ɕɯ- était productif à une certaine période (il s’est appliqué à l’emprunt tibétain kɤ-rga), et devait avoir un allomorphe ɕɯɣ- avec une distribution similaire à celle qu’on observe entre sɯ- et sɯɣ-, comme le montre la forme kɤ-ɕɯɣ-mu « faire peur » où cet allophone apparaît. On trouve cinq verbes, probablement les plus anciens composés causatifs de la langue, seuls restés indemmes de l’analogie, où le préfixe ɕɯ- s’est agglutiné sur la racine pour devenir une préinitiale : kɤ-ʑŋga, kɤ-ɕpʰɣo, kɤ-ʑmbri kɤ-jtsʰi (japhug de 404 gSar-rdzong ka-ɕtʰi) kɤ-ʑɴɢoʁ . Ce dernier exemple est d’autant plus intéressant qu’un autre verbe causatif est dérivé du même verbe de base kɤ-ɴqoʁ : les deux verbes kɤ-ɕɯ-ɴqoʁ et kɤ-ʑɴɢoʁ ont dû avoir été créés à des époques différentes et ont développé des sens différents, kɤ-ʑɴɢoʁ s’employant lorsqu’on accroche à un crochet, ou que l’on accroche des fils à ses doigts par exemple, tandis que kɤ-ɕɯ-ɴqoʁ s’emploie lorsque l’on accroche des objets sur le mur. Le voisement de l’initiale dans le mot kɤ-ʑɴɢoʁ n’est pas irrégulier. Une forme telle que *ʑɴqoʁ aurait été impossible en japhug, car ɴq- est un groupe déjà constitué d’une [préinitiale + initiale], et ʑ- ne peut jamais se trouver en position antépréinitiale (par ailleurs, aucune antépréinitiale ne peut se placer avant /N/). Le voisement de /q/ est donc en réalité dû à la fusion des deux phonèmes /N/ et /q/ en un phonème /ɴɢ/. Le verbe kɤ-jtsʰi « donner à boire » n’a une préinitiale j- que dans les dialectes japhug de kɤmɲɯ et de mɤŋi. Dans les autres dialectes japhug, la tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 forme causative est ka-ɕtʰi, et la forme de base ka-tʰi « boire » : le japhug de kɤmɲɯ a subi un changement *tʰi > tsʰi (voir la section 4.3.2.2 p.284), et le groupe *ɕtsʰ- n’étant pas conforme à la phonotactique de la langue, le /ɕ/ est devenu /j/. Devant les verbes contractes, le préfixe sɯ- devient sɤ-. Ainsi, du verbe contracte kɤ-ɤɕpɯ-ɕpa « plat », on dérive kɤ-sɤ-ɕpɯ-ɕpa et non *kɤ-sɯ-ɕpɯ-ɕpa. Lorsqu’un verbe non contracte est dérivé en contracte, on peut avoir l’impression qu’on a affaire à un préfixe sɤ- : kɤ-pa « fermer » (non contracte), kɤ-ɤpa « devenir » (contracte) donne kɤ-sɤ-pa « transformer qqch en », kɤ-mbi « donner », kɤ-ɤmbi « être donné » (contracte) donne kɤ-sɤ-mbi « réclamer (litt. faire être donné) ». Avec les verbes statifs, le préfixe ɣɤ- est employé à la place de sɯ- dans la grande majorité des cas. Ainsi de kɯ-rɲɟi « long » on dérivera kɤ-ɣɤ-rɲɟi « allonger » plutôt que *kɤ-sɯ-rɲɟi avec sɯ-. Ces verbes peuvent à leur tour être convertis en verbes statifs, et se développe alors le sens de « qui devient ... facilement » : kɯ-ɣɤ-rɲɟi « qui s’allonge facilement ». 6.2 Préfixes dénominaux Tout comme en cogtse (Lin 1993 : 119-121) il existe cinq préfixes dénominaux en japhug : nɯ-, ɣɤ-, sɤ-, rɯ- et ɕɯ-. Le plus courant est nɯ- / nɤ-, qui permet de créer un verbe, le plus souvent intransitif, mais aussi transitif dans certains cas comme kɤ-nɯ-krɤs « discuter de qqch », kɤ-nɯ-jmŋo « faire l’objet du rêve de qqun »87. Le vocalisme de ce verbe dépend de celui du préfixe du nom d’où il dérive, comme l’avait montré Lin Xiangrong. Ainsi de tɤ-jmɤɣ « champignon », avec un préfixe tɤ-, on dérive un verbe à préfixe nɤ- : kɤ-nɤ-jmɤɣ « aller chercher des champignons », tandis que de tɯ-ci « eau » 87 Ces deux verbes viennent respectivement de tɯ-krɤs « discussion » et tɯ-jmŋo « rêve ». 405 on dérive kɤ-nɯ-ci « boire sans se servir de ses mains » avec un préfixe nɯ-. Lorsque le nom de base n’a pas de préfixe, on utilise la forme nɯ- : de kʰo « chambre » on dérive kɤ-nɯ-kʰo « habiter chez qqun ». Le préfixe ɣɤ- (sans allomorphe *ɣɯ) permet aussi de dériver des verbes dénominaux intransitifs, comme le verbe kɤ-ɣɤ-tɕa « commettre une faute » dérivé de tɯ-tɕa « faute » . Les noms d’action en tɤ- permettent toujours de former un verbe préfixé en ɣɤ-. La différence sémantique entre ɣɤ- et nɯ- n’est pas claire, et la comparaison des doublons où un même nom produit deux verbes différents est peu éclairante : nom de base sens verbe en nɯ- sens verbe en ɣɤ- sens tɤ-ndʐo froid kɤ-nɤ-ndʐo avoir froid kɯ-ɣɤ-ndʐo être froid (temps) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tɯ-jmŋo rêve kɤ-nɯ-jmŋo être l’objet du rêve kɤ-ɣɤ-mŋo rêver de quelqu’un Tableau 299 : Verbes dénominaux en ɣɤ- et en nɯ- ɣɤ- permet également de créer des verbes à partir d’adjectifs expressifs redoublés. Ainsi de ɲcɣɤ-ɲcɣɤt « en très grand nombre » on peut former le verbe statif intransitif kɯ-ɣɤ-ɲcɣɤ-ɲcɣɤt « être ardent (feu), être animé (endroit) ». Il s’oppose là à un préfixe dénominal sɤ- qui permet de dériver un verbe transitif comme dans kɤ-sɤ-ɲcɣɤ-ɲcɣɤt « faire brûler de façon ardente ». Ce préfixe sɤ- est probablement apparenté au préfixe causatif sɯ-. Le préfixe rɯ- / rɤ- permet de dériver des verbes dénominaux intransitifs. Toutefois, on trouve plusieurs exemples de verbes transitifs dénominaux avec ce préfixe : kɤ-rɤ-pjɤs « tresser », tiré de tɤ-pjɤs « natte », kɤ-rɤ-ndzraʁ « rouler en boule » tiré de tɤ-ndzraʁ « boule de tsampa ». La distribution des allophones dépend souvent comme dans le cas de nɯ- / nɤ- du préfixe du nom, mais l’on rencontre de nombreuses exceptions où le préfixe rɤ- est choisi au lieu du préfixe rɯ- : de ɯ-pɯ « petit (d’un animal) » on tire kɤ-rɤ-pɯ « mettre bas » au lieu de *kɤ-rɯ-pɯ. Lorsque le nom est un instrument, le verbe dénominal désigne l’emploi de cet instrument : pʰɯrɤm « herse », kɤ-rɯ-pʰɯrɤm « sarcler (itr.) ». Lorsqu’il s’agit d’une matière, le verbe peut désigner soit une action de cette matière : tɤ-spɯ « pus » - kɤ-rɤ-spɯ « avoir du pus qui coule », soit une action sur cette matière tɤ-rcoʁ « boue » - kɤ-rɤ-rcoʁ « mélanger de l’eau à la boue ». Les emprunts peuvent nous aider à mieux comprendre le fonctionnement synchronique de l’opposition sémantique entre rɯ- et nɯ- qui détermine le choix de l’un ou l’autre préfixe : 406 mot originel forme verbe en nɯ- sens verbe en rɯ- sens kɤ-nɯ-kʰɤjχwi participer kɤ-rɯ-kʰɤjχwi avoir lieu nominale 开会 kaihui gros tɯ-krɤs kɤ-nɯ-krɤs « discussion » kʰram-pa (à une (d’une conférence) conférence) discuter kɤ-rɤ-krɤs (transitif) kʰramba kɤ-nɯ-kʰramba tromper « escroc » discuter (intransitif) kɤ-rɯ-kʰramba mentir (transitif) (intransitif) Tableau 300 : Opposition entre les préfixes dénominaux nɯ- et rɯ- du japhug. Dans ces paires de verbes dénominaux, le préfixe nɯ- permet de dériver ou bien un tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 verbe transitif qui s’oppose au verbe intransitif préfixé en rɯ-, ou bien un verbe dont le sujet est un humain par rapport à un verbe sans sujet humain. Ce type d’opposition se retrouve aussi dans le vocabulaire natif : tɤ-ma « travail » donne kɤ-rɤ-ma « travailler (intrans.) » et kɤ-nɤ-ma « travailler (trans.) ». Le préfixe dénominal mɤ- n’est plus productif et à la différence de son équivalent en cogtse, n’a pas de forme *mɯ-. La comparaison avec le cogtse montre que certains verbes ayant mɐ- / mə- en cogtse ont développé le préfixe nɯ- en japhug, comme le cogtse kɐ-mə-skrú « être enceinte » qui correspond à kɤ-nɯ-skʰrɯ en japhug. On ne trouve que cinq exemples de mɤ- dénominal que nous citons ci-dessous. Un de ces exemples est un emprunt au tibétain ɯ-χcɤl < dkyil « milieu ». nom de base sens verbe dérivé sens tɯ-rʑaβ épouse kɤ-mɤ-rʑaβ épouser (tr.) tɯ-rpaʁ épaule kɤ-mɤ-rpaʁ porter sur l’épaule (tr.) tɯ-ku tête kɤ-mɤ-ku être en avance pɤrtʰɤβ espace entre kɤ-mɤ-pɤrtʰɤβ se trouver entre ɯ-χcɤl milieu kɤ-mɤ-χcɤl être au milieu Tableau 301 : Le préfixe mɤ- dénominal. Le préfixe ɕɯ- dénominal que l’on trouve en cogtse est limité à un seul exemple en japhug : 6.3 kɤ-ɕɯ-ftaʁ « se souvenir » tiré de ftaʁ « marque » (corruption du tibétain rtags). Préfixe nɯ- / nɤ- applicatif Ce préfixe (que nous notons APL dans les gloses) permet de dériver des verbes 407 transitifs de verbes intransitifs, mais il diffère du préfixe causatif dans sa sémantique. En effet, l’actant ajouté à la suite de la dérivation n’est pas nécessairement un agent comme dans le cas de la dérivation, mais souvent un actant qui subit ou est lié à l’action, et qui normalement fonctionne comme un circonstant. On trouve un préfixe identique en cogtse (Lin 1993 : 122). Pour le verbe kɤ-ŋke « aller, marcher », le causatif kɤ-sɯ-ŋke « faire marcher » s’oppose à l’applicatif kɤ-nɯ-ŋke « aller pour quelque chose », qui s’emploie comme dans la phrase suivante, où il a comme objet un nom d’action kɤ-χtɯ « le fait d’acheter » : (162) tɯ-mbri maŋe tɕe nɯ kɤ-χtɯ corde NPA:3s:ne pas y avoir CONJ DML NAC:acheter ɕ-pɯ-nɯ-ŋké-t-a HIN:AOR :1s>3s:APL:marcher tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Comme il n’y avait pas de corde, j’ai dû marcher pour aller en acheter. Dans d’autres cas toutefois, le sens de nɯ- peut rappeller un causatif, car l’actant nouveau peut aussi être un agent. Toutefois, il s’agit généralement de verbes statifs : kɯ-mbɣom « être urgent » Æ kɤ-nɯ-mbɣom « attendre qqch ou qqun avec impatience ». Ce préfixe est nɤ- avec les verbes contractes (ce qui est attendu, voir le chapitre 7), mais aussi avec certains autres verbes sans qu’une explication puisse être apportée à ce vocalisme irrégulier : verbe de base sens contracte verbe dérivé sens kɤ-mdzɯ être assis oui kɤ-nɤ-mdzɯ garder kɤ-mnɤm émettre une odeur non kɤ-nɤ-mnɤm sentir kɯ-mda arriver au moment non kɤ-nɤ-mda penser que le temps est venu kɤ-stu croire (intransitif) non kɤ-nɤ-stu croire en qqch kɯ-rtaʁ être suffisant non kɤ-nɤ-rtaʁ trouver suffisant kɯ-sna utilisable non kɤ-nɤ-sna vouloir avoir Tableau 302 : Le préfixe applicatif nɤ- A cette liste on peut rajouter le verbe kɤ-nɤ-ntsʰi « aimer », qui est peut-être un dérivé de kɯ-ntsʰi « mieux valoir » (à moins qu’il ne soit apparenté à kɤ-ntsʰi « choisir », auquel cas il n’est pas clair s’il s’agit vraiment d’un préfixe applicatif). Le préfixe applicatif a une forme nɯɣ- dans le verbe kɤ-nɯɣ-mu « avoir peur de qqun » dérivé de kɤ-mu « avoir peur ». C’est sans doute la trace d’une ancienne allophonie nɯ- / nɯɣ- qui fonctionnait probablement de la même façon que l’allophonie sɯ- / sɯɣ- du préfixe causatif que nous pouvons encore observer aujourd’hui. Le préfixe nɯ- applicatif, tout comme le préfixe nɯ- dénominal ont en commun 408 d’ajouter un actant : dans un cas, un verbe intransitif (un actant) devient transitif (deux actants) et dans l’autre un nom (aucun actant) devient un verbe intransitif (un actant). Il est possible que ces deux préfixes soient historiquement apparentés. 6.4 Préfixes rɤ- / sɤ- intransitivants Les préfixes rɤ- et sɤ- permettent de dériver un verbe intransitif d’un verbe transitif. L’emploi du préfixe rɤ- est encore productif ; un préfixe similaire a été décrit en tshobdun (Sun 2003a : 493). Nous n’avons trouvé pour sɤ- que les quatre exemples du Tableau 303. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 verbe de base sens verbe intransitif sens kɤ-ndɯn lire à haute voix kɤ-rɤ-ndɯn id. kɤ-ntsɣe vendre kɤ-rɤ-ntsɣe faire du commerce kɤ-sco accompagner kɤ-sɤ-sco id. kɤ-sɯɣ-ɕɤt enseigner kɤ-sɤ-sɯɣ-ɕɤt se consacrer à l’enseignement kɤ-fstɯn servir kɤ-sɤ-fstɯn id. kɤ-ʁndɯ frapper kɤ-sa-ʁndɯ frapper les gens Tableau 303 : Exemples de rɤ- et sɤ- intransitivants. Appliqués à des verbes triactanciels, ces deux préfixes font perdre au verbe sa morphologie de verbe transitif, mais le verbe conserve deux actants (voir la section 5.1.1 p.337). Le préfixe rɤ- est différent du voisement intransitivant : le sujet du verbe intransitif en rɤ- est agentif, tandis que celui du voisement intransitivant est patient (voir p.411). Ainsi du verbe kɤ-pɣaʁ « renverser », on peut dériver kɤ-rɤ-pɣaʁ « défricher (intransitif) = retourner le sol » et kɤ-mbɣaʁ « se retourner ». 6.5 Autres affixes Dans cette section nous étudierons trois cas : z le nɯ- de retour z le ʑɣɤ- réflexif z la morphologie du verbe kɤ-zɣɯt « arriver » Le préfixe nɯ- de retour n’est attesté qu’avec quelques verbes d’action concrète et de mouvement : il indique que l’action s’accompagne d’un retour au point de départ, sans modifier la transitivité du verbe. On trouve les exemples suivants indiqués dans le Tableau 304 : 409 verbe de base kɤ-no sens chasser, conduire verbe dérivé (les kɤ-nɯ-no sens ramener (les animaux) à la animaux) maison kɤ-tsɯm prendre kɤ-nɯ-tsɯm ramener kɤ-ɣɯt amener kɤ-nɯ-ɣɯt ramener kɤ-ɕe aller kɤ-nɯ-ɕe rentrer chez soi Tableau 304 : Exemples du préfixe nɯ- de retour. Le préfixe ʑɣɤ- est un préfixe parfaitement productif en japhug. Il permet de former un verbe réflexif intransitif à partir d’un verbe transitif. Il correspond au préfixe wjo- du cogtse (Lin 1993 : 254-256) et pourrait remonter à *jwo ou *jwaŋ en PGR. Sa voyelle a subi un Ablaut en japhug (on attendrait *ʑɣu ou *ʑɣo). Les verbes dérivés ont toujours un sens tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 réflexif même lorsque le sujet est pluriel. Ainsi, du verbe kɤ-sat « tuer », on peut dériver un verbe kɤ-ʑɣɤ-sat « se tuer, se suicider ». La forme aoriste de troisième personne du pluriel pɯ-ʑɣɤ-sát-nɯ signifie « ils se sont suicidés » mais ne peut pas vouloir dire « ils se sont entretués ». Pour obtenir le sens réciproque, il faut employer une forme redoublée (voir la section 7.2.3 p.432). Le préfixe ʑɣɤ- peut s’ajouter à un verbe causatif : ainsi de kɤ-fɕu « s’être bien reposé » on peut dériver kɤ-sɯ-ɤfɕu « permettre à qqun de bien se reposer » puis kɤ-ʑɣɤ-sɯ-ɤfɕu « se reposer un peu ». Du verbe intransitif originel, on dérive un verbe intransitif à nouveau. Le sens du verbe dérivé a parfois évolué d’une telle façon que le rapport entre le verbe de base et le verbe dérivé est devenu opaque, comme on peut le voir dans le Tableau 305. verbe de base kɤ-pa sens fermer (sens verbe dérivé sens kɤ-ʑɣɤ-pa faire semblant, orgueilleux originel : « faire ») kɤ-ta mettre kɤ-ʑɣɤ-ta s’adosser à, s’appuyer sur kɤ-qar choisir kɤ-ʑɣɤ-qar rester à l’écart, être solitaire. Tableau 305 : Exemples du préfixe ʑɣɤ- réflexif dont le sens du verbe dérivé a évolué. L’étymologie du verbe kɤ-zɣɯt « arriver » a un grand intérêt pour l’étude historique de la morphologie dérivationnelle du japhug, car ce verbe maintient des affixes que l’on ne trouve nulle par ailleurs dans la langue. kɤ-zɣɯt est dérivé du verbe kɤ-ɣɯt « amener » par un préfixe *s- dont la fonction est obscure. Le verbe kɤ-ɣɯt « amener » est lui-même dérivé de kɤ-ɣi « arriver » par le suffixe *-t applicatif que l’on retrouve notamment en 410 Kiranti (Michailovsky 1985). On retrouve la même paire en khaling : PI- (pinä / pingaa) « venir » et PIT- (pannä / pidu) « apporter »88. 6.6 Le voisement des initiales Le voisement permettant de transformer un verbe transitif en un verbe intransitif est un procédé morphologique bien connu des langues sino-tibétaines. L.Sagart (2003 : 764) a récemment proposé que l’alternance de voisement des occlusives initiales en chinois et les autres langues sino-tibétaines venait de la préfixation d’un *m-. En rGyalrong, le voisement intransitivant se retrouve en cogtse (Lin 1993 : 193-194). En japhug, on trouve les exemples du Tableau 306 : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 transitif sens intransitif sens kɤ-ftʂi faire fondre kɤ-ndʐi fondre kɤ-kio faire glisser kɤ-ŋgio glisser kɤ-kra faire tomber kɤ-ŋgra tomber (d’un endroit haut) kɤ-plɯt détruire kɤ-mblɯt être détruit kɤ-prɤt couper kɤ-mbrɤt être coupé kɤ-pɣaʁ retourner kɤ-mbɣaʁ se retourner kɤ-qɤt séparer kɤ-nɯ-ɴɢɤt se séparer kɤ-qʰrɯt gratter complètement, kɤ-ɴɢrɯt être fini (le riz) kɤ-ɴɢrɯ se casser (un bol) kɤ-ndʑɤβ être brûlé kɤ-ndɯ apparaître (un arc en ciel), être faire complètement kɤ-qrɯ tailler (un habit), déchirer, arracher kɤ-tɕɤβ brûler kɤ-tʰɯ monter construire une un tente, pont, construit réparer un chemin (pont), être tracé (chemin), être montée (tente) kɤ-χtɤr éparpiller kɤ-ʁndɤr s’éparpiller kɤ-tʂaβ faire tomber, glisser kɤ-ndʐaβ tomber, glisser kɤ-qraʁ déchirer kɤ-ɴɢraʁ s’abîmer (habits) kɤ-tsʰoʁ porter des fruits kɤ-ndzoʁ pousser (fruits) Tableau 306 : Paires des verbes transitifs / intransitifs à opposition de voisement. La liste des paires de verbes proposée dans le Tableau 306 n’est probablement pas exhaustive. Le processus de voisement des initiales était encore productif lorsque le 88 B.Michailovsky, Cours de linguistique tibéto-birmane, 27 Avril 2004. 411 verbe tibétain gtor « éparpiller » a été emprunté en kɤ-χtɤr, mais il n’est pas clair si ce processus est encore productif. On remarque par ailleurs dans ce tableau que le sens est parfois légèrement différent entre le verbe de base et le verbe dérivé (par exemple kɤ-qrɯ « tailler un habit » et kɤ-ɴɢrɯ « se casser (bol) »), ce qui suggère que la dérivation s’est produite à une période ancienne et que le verbe dérivé a évolué indépendamment du verbe de base. La paire kɤ-ftɯl « apprivoiser » et kɤ-ndɯn « être apprivoisé » est un emprunt aux verbes tibétains btul et ‘dun : il ne s’agit pas d’un exemple de dérivation en japhug, mais d’une dérivation en tibétain : le verbe de base et le verbe dérivé ont tous deux été empruntés. Le sens du voisement intransitivant diffère de celui du préfixe rɤ- intransitivant (voir p.409). En effet, le sujet du verbe intransitivé par voisement est toujours le même actant tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 que celui de l’objet du verbe transitif d’où il est dérivé. Par exemple : (163) tɤ-ri ɲɤ-mbrɤt fil MIP:3s:se couper Le fil s’est coupé. (164) tɤ-ri ɲɤ-prɤt fil MIP:3s>3:couper Quelqu’un a coupé le fil. Dans le cas d’un verbe intransitif en rɤ-, le sujet du verbe transitif et le sujet du verbe intransitif sont le même actant. L’objet qui subit l’action est alors sous-entendu. (165) jɯfɕɯr a-ʁi hier tɤ-scos ci 1s:petit frère lettre pa-rɤt un peu AOR:3s>3:écrire Hier, mon petit frère a écrit une lettre. (166) jɯfɕɯr a-ʁi pɯ-rɤrɤt hier 1s:petit frère AOR:3s:écrire Hier, mon petit frère a écrit quelque chose. On trouve également deux exemples où l’alternance de voisement (Tableau 307) dérive un verbe intransitif d’un autre verbe intransitif. Ce cas d’alternance de voisement ne semble pas être lié à la transitivité ou à l’actance. verbe de base sens verbe dérivé sens kɤ-sqlɯm s’affaisser en crevasse kɤ-rɴɢlɯm concave kɤ-ɤjtɯ s’accumuler kɤ-ndɯ s’accumuler d’un coup Tableau 307 : Autres usages de l’alternance de voisement. Le verbe kɤ-ndɯ s’oppose à kɤ-jtɯ en ce qu’il implique que l’action se produit en une seul fois, ce dans l’exemple suivant : 412 (167) tu-rɯstɤnmɯ́-nɯ tɕe, tɯ-rɟɯ IPF:3p:se marier richesse beaucoup IPF:3s:s’accumuler MDR:3s:être CONJ kʰro tu-ndɯ ɲɯ-ɕti Lorsqu’il se marieront, il auront beaucoup de richesses d’un seul coup. 6.7 Les fonctions dérivationnelles de la réduplication partielle La réduplication partielle a trois fonctions dérivationnelles : elle permet de dériver des verbes exprimant une action sans direction fixe, des verbes réciproques, et aussi, dans un cas, un verbe statif exprimant un degré moins fort. Dans ces trois fonctions, c’est la dernière syllabe de la racine du verbe qui est rédupliquée. Ainsi le verbe kɤ-nɯ-rɯtʂa « envier » dont la racine est /rɯtʂa/ se rédupliquera en kɤ-nɯ-rɯ-tʂɯ-tʂa « s’envier les uns les autres ». La dérivation des verbes d’action sans direction fixe n’est plus productive dans la tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 langue japhug actuelle. Dans ces cas, la réduplication partielle s’accompagne de l’ajout de préfixes dérivationnels tels que ɤ- ou nɤ-. kɤ-rpu « heurter » Æ kɤ-ɤ-rpɯ-rpu « heurter dans tous les sens » kɤ-ti « dire » Æ kɤ-nɤ-tɯ-ti « aller raconter partout » La dérivation des verbes à sens réciproque en revanche est toujours productive dans la langue moderne. Les verbes réciproques dérivés se divisent en deux types : certains sont préfixés d’un double préfixe ɤ-mɯ-, tandis que la plupart ne sont pas préfixés : la réduplication est la seule marque de la fonction réciproque. kɤ-tso « comprendre » Æ kɤ-ɤmɯ-tsɯ-tso « se comprendre les uns les autres » kɤ-rqoʁ « prendre dans ses bras » Æ kɤ-rqɯ-rqoʁ « se prendre les uns les autres dans les bras. » Enfin, on trouve un exemple isolé où la réduplication exprime un degré moins fort : kɯ-ɤqarŋe « jaune » Æ kɯ-ɤqarŋɯ-rŋe « jaune pâle ». 6.8 L’infixation en –lOn trouve un type de réduplication en japhug par lequel la rime de la syllabe de base est rédupliquée, tandis que son groupe de consonnes initiales (incluant la médiane) sont remplacés par l-. Ce type de réduplication développe le sens d’une action se déroulant sans direction déterminée, dans tous les sens. Quasiment tous ces verbes sont par ailleurs précédés d’un préfixe nɤ-. verbe de base sens verbe dérivé sens kɤ-tʂoʁ mélanger kɤ-ɤ-tʂoʁ-loʁ être mélangé kɤ-pɣaʁ renverser kɤ-nɤ-pɣaʁ-laʁ se tourner dans tous les sens kɤ-ndʑaʁ traverser la rivière kɤ-nɤ-ndʑaʁ-laʁ nager 413 kɤ-mbrɤt se couper kɤ-nɤ-mbrɤ-lɤt se couper sans arrêt kɤ-ndʐaβ tomber, glisser, kɤ-nɤ-ndʐaβ-laβ glisser, rouler dans tous les rouler sens kɤ-qraʁ déchirer kɤ-nɤ-qraʁ-laʁ déchirer dans tous les sens kɤ-mtsaʁ sauter kɤ-nɤ-mtsaʁ-laʁ sautiller, sauter dans tous les sens kɤ-ŋke aller, marcher kɤ-nɤ-ŋkɤ-ŋke aller dans tous les sens Tableau 308 : Verbes rédupliqués à infixe -l- en japhug. Pour kɤ-nɤ-mbrɤ-lɤt « se couper sans arrêt », on attendrait en fait *kɤ-nɤ-mbrɤ-lɤt : la finale –t est assimilée par le /l/. A cette liste on peut rajouter kɤ-nɤ-ɕtʂaŋ-laŋ « se balancer » dérivé d’un verbe non-attesté *kɤ-ɕtʂaŋ et peut-être aussi kɤ-nɤ-mɲo-le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 « regarder le paysage, regarder de tous côtés » dérivé de kɤ-mɲo « regarder » avec un changement vocalique inexpliqué. Cette liste n’est pas exhaustive, mais il est difficile de déterminer dans quelle mesure ce procédé garde une productivité. Par exemple, pour le verbe kɤ-ɕar « chercher », on peut construire une forme ?kɤ-nɤ-ɕar-lar « aller chercher de tous côtés » qui est comprise par les locuteurs, mais pas jugée naturelle. La réduplication par l- rappelle l’infixation en -l- dans les dialectes chinois (appelés 切脚字 qiejiaozi ou, de façon plus spécifique 嵌-l-词 qian l ci). Cette infixation se retrouve aussi bien dans les dialectes Jin que les dialectes Min. Un des sens de cette infixation est celui d’une action sans direction particulière, ou d’une action qui change de direction. Dans le Tableau 309 et le Tableau 310, nous présentons quelques exemples de verbes infixés en -l- dans un dialecte Jin (Li Zhiguo 1991) et un dialecte Min (Liang Yuzhang 1994), où ce sens est très clair. verbe de base kuŋ214 sens 滚 rouler verbe dérivé kuəʔ21 luŋ214 sens 翻 转 滚 动 se rouler et se renverser pai214 摆 remuer, placer pəʔ21 lai214 摆动 balancer Tableau 309 : Infixation en -l- dans le dialecte Jin de Yimeng. verbe de base sens verbe dérivé sens kuŋ21 滚 rouler ku21 luŋ21 翻滚 se rouler et se renverser pai214 摆 remuer, placer pəʔ21 lai214 成弧形摆动 balancer avec un mouvement circulaire Tableau 310 : Infixation en -l- dans le dialecte Min de Fuzhou. 414 Sagart (1999 : 117-120) propose que l’infixation en -l- dans ces dialectes vienne d’un procédé d’infixation en *-r- en chinois archaïque d’action distribuée. Il est donc possible que l’infixation en -l- en japhug et l’infixation en *-r- du chinois archaïque soient des processus hérités d’un infixe dans l’ancêtre commun aux deux langues. On trouve un exemple où le japhug l- correspond à *r- en chinois et en tibétain : le mot kɤ-lɤɣ < PGR *lɔk « faire paître », apparenté à ‘brog-pa « nomade » et au chinois 牧 mjuwk < *bmruk89 « faire paître, pâturage ». La présence de l’infixation en -l- en japhug est d’une importance cruciale pour la reconstruction du sino-tibétain : c’est là la preuve que l’infixe *-r- du chinois remonte à l’ancêtre commun du rgyalrong du chinois. 6.9 Incorporation tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 On désigne par « incorporation » un procédé par lequel un nom (actant) ou un adverbe est inclu dans le mot verbal. Le tchouktche est un exemple classique des langues à incorporation. Comparons les deux phrases (Skorik 1977 : 238) : (168) мыт-ӄэпл-увичвет-ыркын 1p-ballon-jouer-présent Nous jouons au ballon. (169) ӄэпле мыт-увичвет-ыркын ballon 1p-jouer-présent Nous jouons avec le ballon. Dans la première, l’objet ӄэпле « ballon » est intégré au verbe et précédé du préfixe de première personne du pluriel мыт-. Ce processus est productif, et peut s’appliquer à des adverbes, des objets indirects ou même des verbes. En japhug, l’incorporation est un phénomène limité et non-productif. Il est même possible d’établir une liste quasi-exhaustive des exemples d’incorporation dans cette langue : Nom jla sens hybride de yak de et verbe sens verbe dérivé kɤ-mtsʰi conduire, kɤ-nɯ-jlɤ-mtsʰi mener un hybride de yak et de vache mener vache sens mbro cheval kɤ-mtsʰi conduire kɤ-nɯ-mbrɤ-mtsʰi mener un cheval mbro cheval kɤ-rɟɯɣ courir kɤ-nɯ-mbrɤ-rɟɯɣ faire galoper un cheval 89 Sagart (1999 : 84) reconstruit ce mot *bmr-luk, sur la base d’une relation étymologique avec 育 yuwk < *bluk « nourrir ». Toutefois, une relation avec 陸 ljuwk < *bmə-ruk « terre ferme » nous semble plus probable, et il n’est pas nécessaire de reconstruire un *l- dans ce mot en chinois. 415 mbro kɤ-lɤɣ cheval faire paître kɤ-nɯ-mbrɤ-lɤɣ faire paître un cheval paʁ cochon kɤ-lɤɣ faire paître kɤ-nɯ-paʁ-lɤɣ sortir un cochon tsʰɤt chèvre kɤ-lɤɣ faire paître kɤ-nɯ-tsʰɤ-lɤɣ faire paître une paître une chèvre qra femelle de kɤ-lɤɣ faire paître kɤ-nɯ-qra-lɤɣ yak nɯŋa vache faire femelle de yak kɤ-lɤɣ faire paître kɤ-nɯ-nɯŋa-lɤɣ faire paître une paître un paître un vache mbala bœuf kɤ-lɤɣ faire paître kɤ-nɯ-mbala-lɤɣ faire bœuf qa-ʑo mouton kɤ-lɤɣ faire paître kɤ-nɯ-qaʑo-lɤɣ faire mouton kʰɯna chien kɤ-tsʰoʁ faire pousser, kɤ-ɣɯ-kʰɯ-tsʰoʁ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 lâcher (les lâcher les chiens (à la chasse) chiens) qʰu arrière kɤ-ru voir kɤ-nɤ-qʰa-ru se retourner zrɯɣ pou kɤ-ru voir kɤ-nɯ-zrɯɣ-ru épouiller qʰu arrière kɤ-ŋga s’habiller kɤ-nɤ-qʰɤ-ŋga se mettre un habit sur les épaules qʰu arrière kɤ-stu être droit, kɤ-nɯ-qʰɤ-stɯ-stu reculer se tendre pʰaʁ côté *kɤ-ɲɤl90 se coucher kɤ-nɯ-pʰaʁ-ɲɤl se coucher de côté si bois kɤ-ɴqoʁ être accroché kɤ-nɯ-sɯ-ɴɢoʁ ramasser du bois si bois kɤ-pʰɯt couper kɤ-ɣɯ-sɯ-pʰɯt couper du bois tɯ-ɣli excréments kɤ-tɕɤt enlever kɤ-ɣɯ-lɯ-tɕɤt sortir les excréments des animaux de l'étable pour en faire de l'engrais Tableau 311 : Verbes à incorporation en japhug. On note que ces verbes expriment en majorité une relation avec un animal domestique. La racine élargie des verbes à incorporation en japhug a la structure suivante : (170) nɯ- / nɤ- / ɣɯ- + racine nominale + racine verbale Les préfixe nɯ-, nɤ- ou ɣɯ- sont probablement apparentés étymologiquement aux préfixes dénominaux. La racine nominale subit dans certains cas un ablaut (/qʰu/ Æ /qʰɤ/, 90 Emprunt au tibétain nyal-ba « dormir, s’allonger », qui n’existe plus en japhug moderne comme mot indépendant. 416 /ɣli/ Æ /lɯ/). Cette racine nominale est soit l’objet du verbe, soit, dans le cas de /qʰu/, un circonstant. Ce procédé n’est pas productif : il est impossible de former un verbe tel que *kɤ-nɯ-qambrɯ-lɤɣ « faire paître un yak ». L’incorporation en japhug se distingue de celle du tchouktche en ce que le nom incorporé est inséré entre un préfixe dérivationnel et la racine verbale : le nom n’est pas en contact direct avec les affixes flexionnels, et ne se trouve jamais au début du mot lorsque le verbe est à une forme non préfixée. L’incorporation japhug est un procédé dérivationnel, alors qu’il est flexionnel en tchouktche. 6.10 Conclusion La morphologie dérivationnelle du japhug conserve des morphèmes hérités du proto-sino-tibétain, tels que le causatif sɯ- / ɕɯ- ou l’infixe -l-, et est d’un intérêt tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 comparatif considérable. Dans le chapitre suivant sur les verbes contractes, nous traiterons d’autres affixes dérivationnels à la phonologie complexe. 417 7 Les verbes contractes On rencontre dans tous les dialectes japhug une catégorie de verbes intransitifs dont les formes préfixées présentent un vocalisme anormal. Dans ce type de verbe, les préfixes de série 1 (aoriste) deviennent semblables aux préfixes de série 3, et les préfixes tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 de série 2 (imperfectif) deviennent apparemment semblables aux préfixes de série 4. haut bas amont aval est ouest sans direction 1 tɤ pɯ lɤ thɯ kɤ nɯ jɤ 2 tu pjɯ lu chɯ ku ɲɯ ju 3 ta pa la tha ka na ja 4 to pjɤ lo chɤ ko ɲɤ jo Tableau 312 : Les quatre séries de préfixes directionnels. Les préfixes de TAM synonymes des préfixes de série 2 (ɲɯ- : médiatif direct présent et présent habituel, ku- : présent progressif) subissent les mêmes changements. Dans ce chapitre, nous allons étudier les particularités phonologiques et morphophonologiques de cette classe de verbes, puis nous étudierons leurs propriétés morphosyntaxiques, pour tracer l’origine de ce phénomène en rgyalronguique. 7.1 Morphophonologie Les verbes traités dans ce chapitre sont appelé contractes, parce que le vocalisme anormal des préfixes évoqué en introduction est dû à la présence d’un préfixe a- / ɤ- qui fusionne avec la voyelle du préfixe placé avant lui, le japhug n’admettant pas le hiatus. On peut le vérifier aisément à la forme du non-passé qui n’est pas accompagnée d’un préfixe directionnel, et où le préfixe a- apparaît pleinement, comme dans l’exemple ci-dessous avec le verbe kɤ-ta « être posé » (171) fso tɕe, ɯ-kʰa demain CONJ 3s:maison jɤ-tɯ-ɤri AOR:2s:aller laχtɕʰa ata ɕti affaires NPA:3s:être NPA:3s:être.posé tɕe, CONJ Demain, lorsque tu iras chez lui, (tes) affaires y seront encore sans doute. Comme nous le verrons dans la section suivante sur la morphosyntaxe, ce préfixe regroupe en fait plusieurs préfixes synonymes, mais il s’agit dans tous les cas d’un préfixe dérivationnel. 418 Les fusions vocaliques que l’on observe avec le préfixe a- / ɤ- ne sont pas uniques dans la langue. Le préfixe asɯ- / ɤsɯ- (voir 5.4.1 et 5.4.2 pour un description des fonctions de ce préfixe) présente exactement le même type de fusion. Les règles morphophonologiques décrites dans ce chapitre seront applicables à cet autre préfixe. Les règles de fusion vocalique en japhug sont plus complexes que ne pourrait le laisser croire le tableau présenté en introduction. En effet, selon le type de préfixe qui le précède, le préfixe des verbes contractes a deux formes : a- et ɤ-. Toute la difficulté tient à la distribution de ces deux allomorphes, qui est dictée davantage par la morphologie (la fonction du préfixe antéposé) que par la phonologie (voyelle et initiale du préfixe antéposé). Nous allons donc passer en revue tous les préfixes verbaux du japhug pour les classer en deux groupes selon l’allomorphe du préfixe a- / ɤ- qui est compatible avec tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 chacun. Pour rendre notre transcription plus transparente du point de vue de la morphologie, nous avons pris le parti de séparer le préfixe a- / ɤ- des autres préfixes avec lesquels il fusionne. Les règles de notre orthographe sont les suivantes : lorsque des préfixes à vocalisme ɯ- et ɤ- sont suivis de a- / ɤ-, nous représentons la frontière de morphème avec un tiret (–) et nous maintenons dans l’écriture la voyelle du préfixe qui précède a- / ɤ- : tɤ-akʰu « il a crié vers haut » se prononce [takhu], ɯ-tɯ-ɤmtɕoʁ nɯ « c’est très pointu » se prononce [ɯtɤmtɕoʁ nɯ]. Dans ces cas, la voyelle du préfixe précédant a- / ɤ- disparaît sans laisser de trace dans la prononciation. Cette transcription ne pose pas de problème étant donné que le japhug de kɤmɲɯ n’autorise pas le hiatus. Dans le cas des préfixes à vocalisme –u il n’existe qu’une forme contractée, qui se prononce invariablement –o. Nous la notons conventionnellement u-a dans l’orthographe : ainsi ku-ata « c’est posé en ce moment » qui se prononce [kota]. Les règles présentées dans ce chapitre sont résumées dans le tableau 2 : Orthographe Prononciation u-a o ɯ-ɤ ɤ ɯ-a a ɤ-ɤ ɤ ɤ-a a Tableau 313 : règles de fusion vocalique des verbes contractes 419 7.1.1 Préfixes sélectionnant l’allomorphe a- Seuls cinq groupes de préfixes se combinent avec l’allomorphe –a : les préfixes de série 1 à l’aoriste, les préfixes de mouvement ɣɯ- / ɕɯ-, le préfixe jɯ- de futur proche, la négation mɤ- et l’interrogatif ɯ- (ce dernier sera abordé séparément en 1.5). Les préfixes de série 1 ont un vocalisme –a à l’aoriste quel que soit le vocalisme du préfixe -ɯ ou -ɤ, tout comme nous l’avons exposé dans l’introduction : c’est le résultat de la contraction avec l’allomorphe a-. Toutefois, lorsqu’un autre préfixe se place entre la racine et le préfixe de série 1, la contraction s’opère avec le préfixe le plus proche de la racine. C’est ce qui se passe avec le préfixe de seconde personne, qui requiert quant à lui l’allomorphe ɤ-. Pour illustrer ce phénomène, voici une partie du paradigme d’un verbe contracte à l’aoriste : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (172) kɤ-ɕqʰe « tousser » aoriste tɤ-aɕqʰe-a [taɕqʰia] je tousse tɤ-tɯ-ɤɕqʰe [tɤtɤɕqʰe] tu tousses tɤ-aɕqʰe [taɕqʰe] il tousse tɤ-aɕqʰe [taɕqʰe] tousse ! (impératif) Toutefois, à d’autres temps que l’aoriste et l’impératif, les préfixes de série 1 n’ont pas le même comportement. A l’irréel, le préfixe pɯ- de série 1 requiert la forme ɤ- : (173) a-pɯ-ɤɕqʰe s’il avait toussé Les préfixes de déplacement ɣɯ- « venir » et ɕɯ- « aller » (5.4.5.1) sélectionnent la forme a-, mais ces cas sont très rares car le préfixe a- / ɤ- ne peut se trouver au contact de ces préfixes qu’au non-passé, seule forme non-préfixée du verbe. Par ailleurs, leur sémantique implique une action volontaire qui est, comme nous le verrons dans la section suivante, incompatible avec celle de la plupart des verbes préfixés en a- / ɤ-. Exemples : ɣɯ-akʰu « il vient ici crier » ɕɯ-akʰu « il va là-bas crier ». Tout comme les préfixes de mouvement, le préfixe jɯ- de futur (5.4.5.3) ne peut être en contact avec le préfixe a- / ɤ- que lorsque le verbe est au non-passé. Exemple : jɯ-atɕʰɯs « il va éternuer », comme dans la phrase : (174) jɤ-ru ma jɯ-atɕʰɯs ʑo ɲɯ-ŋu IMP:s:regarder CONJ IMM:NPA:3s:éternuer adverbe MDR:3s:être Regarde ! il va éternuer ! Enfin, la négation mɤ- appartient elle aussi à la catégorie des préfixes qui sont compatibles avec l’allomorphe a-. La négation a un point commun avec les deux derniers : elle ne peut se trouver au contact d’un préfixe dérivationnel tel que a- / ɤ- qu’au non-passé. Exemple : mɤ-aɕqʰe « il ne toussera pas ». On remarque que ces quatre groupes de préfixes ont un point commun : ils ne sont 420 jamais précédés eux-mêmes de préfixes. Parfois, ils se mettent à sélectionner l’allomorphe ɤ-. C’est le cas des préfixes de série 1 lorsqu’ils sont précédés du préfixe ade l’irréel91, comme nous l’avons vu plus haut. Toutefois, dans d’autres cas, les préfixes de série 1 à l’aoriste sélectionnent tout de même l’allomorphe a- lorsqu’ils sont précédés des préfixes de mouvement, le préfixe du futur proche, la négation mɯ-, le préfixe interrogatif ɯ- ou par leur diverses formes rédupliquées (conditionnel etc.) : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (175) a) ɣɯ-tɤ-akʰu « il est venu crier » b) jɯ-tɤ-aɕqʰe ʑo « il a failli tousser » c) mɯ-tɤ-akʰu « il n’a pas crié » d) tɯ-tɤ-akʰu nɤ « s’il a crié » e) tɯ-tɤ-aɕqʰe ʑo kɯ « il tousse de plus en plus » f) ɯ-tɤ́-aɕqʰe ? « est-ce-qu’il tousse » Ce n’est probablement pas une coïncidence que ces groupes préfixes sont précisément ceux qui exigent l’allomorphe a-. Etant donné que les négations mɯ- et mɤ- sont en distribution complémentaire par rapport aux catégories de TAM, et que seule la négation mɤ- apparaît au non-passé, et peut donc dans certains contextes fusionner avec le préfixe a- / ɤ-, nous ne pouvons pas savoir si mɯ- est un préfixe sélectionnant l’allomorphe a- ou sélectionnant l’allomorphe ɤ-. Toutefois, par le fait même que ces deux négations sont en distribution complémentaire, on peut les considérer, au moins du point de vue synchronique, comme des variantes d’un même morphème. Ainsi, les faits ne contredisent pas notre généralisation : les préfixes de séries 1 ne peuvent pas sélectionner l’allomorphe a- lorsqu’ils sont préfixés, sauf si le préfixe sélectionne lui-même l’allomorphe a-. 7.1.2 Préfixes sélectionnant l’allomorphe ɤ- Le reste des préfixes sélectionne l’allomorphe ɤ-. Cela comprend, en plus du préfixe de deuxième personne et des préfixes de série 1 aux autres temps que l’aoriste, les préfixes suivants : préfixes de série 2 (imperfectif) à vocalisme -ɯ, gérondif, préfixes des formes nominales du verbe et certains préfixes dérivationnels. Les préfixes de séries 2, comme nous l’avons évoqué dans l’introduction, deviennent apparemment semblables aux préfixes de série 4. Il existe toutefois une différence importante entre les deux : les préfixes de série 4 à initiale palatalisée, comme nous 91 Les préfixes de mouvement et la négation mɤ- peuvent eux-aussi être précédés du préfixe a- de l’irréel, mais dans ces cas ils ne peuvent pas se trouver en contact avec le préfixe a- / ɤ- car un préfixe de série 1 est obligatoirement placé juste avant la racine élargie du verbe aussi bien à l’irréel qu’au jussif. 421 l’avons évoqué dans la section 5.3.1 p.358, ont deux formes en libre alternance : l’une à vocalisme -ɤ, l’autre à vocalisme –o. direction variante en -ɤ variante en -o bas pjɤ- pjo- aval chɤ- cho- ouest ɲɤ- ɲo- Tableau 314 : variantes en libres alternance des préfixes de série 4. Or, les fusions des préfixes de série 2 avec le préfixe a- / ɤ- (à l’imperfectif non-passé, notamment) donnent uniquement la variante à vocalisme -ɤ, ce qui permet de distinguer tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 les deux. direction orthographe prononciation bas pjɯ-ɤ [pjɤ] aval chɯ-ɤ [chɤ] ouest ɲɯ-ɤ [ɲɤ] Tableau 315 : Fusion des préfixes de série 2 avec le préfixe a- / ɤ-. L’allomorphe ɤ- est utilisé avec toutes les formes nominales du verbe. Les verbes statifs à préfixe a- / ɤ- ont donc une forme infinitive (nom d’action) en kɤ- au lieu d’une forme en kɯ- : kɤ-rŋi « bleu », aoriste : nɯ-arŋi « il est devenu bleu ». Pour les verbes dynamiques à préfixe a- / ɤ-, on ne peut pas distinguer le nom d’agent du nom d’action : kɤ-ɕqʰe signifie aussi bien « le fait de tousser (kɤ-ɤɕqʰe) » que « celui qui tousse (kɯ-ɤɕqʰe). » Avec ce type de formes, notre orthographe écrit kɤ- dans tous les cas pour simplifier la transcription. Les noms de degré, avec préfixe tɯ-, se forment également avec l’allomorphe ɤ- : (176) ɯ-tɯ-ɤɕqʰe nɯ « il tousse beaucoup / souvent » Les noms d’action en tɯ- présentent également la forme ɤ- : (177) tɯ-ɤɕqʰe « la toux » Le gérondif des verbes contractes n’est pas distinct de celui des verbes sans préfixes dérivationnels : il est formé d’un préfixe sɤ- suivi de la racine du verbe rédupliquée. Exemples : sɤ-tsʰɯ-tsʰi « en buvant (verbe non contracte sans préfixe dérivationnel), » sɤ-ɕqʰɯ-ɕqʰe « en toussant (verbe contracte) ». Cette dernière forme pourrait s’écrire sɤ-ɤɕqhɯ-ɕqʰe dans notre orthographe, pour noter la présence du préfixe même si celui-ci n’est pas apparent, mais, comme dans le cas des préfixes nominaux kɯ- / kɤ-, nous préférons écrire sɤ- dans tous les cas pour ne pas alourdir notre transcription. Les préfixes dérivationnels sélectionnent l’allomorphe ɤ-, mais l’ordre relatif des 422 préfixes dérivationnels par rapport au préfixe a- / ɤ- est variable. La plupart des préfixes se placent après lui (préfixe nɯ- du moyen, préfixe mɯ- du réciproque), tandis que d’autres préfixes se placent avant lui (préfixe sɯ- de causatif, préfixe ɣɤ- de causatif des verbes statifs et le préfixe nɯ- de l’applicatif, qu’il convient de ne pas confondre avec le moyen). Lorsque a- / ɤ- se trouve précédé d’un autre préfixe dérivationnel, le verbe cesse d’être un verbe contracte, puisque dans ce cas les préfixes inflexionnels ne peuvent pas entrer en contact avec a- / ɤ-. Exemple : kɤ-la « bouillir Intr. » est un verbe contracte, mais sa forme causative kɤ-sɯ-ɤla « faire bouillir » ne l’est pas. On rencontre dans toute la langue un seul cas de fusion de la forme sɯɣ- du préfixe causatif avec le préfixe a- / ɤ- : il s’agit de l’aoriste du verbe kɤ-sɯɣɕe « envoyer ». Le verbe kɤ-ɕe, comme nous l’avons vu, est le seul de toute la langue à présenter une alternance de thème supplétive. Le thème 1 de ce verbe est -ɕe et le thème 2 est –ari. Les tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 formes dérivées de ce verbe présentent bien sûr la même alternance. L’aoriste de kɤ-sɯɣɕe est ainsi jɤ-sɤɣri : au lieu de former une racine élargie trisyllabique *sɯɣ-ɤri ou de sélectionner l’allomorphe sɯ- à la place de sɯɣ- *sɯ-ɤri, la langue de kɤmɲɯ choisit de fusionner sɯɣ- et ɤ-. Comme dans tous les autres cas les verbes contractes sélectionnent l’allomorphe sɯ- du causatif, il n’y a aucun autre exemple de cette contraction dans le reste de la langue. 7.1.3 Forme kɤ- du préfixe Comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises dans ce chapître, les préfixes de série 2, en fusionnant avec le préfixe a- / ɤ-, deviennent presque identiques avec ceux de série 4. Or, tous les verbes contractes sont intransitifs, et comme nous l’avons vu, le thème 3 de la racine des verbes intransitifs est toujours identique au thème 1 dans toutes les langues rgyalronguiques que nous avons étudiées. De ce fait, l’imperfectif non-passé devient identique au médiatif indirect passé. Toutefois, le japhug de kɤmɲɯ, seul parmi toutes les variétés de japhug sur lesquelles nous avons travaillé, a développé une forme verbale particulière : le préfixe a- / ɤ-, lorsqu’il est précédé de préfixes de série 4, se voit adjoindre un préfixe kɤ-. Ce curieux phénomène est également présent avec le préfixe continu asɯ- / ɤsɯ-. L’ajout de ce préfixe permet de désambiguïser la forme en question. Nous appelons cette forme médiatif indirect passé 2 (MIP2), et dans les cas où le préfixe pjɤ- est utilisé avec une valeur imperfective, médiatif indirect passé imperfectif 2 (MIF2). Exemples : tu-ala « ça bout (IPF), » to-kɤ-la(-chɯ) « ça a bouilli (MIP2). » Une forme telle que to-la (MIP 3s) est comprise et acceptée par les locuteurs, mais on n’en trouve aucun exemple dans les textes. La raison pour laquelle cette forme est considérée tout de même comme grammaticale est que les locuteurs du parler de kɤmɲɯ sont en contact avec les locuteurs des autres dialectes japhug et sont habitués à entendre ce type de formes sans 423 préfixe kɤ-. Par ailleurs, comme nous le verrons ci-dessous, le MIP2 est restreint à la troisième personne et le MIP est tout de même utilisé avec les verbes contractes aux autres personnes. Le MIP2 est optionnellement suffixé en -chɯ, un suffixe non-accentué qui s’apparente sans doute au suffixe médiatif –cə dans la langue de tshobdun (Sun 2002 : 82). Ce suffixe apparaît aussi avec les verbes préfixés en asɯ- / ɤsɯ- au MIF2, et nulle part ailleurs : dans le parler de kɤmɲɯ, le suffixe –chɯ requiert d’être adjoint à une forme verbale préfixée par {préfixe de série 4 + kɤ + ɤ-} ou {préfixe de série 4 + kɤ + ɤsɯ-}. Le préfixe kɤ- et le suffixe –chɯ au MIP2 et au MIF2 se retrouvent dans toutes les formes verbales dérivées, telles que les formes rédupliquées : (178) tɯ-to-kɤ-ɕqʰé-cʰɯ ʑo kɯ « il tousse de plus en plus (il paraît) » Toutefois, comme nous l’avons évoqué plus haut, il est notable que le MIP2 et le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 MIF2 ne s’utilisent qu’à la troisième personne. A la seconde personne (la première étant quasiment inutilisée au médiatif indirect pour des raisons pragmatiques), seul le MIP peut être utilisé. Toutefois, la seconde personne n’est pas ambiguë, elle ne peut être confondue avec l’imperfectif non-passé : (179) to-tɯ-ɤɕqʰe « tu as toussé (paraît-il) » MIP (180) tu-tɯ-ɤɕqʰe « tu tousses » IPF En effet, la fusion s’opère avec le préfixe de seconde personne et non avec le préfixe directionnel. L’origine du préfixe kɤ- du MIP2 et du MIF2 est assez évidente : il s’agit originellement de la forme d’impersonnel des verbes intransitifs kɯ- fusionnée avec le préfixe a- / ɤ- au MIP. Comme nous l’avons vu dans la section 5.1.2.4 p.349, on peut tout à fait former l’impersonnel du MIP, par exemple : to-kɯ-mbro « avoir grandi » ; toutefois, le MIP2 se distingue de l’impersonnel du MIP sur deux points : premièrement, même si le MIP2, comme l’impersonnel, est restreint à la troisième personne, en revanche, il peut former le duel et le pluriel, comme on peut le constater dans le paradigme suivant : (181) kɤ-ɕqʰe « tousser » au MIP2 to-kɤ-ɕqʰe (-cʰɯ) to-kɤ-ɕqʰé-ndʑi (-cʰɯ) to-kɤ-ɕqʰé-nɯ (-cʰɯ) Deuxièmement, le MIP2 permet optionnellement la suffixation de –chɯ. 7.1.4 Un verbe irrégulier : kɤ-zɣɯt « arriver » Parmi les verbes contractes, un seul présente des formes irrégulières. Il s’agit de kɤ-zɣɯt « arriver. » A certaines formes de ce verbe, le préfixe a- / ɤ- disparaît alors sans laisser de traces. Ceci comprend les formes de l’aoriste 2 et les noms déverbaux. Avec le 424 préfixe de seconde personne, la suppression du préfixe a- / ɤ- n’est qu’optionnelle. (182) a) jɤ-tɯ-ɤzɣɯt / jɤ-tɯ-zɣɯt « tu es arrivé » b) ju-tɯ-zɣɯt « dès que tu arrives / es arrivé » c) ɯ-tɯ-zɣɯt (pjɤ-ɣɤji) « il est arrivé très vite » (nom de degré) d) kɯ-zɣɯt « celui qui est arrivé » (nom d’agent) En l’absence de données directement comparables dans d’autres langues, il est difficile de tirer une conclusion de cette exception. Toutefois, il est probable que la coexistence des formes irrégulières avec les formes régulières (à la seconde personne) indique que l’analogie est en train de gommer la dernière trace d’un phénomène morphophonologique ancien92. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 7.1.5 Forme interrogative ɯ- : -j- épenthétique Le seul procédé dont nous avons parlé jusqu’ici utilisé pour éviter le hiatus était la fusion de la voyelle du préfixe avec a- / ɤ-. Il y a un cas ou ce procédé n’est pas utilisé : la forme interrogative du non-passé des verbes contractes, où le préfixe interrogatif ɯ- est en contact avec a- / ɤ-. Dans ce cas, on insère un segment -j- entre ɯ- et ɤ- : ɯ́-j-atsɯtsu ? « est-ce-qu’il va arriver à temps ? Fonction du préfixe Forme du préfixe aoriste préfixes de série 1 : Allomorphe a- / ɤa- tɤ-, pɯ-, lɤ-, thɯ-, kɤ-, nɯ-, jɤirréel / jussif préfixes de série 1 : ɤ- tɤ-, pɯ-, lɤ-, thɯ-, kɤ-, nɯ-, jɤimperfectif non-passé préfixes de série 2 : ɤ- pjɯ-, chɯ-, ɲɯseconde personne tɯ- ɤ- négation mɤ- a- mouvement ɣɯ- / ɕɯ- a- immédiat jɯ- a- interrogatif ɯ́- j-a- nominalisateurs kɯ-, kɤ-, tɯ- ɤ- gérondif sɤ- ɤ- 92 kɤ-zɣɯt est un verbe doublement préfixé dont la racine élargie peut s’écrire ɤ-z-ɣɯt. C’est un dérivé du verbe transitif kɤ-ɣɯt « amener. » Le préfixe a- / ɤ- est ici le préfixe intransitivant, mais en revanche la fonction de z- (allomorphe d’un *s- non attesté) n’est pas claire. 425 préfixes causatifs sɯ-, sɯɣ-, ɣɤ-, nɯ- ɤ- impersonnel kɯ- ɤ- médiatif indirect passé préfixes de série 4 : ɤ- (forme dialectale) to-, pjɤ-, lo-, chɯ-, ko-, ɲɤ-, jo- Tableau 316: Récapitulatif de la distribution des allomorphes a- / ɤ- selon les préfixes 7.2 Morphosyntaxe comparée Tout comme le tshobdun (Sun 2000a), les dialectes japhug ont subi un changement *ŋa > a- au début de syllabe. Ce changement n’est toutefois attesté que par deux groupes d’exemples : d’une part, le pronom *ŋajaŋ93 de première personne du singulier et le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 préfixe possessif *ŋa- qui ont donné régulièrement ɐɟiʔ / ɐ- en tshobdun et aʑo / a- dans les dialectes japhug de gDong-brgyad94. D’autre part, plusieurs préfixes synonymes ŋaattesté tels quels en cogtse ont donné en japhug le préfixe a- / ɤ- des verbes contractes. Le changement ŋa- Æ a- est aussi attesté sporadiquement en cogtse. Il est donc probable qu’il s’est produit indépendamment en japhug et en tshobdun, et qu’il ne s’agit pas là d’une innovation commune de ces deux langues. Wei (2000 : 46-51 ; 80-83) a abordé dans sa thèse une fonction du préfixe ŋa- en rgyalrong de cogtse : la dérivation de verbes intransitifs. Tout d’abord, nous proposerons une critique des résultats de son travail, puis ensuite nous comparerons le fonctionnement de ce préfixe en cogtse, en japhug, et également en tshobdun. 7.2.1 Cas de préfixes ŋa- sans fonction dérivationnelle. Sur la base des exemples suivants a-k, Wei (2000 : 46-7) prétend que ŋa- / ŋɐpermet de dériver des verbes intransitifs, tandis que sa- / sɐ-, ʃa- / ʃɐ- et na- / nɐ- dérivent des verbes transitifs. (183) a) kə-ŋɐ-pkɐ̂n “changer (v.i.)” ka-sa-kpân “changer (v.t.)” b) ka-ŋa-krú “pleurer” ka-ʃa-krú “faire pleurer” c) kə-ŋa-rʃók “se casser” ka-sa-rʃók “casser” 93 Cette forme signifiait à l’origine littéralement « moi-même ». 94 Les dialectes japhug de gSar-rdzong et de Da-tshang ont la forme ŋa comme pronom de première personne singulier. Etant donné que le préfixe possessif est bien la forme a- dans ces dialectes, il est possible que cette forme irrégulière soit due soit à l’influence du tibétain de l’Amdo, soit à celle du rgyalrong oriental, les deux langues qui côtoient ces dialectes. 426 d) kə-ŋɐ-cçolô “être mélangé” kɐ-sɐ-cçolô “mélanger” e) kə-ŋɐ-jtə̂n “s’accumuler” kɐ-sɐ-jtə̂n “accumuler” f) kə-ŋa-stô “être droit” ka-sa-stô “mettre droit” g) ka-ŋa-pkí “se cacher” ka-ʃa-pkí “cacher” h) kə-ŋa-nák “être rapide” ka-ʃa-nák “render rapide” i) kə-ŋɐ-ndzót “aboyer” kə-nɐ-ndzót “aboyer contre quelqu’un” j) ka-ŋa-kʰó “crier” ka-na-kʰó “appeller” k) ka-ŋa-sŋô “se quereller” ka-na-sŋô “gronder” Comme nous le verrons dans la section 2.2, Wei a tout à fait raison de considérer ŋacomme un préfixe lié à la valence du verbe. Toutefois, pour au moins une partie des exemples a-k, il n’est pas certain que ce soit ce préfixe qui soit en cause, mais un autre préfixe synonyme. En effet, le préfixe intransitivant suppose un verbe transitif à la base tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 duquel va être dérivé le verbe intransitif en ŋa-. Or, parmi tous ses exemples, aucun n’est comparé à un verbe transitif non préfixé. Wei compare ces verbes intransitifs à des verbes transitifs dérivés par des préfixes transitivants. Il n’explique pas clairement quel verbe dans chacune des paires de verbes qu’il cite est le verbe de base, lequel est le verbe dérivé. Comparons les verbes a-k à leur cognats en japhug (lorsqu’ils en ont) : (184) b’. ka-ŋa-krú “pleurer” kɤ-ɣɤ-wu e’. kə-ŋɐ-jtə̂n “s’accumuler” kɤ-ɤ-jtɯ “être droit” kɤ-ɤ-stu f’. kə-ŋa-stô i’. kə-ŋɐ-ndzót “aboyer” kɤ-ɤ-ndzɯt j’. ka-ŋa-kʰó kɤ-ɤ-kʰu “crier” Nous avons noté ici kɤ-ɤ- les verbes contractes. Presque tous les exemples de Wei correspondent à des verbes contractes en japhug, à l’exception du verbe « pleurer », qui a un préfixe ɣɤ- à la place de a- / ɤ-. En japhug, parmi ces cinq exemples, aucun verbe préfixé n’a de verbe simple non-préfixé qui lui correspond. Cela signifie que même si a- / ɤ- a eu un jour une valeur dérivationnelle en proto-rgyalrong dans ces exemples, il n’en a plus aucune synchroniquement en japhug. Parmi les exemples de Wei, on en trouve un autre qui n’a pas d’équivalent en japhug, mais qui dans sa structure rappelle une classe particulière de verbes que l’on trouve en japhug : les verbes à infixe -l-, qui ont été étudiés dans la section 6.8 p.413. d) kə-ŋɐ-cçolô “être mélangé” kɐ-sɐ-cçolô “mélanger” Dans les cinq exemples ci-dessus b’ à j’, étant donné que a- / ɤ- et ŋa- / ŋɐ- dans les deux langues sont des préfixes inanalysables, le verbe intransitif est le verbe de base. Or, si l’on examine le vocalisme des préfixes des verbes transitifs en a-k, il est aisé de constater qu’il s’agit de –a ou de -ɐ, mais jamais de -ə, la forme habituelle de ces préfixes 427 en cogtse (sə- et ʃə- causatifs, nə- applicatif). Ce vocalisme irrégulier trouve une explication en japhug : comme nous l’avons évoqué en 1.2, les préfixes sɯ-, ɣɤ- et l’applicatif nɯ- en japhug se placent devant a- / ɤ- et sélectionnent l’allomorphe ɤ-, si bien que le causatif des verbes contractes est toujours sɤ-, et l’applicatif toujours nɤWei constate que les préfixes ŋa- ont tendance à devenir des préfixes fusionnant (comme ceux des verbes contractes en japhug) selon la fonction du préfixe et son contexte : ainsi le préfixe ŋa- du médiatif indirect (Wei 2000 : 36, note 5), et le préfixe ŋaintransitivant précédé du préfixe nominalisant kə- (Wei 2000 : 50-51, exemples 17d-e). Nous proposons donc que les préfixes causatifs / applicatifs à vocalisme a- / ɐ- des exemples a-k sont en réalité le résultat de la fusion des préfixes sə-, ʃə-, nə- et du préfixe ŋa-, qui n’apparaît jamais sous sa forme originelle dans ces cas. Les exemples a-k ne sont donc en aucun cas une démonstration de la valeur intransitivante de ŋa- en cogtse. Il tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 faut admettre qu’une partie des préfixes ŋa- n’a plus de sens analysable dans les langues actuelles. Toutefois, comme nous l’avions dit en introduction, tous les verbes contractes sont intransitifs ; il est donc possible que le préfixe *ŋa- ait eu, à un certain stade de l’évolution des langues rgyalronguiques, une valeur analysable liée à la valence du verbe. 7.2.2 Dérivation de verbes intransitifs et statifs. En japhug, une des fonctions du préfixe a- / ɤ- est de dériver des verbes intransitifs et statifs à partir de verbes transitifs dynamiques. Du fait que le préfixe kɤ- de nominalisation sélectionne l’allomorphe ɤ- du préfixe a- / ɤ-, la forme infinitive de ces verbes est indistinguable de celle des verbes desquels ils sont dérivés. Pour mettre en valeur leur différence, nous noterons kɤ-ɤ- la forme infinitive des verbes contractes tout au long de ce chapitre. Si l’on considère un verbe tel que kɤ-ta « mettre », on peut en dériver un verbe contracte kɤ-ɤ-ta « être mis. » Ce verbe intransitif va accepter les mêmes catégories TAM que celles des autres verbes intransitifs, sauf l’aoriste et le MIP2 : (185) a) tɕoχtsi ɯ-taʁ ɕoʁɕoʁ ɲɯ-ɤta (MDR) Un bout de papier a été posé sur la table (je le vois en ce moment). b) tɕoχtsi ɯ-taʁ ɕoʁɕoʁ ata (NPA) Un bout de papier est / sera posé sur la table. c) tɕoχtsi ɯ-taʁ ɕoʁɕoʁ ku-ata (PRE) Un bout de papier est posé sur la table (je le sais mais je ne le vois pas forcément). d) tɕoχtsi ɯ-taʁ ɕoʁɕoʁ pɯ-ata (PIF) Un bout de papier était posé sur la table (je l’ai vu). 428 e) tɕoχtsi ɯ-taʁ ɕoʁɕoʁ pjɤ-kɤ-tá-cʰɯ (MIF2) Un bout de papier était posé sur la table (je ne l’ai pas vu). L’aoriste et le MIP2 sont toutefois attestés avec au moins un verbe : le dérivé de kɤ-βzu « faire », le verbe contracte kɤ-βzu « grandir jusqu’à un certain stade » peut se conjuguer à ces deux temps : (186) tɤ-ɕi kɤ-pʰɯt tɤ-aβzu orge NAC:couper AOR:3s:pousser jusqu’à un certain stade On a fait pousser l’orge au point qu’il est prêt à être coupé (je l’ai vu pousser tout au long). (187) tɤ-ɕi kɤ-pʰɯt to-kɤ-βzú-cʰɯ orge NAC:couper MIP2:3s:pousser jusqu’à un certain stade On a fait pousser l’orge au point qu’il est prêt à être coupé (je ne l’ai pas vu pousser). Le préfixe a- / ɤ-, même s’il supprime le sujet, implique que l’action a été produite par un agent extérieur. Ainsi, le verbe kɤ-ɤ-prɤt « être coupé » dérivé de kɤ-prɤt « couper » a tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 un sens légèrement différent de kɤ-mbrɤt « être coupé », dérivé par le voisement intransitivant : (188) <dianhua> pjɤ-kɤ-ɤ-prɤ́t-cʰɯ Quelqu’un a coupé la ligne (de téléphone). (189) <dianhua> pjɤ-mbrɤt La ligne s’est coupée (d’elle-même). La sémantique du verbe contracte dérivé est rarement aussi différente de celle du verbe de base que dans le cas de kɤ-βzu. Voici quelques exemples : (190) a) kɤ-mto « voir » kɤ-ɤ-mto b) kɤ-mtsʰɤm « entendre » kɤ-ɤ-mtsʰɤm « être audible » c) kɤ-rɤt « écrire, dessiner » kɤ-ɤ-rɤt « être écrit, être dessiné » d) kɤ-rmbɯ « amasser » kɤ-ɤ-rmbɯ « être amassé » « être visible » Comme nous l’avons observé en 1.2, les verbes contractes peuvent tout à fait être précédés des préfixes causatifs et applicatifs. Toutefois, parmi tous les verbes que nous avons étudiés ayant le préfixe a- / ɤ- intransitivant, seuls deux peuvent être préfixés du causatif sɯ- : kɤ-ɤ-βzu « grandir jusqu’à un certain stade » et kɤ-ɤ-pa « devenir »95 dont on peut dériver kɤ-sɯ-ɤ-βzu « préparer, faire en sorte que qqch soit prêt à » et kɤ-sɯ-ɤ-pa « transformer » comme dans l’exemple suivant : (191) tɤ-ɕi kɤ-rŋu tɤ-sɯ-ɤ-βzú-t-a orge NAC:frire AOR:1s>3s:CAU:-ɤ-:faire J’ai préparé l’orge pour qu’on puisse le faire frire. Il n’est sans doute pas un hasard que les deux exemples auxquels le préfixe sɯ- peut 95 Etymologiquement, ce verbe signifiait « être fait ». C’est un dérivé de la racine PGR *pa « faire » qui a donné kɤ-pa « fermer » en japhug. 429 être adjoint sont des verbes dont la relation sémantique avec le verbe de base non-préfixé en a- / ɤ- n’est plus évidente en japhug. Il y a deux explications possibles à cet état de fait : ou bien la dérivation causative n’est plus productive pour ce type de verbes depuis longtemps et seuls quelques exemples ont réussi à se maintenir dans la langue, ou bien elle n’était pas possible à un stade ancien de la langue et elle n’a pu leur être appliquée que lorsque la sémantique du verbe préfixé en a- / ɤ- est devenue suffisamment éloignée du verbe de base pour que a- / ɤ- ne soit plus considéré synchroniquement comme un préfixe intransitivant.96 La préfixation en sɯ- n’est pas possible pour le reste des verbes de ce type. Ainsi de kɤ-ɤ-rɤt « être écrit » on ne peut pas dériver une forme telle que *kɤ-sɯ-ɤ-rɤt. L’incompatibilité entre les préfixes causatifs et a- / ɤ- est sans doute due à la même raison que celle entre les causatifs et N- : la grammaire n’autorise pas de former un verbe tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 transitif à partir d’un verbe intransitif déjà dérivé d’un verbe transitif. Si le préfixe a- / ɤ- intransitivant dans les dialectes japhug appartient à la morphologie dérivationnelle, il n’en est pas de même dans les dialectes apparentés. En cogtse, selon le travail de Wei (2000 : 47-8), le préfixe ŋa- / ŋɐ- permet de supprimer un argument. Toutefois, il diffère considérablement dans son usage des impersonnels du japhug, car peut être utilisé avec les verbes intransitifs aussi bien qu’avec les verbes transitifs, et il n’a pas le sens réflexif « soi-même » du préfixe impersonnel intransitif kɯ- du japhug. Reprenons les exemples de Wei : (192) a) nə-ŋáʃi-s ti, lɐmɐ́-kə rŋəwɐ̂ ka-səpá ra Lorsque quelqu’un meurt, il faut demander à un lama de réciter un soutra. b) təzɐ̂ to-ŋáza-s wə-kʰú-j cçʰɐ̂ ka-mot ra Après manger, il faut boire du vin. Pour traduire en japhug les phrases (192), le seul moyen est de recourir aux deux préfixes d’impersonnel kɯ- (supprime un actant à l’absolutif) et ɣɯ- (transitif, supprime l’actant à l’ergatif) : (193) a) nɯ-kɯ-si tɕe, AOR:IP2:3s:mourir CONJ b) βlama kɯ tɯ-rpi kɤ-sɯ-βzu ra lama ERG sutra NAC:CAU:faire NPA:3s:devoir cʰa ra tɯ-ndza tɤ́-ɣ-ndza ɯ-qʰu tɕe, nourriture AOR:IP1:3>3s:manger 3s:après CONJ kɤ-tsʰi alcool NAC:boire NPA:3s:devoir Cette fonction est très clairement apparentée à celle du préfixe a- / ɤ- intransitivant, qui diminue la valence du verbe. Il est important de noter que ce ŋa- peut être associé à 96 Cette double préfixation sɯ-ɤ- ne doit pas être confondue avec le préfixe intransitivant sɤ- qui été abordé dans le chapitre 6. 430 des verbes intransitifs : c’est la une différence importante de plus avec son fonctionnement en japhug, où il ne peut être préfixé qu’à des verbes transitifs. On trouve dans la langue de tshobdun un préfixe cognat, le préfixe ɐ- qui, comme en cogtse, est de nature inflexionnelle plutôt que dérivationnelle. Il permet de former des passifs sans agent (無主事者被動). Sun et Shi (2002 : 90) donnent des exemples de ce type de forme verbale : (194) a) koʔ təjtʃe ɐ-tʃʰɔ-cə Le champs a été labouré. b) ʃɔʃɔʔ-ta qɐɟwɛʔ ɐ-rèt-cə Un poisson a été dessiné sur le papier. Le suffixe –cə dans ces exemples est le cognat du suffixe –chɯ qui apparaît au MIP2, ce tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 qui est un point commun supplémentaire entre le préfixe ɐ- du tshobdun et le préfixe a- / ɤ- du japhug. Pour traduire ce type de phrases en japhug, il est tout à fait approprié d’utiliser le verbe contracte intransitif dérivé, et on a le choix entre le MIP2 (195), qui précise que l’on n’a pas été témoin de l’action, l’aoriste (196), qui indique que l’on a été témoin de l’action, voire le MDR (197), qui insiste sur le fait que l’on voit en ce moment le résultat de l’action) (195) a) b) kɯki tɯ-ji ki lo-kɤ-ɤɕlú-cʰɯ DMP champs DMP MIP2:3s:être labouré ɕoʁɕoʁ ɯ-taʁ qaɟy pjɤ-kɤ-ɤrɤ́t-cʰɯ papier 3s:dessus poisson MIP2:3s:être dessiné kɯki tɯ-ji ki lɤ-aɕlu DMP champs DMP AOR:3s:être labouré (196) a) b) ɕoʁɕoʁ ɯ-taʁ qaɟy pɯ-arɤt papier 3s:dessus poisson AOR:3s:être dessiné kɯki tɯ-ji ɲɯ-ɤɕlu DMP champs MDR:3s:être labouré (197) a) b) ɕoʁɕoʁ ɯ-taʁ qaɟy ɲɯ-ɤrɤt papier poisson MDR:3s:être dessiné 3s:dessus Si le préfixe ŋa- / ŋɐ- du cogtse, le préfixe ɐ- du tshobdun et le préfixe a- / ɤ- du japhug sont indéniablement cognats, la fonction de ce préfixe en proto-rgyalronguique n’est pas claire : s’agissait-il d’un préfixe dérivationnel comme en japhug, ou inflexionnel comme dans les deux autres langues ? Fonctionnait-il comme un impersonnel, ou comme un préfixe intransitivant ? Ces questions dépassent l’objectif de notre travail. 431 7.2.3 Préfixe réciproque En cogtse, un préfixe ŋa- synonyme de celui que nous venons d’étudier permet de former un verbe intransitif réciproque à partir d’un verbe transitif. L’ajout du préfixe ŋas’accompagne d’une réduplication radicale. Ainsi Lin (1993 : 256-7) cite les exemples suivants : (198) a) ka-top « frapper » ka-ŋa-top-top « se frapper les uns les autres » b) ka-kor « aider » ka-ŋa-kor-kor « s’aider les uns les autres » c) ka-prak « soutenir, aider à marcher » ka-ŋa-prak-prak « se soutenir les uns les autres » d) ka-zu « éduquer » ka-ŋa-zu-zu « s’éduquer les uns les autres » Un processus similaire est à l’oeuvre en japhug, mis à part que la réduplication ne tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 fonctionne pas comme en cogtse, et que bien sûr en japhug on trouve le préfixe a- / ɤ- à la place de ŋa-. Ainsi, on peut former de manière productive des dérivés de verbes transitifs : (199) a) kɤ-ndza kɤ-ɤ-ndzɯ-ndza « se manger les uns les autres » b) kɤ-nɯrɯtʂa « envier » kɤ-ɤ-nɯrɯtʂɯ-tʂa « s’envier les uns les autres » c) kɤ-rpu kɤ-ɤ-rpɯ-rpu « manger » « cogner » « se cogner les uns contre les autres » Dans quelques rares cas, le verbe réciproque dérivé a un sens différent du verbe de base : kɤ-lɤt « jeter, » kɤ-lɯ-lɤt « se battre. » On trouve aussi un préfixe composé a- / ɤ- plus mɯ- qui forme le réflexif de quelques verbes. Voici la liste complète des exemples de ce double préfixe dans nos données : (200) a) kɤ-mto « voir » kɤ-ɤ-mɯ-mto « se voir l’un l’autre » b) kɤ-rpu « cogner » kɤ-ɤ-mɯ-rpu « se cogner les uns contre les autres » c) kɤ-ti « dire » kɤ-ɤ-mɯ-ti « se dire l’un à l’autre » d) kɤ-tso « comprendre » kɤ-ɤ-mɯ-tsɯ-tso « se comprendre les uns les autres » On trouve deux autres exemples, mais il ne font peut-être pas partie de cette catégorie, parce qu’ils sont déjà dérivés des verbes contractes : (201) kɤ-ɤ-tɯɣ « toucher, rencontrer » (202) kɯ-ɤ-rmbat « proche » kɤ-ɤ-mɯ-tɯɣ kɤ-ɤ-mɯ-rmbat « se rencontrer » « s’approcher l’un de l’autre » Cette fonction du préfixe a- / ɤ- n’est sans doute pas sans rapport avec la fonction d’intransitivant que nous avons étudiée. En effet, le propre d’un verbe réflexif est d’identifier l’actant objet à l’actant sujet, ce qui revient à diminuer la valence du verbe. A la différence du préfixe vu en 2.2, toutefois, le verbe ne devient pas statif. 432 7.2.4 Fonctions dérivationnelles non-productives Il est possible, en étudiant la liste des verbes contractes, de trouver des classes de verbes ayant des propriétés sémantiques communes. En plus de fonctions dérivationnelles, il semble que a- / ɤ- ait comme fonction de marquer certaines classes sémantiques de verbes. La première classe de ce type est celle des verbes statifs de forme d’objet. Pour faciliter la comparaison, nous incluons les formes cognats dans le dialecte de somang (Huang et Sun 2002) : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (203) a) kɤ-ɤ-jɤr « en biais » kə-ŋa-zór-zor b) kɤ-ɤ-jʁu « courbé » kə-ŋa-rgó-rgo c) kɤ-ɤ-ntɤm « plat » kə-ntʰâm d) kɤ-ɤ-χcʰoβlu « concave » e) kɤ-ɤ-βʑirdu « carré » f) kɤ-ɤ-rtɯm « rond » g) kɤ-ɤ-rʁurʁu « froissé » kə ŋa bʑírdo On trouve toutefois des verbes appartenant à cette catégorie qui ne sont pas contractes : kɤ-mɤ-mbɯr « protubérent ». On peut constater que les cognats de ces verbes en somang ont le préfixe ŋa-, à l’exception du verbe « plat ». Les mots de la même catégorie sémantique mais non cognats avec les mots japhug ci-dessus, ont également le préfixe ŋa- : kə-ŋa-ntɕʰók « concave », et l’équivalent de kɤ-mɤ-mbɯr est un verbe à préfixe ŋa- : kə-ŋa-mbə́r « protubérant. » C’est donc un phénomène répandu dans les langues rgyalronguiques, sans aucun doute hérité de la proto-langue. La deuxième catégorie de verbe est celle des verbes d’action corporelle non-volontaire mais contrôlable, telles que : (204) a) kɤ-ɤ-ɕqʰe « tousser » b) kɤ-ɤ-tɕʰɯs « éternuer » c) kɤ-ɤ-ndzɯqoʁ « roter » d) kɤ-ɤ-qioʁ « vomir » e) kɤ-ɤ-χom « bailler » f) kɤ-ɤ-qʰrɯmbɤβ « roter (après avoir bien mangé) » Là aussi, on rencontre des exceptions telles que kɤ-mɯ-jpʰɤt « vomir », qui n’est pas un verbe contracte. Une valeur comparable au préfixe ŋa- en rgyalrong oriental n’a pas pu être mise en évidence : les dialectes cogtse et somang font usage de constructions composées avec les verbes kə́-paʔ et kə-lát pour toute cette catégorie de verbes. 433 8 La nominalisation Les langues rgyalronguiques sont particulièrement riches en formes nominales, qui occupent un rôle important non seulement dans la création de noms dérivés, mais servent aussi à former toutes sortes de subordonnées (relatives, compléments du verbe). La forme considérée comme l’infinitif en japhug et à ce titre incluse dans le dictionnaire comme tête d’entrée est celle du nom d’action. A part cette forme, on peut distinguer le nom d’agent, le nom oblique et le nom de degré. A ces quatre types les plus courants, on peut préfixer une partie des affixes étudiés dans la conjugaison finie du verbe. On tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 trouve par ailleurs plusieurs formes nominales dont la productivité est plus limitée. Ce chapitre sera divisé en quatre parties : z Les noms relativisants (action, agent, instrument) z Les noms de degrés et les formes qui lui sont apparentées z Les autres types de nominalisation z La relativisation 8.1 Noms relativisants Le nom d’action, d’agent et oblique se distinguent des autres types de noms déverbaux en ce qu’ils permettent de former des relatives. Le nom d’action et, dans quelques cas, le nom d’action sont aussi sélectionnés comme compléments de certaines classes de verbes. Nous consacrerons une première section au problème de l’opposition entre les préfixes kɯ- et kɤ- dans la formation des noms d’action, puis nous aborderons tour à tour la formation et les fonctions morphosyntaxiques de chacun des noms relativisants. 8.1.1 Préfixes kɤ- et kɯ- Les noms d’action sont préfixés en kɤ- ou en kɯ-. Les verbes statifs (correspondant aux adjectifs du français) n’ont qu’une forme infinitive en kɯ- en japhug. Selon Jackson T.-S. Sun (2003a : 500) on trouve en fait des paires minimales entre verbes statifs et dynamiques dans le dialecte de tshobdun. Il donne comme exemple la paire d’exemples suivante en tshobdun (citée par Wei 2000 : 23) : kə-ngu « être pauvre », kɐ- ngu « devenir pauvre. » Wei cite les exemples suivants en cogtse : kə-mʃór « être beau », kɐ-mʃór « devenir beau » et kə-mbrô « grand, haut », ka-mbrô « devenir grand. » En japhug, on 434 trouve un phénomène similaire lorsqu’on combine les verbes statifs avec un verbe tel que kɤ-sɤʑa « commencer » qui force une interprétation dynamique du procès : (205) kɤ-pe ta-sɤʑa NAC:être bien AOR:3s>3:commencer Il commence à devenir bon Ce qui nous donne la paire kɯ-pe « bien » et kɤ-pe « devenir bon ». Toutefois, on trouve dans les langues rgyalronguiques d’autres cas de kɯ- ou kə(selon les langues) à l’infinitif. Ces formes sont très difficiles à éliciter en japhug, et il semble que les dialectes japhug aient perdu en grande partie la distinction kɤ- / kɯ- en dehors des verbes statifs. Toutefois, il n’est pas à exclure qu’une étude plus approfondie de ce phénomène contredise certaines des affirmations avancées dans cette section. En cogtse, Wei (2000 : 21-24) présente des exemples de noms d’action à préfixe kə- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 pour les verbes dynamiques désignant des actions effectuées par un agent non-humain. Aucun des exemples de Wei n’a de préfixe kɯ- en japhug : kə-mtʃik « mordre » correspond au japhug kɤ-mtsɯɣ avec un préfixe kɤ- et non kɯ-. Le seul verbe de ce type qui se soit maintenu dans la langue à ma connaissance est kɯ-pa, un auxiliaire qui sert à prédiquer les phrases avec adjectifs désignant un état visible. Ce verbe correspond au cogtse kə́-paʔ, verbe auxiliaire à usage beaucoup plus varié (Wei 2000 : 24 ; Lin 1993 : 139). Il semble qu’il reste aussi une autre trace fossilisée de préfixe kɯ- propre aux verbes à agent non-humain. Dans l’expression préfixée de la négation mɤ- (ces formes seront étudiées dans la suite de cette section) mɤ-kɯ-mbrɤt « sans arrêt » liée au verbe kɤ-mbrɤt « être coupé », qui n’admet pas d’agent humain (en somang, ce verbe est kə-mbrát), on a bien un préfixe kɯ- au lieu de kɤ-. La forme régulière mɤ-kɤ-mbrɤt signifie simplement « sans être coupé. » Les deux formes ne peuvent pas être utilisées l’une pour l’autre, comparons les deux exemples : (206) mɤ-kɯ-mbrɤt *(mɤ-kɤ-mbrɤt) ʑo to-rɤɕmi sans arrêt adv. MIP:3s:parler Il parlait sans arrêt. (207) tɤ-ri uɣma ʑo ɲɯ-xtsʰɯm ri mɤ-kɤ-mbrɤt *(mɤ-kɯ-mbrɤt) fil adv. MDR:3s:être fin CONJ NGPA:NAC:être coupé très kɤ-pɣo tɤ-astʰɯ́t-a NAC:enrouler AOR:1s:finir Bien que le fil soit très fin, je l’ai enroulé sans qu’il se casse. La forme archaïque mɤ-kɯ-mbrɤt a développé le sens « sans arrêt » à côté du sens originel de « sans être coupé », puis elle a été remplacée dans ce dernier sens par la forme nouvelle mɤ-kɤ-mbrɤt lorsque la distinction entre verbe dynamiques à agents humain et à agents non-humains a disparu en japhug. 435 Wei (2000 : 19) cite encore parmi les verbes à préfixe kə- les verbes modaux. Parmi ses exemples, il inclut des adjectifs que nous ne discuterons pas ici, mais aussi quatre verbes modaux. Trois d’entre eux ont un cognat en japhug, également préfixé en kɯ- : (208) a) kə-ra « être nécessaire » kɯ-ra b) kə-kʰút « avoir le droit » kɯ-kʰɯ c) kə-zgát « devoir » d) kə-mdɐ́k « être temps de » kɯ-mda Parmi les quatre verbes ci-dessus, certains sont des verbes de modalité déontique (devoir, être nécessaire) d’autres de modalité épistémique (pouvoir). Mais certains verbes de modalité épistémique tels que kɤ-cʰa « pouvoir » et kɤ-spa « savoir » peuvent être précédés du préfixe ka- en cogtse et kɤ- en japhug et s’accordent avec le sujet. Wei tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (2000 : 18) considère seulement les verbes modaux en kɯ- comme des verbes modaux. Nous parlerons au cours de cette thèse de verbes de modalité statifs et non-statifs. A cette liste des modaux statifs, on doit rajouter en japhug kɯ-ntsʰi « devoir ». Voici un exemple de forme infinitive de verbe modal statif : (209) nɯ ma ji-kɤ-ndza pɯ-nɯ-me DML à part 1p:NAC:manger PIF:MOY:3s:ne pas y avoir kɯ-kʰɯ ɕti NAS:avoir le droit NPA:3s:être (affirmatif) tɕe CONJ (tɯsqar2.7) Même si il n’y a pas d’autre nourriture pour nous, ça va quand même. Une dernière catégorie de verbe à préfixe ka- abordée par Wei (2000 : 20-21) est celle des verbes « ayant une proposition comme argument, » qui sont en quelque sorte des auxiliaires à valeur aspectuelle. Voici ses exemples : (210) a) kə-nəŋgɐ́j « être différent (situation) » b) kə-ŋgrə̂l « être habituel » c) kə-rə̂l « rater, être reporté à plus tard » d) kə-ŋgrə́p « être réalisé » e) kə-ndʐút « se réaliser » f) kə-kʰʃə̂n « se finir » Seuls deux d’entre eux ont des cognats en japhug : kə-ŋgrə̂l et kə-ŋgrə́p, qui correspondent à kɯ-ŋgrɤl et kɤ-ŋgrɯ. Dans cette classe, seul kɯ-ŋgrɤl a donc toujours le préfixe kɯ-, kɤ-ŋgrɯ est devenu un verbe à préfixe kɤ-. Pour expliquer la présence du préfixe kə- avec les verbes modaux statifs et les auxiliaires aspectuels, Wei (2000 : 21) propose que ce type de verbe appartienne aux verbes à agent non-humain. Quoi qu’il en soit, la répartition du préfixe kɯ- est devenue plus réduite en japhug et il n’est pas évident qu’il soit possible de proposer une explication 436 satisfaisante pour leur répartition actuelle. Wei (2000 : 14) propose une explication pour la présence du préfixe kə- à la place du préfixe ka- pour les verbes statifs du cogtse. Il cite tout d’abord Jackson T.-S. Sun, selon lequel la forme attributive des verbes statifs préfixée en kɯ- est en réalité une forme de nom d’agent, et propose que les formes préfixées en kə- sont choisies comme infinitif pour des raisons pragmatiques plus que morphologiques : les verbes statifs apparaissent très rarement en cogtse dans des contextes où ils pourraient être préfixés en kɤ-. C’est donc la forme nominale la plus courante, le nom d’agent, qui serait sélectionnée. Que cette hypothèse soit valide ou non pour le japhug, nous emploierons une terminologie différente pour les formes kɯ- de nom d’agent des verbes dynamiques (nom d’agent), et pour les formes nominales kɯ- uniques des verbes statifs (nom d’action statif). La distinction entre nom d’agent (préfixe ka- / kɐ-) et nom d’action (préfixe kə-) en tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 cogtse est selon Wei (2000 : 80-1) liée à un préfixe ŋa- diminuant la valence du verbe : le préfixe ka- / kɐ- serait en fait composé de kə-ŋa. Pour supporter son hypothèse, Wei cite des paires de phrases où ka- alterne avec kə-ŋa sans changer de sens : (211) (212) [to-ka-ʃkút tə] ná-mem directionnel perfectif-ka-nourrir NOM imperfectif:être bon [to-kə-ŋa-ʃkút tə] ná-mem directionnel perfectif-kə-ŋa-nourrir NOM imperfectif:être bon Ce qui est fini (nourriture) était bon. Le cognat de ce préfixe ŋa- en japhug a été spécialement étudié dans le chapitre 7. Toutefois, en ce qui concerne le japhug du point de vue synchronique, rien ne permet d’affirmer que le préfixe kɤ- des noms d’action était à l’origine composé de deux morphèmes. Une différence fondamentale entre le ŋa- du cogtse et de son équivalent en japhug est que ce dernier ne peut pas se préfixer aux verbes intransitifs. Or si le préfixe kɤ- était synchroniquement composé de kɯ- et du préfixe a- / ɤ- des verbes contractes, les verbes intransitifs ne devraient avoir que des formes nominalisées en kɯ-, ce qui n’est pas le cas. Toutefois, il est possible que l’analyse de Wei soit valable pour un stade très ancien du japhug. Finallement, Wei (2000 : 12) cite également quatre verbes dont la forme infinitive n’est pas préfixée en ka- ou en kə- en cogtse. Il s’agit de ŋós « être », mák « ne pas être », ndó « avoir », et mi ́ « ne pas avoir ». En japhug, les cognats de ces quatre verbes peuvent être préfixés de kɯ- : kɯ-ŋu, kɯ-maʁ, kɯ-tu et kɯ-me. On peut rencontrer ces formes dans les compléments du verbes tels que : (213) pʰɯntsʰoʁ kɯ-rɯ kɯ-ŋu Phun-tshogs tibétain NAS:être nɯ ɲɤ-nɯ-jmɯ́t-a NOM MIP:MOY:1s>3s:oublier J’ai oublié que Phuntshogs était tibétain. La forme kɤ- est même possible avec le verbe « commencer » : 437 (214) sloχpɯn kɤ-ŋu ta-sɤʑa professeur NAC:être AOR:3s>3:commencer Il a commencé à être professeur. (215) rŋɯl kɤ-tu ta-sɤza argent NAC:avoir AOR:3s>3:commencer Il a commencé à avoir de l’argent. C’est le même phénomène qu’avec les autres verbes statifs, ce verbe force une interprétation dynamique. Dans ce type de phrase, la forme en kɯ- est jugée « possible » mais « moins correcte ». En d’autres termes, la phrase reste parfaitement compréhensible mais est fautive du point de vue morphologique. Il existe deux formes irrégulières de nom d’action statif en kɯ- : ku-xti « grand » et ku-ɣrum « blanc » (voir aussi la discussion sur ku-xti dans la section 4.3.2.2 p.281 et tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 suivantes). Ces deux verbes ont comme particularité de colorer en [u] tous les /ɯ/ des préfixes directement accolés à la racine. On trouve en japhug seulement trois verbes sans formes nominales. Il s’agit de mɤ-xsi « je ne sais pas », de ɣɤʑu « avoir » et de maŋe « ne pas avoir ». Ces trois verbes sont très irréguliers. mɤ-xsi est un verbe défectif qui ne s’emploie qu’à la première personne du singulier, et ɣɤʑu / maŋe ont des formes de seconde personne très inhabituelles (voir la section 5.1.2.1 p.339). 8.1.2 Noms d’action Les noms d’actions sont la forme de citation la plus commune des verbes, bien que certains locuteurs préfèrent citer des formes conjuguées. C’est cette forme qui a été choisie dans le dictionnaire comme tête d’entrée. Elle est formée des préfixes kɤ- ou kɯ-, comme nous l’avons décrit dans la section précédente, suivi de la racine élargie du verbe au thème 1. Cette forme ne doit pas être confondue avec l’aoriste 3s des verbes intransitifs qui sélectionnent le préfixe kɤ- : (216) kɤ-nɯmɲɯɣ « attraper le cancer de l’estomac ; il a attrapé le cancer de l’estomac » Ces noms peuvent être utilisés soit en tant que tels, comme arguments d’un verbe, soit comme compléments du verbe ou enfin comme formes adverbiales. Dans le cas des verbes transitifs, le nom d’action peut désigner le patient de l’action. (217) kɤ-ndza « manger Æ nourriture » Dans le cas des verbes intransitifs, il ne peut désigner que l’action elle-même et pas le patient de l’action, même dans le cas de verbes intransitifs dérivés de transitifs. Ce sens est évident dans les phrases telles que : 438 (218) kɤ-saʁndɯ nɯ mɤ-kɯ-pe ɕti NAC:frapper les gens NOM NGNP:NAS:être bien NPA:3s:être Ce n’est pas bien de frapper les gens. (le fait de frapper les gens n’est pas bien) Le nom d’action des verbes transitifs peut toutefois aussi bien désigner l’action elle-même, « le fait de » : (219) qartsɯ tɕe <xuegao> hiver CONJ kɤ-ndza glace ɯ-tɯ-mɯɕtaʁ NAC:manger tɕʰom 3s:ND1:être froid NPA:3s:être assez En hiver, (le fait de) manger une glace c’est vraiment trop froid. En préfixant un possessif à un verbe transitif, on peut indiquer l’agent de l’action : (220) a-kɤ-ndza (221) nɤ-kɤ-ndza « ma nourriture = la nourriture que je mange = le fait que je mange» « ta nourriture = la nourriture que tu manges = le fait que tu manges» tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Dans le cas des verbes intransitifs, la morphologie permet aussi de préfixer un possessif pour préciser l’agent : (222) a-kɤ-raχtɕi uɣma dɤn 1s:NAC:laver des choses très NPA:3s:être beaucoup J’ai beaucoup de choses à laver (litt. : mes tâches de lavage sont nombreuses) Mais dans la plupart des cas un pronom séparé est la construction préférée avec les verbes intransitifs : (223) nɤʑo kɤ-saʁndɯ nɯ mɯ-pɯ-pe tu NAC:frapper les gens NOM NGPA:PIF:3s:être bien Ce n’était pas bien de ta part d’avoir frappé des gens. Une forme telle que nɤ-kɤ-sɤʁndɯ est possible mais est jugée peu naturelle dans une phrase telle que (223). Dans le cas des verbes triactanciels comme kɤ-mbi « donner », la forme de nom d’action peut désigner soit le patient (l’objet donné), soit le destinataire (celui auquel on donne). Pour distinguer entre les deux, il est nécessaire de rajouter un nom tel que ɯ-spa « matériau » pour préciser qu’il s’agit de l’objet donné, et tɯ-rme « homme » pour préciser qu’il s’agit du destinataire. (224) a-kɤ-mbi ɯ-spa nɯ « la chose que je donne » (225) a-kɤ-mbi tɯ-rme nɯ « la personne à laquelle je donne. Les possessifs ne sont pas les seuls morphèmes pouvant être préfixés au nom d’action. On peut lui adjoindre également les préfixes directionnels de série 1 et 2 aussi bien aux verbes transitifs qu’aux intransitifs, ce qui permet de préciser la valeur temporelle et aspectuelle du nom déverbal. Nous appelons nom d’action perfectif la forme préfixée des directionnels de série 1 et nom d’action imperfectif celle qui est préfixée des directionnels de série 2 : 439 (226) nɯ-kɤ-mbi « la chose qui a été donnée, le fait d’avoir donné97 » (227) ɲɯ-kɤ-mbi « la chose que l’on donne, le fait de donner (d’habitude) » Comme le nom d’action simple, le nom d’action imperfectif sélectionne le thème 1 et non le thème 3. Ainsi du verbe kɤ-ndza « manger » on formera : (228) tu-kɤ-ndza « ce que l’on mange d’habitude, ce qui est comestible » et non *tu-kɤ-ndze. En revanche, les noms d’actions imperfectifs sélectionnent le thème 2. On doit donc dire : (229) tɤ-kɤ-tɯt « ce qui a été dit, le fait d’avoir dit » et non *tɤ-kɤ-ti. Les préfixes de mouvement ɣɯ- et ɕɯ-, ainsi que la négation peuvent eux aussi être tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 préfixés : (230) mɤ-kɤ-rɯndzɤtsʰi « le fait de ne pas manger » (231) ɕɯ-kɤ-rɯndzɤtsʰi « le fait d’aller manger » (232) ɣɯ-kɤ-rɯndzɤtsʰi « le fait de venir manger » Devant les noms d’action, le préfixe ɕɯ- présente les deux formes ɕ- et ɕɯ- bien que le préfixe kɤ- de nominalisation soit synonyme avec le préfixe kɤ- de série 1 (vers l’est) qui exige la forme ɕ-. Ainsi on peut distinguer : (233) ɕ- / ɕɯ-kɤ-ŋke « le fait d’aller marcher » (nom d’action) (234) ɕ-kɤ-ŋke « il est allé marcher (vers l’est) » (aoriste 3s) Ces préfixes peuvent se combiner entre eux et avec les préfixes de séries 1 et 2 (nom d’action perfectif et imperfectif). Ainsi on peut former : (235) a-nɯ-kɤ-mbi la chose que j’ai donnée, la personne à laquelle j’ai donné (236) a-ɲɯ-kɤ-mbi la chose que je donne / vais donner, la personne à laquelle je donne Avec les noms d’action perfectifs et imperfectifs, on doit employer le négatif mɯ- à la place de mɤ-. C’est exactement semblable aux formes finies du verbe, où l’aoriste aussi bien que l’imperfectif non-passé sélectionnent mɯ- : (237) ci nɯ nɯ-rmi pa mɯ-tɤ-kɤ-tɕɤt nɯ kɯ-lɤɣ un DML 3p:nom NGPA:NACP:prendre NOM NAG:faire paître en bas to-ɕe qʰe (Gesar. 136) MIP:D-haut:3s:aller CONJ Celui, en bas, auquel on n’avait pas encore donné de nom (Gesar encore enfant) était allé faire paître les animaux, .... 97 Cette forme est ambigüe avec le nom d’action préfixé du possessif nɯ-, qui signifierait alors « la chose que vous donnez / qu’ils donnent » ou « la personne à laquelle vous donnez / ils donnent » 440 (238) mɯ-tu-kɤ-ɕqʰe ɯ-tɕʰɯβ, ... NGPA:NACI:tousser 3s:pour Afin de ne pas tousser, ... Des formes composées plus complexes peuvent être élicitées, même si on n’en trouve guère dans les textes. (239) nɤ-mɤ-ɕɯ-kɤ-mbi « ce que tu ne vas pas donner » (240) mɯ-ɣɯ-nɯ-kɤ-mbi « ce que l’on n’est pas venu donner » Comme on peut le voir dans ces deux exemples, l’ordre relatif des préfixes du nom d’action est donc : possessif – négation – mouvement – directionnel – kɤ - racine élargie tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Toutefois, il n’est pas possible, pour une raison inexpliquée, d’ajouter plus de quatre préfixes. Les formes de ce type sont agrammaticales, bien que compréhensibles : (241) *nɤ-mɤ-ɕ-tɤ-kɤ-ndza « ce que tu n’es pas allé manger » Le nom d’action est également utilisé comme complément de certains verbes. Nous ne donnerons pas ici une liste exaustive, mais nous citerons quelques exemples représentatifs : oublier (kɤ-jmɯt), commencer (kɤ-sɤʑa), aimer (kɤ-rga), enseigner (kɤ-sɯɣɕɤt). (242) a) aʑo nɯŋa kɤ-χsu ɲɤ-nɯ-jmɯ́t-a je NAC:nourrir MIP:MOY:1s>3s:oublier vache J’ai oublié de nourrir les vaches. b) tɯ-ŋga kɤ-tʂɯβ sɤʑe-a habit NPA:1s>3s:commencer NAC:coudre Je vais commencer à coudre les habits. c) aʑo jɯɣi kɤ-rtoʁ rga je écriture NAC:regarder NPA:1s:être content J’aime lire des livres. d) aʑo tɤrʑi cʰo tsʰɯraŋ ni kɤ-rɤrɤt pjɯ-sɯxɕát-a je et NAC:écrire IPF:1s>3s:enseigner rDorje Tshering duel J’ai appris à écrire à rDorje et à Tshering. Dans ce type de construction, il n’est pas possible de préfixer les possessifs pour indiquer le patient. En revanche, il est facultativement possible d’ajouter un nominalisateur nɯ. Ainsi on peut dire de deux manières différentes : 441 (243) aʑo ɣɯ-kɤ-sco ɲɤ-nɯ-jmɯt (244) aʑo ɣɯ-kɤ-sco nɯ ɲɤ-nɯ-jmɯt Il a oublié de venir me raccompagner Dans les phrases (243) et (244), on marque l’objet comme un pronom séparé, comme dans le cas du sujet des verbes intransitifs. Il n’est en revanche pas permis de dire : (245) *a-kɤ-sco ɲɤ-nɯ-jmɯt Il n’est pas possible de se servir des noms d’action perfectifs et imperfectifs comme complément de verbes tels que kɤ-jmɯt « oublier » ou kɤ-sɤʑa « commencer » : (246) *pɯ-kɤ-rtoʁ tɤ-sɤʑá-t-a J’ai commencé à regarder. Ce sont ces deux types de contraintes sur les noms d’agent compléments qui tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 conduisent Wei (2000 : 70) à distinguer un « infinitif » par rapport aux formes nominales en ka- (qu’il analyse comme venant toujours que kə+ŋa). Il ne semble pas nécessaire de distinguer en japhug l’infinitif et le nom d’action qui, à la différence du cogtse, peut être suffixé du nominalisateur nɯ. Malgré les deux contraintes en (245) et (246), on peut tout de même préfixer les noms d’action compléments des préfixes négatifs et de mouvement : (247) a) ɯ-ɕki rŋɯl mɤ-kɤ-kʰo nɯ ɲɤ-nɯ-jmɯ́t-a 3s:DAT argent NGNP:NAC:passer NOM MIP:MOY:1s>3s:oublier J’ai oublié de ne pas lui donner de l’argent. b) jɯɣi mɤ-kɤ-rtoʁ tɤ-sɤʑá-t-a écriture NGNP:NAC:regarder AOR:1s>3s:commencer J’ai commencé à ne pas lire de livres. c) mɤ-ɕɯ-kɤ-qur tʰaʁ pɯ-tɕʰót-a NGNP:HIN:NAC:aider (décider) PIF:1s>3s:décider J’ai décidé de ne pas aller l’aider. Dans le cas des noms d’action statifs, il est même possible de préfixer l’interrogatif ɯ- suivi du négatif mɤ- (l’accent ne porte pas, exceptionnellement, sur la syllabe qui suit l’interrogatif). Cette forme doit être suivie d’un suffixe -cʰɯ non accentué : (248) wo a-rcɤmbeŋga pa-sát-nɯ ɯ́-mɤ-kɯ-ɕtí-cʰɯ (koŋzoŋ.227) oh 1s:mal habillé98 AOR:3p>3:tuer QU:NGNP:NAS:être:chɯ Ne serait-ce pas qu’il auraient tué mon (mari) mal habillé ? 98 Ce mot est un composé formé de rcu (dans tɤ-rcu « habit de peau »), mbe (de kɯ-mbe « vieux ») et ŋga (de kɤ-ŋga « mettre un habit »). 442 (249) a-lo tɕu rgɯnba ci ɣɤʑu amont LOC monastère un NPA:3s:y avoir ɯ-mɤ-kɯ-ŋú-cʰɯ (koŋzoŋ.195) QU:NGNP:NAS:être:chɯ Là-haut, il semble qu’il y ait un monastère. (250) ki tú-ɣ-stu ɯ-mɤ-kɯ-pé-cʰɯ DMP IPF: IP1:3>3s:être de cette façon QU:NGNP:NAS:être bien:chɯ Ne serait-ce pas bien de cette manière ? La raison pour laquelle les verbes tels que kɤ-sɤʑa « commencer » n’ont pas de complément nom d’action perfectif ou imperfectif est peut-être plutôt à chercher dans une incompatibilité sémantique entre le verbe déterminant, qui donne un certaine valeur aspectuelle à l’énoncé, et le déterminé. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Il y a une autre raison pour laquelle nous n’avons pas jugé opportun de considérer le préfixe des noms d’action comme un composé du préfixe de nom d’agent associé au préfixe a- / ɤ- des verbes contractes (voir chapitre 7). Les exemples de Wei (2000 : 50) montrent que les verbes transitifs nominalisés par ka- sont rendus intransitifs, comme en témoigne (251), où l’insertion d’un sujet comme no « tu » n’est pas grammaticale. (251) [(*no) pkraʃés ka-tóp tə] mɐ́-hɐw Ce n’est pas bien de frapper bKra-shis. En japhug, la situation est tout autre : les noms d’action dérivés de verbes transitifs gardent leur caractère transitif, et il est possible de leur adjoindre des sujets à l’ergatif : (252) ɬamu kɯ jilco kɯ tɤ-kɤ-qur Lhamo ERG voisins ERG kɤ-nɤxtʂɯn kɯ,... (qajdoskɤt.97) NAC:remercier particule nɯ uɣma NACP:aider NOM très Comme Lhamo était très reconnaissante de l’aide des voisins, ... (253) ɬamu kɯ qɤjɣi nɯ kɤ-mbi nɯ tu-ndze Lhamo ERG pain DML NAC:donner NOM IPF:3s>3:manger pjɤ-ŋu (qajdoskɤt.111) MIP:3s:être Alors qu’il s’apprêtait à manger le pain que lui avait donné Lhamo, ... Il est donc impensable que le préfixe kɤ- des noms d’action du japhug soit comme en cogtse la fusion du préfixe nominalisateur kɯ- et du préfixe a- / ɤ- intransitivant des verbes contractes, au moins du point de vue synchronique. Les noms d’actions peuvent enfin servir dans des subordonnées adverbiales. Ces formations sont d’une productivité limitée. On trouve quelques cas d’adverbes formés du nom d’action sans autre particule : kɯ-maqʰu « après, ensuite », kɯ-mɤku « d’abord ». Certains vont se voire adjoindre une conjonction telle que nɤ pour marquer qu’il s’agit 443 d’une proposition indépendante, comme par exemple ɯ-mɤ-kɤ-sɯs nɤ « sans qu’il le sache » du verbe kɤ-sɯs « savoir » (254) ɯ-kʰa ra nɯ-mɤ-kɤ-sɯs nɤ ɯʑo kɯ qɤjɣi 3s:maison pluriel 3p:NGPA:NAC:savoir CONJ il pain χsɯm lo-βzu trois MIP:3s>3:faire ERG (qajdoskɤt.108) Sans que les gens de sa famille ne le sachent, elle fit trois pains. Dans d’autres cas, on peut leur adjoindre une particule kɯ de l’ergatif pour former une causale, notamment avec le verbe kɤ-sɯso « penser » : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (255) tɕendɤre , nɯjʁo kɤ-sɯso kɯ CONJ NPA:3s:se fâcher NAC:penser particule nɯ tʰa-sɯ-βlɯ ɲɯ-ŋu (koŋzoŋ.315) DML AOR:CAU:3s>3:brûler MDR:3s:être tɤ-mdzɯ épine De peur qu’il ne se fâche, elle fit brûler l’arbre épineux (pendant que le roi n’était pas là). 8.1.3 Nom d’agent Le nom d’agent se forme avec le préfixe kɯ- et la racine élargie du verbe au thème 1. Le nom d’agent des verbes transitifs est obligatoirement préfixé d’un possessif qui indique l’actant du procès à l’absolutif : (256) nɤ-kɯ-ʁndɯ « celui qui te frappe » (257) tɤ-mtʰɯm ɯ-kɯ-ndza « celui qui mange de la viande » Le nom d’agent permet donc à la fois de nominaliser l’actant unique à l’absolutif des verbes intransitifs et l’actant à l’ergatif des verbes transitifs. Bien que le japhug soit une langue ergative, et que cette ergativité se manifeste dans d’autres domaines de la morphologie que le marquage casuel (formation de l’impersonnel, préfixes du nom d’action), le nom d’agent est un pivot syntaxique de type accusatif. Ce point a été montré pour le tshobdun par Sun et Shi (2002 : 96) et Sun (2003a : 497), et nous appliquons cette analyse au japhug. Le sujet est donc l’actant de la phrase qui peut être nominalisé en nom d’agent. De même, on appellera objet tout actant pouvant être nominalisé comme nom d’action99. De la même manière que le nom d’action, on peut dériver du nom d’agent un nom 99 Ce qui inclut à la fois l’objet direct à l’absolutif et l’objet indirect au datif, comme les exemples avec le verbe « donner » dans la section précédente le montrent. 444 d’agent perfectif et un nom d’agent imperfectif. Le nom d’agent imperfectif se forme, comme le nom d’action imperfectif, avec les préfixes de série 2 suivis du thème 1 : (258) ɯ-tu-kɯ-ti « celui dit habituellement, celui qui va dire » (259) ɯ-tu-kɯ-ndza « celui qui mange, celui qui va manger » De même, le nom d’agent perfectif se forme, comme le nom d’action perfectif, avec les préfixes de série 1 suivis du thème 2 : (260) ɯ-tɤ-kɯ-tɯt « celui qui a dit » Les autres préfixes compatibles avec le nom d’action (mouvement, négation) peuvent être adjoints au nom d’agent exactement de la même manière. Tout comme dans le cas du nom d’action, certains verbes sélectionnent le nom d’agent comme complément. Ce phénomène a été remarqué en tshobdun par Sun (2003a : 500), qui appelle cette construction « purposive ». tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 C’est le cas notamment des verbes de mouvement : (261) nɤ-kɯ-rtoʁ jɤ-ari-a 2s:NAG:regarder AOR:1s:aller Je suis allé te voir. Le verbe kɤ-ʑɣɤpa « faire semblant » est aussi de ce type : (262) tʰɯ-kɯ-nɯmkɤqloʁ tɤ-ʑɣɤpa nɤ, (koŋzoŋ.125) NAGP:tomber sur le ventre AOR:1s:faire semblant CONJ Il fit semblant de tomber sur le ventre. (263) rɟaβlun tʰamtɕɤt ka-nɯtsɯ́m-nɯ ri ministre AOR:3p>3:amener CONJ tous ɯʑo kɯ-rɤntsʰom il NAG:faire une retraite ɲɯ-ʑɣɤpa ɕti tɕe (Gesar.331) MDR:3s:faire semblant NPA:3s:être (affirmatif) CONJ Ils amenèrent tous les ministres, mais il faisait semblant de méditer. Dans ces cas, le nom d’agent des verbes transitifs peut ne pas être préfixé d’un possessif : (264) jɯɣi kɯ-rtoʁ écriture NAG:regarder jɤ-ari-a AOR:1s:aller Je suis allé lire un livre. (265) rɟɤlpu ɯ-ŋga kɯ-ta tɤ-ari nɤ, (koŋzoŋ.281) rois 3s:habit NAG:mettre AOR:D-haut:3s:aller CONJ Lorsqu’il est allé border le roi. Enfin, on trouve des cas de verbes préfixés en kɯ- avec l’auxiliaire me « ne pas y avoir ». Les verbes transitifs dans ce type de phrases ne sont pas préfixés de possessifs : (266) tɤ-kɯ-tɯt me *ɯ-tɤ-kɯ-tɯt me Ça n’a pas été dit. Dans ce type de phrases, il est probable que la forme préfixée en kɯ- est une forme 445 d’impersonnel plutôt qu’un nom d’agent. Un certain nombre de noms d’agent sont devenus des noms à part entière, et même s’ils dérivent de verbes transitifs, ne demandent pas d’être préfixés d’un possessif. C’est le cas de kɯ-lɤɣ « pâtre », dérivé de kɤ-lɤɣ « faire paître ». Cette forme ne doit pas être confondue avec d’une part le nom d’action des verbes statifs, et d’autre part avec l’impersonnel de la troisième personne singulier du non-passé. Ainsi, la forme kɯ-tso « celui qui comprend, qui sait » (nom d’agent) est synonyme de la forme suivante : (267) tɯ-ʑo tɤ́-ɣ-ndza tɕe kɯ-tso soi-même AOR:IP1:3>3s:manger CONJ NPA:IP2:3s:comprendre Il faut manger pour savoir (si c’est bon). tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 8.1.4 Nom oblique Le nom oblique permet d’indiquer ou bien un objet par lequel l’action peut se produire (instrument), ou bien le lieu où elle s’est produite, ou bien l’actant au datif. En raison de sa multiplicité d’usages, nous l’appellerons nom déverbal oblique (noté NDO dans nos gloses). Il se forme avec un préfixe possessif, suivi d’un préfixe sɤ- suivi du thème 1. Devant les verbes à préfixe dérivationnel à initiale sonante, sɤ-, tout comme le causatif sɯ-, a un allomorphe z-. Toutefois, il est optionnel. Ainsi, du verbe kɤ-rɤrɤt « écrire » on peut dériver trois noms obliques équivalents (signifiant à la fois « ce par quoi on écrit = crayon » et « la où l’on écrit = papier ») : (268) a) ɯ-z-rɤrɤt b) ɯ-sɤ-rɤrɤt c) ɯ-sɤ-z-rɤrɤt Comme on peut le voir, le préfixe sɤ- peut dans ces cas être redoublé en sɤ-z- sans que le sens du nom oblique ne soit modifié. A la différence du nom d’action et du nom d’agent, le nom oblique n’a pas de forme perfective. Il n’y a donc pas de noms tels que *ɯ-thɯ-z-rɤrɤt. On ne peut former qu’un nom oblique imperfectif : (269) ɯ-cʰɯ-z-rɤrɤt Le préfixe possessif des noms obliques indique invariablement le sujet, que le verbe soit transitif ou intransitif : (270) a-z-rɤrɤt « ce avec quoi j’écris » (271) tɤ-scos a-sɤ-rɤt « ce avec quoi j’écris la lettre, l’endroit où j’écris la lettre » On a donc là un autre manifestation du pivot accusatif en rgyalronguique. Ce fait a été 446 remarqué par Sun et Shi (2002 : 96) concernant le dialecte de tshobdun : (272) a) ɬɐmu o-sɐ-ndzɐtʰi nəʔ kʰə́kʰos nɐ-ŋo L’endroit où Lhamo a mangé est ici. b) krɐ́ʃi-ni-kə lɐmu ndzə-sɐ-mti nəʔ kʰə́kʰos nɐ-ŋo C’est l’endroit où bKra-shis et son ami ont vu Lhamo. c) lɐmu-kə krɐ́ʃi-ni o-sɐ-mti nəʔ kʰə́kʰos nɐ-ŋo C’est l’endroit où Lhamo a vu bKra-shis et son ami. Dans les exemples de Jackson T.-S.Sun, le préfixe possessif s’accorde en nombre avec l’actant à l’ergatif, mais avec l’actant unique dans le cas des verbes intransitifs. Si l’on traduit ces phrases en japhug, on observera qu’il en est de même dans cette langue : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (273) a) b) c) ɬamu ɯ-sɤz-rɯndzɤtsʰi kutɕu ɲɯ-ŋu Lhamo 3s:NDO:prendre un repas ici MDR:3s:être ʑɤni kɯ ɬamu ndʑɯ-sɤ-mto kutɕu ɲɯ-ŋu eux deux ERG Lhamo 2d:NDO:voir ici MDR:3s:être ɬamu kɯ ʑɤni ɯ-sɤ-mto kutɕu ɲɯ-ŋu Lhamo ERG eux deux 3s:NDO:voir ici MDR:3s:être La seule différence entre (272) et (273) est qu’au lieu de « bKra-shis et son ami », la traduction en japhug que nous avons élicitée a simplement « eux deux ». En japhug, le nominalisateur nɯ correspondant au tshobdun nəʔ est possible mais facultatif. Enfin, avec les verbes bitransitifs, le nom oblique permet de nominaliser l’actant au datif : nɤ-sɤ-kʰo « celui auquel tu as donné ». On trouve un exemple de nom déverbal oblique fossilisé dont le préfixe est devenu une préinitiale ɯ-spa « matériau », dérivé du verbe faire *pa (ce verbe signifie « fermer » en japhug moderne), ce mot signifiant littéralement à l’origine : « ce avec quoi l’on fait ». Le nom oblique est lié à deux autres formes importantes du verbe : le gérondif et le complément de but. Le gérondif se forme en préfixant le verbe de sɤ- (ou sɤz- si le verbe a un préfixe dérivationnel à initiale sonante) et en redoublant la dernière syllabe de la racine élargie du verbe au thème 1 par la réduplication partielle. Voici quelques exemples utilisant les verbes kɤ-ɕqʰe « tousser » et kɤ-nɯrɤɣo « chanter » (dérivé dénominal de rɤɣo « chanson »). Une forme quasiment identique a été décrite en tshobdun (Sun 2003a : 500) sous le nom de « converb construction ». (274) aʑo sɤ-ɕqʰɯ-ɕqʰe tu-ŋke-a pɯ-ŋu je GER:tousser IPF:D-haut:1s:aller PIF:3s:être Je toussais en marchant. 447 (275) sɤz-nɯrɤɣɯ-ɣo jɤ-ari-a GER:chanter AOR:1s:aller J’y suis allé en chantant. Le complément de but (CB) se forme de la façon suivante : préfixe de personne (sujet du verbe) + sɤ- (ou z- si le verbe a un préfixe dérivationnel à initiale sonante) + racine élargie du verbe au thème 1 avec la dernière syllabe redoublée. Voici quelques exemples avec kɤ-ndza « manger » et kɤ-nɤmɲo « regarder ». (276) tu-ɣɤɕqali nɯ <dianshi> ɯ-z-nɤmɲɯ-mɲo ɲɯ-ŋu IPF:3s:crier NOM télévision 3s:CB:regarder MDR:3s:être S’il crie comme ça, c’est pour regarder la télévision. (277) tu-ɣɤɕqali nɯ tɤ-mtʰɯm ɯ-sɤ-ndzɯ-ndza ɲɯ-ŋu IPF:3s:crier NOM viande 3s:CB:manger MDR:3s:être S’il crie comme ça, c’est pour pouvoir manger de la viande. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 On peut rajouter un préfixe directionnel de série 2 pour former un complément de but imperfectif (CBI). Ainsi les compléments de but imperfectifs des deux exemples ci-dessus seraient *ɯ-tu-z-nɤmɲɯ-mɲo et *ɯ-tu-sɤ-ndzɯ-ndza 100 . Enfin, on peut ajouter une négation entre le préfixe de personne et le préfixe directionnel : (278) a-mɤ-tu-sɤ-ɕqʰɯ-ɕqʰe nɯ smɤn tu-ndze-a ŋu 1s :NGNP:CBI:tousser médicament IPF:1s>3s:manger NPA:1s:être NOM Afin de ne pas tousser, je prends des médicaments. 8.2 Nom de degré A la différence des trois types de noms déverbaux précédents, ces noms ne peuvent être utilisés ni comme complément du verbe, ni à l’intérieur d’une relative. Ils ne semblent pas avoir fait l’objet d’une description dans les travaux sur les autres langues rgyalronguiques. On distingue deux types de noms de degré : les noms en tɯ- préfixés d’un possessif (type 1), les noms en tɤ- préfixés d’un possessif (type 2). Il convient de ne pas confondre les noms de type 2 et les noms de type 1 des verbes contractes (voir le chapitre 7) qui ont tɤ- dans tous les cas. 8.2.1 Noms de degré 1 Les noms de degré se forment en majorité à partir de verbes intransitifs, en préfixant tɯ- au thème 1. Le possessif préfixé indique alors l’actant unique. Dans le cas des verbes transitifs, le préfixe possessif indique l’actant marqué à l’ergatif. Ainsi, dans l’exemple 100 Ces deux formes n’ont pas pu être vérifiées avec mon informatrice de japhug, c’est pourquoi nous les marquons d’une astérisque. 448 suivant, le verbe transitif kɤ-nɤla « être d’accord » est préfixé de la 3s, coréférent avec le sujet à l’ergatif : (279) aʑo pjɯ-sɤsɯɣɕát-a a-mu kɯ je IPF:1s:se consacrer à l’enseignement 1s:mère ERG ɯ-tɯ-nɤla ɲɯ-saχaʁ 3s:ND1:être d’accord MDR:3s:extrêmement Je me consacre à l’enseignement, ma mère est très d’accord. C’est là un autre cas de construction pivot de type accusatif en rgyalronguique, après celle des noms d’agents. Les noms de degré permettent d’exprimer soit le degré d’un état ou d’une action, soit la fréquence d’une action, soit une qualité particulière. Du fait même qu’il s’agit de noms, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ils sont incapables de prédiquer par eux-mêmes, et il faut rajouter soit la particule nɯ, synonyme du démonstratif lointain, soit un verbe statif indiquant le degré tel que kɯ-saχaʁ « extrême », kɯ tɕʰom « excessif » : (280) ɯ-tɯ-pe nɯ ! 3s:ND1:être bien particule Il est vraiment bien. (281) ɯ-tɯ-pe ɲɯ-saχaʁ 3s:ND1:être bien MDR:3s:extrêmement Il est extrêmement bien. Avec certains verbes dynamiques, l’ajout de ɲɯ-saχaʁ va indiquer la fréquence de l’action : (282) ɯ-tɯ-ɕe ɲɯ-saχaʁ 3s:ND1:aller MDR:3s:extrêmement Il y va souvent. Pour donner un autre sens au nom de degré, il est alors nécessaire d’utiliser un autre verbe statif que kɯ-saχaʁ. Le choix du verbe statif prédicat dépend de la sémantique du verbe nominalisé : (283) ɯ-tɯ-ɕe pjɤ-ɣɤji 3s:ND1:aller MIP:3s:rapide Il y est allé très vite. Ce n’est toutefois pas le cas de tous les verbes dynamiques, surtout ceux qui sont transitifs. Dans le dictionnaire, le maximum d’exemples de phrases avec des noms de degré a été inclu pour permettre de saisir le fonctionnement de ces dérivés nominaux avec chacun des verbes : (284) kɯki ras ki laʁtɕʰa ɯ-tɯ-fkaβ ɲɯ-saχaʁ DMP tissu DMP objets MDR:3s:extrêmement 3s:ND1:couvrir Ce bout de tissu peut recouvrir beaucoup d’objets. 449 (285) kʰɯna kɯ qaʑo ɯ-tɯ-βɟi ɲɯ-saχaʁ tɕe chien ERG mouton 3s:ND1:poursuivre MDR:3s:extrêmement CONJ kɤ-βraʁ ɲɯ-ra NAC:attacher MDR:3s:devoir Ce chien poursuit sans cesse les moutons, il faut l’attacher. Utilisé avec des verbes transitifs, l’objet doit être présent : (286) nɯŋa-mu ɯ-ndza ɯ-tɯ-ndza saχaʁ vache 3s:nourriture 3s:ND1:manger NPA:3s:extrêmement *nɯŋa-mu ɯ-tɯ-ndza saχaʁ La vache mange beaucoup. L’ergatif est optionnellement possible pour le sujet d’un phrase telle que (286). Non seulement l’objet reste, mais les compléments sont aussi conservés : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (287) tɕʰeme nɯ kɤ-rɤɕmi ɯ-tɯ-qʰa ɲɯ-saχaʁ fille NAC:parler 3s:ND1:détester MDR:3s:extrêmement DML Cette fille déteste qu’on lui parle Le sens des verbes peut parfois changer légèrement ou subir une limitation dans son utilisation lorsqu’on forme le nom de degré. Ainsi ɯ-tɯ-ndza ne peut s’employer que pour désigner des animaux, et ɯ-tɯ-fkaβ peut seulement référer à un tissu ou tout objet qui peut servir à recouvrir, si bien qu’on ne les rencontre qu’à la troisième personne. Même les auxiliaires ŋu « être » et tu « avoir » peuvent former le nom de degré, avec un sens particulier : (288) ɯ-tɯ-ŋu nɯ « c’est vraiment correct » (289) ɯ-kɤ-ro ɯ-tɯ-tu saχaʁ « il a vraiment beaucoup de possessions » Comme nous l’avons indiqué, le préfixe possessif indique le sujet, mais parfois un préfixe de troisième personne indique en fait une sorte d’impersonnel : (290) jɯɣi ɯ-tɯ-ɣɤme nɯ ? écriture 3s:ND1:perdre particule Le livre a été perdu si vite ? Ce type d’exemple pourrait laisser croire que le préfixe possessif du nom de degré devient coréférent avec l’objet, ce qui falsifierait notre affirmation que le nom de degré est un pivot de type accusatif. Toutefois, lorsque l’objet est au pluriel, il devient évident que ce n’est pas le cas : (291) ruŋgu jla ra ɯ-tɯ-sɤkʰar βdi, pâturage yak hybride pluriel 3s:ND1:enfermer NPA:3s:être bien nɯmáʁnɯ tú-ɣ-nɯ-z-mɯrkɯ ŋu sinon PIF:IP1:MOY:CAU:3>3s:voler NPA:3s:être Il faut bien enfermer les yaks hybrides sur les pâturages, sinon ils se feront voler. La forme ɯ-tɯ-sɤkʰar a le préfixe ɯ- de singulier, or l’objet jla ra est au pluriel : si le nom de degré s’accordait avec l’objet, on aurait la forme nɯ-tɯ-sɤkʰar à la place. Dans 450 l’exemple (291), on remarque d’ailleurs que la proposition subordonnée est à l’impersonnel. Un certain nombre de verbes transitifs en japhug ne peuvent former que ce type de noms à la troisième personne du singulier. Une grande partie des verbes transitifs et quelques verbes intransitifs ne peuvent pas former directement de nom de degré. Dans ces cas là, il faut former le nom de degré d’un dérivé intransitif du verbe par le préfixe sɤ-. Par exemple le nom de degré du verbe kɤ-nɤkʰe « maltraiter » sera en fait ɯ-tɯ-sɤ-nɤkʰe, dérivé du verbe intransitif kɤ-sɤ-nɤkʰe « maltraiter les gens ». On ne peut pas former de nom de degré avec tous les verbes intransitifs non plus, mais la distribution des verbes avec lesquels on peut les former ne semble pas obéir à un principe sémantique strict, puisque des verbes de sens très proches peuvent ou non former des noms de degré. Ainsi kɤ-rɯndzɤtsʰi « manger, prendre un repas » peut former tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 un nom de degré ɯ-tɯ-rɯndzɤtsʰi, tandis que de kɤ-nɯtʂʰɤɣndʑɤr « prendre un repas (utilisé pour parler des serviteurs) » on ne peut dériver *ɯ-tɯ-nɯtʂʰɤɣndʑɤr. On peut préfixer le négatif mɤ- au nom de degré : (292) ɯ-mɤ-tɯ-sɤstu « c’est vraiment incroyable de... » (293) ɯ-mɤ-rɯndzɤtsʰi « il n’a pas beaucoup d’appétit » Le temps du verbe statif qui prédique le nom de degré n’est pas indépendent du préfixe de personne. Alors qu’avec la troisième et la seconde personne on peut utiliser aussi bien le MDR, le non-passé et le progressif, à la première personne le MDR est prohibé (voir la section 5.4.2.2 p.384): (294) a) ɯ-tɯ-pe ɲɯ-saχaʁ « il est très bien (je le vois en ce moment) » b) ɯ-tɯ-pe saχaʁ « il est, il sera bien » c) ɯ-tɯ-pe ku-saχaʁ « il est bien en ce moment (je le sais) » d) a-tɯ-pe saχaʁ « je suis, je serai très bien » e) a-tɯ-pe ku-saχaʁ « je suis très bien » f) *a-tɯ-pe ɲɯ-saχaʁ Dans certains cas, les noms de degré peuvent être suivis de l’ergatif et acquérir le sens de « être ... au point de » : (295) ɯ-ʁi ɯ-tɯ-fse kɯ maka 3s:petite sœur 3s:ND1:ressembler ERG pas du tout mɯ-pɯ́-ɣ-sɤmbrɤqɤ́t-ndʑi (koŋzoŋ.266) NGPA:AOR:INV:3>3d:distinguer Elle ressemblait à sa petite soeur au point qu’on ne pouvait les distinguer. 451 (296) ɯʑo ɯ-tɯ-ɲɟɤt kɯ « tɕʰi tu-fse ŋu » il ERG quoi IPF:3s:être de cette manière NPA:3s:être 3s:ND1:regretter ʑo mɯ-ɲɤ-nɯ-tso tɕe, slaʁ ʑo tɯ-ci adv. NGPA:MIP:APL:comprendre CONJ d’un coup adv. eau ŋgɯ cʰo-mtsʰaʁ tɕe pjɤ-ʑɣɤ-sat tɕe, (qajdoskɤt.117-118) intérieur MIP:3s:sauter CONJ MIP:REF:3s:tuer CONJ Il ne comprenait pas comment les choses en étaient arrivées là, et il regrettait tellement qu’il se jeta d’un coup dans l’eau et se suicida. Dans ces cas, le nom d’action n’est pas un actant du verbe, c’est un adjoint. Il ne semble pas que les noms de degré puissent fonctionner comme sujets ou objets de verbes transitifs. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 8.2.2 Les noms de degré 2 et les verbes de sensation physique Les noms de degré de type 2 ne sont utilisés de manière habituelle que dans une seule catégorie de verbes : ceux qui expriment une sensation physique (goût, douleur, fatigue etc). Il n’est pas exclu que des recherches ultérieures permettent de découvrir d’autres cas de noms de degré 2. Ce type de nom déverbal est difficile à éliciter car il n’est pas d’un usage très courant. Nous n’en avons trouvé aucun exemple dans nos textes. Le nom de degré 2 se forme d’un préfixe possessif, du préfixe tɤ- et du thème 1. Toutefois, ont trouve deux exceptions : kɯ-ɲat « être fatigué » et kɯ-mŋɤm « avoir mal », dont les noms de degré 2 sont respectivement ɯ-tɤ́-ɣɲat (au lieu de *ɯ-tɤ-ɲat) et ɯ-tɤ-ŋɤm (au lieu de *ɯ-tɤ-mŋɤm). Voici une liste des verbes de sensation en japhug : (297) a) kɯ-ɣɤdi « puer » b) kɯ-mɤrtsaβ « être piquant » c) kɯ-mɯm « être bon à manger » d) kɯ-mpja « être chaud » e) kɯ-mɯɕtaʁ « être froid » f) kɯ-sɤɕke « être brûlant » g) kɯ-tɕur « être acide » h) kɯ-tsri « être salé » i) kɤ-mtsɯr « avoir faim » j) kɤ-zdɯɣ « souffrir » k) kɯ-ɕpaʁ « avoir soif » l) kɯ-fsɯr « avoir faim (de viande) » m) kɤ-ɲat « être fatigué » 452 n) kɯ-mŋɤm « avoir mal » o) kɯ-ɴqa « souffrir » Dans le cas des verbes de sensation, le nom de degré 1 exprime un objet extérieur qui cause la sensation d’un point de vue objectif : (298) ɯ-tɯ-mɤrtsaβ nɯ « c’est très piquant » (299) ɯ-tɯ-mɯm nɯ « c’est très bon à manger » (300) a-ngo ɯ-tɯ-mŋɤm jɤ-azɣɯt 1s:maladie 3s:ND1:avoir mal AOR:3s:arriver Ma maladie me fait mal (à nouveau). Dans ce type de construction, la première et la seconde personnes sont le plus souvent tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 interdites : *a-tɯ-mŋɤm jɤ-azɣɯt. Une phrase telle que a-tɯ-mɯm nɯ n’est pas jugée radicalement impossible, mais signifierai « je suis bon à manger », ce qui la rend peu plausible du point de vue pragmatique. L’utilisation du médiatif direct avec le nom de degré 1 implique que l’on ressent soi-même la sensation en question : (301) ɯ-tɯ-mŋɤm ɲɯ-saχaʁ « j’ai très mal » Ainsi, pour dire « tu as très mal à la tête », on ne peut pas utiliser le médiatif direct : *nɤ-ku ɯ-tɯ-mŋɤm ɲɯ-saχaʁ. Une telle phrase signifierait qu’on ressent la douleur de l’autre comme si elle émanait de son propre corps. Il faut utiliser le non-passé : (302) nɤ-ku ɯ-tɯ-mŋɤm saχaʁ ŋgrɤl 2s:tête 3s:ND1:avoir mal NPA:3s:extrêmement NPA:3s:être d’habitude Tu as (d’habitude) très mal à la tête. Les noms de degrés de type 2, quand à eux, indiquent la sensation subjective de l’actant coréférent au préfixe personnel : (303) ɯ-tɤ-mɯm ɲɯ-saχaʁ « il trouve ça très bon à manger » (304) a-tɤ-ŋɤm ɣɤʑu « j’ai très mal » Les noms de degré de type 2 peuvent être prédiqués par des verbes existenciels tels que tu ou ɣɤʑu. C’est là une autre différence avec le nom de degré 1 qui sont incompatibles avec ce type de prédicats. Un forme telle que *ɯ-tɯ-mŋɤm ɣɤʑu est donc impossible. On distingue donc : (305) a) ɯ-tɤ-ŋɤm ɲɯ-saχaʁ « il a très mal (je le vois) » b) ɯ-tɤ-ŋɤm ku-saχaʁ « il a très mal (en ce moment) » c) ɯ-tɤ-ŋɤm tu « il a mal » d) ɯ-tɤ-ŋɤm ɣɤʑu « il a mal (je viens de m’en apercevoir) » e) ɯ-tɤ-ŋɤm pɯ-tu « il avait mal » 453 Tout comme avec les noms de degré 1, ceux de type 2 préfixés de la première personne n’admettent pas le MDR. On ne peut pas dire *a-tɤ-ŋɤm ɲɯ-saχaʁ. On ne peut pas non plus utiliser les prédicats existentiels tu et me avec la première personne, il faut utiliser ɣɤʑu et maŋe qui impliquent que l’on vient de découvrir le fait en question. C’est là un paradoxe du même type que l’interdiction de MDR, puisque normalement ɣɤʑu et maŋe sont incompatibles avec la première personne. A l’opposition entre nom de degré de type 1 et de type 2, on peut rajouter celle entre nom de degré et nom d’action. (306) ɯ-tɯ-mŋɤm jɤ-azɣɯt 3s:ND1:avoir mal AOR:3s:arriver C’est le moment où il a le plus mal (sa douleur va et vient). tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (307) ɯ-kɯ-mŋɤm jɤ-azɣɯt 3s:NAS:avoir mal AOR:3s:arriver Sa douleur s’est déclarée. Avec des verbes tels que kɤ-zɣɯt « arriver » et kɯ-mda « atteindre », les noms de degré développent un sens de répétition régulière qui ne se retrouvent pas si l’on utilise un nom d’action ou un autre type de nominalisation. Un autre sens très particulier que peuvent acquérir les noms de degrés de type 2 des verbes de sensation exprimant la fatigue ou la douleur est celui d’ « avoir souffert pour rien » lorsqu’on ajoute l’auxiliaireɕti : (308) ɯ-tɤ-ɴqa pjɤ-ɕti « il a souffert pour rien » (309) ɯ-tɤ-zdɯɣ pjɤ-ɕti ma paʁ kɯ <yangyu> 3s:ND2:souffrir MIP:3s:être (affirmatif) car cochon ERG pommes de terre la-nɯ-ji nɯ cʰo-ɕkɯt AOR: MOY:3s>3:planter NOM MIP:3s:finir de manger Il s’est fatigué pour rien car le cochon a mangé les pommes de terre qu’il avait plantées. On ne peut pas utiliser le nom de degré de type 1 dans ce cas : *ɯ-tɯ-zdɯɣ pjɤ-ɕti. Toutefois, avec la plupart des autres verbes, on ne peut pas former ce type de construction. Ainsi, avec kɤ-ɲɟɤt « regretter », il n’est pas permis de dire *ɯ-tɤ-ɲɟɤt ɕti ma, il faut utiliser le nom d’action à la place : (310) ɯ-kɤ-nɯ-ɲɟɤt spa ɕti ma 3s:NAC:MOY:regretter matériau NPA:être (affirmatif) particule Il regrette pour rien. L’opposition type 1 / type 2 ne doit pas être confondue avec l’effet de l’ajout du préfixe a- / ɤ- (voir le chapitre 7). Ainsi kɤ-mto « voir » et kɤ-ɤmto « être vu » vont former chacun un nom de degré de type 1 différent : 454 (311) ɯ-tɯ-mto ɲɯ-saχaʁ « il voit facilement » (312) ɯ-tɯ-ɤmto [ɯtɤmto] ɲɯ-saχaʁ « il est facilement vu » Cette opposition tɯ- et tɤ- est toutefois d’une toute autre nature que celle que l’on observe entre ɯ-tɯ-mɯm et ɯ-tɤ-mɯm. Il ne faut pas les confondre non plus avec les noms d’actions en tɯ- / tɤ- (voir la section suivante) dans les cas où ceux-ci peuvent être préfixés de possessifs. Les verbes au non-passé à la seconde personne (lorsque le thème 3 est identique au thème 1), préfixés de l’interrogatif, peuvent ressembler superficiellement à des noms de degré 1, mais les deux formes sont accentuées différemment : ɯ-tɯ-fkáβ « il recouvre beaucoup (nom de degré) » ɯ-tɯ́-fkaβ « est-ce que tu vas couvrir ? » (non-passé) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 8.2.3 Nom d’action en tɯ- Il convient de distinguer les noms de degré et les noms d’action en tɯ- (nom d’action 2, noté NAC2 dans nos gloses), bien que dans certains cas leurs formes puissent se ressembler et que ces deux types de noms déverbaux sont peut-être liés étymologiquement. A la différence des noms de degrés, les noms d’action en tɯ- / tɤ- ne sont pas nécessairement préfixés d’un possessif, et dans de nombreux cas il est même interdit d’en préfixer. Le préfixe tɯ- a un grand nombre de fonctions différentes, et il n’est pas clair s’il est encore pleinement productif en japhug. Nous commencerons par comparer le japhug avec le cogtse, pour ensuite mettre en évidence les particularités du japhug. De nombreux verbes en cogtse ont des doublets avec noms en tə-. Citons ici quelques exemples de Wei (2000 : 31) : (313) a) ka-tʂóp « coudre » tətʂóp kə-pâ b) kə-ntʃʰâ « tuer un animal » təntʃʰâ kə-pâ c) ka-rtʃI ̂ « laver » tərtʃə́s kə-pâ d) kɐ-ʃmó « voler » təʃmó kə́-pa Dans les exemples ci-dessus, l’auxiliaire kə́-pa est est dérivé statif du verbe ka-páʔ « faire ». En japhug, on trouve des doublets du même type avec les auxiliaires kɤ-lɤt « jeter, lancer » et kɤ-βzu « faire ». Nous indiquons toutes les formes à l’aoriste pour permettre de comparer le préfixe directionnel de la forme simple et de la forme composée qui ne sont pas toujours identiques : (314) a) tɯ-rŋgɯ tɤ-βzú-t-a kɤ-rŋgɯ-a « j’ai dormi » 455 b) tɯ-rɯndzɤtsʰi tɤ-βzú-t-a tɤ-rɯndzɤtsʰi-a « j’ai mangé » c) tɯ-rɤznde tɤ-βzú-t-a tɤ-rɤzndi-a « j’ai construit » d) tɯ-rɟaʁ pɯ-βzú-t-a pɯ-rɟáʁ-a « j’ai dansé » e) tɯ-ɕlu pɯ-lát-a lɤ-ɕlu-a, pɯ-ɕlu-a « j’ai labouré » Dans le cas de certains verbes, kɤ-βzu et kɤ-lɤt sont tous deux possibles, et l’on peut choisir différents préfixes directionnels pour affiner le sens du verbe : (315) tɤ-rte ɯ-tɯ-tʂɯβ pɯ-lát-a chapeau 3s:NAC2:coudre AOR:1s>3s:lancer J’ai brodé le chapeau. (316) tɯ-tʂɯβ NAC2:coudre tʰɯ-βzú-t-a AOR:D-aval:1s>3s:faire tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 J’ai cousu (le long de la manche). Les noms d’actions en tɯ- ont une sémantique plus large que celle des noms d’action en kɤ-. Certains expriment la manière dont on fait une certaine action : tɯ-rɤt « manière d’écrire » de kɤ-rɤt « écrire », tɯ-lɤɣ « manière de faire paître les animaux » de kɤ-lɤɣ « faire paître », tɯ-taʁ « manière de tisser » de kɤ-taʁ « tisser ». On rencontre ce type de signification dans une phrase telle que : (317) qaʑo kɤ-lɤɣ ɴqa tɕe, tɯ-lɤɣ mouton NAC:faire paître NPA:3s:difficile CONJ NAC2:faire paître pjɯ-kɯ-mkʰɤs ra NACI:être bon à faire NPA:3s:devoir C’est difficile de faire paître les moutons, il faut une bonne technique. Ils peuvent aussi signifier « le résultat d’une action » dans certains contextes : ainsi tɯ-taʁ veut dire également « ce qui est tissé ». Certaines phrases peuvent être polysémiques : (318) ɯʑo kɯ jɯɣi tɯ-rtoʁ nɯ uɣma ɲɯ-pe il écriture NAC2:regarder NOM très MDR:3s:être bon ERG Le livre qu’il lit est très bien / Son habitude de lire les livres est très bonne. Ils peuvent désigner l’action elle-même : tɯ-ndzɯ « éducation » de kɤ-ndzɯ « éducation », tɯ-rɟaʁ « danse », tɯ-mdzos « tabou » de kɤ-mdzos « s’interdire », tɯ-pɣaʁ « défrichage » de kɤ-pɣaʁ « retourner ». Voici un exemple de ce type de phrases : (319) tɯ-ndzɯ mɤ-ku-sɤŋo, ɯ-mɯ mbɯt NAC2:éduquer NGNP:PRE:3s:écouter 3s:ciel NPA:3s:s’écrouler Il n’écoute pas l’éducation (de ses parents), il va lui arriver des malheurs (litt. : son ciel va s’écrouler). On trouve enfin des cas difficiles à classer : tɯ-ɲɟoʁ « homme de main » de kɤ-ɲɟoʁ 456 « coller » (littéralement, à l’origine, « celui qui est collé » ?), tɯ-sɤɣɕe « direction, endroit vers lequel on va » du verbe kɤ-sɯɣɕe « envoyer » avec un vocalisme irrégulier du préfixe (voir l’exemple (323) comme exemple de ce mot). Ces deux mots ne sont toutefois peut-être pas des noms d’actions en tɯ-, car leur préfixe tɯ- tombe lorsqu’on ajoute un préfixe : a-sɤɣɕe « la direction où je vais », a-ɲɟoʁ « mon homme de main ». Il y a plusieurs formes avec lesquelles ils ne faut pas confondre les noms d’actions en tɯ. Premièrement, la 2s des verbes au non-passé dont le thème 3 et le thème 1 sont identiques : ainsi tɯ-lɤɣ peut signifier « tu vas faire paître les animaux ». Deuxièmement, lorsqu’on les préfixes d’un possessif, il faut faire attention de ne pas les confondre avec un nom de degré 1 : ɯ-tɯ-rɟaʁ peut signifier « une danse faite en son honneur (nom d’action) » ou bien « il danse souvent (nom de degré) ». tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Enfin, on doit noter l’existence de certains noms d’action en tɯ- dérivés de verbes contractes vont avoir une forme tɤ- qui peut laisser croire qu’il s’agit d’un nom en tɤ-. Ainsi le nom tɤ-ɕqʰe « la toux », pourrait être transcrit tɯ-ɤɕqʰe dérivé du verbe kɤ-ɕqʰe « tousser ». 8.2.4 Noms d’action en tɤ- Les noms en tɤ- (nom d’action 3, NA3 dans nos gloses) ont un usage très différent. Avec les verbes existentiels tu et ɣɤʑu, ils permettent de former une sorte de construction impersonnelle. Ces noms sont formés d’un préfixe tɤ- suivi du thème 1, mais dans un certain nombre de cas, les préfixes dérivationnels peuvent être supprimés : les verbes préfixés en ɣɤ- et quelques verbes en nɯ- / nɤ- : kɤ-nɤre « rire », kɤ-nɤzraʁ « avoir honte », kɤ-nɯmbjɯm « se chauffer au feu », dont les noms en tɤ- sont respectivement tɤ-re, tɤ-zraʁ, et tɤ-mbjɯm. Les deux premiers sont synonymes avec les noms tɤ-re « rire » et tɤ-zraʁ « honte » dont sont dérivés les verbes kɤ-nɤre et kɤ-nɤzraʁ. Lorsqu’il existe déjà un nom préfixé en tɤ- lié à la racine verbale, il n’est pas possible de créer un nouveau nom en tɤ- tel que *tɤ-nɤre ou *tɤ-nɤzraʁ. Seuls les verbes intransitifs, atéliques et relatifs à un être humain peuvent former un nom d’action en tɤ-. Il permettent de désigner quelqu’un indirectement. Aucun possessif ne peut leur être préfixé, et ils doivent être suivi d’un prédicat existentiel tel que tu ou ɣɤʑu. On peut dire par exemple : (320) tɤ-xti tu « il est grand (en référence par exemple à un enfant qui est présent mais qu’on ne veut pas désigner directement) » (321) tɤ-ɲaʁ tu « il a le teint foncé » mais on ne peut pas dire *tɤ-tɯt tu de kɤ-tɯt « mûrir », *tɤ-rɤχtɕi tu de kɤ-rɤχtɕi « laver », *tɤ-mto tu de kɤ-mto « voir »: le premier ne s’applique pas à des humains, le second est 457 télique, le troisième est transitif. Avec les verbes statifs de couleur, on ne peut pas dire par exemple *tɤ-rŋi tu parce que cela signifierait qu’un être humain est bleu. Avec les verbes de sensation physique vus en 8.2.2, on peut aussi former des noms d’action en tɤ-, et les deux verbes irréguliers kɯ-ɲat et kɯ-mŋɤm forment leurs noms d’action de la même manière que le nom de degré sans le préfixe possessif : tɤ-ɣɲat et tɤ-ŋɤm, ce qui prouve que ces deux types de noms sont apparentés au moins diachroniquement. Le verbe kɯ-mɤrtsaβ « épicé, pimenté » acquiert un sens particulier : (322) tɤ-mɤrtsaβ tu « il a un sale caractère » Toutefois, tous les verbes répondant aux trois critères ci-dessus ne peuvent pas former des noms d’action en tɤ-, mais les exceptions se limitent aux verbes d’existence et de prédication comme kɯ-ŋu et kɯ-tu *tɤ-ŋu tu, *tɤ-tu tu, et à quelques verbes pour tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 lesquels nous n’avons pas d’explication comme kɤ-ʁɟa « chauve » *tɤ-ʁɟa tu. Les noms de d’action en tɤ- peuvent indiquer qu’une action se produit sans arrêt : (323) tɯ-sɤɣɕe a-mɤ-pɯ́-ɣ-mto tɕe, tɤ-nɤ-jɣɯ-jɣɤt direction NGNP:IRR:IP1:voir CONJ tu NAC3:faire des aller-retour NPA:3s:y avoir Si l’on ne trouve pas (litt. : ne voit pas) la (bonne) direction où aller, on va devoir faire beaucoup d’aller-retour. (324) tɤ-nɯrzandɤl tu NAC3:faire une réaction de haute montagne NPA:3s:y avoir Il fait une réaction de haute montagne (à chaque fois qu’il y va). Ils peuvent également désigner un état habituel : (325) tɤ-mpɕɤr me ma tɤ-rɤmpɕɤr tu NAC3:être beau NPA:3s:ne pas y avoir mais NAC3:se maquiller NPA:3s:y avoir Elle n’est pas belle mais elle aime se maquiller. Enfin, pour les verbes exprimant une qualité dont on peut se servir, compatibles avec des verbes tels que kɤ-ntɕʰos « utiliser » ou kɤ-spjɤt « se servir de », on peut former un nom d’action en tɤ- obligatoirement préfixé d’un possessif, à la différence des autres usages de ce type de préfixe nominalisateur. (326) ɯ-tɤ-χɕu to-nɯ-spjɤt 3s:NAC3:être fort MIP:MOY:3s>3:utiliser Il a fait usage de sa force. (327) tɯ-tɤ-ɕqraʁ tú-ɣ-nɯ-ntɕʰos ra soi-même-NAC3-être intelligent IPF:IP1:MOY:3s>3:utiliser NPA:3s:devoir Il faut utiliser son intelligence. Tous les verbes statifs désignant une particularité susceptible de constituer un 458 avantage peuvent entrer dans ce type de structure. C’est le cas de ku-xti « grand », kɯ-mbro « haut » etc. Il ne faut pas confondre les noms d’action en tɤ- avec l’aoriste en tɤ- : tɤ-ɕqraʁ peut signifier « il est devenu intelligent (aoriste) », aussi bien que « il est intelligent (nom d’action en tɤ-) dans une phrase comme tɤ-ɕqraʁ tu. On trouve quelques noms préfixés en tɤ- qui sont liés à des verbes transitifs : tɤ-ɕpʰɤt « pièce de tissu pour raccomoder les habits » et tɤ-fkaβ « bouchon » apparentés respectivement à kɤ-ɕpʰɤt « raccommoder » et à kɤ-fkaβ « couvrir ». Il ne semble pas que ces noms sont apparentés aux noms d’action en tɤ-. Ce préfixe tɤ- n’est pas non plus la contraction de tɯ+ɤ : même si tɤ-ɕpʰɤt et tɤ-fkaβ étaient des noms d’action en tɯ- des verbes contractes intransitifs dérivés kɤ-ɤ-ɕpʰɤt « être réparé » et kɤ-ɤ-fkaβ « être couvert », on comprend mal comment ils auraient développé un sens instrumental « ce tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 par quoi on raccomode » et « ce par quoi on couvre ». Nous n’avons pas d’explication concernant le rôle du préfixe tɤ- dans ces noms. 8.3 Autres types de nominalisation Nous avons regroupé dans cette section tous les autres types de nominalisation en japhug. Cela inclu les noms d’action sans marque et les noms d’action en -s, mais aussi l’incorporation du verbe dans un nom, la nominalisation par réduplication et enfin, le procédé le plus simple, la nominalisation par l’adjonction d’une particule nominalisatrice. 8.3.1 Nom d’action sans marque On rencontre un quatrième type de nom d’action en japhug, que nous appelons nom d’action sans marque (nous le notons NASM dans nos gloses), parce qu’ils ne sont pas préfixés de morphèmes nominalisateurs. Ces noms sont formés d’un préfixe possessif et du thème 1. Seuls les verbes transitifs ont la possibilité de former ce type de NOM. A la différence des autres noms, dont le possessif préfixé indique le sujet, le possessif des noms d’action sans marque indique l’objet. Ces noms ont une distribution très limitée par rapport aux noms d’action en kɤ-. Nous avons pu trouver seulement deux contextes où ils apparaissent : avec l’auxiliaire kɤ-rɲo « avoir eu comme expérience, avoir déjà ... » et avec le modal mɤ-ra au négatif : (328) a) ɯ-ndza pɯ-rɲó-t-a 3s:NASM:manger AOR:1s>3s:avoir fait l’expérience de J’ai déjà mangé cela. b) rŋɯl nɤ-mbi mɯ-pɯ-rɲó-t-a 459 argent 2s:NASM:donner NGPA:AOR:1s>3s:avoir fait l’expérience de Je ne t’ai jamais donné de l’argent. c) ɯ-ndza mɤ-ra 3s:NASM:manger NGNP:NPA:devoir Il ne faut pas manger cela. Les trois phrases en (328) ont un équivalent avec les verbes d’action en kɤ- : (329) a) b) c) kɤ-ndza pɯ-rɲó-t-a NAC:manger AOR:1s>3s:avoir fait l’expérience de rŋɯl kɤ-mbi mɯ-pɯ-ta-rɲo argent NAC:donner NGPA:AOR:1>2s:avoir fait l’expérience de kɤ-ndza ra NAC:manger NPA:devoir tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Il faut manger cela. Dans les phrases en (329), l’objet (direct ou indirect) n’est plus indiqué sur le verbe complément, si bien que le verbe auxiliaire kɤ-rɲo doit indiquer cette information, ce qui explique le passage de pɯ-rɲó-t-a à pɯ-ta-rɲo. Avec tous les modaux statifs autres que mɤ-ra : jɤɣ « être autorisé », ra « devoir », khɯ « être possible, falloir », sna « être convenable », et avec les existentiels tu et ɣɤʑu « y avoir » et leurs formes négatives, on ne peut pas utiliser de noms d’action sans marque, alors que les noms d’action en kɤ- sont possibles. 8.3.2 Nom d’action en –s Cette forme de nominalisation est la moins productive de la langue, mais son ancienneté ne fait aucun doute, puisqu’on trouve des exemples de ce type en chinois archaïque et en tibétain. La première étude sur les noms d’action en –s en rgyalronguique est Jacques (2003), où nous avons montré l’existence d’un petit nombre d’exemples de noms dérivés de verbes par un suffixe –s en rgyalrong oriental de So-mang, à partir des données de Huang et Sun (2002). En japhug, on trouve moins d’exemples qu’en somang. Ce sont : tɤ-scos, « lettre, écriture » (le seul qui se trouve aussi en somang), tɤ-rkus « cadeau que l’on offre lorsque l’on part en voyage » et tɯ-ʁjis, qui s’utilise uniquement dans l’expression tɯ-ʁjis kɤ-ɣi « avoir envie ». tɤ-rkus est dérivé du verbe kɤ-rku « placer dans, ranger dans », et signifiait à l’origine « ce qui a été placé, rangé », d’où le sens de « ce qui a été préparé ». tɯ-ʁjis est dérivé de kɤ-ʁjit « penser » et signifiait « ce que l’on pense, ce à quoi l’on pense », d’où le sens d’« envie ». 460 8.3.3 Incorporation Comme nous l’avons vu dans la section sur la morphologie verbale dérivationnelle, le japhug permet dans certains cas d’incorporer un actant dans le verbe. A l’inverse, il existe un procédé qui permet de former un nom en incorporant un verbe. Paradoxalement, ce n’est pas avec un nom que le verbe est incorporé, mais avec l’adverbe kɯzɣa « longtemps, de nombreuses fois ». Le nom résultant est composé de l’adverbe à l’état construit kɯzɣɤ plus la racine élargie du verbe au thème 1. Le verbe kɤ-βzu « faire » sert ensuite d’auxilliaire, il va porter le préfixe directionnel sélectionné par le verbe nominalisé, ainsi que les marques de personne. Le sens de l’expression résultante est « faire ... tout le temps, de nombreuses fois ». Voici quelques exemples à l’aoriste du verbe seul et du groupe avec verbe tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 nominalisé pour montrer l’usage du préfixe directionnel sur le verbe auxilliaire : (330) na-ɕar Il a cherché kɯzɣɤ-ɕar ʑo na-βzu Il a cherché très longtemps ta-rtoʁ Il a regardé kɯzɣɤ-rtoʁ ʑo ta-βzu Il a regardé très longtemps pa-ndɯn Il a lu kɯzɣɤ-ndɯn ʑo pa-βzu Il a lu très longtemps L’auxilliaire peut porter tous les marquages de personnes possibles. En revanche, le nom dérivé reste toujours invariable. (331) kɯzɣɤ-nɯkʰramba ʑo tó-ɣ-βzu-a Il m’a trompé de nombreuses fois. 8.3.4 Nominalisation par réduplication Comme nous l’avons vu dans les sections 5.4.4 p.392 et 6.7 p.413, la réduplication partielle a de nombreuses fonctions différentes, et celle qui nous intéresse ici est une forme de nominalisation. Le fonctionnement phonologique de cette réduplication est le même que pour les autres déjà décrites dans le chapitre sur la morphologie verbale. Ces formes sont donc susceptibles d’être ambiguës. En plus d’une fonction syntaxique, la nominalisation par réduplication a également un sens particulier : « tous, l’ensemble de ». Ainsi, on peut opérer la réduplication sur un verbe déjà nominalisé : kɯ-mɤɕi « riche, celui qui est riche » devient kɯ-kɯ-mɤɕi « tous ceux qui sont riches ». Ce procédé peut toutefois s’appliquer à un verbe conjugué à un temps fini. Dans ces cas, le verbe est nominalisé, et prend le sens de l’actant à l’absolutif : (332) smɤn tɯ-ta-ndza « Tous les médicaments qu’il a mangés » L’ambiguïté de la réduplication fait que (332) peut aussi signifier selon le contexte : « il s’est mis à manger de plus en plus de médicaments », « s’il mange des 461 médicaments », et « à chaque fois qu’il mange des médicaments ». C’est donc le contexte syntaxique qui permet de trancher. Les verbes nominalisés par la réduplication sont en général suivi du nominalisateur nɯ, ce qui permet d’éviter toute ambiguïté : (333) tɤ-ɕime tɯ-lɤt nɯnɯ kɯ́nɤ linɤ jeune fille cadette DML aussi encore [ku-xti nɯ kɯ tɯ-ta-stu] nɯ NAS:être grand DMLERG RED:AOR:3s>3:faire de cette manière NOM tu-ste pjɤ-ŋu IPF:3s>3:faire de cette manière MIF:3s:être (tɤruʁnɯs.251) La cadette fit tout ce qu’avait fait son aînée. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 8.3.5 Nominalisateurs Le japhug permet enfin de nominaliser des propositions entières par un moyen purement syntaxique : un nominalisateur nɯ placé en fin de phrase. Les phrases dont le verbe est déjà nominalisé comme nom d’action, nom d’agent ou nom oblique peuvent être suivies de cet élément grammatical, y compris dans certains cas les noms d’action compléments d’autres verbes, comme le montre l’exemple (244). C’est là une différence avec l’équivalent de ce nominalisateur en cogtse, tə (voir Wei 2000 : 75), qui dans les exemples donnés par Wei, n’apparaît jamais après un complément « infinitif ». Sun (2003a : 500) décrit le cognat en tshobdun nəʔ du nominalisateur japhug comme un « generic subordinator », car son usage ne se limite pas aux relatives, mais se retrouve dans les temporelles ou les conditionnelles par exemple. Le nominalisateur est indipensable pour former les relatives et complétives non-nominalisées, ainsi que certaines constructions complexes que la morphologie productive du japhug ne permet pas. Toutefois, le fonctionnement de nɯ sera étudié plus en détail dans la section suivante sur les relatives. Tout comme tə en cogtse, le nominalisateur nɯ est en fait le pronom et démonstratif nɯ : cela. Dans certains cas, le démonstratif proche ki, ou même le marqueur de pluriel ra peuvent être utilisés comme nominalisateurs de propositions : (334) wo a-pa [tɕʰos kɤ-zgrɯβ] ki uɣma ʑo interjection 1s:père religion NAC:réaliser DMP très adverbe ɲɯ-ɴqa (srɤs.95) MDR:3s:être difficile Père, réaliser les enseignements bouddhiques est une chose très difficile. (335) tʰɤjtɕu lɤ-tɯ-nɯɣe pɯ-ŋu ra nɤ (taʁrdo.0) quand AOR:D-amont:2s:retourner PIF:3s:être NPA:3s:devoir CONJ 462 Et (les choses telles que) quand es-tu retournée à la maison ? Le marqueur de pluriel ra dans ces utilisations postverbales ne doit pas être confondu avec le verbe modal synonyme. 8.4 Relatives La formation des relatives a été entrevue dans les sections précédentes, mais il était légitime de lui consacrer une section à part entière car le japhug dispose de plusieurs procédés pour relativiser. Comme nous allons le voir, le japhug fonctionne d’une manière assez différente du cogtse, bien que ce soient les mêmes morphèmes qui prennent en charge ces fonctions. Dans cette section, nous étudierons tout d’abord le fonctionnement de la relativisation en cogtse, puis nous passerons en revue chacun des types de nominalisations en japhug à partir de la fonction grammaticale de l’actant relativisé et non tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 de la morphologie utilisée. 8.4.1 La relativisation en cogtse En cogtse, Wei (2000 :86) distingue deux stratégies différentes pour relativiser une phrase : Premièrement, ce qu’il appelle une « non-stratégie » : le verbe est nominalisé en kəen conservant ses marques de personne, l’actant relativisé est supprimé dans la relative, et dans le cas des verbes transitifs, l’autre actant doit être mis à l’absolutif, même si dans la phrase de base il s’agissait de l’actant à l’ergatif. Voici deux exemples tirés de Wei (2000 : 73), où dans un cas l’actant qui reste dans la relative est le sujet (336) et dans l’autre l’objet (337). On peut marquer la relativisation du patient en ajoutant le préfixe ŋa(voir le chapitre 7). Le nominalisateur kə- peut devenir ka- lorsqu’il fusionne avec ŋa-. En (340), to-ka-ʃkút est ainsi une variante de la forme plus transparente to-kə-ŋa-ʃkút aussi attestée avec le même sens. (336) [pkraʃés ko-kə-skɐ́-w wə-zɐ̂ tə] bKra-shis aoriste-nom d’agent–cuire-3s 3s-nourriture NOM ná-mem imperfectif:bon à manger Le repas que bKra-shis a fait cuire. (337) [tə-mɲók to-kə́-kə-w tə] na-nari ́ pain aoriste-nom d’agent-acheter-3s NOM aoriste:rire Celui qui a acheté le pain a ri (338) [to-ka-ʃpút wə-kərŋú tə] ná-tsʰo aoriste-nom d’action-élever 3s:bœuf NOM imperfectif:gras Les boeufs qui ont été élevés sont gras. 463 (339) [to-ka-ʃkút tə] aoriste-nom d’action-finir de manger NOM ná-mem imperfectif:bon à manger Ce que l’on a fini de manger est (était) très bon. Deuxièmement, dans le type de construction qu’il appelle « complément à déterminé interne » (internally headed complement), aucun actant n’est supprimé dans la relative, et c’est celui à l’absolutif qui est relativisé (Wei 2000 : 79-80) (340) [tə-rmi-ndʒês-kə kə-rgú kə-jzá-ntʃʰ tə] wə-ɲam homme-duel-ERG bœuf nom d’agent-nourrir-3d NOM 3s:chair ná-ndo imperfectif:avoir Les boeufs qui ont été nourris par ces deux personnes sont gras. En japhug, les stratégies de relativisation sont différentes. La différence fondamentale entre japhug et cogtse est tout d’abord morphologique. En japhug, les tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 formes nominalisées en kɯ- et kɤ- ne peuvent en aucun cas porter des marques de personne, alors que ce sont des formes de ce type qui sont utilisées en cogtse pour toutes les relatives. Par ailleurs, les noms d’action en kɤ- en japhug ne peuvent pas être analysés comme étant composés d’un préfixe nominalisant kɯ- et d’un préfixe intransitivant ɤ- comme c’est le cas en cogtse selon Wei (2000). En effet, nous avons montré dans la première partie de ce chapitre que les phrases nominalisées par le nom d’action peuvent conserver leur sujet à l’ergatif, ce qui serait impossible dans une relative du cogtse : (341) ɬamu kɯ qɤjɣi nɯ kɤ-mbi nɯ tu-ndze Lhamo ERG pain DML NAC:donner NOM IPF:3s>3:manger pjɤ-ŋu (qajdoskɤt.111) MIF:3s:être Alors qu’il s’apprêtait à manger le pain que lui avait donné Lhamo 8.4.2 La relativisation en japhug Nous allons présenter les stratégies possibles de relativisation selon la fonction syntaxique de l’actant. On recense deux types principaux de relatives en japhug : les relatives à verbe nominalisé, et les relatives à verbe non-nominalisé. Pour exemplifier ces deux catégories, nous prenons des exemples de la relativisation de l’objet en (342) et (343). Dans le premier cas, le verbe est nominalisé en nom d’action, nom d’agent ou nom oblique : (342) [rɤɣo tsʰɯrɟin cʰɯ-kɤ-ti] nɯ aʑo mɯ́-j-nɯ-rge-a 464 chanson souvent NACI:dire NOM je NGPA:MDR:APL:1s>3:être content Je n’aime pas la chanson que l’on chante tout le temps. Dans le second cas, le verbe est conjugué normalement, sans aucune marque de nominalisation. L’objet reste in situ : (343) [nɤʑo tsʰɯrɟin rɤɣo tu souvent cʰɯ-tɯ-ti] chanson IPF:2s>3:dire nɯ aʑo mɯ́-j-nɯ-rge-a. NOMje NGPA:MDR:APL:1s>3:être content Je n’aime pas la chanson que tu chantes tout le temps Les relatives peuvent être suivies optionnellement d’un nominalisateur tel que nɯ. 8.4.2.1 Sujet On ne peut relativiser le sujet, l’actant unique des verbes intransitifs et l’actant marqué tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 à l’ergatif des verbes transitifs, qu’en utilisant les verbes nominalisés en nom d’agent. Ainsi, pour dire « celui qui écrit une lettre », on doit dire : (344) tɤ-scos ɯ-kɯ-rɤt Mais il est en revanche exclu de dire une phrase telle que (345), qui serait une relative à verbe non-nominalisé. (345) *tɤ-scos pjɯ-rɤt ɣɯ ɯ-rme Comme nous l’avons déjà vu dans la section 8.1.3 p.444, le nom d’agent des verbes transitifs est préfixé d’un possessif qui est coréférent avec l’objet. Lorsque l’on forme une relative, l’objet doit être marqué, et le sujet peut être optionnellement conservé, mais pert sa marque d’ergatif : (346) ?tɤ-potso garçon tɤ-scos ɯ-kɯ-rɤt nɯ lettre NOM 3s:NAG:écrire Le garçon qui écrit cette lettre La présence du sujet dans ce type de relative est toutefois très rare, on n’en trouve pas un seul exemple dans notre corpus de textes. Dans ces cas, on préfère extraire le sujet. Ainsi, on peut reformuler (346) comme ceci : (347) tɤ-scos ɯ-kɯ-rɤt tɤ-potso nɯ lettre garçon NOM 3s:NAG:écrire On trouve un exemple de phrase de ce type dans notre corpus de textes : (348) iɕqʰa nɯnɯ ɯ-ɣɯ-jɤ-kɯ-qru tɤ-tɕɯ à l’instant DML 3s:HER:NAGP:accueillir garçon nɯnɯ (tɤruʁnɯs.231) DML Ce garçon qui était venu la chercher Lorsque le verbe est intransitif, pour que la relative détermine un nom, il suffit de la placer après celui-ci : 465 (349) zrɯɣ mɤ-kɯ-si ɣɯ ɯ-tʂɤm, ca mɤ-kɯ-si pou NGNP:NAG:mourir GEN 3s:huile chevrotain NGNP:NAG:mourir ɣɯ ɯ-mtsʰo (gesar.253) GEN 3s:musc De l’huile de poux qui ne sont pas morts, du musc de chevrotain qui n’est pas mort. Nous avons vu dans la section 8.1.1 que le nom d’action des verbes statifs était formé avec le préfixe kɯ- : il n’est pas possible de distinguer le nom d’agent du nom d’action avec ces verbes. Toutefois, il semble que les formes qui correspondent aux adjectifs épithètes du français soient des relatives, comme l’a proposé Jackson T.-S.Sun (2003a : 491). Ainsi, si l’on veut relativiser une phrase telle que : (350) ki tɤ-potso ki uɣma ʑo ɲɯ-ɕqraʁ. DMP enfant très adv. MDR:3s:être intelligent DMP tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Cet enfant est très intelligent. Il faut utiliser le nom d’agent kɯ-ɕqraʁ « qui est intelligent » et le placer après le nom qu’il détermine, comme c’est le cas pour toutes les relatives comme nous avons vu en (349) : (351) tɤ-potso uɣma ʑo kɯ-ɕqraʁ enfant adv. NAS:être intelligent très Un enfant très intelligent (Litt. : un enfant qui est très intelligent) Dans le sens inverse, il est possible dans tous les cas de transformer les noms suivis « d’adjectifs épithètes » en phrases indépendantes. (352) tɕʰeme kɯ-mpɕɤr Æ ki tɕʰeme ɲɯ-mpɕɤr fille Æ DMP fille NAS:être belle MDR:3s:être belle une belle fille (Litt. : une fille qui est belle) Æ cette fille est belle Enfin, il est possible d’utiliser les noms d’agent seuls, sans nom à déterminer. Il s’agit là encore d’une relative : (353) nɯ-kɯ-ɣɤʁrɯ pjɯ-tu mɤ-jɤɣ, NAGP:germer PIF:3s:y avoir NGNP:NPA:pouvoir pɯ-kɯ-tsɣi pjɯ-tu mɤ-jɤɣ (sqar.23) NAGP:pourrir PIF:3s:y avoir NGNP:NPA:pouvoir Il ne faut pas qu’il y en ait qui aient germé, il ne faut pas qu’il en ait qui aient pourri. A l’exception des cas où les noms d’agent servent de complément, toutes les occurences de noms d’agent en japhug sont donc des relatives, même si elles sont limitées au seul verbe. 8.4.2.2 Objet La relativisation de l’objet, l’actant marqué à l’absolutif des verbes transitifs, peut 466 s’opérer de deux manières différentes. La première stratégie possible est de nominaliser le verbe avec le nom d’action. Dans ce type de phrases, l’agent à l’ergatif peut être conservé : (354) krɤɕi kɯ tɯ-ndza tɤ-kɤ-βzu bKra-shis ERG repas NACP:faire nɯ ɲɯ-mɯm NOM MDR:3s:être bon à manger Le repas que bKra-shis a préparé est très bon. L’extraction de l’objet est impossible dans ces phrases, même si l’on supprime le sujet. Ainsi, on ne peut pas dire *tɤ-kɤ-βzu tɯ-ndza nɯ ɲɯ-mɯm. On peut marquer le sujet par un possessif préfixé au nom d’action : nɤ-tɤ-kɤ-ndza « ce que tu as mangé ». On peut former également des relatives à verbe non-nominalisé. Dans ces cas, la tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 phrase relativisée est nominalisée par la simple particule nɯ : (355) ɯʑo kɯ jɯɣi ta-rtoʁ nɯ uɣma ɲɯ-pe il ERG livre AOR:3s>3:regarder NOM très MDR:3s:être bon Le livre qu’il a lu est très bon. La phrase (355) ne signifie pas « celui qui a lu le livre est très bon », mais elle ne peut pas signifier non plus « C’est bien qu’il ait lu le livre ». Enfin, on peut utiliser des phrases dont le verbe est nominalisé par réduplication (voir section 8.3.4 p.461). Reprenons ici l’exemple que nous avions donné : (356) tɤ-ɕime tɯ-lɤt nɯnɯ kɯ́nɤ linɤ jeune fille cadette DML aussi encore [ku-xti nɯ kɯ tɯ-ta-stu] nɯ NAS:être grand DML ERG RED:AOR:3s>3:faire de cette manière NOM tu-ste pjɤ-ŋu IPF:3s>3:faire de cette manière MIF:3s:être (tɤruʁnɯs.251) La cadette fit tout ce qu’avait fait son aînée. 8.4.2.3 Instrument La relativisation de l’instrument peut, tout comme celle de l’objet, s’effectuer de deux manières. On peut tout d’abord employer le nom oblique, dont le fonctionnement a été décrit en 8.1.4 p.446 : (357) lɤβzaŋ ɣɯ ɯ-tɤ-scos ɯ-sɤ-rɤt sɲɯɣjɯ nɯ bLo-bzang GEN 3s:lettre 3s:NDO:écrire pinceau NOM Le pinceau avec lequel bLobzang écrit la lettre. Le nom relativisé (en (357), il s’agit de sɲɯɣjɯ) est extrait de la phrase et placé après 467 le nom oblique. Le possessif préfixé au nom oblique est coréférent avec le sujet de la phrase : (358) kʰa ʁɤri kɯ-nɯʁaʁ tɤ-mu nɯ ra kɯ maison devant NAG:faire la fête mère DML pluriel ERG nɯ-sɤz-nɯmbjɯm si cʰɯ-βlɯ́-nɯ pjɤ-ŋu. (qaɕpa.227) 3p:NDO:se chauffer bois IPF:3p>3:brûler MIF:3s:être Les vieilles dames qui étaient en train de se reposer devant la maison étaient sur le point de brûler le bois avec lequel elles (allaient) se réchauffer. Dans la phrase ci-dessus, le préfixe nɯ- de troisième personne du pluriel est ici coréférent avec le sujet à l’ergatif qui est aussi au pluriel. On peut également former des relatives à verbe non-nominalisé. Dans ce cas, l’actant relativisé est extrait. Ainsi, d’une phrase telle que (359), où l’instrument est tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 marqué à l’ergatif, et le verbe est préfixé de sɯ-, un préfixe semblable au causatif (nous le gloserons d’ailleurs comme un causatif), on peut dériver (360), où le groupe nominal instrumental est extrait mais où le préfixe sɯ- est maintenu sur le verbe. (359) lɤβzaŋ kɯ sɲɯɣjɯ kɯ tɤ-scos ci pjɯ-sɯ-rɤt bLo-bzang ERG pinceau lettre IPF:CAU:3s>3:écrire ERG un bLobzang écrit une lettre avec un pinceau. (360) lɤβzaŋ kɯ tɤ-scos pjɯ-sɯ-rɤt ɣɯ bLo-bzang ERG lettre GEN IPF:CAU:3s>3:écrire ɯ-sɲɯɣjɯ (aʑɯɣ nɯ-kʰɤm) 3s:pinceau (1s:GEN IMP:s:passer) (Donne-moi) le pinceau avec lequel bLobzang a écrit la lettre. 8.4.2.4 Locatif La relativisation d’un groupe nominal locatif s’opère d’une manière comparable à celle de l’instrumental : on peut soit utiliser un verbe nominalisé en nom oblique, soit utiliser une relative à verbe non-nominalisé. Des exemples du premier type ont déjà été présentés en 8.1.4 p.446, voici un exemple du second type: (361) [iʑo ju-sɯɣ-ɕe-j] ɣɯ nous IPF:CAU:1s>3:aller GEN ɯ-sɤtɕʰa nɯ uɣma sɤɣmu 3s:endroit DML très NPA:3s:être effrayant L’endroit où nous l’avons envoyé est effrayant. 8.4.2.5 Génitif Pour relativiser un nom déterminant au génitif, il suffit d’utiliser le nom d’agent comme si c’était le déterminé qui était relativisé. Ainsi, d’une phrase telle que : (362) si ɯ-pʰaʁ ntsi pjɤ-rom 468 arbre 3s:moitié un d’une paire MIF:3s:être sec La moitié de cet arbre s’est desséchée. On peut former la relative : (363) si ɯ-pʰaʁ ntsi pɯ-kɯ-rom (tɤmu-kɤtsa.101) arbre 3s:moitié un d’une paire NAGP:être desséché Cette phrase est ambiguë : elle signifie à la fois « un arbre dont la moitié était desséchée » (ce qu’elle signifie dans l’histoire en question) et « la moitié desséchée d’un arbre ». Toutefois, dans les rares cas où il faut relativiser un actant auquel le verbe attribue le génitif, il est nécessaire d’employer une construction plus lourde avec un nom d’action : tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 (364) ɕu ɣɯ ɕ-tʰɯ-kɤ-ta nɯ ɣɯ nɯ, tɕe qui HIN:NACP:mettre NOM GEN NOM CONJ ɯ-ɕki ɕɯ-kɯ-mɤrʑaβ kɯ-ra pjɤ-ɕti (tɤruʁnɯs.147) 3s:DAT HIN:NAG:se marier NAS:devoir MIF:3s:être (affirmatif) GEN Il fallait se marier avec celui sur les genoux duquel on avait posé (une offrande) (litt. : celui de ce qu’on est allé poser pour qui, c’est avec lui qu’il faut aller se marier). En (364), les éléments coréférents ont été soulignés. Le premier nɯ détermine le nom d’action ɕ-tʰɯ-kɤ-ta « ce qu’on est allé poser », le second est un pronom coréférent avec l’interrogatif ɕu « qui ». La reprise pronominale est ici indispensable car la langue ne dispose pas de construction pivot pour les actants au génitif, et n’a pas de pronoms relatifs tels que duquel en français. Cette construction avec reprise pronominale est une contre-clivée : le groupe nominal [ɕu ɣɯ ɕ-tʰɯ-kɤ-ta] nɯ ɣɯ nɯ, contient la relative indiquées entre crochets. 8.5 Conclusion L’importance de l’étude de la nominalisation en rgyalronguique dépasse l’étude de la formation de noms à partir des verbes. C’est tout d’abord grâce à la nominalisation par le nom d’agent que nous pouvons définir le sujet et l’objet en japhug, ce qui est important pour une langue par ailleurs ergative. C’est ensuite par la nominalisation que sont formées une grande partie des relatives et des compléments du verbe. 469 Bibliographie Bauman, James ---1975. Pronouns and pronominal morphology in Tibeto-burman, PhD Thesis, University of California at Berkeley. Baxter, William H. III ---1992. A Handbook of old Chinese phonology. Trends in Linguistics Studies and Monographs 64. Berlin: Mouton de Gruyter. Bickel, Balthasar. ---2000. On the syntax of agreement in Tibeto-burman. 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Pour indiquer les relations entre sujet et objet, nous employons la flèche >, l’actant sujet étant marqué à gauche et tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 l’actant objet à droite. 1s > 3p signifie donc : sujet à la première personne du singulier et objet à la troisième du pluriel. Lorsque les préfixes directionnels sont utilisés non pour marquer simplement une catégorie de TAM (les préfixes intrinsèques du verbe) mais indiquer une direction, nous ajoutons D- suivi de la direction (haut, bas, amont, aval, est, ouest) juste après la marque de la catégorie de TAM. Nous ne glosons que les préfixes dérivationnels productifs. Les symboles sont séparés de deux points <:>. abbré- nom exemple marquage aoriste tɤ-ndzá-t-a Préfixe directionnel de série 1 « je l’ai mangé » (première et deuxième personne), viation AOR Préfixe directionnel de série 3 (troisième personne), thème 2, suffixe –t (1s et 2s) AOR2 pjɯ-tɯ-mto aoriste2 Préfixe directionnel de série 3 + tɯ + thème 1 APL kɤ-nɯ-ŋke applicatif Préfixe nɯ- / nɤ- « aller pour qqch » CAU kɤ-sɯ-ndza causatif Préfixe sɯ- / sɯɣ- / z- « faire manger » CB complément de but ɯ-sɤ-ndzɯ-ndza Préfixe personnel, préfixe sɤ- / z-, « afin d’en manger » réduplication partielle de la dernière syllabe de la racine élargie du verbe CBI complément but imperfectif de ɯ-tu-sɤ-ndzɯ-ndza Préfixe personnel, préfixe de série « afin d’en manger » 2, préfixe sɤ- / z-, réduplication partielle de la dernière syllabe de la 479 racine élargie du verbe CNT ɲɯ-ɤsɯ-ndza continu Préfixe ɤsɯ- / asɯ- / ɤz- / az- « Il est / était en train de manger » DAT datif DMP démonstratif ɯ-ɕki Préfixe personnel + ɕki ki proche DML nɯ démonstratif lointain ERG ergatif kɯ GEN génitif ɣɯ GER gérondif sɤz-nɯrɤɣɯɣo Préfixe sɤ- / sɤz-, réduplication « en chantant » partielle de la dernière syllabe de la tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 racine élargie du verbe HER mouvement vers soi ɣɯ-ndze Préfixe ɣɯ- « il vient le manger » HIN IMP mouvement vers les ɕɯ-ndze-a autres « Je vais le manger » impératif tɤ-ndze Préfixe ɕɯPréfixe de série 1, thème 3 « Mange ! » IMM INV jɯ-na-ɕaβ Préfixe jɯ-, peut s’adjoindre à « il a failli le rattraper » l’aoriste ou au non-passé inverseur (pas noté pjɯ́-ɣ-mto-a Préfixe ɣ- accentué pour les scénarios 3 > « il m’a vu » 3s>1s immédiat 2 ou 3 > 1) IP1 nɯ́-ɣ-mbi impersonnel 1 Préfixe ɣ- « on le lui a donné » IP2 tu-kɯ-mbro impersonnel 2 Préfixe kɯ- « on devient grand » IPF imperfectif non-passé tu-ndze-a Préfixe de série 2 et thème 3 « je mange de ça » IRR a-pɯ-ndze irréel Préfixe a-, préfixe pɯ- et thème 3 « S’il mange ça... » JUS jussif a-tɤ-ndze Préfixe a-, préfixe directionnel de « qu’il mange ça ! » série 1 et thème 3 LOC locatif zɯ / tɕu MDR médiatif direct ɲɯ-ndze Préfixe ɲɯ- et thème 3 « il le mange » (j’en suis témoin) MIF médiatif indirect passé imperfectif pjɤ-xti Préfixe pjɤ-, thème 1 « il était grand » (je n’en ai pas été témoin) 480 MIF2 médiatif perfectif passé 2 (verbes contractes) to-kɤ-mɤtí-ndʑi-chɯ Préfixe directionnel de série 4, « Ils ont discuté tous les préfixe kɤ- deux » (je n’en ai pas été suffixe cʰɯ témoin) MIP médiatif indirect passé to-ndza Préfixe directionnel de série 4, « il l’a mangé » thème 1, suffixe –t (1s et 2s) (je n’en ai pas été témoin) MIP2 médiatif indirect 2 passé (verbes pjɤ-kɤ-tá-chɯ Préfixe composé pjɤ-kɤ- « c’était posé » Suffixe cʰɯ tɤ-nɯ-ndze Préfixe nɯ- contractes) MOY moyen « Mangez cela » (poli) NAC kɤ-ndza nom d'action Préfixe kɤ-, thème 1 « le fait de manger, ce qui tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 est mangé » NAC2 tɯ-tʂɯβ nom d’action 2 Préfixe tɯ-, thème 1 « l’action de coudre » NAC3 nom d’action 3 tɤ-mpɕɤr Préfixe tɤ-, thème 1 NACI nom d'action tu-kɤ-ti Préfixe de série 2, préfixe kɤ-, imperfectif « ce qui est dit » thème 1 nom d'action tɤ-kɤ-ndza Préfixe de série 1, préfixe kɤ-, perfectif « ce qui a été mangé, le fait thème 2 NACP d’avoir mangé » NAG ɯ-kɯ-ndza nom d'agent Préfixe kɯ-, thème 1 « celui qui a mangé ça » NAGI NAGP NAS nom d'agent ɯ-tu-kɯ-ti Préfixe de série 2, préfixe kɯ-, imperfectif « celui qui dit » thème 1 nom d'agent tɤ-kɯ-rɤndzɤtshi Préfixe de série 1, préfixe kɯ-, perfectif « celui qui a pris son repas » thème 1 nom d'action statif kɯ-pe Préfixe kɯ-, thème 1 « être bien » NASM sans ɯ-ndza Préfixe de personne, thème 1 statif pɯ-kɯ-fse Préfixe de série 1, préfixe kɯ-, perfectif « ce qui s’est passé » thème 1 nom de degré 1 ɯ-tɯ-ŋɟɤt Préfixe de personne, préfixe tɯ-, nom d’action marque NASP ND1 nom d'action thème 1 ND2 nom de degré 2 ɯ-tɤ-zdɯɣ Préfixe de personne, préfixe tɤ-, thème 1 NDO nom déverbal z-rɤrɤt oblique sɤ-rɤrɤt Préfixe z- ou sɤ-, thème 1 « ce avec quoi l’on écrit, l’endroit où l’on écrit » 481 NGNP négatif non-passé mɤ-ndze Préfixe mɤ- « il n’en mangera pas » NGPA négatif passé mɯ-ta-ndza Préfixe mɯ- « il n’en a pas mangé » NOM nɯ nominalisateur (morphème probablement identique au DML) NPA non-passé ndze-a Thème 3 non préfixé « je le mange / je vais le manger » passé imperfectif PIF pɯ-xti Préfixe pɯ-, thème 1 « il était grand » PRE présent ku-ndze « il est Préfixe ku-, thème 3 en train de le tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 manger » situation persistante PST pɤjkhu ku-nɯ-mtsɯ́r-a Préfixe nɯ-. A l’aoriste, remplace le « j’ai encore faim » préfixe de série 1. mɯ-nɯ-mtó-t-a « je ne le vois plus » ɯ́- interrogatif QU ɯ́-tɤ-tɯ-ndza-t Préfixe ɯ́- accentué « L’as-tu mangé ?» RED réduplication partielle ndzɯ-ndze nɤ « S’il le mange » REF réflexif kɤ-ʑɣɤ-sat Préfixe ʑɣɤ- « se suicider » On trouve douze verbes irréguliers en japhug de kɤmɲɯ : kɤ-ɕe (AOR : jɤ-ari) « aller » kɤ-sɯɣɕe (AOR : jɤ-sɤɣri) « envoyer qqun » kɤ-ti (AOR : tɤ-tɯt) « dire » kɤ-ɣi (AOR : jɤ-ɣe) « venir » kɯ-ɲat (ND2 : ɯ-tɤ́-ɣɲat) « être fatigué » kɯ-mŋɤm (ND2 : ɯ-tɤ-ŋɤm) « avoir mal » ku-ɣrum « être blanc » ku-xti « être grand » ɣɤʑu (2s : ɣɤ-tɤ-ʑu) « y avoir » maŋe (2s : ma-ta-ŋe) « ne pas y avoir » mɤ-xsi : pas de suffixe –a « je ne sais pas » (verbe défectif) kɤ-ɤzɣɯt (2s : jɤ-tɯ-zɣɯt / jɤ-tɯ-ɤzɣɯt) « arriver » 482 Appendice B : Un exemple d’histoire. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 tɤ-ru ʁnɯs --- Les deux chefs de village 0 kɯɕɯŋgɯ kɯɕɯŋgɯ tɕe, tɤ-ru ʁnɯs pjɤ-tú-ndʑi. 0 autrefois autrefois CONJ chef de village deux MIP:3d:y avoir 0 Autrefois, il y avait deux chefs de village. 1 tɯ-tɯ-pɯ 1 1:maisonnée DML haut 1 pjɤ-rmi 1 MIF:3s:s'appeller 1 L’un d’eux s’appellait Kun-bzang yang-bstan-po du haut de la vallée. 2 tɯ-tɯ-pɯ 2 1:maisonnée DML 2 L’autre s’appelait le roi du bas de la vallée. 3 stot tɯ-phu 3 haut haut de la vallée kun-bzang-yang-bstan-po GEN 3 ɯ-rʑaβ pjɤ-ra 3 3s:épouse MIF:3s:avoir besoin 3 Le fils de Kun-bzang avait besoin d’une épouse. 4 ɯ-rʑaβ kɯ-ɕar jo-ɕe, 4 3s:épouse NAG:chercher MIP:3s:aller, CONJ 4 mɤ-kɯ-pɯpe 4 NGNP:NAS:RED:bon adverbe 4 Il partit chercher une épouse, et mit des habits de mauvaise qualité 5 khɯna-ndʐi tɯ-rcu ci 5 peau de chien veste 5 nɤki 5 ainsi 5 Il prit une veste en peau de chien, et il y mit un petit sachet de sésame grillé. nɯ stot nɯ tɯ-phu koŋ-βzoŋ-jaŋ-rtɤnbu haut de la vallée kun-bzang-yang-bstan-po smɤt tɯ-mda rɟɤlpu pjɤ-rmi. bas bas de la vallée roi MIF:3s:s'appeller koŋ-βzoŋ-jaŋ-rtɤnbu ʑo ɣɯ tɕendɤre ɯ-tɕɯ nɯnɯ 3s:fils DML ɯ-ŋga 3s:habit to-ŋga, MIP:3s>3:porter to-ŋga, nɯ tɕu une MIP:3s>3:porter, 3s:poitrine DML LOC tɤ-sa-rŋu ci ɲɤ-rku sésame grillés un MIP:3s>3:mettre petit sachet MIP:3s>3:mettre ɲɤ-rku ɯ-phɯm tɯ-lʁɤt-tɕɯ 483 6 tɕendɤre, to-rɤŋgat tɕe chɤ-ɕe tɕɤn, 6 CONJ MIP:3s:partir CONJ 6 rɟɤlpu ɣɯ ɯ-sa-kaβ nɯ 6 roi GEN 3s:puits DML LOC 6 Ensuite, il se mit en route, et il accrocha un collier en corail sur le puits du roi du bas MIP:3s:aller CONJ tɕu smɤt tɯ-mda bas bas de la vallée pjirɯ tɯ-tɤ-ri to-βraʁ. corail chaîne MIP:3s>3:accrocher tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 de la vallée. 7 tɕendɤre smɤt tɯ-mda rɟɤlpu ɯ-me χsɯm pjɤ-tu, 7 CONJ bas bas de la vallée roi 3s:fille trois MIF:3s:y avoir 7 ɯ-me χsɯm pjɤ-tu tɕe 7 3s:fille trois MIF:3s:y avoir CONJ 7 Le roi du bas de la vallée avait trois filles. 8 stu ku-xti nɯ kɯ-kaβ ko-ɕe tɕe 8 superlatif NAS:grande DML NAC:porter sur son dos MIP:D-est :3s:aller CONJ nɤki pjɯ-ru tɕɤn ainsi MIP:D-bas:3s>3:regarder CONJ 8 La plus grande alla prendre de l’eau, et elle regarda vers le bas. 9 sa-kaβ ɯ-qa 9 puits 3s:pied DML 9 Au bas du puits, il y avait un collier en corail, (la réflexion de la chaîne sur la surface nɯ tɕu pjirɯ LOC corail tɯ-tɤ-ri pjɤ-tu tɕɤn, chaîne MIF:3s:y avoir CONJ de l’eau du puits). 10 ɯ-ɲchɣaʁ-thɯm nɯ kɯ to-sɯ-rku nɤ 10 3s:récipient en écorce de bouleau DML ERG MIP:3s>3:puiser 10 to-sɯ-rku ri 10 MIP:3s>3:puiser CONJ CONJ maka mɯ-pjɤ-khɯ pas du tout NGPA:MIF:3s:pouvoir CONJ 10 ɲɤ-nɯri tɕɤn 10 MIP:3s:aller-(forme fautive) CONJ tɕe ɲɤ-nɯɕe, MIP:3s:aller 10 Elle essayait de l’attraper avec son récipient en écorce de bouleau, mais elle n’y est pas du tout parvenu. 484 11 "aki ndʐɯnbu tɯ-rme tɤ-rɤru 11 en bas hôte homme IMP:s:se lever car 1s:père aʑo ɕi-a ra" to-ti je NPA:1s:aller NPA:3s:devoir MIP:3s>3:dire 11 mbɣom tɕe 11 NPA:3s:pressé CONJ ma a-pa a-ma zlɤβtɕhɯ 1s:mère eau (honorifique) 11 (alors, elle voit le fils du roi déguisé en mendiant allongé par terre) « Vous, le monsieur en bas, levez-vous car je dois passer, mes parents veulent de l’eau de façon urgente », dit-elle 12 tɕeri stot tɯ-phu koŋβzoŋ-jaŋ-rtɤnbu ɯ-tɕɯ 12 mais haut haut de la vallée kun-bzang-yang-bstan-po 3s:fils nɯ kɯ DML ERG 12 Mais le fils de Kun-bzang yang-bstan-po du haut de la vallée (dit :) tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 13 "a-tɤɕime, ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom 13 1s:jeune fille QU:IPF:2s:pressée nɤ tu-kɯ-nɯmɢla, CONJ IPF:2s>1s:passer par dessus 13 « Mademoiselle, si vous êtes pressée, passez moi par dessus, 14 mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom nɤ 14 NGPA:QU:IPF:2s:pressée CONJ tu-kɯ-nɯ-pjál-a ma IPF:2s>1s:contourner car 14 si vous n’êtes pas pressée, contournez moi car 15 kɯ-sthi ci 15 autant a-zrɯɣ a-ndʑirɯ un 1s:poux 1s:lente ɲɯ-dɤn" to-ti tɕe MDR:3p:beaucoup MIP:3s>3:dire CONJ 15 je suis plein de poux et de lentes » dit-il, 16 tɤ-sa-rŋu nɯ tɯ-spra rʁɯβ-rʁɯβ-rʁɯβ 16 sésame grillé DML une poignée onomatopée to-ndza. MIP:3s>3:manger 16 et il avala bruyamment une poignée de sésame grillé. 17 tɕendɤre "ta-nɯmɢla ɕti ma 17 CONJ NPA:1s>2:passer par dessus NPA:3s:être car 17 aʑo ɕi-kɤ-pjɤl mɤ-tsu-a" to-ti, 17 je HIN:NAC:contourner NGN P :NPA:1s:avoir le temps MIP:3s>3:dire 17 Je passerai par dessus car je n’ai pas le temps, dit-elle. 18 tɕe nɯ tɯ-rme nɯ ɲɤ-nɯmɢla tɕe 18 CONJ DML homme DML MIP:3s>3:passer par dessus CONJ ɲɤ-nɯɕe tɕe MIP:D-ouest:3s:partir CONJ 18 Alors elle passa par-dessus le garçon, et retourna chez elle (vers l’ouest). 485 19 tɕe nɯ qhu tɕe nɤkínɯ, stu 19 CONJ DML après CONJ ainsi ku-xti ɣɯ ɯ-pa superlatif NAS:grande 19 kɯ-kaβ pjɤ-ɣi, tɕɤn 19 NAG:porter sur le dos MIP:3s:arriver-BAS CONJ nɯ GEN 3s:cadette DML ko-ɣi tɕɤn MIP:3s:arriver-EST CONJ 19 Ensuite, la soeur cadette de la grande fille vint prendre (de l’eau), 20 "aki ndʐɯnbu tɯ-rme tɤ-rɤru 20 en bas hôte homme 20 mbɣom tɕe 20 NPA:3s:pressé CONJ ma a-pa IMP:s:se lever car 1s:père a-ma zlɤβtɕhɯ 2s:mère eau (honorifique) aʑo ɕi-káβ-a ra" je NPA:3s:devoir MIP:3s>3:dire HIN:NPA:1s>3s:porter to-ti 20 « Vous, le monsieur en bas, levez-vous car je dois passer, mes parents veulent de tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 l’eau de façon urgente », dit-elle. 21 tɕeri "ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom nɤ tu-kɯ-nɯmɢla, 21 mais QU:IPF:2s:pressée CONJ IPF:2s>1s:enjamber 21 mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom nɤ tu-kɯ-nɯ-pjál-a ma 21 NGPA:QU:IPF:2s:pressée CONJ IPF:MOY:2s>1s:contourner car 21 Mais (il dit :) « si vous êtes pressée enjambez-moi, si vous n’êtes pas pressée contournez-moi car 22 kɯ-sthi a-zrɯɣ a-ndʑirɯ ɲɯ-dɤn" to-ti 22 autant 1s:poux MDR:3p:beaucoup MIP:3s>3:dire CONJ 22 li tɤ-sa-rŋu nɯ tɯ-spra to-ndza. 22 encore sésame grillé DML une poignée MIP:3s>3:manger 1s:lente tɕe 22 je suis plein de poux et de lentes » dit-il, et il avala une poignée de sésame grillé. 23 tɕeri "ta-nɯmɢla ɕti ma aʑo kɤ-pjɤl 23 mais NPA:1s>2:enjamber NPA:3s:être-affirmatif car je ko-ɕe tɕe MIP:D-est :aller CONJ 23 a-ʁa me" to-ti tɕe 23 1s:temps NPA:3s:ne pas avoir MIP:3s>3:dire CONJ NAC:contourner 23 mais elle dit « je vous enjamberai, car je n’ai pas le temps de vous contourner ». 24 sa-kaβ tɕe pjɯ-ru 24 puits IPF:D-bas:3s>3:regarder CONJ CONJ 24 pjɤ-tu tɕɤn 24 MIF:3s:y avoir CONJ tɕe li pjirɯ tɯ-tɤ-ri nɯ encore corail 1:chaîne DML 24 Elle regarda vers le bas dans le puits, et vit elle aussi qu’il y avait un collier en corail (en fait, la réflexion dans l’eau de la chaîne que le fils du roi avait accroché) 486 25 to-sɯ-rku nɤ 25 MIP:CAU:3s>3:puiser CONJ to-sɯ-rku ri maka mɯ-pjɤ-khɯ MIP:3s>3:puiser CONJ pas.du.tout NGPA:MIF:3s:pouvoir 25 Elle essayait de l’attraper (avec son récipient), mais elle ne réussit pas du tout. 26 tɕe li tɯ-ci 26 CONJ encore eau to-fkur tɕe MIP:3s>3:porter CONJ ɲɤ-nɯɕe MIP:D-ouest:3s:partir 26 puis elle prit l’eau sur ses épaules et partit. 27 tɕe "aki ndʐɯnbu tɯ-rme tɤ-rɤru ma 27 CONJ en bas hôte homme IMP:s:se lever car tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 NPA:3s:pressé 27 aʑo mbɣóm-a" to-ti, 27 je MIP:3s>3:dire NPA:1s:être pressé 27 (la deuxième soeur) dit : « Vous, le monsieur en bas, levez-vous, car je suis pressée » (ici, on observe une répétition dans le récit ). 29 tɕeri "ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom nɤ tu-kɯ-nɯmɢla, 29 mais QU:IPF:2s:pressée CONJ IPF:2s>1s:enjamber 29 mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom nɤ tu-kɯ-nɯ-pjál-a ma 29 NGPA:QU:IPF:2s:pressée CONJ IPF:MOY:2s>1s:contourner car 29 Mais (le fils du roi) dit : « Si vous êtes pressée enjambez-moi, si vous n’êtes pas pressée contournez-moi car 30 kɯ-sthi a-zrɯɣ a-ndʑirɯ ɲɯ-dɤn, nɤ-pi kɯ 30 autant MNR:3s:beaucoup 2s:soeur ERG 1s:poux 1s:lente 30 tɤ́-ɣ-nɯmɢla ɕti" to-ti 30 AOR:3s>1s:enjamber NPA:3s:être (affirmatif) MIP:3s>3:dire 30 j’ai beaucoup de poux et de lentes, votre soeur m’a enjambé, dit-il 31 "aʑo nɯ ta-nɯmɢla ɕti" to-ti tɕe 31 je DML NPA:2s>1:enjamber NPA:3s:être-affirmatif MIP:3s>3:dire CONJ 31 « Je vais donc vous enjamber » dit-elle. 487 32 ɲɤ-nɯmɢla tɕe ɲɤ-nɯɕe ɲɯ-ŋu. 32 MIP:D-ouest:3s>3:enjamber CONJ MIP:D-ouest:3s:rentrer MDR:3s:être 32 tɕendɤre, stu kɯ-maqhu tɕɤn, nɯ-me stu 32 CONJ superlatif NAS:suivant CONJ 3p:fille 32 kɯ-kaβ ko-ɣi, 32 NAC:porter sur le dos MIP:D-est:3s:venir kɯ-xtɕi nɯ superlatif NAS:petite DML 32 Elle l’enjamba et rentra chez elle (vers l’ouest), puis la plus petite, leur fille la plus tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 petite vint (vers l’est) prendre (de l’eau). 33 tɕendɤre li ko-ɣi tɕe, "aki ndʐɯnbu tɯ-rme tɤ-rɤru 33 CONJ MIP:D-est:3s:venir CONJ en bas hôte encore homme IMP:s:se lever 33 ma a-pa a-ma zlɤβtɕhɯ mbɣom tɕe 33 car 1s:père 1s:mère eau (honorifique) NPA:3s:pressé CONJ 33 Elle vint elle aussi, et dit : « Vous, le monsieur en bas, levez-vous car je dois passer, mes parents veulent de l’eau de façon urgente, 34 aʑo mbɣóm-a" to-ti. 34 je MIP:3s>3:dire NPA:1s:pressé 34 « je suis pressée » dit-elle. 35 "ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom nɤ ku-kɯ-nɯmɢla, mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom 35 QU:IPF:2s:pressée IPF:2s>1s:enjamber NGPA:QU:IPF:2s:pressée CONJ CONJ 35 tu-kɯ-nɯ-pjál-a ma 35 IPF:MOY:2s>1s:contourner car nɤ 35 « Si vous êtes pressée enjambez-moi, si vous n’êtes pas pressée contournez-moi car 36 nɤ-pi ni kɯ 36 2s:grande soeur duel ERG ʁnaʁna kɯ ɣɯ́-nɯmɢlá-ndʑi deux NPA:3d>1s:enjamber 36 ɕti" to-ti, 36 NPA:3s:être-affirmatif MIP:3s>3:dire ERG (faute !) 36 vos deux soeurs m’ont enjambé. » 37 tɕénɤ tɕheme nɯ kɯ "ʁʑɯnɯ tɯ-rme kɤ-nɯmɢla 37 CONJ fille garçon DML ERG homme 37 me" to-ti tɕe, 37 NPA:3s:ne pas être MIP:3s>3:dire CONJ NAC:enjamber 37 La fille dit : « On n’enjambe pas un garçon ». 488 38 to-nɯ-pjɤl tɕe ko-ɕe, tɕe 38 MIP:MOY:3s>3:contourner CONJ MIP:D-est:3s:aller CONJ 38 tɯ-ci to-rku tɕeri, 38 eau MIP:3s>3:mettre mais 38 Elle le contourna et alla vers l’est (continue sa route vers le puits), elle prit de l’eau 39 nɯnɯ pjɤ-ɕqraʁ tɕɤn pjirɯ tɯ-tɤri nɯ ɯ-qa ntsɯ 39 celle-là MIF:3s:intelligente CONJ corail chaîne DML 3s:pied toujours 38 to-saʁthɯm to-rku nɤ 38 MIP:D-haut-3s>3:puiser MIP:3s>3:mettre CONJ 38 to-rku mɯ-pjɤ-khɯ tɕe, 38 MIP:3s>3:mettre NGPA:MIF:3s:pouvoir CONJ, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 38 Celle-là était intelligente, elle (essaya) d’attraper le collier de corail (avec son récipient en bouleau) en puisant au bas (du puits), mais elle n’y parvenait pas, 40 kɯ-maqhu tɕe 40 NAS:être après CONJ ɯ-ɲchɣaʁ-thɯm nɯ taʁ-nɤ-taʁ 3s:récipient en écorce de bouleau DML de plus en plus haut 40 to-tsɯm tɕɤn, 40 MIP:D-haut:3s>3:emporter CONJ 40 et ensuite, elle leva le récipient en bouleau vers le haut (pour attraper le collier). 41 pjirɯ tɯ-tɤ-ri nɯ pjɤ-nɯ-mɟa. 41 corail chaîne DML MIP:MOY:3s>3:ramasser 41 et elle obtint le collier de corail. 42 tɕe nɯ rɟɤlpu ɯ-tɕɯ nɯ kɯ "nɤ-ki nɯ aʑɯɣ ŋu 42 ensuite DML roi 3s:fils DML ERG 2s:DMP DML 1s:GEN NPA:3s:être 42 tɕeri ɲɯ-ta-mbi" to-ti. 42 CONJ IPF:1s>2:donner MIP:3s>3:dire 42 Alors, le fils du roi dit : « L’objet que tu tiens est à moi, mais je te le donne. » 43 tɕendɤre tɕheme-pɯ nɯ kɯ pjirɯ tɯ-tɤ-ri nɯ to-nɯndo, 43 CONJ fille:enfant chaîne MIP:3s>3:prendre DML ERG corail DML 43 alors la fille prit le collier de corail, 44 tɕe "tɤ-rɤru ma aʑo mbɣóm-a" to-ti ri, 44 CONJ IMP:s:se lever car je MIP:3s>3:dire CONJ NPA:1s:pressé 44 et (elle dit :) Lève-toi car je suis pressée (répétition dans le récit). 489 45 "ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom nɤ tu-kɯ-nɯmɢla, mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom 45 QU:IPF:2s:pressée IPF:2s>1s:passer par dessus NGPA:QU:IPF:2s:pressée CONJ CONJ 45 tu-kɯ-nɯ-pjál-a ma 45 IPF:MOY:2s>1s:contourner car nɤ 45 « Si vous êtes pressée enjambez-moi, si vous n’êtes pas pressée contournez-moi ; 46 nɤ-pi ni ʁnaʁna kɯ tɤ́-ɣ-nɯmɢlá-ndʑi 46 2s:grande soeur duel deux ERG AOR:3d>1s:enjamber 46 ɕti" to-ti, 46 NPA:3s:être-affirmatif MIP:3s>3:dire tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 46 vos deux soeurs m’ont enjambé. » 47 tɕeri "ʁzɯnɯ tɯ-rme kɤ-nɯmɢla me" 47 mais garçon NPA:3s:ne pas être MIP:3s>3:dire CONJ homme NAC:enjamber to-ti 47 to-nɯpjɤl tɕe to-nɯɕe. 47 MIP:3s>3:contourner CONJ MIP:D-haut:3s:rentrer tɕɤn, 47 mais elle dit « On n’enjambe pas un garçon », elle le contourna et rentra chez elle. 48 tɕe nɯɕe tɤŋu tɕe, to-ti 48 CONJ NPA:3s:partir au moment où CONJ MIP:3s>3:dire 48 et au moment de partir, il dit : 49 "wortɕhi ʑo nɤ-pa nɤ-ma ni ndʑi-ɕki a-tɤ-tɯ-ti 49 s'il te plait adverbe 2s:père 2s:mère duel 3d:DAT tɕe JUS:2s>3:dire CONJ 49 « S’il te plaît, demande à tes parents 50 nɯ-paʁ-tshi ɯ-kɯ-rɤru ɲɯ-ɣi-a ɯ́-ɲɯ-pe 50 2p:nourriture pour cochons 3s:NAG:surveiller IPF:D-est:1s:arriver QU:MDR:3s:bien ma car 50 serait-il possible que je vienne surveiller vos cochons ? 51 kɯ-sthi ci a-zrɯɣ a-ndʑirɯ ɲɯ-dɤn, 51 autant un 1s:poux MDR:3p:beaucoup 51 ɲɯ-nɤ-ndʐu-a tɕe 51 MDR:1s:avoir froid CONJ 1s:lente mɯ́-j-pe" to-ti, NGPA:MDR:bien MIP:3s>3:dire 51 J’ai tant de lentes et de poux, j’ai froid, ce n’est pas bien comme ça. » 490 52 tɕendɤre "jɤɣ tɕe tu-ti-a" to-ti tɕɤn 52 CONJ NPA:3s:possible CONJ IPF:1s>3s:dire MIP:3s>3:dire CONJ 52 to-nɯɕe tɕe ɲɤ-rɤfɕɤt. 52 MIP:D-haut:3s:rentre CONJ MIP:3>3:transmettre l'information 52 alors elle dit : « d’accord, je le dirai », rentra chez elle et transmit l’information 53 tɕeri "jɤɣ" to-tí-nɯ tɕɤn, nɯ smɤt tɯ-mda 53 CONJ NPA:3s:possible MIP:3p>3:dire CONJ DML bas bas de la vallée 53 rɟɤlpu ra nɯ-paʁ-tshi kɯ-rɤru jo-ɕe 53 roi pluriel 3p:nourriture pour cochon NAG:surveiller MIP::3s:aller 53 Il dirent « d’accord », et il (le fils du roi du haut de la vallée, déguisé en mendiant) alla tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 s’occuper de la nourriture des cochons du roi du bas de la vallée. 54 tɕendɤre nɯ-me stu 54 CONJ 3p:fille ku-xti nɯ superlatif NAS:grande DML 54 paʁ-tshi ɯ-kɯ-lɤt pɯ-ɣe tɕɤn, 54 nourriture pour cochon 3s:NAG:jeter AOR:D-bas:3s:venir CONJ 54 (Tout d’abord) l’aînée est descendue (dans la bauge des cochons, qui est située au rez-de-chaussé des maisons traditionnelles, les gens habitant dans les étages), pour donner la pâtée des cochons, (et à chaque fois qu’elle descendait) 55 nɯri ɯ-ku zɯ tɤ-ŋkhɯt to-lɤt, 55 CONJ 3s:tête LOC poing MIP:3s>3:jeter 55 et elle lui donnait un coup de poing sur la tête, 56 nɯmáʁnɯ scoʁ-qhu ci to-lɤt pjɤ-ŋu 56 ou bien revers de la louche un MIP:3s>3:jeter MIF:3s:être 56 ou bien un coup du revers de la louche. 57 tɕendɤre tɯ-lɤt nɯ 57 CONJ cadette DML pjɤ-ɣi ri MIP:3s:venir CONJ 57 Ensuite, la cadette est descendue, 58 línɤ nɯ tu-ste pjɤ-ɕti 58 à nouveau DML IPF:3s>3:faire de cette manière MIF:3s:être (affirmatif) 58 et elle agissait de la même façon. 491 59 tɕe kɯ-máqhu tɕe nɤkínɯ, nɯ-me stu 59 CONJ NAS:être après CONJ ainsi 3p:fille kɯ-xtɕi nɯ superlatif petite pjɤ-ɣi, DML MIP:3s:venir 59 enfin, leur fille benjamine descendit, 60 tɕendɤre nɤkínɯ, "tɤ-rɤru" to-ti 60 CONJ ainsi IMP:s:se lever MIP:3s>3:dire ri, "wo CONJ interjection 60 tɤ-saʁdɯ́ɣ-a tɕe nɤki, tɤ-ŋkhɯt tɤ-nɯ-lɤt ma 60 NPA:1s:déranger CONJ ainsi poing IMP:APL:s:jeter car 60 et elle dit « levez-vous », et il dit « Oh, je dérange, donnez-moi un coup de poing si vous voulez, car 61 nɤ-pi ni kɯ ʁna-ʁna kɯ nɯ tɤ-ŋkhɯt tu-lɤ́t-ndʑi tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 61 2s:soeur duel ERG deux ERG DML poing pɯ-ɕti," to-ti IPF:3d>3:jeter AOR:3s :être MIP:3s>3:dire 61 vos deux soeurs m’ont donné des coups de poing. 62 tɕheme-pɯ nɯ kɯ "a, ʁʑɯnɯ tɯ-rme kɤ-nɯ-ʁndɯ-ʁndɯ 62 fille:enfant garçon DML ERG interjection 62 me" to-ti 62 NPA:3s:ne pas y avoir MIP:3s>3:dire homme NAC:APL:RED:frapper 62 La petite fille dit alors « Ah, on ne frappe pas un garçon ». 63 tɕe maka mɯ-to-ʁndɯ. 63 CONJ pas du tout NGPA:MIP:3s>3:frapper 63 et elle ne le battit pas. 64 tɕe "wortɕhi ʑo nɤ-mu nɤ-wa ni 64 CONJ s'il vous plaît adverbe 2s:mère 2s:père duel 3s:DAT 64 tu-ɣi-a ɯ́-ɲɯ-pe ma, 64 IPF:D-haut:1s:venir QU:MDR:3s:bien car ndʑi-ɕki nɯ-smi kɯ-βlɯ 3p:feu NAG:allumer 64 « S’il vous plaît, demandez à vos parents si je peux aller (monter) m’occuper du feu, 65 kutɕu ɲɯ-nɤndʐu-a a-tɤ-tɯ-ti je" to-ti. 65 ici MDR:1s:avoir froid JUS:2s>3:dire particule modale MIP:3s>3:dire 65 car ici j’ai froid », dit-il. 492 66 kɯ-mɤku ɯ-pi 66 NAS:être avant 3s:grande soeur ni ndʑi-ɕki nɯ ra to-ti duel 3d:DAT MIP:3s>3:dire CONJ DML pluriel ri, 66 mɯ-ɲɤ-rɤfɕɤ́t-ndʑi, 66 NGPA:MIP:3d>3:transmettre le message 66 Auparavant, il avait dit la même phrase à ses deux grandes soeurs, mais celles-ci n’avaient pas transmis l’information. 67 tɕendɤre stu 67 CONJ kɯ-xtɕi superlatif NAS:petite nɯ tɤ-ari tɕe DML AOR:D-haut:3s:aller CONJ ɲɤ-rɤfɕɤt, MIP:3s>3:raconter 67 et la plus petite monta (dans la partie de la maison où habitent les gens et transmit tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 l’information. 68 tɕe "jɤɣ" to-tí-nɯ 68 CONJ NPA:3s:possible MIP:3p>3:dire CONJ 68 tó-ɣ-sɯ-ɣe tɕendɤre to-ɕe tɕe MIP:D-haut:3s:aller CONJ tɕɤn 68 MIP:D-haut:INV:CAU:3>3s:aller CONJ 68 Ils dirent « d’accord » et il monta, ils le firent monter. 69 smɤt tɯ-mda rɟɤlpu ra nɯ-smi kɯ-βlɯ 69 bas bas de la vallée roi pluriel 3p:feu pjɤ-ŋu. NAG:allumer MIF:3s:être 69 Il était la personne chargée de s’occuper du feu chez ceux du roi du bas de la vallée. 70 tɕe kɯ-máqhu tɕɤn li nɤkínɯ nɯ-me stu 70 CONJ NAS:suivant CONJ encore ainsi ku-xti cho 3s:fille superlatif grande et tɕe 70 Ensuite, la fille aînée et 71 ɯ-pa nɯ ni tɤ-ŋké-ndʑi tɕɤn kɤ-arí-ndʑi 71 3s:cadette DML duel AOR:3d:marcher CONJ AOR:D-est:3d:aller CONJ 71 la cadette, lorsque qu’elles marchaient (dans la maison), lorsqu’elles allaient d’un côté, 72 scoʁ-qhu ci tu-lɤ́t-ndʑi nɯ-arí-ndʑi tɕe 72 revers de la louche une fois IPF:3d:frapper AOR:D-ouest:3d:aller CONJ 72 scoʁ-qhu ntsɯ tu-lɤ́t-ndʑi toujours IPF:3d:frapper MIF:3s:être ci 72 revers de la louche une fois pjɤ-ŋu. 72 elles lui donnaient un coup du revers de la louche, et lorsqu’elles allaient de l’autre, elles lui donnaient un coup du revers de la louche. 493 73 stu kɯ-xtɕi nɯ kɯ maka ʑo nɯ ra 73 superlatif NAS:petite DML ERG pas du tout adverbe DML pluriel 73 mɯ-pjɤ-stu tɕɤn, 73 NGPA:MIF:3s>3:faire de cette manière CONJ 73 La benjamine ne fit pas du tout comme elles. 74 nɯstáʁnɯ kɤ-ndzɤ-tshi kɯ-tu ra tɕhi kɤ-cha 74 même NAC:manger et boire NAS:avoir pluriel quoi NAC:pouvoir 74 ɲɯ́-ɣ-mbi pjɤ-ŋu 74 IPF:INV:3>3s:donner MIF:3s:être tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 74 Elle lui donna à manger autant qu’elle pouvait. 75 tɕe kɯ-máqhu tɕe stu ku-xti nɯ ɯ-ɕki 75 CONJ NAS:être après CONJ superlatif NAG:être grandDML 3s:DAT "wortɕhi s'il vous plaît 75 Ensuite, il dit à la plus grande : « s’il vous plait, 76 nɤ-pa" nɤ-ma ni ndʑi-ɕki a-tɤ-tɯ-ti tɕɤn, "ruŋgu 76 2s:père 2s:mère duel 3d:DAT CONJ pâturages JUS:2s>3:dire 76 nɯ-kɯ-lɤɣ lu-ɕi-a" ɯ́-ɲɯ-pe a-tɤ-tɯ-ti ma 76 3p:NAG:faire paître IPF:1s:aller QU:MDR:3s:être bien JUS:2s>3:dire car 76 Demandez à vos parents si je peux aller m’occuper de faire paître (votre bétail) dans les pâturages, 77 kɯ-sthi ci a-zrɯɣ a-ndʑirɯ ɲɯ-dɤn", to-ti tɕeri 77 autant un 1s:poux MDR:3p:beaucoup MIP:3s>3:dire CONJ 77 stu ku-xti 77 superlatif NAS:grande 1s:lente nɯ ɯ-pri mɯ-ɲɤ-rɤfɕɤt. DML 3s:message NGPA:MIP:3s>3:passer l'information 77 car j’ai tant de poux et de lentes », mais l’aînée ne transmit pas le message. 78 nɯ ɯ-pa nɯ ɕki línɤ to-ti 78 DML 3s:cadette DML DAT encore MIP:3s>3:dire CONJ 78 ɯ-pa nɯ li mɯ-ɲɤ-rɤfɕɤt. 78 3s:cadette DML encore NGPA:MIP:3s>3:passer l'information ri, 78 Il dit la même chose à la cadette, mais celle-ci ne transmit pas non plus l’information. 494 79 tɕe stu kɯ-xtɕi nɯ ɯ-ɕki tɕɤn 79 CONJ superlatif NAS:petite DML 3s:DAT CONJ 79 "wortɕhi nɤ-pa nɤ-ma ni ndʑi-ɕki 79 s'il vous plaît 2s:père 2s:mère duel 3d:DAT 79 Alors, il dit à la benjamine : « s’il vous plaît, demandez à votre père et à votre mère 80 nɯ-kɯ-lɤɣ lu-ɕi-a ɯ́-ɲɯ-pe 80 3p:NAG:faire paître IPF:D-amont:1s:aller a-tɤ-tɯ-ti ma QU:MDR:bien JUS:2s:dire 80 kɯ-sthi a-zrɯɣ a-ndʑirɯ ɲɯ-dɤn" to-ti. 80 autant 1s:lente MDR:3p:beaucoup MIP:3p>3:dire 1s:poux car 80 si je peux aller m’occuper d’aller faire paître les animaux, car j’ai tant de poux et de tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 lentes. 81 tɤ-sa-rŋu kɯ-spra 81 sésame grillé une poignée to-ndza tɕendɤre ɲɤ-rɤ-fɕɤt MIP:3s>3:manger CONJ MIP:3s>3:passer l'information 81 tɕeri "jɤɣ" to-tí-nɯ, 81 CONJ NPA:être possible MIP:3p>3:dire 81 Et il mangea une poignée de sésame grillé, et elle transmit l’information, et ils dirent « d’accord ». 82 tɕendɤre nɯ-kɯ-lɤɣ lo-ɕe. 82 CONJ 3p:NAG:faire paître MIP:D-amont:3s:aller 82 Et il alla faire paître les animaux. 83 nɯ-kɯ-lɤɣ lɤ-ari tɕe tɕendɤre sɲikuku ʑo 83 3p:NAG:faire paître AOR:D-amont:3s:aller CONJ CONJ chaque jour adverbe 83 tɤ-lu ɯ-kɯ-ru kɯ-ɕe pjɤ-ra 83 lait 3s:NAG:regarder NAG:aller MIF:3s:devoir CONJ tɕɤn, 83 Il alla faire paître les animaux, et il devait aller tous les jours s’occuper du lait. 84 nɯ-me stu 84 3p:fille ku-xti nɯ superlatif NPA:3s:grand DML lɤ-ari tɕɤn, AOR:D-amont:3s:aller CONJ 84 C’était d’abord au tour de leur fille aînée de venir, 495 85 tɕe nɯnɯ tɤ-tɕɯ nɯ kɯ-saqru chɯ-ɕe pjɤ-ra 85 CONJ celui-là garçon DML NAG:accueillir IPF:D-aval:3s:aller MIF:3s:devoir 85 tɕe ʑ-lu-qre pjɤ-ra 85 CONJ HIN:IPF:D-amont:3s>3:accueillir MIF:3s:devoir CONJ tɕe, 85 Le garçon devait aller auprès d’elle, 86 tɕendɤre stu ku-xti nɯ nɤkínɯ mbro chɯ-tsɯm tɕe 86 CONJ NAS:grande DML ainsi IPF:3s>3:conduire CONJ superlatif cheval 86 ʑ-lu-sɯ-qre tɕɤn, 86 HIN:IPF:D-amont:CAU:3s>3:accueillir CONJ 86 conduisant un cheval, il allait auprès de l’aînée (le causatif indique ici qu’il va auprès tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 d’elle avec son cheval). 87 ɯʑo nɯ tu-nɯmbrɤpɯ. 87 elle DML IPF:3s:monter à cheval 87 et elle montait à cheval. 88 iɕqha nɤki 88 à l'instant ainsi tɤ-ru ɯ-tɕɯ nɯnɯ kɯ ɯ-mbro tu-sɯ-mtshi chef 3s:fils DML ERG 3s:cheval IPF:CAU:3s>3:consuire 88 pjɤ-ŋu, tɤ-nɯná-ndʑi tɕe kɤ-rɯndzɤtshi tɤ-mda 88 MIF:3s:être AOR:3d:prendre un repas NAC:prendre un repas tɕe, AOR:3s:arriver CONJ 88 Et le fils du chef (dont nous avons parlé à l’instant) conduisait le cheval, lorsqu’arrivait le moment de se reposer et de prendre un repas. 89 nɤki tɕheme nɯ kɯ, ɯʑo kɯ, nɤki... tɤ-mthɯm nɤki... 89 ainsi fille DML ERG elle ERG ainsi viande ainsi 89 pɤlɤtɕɯ nɯ ra lonba ɯʑo tu-nɯ-ndze. 89 beurre et momo DML pluriel tout elle IPF:MOY:3s>3:manger 89 La fille mangeait toute la viande et tous les pains au beurre 90 ɯ-rkɯ nɯ ra ɲɯ́-ɣ-mbi, ɯ-rqhu... 90 3s:bord DML pluriel IPF:INV:3s>3:donner 3s:peau 90 qɤjɣi ɯ-rqhu nɯ ra ɲɯ́-ɣ-mbi. 90 pain 3s:peau pluriel IPF:INV:3s>3:donner DML 90 et lui donnait la peau et les morceaux (brûlés) de pain. 496 91 tɤ-mthɯm ta-ndza tɕe, ɯʑo kɯ ɕa tu-nɯ-ndze, 91 viande AOR:3s>3:manger CONJ elle ERG viande IPF:MOY:3s>3:manger 91 Quand elle mangeait la viande, elle mangeait la viande elle-même, 92 iɕqha tɤ-tɕɯ nɯnɯ ɕɤrɯ ɲɯ́-ɣ-mbi pjɤ-ŋu. 92 CONJ garçon DML os IPF:INV:3s>3:donner MIF:3s:être 92 et donnait les os au garçon (dont nous venons de parler). 93 tɕendɤre, nɯ tu-ste pjɤ-ŋu. 93 CONJ DML IPF:3s>3:faire de cette manière MIF:3s:être tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 93 Elle agissait de cette façon. 94 nɯ qhu tɕe li tɯ-lɤt nɯ lo-ɣi tɕɤn, 94 DML après CONJ encore cadette DML MIP:D-amont:venir CONJ 94 Ensuite, la cadette arriva. 95 nɤki "a-tɤ-ɕime, nɤʑo tɤ-nɯmbrɤpɯ tɕe, 95 ainsi 1s:jeune fille tu IMP:s:monter à cheval CONJ 95 (il dit :) « Jeune fille, montez à cheval, 96 aʑo mbro tu-mtshi-a 96 je IPF:1s>3s:conduire car 2s:grande soeur cheval ma nɤ-pi kɯ ERG 96 nɯ tu-ste pɯ-ŋu" to-ti 96 DML IPF:3s>3:faire de cette manière PIF:3s:être MIP:3s>3:dire 96 je conduirai le cheval car votre grande soeur a agit de cette façon. » 97 "o! nɯ ʁo lɯski" to-ti tɕe, 97 interjection DML adverbe bien sûr MIP:3s>3:dire CONJ 97 « Oh, bien sûr », dit-elle. 98 tɯ-lɤt nɯ ɯʑo to-nɯmbrɤpɯ li tɤ-tɕɯ nɯ 98 cadette DML elle MIP:3s:monter à cheval encore garçon DML 98 ɯ-mbro to-sɯ-mtshi. 98 3s:cheval MIP:CAU:3s>3:conduire 98 Elle monta à cheval et le garçon la conduisit. 497 99 to-rɯndzɤtshí-ndʑi tɕe, 99 MIP:3d:prendre un repas CONJ li "nɤ-pi kɯ, aʑo nɤki, ɕɤrɯ encore 2s:grande soeur ERG je os ainsi 99 cho nɯ ra qɤjɣi ɯ-rkɯ ra ɲɯ́-ɣ-mbi-a pɯ-ŋu" to-ti 99 et pain bord IPF:3s>1s:donner PIF:3s:être MIP:3s>3:dire DML pluriel pluriel 99 Il prirent un repas, et le garçon dit cette fois aussi : « votre grande soeur m’a donné les os et la croûte du pain », 100 cha kɯ́nɤ ɯ-ʁɟo ra ɲó-ɣ-jtshi. 100 alcool aussi 3s:alcool dilué pluriel MIP:INV:3>3s:donner à boire 100 En ce qui concerne l’alcool, la grande soeur lui avait aussi donné seulement de tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 l’alcool dilué (la narratrice rajoute un détail oublié). 101 "aʑo kɯ́nɤ ʁo lɯski ɕti" to-ti tɕɤn 101 je aussi adverbe bien sûr NPA:3s :être-affirmatif MIP:3s>3:dire CONJ 101 « Pour moi, ce sera pareil, bien sûr », dit (la cadette). 102 nɤki, tɯ-ʁi nɯ kɯ li tɤ-mthɯm ɯʑo to-nɯ-ndza 102 ainsi petite soeur DML ERG encore viande elle MIP:MOY:3s>3:manger 102 ɕɤrɯ ɲó-ɣ-mbi, 102 os MIP:INV:3>3s:donner 102 Ainsi, la cadette elle aussi mangea la viande pour elle et lui donna les os, 103 qɤjɣi nɯ ɯ-kɯ-mɯm nɯ ra ɯʑo to-nɯ-ndza, 103 pain DML 3s:NAS:bon à manger DML pluriel elle MIP:MOY:3s>3:manger 103 ɯ-rqhu ɯ-rkɯ nɯ ra tɤ-tɕɯ nɯ ɲó-ɣ-mbi. 103 3s:peau 3:bords DML pluriel garçon DML MIP:INV:3>3s:donner 103 Elle mangea elle-même les morceaux bons à manger, et donna au garçon les morceaux du bord et la croûte. 104 cha kɯ́nɤ ɯ-ʁɟo ɲó-ɣ-jtshi. 104 alcool aussi 3s:alcool dilué MIP:3s>3:donner à boire 104 Comme alcool, elle lui donna aussi de l’alcool dilué. 105 tɕe nɯ ra tu-ste tɕe 105 CONJ DML pluriel IPF:3s>3:faire de telle manière CONJ chɤ-nɯɕe. MIP:D-aval:3s:rentrer 105 Elle agit de cette façon et rentra chez elle. 498 106 ɯ-fso tɕe, tɕendɤre nɤki, 106 3s:demain CONJ CONJ ainsi 106 nɯ-me stu 106 3p:fille kɯ-xtɕi nɯ superlatif petite DML ɯ-βra nɯ lo-ɣi, 3s:tour DML MIP:D-amont:3s:arriver 106 Le lendemain ce fut le tour de la benjamine. 107 tɕendɤre tɤ-lu kɯ-ru lo-ɣi tɕe, 107 ainsi lait NAG:regarder MIP:D-amont:3s:venir CONJ 107 tɤ-tɕɯ nɯ li mbro to-ndo tɕe, 107 garçon DML encore cheval MIP:tenir CONJ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 107 Elle vint s’occuper du lait, et le garçon amena encore un cheval. 108 ɯ-kɯ-qru chɤ-ɕe tɕe "a-tɤ-ɕime, nɤ-pi 108 3s:NAG:accueillir MIP:D-aval :3s:aller CONJ 1s:jeune fille 2s:grande soeur 108 nɯ kɯ nɯ tu-stú-ndʑi 108 DML ERG DML IPF:faire de cette manière NPA:3s:être-affirmatif ɕti tɕe, CONJ 108 Il descendit pour aller à sa rencontrer, et dit : « jeune fille, vos deux soeurs ont agit de cette façon, 109 nɤʑo tɤ-nɯmbrɤpɯ" 109 tu tɕe, IMP:s:monter à cheval CONJ "aʑo nɤ-mbro tu-mtshi-a" je IPF:1s>3s:conduire MIP:3s>3:dire 2s:cheval to-ti. 109 Montez à cheval, je conduirai votre cheval » 110 tɕe, "a! tɕiʑo ʁnɯs 110 CONJ interjection nous deux deux ma maŋé-tɕi tɕe, à part NPA:1d:ne pas y avoir CONJ 110 (Elle répondit :) « Ah, il n’y a que nous deux ici, 111 ʑaka kɯ-nɯ-βzu mɤ-rtáʁ-tɕi," to-ti tɕe, 111 chacun NAG:MOY:faire NGPA:1d:assez MIP:3s>3:dire CONJ 111 ɯʑo to-nɯmbrɤpɯ, 111 elle MIP:3s:monter à cheval 111 Nous sommes trop peu pour agir chacun dans son coin. » Elle monta à cheval, 112 ɯ-qhu zɯ tɤ-tɕɯ nɯ to-sɯ-ɣe tɕe, 112 3s:après LOC garçon DML MIP:CAU:3s>3:venir CONJ 112 puis elle fit monter le garçon à l’arrière. 499 113 ʁnaʁna to-nɯmbrɤpɯ́-ndʑi, kɤ-rɯndzɤtshi 113 les deux MIP:3d:monter à cheval NAC:prendre un repas 113 tɕheme-pɯ nɯ ɯ-ɕki 113 petite fille DML 3s:DAT tɤ-mda tɕɤn, AOR:3s:arriver CONJ 113 Ils montèrent tous deux à cheval, et lorsque le moment fut venu de prendre un repas, et il dit à la petit fille : 114 "aʑo ɕɤrɯ ɲɯ-kɯ-mbi-a, qɤjɣi nɯ ɯ-rqhu... ɯ-rkɯ cho 114 je os IPF:2s>1s:donner pain DML 3s:peau 3s:bord et 114 ɯ-rqhu nɯ ra ɲɯ-kɯ-mbi-a, 114 3s:peau DML pluriel IPF:2s>1s:donner tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 114 « Vous pouvez me donner les os, me donner la croûte et le bord des pains, 115 cha ra ɯ-ʁɟo 115 alcool pluriel 3s:alcool dilué IPF:2s>1s:donner à boire 115 ni kɯ 115 duel ERG ɲɯ-kɯ-jtshi-a ma nɤ-pi car 2s:grande soeur tu-stú-ndʑi ɲɯ-ɕti" to-ti. IPF:3d:faire de telle manière MDR:3s:être-affirmatif MIP:3s>3:dire 115 me donner de l’alcool dilué à boire car vos deux soeurs ont agi de la sorte. » 116 "a! nɯ ʁo tɕhi a-pɯ-ŋu, tɕiʑo ʁnɯs ma 116 interjection DML adverbe quoi IRR:3s:être nous deux deux à part 116 maŋé-tɕi tɕe, 116 NPA:3d:ne pas y avoir CONJ 116 « Ah ! comment cela serait-il convenable, nous ne sommes que deux, 117 ʑaka kɯ-nɯ-ndza mɤ-rtáʁ-tɕi" to-ti tɕe, 117 chacun NAC:MOY:manger NGPA:1d:assez MDR:3s>3:dire CONJ 117 nous sommes trop peu nombreux pour manger chacun de son côté », dit-elle 118 li tɤ-mthɯm nɯ kɯ-naχtɕɯɣ, qɤjɣi nɯ kɯ-naχtɕɯɣ, 118 encore viande DML NAS:pareil DML NAS:semblable pain 118 et à nouveau, il prirent chacun la même quantité de viande, de pain, 119 cha nɯ kɯ-naχtɕɯɣ to-rɯndzɤtshí-ndʑi tɕe, 119 alcool DML NAS:pareil CONJ MIP:3d:prendre un repas 119 et d’alcool (litt : « il prirent un repas, la viande pareille, le pain pareil, l’alcool pareil »). 500 120 tɕendɤre nɤkínɯ to-rɯndzɤtshí-ndʑi tɕe, nɤki, 120 CONJ ainsi CONJ ainsi MIP:3d:prendre un repas 120 Ils prirent un repas, puis 121 "a-tɤ-ɕime, ci tɯ-mɯ ci ɲɯ-jɯm tɕe, 121 1s:jeune fille un peu ciel MDR:3s:clair CONJ un peu 121 ci kɤ-nɯ-rŋgɯ" to-ti, 121 un peu IMP:s:dormir MIP:3s>3:dormir 121 (le garçon dit : ) « Il fait assez beau aujourd’hui, reposez-vous un peu. » 122 tɕendɤre tɤ-tɕɯ nɯ... tɕheme nɯ kɯ ko-nɯ-rŋgɯ 122 CONJ fille garçon DML tɕe tɕendɤre DML ERG MIP:MOY:3s:dormir CONJ CONJ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 122 Puis la fille s’endormit, 123 tɤ-tɕɯ nɯ kɯ nɯ-mbro ɯ-rti kɯ-tu ci 123 garçon DML ERG 3p:jument 3s:enceinte NAC:avoir une MIP:3s:y avoir CONJ 123 ɕ-to-sɯ-rɟɯɣ tɕe ɯ-pɯ chɤ-sɯ-βde 123 HIN:MIP:CAU:3s>3:courir CONJ 3s:fils MIP:CAU:3s>3:jeter 123 tɕendɤre ɯ-pɯ chɤ-sɯ-βde tɕe, 123 CONJ 3s:fils MIP:CAU:3s>3:jeter CONJ pjɤ-tu tɕendɤre 123 Ils avaient une jument enceinte, et le garçon la fit courrir, la fit avorter, 124 nɤki nɯ-mbro ɣɯ ɯ-pɯ nɯnɯ tɕheme nɯ ɣɯ 124 ainsi 3p:cheval GEN 3s:fils DML fille GEN 124 ɯ-ŋga ɯ-pa 124 3s:habit 3s:bas nɯ tɕu lo-rku, DML LOC MIP:D-amont:3s>3:mettre DML 124 Il mit l’embryon du cheval au bas des habits de la petite fille, 125 tɕe ɯʑo kɯ mbro to-nɯmbrɤpɯ tɕe 125 CONJ il ERG cheval MIP:3s>3:monter à cheval CONJ 125 ruŋgu stu 125 pâturage superlatif kɯ-mbro tɕu to-ɕe tɕe, NAS:haut LOC MIP:D-haut:3s:aller CONJ 125 puis il alla à cheval vers le pâturage le plus haut de la montagne, 126 "qi! a-tɤ-ɕime nɤ-thi nɤ-jme nɯ tɕhi ɲɯ-ŋu?" to-ti, 126 interjection 1s:jeune fille 2s:aval 2s:queue DML quoi MIP:3s:être MIP:3s>3:dire 126 et il dit : « Mademoiselle, qu’avez-vous donc sous vos jambes (litt : au bas de votre corps)? » 501 127 tɕe tɕheme nɯ chɤ-rɤru ri, 127 CONJ fille DML MIP:D-aval:3s:se lever CONJ nɯ tɕu pjɤ-kɤ-tá-chɯ 127 La fille se leva, 128 tɕe nɯ mbro ɯ-pɯ nɯnɯ ɯ-jme 128 CONJ DML cheval 3s:fils DML 3s:queue DML LOC MIP2:3s>3:poser 128 ɯ-tɯ-nɤzraʁ, ɯ-tɯ-nɯzdɯɣ pjɤ-saχaʁ, 128 3s:ND1:avoir honte 3s:ND1:être malheureux MIF:3s:extrême tɕe, CONJ 128 l’embryon de cheval se trouvait posé entre ses jambes, et elle eut extrêmement honte tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 et devint très malheureuse. 129 tɕendɤre, nɤkínɯ ɲɤ-ɣɤwu 129 CONJ ainsi tɕe, MIP:3s:pleurer CONJ uɣma ɲɤ-nɯzdɯɣ tɕeri, très MIP:3s:être malheureux mais, 129 Elle se mit à pleurer, et devint très malheureuse, mais 130 "mɤ-nɯ-tɯ-nɯzdɯɣ tɕɤn (a-mɤ-ɕ-tɤ-tɯ-nɤtɯt-...) mɤ-ɕɯ-nɤtɯti-a 130 NGNP:IMP:s:être malheureux CONJ NGNP:HIN:NP:1s>3s:raconter partout 130 tɕe, tɕeri smɯlɤm kɤ-nɯ-mɟa tɕe, 130 CONJ mais fête de la prière NAC:APL:prendre CONJ 130 (le garçon dit : ) « Ne soyez pas malheureuse, je n’irai pas raconter ça partout, mais lorsque viendra (le verbe tɤ-mda est sous-entendu) le moment de célébrer la cérémonie de la fête de la grande prière (litt : ramasser la prière, car les garçons doivent ramasser un objet lancé par les filles), 131 aʑɯɣ a-ɣɯ-thɯ-tɯ-khɤm ra" to-ti, tɕendɤre nɤkínɯ, 131 1s:GEN HER:JUS:D-aval:2s>3:donner NPA:3s:devoir MIP:3s>3:dire CONJ ainsi 131 smɯlɤm tɕe, nɤkínɯ, tɕe 131 fête de la prière ainsi CONJ "jɤɣ" to-ti pjɤ-ra NPA:3s:possible MIP:3s>3:dire MIF:3s:devoir CONJ 131 vous devrez m’apporter (le présent) » dit-il, et elle ne pouvait faire autrement que d’acquiescer. 132 tɕendɤre "smɯlɤm kɤ-nɯ-mɟa tɤ-mda tɕe, 132 CONJ NAC:APL:prendre AOR:3s:arriver CONJ fête de la grande prière 132a-ɣɯ-lɤ-kɯ-sɯ-mtshám-a ma 132 HER:JUS:D-amont:CAU:2s>1s:entendre car 132 « quand la fête de la grande prière arrivera, informez-moi, 502 133 aʑo ɣi-a ra" 133 je NPA:3s:devoir CONJ NPA:1s:venir tɕe, "smɯlɤm nɯnɯ fête de la grande prière DML 133 car je viendrai sans aucun doute. 134 tha nɤ-pi ni kɯ 134 particule modale 2s:grande soeur duel ERG tha particule modale 134 kɯ-kɯ-mɤɕi tɤ-tɕɯ kɯ-kɯ-ɣɯʁsrɯ ɣɯ ɕɯ-tá-ndʑi ri, 134 RED:NAS:riche garçon RED:NAS:beau GEN HIN:NPA:3d>3:mettre CONJ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 134 vos deux grandes soeurs donneront (leur présent) à des garçons riches et beaux ; 135 nɤʑo aʑɯɣ a-ɣɯ-thɯ-tɯ-te ra" to-ti, 135 tu 1s:GEN HER:JUS:D-aval:2s>3:mettre NPA:3s:devoir MIP:3s>3:dire CONJ 135 tɕheme nɯ kɯ "ɣa" to-ti pjɤ-ra. 135 fille oui MIP:3s>3:dire MIF:3s:devoir DML ERG tɕe 135 vous devrez me le donner », dit-il et elle se dut de dire « oui ». 136 tɕendɤre tɕɤthi kha uɣma ʑo kɯ-mɤɕi 136 CONJ en bas maison très adverbe NAS:riche 136 pjɤ-ɕtí-nɯ tɕe nɯnɯ, 136 MIF:3p:être-assertif CONJ DML 136 Les (garçons) de maisons riches du bas de la vallée, 137 nɤki nɯ-smɯlɤm to-mda tɕe, nɯ-tɕu tɕɤn tɕendɤre, 137 ainsi 3p:fête de la prière MIP:3s:arriver CONJ à ce moment là CONJ CONJ 137 nɤki smɯlɤm to-mda tɕe, 137 ainsi fête de la prière MIP:3s:arriver CONJ 137 lorsque vint leur tour (de trouver une épouse) à la fête de la grande prière, lorsqu’arriva la fête de la grande prière, 138 ɯʑo ʑ-lo-sɯ-mtshɤm tɕe, kɯ-rcɤ-mbɯ-mbe 138 il HIN:MIP:D-amont:CAU:3s>3:entendre CONJ NAG:s'habiller d'un vieil habit 138 nɯ chɤ-ɕe tɕe 138 DML MIP:D-aval:3s:aller CONJ 138 (la fille) l’en informa, et il descendit (des pâturages), habillé en haillons, 139 tɤ-rca zɯ pjɤ-kɤ-mdzɯ́t-chɯ tɕe, 139 à la suite LOC MIP2:3s:s'asseoir CONJ 139 et s’assit à la suite (des autres). 503 140 tɕe ɯ-pi ni kɯ rcá-nɯ 140 CONJ 3s:grande soeur duel ERG l'une après l'autre maka tɤ-tɕɯ adverbe garçon 140 kɯ-kɯ-ɣɯʁsrɯ kɯ-kɯ-mɤɕi ɣɯ ʑo nɯ-smɯlɤm 140 RED:NAS:beau RED:NAS:riche GEN adverbe 3p:fête de la grande prière 140 s-chɤ-tá-ndʑi tɕe, 140 HIN:MIP:D-aval:3d>3:mettre CONJ 140 Les deux grandes soeurs offrirent l’une après l’autre des présents à des garçons beaux et riches, 141 tɤ-mu tɤ-wa ni uɣma 141 mère père duel très pjɤ-rgá-ndʑi, tɕendɤre ɯʑɤɣ tɤ-mda MIF:3d:content CONJ AOR:3s:arriver CONJ 3s:GEN tɕe, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 141 (Leur) père et (leur) mère étaient très contents, et lorsque ce fut son tour à elle (la benjamine), 142 tɕendɤre nɤkínɯ chɤ-mɟa 142 CONJ ainsi tɕe li, MIP:D-aval:3s>3:amener CONJ encore 142 elle amena (son présent), 143 nɯ ra stu kɯ-mna tɤ-tɕɯ 143 DML pluriel superlatif NAG:être digne de garçon 143 kɯ-mɤɕi ra nɯ-ɕki ɕɯ-te 143 NAS:riche pluriel 3p:DAT kɯ-ɣɯ-ʁsrɯ cho NAS:beau et pjɤ-ŋu HIN:NPA:3s>3:mettre MIF:3s:être ri, CONJ 143 et elle s’apprêtait à le donner à des garçons riches et beaux, les plus dignes (de le recevoir) 144 iɕqha [tɤ-] nɤki rcɤ-mbe-ŋga nɯ kɯ, nɤki, mbro-jme 144 CONJ ... DML ERG ainsi queue de cheval ainsi celui qui portait un habit usé 144 ɲɤ-sɤlwɤlwɤt tɕendɤre, mbro-jme ɲɤ-sɤlwɤlwɤt tɕe, 144 MIP:3s>3:agiter CONJ queue de cheval MIP:3s>3:agiter CONJ 144 et le garçon, qui portait un habit usé, agita une queue de cheval (pour rappeler à la benjamine sa promesse). 504 145 to-ʁjit tɕe 145 MIP:3s:se souvenir CONJ thɯ-kɯ-ndʐaβ to-ʑɣɤ-pa tɕɤn, NAGP:rouler MIP:3s:faire semblant CONJ 145 ɯ-mbur tɕu s-chɤ-βde pjɤ-ra. 145 3s:giron LOC HIN:MIP:3s:jeter MIF:3s:devoir 145 Elle s’en souvint (de sa promesse), fit semblant de trébucher, et jeta son cadeau sur le giron du garçon. 146 tɕendɤre chɤ-βde tɕɤn tɤ-ɣi {tɤ-ɣe} ra rcánɯ 146 CONJ CONJ AOR:D-haut:3s:venir!faute pluriel l'un après l'autre MIP:3s:jeter 146 nɯ-mbrɯ ɯ-tɯ-ŋgɯ, 146 3s:énervement 3p:ND1:s'énerver nɯ-tɯ-nɯ-zdɯɣ pjɤ-saχaʁ ʑo 3p:ND1:être triste adverbe MIF:3s:extrêmement tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 146 et ceux qui étaient venus en furent très fâchés et très attristés. 147 tɕendɤre ɕu ɣɯ ɕ-thɯ-kɤ-ta nɯ ɣɯ nɯ, 147 CONJ qui HIN:NAC:D-aval:mettre DML GEN DML GEN 147 tɕe ɯ-ɕki ɕɯ-kɯ-mɤ-rʑaβ kɯ-ra pjɤ-ɕti tɕe, 147 CONJ 3s:DAT HIN:NAG:se marier NAS:devoir MIF:3s:être-affirmatif CONJ 147 Il fallait se marier avec celui sur les genoux duquel on avait posé (une offrande) 148 tɕendɤre to-zrɤŋgát-nɯ tɕɤn tɤ-pi ni ɣɯ 148 CONJ MIP:3p>3:préparer le départ CONJ grande soeur duel GEN 148 rcánɯ mbro, jla, ɕkɤt 148 l'un après l'autre cheval mdzo charges 148 (Les gens de la famille du roi du bas de la vallée) préparèrent le départ (de leurs filles), et les deux grandes soeurs (et leurs serviteurs) chargèrent sur leurs chevaux et leurs yaks hybrides 149 rcánɯ tɯ-rɟɯ 149 l'un après l'autre richesse objet 149 tɕe to-rɤŋgat, 149 CONJ MIP:3s>3:partir laχtɕha kɯ-dɯ-dɤn ʑo NAS:RED:beaucoup adverbe to-rkú-nɯ MIP:3p>3:mettre 149 de nombreux bagages et beaucoup de richesses, et elles partirent. 150 ʑɤni ndɤre 150 eux deux en revanche [ɯʑo] nɯ-mbrɯ to-ŋgɯ ɕti tɕe, il 3p:colère MIP:3s:se fâcher NPA:3s:être CONJ 150 (Le garçon et la fille), en revanche, comme (les gens de la famille) étaient fâchés, 505 151 ɴɢarpa ci ma mɯ-to-zrɤŋgát-nɯ tɕe, 151 boeuf bâtard un à part NGPA:MIP:3s>3:préparer le départ CONJ 151 (ceux-ci) ne préparèrent pour eux qu’un boeuf bâtard, 152 ɯ-ɕkɤt ɯ-phaʁ nɯ nɤki, thɤfka-lɤɣi to-rkú-nɯ 152 3s:charge 3s:moitié DML ainsi cendre MIP:3p>3:mettre 152 et chargèrent (pour tout bagage) une moitié de cendre (et une moitié de pierre). 153 tɕe ndʑi-ɕkɤt nɯ ɯ-mgo ɯ-tshɤt 153 CONJ 3d:charge DML 3s:nourriture pour le voyage 3s:remplacement 153 nɯ thɤfka-lɤɣi to-rkú-nɯ 153 DML cendre MIP:3p>3:mettre tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 153 A la place de nourriture, ils chargèrent de la cendre (pour le garçon et la benjamine). 154 ɯ-pi ni 154 3s:grande soeur duel GEN 155 mgo ɣɯ nɯ 155 nourriture pour le voyage DML [nɯ] nɯ-laχtɕha nɤki, ɕɤmɯɣdɯ tɯ-kri ... 3p:affaires ainsi fusil huile ra to-rkú-nɯ pluriel MIP:3s>3:mettre 155 Les gens chargèrent les objets : fusil, huile, nourriture pour les deux grandes soeurs de la benjamine, 155 ʑɤni ɣɯ nɯ ra 155 eux deux GEN DML pluriel [kɯ-ra...] kɯ-tu NAS:devoir(faute) NAS:avoir 155 pjɤ-me tɕe, tɕe to-rɤŋgát-ndʑi tɕe, 155 MIF:3s:ne pas y avoir CONJ CONJ MIP:3d:partir CONJ 155 et comme eux deux n’avaient pas toutes ces choses, ils partirent (en premier). 156 tɤ-pi stu ku-xti cho nɯ 156 grande soeur superlatif NAS:grand et DML 156 ɯ-pa nɯ ra cho ko-ɬóq-nɯ 156 3s:cadette DML pluriel et MIP:D-est:3p:partir 156 (Puis) l’aînée et sa cadette se mirent en route. 506 157 tɕeri ku jo-ɕé-nɯ ri nɤki, tɤ-jpɣom pjɤ-tu, 157 mais est MIP:3p:aller CONJ ainsi glace MIF:3s:y avoir 157 tɤ-jpɣom pjɤ-tu 157 glace tɕe, MIF:3s:y avoir CONJ 157 Ils allèrent vers l’est, et il y avait de la glace 158 tɕendɤre tɤ-jpɣom kɯ-saχaʁ ɯ-taʁ 158 CONJ glace NAS:extrêmement 3s:dessus 158 kɯ-ɬoʁ pjɤ-ra tɕe, 158 NAG:partir MIF:3s:devoir CONJ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 158 Il fallait traverser une grande étendue du glace. 159 tɯ-kri mgo ra 159 huile nourriture pour le voyage pluriel 159 ko-lɤ́t-nɯ tɕɤn 159 MIP:D-est:3p>3:éparpiller CONJ nɤkínɯ [kolɤt] ainsi ... ko-ɕé-nɯ ri MIP:D-est:3s:aller CONJ 159 (Les deux soeurs, leurs maris et leurs serviteurs) éparpillèrent la nourriture pour le voyage et l’huile (sur la glace) et continuèrent vers l’est, 160 nɯ-snama cho nɯ-tɯ-rme ra ɯ-qiɯ pjɤ-ndʐáβ-nɯ, 160 3p:bétail et pluriel 3s:moitié MIP:D-bas:3p:rouler 160 ɯ-qiɯ ko-nɯɬóq-nɯ. 160 3s:moitié MIP:D-est:3p:passer 3p:hommes 160 La moitié de leurs animaux et de leurs hommes tomba (et ils mourirent) et (seule) la moitié passa (indemme). 161 tɕendɤre nɤkínɯ, ko-nɯrɤtʂhá-nɯ tɕendɤre, 161 CONJ ainsi MIP:3p:prendre le thé CONJ 161 nɯ-sqhi ra pjɤ-me, 161 3p:tripode pluriel MIF:3s:ne pas y avoir 161 Ensuite, ils préparèrent une collation, mais comme ils n’avaient pas de trépied, 162 tɕendɤre nɤkínɯ ʑɤni ko-mɤkú-ndʑi 162 CONJ ainsi eux deux MIP:D-est:3d:être en avance tɕɤn, CONJ 162 (le garçon et la benjamine) étaient partis en avance (partie qui aurait dû se situer avant le récit du départ des deux grandes soeurs), 507 163 sqhi nɤkínɯ, nɯ-sqhi {ndʑi-sqhi} nɯ pjɤ-me tɕɤn, 163 tripode ainsi DML MIF:3s:ne pas y avoir CONJ 163 tɕe ndʑi-mthɯm ɣɯ ɯ-tshɤt nɯ 163 CONJ 3d:viande GEN 3s:remplacement DML 3p:tripode(faute) 163 Comme ils n’avaient pas de tripode, à la place de leur viande (erreur dans la récit, on devrait avoir : à la place du tripode) 164 rdɤstaʁ to-rkú-nɯ ɕti tɕe, 164 pierre NPA:3s:être-affirmatif CONJ MIP:3p>3:mettre 164 rdɤstaʁ kɯ sqhi ko-nɯ-βzú-nɯ, 164 pierre tripode MIP:MOY:3p>3:faire ERG tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 164 ils placèrent des pierres pour former un tripode. 165 nɤkínɯ ndʑi-ɕɤmɯɣdɯ ɯ-tshɤt nɯ laʁjɯɣ to-rkú-nɯ 165 ainsi 3s:remplacement DML bâton MIP:3p>3:mettre 3d:fusil 165 ɕti qhe, nɯ ra pjɤ-chɤ́β-ndʑi qhe, 165 NPA:3s:être-affirmatif CONJ DML pluriel MIP:3d>3:briser CONJ 165 Comme à la place de leurs fusils, on avait chargé des bâtons (détail oublié dans le récit ci-dessus) 166 tʂha to-nɯ-βlɯ́-ndʑi qhe 166 thé MIP:MOY:3d>3:chauffer CONJ 166 tɕe ko-nɯɬóʁ-ndʑi, 166 CONJ MIP:D-est:3d:passer to-nɯ-rɯndzɤtshí-ndʑi, MIP:MOY:3d:prendre un repas 166 ils firent chauffer leur thé (en utilisant les bâtons comme combustible), ils prirent leur repas, et s’en allèrent. 167 tɕe "tɕhi, tɕhi tɤ-tɯ-fsé-ndʑi tɕe, kɤ-tɯ-ɬóʁ-ndʑi" 167 CONJ quoi quoi AOR:2d:faire de cette fq̣on CONJ AOR:D-est:2d:partir 167 to-tí-nɯ ri, 167 MIP:3p>3:dire CONJ 167 « Par quel moyen êtes vous passés ? » demandèrent (les grandes soeurs, leurs maris et leurs serviteurs). 508 168 "tɕiʑo ndɤre tɕi-laχtɕha ri 168 nous deux CONJ 1d:objet CONJ 168 tɤ-kɤ-rku maŋe 168 NACP:mettre NPA:3s:ne pas y avoir ɕti tɕe, NPA:3s:être-affirmatif CONJ 168 « Comme nous n’avions aucun objet à mettre (dans le foyer) 169 sqhi ɯ-tshɤt nɯ tɕi-χpɯm tɯ-ka" 169 tripode 3s:remplacement DML 1d:genou chacun tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 169 à la place d’un tripode, nous avons (mis) nos genoux. » 170 tɤ-tɕɯ nɯ kɯ "aʑo tɤ-tɕɯ ɲɯ-ŋu-a tɕe, 170 garçon DML ERG je garçon MDR:1s:être CONJ 170 a-χpɯm ʁnɯs nɯ kɤ-tá-t-a, 170 1s:genou deux DML AOR:1s>3s:mettre 170 Le garçon dit : « comme je suis un garçon, j’ai mis mes deux genoux, 171 a-zda tɕheme ɕti tɕe, 171 1s:compagnon fille CONJ NPA:3s:être-affirmatif 171 ɯ-χpɯm ɯ-ntsi nɯ ka-ta tɕe, 171 3s:genou 3s:un DML AOR:3s>3:mettre CONJ 171 Comme ma compagne est une fille, elle a mis un genou, 172 tɕe [tɤ-] tɤ-βlɯ́-tɕi tɕe tɕi-ɕɤmɯɣdɯ ra 172 CONJ ... AOR:1d:chauffer CONJ 1d:fusil pluriel 172 thɯ-nɯ-βlɯ́-tɕi tɕe, 172 AOR:APL:1d:brûler CONJ tɤ-nɯ-rɯndzɤtshí-tɕi." to-ti, AOR:APL:1d:prendre un repas MIP:3s>3:dire 172 Les deux soeurs firent brûler leurs fusils et prirent un repas. 173 tɕe nɯ ra to-stú-nɯ ri, 173 CONJ DML pluriel MIP:3p>3:faire de cette manière CONJ 173 Ils (les grandes soeurs etc.) agirent de cette manière. 174 ndɤre smi [tu-tɯ-nɯ-βze] {tu-tɯ-nɯ-βzu} pjɤ-sɤɕke ʑo, 174 CONJ feu AOR2:faire MIF:3s>3:brûlant adverbe 174 tɯ-ka nɯ-χpɯm jo-nɯrɤɕí-nɯ tɕe, 174 chacun 3p:genou MIP:3p>3:retirer CONJ 174 Aussitôt que le feu fut allumé, c’était brûlant et chacun retira ses genoux. 509 175 kɤ-nɯrɤtʂha ra 175 NAC:prendre le thé pluriel mɯ-pjɤ-ŋgrɯ ɲɯ-ŋu, NGPA:MIP:3s:réussir MDR:3s:être 175 Ils ne réussirent pas du tout à prendre le thé. 176 tɕendɤre, li jo-ɕé-ndʑi tɕɤn nɤkínɯ, [jo-ɕé-nɯ] 176 CONJ encore MIP:3d:aller CONJ ainsi MIP:3p:aller 176 jo-ɕé-ndʑi tɕe 176 MIP:3d:aller CONJ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 176 Alors (le garçon et la fille) allèrent et allèrent, 177 tɕendɤre nɤkínɯ ɯ-pi nɯ ra nɯ 177 CONJ ainsi 3s:grande soeur DML pluriel DML 177 kɯ-fse jo-nɯɬóʁ-nɯ. 177 NAS:être d’une certaine façon MIP:3p:passer 177 et les deux soeurs aînées s’en allèrent de cette façon. 178 ʑɤni li 178 eux deux encore jo-ɕé-ndʑi tɕe, tɕendɤre [jla] mbro jla MIP:3d:aller CONJ CONJ mdzo cheval mdzo 178 kɯ-saχaʁ stomku kɯ-jɯ-jom tɕe 178 NAS:extrêmement beaucoup plaine CONJ NAS:RED:large 178 Ils allèrent encore, et ils trouvèrent une plaine très large, 179 mbro jla kɯ-saχaʁ ɲɤ-kɤ-tɯ́ɣ-ndʑi tɕe, 179 cheval mdzo NAS:extrêmement nombreux MIP2:3d>3:rencontrer CONJ 179 où se trouvaient plein de chevaux et de yaks hybrides. 180 tɕe tɕheme nɯ kɯ "χawo 180 CONJ fille ERG interjection DML 180 kɯ ra tɕiʑɤɣ a-pɯ-ŋú-nɯ kɯ-ɣe" to-ti, 180 DMP pluriel 1d:GEN IRR:3p:être CONJ MIP:3s>3:dire 180 La fille dit « Si seulement tout cela pouvait être à nous ! » 510 181 tɕeri tɤ-tɕɯ nɯ kɯ "nɯ-βde wo 181 mais garçon DML ERG IMP:s:jeter interjection 181 tɕiʑɤɣ ɯ́-mɯ-pjɤ-ŋu 181 1d:GEN QU:NGPA:MIF:3s:être smɯlɤm nɯ" to-ti prière MIP:3s>3:dire DML 181 Le garçon dit : « Ne t'en occupe pas, qui sait, (ces choses) sont peut-être à nous. » 182 tɕe lo-ɕé-ndʑi nɤ lo-ɕé-ndʑi, 182 CONJ MIP:D-amont:3d:aller CONJ MIP:D-amont:3d:aller 182 lo-ɕé-ndʑi nɤ lo-ɕé-ndʑi tɕe 182 MIP:D-amont:3d:aller CONJ MIP:D-amont:3d:aller CONJ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 182 Puis ils allèrent et ils allèrent, 183 nɯtɕu tɕe rcánɯ li maka tɤ-rɤku kɯ-pɯ-pe 183 là CONJ surprenant encore adverbe récolte NAS:RED:bien à nouveau 183 rcánɯ tɯ-ji kɯ-jɯ-jom ɲɤ-tɯ́ɣ-ndʑi, 183 surprenant champs NAS:RED:large MIP:D-est:3d>3:rencontrer 183 Et là, ils trouvèrent, des champs très larges et des récoltes très bonnes. 184 tɕendɤre, tɕheme nɯ kɯ "χawo kɯkɯ ra 184 CONJ fille interjection DMP pluriel 184 tɕiʑɤɣ DML ERG mɤ-nɯ-ŋu 184 1d:GEN NGNP:NPA:MOY:3s:être kɯ-ɣe" to-ti, particule modale MIP:3s>3:dire 184 Puis la fille dit : « Ah, si ces choses étaient à nous ! » 185 tɤ-tɕɯ nɯ kɯ "nɯ-βde wo, 185 garçon DML ERG IMP:s:jeter interjection 185 tɕiʑɤɣ ɯ́-mɤ-pjɤ-ŋu 185 1d:GEN QU:NGPA:MIF:3s:être smɯlɤm nɯ" to-ti, prière DML MIP:3s>3:dire 185 Le garçon dit : « Ne t'en occupe pas, qui sait, (ces choses) sont peut-être à nous. » 186 tɕendɤre li lo-ɕé-ndʑi nɤ lo-ɕé-ndʑi tɕe 186 CONJ encore MIP:D-amont:3d:aller CONJ MIP:D-amont:3d:aller CONJ 186 Puis ils allèrent et allèrent, 511 187 tɕɤlo rcánɯ maka kha kɯ-ɣɯʁsɯ-ʁsrɯ χsɤrɯ 187 amont surprenant adverbe maison NAS:RED:belle 187 kɯ-saχaʁ ʑo or ɲɤ-tɯ́ɣ-ndʑi tɕe, 187 NAS:extrêmement beaucoup adverbe MIP:D-est:3d>3:rencontrer CONJ 187 En amont, ils virent une belle maison avec beaucoup d’or, 188 "χawo! ki ɕu ɣɯ ku-nɯ-ŋu kɯ-ɣe? 188 interjection DMP qui PRE:CNT:3s:être particule modale 188 ɯ-tɯ-pe nɯ" to-ti 188 3s:ND1:bien particule MIP:3s>3:dire CONJ GEN ri, tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 188 (La fille) dit : « Oh à qui cela peut-il bien appartenir ? Comme c’est bien ! » 189 tɤ-tɕɯ nɯ kɯ "nɯ-βde wo, 189 garçon DML ERG IMP:s:jeter interjection 189 tɕiʑɤɣ ɯ́-mɤ-pjɤ-ŋu 189 1d:GEN QU:NGPA:MIF:3s:être smɯlɤm nɯ" to-ti, prière particule MIP:3s>3:dire 189 Le garçon dit : « Ne t'en occupe pas, qui sait, (ces choses) sont peut-être à nous. » 190 tɕendɤre lo-ɕé-ndʑi nɤ lo-ɕé-ndʑi 190 CONJ MIP:D-amont:3d:aller CONJ tɕe, MIP:D-amont:3d:aller CONJ 190 Puis ils allèrent et allèrent, 191 tɕe tɤ-tɕɯ nɯ kɯ "kɯtɕu kɤ-rɤʑi je tɕe, 191 CONJ garçon DML ERG ici particule modale CONJ to-ti tɕe, MIP:3s>3:dire CONJ IMP:s:rester 191 Puis le garçon dit : « Reste ici, 192 aʑo ci lu-mɤku-a nɤ" 192 je un peu IPF:D-amont:1s:aller en avant CONJ 192 je vais d’abord y aller en premier ». 193 tɕheme nɯ kɯ "ɣa" to-ti 193 fille oui MIP:3s>3:dire CONJ DML ERG tɕe pjɤ-rɤʑi. MIF:3s:rester 193 La fille dit oui et resta là où elle était. 512 194 toʁde tɕe, 194 un peu après CONJ rcánɯ kɯ-saqru suprenant NAG:accueillir 194 kɯ-saχaʁ ʑo jo-ɣí-nɯ, 194 NAS:extrêment nombreux adverbe MIP:3s:venir 194 Un moment après, contrairement à toute attente, des (serviteurs) virent en très grand nombre pour l’inviter à partir. 195 mbro to-ndó-nɯ, tɯ-rme to-ndó-nɯ, 195 cheval MIP:3s>3:tenir homme 195 thɤjco ra ɲɤ-sprɤ́t-nɯ 195 palanquin pluriel MIP:3s>3:préparer MIP:3s>3:tenir 195 (Dans le cortège venu pour l’accueillir, il y avait) des chevaux et des hommes, et ils tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 avaient préparé des palanquins. 196 tɕendɤre tɕheme nɯ ɕki "a-tɤ-ɕime ɯ-pɯ́-ɤɴqa 196 CONJ fille DML DAT 1s:fille QU:AOR:3s:fatigué CONJ 196 a-tɤ-ɕime ɯ-pɯ́-ɤɴqa" to-tí-nɯ 196 1s:fille QU:AOR:3s:fatigué MIP:3p>3:dire nɤ, 196 Ils dirent à la jeune fille : « Mademoiselle, vous devez être fatiguée ». 197 tɕendɤre maka, tɕheme nɯ 197 CONJ pas du tout fille DML 197 maka mɯ-ɲɤ-stu ri, mɯ-to-khɯ́-nɯ, 197 pas du tout NGPA:MIP:3s:croire CONJ NGPA:MIP:3p:être d'accord 197 La fille ne croyait pas (ce qui lui arrivait) ; elle n’était pas d’accord (pour les suivre) 198 tɕendɤre nɤkínɯ "[rŋɯl] χsɤr thɤjco taʁ tɯ-nɯ-ɕe 198 CONJ ainsi or palanquin sur NPA:MOY:2s:partir CONJ argent ɕi, 198 et (les serviteurs) dirent : « Monterez-vous dans le palanquin d’or, 199 rŋɯl thɤjco taʁ tɯ-nɯ-ɕe ɕi, 199 argent palanquin sur NPA:MOY:2s:partir CONJ 199 si thɤjco 199 bois palanquin sur taʁ tɯ-nɯ-ɕe?" to-tí-nɯ. NPA:MOY:2s:partir MIP:3p>3:dire 199 le palanquin d’argent ou le palanquin de bois ? 513 200 tɕeri tɕheme nɯ kɯ "awo, aʑo a-rŋɯ-rŋɯl 200 mais fille interjection je 1s:RED:argent DML ERG 200 a-χsɯ-χsɤr ra mɤ-ra nɤ, 200 1s:RED:or pluriel NGNP:3s:devoir CONJ 200 La fille dit « Oh, je n’ai pas besoin de cet or et de cet argent, 201 si thɤjco taʁ tu-ɕi-a 201 bois palanquin sur IPF:D-haut:1s:aller jɤɣ" to-ti. NPA:3s:devoir MIP:3s>3:dire 201 j’irai dans le palanquin de bois. » 202 tɕeri, rŋɯl thɤjco taʁ 202 mais argent palanquin sur tó-ɣ-sɯxɕe, MIP:D-haut:INV:3s>3:aller tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 202 mais ils la firent monter dans le palanquin d’argent (le palanquin d’or étant réservé au roi) 203 tɕendɤre nɯ kɯ-fse jó-ɣ-tsɯm, 203 CONJ DML NAS:être de cette façon MIP:INV:3s>3:déplacer 203 tɕe jɤ-azɣɯ́t-nɯ tɕɤn, 203 CONJ AOR:3p>3:atteindre CONJ 203 Et ils l’emportèrent de cette façon, et lorsqu’ils arrivèrent (au palais), 204 "a-tɤ-ɕime nɤʑo nɤki, χsɤr rɟɤskɤt taʁ tɯ-nɯɕe ɕi? 204 1s:jeune fille tu ainsi or escalier sur NPA:2s:partir CONJ 204 (les serviteurs dirent : ) « Mademoiselle, irez-vous sur l’escalier d’or, 205 rŋɯl rɟɤskɤt taʁ tɯ-nɯɕe ɕi? 205 argent escalier sur NPA:2s:partir CONJ 205 si rɟɤskɤt taʁ tɯ-nɯɕe?" to-tí-nɯ. 205 bois escalier sur NPA:2s:partir MIP:3p>3:dire 205 sur l’escalier d’argent ou sur l’escalier de bois ? » 206 "wo aʑo a-rŋɯrŋɯl 206 interjection je a-χsɤχsɤr 1s:RED:argent 1s:RED:or ra mɤ-fɕɤt pluriel NGNP:NPA:3s:avoir cette chance 206 kɯ si rɟɤskɤt tu-nɯɕe-a jɤɣ!" to-ti 206 ERG bois escalier IPF:1s:partir NPA:3s:pouvoir MIP:3s>3:dire 206 (Elle) dit : « Oh, comme il ne convient pas que j’aille sur les (escaliers) d’argent et d’or, j’irai sur l’escalier de bois ! » 514 207 tɕeri mɯ-to-khɯ́-nɯ tɕe 207 mais NGPA:MIP:3p:être d'accord CONJ 207 rŋɯl rɟɤskɤt taʁ tó-ɣ-sɯɣ-ɕe, tɕendɤre 207 argent escalier sur MIP:D-haut:INV:CAU:3>3s:aller CONJ 207 mais (les serviteurs) n’étaient pas d’accord et la firent monter par l’escalier en argent. 208 li nɤkínɯ nɯ-kha tɤ-azɣɯ́t-nɯ tɕe, tɕendɤre 208 encore ainsi 3p:maison AOR:D-haut:3p>3:atteindre CONJ CONJ 208 Une fois arrivés dans la maison, 209 "a-tɤ-ɕime, nɤʑo χsɤr [rɟɤskɤt] χsɤr khri taʁ tɯ-nɯɕe ɕi? 209 1s:jeune fille tu or NPA:2s:partir CONJ escalier or trône sur tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 209 ils dirent : « Mademoiselle, irez-vous sur le trône d’or, 210 rŋɯl khri taʁ tɯ-nɯɕe ɕi? si khri taʁ 210 argent trône sur NPA:2s:partir CONJ bois trône sur tɯ-nɯɕe?" to-tí-nɯ NPA:2s:partir MIP:3p>3:dire 210 sur le trône d’argent ou sur le trône de bois ? » 211 "aʑo a-rŋɯl 211 je 1s:argent 1s:or 211 si khri 211 bois trône a-χsɤr ra ma-fɕɤt tɕe, pluriel ne convient pas CONJ taʁ tu-nɯɕe-a jɤɣ!" sur IPF:D-haut:1s:partir NPA:3s:devoir to-ti, MIP:3p>3:dire 211 Elle dit : « Il ne convient pas que j’aille sur les trônes en argent ou en or, j’irai donc sur le trône en bois. » 212 tɕeri rŋɯl khri taʁ tó-ɣ-sɯxɕe, tɕe nɯtɕu 212 mais argent trône sur MIP:D-haut:INV:CAU:3>3s:aller CONJ là 212 ko-nɯ-mdzɯ pjɤ-ŋu tɕe, 212 MIP:MOY:3s:s'asseoir MIF:3s:être CONJ 212 Mais ils la firent aller sur le trône d’argent, et elle s’assit là. 213 ɯ-tɯ-nɯzdɯɣ pjɤ-saχaʁ tɕe, tɕénɤ, 213 3s:NDG:malheureux MIF:3s:extrêmement CONJ CONJ 213 "a-χti nɯ ŋotɕu jɤ-nɯri kɯ-ma ? 213 1s:mari DML où AOR:3s:partir particule modale 213 Elle était très malheureuse, et se demandait « où est donc passé mon mari ? 515 214 kɤ-mto maŋe tɕe, pɯ́-ɣ-sat ɯβrɤ-ŋu ma?" 214 NAC:voir NPA:3s:ne pas y avoir CONJ AOR:INV:3s>3:tuer hypothétique:3s:être particule 214 to-ʁjit pjɤ-ŋu, tɕendɤre, 214 MIP:3s>3:penser MIF:3s:être CONJ 214 On ne le voit pas, ne serait-ce pas qu’ils l’ont tué ? », 215 uɣma ʑo chɯ-nɯzdɯɣ pjɤ-ŋu tɕe, 215 très adverbe IPF:3s:triste MIF:3s:être CONJ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 215 Elle était très triste. 216 ɯ-qom ci pjɤ-ɕlɯɣ, tɕe 216 3s:larme une MIP:3s:lâcher CONJ "u! a-tɤ-ɕime, interjection 1s:jeune fille 216 tɕhi ku-tɯ-ɣɤwu" to-ti ri 216 quoi PRE:2s:pleurer MIP:3s>3:dire CONJ 216 Elle laissa couler une larme, (et un serviteur demanda : ) « Mademoiselle, pourquoi pleurez-vous ? » 217 "mɤ-kɯ-pe ɣɤʑu 217 NGNP:NAS:bien NPA:3s:y avoir ɯβrɤ-ŋu?" to-ti ri, hypothétique:3s:être MIP:3s>3:dire CONJ 217 « Y-aurait-il quelquechose qui ne vous convient pas ? » 218 "maʁjári nɤkínɯ, ɲɯ-ɣɤkhɯ 218 non, c'est que ainsi, MDR:3s:fumer CONJ 218 ɕti" to-ti, 218 NPA:3s:être-affirmatif MIP:3s>3:dire CONJ tɕe tɕendɤre núɣndʐa c'est la raison nɤkínɯ, ainsi 218 Elle dit : « Non, c’est à cause de la fumée. » (elle croit que ce sont les serviteurs qui ont tué son mari et ne veut pas dévoiler ses sentiments) 219 kɯ-maqhu tɕe 219 NAS:être après CONJ li ɲɯ-nɯzdɯɣ ɯ-sɯmpa tɕu encore MDR:3s:triste 3s:pensée LOC 219 ɲɯ-nɯzdɯɣ pjɤ-ŋu ri, nɤkínɯ 219 MDR:3s:triste MIF:3s:être CONJ ainsi 219 Ensuite, elle était toujours triste, 516 220 kɯm ci to-cɯ́-nɯ 220 porte une MIP:3p>3:ouvrir ri, kɯ-maqhu nɯtɕu iɕqha CONJ NAS:être après là à l’instant 220 khɯ-ndʐi-rcu nɯ pjɤ-ɴqoʁ. 220 habit en peau de chien DML MIF:3s:être accroché 220 Ils ouvrirent une porte, et ensuite, à cet endroit, l’habit en peau de chien (dont nous parlions à l’instant) était accroché. 221 tɕendɤre "pɯ́-ɣ-sat 221 CONJ ɯ-βrɤ-ŋu ma" AOR:INV:3s>3:tuer hypothétique:3s:être 221 ɲɯ-nɯzdɯɣ pjɤ-ŋu. 221 MDR:3s:être malheureuse MIF:3s:être ɲɯ-ʁjit tɕe, particule MIP:3s>3:penser CONJ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 221 Elle pensa : « Ne serait-ce donc pas qu’ils l’ont tué ? », et elle en fut malheureuse. 222 tɕeri, li nɤkínɯ, to-thú-nɯ ri, li 222 mais encore ainsi CONJ encore MIP:3p>3:demander 222 "maʁ ɲɯ-ɣɤkhɯ ndʐa 222 NPA:ne pas être MDR:3s:fumer NPA:être la raison ɕti" to-ti, NPA:3s:être-affirmatif MIP:3s>3:dire 222 Ils lui demandèrent encore, et elle dit à nouveau : « Non, c’est à cause de la fumée (que je tousse). » 223 tɕe kɯ-maqhu tɕɤn 223 CONJ NAS:être après CONJ qale ci jo-ɣi tɕɤn, vent un MIP:3s:venir CONJ 223 Ensuite, un vent a soufflé, 224 ndʑi-thɤβ nɯ jɤlwa pjɤ-ŋu tɕe, jɤlwa nɯ 224 3d:entre DML rideau MIF:3s:être CONJ rideau DML 224 ci to-pɣaʁ rin, 224 un peu MIP:3s>3:retourner CONJ 224 Entre eux (la fille et le garçon), il y avait un rideau, et ce rideau s’est retourné, 225 ɯ-rkɯ nɯ tɕu tɤ-tɕɯ kɯ-ɣɤχsɯ-χsɯrɯ ʑo ci pjɤ-kɤ-nɯ-mdzɯ́-chɯ, 225 3s:côté DML LOC garçon NAS:RED:beau un MIP2:MOY:3s:être assis adverbe 225 De l’autre côté, un garçon très beau était assis, 226 χsɤr khri taʁ nɯ tɕu pjɤ-kɤ-nɯ-mdzɯ́-chɯ, 226 or sur DML LOC MIP2:MOY:3s:être assis trône 226 Il était assis sur un trône d’or, 517 227 tɕendɤre ɯ-re ci ɕmɯɣ ɲɤ-ɕlɯɣ, 227 CONJ 3s:rire un légèrement MIP:3s>3:lâcher 227 "a-tɤ-ɕime, tɕhi ku-tɯ-nɤre?" to-tí-nɯ 227 1s:jeune fille quoi PRE:2s:rire MIP:3p>3:sire CONJ tɕeri 227 Elle lâcha un rire et ils demandèrent : « Mademoiselle, pourquoi riez-vous ? » 228 "tɕɤthi khɯɣŋɟɯ zɯ mɯrmɯmbju ʁnɯs nɤki, 228 en aval fenêtre LOC hirondelle ainsi deux 228 pɣɤtɕɯ ʁnɯs ɲɤ-nɯɣró-ndʑi tɕe, 228 moineau deux MIP:3d:s'amuser CONJ 228 Dehors, sur la fenêtre, deux hirondelles, deux moineaux étaient en train de jouer tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 ensemble, 229 nɯ ɲɯ-nɤri-a ɕti wo" to-ti. 229 DML MDR:1s:rire NPA:3s:être-affirmatif interjection MIP:3s>3:dire 229 voilà pourquoi j’ai ri. 230 tɕendɤre nɯ kɯ-fse, pjɤ-rɤʑí-nɯ tɕe, 230 CONJ DML NAS:ressembler MIF:3p:rester CONJ 230 tɕeri kɯ-maqhu tɕe, tɕe nɤki, 230 mais NAS:être après CONJ CONJ ainsi 230 Ils restèrent ainsi, puis 231 iɕqha nɯnɯ ɯ-ɣɯ-jɤ-kɯ-qru tɤ-tɕɯ nɯnɯ stɤt DML haut 231 à l'instant DML 3s:HER:NAGP:accueillir garçon 231 tɯ-phu koŋ-βzoŋ-jaŋ-rtɤn-bu ɣɯ ɯ-tɕɯ nɯ 231 haut de la vallée kun-bzang-yang-bstan-po GEN 3s:fils DML 231 Le garçon (dont nous avions parlé plus haut), qui était venu la chercher, le fils de Kun-bzang-yang-bstan-po du haut de la vallée, 232 ɯ-rʑaβ kɯ-ɕar jo-ɕe 232 3s:épouse NAG:chercher MIP:3s:aller tɕe, CONJ 232 ɯʑo ɣɯ-jó-ɣ-nɯ-qru pjɤ-ɕti 232 elle HER:MIP:INV:MOY:3s:>3:accueillir MIF:3s:être-affirmatif tɕɤn, CONJ 232 était allé rechercher une épouse, et l’avait ramenée. 518 233 tɕe, nɯ-tɯ-mɤɕi pjɤ-saχaʁ tɕe, 233 CONJ 3p:ND1:riche CONJ MIF:extrêmement 233 nɯ-tɯ-rma ɯ-tɯ-khɯ pjɤ-saχaʁ tɕe, 233 3p:vie quotidienne 3s:ND1:possible MIF:extrêmement CONJ 233 Ils étaient très riches, et leur vie était très agréable, 234 tɯ-rma tɯ-βlɯ chɤ-nɤsɤɲcɣɤ-ɲcɣɤ́t-nɯ 234 vie quotidienne feu MIP:RED:3p:de plus en plus brûlant 234 « Le feu dans leur vie était de plus en plus brûlant » = ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Passage rajouté après : 235 nɤrwa kɯ-lɤɣ ló-ɣ-sɯxɕe tɕɤn, 235 pâturage NAG:faire paître MIP:D-aval:INV:3>3s:envoyer CONJ 235 stu tɕɤn, nɤki "a-ftsoʁ 235 superlatif NAS:être avant CONJ ainsi 1s:mdzo femelle 235 stu ku-xti nɯ-ɬoʁ tɕɤn, 235 superlatif NAS:grande AOR:3s:mettre bas CONJ kɯ-maku 235 On l’envoya faire paître le bétail dans le pâturage, et (il dit à) l’aînée : « Ma femelle de yak hybride aînée a mis bas, 236 a-tɤ-ɕime stu ku-xti a-lɤ-ɣi 236 1s:jeune fille superlatif NAS:grand JUS:D-amont:3s:venir 236 ɲɤ-ra" to-ti, tɕendɤre, 236 MIP:3:devoir MIP:3s>3:dire CONJ 236 mademoiselle l’aînée, venez s’il vous plaît ! » 237 tɤ-ɕime stu ku-xti 237 jeune fille superlatif NAS:grande nɯ lo-ɣi nɯ ɯ-qhu tɕe, nɤki DML MIP:D-amont:3s:venir DML 3s:après CONJ ainsi 237 La jeune fille aînée vint et après, 238 "a-tɤ-ɕime, tɯ-lɤt nɯ a-lɤ-ɣi ma 238 1s:jeune fille cadette DML JUS:D-amont:3s:venir car 238 a-ftsoʁ tɯ-lɤt nɯ nɯ-ɬoʁ" to-ti, 238 1s:mdzo femelle cadette DML AOR:3s:mettre bas MIP:3s>3:dire 238 Il dit : « Mademoiselle la cadette, venez car ma femelle de yak hybride cadette a mis bas, 519 239 tɕendɤre, tɤ-ɕime tɯ-lɤt nɯ lo-ɣi kɯ-maqhu tɕe, 239 CONJ jeune fille cadette DML MIP:D-amont:3s:venir NAS:être après CONJ 239 et la fille cadette vint, en ensuite, 240 línɤ ki "a-tɤ-ɕime stu kɯ-xtɕi nɯ 240 encore DMP 1s:jeune fille superlatif NAS:petite DML 240 Il dit encore : « Mademoiselle la benjamine, 241 a-lɤ-ɣi ma a-ftsoʁ 241 JUS:D-amont:3s:venir car 1s:mdzo femelle 241 stu nɯ nɯ-ɬoʁ" to-ti DML AOR:3s:mettre bas MIP:3s>3:dire kɯ-xtɕi tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 241 superlatif NAS:petite 241 venez car ma femelle de yak hybride la plus petite vient de mettre bas. » 242 tɕendɤre, nɯ ra ci mphru ci ʑo 242 CONJ DML pluriel une à la suite une adverbe [lo-sɯ-ɣe] {lo-sɯ-ɣi}. MIP:D-amont:CAU:3s>3:venir!faute 242 Ainsi, il les fit venir l’une après l’autre (sur le pâturage). 520 Appendice C : paradigmes tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 1s 1d 1p 2s ta-mto 2d ta-mtó-ndʑɯ 2p 3s 3d mtám-a mtam-á-ndʑɯ ta-mtó-nɯ 3p mtam-á-nɯ 1s mto-tɕɯ 1d mto-j 1p tɯ-mtɤm 2s tɯ-mto-ndʑɯ 2d kɯ-mto-a-nɯ tɯ-mto-nɯ 2p ɣɯ-mto-a mtɤm 3s kɯ-mto-a kɯ-mto-a-ndʑɯ kɯ-mtó-tɕɯ kɯ-mto-j ɣɯ́-mto ɣɯ-mto-a-ndʑɯ ɣɯ-mto-tɕɯ ɣɯ-mto-j tɯ́-ɣ-mto tɯ́-ɣ-mto-ndʑɯ ɣɯ́-mto-ndʑɯ ɣɯ́-mto-nɯ mtó-ndʑɯ tɯ́-ɣ-mto-nɯ ɣɯ́-mto ɣɯ́-mto-ndʑɯ ɣɯ-mto-a-nɯ 3d ɣɯ́-mto-nɯ mtó-nɯ ɣɯ́-mto ɣɯ́-mto-ndʑɯ 3p ɣɯ́-mto-nɯ Le verbe kɤ-mto « voir » au non-passé Les lignes indiquent le sujet, les colonnes l’objet. Les cases où le thème 3 est utilisé sont indiquées en gras. 521 Structure du mot verbal Nous appelons racine verbale élargie la racine du verbe adjointe de tout ses préfixes dérivationnels excepté les cinq suivants : ʑɣɤ- réflexif, nɯ- moyen, nɯ- applicatif et sɯcausatif qui sont encore très productifs, ainsi que le préfixe a- / ɤ- des verbes contractes. Lorsqu’une colonne est découpée en plusieurs cases, cela signifie que seule une case de la colonne peut être remplie à la fois pour un verbe : ainsi, il est impossible d’avoir tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 à la fois un marqueur de seconde personne sujet / première personne objet kɯ- et un impersonnel ɣɯ-. préfixes flexionnels affixes dérivationnels suffixes flexionnels a- mɯ- ɕɯ- / ɣɯ- Préfixes nɯ- tɯ- ɣ- ʑɣɤ- sɯ- -a / -ɤ nɯ- racine -t suffixes irréel mɤ- mouvement directionnels situation seconde inverseur réflexif causatif (verbes moyen verbale première d’accord négatifs vers les (quatre persistente personne élargie et -a / séries) seconde -tɕi personne -ji singulier -ndʑɯ de -nɯ ɯ́- / interrogatif autres contractes) ɣɯ- / kɯimpersonnels vers soi kɯ- nɯ- 2>1 applicatif ta- l’aoriste 1>2 Structure des formes verbales nominalisées Préfixes personnels a-, nɤ-, ɯtɕɯ-, ndʑɯ-, ji-, nɯ- mɯ- / mɤ- ɕɯ- / ɣɯ- Préfixes directionnels Préfixes nominalisateurs (quatre séries) kɯ- kɤ- sɤ- tɯ- tɤ- ʑɣɤ- sɯ- -a / -ɤ (verbes nɯ- racine verbale élargie contractes) 522 accord verbal pronoms possessifs 1s R-a̻ a-ʑo a- 1d R-tɕɯ̻ tɕɯ-ʑo tɕɯ- 1p R-ji̻ i-ʑo i- 2s tɯ-R nɤ-ʑo nɤ- 2d tɯ-R-ndʑɯ̻ ndʑɯ-ʑo ndʑɯ- 2p tɯ-R-nɯ̻ nɯ-ʑo nɯ- 3s R ɯ-ʑo ɯ- 3d R-ndʑɯ̻ ʑɤ-ni ndʑɯ- 3p R-nɯ̻ ʑa-ra nɯ- tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 Suffixes d’accord; pronoms et préfixes possessifs en japhug 523 1 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 2 Introduction ......................................................................................................... 1 1.1 Le pays rGyal-rong ............................................................................... 1 1.2 Répartition et classification des langues rgyalronguiques .................... 3 1.3 Histoire des études rgyalrong ............................................................... 8 1.4 Structure de la thèse .......................................................................... 10 Phonologie........................................................................................................ 12 2.1 La syllabe et la réduplication partielle................................................. 12 2.2 Phonèmes consonantiques initiaux .................................................... 15 2.2.1 Les labiales ........................................................................................ 16 2.2.2 Les dentales ....................................................................................... 18 2.2.3 Les alvéolo-palatales et les rétroflexes............................................... 19 2.2.4 Les palatales ...................................................................................... 21 2.2.5 Les vélaires et les uvulaires ............................................................... 22 2.2.6 Conclusion.......................................................................................... 24 2.3 Les groupes de consonnes initiaux .................................................... 25 2.3.1 Les médianes ..................................................................................... 25 2.3.1.1 Le phonème /w/ en médiane ................................................ 26 2.3.1.2 Le phonème /l/ en médiane.................................................. 26 2.3.1.3 Le phonème /r/ en position médiane .................................... 27 2.3.1.4 Le phonème /j/ en position médiane .................................... 28 2.3.1.5 le phonème /ɣ/ en position médiane..................................... 30 2.3.1.6 Conclusion ........................................................................... 31 2.3.2 Les préinitiales.................................................................................... 31 2.3.2.1 Les phonèmes /p/ et /w/ en position préinitiale..................... 32 2.3.2.2 Les fricatives /s/ et /z/ en position préinitiale. ....................... 36 2.3.2.3 La sonante /l/ en position préinitiale. .................................... 37 2.3.2.4 Les fricatives /ɕ/ ~ /ʑ/ en position préinitiale......................... 39 2.3.2.5 Les phonèmes /r/ et /ʂ/ en position préinitiale ...................... 40 2.3.2.6 Le phonème /j/ en position préinitiale ................................... 42 2.3.2.7 Les phonèmes /k/ et /x/ ~ /ɣ/ en position préinitiale.............. 44 2.3.2.8 Les phonèmes /χ/ ~ /ʁ/ en position préinitiale ...................... 46 2.3.2.9 Les occlusives nasales /m/, /n/, /ŋ/ en préinitiale et les prénasalisées. ........................................................................................... 47 2.3.2.10 2.3.3 Conclusion ........................................................................... 52 Désambiguïsation des groupes initiaux. ............................................. 53 2.3.3.1 Le phonème /ʁ/ : médiane ou initiale ?................................. 53 2.3.3.2 Groupes à initiales non-ambiguës........................................ 55 524 2.3.3.3 Ambiguïté structurelle........................................................... 56 2.3.4 Conclusion.......................................................................................... 60 2.3.5 Etude synthétique des groupes initiaux .............................................. 60 2.3.5.1 Groupes sans préinitiales..................................................... 62 2.3.5.2 Groupes avec la préinitiale /N/ ............................................. 63 2.3.5.3 Groupes avec les préinitiales /w/ et /m/................................ 63 2.3.5.4 Groupes avec les préinitiales /s/ ~ /z/................................... 65 2.3.5.5 Groupes avec les préinitiales /l/ et /n/ .................................. 66 2.3.5.6 Groupes avec les préinitiales /ɕ/ et /ʑ/ ................................. 66 2.3.5.7 Groupes avec les préinitiales /r/ et /ʂ/. ................................. 67 2.3.5.8 Groupes avec la préinitiale /j/ et avec les préinitiales /x/ ~ /ɣ/ tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 69 3 2.3.5.9 Les groupes à préinitiales /χ/ ~ /ʁ/........................................ 70 2.3.5.10 Analyse ................................................................................ 71 2.4 Rimes ................................................................................................. 73 2.4.1 Syllabes ouvertes ............................................................................... 74 2.4.2 Syllabes fermées ................................................................................ 75 2.4.3 Rimes marginales............................................................................... 78 2.4.4 Resyllabification et influence des autres syllabes............................... 80 2.4.5 Contraintes sur les géminées ............................................................. 81 2.4.6 Conclusion.......................................................................................... 82 Stratification des emprunts tibétains ................................................................. 83 3.1 Correspondances entre japhug et tibétain.......................................... 84 3.1.1 Rimes ................................................................................................. 85 3.1.2 Groupes de consonnes ...................................................................... 93 3.1.2.1 Groupes de consonnes en tibétain classique....................... 93 3.1.2.2 Correspondances des groupes de consonnes initiaux entre tibétain classique et japhug ....................................................................... 97 3.1.2.3 3.1.3 Conclusion ......................................................................... 128 Interaction entre la morphologie du tibétain et les règles de correspondance. ............................................................................................. 129 3.1.3.1 Dissyllabes ......................................................................... 129 3.1.3.2 Morphologie verbale........................................................... 133 3.1.4 Conclusion........................................................................................ 140 3.2 Analyse des couches d’emprunts ..................................................... 140 3.2.1 Cognats entre japhug et tibétain....................................................... 142 3.2.1.1 Du proto-rgyalrong au japhug............................................. 143 3.2.1.2 Du proto-tibétain au tibétain ancien.................................... 146 525 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 3.2.1.3 Correspondances incohérentes. ........................................ 150 3.2.1.4 Autres cas .......................................................................... 163 3.2.1.5 Cognats du japhug et du tibétain........................................ 169 3.2.2 Couches des dialectes tibétains de l’Amdo ...................................... 174 3.2.3 Phonologie historique du japhug et stratification des emprunts........ 178 3.2.3.1 Les correspondances de la rime –ang en japhug............... 182 3.2.3.2 Les correspondances des rimes japhug. 186 3.2.3.3 Les correspondances de la rime –o ................................... 190 3.2.3.4 Les correspondances de la rime –am ................................ 193 3.2.3.5 Les correspondances des rimes -ad, -ar et –as ................. 194 3.2.3.6 Syllabes affaiblies .............................................................. 195 3.2.3.7 Formes non-attestées en tibétain classique. ...................... 198 3.2.4 4 –od, –or, –os et –on en Conclusion........................................................................................ 199 Phonologie historique du japhug..................................................................... 201 4.1 Accent tonal...................................................................................... 203 4.2 Rimes du japhug............................................................................... 204 4.2.1 Rimes du japhug en syllabe ouverte : voyelles antérieures et -a...... 207 4.2.1.1 Rime -a du japhug .............................................................. 207 4.2.1.2 Rimes -e et -ɤj du japhug ................................................... 213 4.2.1.3 Rime -i du japhug ............................................................... 218 4.2.1.4 Conclusion ......................................................................... 227 4.2.2 Rimes du japhug en syllabe ouverte : voyelles postérieures. ........... 228 4.2.2.1 Rime -o du japhug .............................................................. 228 4.2.2.2 Rime -u du japhug .............................................................. 232 4.2.2.3 Rime -ɯ du japhug ............................................................. 234 4.2.2.4 Conclusion ......................................................................... 239 4.2.3 Rimes à syllabe fermée en japhug ................................................... 240 4.2.3.1 Rimes du japhug fermées en -β ......................................... 240 4.2.3.2 Rimes du japhug fermées en -m ........................................ 243 4.2.3.3 Rimes du japhug fermées en -t .......................................... 249 4.2.3.4 Rimes du japhug fermées en -s ......................................... 253 4.2.3.5 Rimes du japhug fermées en -r .......................................... 256 4.2.3.6 Rimes du japhug fermées en -ɣ ......................................... 259 4.2.3.7 Rimes du japhug fermées en -ʁ ......................................... 262 4.2.3.8 Le systèmes des rimes : conclusion................................... 265 4.3 Les consonnes initiales du japhug.................................................... 268 4.3.1 Les préinitiales du PGR.................................................................... 269 526 4.3.2 Les occlusives et affriquées du japhug............................................. 272 4.3.2.1 Les occlusives labiales....................................................... 273 4.3.2.2 Les occlusives dentales ..................................................... 281 4.3.2.3 Les occlusives affriquées ................................................... 287 4.3.2.4 Les occlusives palatales..................................................... 296 4.3.2.5 Les occlusives vélaires....................................................... 300 4.3.2.6 Les occlusives uvulaires..................................................... 305 4.3.3 L’origine des consonnes voisées du japhug ..................................... 310 4.3.4 Fricatives et approximantes.............................................................. 317 Conclusion ...................................................................................................... 330 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 5 Morphologie verbale flexionnelle .................................................................... 336 5.1 Accord et transitivité ......................................................................... 337 5.1.1 Transitivité ........................................................................................ 337 5.1.2 Système d’accord ............................................................................. 338 5.1.2.1 Pronoms et affixes de personnes....................................... 339 5.1.2.2 Verbes transitifs ................................................................. 342 5.1.2.3 Le préfixe ɣ- ....................................................................... 346 5.1.2.4 Le préfixe kɯ- impersonnel ................................................ 349 5.2 Alternance des thèmes..................................................................... 349 5.2.1 Assimilation et Umlaut ...................................................................... 349 5.2.2 Alternance des thèmes dans les dialectes japhug............................ 351 5.3 Les préfixes directionnels ................................................................. 358 5.3.1 Le système des préfixes directionnels en japhug ............................. 358 5.3.2 Le fonctionnement des préfixes directionnels................................... 362 5.4 Les catégories de TAM en japhug .................................................... 370 5.4.1 Passé ............................................................................................... 371 5.4.1.1 Aoriste et imperfectif........................................................... 373 5.4.1.2 Catégories aspectuelles secondaires au passé ................. 378 5.4.1.3 Le médiatif indirect ............................................................. 380 5.4.2 Les catégories du non-passé (futur et présent) ................................ 382 5.4.2.1 Présent............................................................................... 383 5.4.2.2 Médiatif direct..................................................................... 384 5.4.2.3 Imperfectif .......................................................................... 388 5.4.2.4 Non-passé.......................................................................... 390 5.4.3 Les catégories modales.................................................................... 391 5.4.4 Les fonctions flexionnelles de la réduplication partielle .................... 392 5.4.4.1 Subordonnées conditionnelles : réduplication / irréel ......... 393 5.4.4.2 Expression d’une augmentation ......................................... 395 527 5.4.4.3 5.4.5 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 6 7 8 Expression d’une action se répétant systématiquement .... 395 Autres préfixes flexionnels................................................................ 396 5.4.5.1 Préfixes de déplacement ɕɯ- et ɣɯ- .................................. 396 5.4.5.2 Le préfixe nɯ- de situation persistante............................... 397 5.4.5.3 Préfixe jɯ- d’immédiat........................................................ 398 5.4.5.4 Préfixe nɯ- de voix moyenne............................................. 399 5.4.5.5 Préfixe ɯ- interrogatif ......................................................... 400 Morphologie verbale dérivationnelle ............................................................... 402 6.1 Les préfixes causatifs sɯ- / ɕɯ- et ɣɤ- ............................................. 402 6.2 Préfixes dénominaux ........................................................................ 405 6.3 Préfixe nɯ- / nɤ- applicatif ................................................................ 407 6.4 Préfixes rɤ- / sɤ- intransitivants......................................................... 409 6.5 Autres affixes.................................................................................... 409 6.6 Le voisement des initiales ................................................................ 411 6.7 Les fonctions dérivationnelles de la réduplication partielle ............... 413 6.8 L’infixation en –l-............................................................................... 413 6.9 Incorporation .................................................................................... 415 6.10 Conclusion........................................................................................ 417 Les verbes contractes..................................................................................... 418 7.1 Morphophonologie............................................................................ 418 7.1.1 Préfixes sélectionnant l’allomorphe a- .............................................. 420 7.1.2 Préfixes sélectionnant l’allomorphe ɤ- .............................................. 421 7.1.3 Forme kɤ- du préfixe......................................................................... 423 7.1.4 Un verbe irrégulier : kɤ-zɣɯt « arriver »............................................ 424 7.1.5 Forme interrogative ɯ- : -j- épenthétique ......................................... 425 7.2 Morphosyntaxe comparée ................................................................ 426 7.2.1 Cas de préfixes ŋa- sans fonction dérivationnelle. ........................... 426 7.2.2 Dérivation de verbes intransitifs et statifs. ........................................ 428 7.2.3 Préfixe réciproque ............................................................................ 432 7.2.4 Fonctions dérivationnelles non-productives...................................... 433 La nominalisation............................................................................................ 434 8.1 Noms relativisants ............................................................................ 434 8.1.1 Préfixes kɤ- et kɯ-............................................................................ 434 8.1.2 Noms d’action................................................................................... 438 8.1.3 Nom d’agent ..................................................................................... 444 8.1.4 Nom oblique ..................................................................................... 446 8.2 Nom de degré................................................................................... 448 8.2.1 Noms de degré 1 .............................................................................. 448 528 tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 8.2.2 Les noms de degré 2 et les verbes de sensation physique .............. 452 8.2.3 Nom d’action en tɯ- ......................................................................... 455 8.2.4 Noms d’action en tɤ-......................................................................... 457 8.3 Autres types de nominalisation......................................................... 459 8.3.1 Nom d’action sans marque............................................................... 459 8.3.2 Nom d’action en –s ........................................................................... 460 8.3.3 Incorporation .................................................................................... 461 8.3.4 Nominalisation par réduplication....................................................... 461 8.3.5 Nominalisateurs................................................................................ 462 8.4 Relatives........................................................................................... 463 8.4.1 La relativisation en cogtse ................................................................ 463 8.4.2 La relativisation en japhug................................................................ 464 8.5 8.4.2.1 Sujet ................................................................................... 465 8.4.2.2 Objet................................................................................... 466 8.4.2.3 Instrument .......................................................................... 467 8.4.2.4 Locatif................................................................................. 468 8.4.2.5 Génitif................................................................................. 468 Conclusion........................................................................................ 469 Bibliographie .......................................................................................................... 470 Appendice A : Système de gloses ......................................................................... 479 Appendice B : Un exemple d’histoire. .................................................................... 483 Appendice C : paradigmes..................................................................................... 521 529 Errata. tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007 24.03.2007. Quelques erreurs ont été corrigées pp. 314, 383, 393, 415. 530