UNIVERSITE PARIS VII – DENIS DIDEROT
U.F.R. DE LINGUISTIQUE
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
PHONOLOGIE ET MORPHOLOGIE
DU JAPHUG (rGyalrong)
Thèse en vue de l’obtention du Doctorat de Linguistique
présentée par
Guillaume JACQUES
Directrice de thèse :
Mme. Marie-Claude PARIS
Soutenue le 9 Septembre 2004
Jury :
M. Boyd MICHAILOVSKY
M. Laurent SAGART
M. Jackson T.-S. SUN
M. Nicolas TOURNADRE
Je tiens tout d’abord à remercier mes informateurs, Tshe-‘dzin 陈珍,
dPal-can 柏尔青, Kebei 科贝, ‘Jigs-thar 牛灯儿. Sans leur aide, ce
travail n’aurait jamais pu être achevé.
Je remercie également :
z Marie-Claude Paris, qui a accepté de me diriger et grâce à laquelle
j’ai pu obtenir un financement pour mener à bien cette thèse.
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z Laurent Sagart, qui s’est chargé de ma formation en phonologie
historique du chinois depuis le début de mes études et qui a supervisé
l’avancement de cette thèse.
z Jackson T.-S.Sun 孫天心, qui m’a guidé dans mon premier terrain
sur le japhug en 2002, qui a inspiré un grand nombre d’idées
présentées dans cette thèse et qui a revu en détail l’ensemble du texte
de cette thèse.
z Boyd Michailovsky et Martine Mazaudon, pour leur aide avec le
programme archivage et leur enseignement sur les langues
tibéto-birmanes du Népal.
z Nicolas Tournadre, pour son aide avec les dialectes tibétains.
z Lin Youjing 林幼菁 pour m’avoir aimablement prêté ses données sur
le dialecte japhug de Da-tshang, et pour ses critiques sur mes analyses
de la morphologie du japhug.
1 Introduction
Une part importante des langues sino-tibétaines, telles que le chinois ou le birman,
sont habituellement présentées comme des exemples typiques de langues isolantes. Des
recherches récentes (Sagart 1999) montrent toutefois que le chinois archaïque, c’est à
dire la langue représentée dans les textes d’avant 200 av. JC., présente les traces d’une
morphologie autrefois plus complexe. Cette morphologie est mieux préservée en tibétain
classique, en jingpo, mais surtout dans les langues rgyalronguiques, qui vont faire l’objet
de cette thèse.
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Les langues rgyalronguiques sont d’un archaïsme remarquable autant du point de
vue morphologique (les préfixes qu’on ne retrouve que sous forme de traces dans les
autres langues y sont encore productifs) que du point de vue phonologique (des groupes
de consonnes initiaux complexes y sont conservés). Une description aussi complète que
possible de la phonologie et de la morphologie de chacune des langues de ce groupe est
donc d’une importance capitale pour la reconstruction du proto-sino-tibétain.
Or, la plupart des langues rgyalronguiques ne sont pas décrites de façon
suffisamment détaillée pour permettre une utilisation systématique en reconstruction du
sino-tibétain. Ce travail a pour but de documenter la phonologie et la morphologie d’une
des langues rgyalronguiques, le japhug, et de proposer une reconstruction préliminaire de
l’histoire de cette langue par la comparaison entre les dialectes japhug et avec les autres
langues rgyalronguiques.
Dans cette introduction, nous présenterons tout d’abord un aperçu historique de la
région où sont parlées ces langues, la localisation et la classification des langues
rgyalronguiques, un résumé succinct des études antérieures sur les langues
rgyalronguiques et enfin la structuration de cette thèse.
1.1
Le pays rGyal-rong
Le terme rGyal-rong (jiarong 嘉絨 - 嘉戎) est purement géographique. Il ne désigne
en aucun cas les langues de la région. Le terme complet est rGyal-mo tsha-ba rong.
Selon Wang et Awang (1992) ainsi que dPal-bzang rgya-mtsho (2000), ce nom viendrait
de la montagne rGyal-rong dmu-rdo (moerduoshan 墨爾多山) qui se situe au sud de la
région. Ce nom est probablement lié aussi à celui du Daduhe 大渡河 en tibétain :
rgyal-mo dngul-chu. Toutefois, la plupart des Tibétains désigne cette région par le terme
tsha-kho, une abréviation de tsha-ba rong et de kho-‘phan, nom de famille de nobles de
1
cette région. La proposition de Chang et Chang (1975 : 398) qui suggèrent que la syllabe
–rong du nom rGyal-rong soit apparentée à l’autonyme rong des lepcha et à celui des
Dulong 獨龍 tə–ruŋ, est donc à rejeter pour deux raisons : d’une part, la syllabe rong
signifie simplement « vallée » en tibétain, et d’autre part, le terme rGyal-rong n’est pas
l’autonyme des rgyalrongois eux-mêmes, qui se désignent sous le nom de kɯ-rɯ1.
Les Tibétains considèrent la région rGyal-rong comme tibétaine, et les langues de
cette région comme des dialectes du tibétain. Les intellectuels tibétains d’aujourd’hui
remettent en cause la valeur des travaux qui prétendent démontrer que le rGyalrong est
une langue indépendante ou que les habitants du rGyalrong ne sont pas des Tibétains
« comme les autres ». Ainsi Nyan-shul (1999 : 80) et dPal-bzang (2000 : 115)
reconnaissent que les langues du rGyal-rong ne sont pas intercompréhensibles avec le
tibétain standard, mais attribuent cette différence à des « évolutions phonétiques »
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(skad-zur-ba) propres à ces « dialectes » les rendant distincts des autres. Ils n’envisagent
pas que ces langues puissent avoir une origine autre que le tibétain ancien.
De même, les lettrés tibétains tentent de faire remonter l’origine des habitants du
rGyal-rong à des ancêtres tibétains prestigieux. Selon dPal-bzang (2000 : 107), la lignée
des rois de bTsan-lha serait la plus ancienne famille du rGyal-rong. Cet auteur les fait
remonter soit à Bya-khri btsan-po, un des fils du roi mythique Gri-gum btsan-po (le 8ème roi
de la dynastie de gNya-khri btsan-po), soit à sNya-‘bring, un fils cadet du roi légendaire
Khri-sgra dpung-btsan (le 25ème roi de la dynastie de gNya-khri btsan-po). Etant donné
l’authenticité historique incertaine de ces rois2, ces hypothèses ne sont pas à retenir.
Le texte du XIXème siècle mDo-smad chos-‘byung « histoire religieuse de l’Amdo
inférieur » rattache les habitants du rGyal-rong à une lignée de la famille sbra du
Zhang-zhung (Stein 1961 : 27-28, dPal-bzang 2000 : 109). Là encore, la véracité
historique de cette affirmation est difficile à établir.
Le plus ancien fait historique concernant le rGyal-rong sur lequel tout le monde
s’accorde est l’exil du moine Vairocana au rGyal-rong sous l’empereur Khri-srong
lde-btsan (755-797)3.
Seule une variété de rgyalronguique (voir section suivante), le rgyalrong oriental
semble avoir été écrit en alphabet tibétain par les secrétaires (drung-yig ) des rois (土司
1
Nous donnons ici la forme japhug, mais des cognats de ce mot se trouvent dans les autres langues.
2
Le premier roi donc l’authenticité est avérée, gNam-ri srong bTsan, le père de Srong-btsan sgam-po,
est 32ème dans cette dynastie, et a vécu au VIIème siècle.
3
Pour un résumé du récit de la vie de Vairocana et de son séjour au rGyal-rong, voir Samten (1993).
Pour une description plus générale de la région rgyalrong incluant l’histoire et la géographie, voir Que
(1995), et pour un travail sur l’histoire de la partie de la région rgyalrong où est parlé le japhug, voir Daerji
et Garangta (2000). Pour un récit de l’invasion du sud du rGyal-rong par les mandchous au XVIIIe siècle,
voir Haenisch (1934).
2
tusi / rgyal-po) du rGyal-rong : Ces textes n’ont pas fait l’objet d’une édition et seul l’un
d’entre eux jusqu’ici a été traduit (Prins 2003). En revanche, il est quasiment certain que
les autres langues rgyalronguiques telles que le japhug ou le zbu n’ont jamais été des
langues écrites. On ignore à quand remontent les textes les plus anciens en rgyalrong
oriental. Cette tradition d’écrire le rgyalrong oriental en alphabet tibétain est à distinguer
de « l’alphabet rGyal-rong (tsha-ba-rong gi yi-ge) » dont parlent Wang et Awang (1992 :
168-174) et dPal-bzang (2000 : 112-115). Ce dernier semble être une sorte d’alphabet
ornemental basé sur l’alphabet tibétain, et utilisé pour écrire le tibétain. Enfin, on trouve
quelques mots rgyalrongs dans le mDo-smad Chos-‘byung, transcrits en alphabet tibétain,
comme par exemple ta-ro « chef de village » (japhug tɤ-ru) dans les noms de certains
personnages dont parle cet ouvrage historique.
En français, il convient de distinguer rGyal-rong (le nom du pays) de rgyalrong (le
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nom des langues) par la majuscule.
1.2
Répartition et classification des langues rgyalronguiques
Les langues rgyalronguiques sont parlées par environ cent mille personnes, classées
comme Tibétains par l’administration chinoise, dans les préfectures autonomes tibétaines
de rNga-ba (aba 阿霸) et de dKar-mdzes (ganzi 甘孜) au nord-ouest du Sichuan en Chine.
Deux cartes en couleurs ont été ajoutées en annexe : une carte indiquant la localisation
du pays rGyalrong au Sichuan, et une carte de la répartition des langues rgyalronguiques
individuelles. Pour les noms des lieux en chinois et en tibétain, nous avons utilisé la série
d’ouvrages Gong et al. (1985abcde, 1986) où les noms de districts, de régions, de
cantons et des villages sont indiqués en tibétain et en chinois. Les noms de lieux dans les
langues rgyalronguiques proviennent de nos données de terrain.
Selon la plupart des auteurs (Sun 1983, Huang 1991), les langues rgyalronguiques
appartiendraient au groupe qianguique, auxquelles appartiennent le tangoute, le qiang 羌,
le pumi 普米 et un certain nombre de langues obscures récemment décrites : le muya 木
雅 (mi-nyag skad), le zhaba 扎巴, le queyu 卻域, le shixing 史興, le guiqiong 貴瓊 et
peut-être aussi le namuzi 納木茲4. Bien qu’aucune innovation commune n’ait été mise en
évidence, la parenté entre ces langues semble manifeste si l’on considère la
ressemblance dans le vocabulaire. Ces langues sont également typologiquement très
semblables, car elles possèdent toutes un système d’accord personnel et un système
verbal où l’on trouve des alternances de thèmes (en pumi voir Lu 1998 : 303-306, en
tangoute voir Gong 2001).
Dans un travail préliminaire de comparaison du rgyalrong avec le tangoute, nous
4
Pour des descriptions récentes de ces langues, voir Liu (1998) et Lu (1998), ainsi que les données
dans Huang et al. 1992.
3
avons découvert un certain nombre de mots partagés exclusivement par ces deux
langues et absents en chinois, en tibétain, ou en birman (Jacques 2003b). Ce sont parmi
ces mots exclusivement partagés que nous pouvons rechercher à démontrer l’existence
d’innovations communes entre ces langues. Certains auteurs ont émis l’hypothèse que
les langues qianguiques seraient particulièrement proches des langues lolo-birmanes (Li
Yongsui 1998).
Selon Sun (2000b), on compte six groupes de langues rgyalronguiques :
z
horpa (aussi appelé ergong 爾龔 ou daofu 道孚 dans les sources chinoises).
Cet ensemble de dialectes mutuellement inintelligibles est parlé à rTa’u / Daofu
道孚縣, à Rong-brag / Danba 丹巴縣 et à Nyag-rong / Xinlong 新龍縣 dans la
préfecture de dKar-mdzes / Ganzi 甘孜州.
z
shangzhai 上寨 (stod-sde). Parlé au sud de ‘Dzam-thang / Rangtang 壤塘縣
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dans la préfecture de rNga-ba / Aba 阿壩州.
z
lavrung 拉塢戎. Parlé au sud de ‘Dzam-thang / Rangtang 壤塘縣, à, l’ouest de
Chuchen/ Jinchuan 金川縣 (dialecte de Thugs-rje chen-mo / Guanyinqiao 觀音
橋 et de ‘Dzo-rogs 業隆) et au sud de ‘Bar-khams / Maerkang 馬爾康縣
(dialecte de ‘Brong-rdzong / Muerzong 木爾宗) dans la préfecture de rNga-ba /
Aba 阿壩州.
z
sidaba 四大壩 (stod-pa), parlé au nord de ‘Bar-khams / Maerkang 馬爾康縣
dans la préfecture de rNga-ba / Aba 阿壩州.
z
chabao 茶堡 (japhug) , parlé au nord de ‘Bar-khams / Maerkang 馬爾康縣 dans
la préfecture de rNga-ba / Aba 阿壩州.
z
situ 四土 (rgyalrong oriental). C’est la langue la mieux décrite, la plus parlée et
la plus répandue. Celle-ci se réparti sur trois préfectures :
Dans la préfecture de rNga-ba / Aba 阿壩州 :
bTsan-lha / Xiaojin 小金縣
Chu-chen / Jinchuan 金川縣,
‘Bar-khams / Maerkang 馬爾康縣,
l’ouest de Khro-chu / Heishui 黑水縣
l’ouest de bKra-shis-gling / Lixian 理 縣
(anciennement appelé
Zagunao 雜谷腦)
Dans la préfecture de dKar-mdzes / Ganzi 甘孜州, le district de Rong-brag /
Danba 丹巴縣.
Dans la préfecture Yaan 雅安 le départment de Baoxing 寶興.
Sun (2000b) propose le Stammbaum suivant, reproduit dans le Tableau 1.
4
rgyalrongic
Horpa-Shangzhai
Horpa
Shangzhai
rgyalrong
lavrung
sidaba
chabao
situ
Tableau 1 : Stammbaum des langues rgyalronguiques selon Jackson Sun (2000b).
En français, nous appellerons macro-rgyalronguique la sous-famille entière (incluant
horpa, lavrong et rgyalronguique) et rgyalronguique le clade qu’il appelle « rgyalrong ».
Nous n’aborderons dans le présent travail que les langues de la sous-branche
rgyalronguique.
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Pour faciliter l’utilisation de ce travail par les tibétologues, nous utilisons en priorité
les formes tibétaines des noms de districts et de cantons. Nous indiquons le nom en
japhug de chacun de ces endroits entre parenthèses. Pour les villages, en revanche,
nous n’emploierons que le nom rgyalrong local, car les noms de villages sont des
toponymes généralement purement rgyalronguiques, et les formes tibétaines données
dans Gong et al. (1985abcde, 1986) pour les noms des villages ne sont en général que
des transcriptions du rgyalrong.
Par ailleurs, nous appellerons rgyalrong oriental la langue que J. Sun désigne
comme situ 四土話, suivant l’expression chinoise dongbu fangyan 東部方言. Le terme
situhua ne désigne en effet au sens strict que le dialecte de ‘Bar-khams. Il exclut les
formes de rgyalrong oriental parlé dans les autres régions (bTsan-lha, bKra-shis-gling,
Chu-chen etc.)
Concernant l’organisation du Stammbaum, nous considérons le zbu (rdzong-‘bur,
Ribu 日部) et le tsho-bdun (Caodeng 草登), que J. Sun regroupe sous un clade sidaba /
stod-pa comme deux langues indépendantes :
rgyalronguique
zbu
/
rdzong-‘bur
tshobdun /
japhug /
caodeng 草登
chabao 茶堡
rgyalrong oriental
/ ribu 日部
Tableau 2 : Stammbaum des langues rgyalronguiques (n’incluant pas le lavrong et le horpa)
Ces quatre langues sont parlées dans le district de ‘Bar-khams / Maerkhang 馬爾康
縣 (mbarkʰom) dans la préfecture de rNga-ba / Aba 阿壩州; seul le rgyalrong oriental est
5
parlé par une population importante dans d’autres districts. Voici la distribution
géographique plus précise de ces langues :
z
zbu
Le zbu est parlé dans les cantons de rDzong-‘bur / Ribu 日部 (zbɯ) et Khang-gsar /
Kangshan 康山 (tawi). Nous employons le nom rgyalrong de cet endroit plutôt que le
nom tibétain, car le nom tibétain semble être une corruption de la forme rgyalrong. Selon
Sun (2000a), cette langue serait également parlée dans le district de ‘Dzam-thang /
Rangtang 壤塘 (ndzamtʰaŋ) et le district de rNga-ba / Aba 阿壩縣 (rŋawa). La variété
étudiée dans cette thèse est le dialecte de bKur-bsam 果爾桑 (appelé fkərsɐ́m en zbu).
Nous avons étudié ce dialecte auprès de ‘Jigs-thar 牛燈爾(ndʑəxtʰar).
z
tshobdun
Le tshobdun est parlé dans le canton de tsho-bdun 草登 (mtshoβdɯn) et dans un village
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du canton de gDong-brgyad / Longerjia 龍爾甲 (ʁdɯrɟɤt). Nous n’avons aucune donnée
de première main sur cette langue, et par conséquent nous ne nous en sommes
quasiment pas servi dans cette thèse.
z
japhug
Le japhug est parlé dans les cantons de gDong-brgyad / Longerjia 龍爾甲 (ʁdɯrɟɤt),
gSar-rdzong / Shaerzong 沙爾宗 (sarndzu) et Da-tshang / Dazang 大藏 (tatsʰi). Le nom
japhug vient de la rivière qui passe par gSar-rdzong et Da-tshang (en tibétain Ja-phug,
japhug tɕɤpʰɯ). Ce nom ne s’applique pas traditionnellement au canton de gDong-brgyad,
dont le nom traditionnel est sɤŋo, mais c’est le seul terme qui nous permet de désigner
l’ensemble de la région où est parlée cette langue. La diversité dialectale maximale se
concentre à gDong-brgyad. Dans cette thèse, nous utilisons pour l’essentiel deux variétés
de japhug :
le dialecte de kɤmɲɯ / ganmuniao 幹木鳥 parlé à gDong-brgyad, que nous a
enseigné Tshe-‘dzin / Chenzhen 陳珍 (tsʰɯndzɯn). Elle est née en 1951.
Bien qu’elle ait une très bonne maîtrise du chinois parlé et écrit, et bien
qu’elle ait vécu une partie importante de sa vie à Tsho-bdun et à ‘Bar-khams,
elle a gardé une remarquable capacité à ressentir les nuances
grammaticales en japhug et les différences entre dialectes (elle sait parler
aussi les langues de Tsho-bdun et de ‘Bar-khams). Elle emploie
quotidiennement sa langue avec son mari dPal-can / Boerqing 柏爾青
(χpaltɕin)5, et ses enfants sont eux aussi bilingues. C’est le dialecte sur
lequel porte l’essentiel de notre travail. Nous avons également enregistré
des histoires racontées par rDo-rje mtsho (ʁdɤrʑi mtsʰu), la mère de
5
Celui-ci nous a également servi d’informateur, en particulier pour le nom japhug des oiseaux et des
mammifères.
6
Tshe-‘dzin, Kun-bzang mtsho (kɯnɯβzaŋ mtsʰu), sa nièce, et andzɯn, son
oncle maternel.
le dialecte de ɬɤjaʁ / heierya 黑爾丫 parlé à gSar-rdzong, que nous avons
appris de Kebei 科貝 (née en 1948).
z
Le rgyalrong oriental
Le rgyalrong oriental est parlé sur une région très étendue. Cette langue est appelée
roŋba skɤt en japhug du tibétain rong-ba-skad « langue des agriculteurs »6. Le rgyalrong
oriental est divisé en quatre dialectes plus ou moins intercompréhensibles :
bTsan-lha / Xiaojin 小金 (tsanla)
Chu-chen / Jinchuan 金川 (tɕʰɯtɕin)
‘Bar-khams / Maerkang 馬爾康 (mbarkʰom)
bKra-shis-gling / Lixian 理縣 (kʰusripɯ).
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Le parler de ‘Bar-khams est appelé en chinois situhua 四土話, la langue des quatre
rois (tusi 土司 / rgyalpo) :
So-mang / suomo 梭磨 (sɤmŋo)
Kyom-kyo / jiaomujiao 腳木足7 (comuco)
rDzong-‘gag / rDzi-‘gag / songgang 松崗 (rzɯɴɢaʁ).
Cog-tse / lCog-rtse / mChog-rtse / zhuokeji 卓克基 (tsoχtsi)
Ces quatre rois étendaient leur pouvoir sur l’ensemble de la région actuelle du district de
‘Bar-khams. Le rgyalrong oriental servait de lingua franca dans la région jusqu’en 1949, et
dans les régions où le japhug, le tshobdun ou le zbu étaient parlés, les hommes étaient
tous capables de parler le rgyalrong oriental. Le dialecte de ‘Bar-khams se divise en
plusieurs variétés, dont les mieux étudiées sont celles de Cog-tse et de So-mang. Ces
sous-dialectes sont très proches les uns des autres, et ne se distinguent que par
quelques mots, et peut-être aussi par certains détails dans le fonctionnement de
l’alternance de thème verbal. Les variétés dialectales ne correspondent pas
nécessairement aux frontières administratives, mais trop peu d’informations sont
actuellement publiées pour établir une carte dialectologique du rgyalrong oriental.
Ayant effectué l’essentiel de notre terrain à ‘Bar-khams, où le rgyalrong oriental est la
langue locale, et bien que nous n’avons pas effectué d’étude spécifique sur cette langue,
nous avons pu néanmoins directement vérifier avec les locuteurs de ces langues
6
Le terme roŋba en japhug ne veut pas dire « agriculteur » (on utilise pour cela roŋwa, un emprunt
dérivé du même mot tibétain), il désigne spécifiquement les locuteurs du rgyalrong oriental; c’est étrange
si l’on considère que l’ensemble de la région rGyalrong est foncièrement une zone d’agriculture, et que
de ce fait, tout le monde est rong-ba.
7
Le nom chinois s’écrit 腳木足 jiaomuzu mais se prononce jiaomujiao. L’explication des gens de la
région est que ceux qui ont transcrit ce nom en chinois ne voulaient pas écrire deux fois un même
caractère dans le même mot et ont donc sciemment évité l’orthographe 腳木腳.
7
certaines données déjà publiées.
1.3
Histoire des études rgyalrong
Les travaux les plus anciens sur les langues rgyalrong remontent au XVIIIème siècle :
un document du bureau impérial des traducteurs (huayiyiyu 華夷譯語) contient près de
800 mots dans dix langues du Sichuan, transcrits en tibétain et en chinois. Sur ces dix
langues, l’une appartient au groupe rgyalronguique. Ce document remarquable a été
publié et partiellement étudié par Sun Hongkai 孫宏開 et Nishida Tatsuo 西田龍雄
(1990).
Les études occidentales des langues rgyalrong ont commencé par les travaux de
Hodgson (1853) sur une variété de rgyalrong horpa, von Rosthorn (1894), Laufer (1916),
Edgar (1932), Wolfenden (1936) et Migot (1957). Les travaux de ces auteurs sont très
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limités et difficilement réutilisables.
Par la suite, une tradition chinoise d’études rgyalrong a vu le jour avec Wen You 聞
宥(1943, 1945ab), Jin Peng 金鵬 (1949), et Jin et al. (1957-8) : ce sont les premiers
travaux où une langue rgyalronguique est transcrite fidèlement en alphabet phonétique
international et où l’existence de tons est remarquée. Au cours des années 50, une
vingtaine de dialectes rgyalrong ont été étudiés par l’équipe de recherche dirigée par Jin
Peng. Ces données monumentales n’ont malheureusement pas été publiées jusqu’à ce
jour, sauf partiellement dans les travaux de Lin Xiangrong et Qu Aitang, mais une
publication électronique est en projet8.
A cette période se rattache aussi Chang (1968) une publication tardive de données
récoltées à la même époque que Wen You et Jin Peng. Chang et Chang (1975) est la
première tentative de reconstruction du proto-rgyalronguique, sur la base du terrain d’un
des auteurs et des autres données publiées. Cet article souffre de deux limitations : d’une
part, les auteurs ne disposaient que de données sur des dialectes du rgyalrong oriental
relativement proches les uns les autres ; d’autre part, ils avaient une volonté de comparer
de façon forcée l’ensemble des étymons rgyalrong avec des mots tibétains, et n’ont pas
proposé de critères clairs pour distinguer cognats et emprunts pour l’ensemble du lexique.
La recherche sur le rgyalrong a repris à partir du début des années 1980 : les travaux
se succèdent en quelques années : Mansier (1983), Li (1980), Lin (1983, 1990, 1993), Qu
(1983, 1984, 1990), bTsan-lha (1983, 1992) et Wang et Awang (1992), Nagano (1979ab,
1984), Huang Bufan (1990, 1991), Huang Liangrong (1993).
Nagano Yasuhiko 長野泰彦 a travaillé sur le dialecte rgyalrong oriental de Cog-tse au
Népal, et a tenté de proposer une reconstruction du proto-rgyalronguique. Pour un
8
Sun Hongkai, communication personnelle, juillet 2002.
8
compte rendu critique de son ouvrage sur le système verbal (Nagano 1984), voir Lin
(2000). La reconstruction de Nagano (1979ab) ne présente pas un progrès par rapport à
Chang et Chang (1975) : il souffre des deux mêmes limitations que cet article. Cet auteur
a publié récemment deux articles (Nagano 2001, 2003), mais il n’a effectué de terrain sur
aucune langue rgyalronguique depuis son départ du Népal : il ne présente rien de
nouveau par rapport à son ouvrage de 1984.
bTsan-lha Ngag-dbang Tshul-khrims 阿旺措成 a écrit plusieurs articles (bTsan-lha
1983, 1992) sur le rgyalrong oriental de bTsan-lha, sa langue maternelle, qu’il transcrit en
alphabet tibétain, ainsi qu’un livre en chinois (Wang et Awang 1992) où il utilise
également l’API en plus de l’écriture tibétaine. Son travail a beaucoup d’influence auprès
des intellectuels tibétains, car il tente de démontrer que le rgyalrong est un dialecte du
tibétain. Même si sa transcription et sa description grammaticale souffrent de ses a-prioris
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guidés par des considérations extra-linguistiques, son travail a le mérite de présenter des
comparaisons entre le tibétain ancien (celui des textes de Dun-huang et des inscriptions
sur les rdo-ring) et le rgyalrong, dont certaines ont été reprises dans cette thèse. Cet
auteur est un érudit qui connait profondément le tibétain ancien, dont il a publié un
dictionnaire (bTsan-lha 1997). Par ailleurs, Ngag-dbang Tshul-khrims a servi à P.Mansier
comme informateur ; ce dernier en a tiré une thèse (Mansier 1983).
Li Fanwen 李範文 (1980) propose une comparaison préliminaire du vocabulaire et
de la grammaire du rgyalrong oriental et du rgyalrong horpa avec le tangoute.
Les travaux de Lin Xiangrong 林向榮, Qu Aitang 瞿靄堂 et de Huang Bufan 黃布凡
se distinguent de tous les précédents en cela que ce sont les premiers à présenter des
données sur des langues rgyalronguiques autres que le rgyalrong oriental de façon
extensive. Lin (1993) est la première grammaire d’une langue rgyalronguique, le
rgyalrong oriental de Cog-tse, qui est la langue maternelle de cet auteur. Cet ouvrage
contient une grande quantité de données sur les langues rgyalronguiques de toutes les
branches, ainsi qu’un essai préliminaire de phonologie historique : Lin Xiangrong est le
premier auteur à avoir déterminé des correspondances phonétiques entre différentes
branches
du
rGyalrong,
même
s’il
ne
propose
pas
de
reconstruction
du
proto-rgyalronguique. Un lexique de 1800 mots en rgyalrong oriental et en rgyalrong
horpa est inclu dans Huang (1992).
Des étudiants de Huang Bufan ont publié des travaux sur des langues
rgyalronguiques : Duoerji 多 爾 吉 (1998) sur le rgyalrong horpa de dGe-shi-rtsa /
Geshizha 格什扎, sa langue maternelle, et Yin Weibin 尹蔚彬 (2000, 2002) sur le
lavrung de ‘Dzo-rogs / Yelong 業隆.
Jackson T.-S. Sun 孫天心, à partir de 1994, a effectué des recherches sur quasiment
toutes les branches des langues rgyalronguiques (Sun 1994, 1998ab, 1999, 2000ab,
2003, Sun et Shi 2002). C’est le premier chercheur à avoir découvert l’existence de
9
verbes irréguliers dans les langues rgyalronguiques et à distinguer de façon rigoureuse
les alternances de thèmes des phénomènes d’Umlaut. A sa suite, plusieurs étudiants en
linguistique à l’université Qinghua à Taiwan ont produit des travaux de qualité
remarquable sur le rgyalrong oriental de Cog-tse (Hsie Feng-fan 謝豐帆 1998,1999, Lin
Youjing 林幼菁 2000, 2002, 2003, Wei Jiewu 韋介武 2001) et sur le japhug (Lin et Luo
2003). Notre étude du système verbal du japhug a profité considérablement de ces
travaux. Yang Dongfang 楊東方, locuteur natif du dialecte de Cog-tse, l’informateur de
Hsie Fengfan, Lin You-jing et Wei Jiewu, est en train de préparer un recueil de chansons
traditionnelles en rgyalrong oriental (skor-bro gzhas 鍋莊歌).
Mei Guang 梅廣, un autre chercheur de Taiwan, a également écrit plusieurs travaux
non publiés sur la morphologie verbale du rgyalrong oriental (Mei 2001, 2002).
Parallèlement, Marielle Prins travaille sur le rgyalrong oriental de Kyom-kyo ainsi que
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sur les textes en rgyalrong oriental ancien. Elle a présenté un travail sur ces textes (Prins
2003).
Récemment, un dictionnaire de rgyalrong oriental (Huang Liangrong 黃良榮 et Sun
Hongkai 孫宏開 2002) est paru. C’est le premier dictionnaire d’un langue rgyalronguique,
et il contient davantage de mots que Lin (1993) ou Hsie (1999). Malheureusement, ce
dictionnaire est organisé dans l’ordre chinois – rgyalrong, ce qui rend la recherche d’un
mot particulier souvent aléatoire. Ce dictionnaire contient par ailleurs beaucoup de
répétitions, la transcription n’est pas toujours consistante, la flexion verbale n’est pas
indiquée, il ne distingue pas les phonèmes /a/ et /ɐ/ ainsi que les séries de palatales et
d’alvéolo-palatales, et il contient des mots du vocabulaire moderne qui sont tous des
emprunts chinois récents sans intérêt. Toutefois, il a l’avantage de donner des phrases
d’exemple. Cet ouvrage se présente comme un dictionnaire du dialecte cogtse, mais le
dialecte décrit est en fait le somang. Ce dictionnaire est la source principal du rgyalrong
oriental utilisé dans cette thèse, mais les travaux de Hsie (1999) et Lin (2000, 2003)
seront utilisés également pour parer à ses insuffisances. Bien que ces travaux traitent du
dialecte de cogtse, la différence entre les deux dialectes est suffisamment minime pour
que cela ne pose pas de problème (les rares cas où ces deux dialectes diffèrent seront
indiqués systématiquement dans ce travail).
1.4
Structure de la thèse
La présente thèse est un essai de phonologie et de morphologie descriptive et
historique de la langue japhug.
Les chapitres 2,3 et 4 sont consacrés à la phonologie. Dans le chapitre 2, nous
proposons une analyse synchronique de la structure de la syllabe en japhug de kɤmɲɯ.
Ensuite, nous abordons l’étude historique du japhug : le chapitre 3 est consacré aux
10
emprunts tibétains en japhug, et le chapitre 4 consiste en une comparaison des dialectes
japhug entre eux et avec deux autres langues rgyalronguiques : le zbu et le rgyalrong
oriental de So-mang. Nous avons donc d’abord effectué une étude approfondie des
couches d’emprunts puis établi des critères explicites et exhaustifs pour distinguer les
emprunts des cognats, afin de traiter séparément le vocabulaire emprunté au tibétain et le
vocabulaire proprement rgyalronguique en japhug. Dans le chapitre 4, nous proposons
une reconstruction préliminaire du proto-rgyalronguique et nous mettons en évidence les
changements phonétiques qui se sont produits entre le proto-rgyalronguique et le japhug.
Les quatre chapitres suivants traitent de la morphologie verbale : le chapitre 5
propose une description et une reconstruction de la morphologie flexionnelle, le chapitre 6
traite de la morphologie dérivationnelle, le chapitre 7 traite des verbes contractes (une
classe de verbes irréguliers) et le chapitre 8 est consacré à la nominalisation.
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Décrire la phonologie ou la morphologie verbale du japhug indépendamment l’une de
l’autre aurait été impossible, et c’est pourquoi nous avons regroupé ces deux thèmes
majeurs dans cette thèse. En effet, la phonologie ne peut être comprise que si l’on prend
en compte les alternances morphophologiques observées dans la conjugaison :
La réduplication partielle (chapitre 5 et 6) nous donne des informations
capitales sur la structure des groupes de consonnes (chapitre 2).
Les alternances de thème verbal et les séries de préfixes directionnels
(chapitre 5) nous informent sur le vocalisme de la proto-langue (chapitre 4).
La formation des verbes contractes fait intervenir des phénomènes
phonologiques très particuliers, tels que la fusion des voyelles (chapitre 7).
Un des critères employés pour distinguer emprunts et cognats (chapitre 3)
est la présence de morphologie tibétaine dans certaines formes verbales
(par exemple, le préfixe b- de passé). Or, pour prouver que c’est là un
critère valide pour montrer qu’on mot est un emprunt, il est nécessaire de
prouver que les affixes en question n’existent pas en japhug : une
description complète de la morphologie verbale est donc nécessaire
(chapitre 5 et 6).
La morphologie nominale, en revanche, interagit peu avec la phonologie, car peu
d’alternances morphophonologiques y sont présentes. C’est pourquoi nous avons jugé
plus profitable de nous concentrer exclusivement sur la morphologie verbale dans cette
thèse.
11
2 Phonologie
Les langues rgyalronguiques sont connues pour leur riche inventaire de phonèmes
consonantiques et leurs groupes de consonnes initiaux nombreux et complexes. Dans ce
chapitre, nous présenterons tout d’abord un modèle de la syllabe dans la langue étudiée.
Ce modèle est basé sur un phénomène morphophonologique de la langue, la
réduplication partielle, dont le fonctionnement permet de distinguer différents types de
consonnes dans les groupes initiaux.
Ensuite, nous établirons la liste des phonèmes consonantiques de la langue, puis
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nous étudierons le fonctionnement des groupes de consonnes initiaux.
Enfin, à la fin de ce chapitre nous aborderons les voyelles et les rimes, dont l’analyse
pose moins de difficultés que celle des groupes de consonnes initiaux.
2.1
La syllabe et la réduplication partielle
Nous allons présenter dans cette section une analyse de la structure de la syllabe en
rgyalrong de kɤmɲɯ. Un processus morphophonologique important de la langue nous
servira de fondement dans notre analyse des différents types de positions
consonantiques initiales : il s’agit de la réduplication partielle9. Sur cette base, nous
proposerons une analyse des groupes de consonnes en japhug. Par ailleurs, à l’intention
des tibétologues, une comparaison avec la terminologie traditionnelle de la grammaire
tibétaine est proposée pour clarifier le propos.
En rgyalrong japhug de kɤmɲɯ, on trouve au maximum trois consonnes à l’initiale et
une consonne finale. Seule une voyelle est admise par syllabe. Le groupe formé par la
voyelle et la consonne finale est appelé rime. Dans une représentation traditionnelle en C
(consonne) et V (voyelle), où les positions optionnelles sont indiquées entre parenthèses,
la structure de la syllabe en japhug ne pose pas de problème : elle peut se résumer
comme (C)(C)C(C)V(C).
Si la structure de la rime ne pose pas d’ambiguïté, en revanche les consonnes qui
précèdent la voyelle ont des propriétés différentes selon leur position. Il est donc
9
La réduplication partielle s’applique parfois à la première syllabe du verbe, parfois à la dernière syllabe
de la racine du verbe, et a un grand nombre de fonctions variées. Voir les sections 5.4.4 p.392, 6.7 p.413,
et 8.3.4 p.461 pour une description des diverses fonctions de ce procédé morphophonologique ; il n’est
attesté que dans la morphologie verbale.
12
nécessaire de trouver un moyen objectif de distinguer ces différentes positions et de leur
attribuer un nom. Nous nous servons pour cela de la réduplication partielle.
La réduplication partielle transforme une syllabe en deux syllabes, dont le second
membre est semblable à la syllabe de base, mais dont le premier membre subit deux
changements : sa voyelle et la consonne qui la suit éventuellement est remplacée par -ɯ,
et parfois la consonne précédant la voyelle tombe (il faut pout cela qu’il y ait au moins
deux consonnes initiales).
En utilisant un gabarit simple en C et V, on peut représenter ce processus de la façon
suivante avec une syllabe de base à deux ou trois consonnes initiales. Nous illustrons
aussi nos gabarits par des exemples10 :
(1)
a)
CCVC Æ Cɯ-CCVC
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mbro Æ mbɯ-mbro
b)
11
CCVC Æ CCɯ-CCVC
spe Æ spɯ-spe
c)
(kɤ-spa « pouvoir »)
CCCVC Æ CCɯ-CCCVC
zgroʁ Æ zgɯ-zgroʁ
d)
(kɯ-mbro « haut »)
(kɤ-zgroʁ « attacher »)
CCCVC Æ CCCɯ-CCCVC
fstɯn Æ fstɯ-fstɯn
(kɤ-fstɯn « servir »)
A partir de (1), nous pouvons définir deux types de structures d’initiales : le cas de a)
et c), où la consonne directement adjacente à la voyelle tombe dans la première syllabe,
et celui de b) et d), où aucune consonne ne tombe.
Nous considérons que la consonne qui tombe dans la première syllabe doit donc être
distinguée des autres consonnes. Nous appellerons cette position médiane. Comme le
montrent les données en (1), certaines syllabes n’ont pas de médiane.
La consonne précédant directement la médiane ou, dans le cas où la syllabe n’a pas
de médiane, la consonne précédant la voyelle est appelée initiale. Dans le cas des
syllabes ayant un groupe initial limité à une consonne, cette consonne ne tombe jamais
lors de la réduplication partielle. On peut donc en conclure qu’une syllabe ne peut avoir de
médiane que si elle a déjà une initiale.
Les consonnes précédant l’initiale seront appelées préinitiales
12
. Le terme
antépréinitiale pourra aussi être utilisé pour désigner la consonne qui précède la
10
Aucune glose n’a été insérée étant donné que la fonction de la réduplication ne nous concerne pas
pour ce chapitre.
11
Nous montrerons dans la section sur les groupes initiaux que les prénasalisées sont des phonèmes
uniques et non des groupes nasale + occlusive.
12
Dans la terminologie de Venneman (1988 : 10), les préinitiales sont appelées prependix.
13
préinitiale dans le cas de type d). Les antépréinitiales sont rares, et elles ont deux
origines : d’une part, des emprunts tibétains (on pourra consulter la liste de ces mots en
2.3.2.1 dans le Tableau 12) et d’autre part, quelques rares groupes se trouvant dans
certains mots natifs tels, que mpɕ- ou jmŋ-, qui demandent une explication historique
particulière. L’idée de distinguer préinitiale, initiale et médiane est inspirée de la
grammaire tibétaine traditionnelle et de la phonologie historique du chinois.
Dans la suite de ce travail, nous présenterons des formules pour représenter les
gabarits des syllabes en utilisant des lettres symbolisant chacune des positions dans la
syllabe : C (consonne : préinitiale, initiale et finale), M (médiane), V (voyelle). Ainsi, en
reprenant les exemples de (1) avec cette notation, nous obtenons :
(2)
a)
CMVC Æ Cɯ-CMVC
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mbro Æ mbɯ-mbro
b)
(kɯ-mbro « haut »)
CCVC Æ CCɯ-CCVC
spe Æ spɯ-spe
c)
(kɤ-spa « pouvoir »)
CCMVC Æ CCɯ-CCMVC
zgroʁ Æ zgɯ-zgroʁ
d)
(kɤ-zgroʁ « attacher »)
CCCVC Æ CCCɯ-CCCVC
fstɯn Æ fstɯ-fstɯn
(kɤ-fstɯn « servir »)
Notre terminologie peut se comparer partiellement à celle des grammairiens tibétains.
En effet, malgré quelques différences, rgyalrong et tibétain ancien ont une structure
syllabique proche du point de vue typologique.
Ainsi le terme initiale correspond au ming-gzhi « lettre de base », la médiane
correspond au ‘dogs-can yi-ge « lettre accrochée au bas », la préinitiale correspond à la
fois au sngon-’jug « lettre préfixée » ou au mgo-can yi-ge « lettre superfixe », et la finale
correspond au rjes-’jug « lettre suffixée ». Etant donné que le japhug n’admet pas plus
d’une consonne finale, il n’y a pas d’équivalent au yang-rjes « lettre post-suffixée » dans
notre terminologie.
On peut illustrer cette comparaison en analysant un emprunt tibétain en japhug, la
syllabe zgroʁ de kɤ-zgroʁ « attacher » selon notre terminologie et le mot tibétain d’origine
sgrog « attacher » selon la terminologie traditionnelle :
z
g
r
o
ʁ
préinitiale
initiale
médiane
voyelle
finale
s
g
r
o
g
mgo-can
ming-gzhi ‘dogs-can
japhug
tibétain classique
dbyangs rjes-’jug
Tableau 3 : Comparaison de notre terminologie avec la terminologie tibétaine traditionnelle
Du point de vue de la phonologie historique du chinois, ce que nous appelons initiale
14
correspond au terme 聲母 shengmu, la médiane correspond au 介音 jieyin ou 韻頭
yuntou, la finale correspond au 韻 尾 yunwei. Il n’y a toutefois pas de terme
correspondant à la préinitiale.
Le cas des deux syllabes fstɯn et frtɤn qui ont deux préinitiales est simple, puisqu’il
s’agit d’emprunts au tibétain : dans brtan, /t/ est considéré comme l’initiale ming-gzhi, /r/
est préinitiale mgo-can, et /b/ est aussi préinitiale sngon-’jug. En japhug, nous analysons
de la même manière frtɤn avec /t/ comme initiale, /r/ comme préinitiale et /w/ comme
antépréinitiale.
Ce que nous appelons antépréinitiale est donc, du point de vue de la grammaire
tibétaine, un sngon-’jug précédant un mgo-can (le sngon-’jug seul étant considéré comme
préinitiale). Ce type de sngon-’jug en tibétain classique est toujours un /b/. En rgyalrong,
de même, les antépréinitiales que nous trouvons dans ces deux emprunts sont des
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allophones f- du phonème /w/.
Il est notable qu’on ne trouve aucun exemple de syllabe ayant à la fois une
antépréinitiale et une médiane ; un groupe de ce type aurait 4 consonnes différentes. Il
n’est pas clair si cela est dû à une contrainte phonologique ou simplement à un hasard du
fait de la rareté de tels groupes.
Maintenant que la structure de la syllabe a été explicitée et analysée, nous allons
décrire l’inventaire des phonèmes consonantiques du japhug.
2.2
Phonèmes consonantiques initiaux
On distingue en japhug 49 phonèmes consonantiques. Dans cette section, nous
allons prouver la distinctivité de chacun de ces phonèmes. Comme ils apparaissent tous
en position initiale telle que nous l’avons définie dans la section précédente, nous
n’aborderons ici les phonèmes consonantiques que dans cette position. Pour être sûr
d’avoir affaire à des phonèmes initiaux, nous ne considèrerons ici que les syllabes n’ayant
qu’une seule consonne initiale. Les autres positions seront vues dans les sections
ultérieures : antépréinitiales, préinitiales et médiales seront étudiées dans la section sur
les groupes initiaux, et les finales seront abordées dans la section sur les rimes.
Nous fournirons des paires minimales entre les phonèmes ayant le même lieu
d’articulation, et avec d’autres phonèmes ayant un autre lieu d’articulation lorsqu’ils
présentent une ressemblance acoustique (par exemple, nous donnerons des exemples
des paires /w/ :: /ɣ/, /ɕ/ :: /ʂ/ et /l/ :: /r/).
Dans tout ce travail, nous donnons des exemples de phonèmes initiaux de syllabe et
non de mots, car la plupart des mots rgyalrong étant préfixés, il eût été impossible de
trouver des exemples de paires minimales en utilisant des mots non-préfixés. Nos
exemples sont donc pour la plupart précédés de préfixes ayant un vocalisme -ɯ ou -ɤ. En
15
revanche, nous n’avons pas accepté parmi nos exemples de syllabes précédées d’une
syllabe fermée. Ainsi le mot mthɯrnda « rênes13 » n’a pas été pris en compte dans nos
paires minimales faisant intervenir des dentales, car ce mot peut se syllabifier soit comme
mthɯr-nda (où /r/ est en position finale de la première syllabe), soit comme mthɯ-rnda
(où /r/ est en position préinitiale de deuxième syllabe) ce qui fait que ce mot n’est pas un
exemple sûr de syllabe à initiale nd- sans préinitiale.
On remarque qu’à la différence de la plupart des langues rgyalronguiques, l’occlusive
glottale n’est pas un phonème dans la langue étudiée.
Une justification de l’analyse des prénasalisées comme étant des phonèmes et non
des composés de deux phonèmes ne pourra être présentée que dans la section 2.3.2.9.2.
Toutefois, nous ne risquons pas de commettre un raisonnement circulaire en procédant
de cette manière, car l’ensemble de notre travail jusqu’à ce chapitre resterait valable
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
même si ces phonèmes étaient analysés comme des groupes de consonnes.
labiales
apicales
dentales
alvéolo-
dorsales
rétroflexes
palatales
vélaires
uvulaires
palatales
occlusives sourdes
p
t
c
k
q
occlusives sourdes
pʰ
tʰ
cʰ
kʰ
qʰ
b
d
ɟ
g
mb
nd
ɲɟ
ŋg
ɲ
ŋ
aspirées
occlusives voisées
occlusives prénasalisées
affriquées sourdes
ts
tɕ
tʂ
affriquées aspirées
tsʰ
tɕʰ
tʂʰ
affriquées sonores
dz
dʑ
dʐ
ndz
ndʑ
ndʐ
affriquées prénasalisées
occlusives nasales
m
n
fricatives sourdes
s
ɕ
fricatives sonores
z
ʑ
sonantes non-nasales
latérale aspirée
w
l
ʂ
r
ɴɢ
x
χ
ɣ
ʁ
j
ɬ
Tableau 4 : Les phonèmes consonantiques.
2.2.1
Les labiales
Les paires minimales suivantes permettent de démontrer la distinctivité de chacun
13
Emprunt du tibétain mthur mda, mot de même sens.
16
des phonèmes labiaux entre eux :
(3)
Avec la rime -ɯ : /p/ :: /pʰ/ :: /b/ :: /mb/ :: /m/ :: /w/
ɯ-pɯ
« enfant, intérêt »
tɤ-phɯ
« motte de terre »
kɤ-bɯwa
« porter un enfant sur le dos
tɯ-mbɯ
« sexe masculin »
tɯ-mɯ
« ciel »
khɤwɯ
« troisième étage d’une maison traditionnelle »
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(4)
Avec la rime –oʁ : /p/ :: /pʰ/ :: /b/ :: /mb/ :: /m/ :: /w/
kɤ-nɯpoʁ
« embrasser (un enfant) »
kɤ-pʰoʁ
« puiser de l’eau »
tɯ-boʁ
« troupeau »
kɤ-mboʁ
« exploser »
kɤ-moʁ
« manger de la rTsam-pa »
qa-woʁ
« grotte »
Le phonème /b/ en initiale de syllabe est très rare. On ne le trouve dans nos données
que sept mots ayant /b/ dont cette position : buka « mycose du pied », tɯ-boʁ
« troupeau », ɕkɤbɯ « brioche aux poireaux », bɤβ « son d’un objet que l’on jette par terre
de toute ses forces », bɤlqhoʁ « tortue », bɯlɯbali « qui ne respecte pas l’avis des
autres », kɤ-bɯwa « porter un enfant sur le dos » et bɤbɤβ « en touffe (champignons) »
On peut démontrer que /w/ et /ɣ/ sont des phonèmes distincts grâce aux exemples
ci-dessous :
(5)
Avec la rime –ur : /w/ :: /ɣ/
tɯ-wur
« habit de pluie »
tɯ-ɣur
« givre »
(6)
Avec la rime –a : /b/ :: /mb/ :: /w/ :: /ɣ/
bɯlɯbali
« qui ne respecte pas l’avis des autres »
kɯ-mba
« mince »
kɤ-bɯwa
« porter un enfant sur le dos »
kɤ-nɯɣa
« acquiescer »
Les rimes ayant les voyelles postérieures arrondies /u/ et /o/ n’apparaissent jamais
sans consonne initiale. L’initiale w- qui s’observe dans des exemples ayant ces voyelles
tels que tɯ-wur et qa-woʁ peut s’interpréter de deux façons : ou bien comme le phonème
/w/ lui-même en position initiale, ou bien comme une position initiale vide. Nous choisirons
ici néanmoins de l’interpréter comme une initiale vide dans ces positions.
Le phonème /w/ a trois allophones, que nous marquons dans notre transcription de
manière distincte : w- en position initiale et en médiane, f- en préinitiale lorsque l’initiale
est sourde, et β- en finale ou en préinitiale lorsque l’initiale est sonore.
17
2.2.2
Les dentales
Les paires minimales suivantes permettent de démontrer la distinctivité de chacun des
phonèmes dentaux entre eux :
(7)
Avec la rime –a :
/t/ :: /tʰ/ :: /d/ :: /n/ :: /ts/ :: /tsʰ/ :: /ndz/ :: /s/ :: /z/ :: /la/ :: /ɬa/
kɤ-ta
« mettre, poser »
tʰa
« un instant, sinon »
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kɤ-nɯkhada « convaincre, calmer, raisonner qqun »
kɤ-nɯna
« arrêter »
tɯ-tsa
« enclume »
tsʰa
« sel »
tɯ-ndza
« nourriture »
tɯ-sa
« molaire »
βɣaza
« mouche »
kɤ-la
« bouillir »
ɬa
« divinité »
(8)
Avec la rime –i :
/t/ :: /tʰ/ :: /d/ :: /nd/ :: /n/ :: /ts/ :: /tsʰ/ :: /s/ :: /z/
kɤ-ti
« dire »
thitsuku
« quoi que ce soit »
tɯ-di
« arc »
fsɤ-ndi
« après-demain »
kɤ-rɯmani
« réciter des maṇi »
tɯ-tsi
« longévité »
kɤ-tshi
« boire »
si
« bois »
mɯzi
« poudre à canon »
(9)
Avec la rime -ɯr :
/dz/ :: /ndz/
dzɯr
« poli et éduqué (mouvements) »
ndzɯr naʁ
« guêpe »
Deux phonèmes parmi les dentales sont particulièrement rares : /dz/ et /ɬ/. On ne
rencontre que deux exemples de /dz/ : dzɯr « poli et éduqué » et kɤ-ɣɤdzɯlɯt « s’agiter »
(et les dérivés de ce dernier verbe tels que kɤ-sɤdzɯlɯt « agiter »).
/ɬ/ est moins rare, on en trouve au moins onze exemples (sans compter les dérivés
réguliers des verbes), les cinq premiers étant des emprunts au tibétain : ɬopɕoʁ « sud »,
ɬa « divinité », ɬarɯɣ « de race divine », ɬaχpo « avoir envie, mais ne pas pouvoir (Adv.) »,
ɬɤftsɤs « endroit sur le toit où l’on plante un rlung-rta et où l’on élève un tas de silex »,
tɯ-ɬaʁ « tante », woɬaʁ « marâtre », kɯ-ɬɤt « se dégrader », kɤ-ɬɯt « être en désordre »,
18
kɤ-ɬoʁ « sortir », ɬoʁ « devoir (V.Modal) », ɣzɯɬa « pika ».
Il doit être noté que /ɬ/ est distinct en japhug de la combinaison /lx/, où /x/ est initiale
et /l/ préinitiale. On ne trouve que trois exemples de ce groupe initial : kɤ-lxɤj « être
négligés (habits) », lxɤβ-lxɤβ « épais et peu pratiques (habits) » et lxɯ-lxi « maladroit ».
On ne trouve pas de paire minimale entre /ɬ/ et /lx/, mais il est probable que cette absence
est fortuite, une conséquence du peu d’exemples du phonème /ɬ/ et du groupe /lx/.
2.2.3
Les alvéolo-palatales et les rétroflexes
Suivant la tradition établie par Jin Peng (1949, 1956) et Lin Xiangrong (1993),
beaucoup de spécialistes du rgyalrong notent les alvéolo-palatales <ɕ> et <ʑ> (ou
laminales post-alvéolaires palatalisées) avec les symboles pour les palato-alvéolaires <ʃ>
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et <ʒ> (ou laminales post-alvéolaires bombées14). Nous avons fait le choix de suivre
strictement l’alphabet phonétique international dans notre transcription.
Les sons que nous appelons « rétroflexes » sont prononcés comme les initiales <zh>
<ch> <sh> du chinois mandarin (selon leur notation en pinyin), qui selon Ladefoged et
Maddieson (1996 : 154) sont non pas des rétroflexes au sens propre du terme mais des
laminales post-alvéolaires plates (laminal flat postalveolars). La notation qu’ils proposent
pour ces sons est <ṣ> pour la fricative sourde et <ẓ> pour la sonore. Pour rendre notre
travail plus accessible et en l’absence de données palatographiques, nous conserverons
le terme « rétroflexe » pour toute la suite de ce travail ainsi que les symboles <ʂ> et <ʐ>.
Les séries alvéolo-palatales et rétroflexes ont ceci de commun qu’elles ne
comportent pas d’occlusives simples, mais seulement des affriquées. On note deux trous
dans la distribution des rétroflexes : d’une part, /ʂ/, à la différence de /s/ et /ɕ/, n’a pas
d’équivalent sonore */ʐ/. D’autre part, /r/ n’a pas de version aspirée */r̻/, à l’inverse de /l/
qui s’oppose à /ɬ/.
Les paires minimales suivantes permettent de démontrer la distinctivité de chacun
des phonèmes alvéolo-palataux et rétroflexes entre eux :
(10)
Avec la rime –a :
/tɕ/ :: /tɕʰ/ :: /ndʑ/ :: /ɕ/ :: /ʑ/ ::
/tʂ/ :: /tʂʰ/ :: /ndʐ/ :: /ʂ/ :: /r/
tɕa kɯɣ
« sac pour feuilles de thé »
tɯ-tɕʰa
« information »
ndʑa
« arc-en-ciel »
ɕa
« viande crue »
ʑatsa
« bientôt »
tʂapa
« rez-de-chaussée où habitent les cochons »
14
En anglais : laminal domed post-alveolar (Ladefoged et Maddieson 1996 : 154).
19
tʂʰa
« thé »
tɕʰi ndʐa
« comment, pourquoi »
kɯ-ʂa
« capable »
kɯ-ra
« devoir »
(11)
Avec la rime -ɯɣ : /tɕ/ :: /dʑ/ :: /ndʑ/ :: /ɕ/ :: /ʑ/ ::
/tʂ/ :: /dʐ/ :: /r/
tɯ-tɕɯɣ
« germe »
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kɯ-ɣɤdʑɯɣdʑɯɣ « être maquillé excessivement »
tɤ-ndʑɯɣ
« résine de pin »
ɕɯɣ ra
« crible à gros trous »
ʑɯɣ sa
« siège (honorifique) »
tʂɯɣ pa
« sixième mois »
dʐɯɣ dʐɯɣ
« fort (thé) »
rɯɣ pa
« mémoire »
On peut par ailleurs démontrer que /r/ et /l/ sont des phonèmes distincts grâce à la
paire suivante :
(12)
Avec la rime –u : /l/ :: /r/
tɤ-lu
« lait »
tɤ-ru
« chef de village »
Parmi ces phonèmes, trois sont particulièrement rares et ne se trouvent que dans les
emprunts tibétains, les onomatopées et les idéophones : /dʑ/, /dʐ/ et /ʂ/. On trouve deux
exemples de /dʑ/ : kɯ-ɣɤdʑɯɣdʑɯɣ « être maquillé excessivement » et dʑɤr-dʑɤr
« debout tout droit » et trois exemples de /dʐ/ : dʐɯɣdʐɯɣ « fort (thé) », dʐɯβdʐɯβ
« tendre et charnue (plante) », rtsɯdʐɯɣ « compte ». Il n’existe pas de paire minimale
entre /dʐ/ et /ndʐ/.
/ʂ/ est représenté par cinq exemples : kɯ-ʂa « être capable », om-mani-pɤnme-χ
oŋ-ʂi « un mantra », ʂɯt « bruit que fait un oiseau en s’envolant », ʂaʁ kɤ-ta « se brûler
(au fer rouge) » kɤ-sɤʂɤʂɤt « écrire, lire un soutra de manière très courante ».
Les rétroflexes et alvéolo-palatales ne peuvent pas être considérées comme des
groupes composés respectivement de [dentale + /r/], et de [dentale + /j/]. Le
comportement de ces deux séries d’affriquées dans les réduplications partielles permet
de prouver qu’elles se comportent comme des initiales simples et non comme des
groupes.
Ainsi kɯ-xtɕi « petit » se réduplique comme kɯ-xtɕɯ-xtɕi (réduplication radicale) et
non *kɯ-xtɯ-xtɕi comme on l’attendrait si /tɕ/ pouvait s’analyser comme /t/ + /j/. De même,
kɤ-nɯrɯtʂa « envier » se réduplique comme kɤ-nɯrɯtʂɯ-tʂa « s’envier les uns les
autres » (réduplication radicale à valeur réciproque : se reporter aux sections 6.7 p.413 et
7.2.3 p. 432) et non *kɤ-nɯrɯtɯ-tʂa comme ce devrait être le cas si /tʂ/ pouvait s’analyser
20
comme /t/ + /r/.
S’il n’existe pas de groupes tels que */tj-/ ou */tr/ en japhug, on trouve un unique
exemple de /dr-/ : drɯβ-drɯβ « plein de saletés (eau) ». Cet exemple confirme notre
analyse sur l’impossibilité d’analyser les rétroflexes comme [dentales + /r/]. On trouve
aussi un exemple de /tʰj/ : ltʰjɤ-ltʰjɤt « propre et bien repassé (habit) », qui fait paire
minimale avec ltɕʰɤ-ltɕʰɤt « pendre (de fils ou de céréales en touffes) » et un exemple de
/ndj/ : ndjɤ-ndjɤt « altière et svelte (allure d’une femme)». Avec affriquées et fricatives, on
a les mots ɯ-χtsiɯ « moitié » et χsiu « peau de serpent » où [i] est un allophone de /j/.
2.2.4
Les palatales
Les palatales sont souvent notées <cç>, <cçʰ> et <ɟj> par les linguistes de Chine
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continentale, mais nous nous contenterons des graphies simples <c>, <cʰ> et <ɟ> pour
désigner ces phonèmes, comme dans Sun (2003a : 490).
Les paires minimales suivantes permettent de démontrer la distinctivité de chacun
des phonèmes palataux entre eux :
(13)
Avec la rime -ɤr :
ɟɤr
« colle »
ɲɟɤr-ɲɟɤr
« dodu »
(14)
Avec la rime –o :
/ɟ/ :: /ɲɟ/
/c/ :: /cʰ/ ::
/ɲɟ/ :: /ɲ/ :: /j/
zgo co
« vallée »
cʰo
« et (conjonction) »
kɯ-ɲɟo
« être abîmé »
kɯ-ɲo
« déjà préparé »
qa-jo
« récipient en terre utilisé pour faire du thé »
(15)
Avec la rime –aʁ :
kɤ-caʁ
« célèbre »
tɯ-pɤcʰaʁ
« nombril »
kɤ-ɣɤɟaʁ
« cajoler »
kɯ-ɲaʁ
« noir »
tɯ-jaʁ
« main »
/c/ :: /cʰ/ :: /ɟ/ ::
/ɲ/ : /j/
Le dialecte de Somang décrit dans le dictionnaire de Sun et Huang (2002) ne marque
pas la distinction entre palatales et alvéolo-palatales, alors que d’autres auteurs (Jin et al.
1956 et Lin 1993) ayant travaillé sur le même dialecte l’indiquent systématiquement. En
japhug, cette distinction est bien conservée et ne fait aucun doute. Les paires minimales
suivantes montrent la distinctivité de ces deux séries (on ne trouve pas de paire minimale
pour /ɲɟ/ et /ndʑ/ uniquement) :
(16)
Avec la rime –a :
/c/ :: /cʰ/ :: /tɕ/ :: /tɕʰ/
21
ca
« chevrotain »
cʰa
« alcool »
tɕa kɯɣ
« sac pour feuilles de thé »
tɯ-tɕʰa
« information »
(17)
Avec la rime -ɯɣ : /ɟ/ :: /dʑ/
ɟɯɣɟɯɣ
« meuble (terre) »
kɯ-ɣɤdʑɯɣdʑɯɣ « être maquillé excessivement »
Le phonème /j/ a une réalisation spéciale -i- lorsqu’il est en médiane devant une
uvulaire ou une vélaire. Ainsi, nous transcrivons ɴqiɤβ « ubac » et non *ɴqjɤβ.
Les palatales ne peuvent pas être analysées comme une combinaison [vélaire + /j/]
en japhug de kɤmɲɯ, même s’il est possible que cette analyse soit valide pour certaines
langues de la famille. En effet, on trouve dans ce dialecte un cas d’initiale /k/ suivie d’une
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médiane /j/ : le verbe kɤ-kio « faire glisser » (et son dérivé régulier kɤ-ŋgio « glisser »).
Par ailleurs, de la même manière qu’elle permet de prouver que palato-alvéolaires et
rétroflexes ne sont composées que d’un seul phonème, la réduplication partielle permet
de confirmer ce même fait concernant les palatales : un préfixe tel que cʰɯ- (directionnel
de série 3 : vers l’aval) sera rédupliqué cʰɯ-cʰɯ- et non *kʰɯ-cʰɯ. Il est toutefois probable
qu’à un stade plus ancien de la langue au moins certains mots à palatales étaient
analysables comme [vélaire+/j/], car on trouve des exemples de réduplications partielles
où la palatale est rédupliquée comme une vélaire, dans les deux mots kɯ-ɣɤgɯɟaŋ et
kɯ-ɣɤgɯɟɯɣ signifiant « glisser rapidement ».
Enfin, on trouve un mot onomatopéique cʰiɤt « bruit de glissement » où une occlusive
palatale est suivie de la médiane /j/ (sous la forme de l’allophone [i]). Ce mot montre que
même les palatales peuvent être suivies de /j/, ce qui serait impossible si ce groupe
d’occlusive était déjà un groupe [vélaire + /j/].
2.2.5
Les vélaires et les uvulaires
Selon Ladefoged et Maddieson (1996 : 35), les langues qui distinguent uvulaires,
vélaires et vraies palatales sont très rares. Ils n’en citent guère qu’un exemple, le Jaqaru
(apparentée au Quechua), dans laquelle les palatales contrastent non seulement avec
vélaires et uvulaires, mais aussi avec affriquées rétroflexes et alvéolo-palatales. Le
japhug est un nouvel exemple du même type, qui distingue en plus des groupes [vélaires
+ /j/], [uvulaires + /j/] et même [palatales + /j/]. Si l’on compte les groupes avec la médiane
/j/, on a en tout sept séries différentes entre les alvéolo-palatales et les uvulaires. Le
japhug est peut-être l’une des langues qui distinguent le plus de séries différentes dans
cette région de la cavité buccale.
Toutes les langues rgyalronguiques ont une série d’uvulaires, à l’exception du
22
rgyalrong oriental où elles se confondent avec les vélaires. On constate deux trous dans
la distribution des uvulaires : elles ne comptent pas parmi elles de phonème voisé */ɢ/ , ni
de phonème nasal */ɴ/ mais seulement un phonème prénasalisé /ɴɢ/.
Les paires minimales suivantes permettent de démontrer la distinctivité de chacun
des phonèmes vélaires et uvulaires entre eux :
(18)
Avec la rime –a :
/k/ :: /kʰ/ :: /ŋg/ :: /ŋ/
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/q/ :: /qʰ/
kaɣɯ
« collier avec pendentif en argent »
kʰa
« maison »
kɤ-ŋga
« s’habiller »
nɯŋa
« vache »
ɣa
« oui »
ɯ-qa
« patte (d’animal) »
kɤ-qʰa
« détester »
kɤ-χa
« manquer un morceau »
tɯ-ʁa
« temps libre »
(19)
Avec la rime –ar :
« enfermer (les animaux) »
tɯ-ŋgar
« tissu de laine »
kɤ-qar
« choisir »
tɯ-ɴɢar
« crachat »
Avec la rime –oʁ :
qʰoʁ-qʰoʁ
« lingot »
tɤ-ɴɢoʁ
« vannerie »
(21)
Avec la rime -ɤɣ :
/qʰ/ :: /ɴɢ/
/k/ :: /g/ :: /ŋg/
kɤ-kɤɣ
« courber (Tr.) »
gɤgɤɣ
« instable sur ses pieds»
kɯ-ŋgɤɣ
« être courbé »
(22)
Avec la rime -ɯr :
/x/ :: /ɣ/
tɯ-tɤ-xɯr
« un tour »
ɣɯr-ɣɯr
« beaucoup de gens rassemblés »
(23)
Avec la rime -ɤl :
:: /χ/ :: /ʁ/
/kʰ/ :: /ŋg/ :: /q/ :: /ɴɢ/
kɤ-sɤkhar
(20)
:: /ɣ/ ::
/x/ :: /χ/
xɤl-nɤ-xɤl
« marcher d’un pas assuré »
χɤl-χɤl
« se sentir relâché après avoir été détaché »
Deux phonèmes vélaires sont particulièrement rares : /g/ et /x/. Le phonème /g/ n’est
attesté à l’initiale dans le dialecte de kɤmɲɯ que par cinq exemples : gɤgɤɣ « instable sur
ses pieds », gɯɣ-gɯɣ « très noir (ciel) », kɯ-ɣɤgɯgɯɣ « faire du bruit en démarrant
23
(moteur) », et les mots kɯ-ɣɤgɯɟaŋ et kɯ-ɣɤgɯɟɯɣ signifiant tous deux « glisser
rapidement ». /x/ ne se rencontre que dans sept mots dans nos données : xɤl-nɤ-xɤl
« marcher d’un pas assuré », xɯ-chɯ-cho « soupir de fatigue », kɯ-ɣɤxɯxɯɣ « faire du
bruit en soufflant (vent) », xɯŋɤŋi « brillant », xɯŋ-xɯŋ « claire (pièce) », tɯ-tɤ-xɯr « un
tour », xɯβ-xɯβ « chaud ». Il n’apparaît que devant les voyelles /ɯ/ et /ɤ/.
Le phonème /ʁ/ se réalise comme une fricative pharynguale sonore [ʕ] en position
finale et préinitiale devant les sonores. Nous ne notons pas ce détail dans notre
transcription phonologique.
2.2.6
Conclusion
Un certain nombre de phonèmes consonantiques n’apparaissent en position initiale
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que dans quelques mots qui sont pour l’essentiel des emprunts au tibétain, des
idéophones ou onomatopées. Ces phonèmes ont un statut marginal dans le système du
japhug, même si leur existence est indéniable. Il faut noter que nous n’avons abordé dans
cette section que les exemples où ces phonèmes apparaissent en position initiale sans
médiane et sans préinitiale. Les cas où les phonèmes marginaux sont inclus dans un
groupe initial seront discutés en détail dans la section suivante.
Voici la liste des huit phonèmes marginaux décrits dans cette section : /b/, /dz/, /ɬ/,
/dʑ/, /dʐ/, /ʂ/, /g/ et /x/.
Dans ce groupe, nous trouvons tout d’abord des occlusives et affriquées voisées
non-prénasalisées. Il est toutefois notable que toutes les occlusives voisées
non-prénasalisées de la langue n’ont pas un statut aussi marginal : /d/ et /ɟ/ sont chacune
attestées par plus d’une vingtaine d’exemples. Une explication pour cet état de fait sera
présentée dans la section 4.3.3 p.310. Nous montrerons que les voisées ne sont pas
héritées du proto-rgyalrong mais qu’elles sont une innovation du japhug, et que les
initiales /d/ et /ɟ/ ont des origines secondaires (simplication de groupes consonantiques
tels que *ld- dans le cas de /d/ et changement de *j- à /ɟ/).
En ce qui concerne les deux fricatives /x/ et /ʂ/, il est notable que la marginalité du
phonème /ʂ/ se manifeste dans le système du japhug non seulement par sa rareté, mais
aussi par l’absence de corrélat voisé */ʐ/. Or, si /x/ semble bien avoir un corrélat sonore /ɣ/,
ce dernier phonème, même s’il est une fricative voisée, a des propriétés de sonante (il
peut se trouver en position médiane, comme nous le verrons dans la section suivante), et
il vient d’un *w- en proto-rgyalrong. Si l’on analyse donc /ɣ/ comme une sonante vélaire,
/x/ se retrouve sans corrélat sonore tout comme /ʂ/. La rareté de ces phonèmes, leur
absence de corrélat voisé et l’absence de mots contenant ces phonèmes reconstructibles
en proto-rgyalrong montre qu’il s’agit de développements tardifs en japhug de kɤmɲɯ.
24
2.3
Les groupes de consonnes initiaux
Dans les sections précédentes, nous avons proposé une analyse de la syllabe et
nous avons relevé les phonèmes consonantiques qui existent en japhug en position
initiale et certaines de leurs propriétés. Dans les positions autres qu’initiales, les
phonèmes subissent des neutralisations et des restrictions que nous étudierons en détail
dans cette section. Nous allons aborder tout d’abord les médianes, puis nous discuterons
des préinitiales. Enfin, nous aborderons le cas des syllabes pour lesquelles le test
morphologique de la réduplication partielle n’est pas applicable. Nous nous fonderons sur
les résultats tirés des sous-sections sur les médianes et les préinitiales non-ambiguës
pour proposer une analyse de ces syllabes.
En fin de section, nous ferons une synthèse de tous les groupes initiaux et nous
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étudierons en détail la distribution des phonèmes.
2.3.1
Les médianes
Dans la section sur la syllabe, nous avons défini la médiane comme la consonne qui
disparaît dans la première syllabe du couple de syllabes rédupliquées lors de la
réduplication partielle. Cette réduplication partielle peut être obtenue soit par réduplication
de la première syllabe d’un verbe conjugué à la troisième personne singulier du
non-passé (une forme où le verbe n’est pas préfixé), soit par la réduplication de la racine
du verbe, notamment dans des verbes onomatopéiques tels que kɯ-ɣɤɟɯ-ɟrɯɣ
« gargouiller ».
Cette définition a l’avantage d’être basée sur les données internes de la langue et
non sur des considérations typologiques, et d’être aisément testable, étant donné que la
réduplication partielle peut s’appliquer à tous les verbes de manière productive. Toutefois,
cette définition pose deux problèmes.
Premièrement, certaines combinaisons de consonnes peuvent se rédupliquer de
deux façons différentes : ainsi ɕlu « il va labourer » se réduplique soit comme ɕɯ-ɕlu (la
forme la plus courante), soit comme ɕlɯ-ɕlu. Dans ces cas, nous considérons que ce type
de syllabe est ambigu. Plusieurs structures syllabiques sont possibles pour la même
syllabe : dans /ɕlu/, /l/ peut être soit initiale, soit médiane.
Deuxièmement, certains groupes de consonnes ne sont pas attestés avec des
verbes et le test morphologique est donc impossible. C’est le cas de /lj-/ par exemple. Ce
type de cas sera traité dans une section séparée. Nous y montrerons qu’une partie de ces
groupes peuvent tout de même être analysés comme initiale et médiane, mais qu’il faut
pour cela tout d’abord étudier les propriétés des préinitiales avec des groupes initiaux
non-ambigus auxquels le test de la réduplication est applicable.
25
L’inventaire des consonnes en position médiane en japhug est très limité. Seuls les
phonèmes /w/, /l/, /r/, /j/ et /ɣ/ peuvent occuper cette position (ce sont les seules
consonnes susceptibles de disparaître dans la première syllabe d’un bisyllabe rédupliqué
par réduplication partielle). Dans ce chapitre nous donnons tous les cas non-ambigus de
groupes initiaux avec médiane, y compris ceux qui n’apparaissent qu’avec un certain type
de préinitiale (par exemple, le groupe pʰr- n’est attesté que précédé de la préinitiale m- :
mpʰr-15) et pour lesquels on ne trouve donc aucun exemple d’initiale simple.
Nos tableaux d’exemples incluent des paires minimales ou quasi-minimales avec des
formes sans médiane dans la mesure où l’on peut en trouver.
2.3.1.1
Le phonème /w/ en médiane
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On n’en trouve que deux cas de -w- médiane dans des racines susceptibles de se
soumettre au test de réduplication :
groupe
exemples
avec
signification
paire minimales :
signification
initial
médiane
lw-
kɤ-lwoʁ
asperger
kɤ-loʁ
sortir
rw-
kɤ-rwɤt
creuser
kɤ-rɤt
écrire
exemples sans médiane
Tableau 5 : Groupes avec -w- comme médiane non-ambiguë.
On trouve aussi les groupes jw-, χw-, kw-, kʰw-, [ɕ]qw-, zw-, pour lesquels aucun
exemple de racine verbale n’existe. Ils seront traités dans la sous section 2.3.3. On note
l’absence de groupes [labiales + /w/] dans la langue.
2.3.1.2
Le phonème /l/ en médiane
On trouve sept exemples de /l/ en médiane non-ambiguë :
signification
signification
exemples
initial
médiane
pl-
kɤ-plɯt
anéantir
mbl-
kɤ-mblɯt
être anéanti
kɤ-mbɯt
s’écrouler
ɕl-
kɤ-ɕlu
labourer
kɯ-ɣɤɕu
frais
15
avec
paires minimales :
groupe
exemples sans médiane
Il convient de noter que mpʰ- et mp- (nasale + sourde ou sourde aspirée) sont des groupes [préinitiale
+ initiale], tandis que mb- (nasale + voisée) est un phonème à lui tout seul.
26
ql-
kɤ-qlɯt
rompre, casser
qʰl-
kɤ-ɕqʰlɯt
sombrer
ɴɢl-
kɤ-ɴɢlɯt
être cassé
tɯ-pɯsqʰɯt
estomac
Tableau 6 : Groupes avec -l- comme médiane non-ambiguë.
Le groupe ɕl- peut s’analyser soit comme CM-, soit comme CC- : d’une part, le /l/
peut être soit initiale, soit médiane, et d’autre part, /ɕ/ peut être soit initiale soit préinitiale
(voir p. 40). Toutefois la forme rédupliquée ɕɯ-ɕlu est considérée comme la « plus
courante », ce qui indique que notre informatrice préfère analyser ce /l/ comme une
médiane.
On trouve six groupes pour lesquels le test de la réduplication n’est pas applicable :
tsl-, zl-, jl-, ŋgl-, gl- et ʁl- qui seront étudiés en 2.3.3. Quasiment tous les lieux
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
d’articulations sont compatibles avec /l/ en japhug : seules les rétroflexes, les
alvéolo-palatales et les palatales autres que j- ne peuvent pas précéder ce phonème.
Enfin, on doit aussi prendre en compte les groupes βl-, sl-, rl- et ɣl- où /l/ est initiale et
non médiane même si β-, s-, r- et ɣ- sont des préinitiales possibles : ɣle du verbe kɤ-ɣle
« frotter » se réduplique ɣlɯ-ɣle et non *ɣɯ-ɣle, et rle « il va détacher (un noeud) » du
verbe kɤ-rla « détacher » se réduplique rlɯ-rle et non *rɯ-rle, βli du verbe kɤ-βli
« planter » se réduplique βlɯ-βli et non *wɯ-βli, et enfin sloʁ du verbe kɤ-sloʁ « fouir
(cochon ou sanglier) » donne slɯ-sloʁ et non *sɯ-sloʁ.
2.3.1.3
Le phonème /r/ en position médiane
Le phonème /r/ est le plus courant parmi les phonèmes consonantiques pouvant se
trouver en position médiane. On trouve dix-huit exemples de groupes présents dans des
verbes et pouvant donc être soumis au test de réduplication :
groupe
exemples
avec
signification
initial
médiane
pr-
kɤ-pri
déchirer
pʰr-
kɤ-sɤmpʰɯ-mpʰri
transmettre de
paire minimale :
signification
exemples sans
médiane
qapi
pierre blanche
génération en
génération
mbr-
kɤ-mbri
crier
kɤ-mbi
donner
tsr-
kɯ-tsri
salé
ɯ-tsi
moment
ndzr-
kɤ-ndzri
tordre
rɟandzi
bovidé noir avec
une tache blanche
sur la tête
27
sr-
kɤ-fsroŋ
protéger
zr-
kɯ-zri
long
ʑr-
kɯ-ʑru
grand et fort
chr-
kɯ-ɣɤchɯ-chrɯɣ faire du bruit en se
ʑu
yaourt
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cassant (objet dur)
ɟr-
kɯ-ɣɤɟɯ-ɟrɯɣ
gargouiller (ventre)
ɟɯɣ-ɟɯɣ
meuble (terre)
kr-
kɤ-kra
faire tomber
kaɣɯ
pendentif
kʰr-
kɤ-kʰra
bariolé
kʰa
maison
gr-
kɤ-zgroʁ
attacher
ŋgr-
kɤ-ŋgra
tomber
kɤ-ŋga
porter un habit
qr-
kɤ-qrɯ
casser
qʰr-
kɤ-qʰrɯt
gratter complètement
ɴɢr-
kɤ-ɴɢrɯ
se casser
Tableau 7 : Groupes avec -r- comme médiane non-ambiguë.
Le groupe sr- n’est attesté dans un verbe que dans kɤ-fsroŋ « protéger ». La
réduplication de ce verbe au non-passé peut s’effectuer de deux manières : soit
fsrɯ-fsroŋ, soit fsɯ-fsroŋ, ce qui montre que /r/ peut être analysé soit comme médiane,
soit comme initiale dans ce groupe.
On doit ajouter aux groupes présentés dans le Tableau 7 les groupes [z]br-, tɕr-, ɕr-,
ʁr- et jr-, pour lesquels nous n’avons pas d’exemples réduplicables et qui seront étudiés
en 2.3.3. Tous les lieux d’articulation sauf les rétroflexes sont compatibles avec /r/.
Dans les groupes βr- et ɣr-, /r/ est initiale : la forme βraʁ du verbe kɤ-βraʁ « attacher
à un poteau » se réduplique βrɯ-βraʁ et non *wɯ-βraʁ, et la forme ɣrum du verbe
ku-ɣrum « blanc » se réduplique ɣrɯ-ɣrum et non *ɣɯ-ɣrum.
2.3.1.4
Le phonème /j/ en position médiane
On compte huit exemples de groupes initiaux avec -j- pour lesquels on peut
démontrer que -j- est médiane et non initiale. Nous rappelons que le phonème /j/ a deux
allophones : [i] après les dorsales (palatales, vélaires, uvulaires) et après les fricatives
dentales /s/ et /ts/ et [j] partout ailleurs.
Un certain nombre de mots empruntés au tibétain avec les groupes initiaux khy- et
phy- dans cette langue correspondent au japhug kɕ- et pɕ-. On ne trouve pas d’exemples
de *kʰj- en japhug, et le seul exemple de pʰj- a une préinitiale s- (voir Tableau 8), si bien
qu’il n’y a aucune vraie paire minimale entre pʰj- et pɕ-.
Le groupe pɕ- apparaît dans plusieurs verbes, tels que kɤ-pɕɯs « essuyer »
(emprunté au passé phyis de ‘byid-pa « essuyer »). La forme au non-passé pɕɯs de ce
28
verbe se réduplique pɕɯ-pɕɯs, ce qui montre que dans ces groupes, /ɕ/ doit être
considéré comme initiale et /p/ comme une préinitiale selon nos critères. Voir un
complément de discussion sur ce groupe en 2.3.2.1.
groupe
exemples
initial
médiane
pj-
kɤ-pjɤl
avec
signification
paires minimales :
signification
exemples sans médiane
contourner
ɯ-pɤl
paume de la
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main
pʰj-
kɤ-spʰjaʁ
s’infiltrer
mbj-
kɯ-mbjom
rapide
zj-
kɤ-βzjos
étudier
rj-
kɤ-rju
parler
kɤ-ru
regarder
ki-
kɤ-kio
faire glisser
kowa
méthode
ŋgi-
kɤ-ŋgio
glisser
qi-
kɯ-qiaβ
amer
ta-qaβ
aiguille
Tableau 8 : Groupes avec -j- comme médiane non-ambiguë.
Pour le groupe rj-, on a comme seul exemple de verbe le mot kɤ-rju, mais celui-ci
étant un verbe contracte (voir le chapitre 7 p.418 sur ces verbes), sa forme au non-passé
arju ne permet pas de tester la réduplication. Heureusement, la forme gérondive
mɤ-sɤ-rɯ-rju « en cachette » (voir 8.1.4 p.446) donne un exemple de réduplication
partielle de cette même racine : rju Æ rɯ-rju et non *rjɯ-rju.
On doit ajouter les neuf groupes βj-, tʰj-, dj-, (χ)tsi-, (χ)si-, lj-, chi-, ɴɢi- et ʁj- pour
lesquels nous n’avons pas d’exemples réduplicables et qui seront étudiés en 2.3.3 p.53.
Tous les lieux d’articulation sauf les palato-alvéolaires et les rétroflexes sont compatibles
avec /j/.
Dans le groupe ɣj- /j/ est initiale. On ne peut pas tester ce groupe par un verbe au
non-passé, mais la forme ɯ-ju-sɤ-ɣjɯ-ɣjɤɣ « afin de le faire finir » du verbe kɤ-sɯɣjɤɣ
« faire finir » nous permet d’effectuer le teste de la réduplication. Comme /j/ est rédupliqué
dans la première syllabe, c’est une initiale selon nos critères. Si /j/ était une médiane, on
attendrait *ɯ-ju-sɤ-ɣɯ-ɣjɤɣ (voir également 8.1.4 p.446).
29
2.3.1.5
le phonème /ɣ/ en position médiane
On compte huit exemples de groupes initiaux avec -ɣ- pour lesquels on peut démontrer
par le test de la réduplication que -ɣ- est médiane et non initiale :
groupe
exemples
avec
signification
paire minimale :
signification
exemples sans
initial
médiane
pɣ-
kɤ-pɣaʁ
retourner
paʁ
cochon
pʰɣ-
kɤ-pʰɣo
fuir
phoroʁ
corvus
médiane
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
macrorhynchos
mbɣ-
kɤ-mbɣaʁ
être retourné
kɤ-mbaʁ
se casser
tɣ-
kɤ-tɣa
récolter
kɤ-ta
mettre
tsɣ-
kɤ-tsɣi
pourrir
ɯ-tsi
moment
tɕɣ-
kɤ-tɕɣaʁ
presser
kɤ-rɤtɕaʁ
fouler du pied
tɕʰɣ-
kɤ-ntɕʰɣaʁ
asperger
kɤ-ntɕhaʁ
rue
ɕɣ-
kɤ-ɕɣɤs
rendre un objet
tɯ-rnamɕɤs
âme
Tableau 9 : Groupes avec -ɣ- comme médiane non-ambiguë.
Le groupe ɕɣ- peut s’analyser de deux façons. Un verbe tel que kɤ-ɕɣɤs « rendre »
peut se rédupliquer soit comme ɕɣɯ-ɕɣɤs, soit comme ɕɯ-ɕɣɤs. On peut en conclure
que dans ce groupe /ɣ/ peut s’analyser aussi bien comme médiane que comme initiale.
Le groupe tʰɣ- est attesté avec verbe kɤ-ntʰɣar « rebondir », mais ce verbe étant
contracte, sa forme au non-passé est antʰɣar et la réduplication est impossible. On
compte donc 11 groupes initiaux en -ɣ- pour lesquels la réduplication n’est pas applicable :
βɣ-, tʰɣ-, ndɣ-, ndzɣ-, sɣ-, ndʑɣ-, ʑɣ-, ʂɣ-, rɣ-, cɣ-, cʰɣ-. Nous étudierons ces groupes en
2.3.3. /ɣ/ n’est pas possible après les vélaires et les uvulaires, alors que c’est le seul à
apparaître après une rétroflexe autre que /r/ dans le groupe ʂɣ-.
Dans les trois groupes jɣ-, lɣ- et zɣ-, /ɣ/ est initiale et non médiane. La réduplication
partielle radicale dans le verbe kɤ-nɤjɣɯjɣɤt « aller et revenir », où jɣɤt est rédupliqué en
jɣɯ-jɣɤt et non *jɯ-jɣɤt, permet de le montrer pour jɣ-. La forme zɣɯt du verbe kɤ-zɣɯt
« arriver » se réduplique zɣɯ-zɣɯt et non *zɯ-zɣɯt et la forme lɣe du verbe kɤ-lɣa
« creuser » donne lɣɯ-lɣe et non *lɯ-lɣe, ce qui démontre que dans lɣ- et zɣ-, /ɣ/ se
trouve en position initiale.
30
2.3.1.6
Conclusion
La réduplication nous donne un moyen puissant de distinguer médianes et initiales.
Nous avons vu que seuls cinq phonèmes consonantiques sont susceptibles de disparaître
dans le premier membre d’une réduplication partielle : il s’agit de /w/, /l/, /r/, /j/ et /ɣ/. Ces
phonèmes appartiennent à la classe des sonantes dans le Tableau 4, à l’exception de /ɣ/
qui y est classé comme une fricative sonore. Toutefois, du point du vue acoustique, il est
connu que les fricatives sonores telles que /ɣ/ ont des propriétés acoustiques de
sonantes : elles ont des formants sur un spectrogramme à bande large. Par ailleurs, nous
montrerons dans la section 4.3.4 p.327 que /ɣ/ vient pour une part du phonème /w/ en
proto-rgyalrong. Il ne serait donc pas absurde de considérer /ɣ/ dans le système
phonologique japhug comme une sonante vélaire.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
La réduplication n’est ambiguë que pour trois groupes : ɕl-, ɕɣ- et fsr-, où /l/, /ɣ/ et /r/
respectivement peuvent être à la fois initiales et médianes.
Malheureusement, il existe un grand nombre de groupes initiaux pour lesquels le test
de la réduplication n’est pas applicable : c’est le cas lorsqu’aucun verbe n’a une racine
élargie commençant par le groupe en question. Il n’est alors pas possible d’effectuer le
test en utilisant la forme du non-passé. Nous ne proposerons d’analyse pour ces groupes
qu’à la fin de la section 2.3.2, lorsque l’inventaire des préinitiales aura été établi.
Nous verrons aussi dans la section suivante que la méthode utilisée ici nous a fait
omettre une des consonnes pouvant jouer le rôle de médiane : le phonème /ʁ/. Celui-ci,
dans les deux verbes pour lesquels on peut effectuer le test de réduplication, kɤ-βʁa
« gagner » et kɤ-nɯrʁɯrʁa « grimper », se comporte comme une initiale. Toutefois, on
trouve un cas où /ʁ/ ne peut être considéré que comme une médiane, car il est précédé
d’une consonne qui ne sert jamais de préinitiale. La mise en évidence de ce problème ne
pourra être présentée que dans la conclusion de la section suivante 2.3.2.
2.3.2
Les préinitiales
Pour établir l’inventaire des consonnes pouvant se trouver en position préinitiale,
nous avons le choix entre trouver des mots dont la consonne la plus proche de la voyelle
ne fait pas partie des cinq consonnes susceptibles de se trouver en position médiane, soit
de prendre des verbes pour lesquels le test de réduplication est applicable. Cette
précaution est nécessaire pour ne pas confondre initiale et préinitiale.
Nous avons fait usage de ces deux types d’exemples pour distinguer 17 préinitiales
différentes : /p/, /w/ (sous ses allophones f- et β-), /s/ et /z/, /ɕ/ et /ʑ/, /ʂ/, /l/, /r/, /j/, /k/, /x/ et
/ɣ/, /χ/ et /ʁ/ et les nasales /m/, /n/. Le voisement des fricatives en position préinitiale,
31
comme nous le verrons, n’est distinctif que dans un cas (voir 2.3.2.2), c’est pourquoi les
fricatives préinitiales seront traitées par couple sourde/sonore. Chacune de ces
préinitiales fera l’objet d’une sous-section où nous présenterons l’ensemble des groupes
non-ambigus possibles où elle peut apparaître. Nous noterons l’archiphonème en écrivant
les deux phonèmes sourds et sonores l’un à la suite de l’autre séparé d’un tilde : /s/ ~ /z/,
/ɕ/ ~ /ʑ/ etc. Nous présenterons dans chaque sous-section un tableau d’exemples de
mots dans la langue pour illustrer chacun des groupes, puis nous présenterons un autre
tableau où la distribution de la préinitiale (incluant les groupes possibles et ceux non
attestés) sera résumée. Le lecteur est invité à lire attentivement la première sous-section
sur les phonèmes /p/ et /w/ pour une explication des conventions utilisées dans chaque
tableau.
On trouve par ailleurs trois phonèmes susceptibles de se trouver en antépréinitiale :
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
/w/, /m/ et /j/. Le cas de /m/ préinitial dans le groupe mpɕ- sera traité dans la sous-section
2.3.2.1.
En 2.3.2.9.2, nous synthétiserons les propriétés des groupes de consonnes à initiales,
pour justifier entre autre notre analyse des prénasalisées comme des phonèmes uniques
et non comme des groupes de consonnes.
Dans la section suivante 2.3.3, nous montrerons que le phonème /ʁ/ doit au moins
dans un cas être considéré comme une médiane. Pour cette raison, nous ne traiterons
pas dans cette section de groupes à consonne suivie de /ʁ/.
2.3.2.1
Les phonèmes /p/ et /w/ en position préinitiale.
Le phonème /w/ a deux allophones en position préinitiale : [f] et [β]. C’est l’un des
seuls phonèmes qui peut se trouver en position d’antépréinitiale. /w/ peut servir de
préinitiale devant 14 consonnes (sans compter les cinq consonnes /l/, /r/, /j/, /ɣ/ et /ʁ/ qui
sont susceptibles d’être médianes) :
groupe
exemples
initial
signification
des
paire minimale :
signification
exemples
exemples sans préinitiale
kɤ-taʁ
tisser
tsaʁ
au moins
ft-
ɯ-ftaʁ
signe
fts-
tɯ-ftsaʁ
eau
qui
plafond
coule
du
dans
la
maison lorsqu’il pleut
ftsʰ-
kɯ-ftsʰi
bénigne (maladie)
kɤ-tsʰi
boire
ftɕ-
kɤ-ftɕɤs
castrer
tɤ-tɕɤs
trace de pied
ftɕʰ-
kɤ-ftɕʰur
verser complètement
32
ftʂ-
kɤ-ftʂi
faire fondre
fs-
kɯ-fse
pareil
fɕ-
kɤ-fɕaʁ
réparer une faute
kɯ-ɣɤɕaʁɕaʁ
très amer
fk-
kɤ-fka
être rassasié
mɲika
humiliation
βd-
kɯ-βdi
beau
ɯ-di
odeur
βʑ-
kɤ-βʑoʁ
éplucher
βz-
kɤ-βzu
faire
βʑɤzu
seau pour traire
les vaches
βɟ-
kɯ-βɟi
ancien
βg-
kɤ-βgos
préparer
ɟiga
chemin tortueux
Tableau 10 : Groupes de consonnes avec /w/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où
l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane)
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
On remarque les trous suivants dans la distribution de /w/ par rapport aux
initiales (nous indiquons à chaque fois entre parenthèses des exemples de groupes
d’initiales non attestées) : tout d’abord, il n’apparaît jamais devant les labiales (*fp-, *βb),
ni devant les prénasalisées ou les nasales (*βnd-, *βŋg-, *βŋ-).
Ensuite, pour certains groupes, /w/ n’est attesté qu’avec un ou deux des modes de
voisement (sourd, sonore, aspiré), comme on peut l’observer dans le Tableau 11. Ainsi
les groupes *ftʰ-, *βdz-, *βdʑ-, *ftʂʰ-, *βdʐ-, *fc-, *fcʰ- et *fkʰ- ne sont pas attestés. Ces
trous dans la distribution sont probablement dus à l’absence d’exemples plutôt qu’à une
contrainte phonologique. Nous présenterons un tel tableau pour chaque préinitiale.
Les groupes attestés par un seul exemple dans la langue sont indiqués entre
parenthèses. Les groupes non attestés sont marqués en grisé. Pour rendre la
présentation plus aisée, nous représentons les affriquées dentales comme un « lieu
d’articulation » différent et nous incluons les affriquées dans la même colonne que les
occlusives. Les cases vides indiquent celles qui ne pourraient pas être remplies parce que
l’initiale en question n’existe pas. Par exemple, dans le Tableau 11, comme [ʐ] n’est pas
un phonème indépendant en japhug, l’intersection de la ligne « rétroflexe » avec la
colonne « fricative » est marquée en noir. En revanche, comme /ʂ/ est un phonème
indépendant, nous marquons la case d’à côté en grisé pour indiquer que le groupe *fʂn’existe pas.
Enfin, les groupes suivis d’un astérisque * ont comme deuxième membre /ɣ/ ou /ʁ/,
phonèmes qui sont susceptibles de servir de médianes. Ces groupes seront étudiés plus
en détail en 2.3.3.
33
occlusive
occlusive
occlusive
fricative
fricative
sourde
aspirée
sonore
sourde
sonore
βd-
fs-
βz-
fɕ-
βʑ-
occlusives dentales
ft-
affriquées dentales
fts-
(ftsʰ-)
alvéolo-palatales
ftɕ-
(ftɕʰ-)
rétroflexes
(ftʂ-)
palatales
βɟ-
vélaires
fk-
(βg-)
uvulaires
βɣ-*
βʁ-*
Tableau 11 : Distribution de /w/ devant les occlusives et les fricatives.
Le phonème /w/ est également un des rares phonèmes qui puisse se trouver en
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
position antépréinitiale. Dans ces cas, qui sont tous des emprunts au tibétain, la préinitiale
est toujours /r/ ou /s/ ~ /z/.16
Par ailleurs, bien qu’en tibétain on trouve des groupes de quatre consonnes, en
japhug on n’en trouve jamais plus de trois : le verbe kɤ-zgrɯβ « accomplir jusqu’au bout »,
emprunt de sgrub-pa « accomplir » par exemple n’a pas l’antépréinitiale /w/. Pourtant, la
forme passé de ce sgrub-pa en tibétain est bsgrubs, ce qui aurait dû donner *βzgrɯβ en
japhug. On ne peut pas savoir si de telles formes seraient possibles en japhug. Le verbe
kɤ-βzɟɯr « changer » semble refléter les quatre consonnes initiales de la forme bsgyur,
passé de sgyur-ba « changer », mais le mot japhug n’a en fait que trois consonnes,
puisque le groupe -gy- du tibétain a été interprété comme le phonème unique /ɟ/.
japhug
sens en japhug
tibétain
sens en tibétain
kɯ-frtɤn
fiable
brtan-po
stable, fiable
kɤ-fstɯn
servir
bstun
passé ou futur de stun-pa « suivre, se
conduire selon »
kɤ-fsroŋ
protéger17
bsrungs
passé de srung-ba « protéger »
kɤ-fskɤr
contourner
bskor
passé ou futur de skor-ba « faire
tourner, entourer, voyager »
kɤ-βzdɯ
16
ramasser
bsdu
futur de sdu-ba « ramasser »
On aurait théoriquement pu trouver des exemples avec une préinitiale /l/ aussi si par exemple une
forme telle que bltas, passé de lta-ba « voir » avait été empruntée. Toutefois, nous n’avons pu jusqu’ici
trouver aucun cas de ce type.
17
Comme nous le montrerons en 2.3.1.3, le /r/ de kɤ-fsroŋ peut s’analyser soit comme l’initiale, soit
comme la médiane, ce qui fait que f- n’est pas nécessairement une antépréinitiale ici.
34
kɤ-βzɟɯr
changer
bsgyur
passé
ou
de
sgyur-ba
forme
*sgor-ba
futur
« changer »
kɤ-βzgɤr
(1)
(1)
faire retarder
*bsgor
non-attestée
(2)
(2)
‘gor-ba « être en retard »
envahir
*bsgar
(1)
(2)
passé
d’une
apparentée
à
18
passé d’une forme *sgar-ba non
attestée signifiant « planter son
camps »
Tableau 12 : Mots ayant l’antépréinitiale /w/ en japhug et leurs équivalents en tibétain.
Le phonème /p/, à la différence de /w/, a une distribution très limitée. On ne le trouve
que devant l’initiale /ɕ/ (voir 2.3.1.4 pour une confirmation que /ɕ/ est bien ici une initiale et
ne peut en aucun cas être considérée comme une médiane). Quelques paires minimales
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
existent entre /p/ et /w/ en préinitiale : kɤ-fɕi « forger » :: ɯ-pɕi « dehors ».
On trouve aussi un groupe mpɕ- dans quelques mots :
kɯ-mpɕɤr
« beau »
kɯ-mpɕu
« lisse »
tɯ-mpɕar
« une feuille (classifieur) »
kɤ-mpɕa
« reprocher »
mpɕimɤr
« fête »
Comment analyser le groupe mpɕ- ? Dans les cinq mots ci-dessus, seulement deux
peuvent être comparés à des mots d’autres langues.
Le premier, kɤ-mpɕa est un emprunt au tibétain ‘phya-ba « reprocher ». Le second,
kɯ-mpɕɤr correspond au Somang kə-mɕôr « beau », est un mot apparenté au tibétain
mchor-po « beau ». La forme du Somang suggère que le tibétain viendrait d’une forme
*m-syor19. La forme du japhug, quant à elle provient aussi d’un *mɕɤr, avec un [p]
épenthétique automatique sans valeur phonologique. Notons que le groupe *mɕ- n’existe
pas en japhug. Après le changement phonétique *mɕ- Æ mpɕ- en japhug, l’opposition
entre les groupes venant de *mɕ- et ceux venant de *mpʰj- a été perdue. Dans ces mots,
nous considérons /m/ comme antépréinitiale et /p/ comme préinitiale20.
La seule autre occlusive pouvant apparaître comme préinitiale (elle aussi devant /ɕ/)
est /k/, qui quant à elle s’oppose à /x/ dans cette position (voir p. 45).
18
L’étymologie de ce verbe japhug sera détaillée dans le chapitre sur la stratification des emprunts
tibétains, à la section des groupes de consonnes.
19
On sait que les fricatives précédées de nasales en tibétain deviennent automatiquement affriquées :
‘chags-pa « se repentir », passé bshags : ‘chags < *N-sraks, bshags < *p-sraks
20
Il faut noter que dans le système du proto-japhug, les mpɕ- venaient de groupes à une seule
préinitiale : *mɕ- et *mpʰj-.
35
2.3.2.2
Les fricatives /s/ et /z/ en position préinitiale.
/s/ et /z/ sont les seuls phonèmes pouvant être placés en préinitiale pour lesquels la
distinction de voisement est pertinente dans certains cas. Devant les occlusives sourdes
et aspirées, on ne peut placer que /s/, et devant voisées et prénasalisées, seul /z/ est
acceptable : dans ces contextes, /s/ et /z/ ne sont pas distinctifs. Toutefois, devant les
nasales /m/ et /n/, ainsi que devant la sonante non-nasale /ɣ/, on trouve s- lorsque la
préinitiale fait partie de la racine, et z- lorsqu’il s’agit d’un préfixe. Cette opposition n’est
pas partagée par tous les dialectes japhug : le parler de smɯlju ne la fait pas.
/s/ ~ /z/ peuvent servir de préinitiales devant 22 consonnes (sans compter les six
consonnes /w/, /l/, /r/, /j/, /ɣ/ et /ʁ/ qui sont susceptibles d’être médianes) :
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
groupe initial
exemples
signification des
paire minimale :
exemples
exemples sans
kɤ-pa
fermer
signification
préinitiale
sp-
kɤ-spa
pouvoir
spʰ-
kɤ-spʰjaʁ
s’infiltrer (eau)
zb-
kɯ-zbaʁ
sec
zmb-
kɤ-sɤzmbrɯ
être énervé contre
tɤ-mbrɯ
colère
sm-
kɤ-nɤsma
admirer
kɤ-nɤma
travailler
zm-
kɤ-zmɯnmu
faire bouger
kɤ-mɯnmu
bouger
st-
kʰa-sta
fondations (maison)
kɤ-ta
poser
stʰ-
kɤ-mɯstʰaβ
être l’un à côté de l’autre
(morceaux)
zd-
tɯ-zda
compagnon
kɤ-nɯkhada
convaincre
znd-
znde
mur en pierre
jinde
maintenant
sn-
kɯ-sna
utilisable, digne
kɤ-nɯna
se reposer
zn-
kɤ-znɤja
chérir
kɤ-nɤja
être dommage
sc-
scaʁa
pie
ca
cerf
scʰ-
kɤ-scʰɤt
se retirer (eau)
zɟ-
zɟi
sac en poil de yak
ɟiga
chemin tortueux
zɲɟ-
tɤ-zɲɟoʁ
branche
kɤ-ɲɟoʁ
coller
flexible
pour
frapper les animaux
sɲ-
tɤ-sɲa
tresse
ɲaɲa
agneau
sk-
kɤ-sko
fumer
kowa
méthode
skʰ-
rɟɤskʰi
vannerie
tɯ-kʰi
chance
zg-
tɕazga
gingembre
36
zŋg-
kɤ-khɤzŋga
crier
kɤ-ŋga
s’habiller
sŋ-
kɤ-sŋa
revivre
kɤ-ŋa
devoir de l’argent
sq-
kɤ-sqa
cuire
ɯ-qa
patte
sqʰ-
tɯ-sqʰɤj
soeur
Tableau 13 : Groupes de consonnes avec /s/ ou /z/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas
où l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane).
On remarque qu’à la différence de /w/, dont la distribution devant les occlusives était
défective, /s/ ~ /z/ peuvent apparaître devant toutes les occlusives orales et nasales sauf
/ɴɢ/, mais devant aucune affriquée ou fricative. Certaines combinaisons, comme spʰ-,
zmb-, scʰ-, zŋg-, ne sont attestées que par un seul exemple.
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/s/ ~ /z/
sourde
aspirée
sonore
pré-nas.
nasale
labiales
sp-
(spʰ-)
zb-
(zmb-)
sm- // zm-
occlusives dentales
st-
stʰ-
zd-
(znd-)
sn-
palatales
sc-
scʰ-
zɟ-
(zɲɟ-)
sɲ-
vélaires
sk-
skʰ-
zg-
zŋg-
sŋ-
uvulaires
sq-
sqʰ-
// zn-
Tableau 14 : Distribution de /s/ ~ /z/ devant les occlusives.
Les groupes faisant intervenir plusieurs fricatives sourdes, tels que *sɕ-, *sʂ-,
*sx-,*sχ- ne sont pas attestés. Le groupe zɣ- a été discuté en 2.3.1.5. En 2.3.3, nous
présenterons une analyse de ce groupe, ainsi que de sɣ- et zʁ-.
2.3.2.3
La sonante /l/ en position préinitiale.
La distribution du phonème /l/ en préinitiale est plus restreinte. Il n’apparaît que
devant 10 phonèmes différents (sans compter les cinq consonnes /w/, /r/, /j/, /ɣ/ et /ʁ/ qui
sont susceptibles d’être médianes), et les exemples en sont peu nombreux :
groupe initial
exemples
signification
paire minimale :
des exemples
exemples sans préinitiale
lp-
tɯ-lpɤɣ
plage
ltʰ-
ltʰɯ-ltʰɯɣ
riche et meuble
(terre)
ld-
ldɯɣi
thɯɣ
signification
bouc / taureau
non castré
bharal
(un bovidé)
ln-
kɤ-lni
flétrir à cause de
la chaleur
37
ldz-
ldzɣɤm
paille
ltɕ-
kɤ-znɤltɕɤm
partager les biens
ltɕʰ-
ltɕʰɯɣ-ltɕʰɯɣ
trempé
ldʑ-
tɯ-ldʑa
brin
lcʰ-
tɯ-lcʰɯɣ
mesure
tɕɤmlaŋ
gobelet
(partie
d’un récipient ou
d’un sac)
lxɤβ-lxɤβ
lx-
épais
et
peu
pratiques (habits)
lŋ- ??
kɤ-nɯndzɯlŋɯs somnoler
Tableau 15 : Groupes de consonnes avec /l/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où
l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane)
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Les combinaisons lp-, ln-, ldz-, lcʰ- et lŋ- n’apparaissent que dans les exemples
fournis dans le tableau. Il n’est pas certain que kɤ-nɯndzɯlŋɯs soit un exemple fiable du
groupe lŋ- : nous n’avons pas de raison pour syllabifier ce mot comme kɤ-nɯndzɯ-lŋɯs
plutôt que comme kɤ-nɯndzɯl-ŋɯs.
Comme on peut le constater dans le Tableau 16, /l/ ne se place jamais devant les
uvulaires et les rétroflexes, ni devant les prénasalisées. Les groupes *lpʰ-, *lb-, *lm-, *lt-,
*lts-, *ls-, *lz-, *ltsʰ-, *lɕ-, *lʑ-, *lc-, *lɟ-, *lɲ-, *lk-, *lkʰ-, *lg- ne sont pas attestés. On
remarque d’une part que la seule fricative devant laquelle /l/ peut se trouver est /x/, et
d’autre part que les groupes avec labiales, palatales ou vélaires (phonèmes
acoustiquement graves) sont moins courants en variété et en fréquence dans la langue
que ceux faisant intervenir des apicales / laminales (phonèmes aigus).
bilabiales
occlusive
occlusive
occlusive
sourde
aspirée
sonore
ltʰ-
ld-
nasale
fricative
fricative
sourde
sonore
lx-
lɣ-*
(lp-)
occlusives
(ln-)
dentales
affriquées
(ldz-)
dentales
alvéolo-palatales
palatales
vélaires
ltɕ-
ltɕʰ-
ldʑ-
(lcʰ-)
(lŋ-)
uvulaires
lʁ-*
Tableau 16 : Distribution de /l/ devant les occlusives et les fricatives.
38
2.3.2.4
Les fricatives /ɕ/ ~ /ʑ/ en position préinitiale.
Les phonèmes /ɕ/ et /ʑ/ perdent leur distinctivité en position préinitiale. /ɕ/ est placé
avant les sourdes, les aspirées et les nasales, tandis que /ʑ/ se trouve avant les sonores
et les prénasalisées. /ɕ/ ~ /ʑ/ peuvent servir de préinitiales devant 16 consonnes (sans
compter les six consonnes /w/, /l/, /r/, /j/, /ɣ/ et /ʁ/ qui sont susceptibles d’être médianes) :
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groupe initial
exemples
signification des
paire minimale :
exemples
exemples sans préinitiale
kɤ-pa
fermer
signification
ɕp-
qaɕpa
grenouille
ɕpʰ-
kɤ-ɕpʰɤt
réparer
ʑmb-
ʑmbar
ulcère
tɯ-mbar
ventre de bovidé
ɕm-
kɯ-ɕmar
céréales
mar
beurre
ɕt-
kɯ-mɯɕtaʁ
froid
taʁ
haut
ɕtʰ-
kɤ-ɕtʰɯs
tourner vers
ɕn-
tɯ-ɕna
nez
kɤ-nɯna
s’arrêter
ɕtʂ-
kɤ-ɕtʂat
économiser
ɕɲ-
ɕɲoʁ-ɕɲoʁ
belle et svelte
ɕk-
ɕkala
boîteux
kaɣɯ
pendentif
ɕkʰ-
kɤ-ɕkʰo
faire sécher
kɤ-kʰo
donner
ʑg-
ʑgaʁ
tout juste
ʑŋg-
kɤ-ʑŋga
habiller qqun
kɤ-ŋga
s’habiller
ɕŋ-
ɕŋaʁ-ɕŋaʁ
jaune vif
ɕq-
kɤ-nɤɕqa
supporter
ɯ-qa
patte
ɕqʰ-
ɕqʰaloʁ
bâton pour caler la
kɤ-qʰa
détester
kɯ-ɴɢu
relâché
porte
ʑɴɢ-
kɤ-ʑɴɢu
éplucher
Tableau 17 : Groupes de consonnes avec /ɕ/ ou /ʑ/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas
où l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane)
La distribution de /ɕ/ ~ /ʑ/ est plus restreinte que celle de /s/ ~ /z/ en préinitiale. On
peut résumer la distribution de ces préinitiales devant les occlusives par le tableau
suivant :
39
/ɕ/ ~ /ʑ/
sourde
aspirée
labiales
ɕp-
ɕpʰ-
occlusives dentales
ɕt-
ɕtʰ-
rétroflexes
ɕtʂ-
sonore
pré-nas.
nasale
ʑmb-
ɕmɕn-
palatale
ɕɲ-
vélaires
ɕk-
ɕkʰ-
uvulaires
ɕq-
ɕqʰ-
ʑg-
ʑŋg-
ɕŋ-
ʑɴɢ-
Tableau 18 : Distribution de /ɕ/ ~ /ʑ/ devant les occlusives.
A la différence de /s/ ~ /z/, les préinitiales /ɕ/ ~ /ʑ/ n’apparaissent pas devant les
palatales sauf la nasale et devant les phonèmes /b/, /d/ et /nd/. En revanche, ils peuvent
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se trouver devant /tʂ/ et /ɴɢ/.
On a déjà vu que les préinitiales /s/ ~ /z/ ne se trouvaient jamais devant les fricatives
sourdes. C’est aussi le cas des alvéolo-palatales : *ɕs-, *ɕʂ-, *ɕx-, *ɕχ- ne sont pas
attestés. Le groupe ɕɣ- a déjà été vu en 2.3.1.5. Le cas de ce groupe, ainsi que celui de
ʑɣ- et de ɕʁ-, sera discuté en 2.3.3.
2.3.2.5
Les phonèmes /r/ et /ʂ/ en position préinitiale
Dans le système des consonnes préinitiales, [ʂ] peut être considéré comme la
variante sourde de /r/. C’est en effet de cette manière que /r/ est prononcé devant les
occlusives sourdes et aspirées. Dans tous ces cas, nous noterons dans notre
orthographe invariablement <r>. Toutefois, devant une initiale, /ŋ/, le phonème /ʂ/ est
distinctif par rapport à /r/ et à d’autres phonèmes tels que /s/ ou /ɕ/.
/r/ peut servir de préinitiale devant 32 consonnes, et /ʂ/ devant deux consonnes (sans
compter les cinq consonnes /w/, /l/, /j/, /ɣ/ et /ʁ/ qui sont susceptibles d’être médianes) :
groupe
exemples
initial
signification des
paire minimale :
exemples
exemples sans
signification
préinitiale
rp-
tɯ-rpa
hache
kɤ-pa
fermer
rpʰ-
kɯ-ɣɤrpʰɯrpʰɤβ
faire du bruit en battant
ɯ-phɤβ
ferment de vin
des ailes
rmb-
kɤ-rmbat
proche
kɯ-mbat
léger (travail)
rm-
kɤ-rɤrma
habiter
kɤ-rɤma
travailler
rt-
rtalu
année du cheval
kɤ-ta
mettre
rd-
tɯ-rdoʁ
morceau
rnd-
tɯ-rnda
étage en bois
40
rn-
tɯ-rna
oreille
kɤ-nɯna
se reposer
rts-
rtsawa
importance
tsa
un peu
rtsʰ-
qartsʰi
cigale
kɤ-tsʰI
boire
rdz-
rdza-rdza
qui n’accepte pas les
critiques
rs-
rsɯβ-nɤ-rsɯβ
bruit de feuilles mortes
rz-
rzɯ-rzi
frais (temps)
rtɕ-
kɤ-nɯrtɕa
taquiner
kɤ-ɣɤtɕa
avoir tort
rtɕʰ-
rtɕʰɯ-ʁjɯ
chenille
kɤ-tɕʰɯ
attaquer
avec
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ses cornes
rndʑ-
tɕhi-rndʑi
sable
qandʑi
étain
rɕ-
rɕɯ-rɕɯβ
avoir la peau qui pèle
rʑ-
kɯ-rʑi
lourd
rc-
kɯ-rcat
huit
rcʰ-
rcʰɯɣ-rcʰɯɣ
deux
kɤ-sɯɲɟaʁskɯs
s’étendre
porte
ko
membres
personnes
en
même temps lorsque ce
n’est pas nécessaire
rɟ-
rɟama
balance
rɲɟ-
rɲɟaʁlo
bâton
pour
caler
la
les
rɲ-
kɤ-rɲo
faire l’expérience
kɯ-ɲo
déjà préparé
rk-
tɤ-rka
mule
kaɣɯ
pendentif
rkʰ-
tɤ-rkʰom
partie dure des plumes
rg-
rgali
génisse
rŋg-
kɤ-rŋgɯ
dormir
ɯ-ŋgɯ
intérieur
rŋ-
rŋapa
cinquième mois
kɤ-ŋa
devoir de l’argent
ʂŋ-
kɤ-ʂŋaʁ
se faire une entorse
rq-
tɯ-rqo
gorge
rqʰ-
kɤ-rqʰi
lointain
kɯ-qʰi
difficile à dompter
rɴɢ-
kɤ-rɴɢlɯm
concave
ʂχ-
kɤ-sɤʂχɯ-ʂχɯβ
siroter
Tableau 19 : Groupes de consonnes avec /r/ ~ /ʂ/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où
l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane)
Les groupes rpʰ-, rs-, ʂχ- et rɴɢ- ne sont attestés que par les exemples donnés dans
le Tableau 19. On note l’absence des groupes *rb-, *rtʰ-, *rndz-, *rdʑ-, et *rx-. r- n’est pas
compatible avec les affriquées rétroflexes.
41
/r/
sourde
aspirée
sonore
labiales
rp-
(rpʰ-)
dentales
rt-
dentales
rts-
rtsʰ-
alvéolo-palatales
rtɕ-
rtɕʰ-
palatales
rc-
rcʰ-
rɟ-
rɲɟ-
rɲ-
vélaires
rk-
rkʰ-
rg-
rŋg-
rŋ-
uvulaires
rq-
rqʰ-
rd-
pré-nasalisée
nasale
rmb-
rm-
rnd-
rn-
fricative sonore
fricative sourde
(rs-)
rz-
rɕ-
rʑ-
rdz-
affriquées
rndʑ-
(rɴɢ-)
rɣ-*
(ʂχ-)
rʁ-*
Tableau 20 : Distribution de /r/ ~ /ʂ/ devant occlusives et fricatives.
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/ʂ/ ne s’oppose à /r/ que dans un seul exemple devant les phonèmes /ŋ/ et /ɣ/. On
trouve les paires minimales ou quasi-minimales suivantes en préinitiale devant /ŋ/ :
(24)
/ʂ/ :: /r/ :: /ɕ/ :: /s/
kɤ-ʂŋaʁ
« se faire une entorse »
rŋa-pa
« le cinquième mois »
ɕŋaʁ-ɕŋaʁ
« jaune vif »
sŋaʁ
« sorcellerie »
Devant /ɣ/, dans le seul exemple ʂɣɤl-ʂɣɤl « transparent et brillant comme la rosée du
matin », /ʂ/ ne présente pas de paire minimale avec /r/, même si le groupe rɣ- existe aussi.
Ces groupes seront discutés dans la section 2.3.3.
2.3.2.6
Le phonème /j/ en position préinitiale
Le phonème /j/ fait partie avec /w/ et /m/ des rares phonèmes pouvant occuper non
seulement la position préinitiale mais aussi la position antépréinitiale. /j/ peut servir de
préinitiale devant 15 consonnes (sans compter les cinq consonnes /w/, /l/, /r/, /ɣ/ et /ʁ/ qui
sont susceptibles d’être médianes) :
groupe initial
exemples
signification des
paire minimale :
exemples
exemples
kɤ-pa
fermer
signification
sans
préinitiale
jp-
tɤ-jpa
glace
jpʰ-
kɤ-mɯjpʰɤt
vomir
jmb-
kɯ-nɤjmbɣom
avoir le vertige
kɯ-mbɣom
pressé
jm-
tɤ-jme
queue
kɯ-me
ne pas y avoir
jt-
kɤ-jtɯ
accumuler
42
qɤjdo
jd-
corbeau
kɯ-do
fibreux
(Corvus corone)
jnd-
kɯ-sɤjndɤt
sage (enfant)
aʁɤndɯndɤt
partout
jn-
tɯ-jno
légume
kɤ-no
chasser
jts-
tɤ-jtsi
pilier
ɯ-tsi
moment
jtsʰ-
kɤ-jtsʰi
faire boire
kɤ-tsʰi
boire
jtʂʰ-
qɤjtʂʰa
vautour
tʂʰa
thé
kaɣɯ
pendentif
kɯ-ŋu
être
(Aegyptius monachus)
jndʐ-
kɤ-jndʐɯɣ
ruminer
jk-
kɯjka
Corbeau
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(Pyrrhocorax Pyrrhocorax)
jŋ-
kɯ-jŋu
serment
jχ-
kɤ-jχoʁ
avoir le ventre creux
Tableau 21 : Groupes de consonnes avec /j/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où
l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane)
Parmi les groupes dans le tableau ci-dessus, jpʰ-, jmb-, jtʂʰ- et jχ- ne sont attestés
que par un exemple unique. On remarque l’absence de *jb-, *jtʰ-, *jdz-, *jndz-, *jtʂ-, *jdʐ,
*jkʰ-, *jg- et *jŋg-. Par ailleurs, /j/ ne se place jamais en préinitiale devant les
alvéolo-palatales et les palatales. Les seuls exemples de /j/ devant uvulaires sont les
groupes jχ- et jʁ-. Ils constituent également, avec jɣ- qui a déjà été étudié en 2.3.1.5, le
seul cas où /j/ peut se placer devant une fricative. Nous reparlerons de ces groupes en
2.3.3.
occlusives
occlusives
occlusives
occlusives
sourdes
aspirées
sonores
prénas.
bilabiales
jp-
(jpʰ-)
occlusives
jt-
(jd-)
nasale
(jmb-)
jm-
jnd-
jn-
fricatives
fricatives
sourdes
sonores
dentales
affriquées
jts-
jtsʰ-
dentales
rétroflexes
vélaires
(jtʂʰ-)
jndʐ-
jk-
uvulaires
jŋ-
jɣ-*
(jχ-)
jʁ-*
Tableau 22 : Distribution de /j/ devant les occlusives.
On ne trouve qu’un exemple de /j/ en position préinitiale, la racine /jmŋo/ attestée
dans tɯ-jmŋo « rêve », kɤ-ɣɤ-jmŋo « rêver » et kɤ-nɯ-jmŋo « être l’objet du rêve de
quelqu’un ». La réduplication de ce mot montre sans ambiguïté que /ŋ/ est initiale, ce qui
43
fait que /m/ est préinitiale et /j/ antépréinitiale selon notre terminologie. Cette structure
inhabituelle peut s’expliquer historiquement : comme nous le montrerons dans les
sections 4.3.2.1 p.279. et 4.2.2.1 p.230, le japhug /jmŋo/ vient d’une forme proto-japhug
*lmaˠŋ. Le phonème /m/ est à l’origine l’initiale, et l’insertion du /ŋ/ en japhug est dû à la
rime vélarisée du proto-rgyalrong21.
2.3.2.7
Les phonèmes /k/ et /x/ ~ /ɣ/ en position préinitiale.
/x/ et /ɣ/ sont en distribution complémentaire lorsqu’il se trouvent en préinitiale. /x/ ~
/ɣ/ peuvent servir de préinitiale devant 24 consonnes (sans compter les cinq consonnes
/w/, /l/, /r/, /j/ et /ʁ/ qui sont susceptibles d’être médianes) :
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groupe initial
exemples
signification des
paire minimale :
exemples
exemples sans
signification
préinitiale
xp-
tɯ-xpa
année
kɤ-pa
fermer
ɣmb-
tɯ-ɣmba
joue
kɯ-mba
fin
ɣm-
tɯ-ɣmas
blessure
xt-
tɯ-xtu
ventre
kɯ-tu
y avoir
xtʰ-
kɤ-xtʰom
poser verticalement
ɣd-
ɣdɤso
ver blanc
ɣnd-
kɤ-ɣnda
frapper
ɣn-
ɣni
renard volant
mani
mantra « mani »
xts-
tɯ-xtsa
chaussure
tsa
un peu
xtsʰ-
kɯ-xtsʰɯm
fin
tsʰɯmɕtʂat
capacité
à
économiser
xs-
xsar
Naemorhedus goral
ɣz-
ɣzɯ
singe
xtɕ-
kɯ-xtɕi
petit
xtɕʰ-
kɤ-xtɕʰɯt
pouvoir contenir
ɣndʑ-
tɯ-ɣndʑɤr
poudre
xɕ-
xɕɤj
herbe
ɣʑ-
ɣʑo
abeille
xtʂ-
kɤ-nɤxtʂɯn
ɣndʐ-
núɣndʐa
21
tɕi
un peu
remercier
tʂɯnlɤn
bienfait
pour cette raison
tɕʰindʐa
pourquoi
L’idée de l’existence de rimes vélarisées en proto-rgyalrong vient de Jackson T.-S. Sun, voir aussi la
note 61 p.221.
44
ɣr-
ku-ɣrum
blanc
xc-
kɯ-xcat
nombreux
xcʰ-
tɤlɤxcʰi
lait frais
ɣɟ-
kɤ-ɣɟaβ
battre (le lait)
ɣɲɟ-
kʰɯɣɲɟɯ
fenêtre
kɯ-cʰi
sucré
Tableau 23 : Groupes de consonnes avec /ɣ/ comme préinitiale (n’incluant pas les cas où
l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane).
Parmi les groupes ci-dessus, xtʰ-, ɣndʐ-, xcʰ- et ɣɲɟ- ne sont attestés que par
l’exemple du tableau. On note l’absence de *xpʰ-, *ɣb-, *ɣdz-, *ɣndz-, *ɣndʑ-, *xtʂʰ-,*ɣdʐ-,
et *xʂ-. /x/ ~ /ɣ/ ne se placent jamais devant les vélaires et les uvulaires.
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/x/ ~ /ɣ/
sourde
aspirée
labiales
xp-
dentales
xt-
(xtʰ-)
dentales
xts
xtsʰ-
alvéolo-palatales
xtɕ-
xtɕʰ-
rétroflexes
xtʂ-
palatales
xc-
sonore
ɣd-
pré-nasalisée
nasale
ɣmb-
ɣm-
ɣnd-
ɣn-
fricative sonore
fricative sourde
xs-
ɣz-
affriquées
ɣdʑ(ɣndʐ)
(xcʰ-)
ɣɟ-
(ɣɲɟ-)
Tableau 24 : Distribution de /x/ ~ /ɣ/ devant occlusives et fricatives.
La préinitiale /k/, tout comme la préinitiale /p/, ne se trouve que devant le phonème /ɕ/.
On trouve la paire minimale suivante :
(25)
/k/ et /x/ ~ /ɣ/ en préinitiale :
xɕiri
« belette »
kɕi
« chien »
/k/ en position préinitiale ne se trouve que dans certains emprunts au tibétain khy-
(l’autre réflexe de ce groupe en rgyalrong est cʰ- : comparer japhug cʰi et tibétain khye’u
« coin » à japhug kɕi et tibétain khyi « chien »). Le seul mot natif dans lequelle il pourrait
être présent est kikɤkɕi « une espèce de belette ».
On trouve deux verbes ayant une préinitiale /ɣ/ ~ /x/ qui ont comme particularité
d’arrondir la voyelle des préfixes qui la précèdent : il s’agit de ku-xti « grand » et ku-ɣrum
« blanc ».
45
2.3.2.8
Les phonèmes /χ/ ~ /ʁ/ en position préinitiale
/χ/ et /ʁ/ sont en distribution complémentaire lorsqu’il se trouvent en préinitiale. /ʁ/ se
prononce non comme une uvulaire, mais comme une fricative pharyngale sonore [ʕ] dans
cette position. /χ/ ~ /ʁ/ peuvent servir de préinitiale devant 22 consonnes (sans compter
les cinq consonnes /w/, /l/, /r/, /j/ et /ɣ/ qui sont susceptibles d’être médianes) :
groupe initial
exemples
signification des
paire minimale :
exemples
exemples
sans
préinitiale
χp-
kɯ-χpa
orgueilleux
kɤ-pa
fermer
χpʰ-
ta-χpʰe
paume de la main (pour
ɯ-pʰe
marque
frapper)
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signification
du
datif
ʁmb-
kɤ-ʁmbɯm
concave
mbɯmχtɤr
cent mille
ʁm-
kɯ-ʁma
trop bas (coup de feu)
kɤ-nɤma
travailler
χt-
tɯ-χti
compagnon
kɤ-ti
dire
ʁd-
ʁdɯrsta
amadou
ʁnd-
kɤ-ʁndɯ
battre
ʁn-
ʁnɤmjaŋ
plafond
nɤmkʰa
ciel
χts-
kɯ-χtso
propre
kɤ-tso
comprendre
χtsʰ-
χtsʰɤχtsʰɤt
sage et actif (enfant)
ɯ-tsʰɤt
à la place de
ʁndz-
kɤ-ʁndzɤr
couper aux ciseaux
χs-
χsɯm
trois
sɯmpa
pensée
ʁz-
kɤ-naʁzi
avoir besoin
χtɕ-
kɤ-χtɕi
laver
tɕi
un peu
χɕ-
kɤ-χɕaʁ
décéder
kɯ-ɣɤɕaʁɕaʁ
très amer
ʁʑ-
ʁʑɯnɯ
jeune homme
χʂ-
χʂɤ-χʂɤt
regard très intelligent
χc-
ɯ-χcɤl
milieu
χcʰ-
χcʰa
droite
cʰa
alcool
ʁɟ-
kɤ-ʁɟa
chauve
ʁɲ-
ʁnɯɣra
masque pour cacher les
yeux
ʁŋg-
mbaʁŋgu
masque de danse
Tableau 25 : Groupes de consonnes avec /χ/ ~ /ʁ/ comme préinitiales (n’incluant pas les cas
où l’initiale est un phonème susceptible de servir de médiane).
Parmi les groupes ci-dessus, les groupes χpʰ- et χʂ- ne sont attestés que par un seul
46
exemple. Le groupe ʁŋg- n’apparaît qu’à la liaison entre deux racines et ne constitue donc
pas un vrai exemple de groupe. On note l’absence de *ʁb-, *χtʰ-, *ʁdz-, *χtɕʰ-, *ʁdʑ-, *χtʂ-,
*χtʂʰ-, *ʁdʐ-, *ʁndʐ, *ʁndʑ- et *ʁɲɟ-. /χ/ ~ /ʁ/ ne peuvent jamais apparaître devant les
uvulaires et les vélaires.
/χ/ ~ /ʁ/
sourde
aspirée
labiales
χp-
(χpʰ-)
dentales
χt-
dentales
χts-
sonore
ʁdχtsʰ-
pré-nasalisée
nasale
ʁmb-
ʁm-
ʁnd-
ʁn-
fricative sonore
fricative sourde
χs-
ʁz-
χɕ-
ʁʑ-
ʁndz-
affriquées
alvéolo-palatales
χtɕ-
rétroflexes
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palatales
(χʂ-)
χc-
χcʰ-
ʁɟ-
ʁɲ-
Tableau 26 : Distribution de /χ/ ~ /ʁ/ devant les occlusives et les fricatives.
2.3.2.9
Les occlusives nasales /m/, /n/, /ŋ/ en préinitiale et les prénasalisées.
Tout au long de ce chapitre, nous avons supposé que les prénasalisées étaient des
phonèmes indépendants et non des groupes de deux phonèmes. Notre analyse suit ici
l’approche de Jackson T.-S. Sun (2003a : 490) sur le tshobdun. Nous allons ici démontrer
ce présupposé, mais avant cela, il sera nécessaire de faire l’inventaire des groupes où
une occlusive est précédée d’une nasale, ce qui inclut les prénasalisées et les groupes à
nasales préinitiales (plus un à nasale antépréinitiale).
Nous ferons tout d’abord une présentation « naïve » des sons consonantiques qui
peuvent se placer après les sons [m], [n], [ɲ], [ŋ] et [ɴ]. Ensuite, nous proposerons une
analyse de ces groupes de consonnes.
2.3.2.9.1 Présentation des données
[m] peut se placer devant 24 consonnes :
groupe initial
mp-
exemples
kɤ-nɯmpa
signification des
paire minimale :
exemples
exemples sans
élever
les
signification
nasale
enfants
/
kɤ-pa
fermer
s’occuper des
personnes âgées
47
mpʰ-
kɯ-mpʰrɤt
adéquat
mb-
tɯ-mbɯ
sexe masculin
kɤ-bɯwa
porter sur le dos
mt-
kɯ-mɯmta
parler dans son sommeil
kɤ-ta
mettre
mtʰ-
kɯ-mtʰu
trop haut (coup de fusil)
kɤ-tʰu
demander
md-
mdarɯ
tambour ḍamaru
kɤ-nɯkhada
convaincre
mn-
kɤ-mna
guérir
kɤ-nɯna
s’arrêter
mts-
kɤ-mtsaʁ
sauter
tsaʁ
au moins
mtsʰ-
mtsʰu
lac
kɯ-tsʰu
gros
mdz-
mdzadi
puce
mtɕ-
tɯ-mtɕi
matin
kɤ-tɕitʂi
se
produire
en
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même temps
mtɕʰ-
mtɕʰi
argousier
tɕʰi
quoi
mdʑ-
tɯ-mdʑu
langue
mdʐ-
mdʐɯɕɯɣ
punaise
mc-
tɤ-mcar
pinces
mcʰ-
tɯ-mcʰi
bile
kɯ-cʰi
sucré
mɟ-
kɤ-mɟa
prendre
mɲ-
tɯ-mɲa
flèche
ɲaɲa
agneau
mk-
tɯ-mke
cou
mkʰ-
kɯ-mkʰɤs
expert
mg-
tɯ-mgo
nourriture
mŋ-
kɤ-nɯmŋa
impressionnant
kɤ-ŋa
devoir de l’argent
mq-
kɤ-nɤmqe
insulter
tɯ-qe
excrément
mɢ-
tɤ-mɢom
pince pour maintenir en
place une pièce
Tableau 27 : Groupes de consonnes avec [m] suivi d’une occlusive.
Le phonème /m/ sert d’antépréinitiale dans le groupe mpɕ- (voir 2.3.2.1). Il ne se
trouve jamais devant les fricatives. L’opposition entre prénasalisées et sonores est
neutralisée. On remarque l’absence de *mtʂ-, *mtʂʰ- et *mqʰ-.
[m]
sourde
aspirée
sonore / prénasalisée
labiales
mp-
mpʰ-
mb-
dentales
mt-
mtʰ-
md-
dentales
mts-
mtsʰ-
mdz-
mtɕ-
mtɕʰ-
mdʑ-
nasale
mn-
affriquées
alvéolo-palatales
48
rétroflexes
mdʐ-
palatales
mc-
mcʰ-
mɟ-
mɲ-
vélaires
mk-
mkʰ-
mg-
mŋ-
uvulaires
mq-
mɢ-
Tableau 28 : Distribution de [m] devant les occlusives.
Le son [n] se place devant 11 consonnes :
groupe
exemples
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initial
signification des
paire minimale :
exemples
exemples
signification
sans
nasale
nb-
kɤ-nbaʁ
se cacher
nt-
kɯ-ntaβ
stable
ntʰ-
kɤ-ntʰor
s’enfuir et rôder partout
nd-
fsɤ-ndi
après-demain
tɯ-di
arc
nts-
ntsɯ
toujours
ɯ-tsɯ
caché
ntsʰ-
kɯ-ntsʰi
mieux valoir
kɤ-tsʰI
boire
ndz-
ndzɯrnaʁ
guêpe
dzɯr
polis et éduqués
(mouvements)
ntɕʰ-
kɤ-ntɕʰos
utiliser
tɕhos
ndʑ-
tɤ-ndʑɯɣ
résine
kɯ-ɣɤdʑɯɣdʑɯɣ être
ntʂ-
kɤ-ntʂu
sarcler
tʂu
chemin
ndʐ-
tɯ-ndʐi
peau
ng-
kɤ-ngo
tomber malade
nŋ-
tɯ-nŋa
dette
kɤ-ŋa
devoir de
religion
l’argent
Tableau 29 : Groupes de consonnes avec [n] suivi d’une occlusive.
Le groupe ntʂ- n’est attesté que par un seul exemple. On note l’absence de *np-,
*npʰ-, *nm-, *ntɕ-, *ntʂʰ-, *nk-, et *nkʰ-. [n] n’apparaît jamais devant les palatales et les
uvulaires.
49
[n]
sourde
aspirée
labiales
sonore / prénasalisée
nasale
nb-
dentales
nt-
ntʰ-
nd-
dentales
nts-
ntsʰ-
ndz-
ntɕʰ-
ndʑ-
affriquées
alvéolo-palatales
rétroflexes
(ntʂ-)
ndʐ-
vélaires
ng-
nŋ-
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Tableau 30 : Distribution de [n] devant les occlusives
Les sons [ɲ], [ŋ] et [ɴ] n’apparaissent respectivement que devant les palatales, les
vélaires et les uvulaires. On ne trouve pas de formes telles que *ɲp- ou *ŋn-. Nous
traiterons les groupes de ce type dans un même tableau :
groupe
exemples
initial
signification
des
exemples
ɲc-
kɤ-ɲcɤr
appuyer
ɲcʰ-
ɲcʰɣaʁ
écorce de bouleau
ɲɟ
sɤ-ɲɟu
herbes avec
paire minimale :
exemples
signification
sans
nasale
ɟuli
flûte
lesquelles on nourrit
les vaches laitières
ŋk-
kɤ-ŋke
marcher
ŋkʰ-
tɤ-ŋkʰɯt
poing
ɴq-
kɯ-ɴqa
dur
qachɣa
renard
ɴqʰ-
kɯ-ɴqʰi
sale
kɯ-qʰi
difficile
à
dompter
(cheval), insolent
kɯ-ɴɢu
ɴɢ-
relâché
Tableau 31 : Groupes de consonnes avec [ɲ], [ŋ] et [ɴ] suivis d’une occlusive.
Tous les groupes possibles existent, mais ɲcʰ- n’est attesté que par l’exemple du
tableau.
50
2.3.2.9.2 Analyse
On constate les faits suivants :
1. Parmi les groupes [nasales + occlusives], on trouve au moins un groupe
homorganique pour chaque lieu d’articulation (mp-, nt-, nts-, ntɕʰ-, ntʂ-, ɲc-, ŋk-, ɴq-).
2. Les nasales dorsales [ɲ], [ŋ] et [ɴ] ne peuvent se trouver que devant les occlusives
homorganiques.
3. Le son [ɴ] n’est pas un phonème du japhug, c’est le seul parmi les sons nasals qui
n’apparaît jamais devant une voyelle.
4. Dans les groupes où la nasale n’est pas homorganique avec l’occlusive qui suit, la
nasale ne peut être que [m] ou [n].
Ces faits invitent à penser que les groupes homorganiques et les groupes dont les
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
lieux d’articulation de la nasale et de l’occlusive qui la suit diffèrent sont à classer dans
deux types différents. Cela signifie que le [m] du groupe mp- et le [m] du groupe mg-, par
exemples, sont phonologiquement différents. Nous appelerons /N/ l’archiphonème nasal
homorganique, tandis que nous considèrerons [m] et [n] lorsqu’ils sont suivis d’occlusives
orales ou nasales de lieux d’articulation différents comme des réalisations des phonèmes
/m/ et /n/. Ainsi, le groupe mp- devrait se noter /Np/ d’un point de vue phonologique,
tandis que mg- se note bien /mg/. Dans notre orthographe, nous conservons la forme
concrète et nous ne nous servons pas du symbole /N/.
Le cas des groupes mb-, nd-, ndz-, ndʑ-, ndʐ-, ɲɟ-, ŋg- et ɴɢ- est encore différent.
Nous avions admis dans le corps de ce chapitre que ces groupes étaient constitués d’un
phonème et non de deux. Nous allons maintenant proposer une démonstration. Nous
disposons de deux arguments.
Le premier est simple : dans le groupe ɴɢ-, [ɴ] et [ɢ] ne peuvent pas être séparés. [ɴ]
apparaît aussi devant q- et qʰ-, mais nous avons déjà montré qu’il s’agissait d’une
réalisation de l’archiphonème /N/, et [ɢ] apparaît bien après m, dans le groupe mɢ-, mais
dans une analyse qui considère [ɴɢ] comme un phonème unique, on peut traiter le groupe
[mɢ] comme /mɴɢ/, puisque après une nasale il ne pourrait y avoir d’opposition entre
voisée et pré-nasalisée. Comme il n’existe aucun phonème */ɢ/ dans la langue, alors qu’il
existe un phonème prénasalisé /ɴɢ/, il est logique d’en déduire que les autres groupes à
prénasalisées sont en fait des phonèmes uniques comme /ɴɢ/, ou bien il faudrait donner à
/ɴɢ/ un statut spécial.
Le second argument vient des types des groupes à préinitiales. Tous les groupes
[nasales + occlusives] voisées homorganiques pouvaient être précédés d’au moins un
type de préinitiale. Voici un tableau récapitulatif :
51
w-
z-
mb-
(zmb-)
nd-
znd-
ʑ-
ɣ-
ʁ-
ʑmb-
ɣmb-
ʁmb-
(jmb-)
rmb-
ɣnd-
ʁnd-
jnd-
rnd-
ndz-
j-
l-
r-
(ʁndz-)
ndʑ-
ɣndʑ-
ndʐ-
(ɣndʐ-)
ɲɟ-
zɲɟ-
ŋg-
(zŋg-)
ɴɢ-
rndʑjndʐ-
ɣɲɟ-
rɲɟ-
ʑŋg-
rŋg-
ʑɴɢ-
(rɴɢ-)
Tableau 32 : Groupes de prénasalisées avec préinitiales.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Avec les groupes tels que mp- ou ŋkʰ- dont l’occlusive n’est pas voisée, en revanche,
on ne trouve pas un seul exemple de groupe précédé d’une autre consonne. Cet
ensemble de faits nous montre que les prénasalisées n’occupent que la position initiale
dans la structure syllabique, tandis que les groupes dont l’occlusive n’est pas voisée
occupent l’initiale et la préinitiale. La position antépréinitiale ne pouvant être remplie que
dans des cas très spécifiques (dus à des évolutions phonétiques particulières comme
dans les deux groupes mpɕ- et jmŋ-, et à la présence d’emprunts tibétains avec la
préinitiale /w/), des groupes tels que *ʑmp- ou *ʑŋkʰ- ne peuvent pas exister.
Lorsque les prénasalisées sont précédées d’une préinitiale nasale, la distinction
entre prénasalisée et voisée est neutralisée. Ainsi par exemple il est vain d’argumenter
pour savoir si le [g] dans mg- est la réalisation de /g/ ou de /ŋg/.
En conclusion, nous avons montré qu’il existait trois types de groupes à nasales.
Dans un premier cas, les nasales /m/ et /n/ en position préinitiale devant une occlusive
orale ou nasale non-homorganique (mɟ-, nŋ-), dans un second cas l’archiphonème /N/
(mp-, ɴq-) et dans un troisième cas la première partie d’un phonème prénasalisé (mb-,
ɴɢ-).
2.3.2.10 Conclusion
Dans cette section, nous avons établi l’inventaire des phonèmes susceptibles de se
trouver en préinitiale : il s’agit de /p/, /w/, /s/ ~ /z/, /ɕ/ ~ /ʑ/, /ʂ/, /l/, /r/, /j/, /k/, /x/ ~ /ɣ/, /χ/ ~
/ʁ/ et les nasales /m/, /n/ et l’archiphonème /N/. Dans ce système, les occlusives /k/ et /p/
ont un rôle secondaire : on ne les trouve que devant /ɕ/, et il s’agit d’emprunts au tibétain.
/ʂ/ n’est distinctif de /r/ que devant la nasale /ŋ/. Les autres préinitiales sont soit des
fricatives, soit des sonantes. La comparaison nous permettra de montrer que ces
52
fricatives correspondent parfois à des occlusives en rgyalrong oriental.
Nous avons analysé exhaustivement les antépréinitiales en japhug et nous avons
découvert qu’elles se limitent à trois types différents : les groupes mpɕ- et jmŋ-, qui sont
les produits d’évolutions historiques particulières, et les groupes à /w/ préinitiale, qui sont
tous des emprunts au tibétains. Les antépréinitiales n’apparaissent donc en japhug que
dans des cas exceptionnels et il est probable qu’elles ne remontent pas au
proto-rgyalrong.
Dans cette section, enfin, nous avons montré que les prénasalisées étaient
effectivement des phonèmes et non des groupes.
Dans la section suivante, nous allons étudier les groupes que nous n’avons pas
analysés jusqu’ici : ceux dont la deuxième consonne est susceptible d’être une médiane,
que nous avions laissés de côté jusqu’ici. En particulier, nous étudierons les groupes à
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consonnes suivies de /ʁ/, et nous montrerons que ce phonème peut se trouver en position
médiane.
2.3.3
Désambiguïsation des groupes initiaux.
Dans les sections précédentes, nous avons volontairement laissé de côté un certain
nombre de groupes de consonnes considérés comme ambigus, parce que le test de la
réduplication ne leur était pas applicable. A présent que nous connaissons les consonnes
susceptibles d’être préinitiales, nous allons être en mesure d’analyser certains groupes
dont la seconde consonne fait partie des phonèmes susceptibles de se trouver en
position médiane. Cette section se divisera en trois parties :
Premièrement, nous allons montrer qu’il existe des cas où /ʁ/ est médiane et nous
allons les distinguer de ceux où ce phonème est initiale.
Deuxièmement, nous allons analyser tous les groupes que nous avions laissés de
côté en 2.3.1.
Troisièmement, nous allons faire l’inventaire des groupes réellement ambigus pour
lesquels deux analyses sont possibles, et pour essayer de déterminer si les différentes
préinitiales et les différentes médianes possèdent des propriétés différentes, ce qui nous
permettrait dans certains cas de trancher en faveur d’une analyse particulière.
2.3.3.1
Le phonème /ʁ/ : médiane ou initiale ?
Dans la section précédente 2.3.2, nous avons sciemment laissé de côté les groupes
dont /ʁ/ était le dernier membre, sans pleinement justifier ce choix. En effet, à ce moment
de notre travail, le seul test dont nous disposions pour déterminer si un phonème était
53
initiale ou médiane était celui de la réduplication. Maintenant que nous avons étudié
systématiquement l’inventaire des phonèmes se trouvant en position préinitiale dans les
groupes non-ambigus, nous avons un autre moyen de distinguer, au moins dans certains
cas, les groupes à initiales des groupes à médianes : si dans un groupe de deux
consonnes, la première ne fait pas partie des phonèmes dont on a montré qu’ils étaient
susceptibles d’occuper la position préinitiale, nous nous trouvons face à un problème : ou
bien nous avons affaire à une exception (comme dans le cas des groupes mpɕ- et jmŋ-),
ou bien le second doit être une médiane.
On trouve un exemple problématique de ce type en japhug : il s’agit de tɯ-ndzʁi
« clavicule », où /ʁ/ s’oppose à /ɣ/ dans la paire minimale avec tɯ-ndzɣi « canine ».
Comme le lecteur pourra s’en assurer en consultant la section précédente, /ndz/ ne fait
pas partie des phonèmes pouvant être en position préinitiale. Et comme il s’agit d’un nom,
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le test de réduplication n’est pas applicable.
Or on sait que /ʁ/ partage un certain nombre de points commun avec /ɣ/ : il s’agit
d’une fricative sonore. Par ailleurs, dans certaines langues (dont le français standard), la
fricative /ʁ/ fonctionne comme une sonante dans le système. Il est donc raisonnable,
aussi bien d’un point de vue typologique que du point de vue de l’analyse de la langue, de
considérer ici /ʁ/ comme une médiane plutôt que de devoir rajouter un exemple
exceptionnel.
S’il existe bien un exemple de /ʁ/ comme médiane, il devient nécessaire d’effectuer
une étude systématique des groupes finissant en /ʁ/, pour distinguer ceux où ce phonème
est médiane de ceux où il est initiale. A part ndzʁ-, on ne trouve que six groupes dont le
dernier élément est /ʁ/ : βʁ-, zʁ-, lʁ-, ɕʁ-, rʁ- et jʁ-. Ces groupes, à la différence de ndzʁ-,
sont tous ambigus, puisque les six phonèmes /w/, /z/, /l/, /ɕ/, /r/ et /j/ sont susceptibles
d’être des préinitiales. On ne peut effectuer le test de réduplication qu’avec deux groupes :
βʁ- avec kɤ-βʁa « gagner » qui se réduplique en βʁɯ-βʁa, et rʁ- avec le verbe
kɤ-nɯrʁɯ-rʁa « grimper ». Ces deux exemples montrent que /ʁ/ dans ces cas est initiale.
Pour les autres groupes, /zʁ/, /lʁ/, /ɕʁ/ et /jʁ/ il n’est pas possible de trancher pour le
moment.
La raison pour laquelle le cas de /ʁ/ en position médiane nous avait échappé dans la
section 2.3.1 est directement liée à l’application de notre méthodologie : le seul cas
certain de /ʁ/ médiane est non seulement marginal au sein du système, il est attesté avec
un exemple pour lequel le test de réduplication ne s’applique pas. Comme nous avions
recherché les médianes uniquement au moyen de ce test, il était normal que nous ne
puissions pas mettre cet exemple en évidence.
54
2.3.3.2
Groupes à initiales non-ambiguës.
Dans la section 2.3.1 sur les médianes, nous avions laissé de côté tous les groupes
pour lesquels le test de réduplication n’était pas applicable. Nous disposons maintenant
d’une nouvelle manière de distinguer initiales et préinitiales dans certains groupes
ambigus : si la première consonne n’appartient pas à l’inventaire des préinitiales, on peut
affirmer que le groupe en question est [initiale + médiane]. En revanche, dans le cas
contraire, nous avons toujours affaire à un groupe ambigu.
Nous avons classé dans le tableau ci-dessous les groupes ambigus et non-ambigus
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parmi ceux que nous avions laissés de côté.
groupes [initiale + médiane]
groupes ambigus
-w-
kw-, kʰw-,χw-, (ɕ)qw-
zw-, jw-
-l-
tsl-, ŋgl-, gl-
zl-, jl-, ʁl-
-r-
(z)br-, tɕr-
ɕr-, jr-, ʁr-
-j-
tʰj-, dj-, (χ)tsi-, chi-, ɴɢi-
βj-, lj-, (χ)si-, ʁj-
-ɣ-
tʰɣ-, ndɣ-, ndʑɣ-, cɣ-, chɣ-
βɣ-, sɣ-, ʑɣ-, ʂɣ-
-ʁ-
ndzʁ-
zʁ-, lʁ-, jʁ-, ɕʁ-
Tableau 33 : Groupes pour lesquels le test de réduplication n’est pas applicable : ambigus et
analysables.
Un commentaire est nécessaire pour le groupe kw- : le phonème /k/ apparaît dans un
cas en position préinitiale, et l’on pourrait nous reprocher de classer hâtivement ce groupe
parmi les non-ambigus. Toutefois, il convient de noter que d’une part, /k/ ne se trouve que
dans un petit nombre d’exemples toujours devant le phonème /ɕ/, et d’autre part, que le
seul exemple pour lequel kw- est attesté est l’emprunt au chinois kwitsɯt
22
« armoire », 櫃子 guizi.
Il reste toutefois une dernière chance de pouvoir analyser les groupes : les
phonèmes susceptibles d’être préinitiales n’ont pas les mêmes propriétés lorsqu’ils se
combinent avec des phonèmes susceptibles d’être médianes. Nous allons analyser ces
propriétés et voir si nous pouvons réduire le résidu de groupes non-analysés.
22
La consonne finale dans ce mot est inattendue, car la seconde syllabe vient de tsiX au ton shang et
non au ton ru en chinois médiéval. On trouve des cas où les dialectes chinois ont une occlusive finale
alors que le chinois médiéval a un ton ping ou ru (Sagart 1993 : 155 pour des exemples dans les
dialectes Gan).
55
2.3.3.3
Ambiguïté structurelle.
Les groupes (de deux consonnes) qui résistent toujours à l’analyse ont entre autres
particularités d’avoir comme première consonne un phonème susceptible d’être préinitiale,
et comme seconde un phonème susceptible d’être médiane. Si l’on prend un groupe tel
que zl- par exemple, il n’est pas possible de déterminer si /z/ est préinitiale et /l/ initiale, ou
si /z/ est initiale et /l/ médiane. Nous appellons ces groupes « ambigus structurellement ».
Cette ambiguïté peut être résolue si le test de réduplication est applicable, ce qui est
le cas d’une partie des groupes à ambiguïté structurelle. Ces groupes ont déjà été
désambiguïsés dans la section 2.3.1. Toutefois, il reste un certain nombre de groupes
pour lesquels ni la composition interne ni la réduplication ne donnent de solution. Il est
donc nécessaire de trouver un troisième type de critère pour réduire l’ambiguïté.
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Nous prenons les groupes ambigus structurellement pour lesquels le test de
réduplication est applicable comme point de départ. Nous allons essayer d’en déduire les
propriétés générales des combinaisons entre les phonèmes qui entrent dans la
composition des groupes structurellement ambigus.
w[initiale +
l-
j-
ɣ-
lw-
médiane]
[préinitiale +
βl-
initiale]
lɣ-
jɣ-
r-
ʂ-
s-
z-
rw-
zr-
rj-
(β)zj-
ɣl-
rl-
βr-
ɣr-
rʁ-
βʁ-
ɣj-
sl-
analysables de
ɕ-
ʑ-
ʁ-
ʑr-
zɣ-
(f)sr-
ɕɣ-
deux façons
ɕl-
non-analysables
βj-
lj-
jw-
par
βɣ-
lʁ-
jl-
réduplication
jr-
rɣ-
ʂɣ-
sɣ-
zw-
ɕr-
(χ)si-
zl-
ɕʁ-
zʁ-
ʑɣ-
ʁlʁrʁj-
jʁTableau 34 : Classification des groupes ambigus structurellement en fonction de la première
consonne et du type de structure syllabique tel qu’il est révélé par le test de réduplication.
Le Tableau 34 synthétise les données établies dans les chapitres précédents. Nous y
classons les groupes de consonnes structurellement ambigus attestés en japhug en
quatre catégories différentes :
1.
Les groupes [initiales + médiane], qui lorsqu’ils se rédupliquent perdent leur médiane
dans la première syllabe. Ainsi ʑru « il est grand et fort » se réduplique ʑɯ-ʑru et non
*ʑrɯ-ʑru.
2.
Les groupes [préinitiale + initiale], qui lorsqu’ils se rédupliquent ne perdent pas de
56
consonne dans la première syllabe. Ainsi βli « il va planter » se réduplique comme
βlɯ-βli et non comme *wɯ-βli.
3.
Les groupes qui peuvent se rédupliquer de deux façons différentes indifféremment.
Ainsi ɕle « il va labourer » peut se rédupliquer aussi bien comme ɕɯ-ɕle ou comme
ɕlɯ-ɕle.
4.
Les groupes pour lesquels le test de réduplication n’est pas applicable parce
qu’aucun des mots attestés avec ces groupes n’est un verbe dont la forme non-passé
commence par le groupe, ou un verbe contenant une forme rédupliquée par
morphologie dérivationnelle tel que kɤ-nɯrʁɯrʁa « grimper »
Par ailleurs, on note un certain nombre de groupes théoriquement possibles mais
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
non-attestés en japhug, comme le montre le Tableau 35 :
l-
ɣ-
s-
ɕ-
ʑ-
ʁ-
ʂ-
*lr-
*ɣw-, *ɣʁ
*sw-
*ɕj-, *ɕw-
*ʑj-, *ʑw-,
*ʁw-, *ʁɣ-
*ʂw-,
*ʑl-, *ʑʁ-
*ʂj-,
*ʂl-,
*ʂr-, *ʂʁ-
Tableau 35 : Groupes structurellement ambigus non-attestés.
On remarque les quatre faits suivants :
1.
rl- est attesté et non *lr-, comme en tibétain classique.
2.
Les vélaires et uvulaires /ɣ/ et /ʁ/ ne peuvent pas se combiner entre elles, et ne
peuvent pas être suivies de /w/, alors qu’elles peuvent en être précédées.
3.
Les palato-alvéolaires /ɕ/ et /ʑ/ ne peuvent être suivies des approximantes /j/ et /w/.
4.
Le phonème /ʂ/ est marginal : parmi ces groupes, il n’apparaît que dans ʂɣ-23, qui
n’est attesté que par un seul exemple. Il ne sera pas traité dans la suite de cette
section.
Le Tableau 34 montre que toutes les consonnes n’ont pas le même fonctionnement dans
les groupes pour lesquels la réduplication est applicable.
Certaines sont toujours préinitiales même lorsqu’elles sont suivies d’une consonne
susceptible d’être préinitiale. Il s’agit de /w/, de /ɣ/ et très probablement de /j/ même si la
réduplication n’est applicable à des groupes structurellement ambigus commençant par /j/
que dans un cas.
D’autres peuvent être préinitiales dans certains cas, et initiales dans d’autres. Ainsi,
/l/ est initiale devant /w/, et /r/ initiale devant /j/ et /w/, alors que ces phonèmes sont
initiales devant /ɣ/, /l/ et /ʁ/.
Sur la base de ces deux ensembles de faits, nous émettons les hypothèses
suivantes :
23
On le trouve aussi dans le groupe ʂχ- qui lui n’est pas ambigu.
57
1.
Les approximantes (/j/ et /w/) et les fricatives à propriétés de sonantes (/ɣ/24) sont
toujours préinitiales dans les groupes ambigus. Ainsi les groupes βj-, βɣ-, jl-, jr-, jʁ-,
jw-, ɣl-, ɣr- et probablement ʁl-, ʁr- ʁj- sont du type [préinitiale + initiale].
2.
Les « liquides », c’est à dire vibrante /r/ et latérale /l/ sont initiales devant les
approximantes /j/ et /w/, mais préinitiales dans les autres cas. Ainsi, lj- est un groupe
[initiale + médiane], tandis que lʁ- et rɣ- sont du type [préinitiale + initiale].
Ces deux hypothèses pourront être testées si de nouveaux mots susceptibles de
subir le test de la réduplication sont découverts dans le cours de nos recherches de
terrain futures sur le japhug. Nos hypothèses son résumées dans le Tableau 36, où les
groupes pour lesquels nous proposons une analyse sans pouvoir la démontrer par le test
de réduplication sont indiqués en gras.
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w-
l-
j-
ɣ-
r-
[initiale +
lw-
rw-
médiane]
lj-
rj-
[préinitiale +
βl-
lɣ-
initiale]
βr-
lʁ-
jw-, jl-, jr-, jɣ-, jʁ-
βʁ-
ʁ-
ɣl-
rl-
ʁl-
ɣr-
rɣ-
ʁr-
ɣj-
rʁ-
ʁj-
Tableau 36 : Analyse des groupes structurellement ambigus (/w/, /l/, /j/, /ɣ/, /r/, /ʁ/)
Les approximantes, les fricatives ayant des propriétés de sonantes et les liquides
constituent les six phonèmes qui peuvent se trouver aussi bien en position préinitiale que
médiane. Les autres phonèmes du Tableau 34 /s/, /z/, /ɕ/ et /ʑ/ ne peuvent pas servir de
médianes. Le statut de ces fricatives lorsqu’elles précèdent des phonèmes susceptibles
de servir de médianes est plus difficile à généraliser. Pour les analyser, nous allons tout
d’abord étudier les propriétés des phonèmes qui se trouvent en deuxième place des
groupes.
On remarque que tous les groupes du Tableau 34 dont le deuxième élément est une
fricative ayant des propriétés de sonantes sont du type [préinitiale + initiale], à part ɕɣ-, qui
peut aussi s’analyser comme [initiale + médiane]. Par ailleurs, selon notre informatrice
l’analyse de ɕɣ- comme [préinitiale + initiale] (sans perte de /ɣ/ dans le premier membre
de la réduplication) est légèrement plus courante.
Les approximantes et les liquides, en revanche, sont parfois médianes : les
approximantes sont médianes après les liquides et après /z/, et la liquide /r/ est médiane
après /z/ et /ʑ/. Nous tirons de ces faits l’hypothèse que les approximantes sont toujours
médianes après les liquides et les fricatives sonores /z/ et /ʑ/, tandis que les liquides /l/ et
24
Probablement /ʁ/ aussi, mais il est impossible de le savoir tant qu’aucun exemple de réduplication
n’est attesté pour des groupes commençant par ce phonème.
58
/r/ ne le sont qu’après les fricatives /z/ et /ʑ/, et enfin que les fricatives /ɣ/ et /ʁ/ ne sont
jamais médianes dans les groupes structurellements ambigus25.
Si cette hypothèse est correcte, zw- et zl- doivent être classés dans les groupes
[initiale + médiane], tandis que zʁ- et ʑɣ- doivent être placés parmi les groupes du type
[préinitiale + initiale]. On en déduit également une hiérarchie dans les phonèmes placés
en deuxième position de groupe, selon qu’il sont plus souvent médianes ou initiales :
(26)
approximantes > liquides > fricatives
Les approximantes sont les plus propres à servir de médianes, suivies des liquides,
qui ne sont médianes qu’après /z/ et /ʑ/ (ce qui n’est qu’une partie du contexte où les
approximantes peuvent être médianes) et enfin les fricatives ne sont jamais médianes
dans les groupes structurellement ambigus.
Cette hiérarchie correspond exactement à la hiérarchie de sonorité, qui correspond à
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la clarté des formants sur un spectrogramme : les approximantes ont des formants aussi
clairs que les voyelles, tandis qu’avec les liquides, les formants sont moins énergétiques,
et qu’avec les fricatives sonores /ɣ/ et /ʁ/, ils sont en partie masqués par la friction. Les
consonnes les plus sonantes sont plus propices à servir de médiane, en vertu du principe
de sonorité croissante (voir p.72).
Le fait que la hiérarchie que nous avons déduite des propriétés phonologiques et
morphophonologiques des groupes structurellement ambigus en japhug corresponde à
une hiérarchie basée sur les propriétés acoustiques est un argument supplémentaire pour
soutenir notre hypothèse.
Avec les fricatives sourdes /s/ et /ɕ/, les groupes pour lesquels le test de réduplication
est possible sont ou bien du type [préinitiale + initiale], ou bien indifféremment de l’un ou
l’autre groupe. Dans le groupe χsi-, attesté par le mot χsiu « peau de serpent », /s/ doit
être initiale puisqu’elle est précédée d’une autre consonne. Nous considèrerons les autres
groupes à /s/ et /ɕ/ également comme des groupes [préinitiale + initiale]. On peut donc
résumer les hypothèses proposées sur les groupes à initiales /s/, /z/, /ɕ/, /ʑ/ dans
le Tableau 37. Nous indiquons ici aussi en gras les groupes pour lesquels notre analyse
est une hypothèse.
[initiale +
s-
z-
(χ)si-
zw-, zl-, zr-, (β)zj-
sl-, sɣ-
zɣ-, zʁ-
ɕ-
ʑʑr-
médiane]
[préinitiale +
ɕr-, ɕʁ-
ʑɣ-
initiale]
25
Le cas de ɕɣ- qui se prête à deux analyses (préinitiale + initiale ou initiale + médiane) est inexplicable.
59
analysables de
(f)sr-
ɕɣ-, ɕl-
deux façons
Tableau 37 : Analyse des groupes structurellement ambigus (/s/, /z/, /ɕ/, /ʑ/).
Nous avons donc proposé une analyse exhaustive des groupes ambigus en japhug.
La comparaison avec le tibétain classique est intéressante. En effet, comme nous l’avons
vu en 2.1, la grammaire tibétaine traditionnelle distingue préinitiales et initiales dans sa
terminologie, et notre analyse en est directement inspirée.
En tibétain, les consonnes /w/, /y/, /r/, /l/ susceptibles d’être médianes sont toujours
médianes dans les groupes où elles sont précédée de consonnes, à l’exception de zl- à
propos duquel certains grammairiens26 disent que /z/ est l’initiale (ming-gzhi). La nature
de l’opposition entre zl- et sl- en tibétain classique est donc la même que celle que nous
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
avons montrée en japhug (voir le Tableau 37).
2.3.4
Conclusion
Dans cette section, nous avons montré que /ʁ/ pouvait dans un cas être médiane,
puis nous avons proposé une analyse de tous les groupes de consonnes auxquels le test
de la réduplication ne pouvait être appliqué. Jusqu’ici, nous avons séparé l’étude des
préinitiales de celle des médianes. Or, maintenant que nous avons désambiguïsé
l’ensemble des groupes (même si notre analyse est encore une hypothèse pour une
partie d’entre eux), il est possible de proposer une analyse générale des contraintes sur
les groupes de consonnes et des incompatibilités entre préinitiales et médianes. Ce sujet
fera l’objet de la dernière section. Nous y étudierons aussi de manière systématique les
trous dans la distribution des groupes.
2.3.5
Etude synthétique des groupes initiaux
Les groupes initiaux du japhug peuvent être constitués d’une préinitiale, qui doit être
fricative ou sonante, à l’exception du cas des groupes pɕ-, kɕ- et mpɕ-, d’une initiale, où
tous les phonèmes consonantiques peuvent se placer, et d’une médiane, qui doit être une
sonante non-nasale ou une des fricatives /ɣ/ et /ʁ/. Dans des cas exceptionnels, on peut
trouver une antépréinitiale, où seuls trois phonèmes peuvent se placer : /w/ dans certains
emprunts du tibétain, /m/ dans mpɕ- et /j/ dans jmŋ-.
26
D’après L. Van der Kuijp (communication personnelle, Oxford, 12-09-2003), le premier grammairien a
avoir proposé cette analyse est bSod-nams rtse-mo, dans son yig gi lag-stabs la ‘jug-pa’i sgo, un manuel
de grammaire du 15e siècle.
60
Les groupes pɕ-, kɕ, mpɕ-, jmŋ et ceux à antépréinitiale /w/ ont des origines
particulières. Comme nous avons déjà discuté de ces groupes, nous n’en parlerons plus
dans cette section. Nous appellerons tous les autres groupes de la langue « standards ».
L’inventaire des phonèmes possibles dans les groupes standards du japhug est
résumé dans le Tableau 38 :
Position
Préinitiale
Initiale
Médiane
Inventaire
approximantes (/w/, /j/)
toutes
approximantes (/w/, /j/)
des
nasales (/m/, /n/, /N/)
liquides (/l/, /r/)
consonnes
liquides (/l/, /r/)
fricatives (/ɣ/, /ʁ/)
possibles
fricatives (/s/, /z/, /ɕ/, /ʑ/, /x/, /ɣ/, /χ/, /ʁ/
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et /ʂ/)
Tableau 38 : Inventaire des phonèmes possibles dans les groupes de consonnes standards.
Dans les sections précédentes, nous n’avons abordé que très succinctement les
trous dans la distribution des groupes, et nous n’avons absolument pas discuté des
possibles incompatibilités entre préinitiales et médianes. Ces deux ensembles de
problèmes seront analysés en détail dans cette section.
Nous allons présenter l’ensemble des groupes attestés en japhug. Dans chaque
tableau, la médiane est indiquée en lignes, et l’initiale en colonnes. Les groupes
non-attestés sont laissés en blanc, les groupes attestés par un seul exemple (les dérivés
réguliers ne comptant que comme un seul exemple) sont écrits entre parenthèses. La
structure de chaque groupe peut donc être retirée directement de nos tableaux sans la
moindre ambiguïté. Nous marquons d’un -* les syllabes qui peuvent être analysées de
plusieurs manières différentes.
On trouve 15 phonèmes qui ne peuvent jamais être suivies de médianes. Il s’agit des
rétroflexes (/tʂ/, /tʂʰ/, /dʐ/, /ndʐ/, /ʂ/), des nasales (/m/, /n/, /ɲ/, /ŋ/), des approximantes (/j/,
/w/), des fricatives vélaires et uvulaires (/x/, /ɣ/, /ʁ/ mais pas /χ/) et de /ɬ/. A ces exemples,
on peut rajouter /dz/ et /ɲɟ/ qui ne semblent suivis de préinitiales dans aucun groupe bien
qu’aucune contrainte phonologique de la langue ne le leur interdise. Il est possible que
des investigations ultérieures permettent de découvrir des exemples de groupes ayant /ɲɟ/
ou /dz/ comme initiale.
Nous présenterons les groupes dans l’ordre suivant : sans préinitiale, avec
l’archiphonème /N/, puis en fonction du lieu d’articulation de la préinitiale : labiales (/w/ et
/m/), dentales fricatives (/s/ ~ /z/), dentales sonantes (/l/, /n/), alvéolo-palatales (/ɕ/ ~ /ʑ/),
rétroflexes (/r/ et /ʂ/), palatale /j/ et les vélaires (/x/ ~ /ɣ/), uvulaires (/χ/ ~ /ʁ/), ce qui fait en
tout neuf groupes de phonèmes.
61
Après avoir passé en revue l’ensemble des groupes, nous proposerons une série
d’analyses sur les propriétés générales des groupes de consonnes en japhug.
2.3.5.1
Groupes sans préinitiales
Quasiment toutes les combinaisons entre initiales et médianes sont attestées
lorsqu’aucune préinitiale n’est présente : on trouve 62 groupes [initiale + médiane] dont
23 n’ont qu’un seul exemple et 3 ont deux analyses possibles. Nous n’indiquons dans la
première colonne du Tableau 39 que les phonèmes qui forment des groupes. En plus des
17 phonèmes qui ne sont jamais suivis de médianes, /b/ et /c/ ne forment de groupes
avec médiane que lorsqu’ils sont précédés de préinitiales.
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-O-
-w-
p-
-l-
-r-
-j-
-ɣ-
pl-
pr-
pj-
pɣ-
pʰ-
(pʰɣ-)
mb-
(mbl-)
mbr-
mbj-
mbɣ-
t-
tɣ-
tʰ-
(tʰɣ-)
d-
(dr-)
nd-
(ndr-)
ts-
(tsl-)
(ndj-)
tsr-
tsʰ-
(ndɣ-)
tsɣ-
(tsʰj-)
ndz-
ndzr-
s-
sr-*
z-
zw-
l-
lw-
zl-
zr-
(ndzɣ-)
zj-
(tɕr-)
tɕɣ-
tɕʰ-
(tɕʰɣ-)
ndʑ-
ndʑɣ-
ɕ-
ɕl-*
ʑ-
ɕr-
ɕɣ-*
ʑrrw-
rj-
cʰ-
(cʰr-)
ɟ-
(ɟr-)
k-
(kw-)
kr-
kʰ-
(kʰw-)
kʰr-
g-
(ndzʁ-)
lj-
tɕ-
r-
-ʁ-
(gl-)
(cʰi-)
(cʰɣ-)
(ki-)
gr62
ŋg-
ŋgl-
ŋgr-
(ŋgi-)
q-
ql-
qr-
qi-
qʰ-
(qʰl-)
qʰr-
ɴɢ-
ɴɢl-
ɴɢr-
χ-
(ɴɢi-)
χw-
Tableau 39 : Groupes sans préinitiales.
Neuf groupes attestés avec différents types de préinitiales n’ont pas d’équivalents sans
préinitiales. Il s’agit de *pʰj-, *pʰr-, *bɣ-, *br-, *tʰj-, *tsi-, *dzɣ-, *si-, *qw- qui ne sont attestés
que dans spʰj-, mpʰr-, zbɣ-, zbr-, ltʰj-, χtsi-, ldzɣ-, χsi- ɕqw-.
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2.3.5.2
Groupes avec la préinitiale /N/
Les groupes à préinitiales /N/ avaient été répartis dans le chapitre précédent entre le
Tableau 28, Tableau 30 et le Tableau 31. Nous les avons rassemblés dans le Tableau 40.
On distingue 22 groupes à préinitiale /N/, dont 8 ayant une médiane. Parmi les groupes à
médianes, seuls deux sont attestés par plus d’un exemple.
-O-
-r-
mp-
-j-
-ɣ-
(mpj-)
mpʰ-
mpʰr-
ntntʰ-
(ntʰɣ-)
nts-
(ntsɣ-)
ntsʰntɕʰ-
(ntɕʰɣ-)
(ntʂ-)
ɲc-
ɲcɣ-
ɲcʰ-
(ɲcʰɣ-)
ŋkŋkʰɴq-
(ɴqr-)
ɴqʰTableau 40 : Groupes avec la préinitiale /N/.
2.3.5.3
Groupes avec les préinitiales /w/ et /m/
Le Tableau 41 (tableau de droite) consacré à la préinitiale /w/ peut se comparer au
63
Tableau 11, où nous avions simplement inclu les groupes sans médianes, et d’où βl-, βret βj- étaient exclus. On trouve en tout 21 groupes à préinitiale /w/, dont 3 seulement ont
une médiane. Parmi ces groupes à médiane, un groupe n’est attesté que par un exemple
et un autre est analysable de deux façons.
Dans le Tableau 28, nous avions présenté les occlusives pouvant se placer devant
/m/, mais nous y avions inclu la prénasalisée /mb/ et les groupes mp- et mpʰ- où m- est en
fait une réalisation de l’archiphonème /N/. Nous présentons dans le Tableau 41 (tableau
de gauche) l’ensemble des groupes avec préinitiale /m/. On en compte 25, dont seuls 4
sont des groupes à médianes. Parmi ces groupes à médianes, deux ne sont attestés que
par un seul exemple.
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-O-
-l-
-r-
-O-
mt-
ft-
mtʰ-
βd-
md-
fts-
mn-
(ftsʰ-)
mts-
fs-
mtsʰ-
βz-
mdz-
βl-
mtɕ-
ftɕ-
mtɕʰ-
(ftɕʰ-)
mdʑ-
fɕ-
mdʐ-
βʑ-
mc-
(ftʂ-)
mcʰ-
βr-
mɟ-
βɟ-
mɲ-
βj-
mk-
fk-
mkʰ-
mkʰr-
(βg-)
mg-
mgr-
βɣ-
mŋ-
-r-
-j-
fsr-*
(βzj-)
fkr-
βʁ-
mq-
(mql-)
mɢ-
(mɢl-)
Tableau 41 : Groupes avec les préinitiales /m/ (tableau de gauche) et /w/ (tableau de droite).
64
2.3.5.4
Groupes avec les préinitiales /s/ ~ /z/
Parmi les groupes à préinitiales /s/ et /z/, on en trouve deux qui n’apparaissent pas
sans médianes : zmbr- et spʰj-, qui n’ont pas d’équivalent *zmb- ou *spʰ-. Ce sont tous
deux des groupes attestés par un seul exemple. Nous avions déjà présenté dans le
Tableau 14 une partie de la distribution des groupes à préinitiale /s/ ~/z/, mais nous
n’avions pas inclu les combinaisons avec les médianes ainsi que les groupes sl-, sr- et sɣ-.
On trouve en tout 38 groupes à préinitiale, dont 13 ont une médiane. Parmi ces derniers,
6 ne sont attestés que par un seul exemple.
-O-
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sp-
-l-
-r-
-j-
-ɣ-
spr-
spj-
spɣ-
(spʰj-)
zb-
zbr-
zbɣ-
(zmbr-)
smzmststʰzd(znd-)
snznslsr-*
sc-
(scr-)
(scʰ-)
zɟ(zɲɟ-)
sɲsk-
skr-
skʰ-
(skʰr-)
zg-
zgr-
zŋgsŋsɣ65
sq-
(sql-)
(sqr-)
sqʰTableau 42 : Groupes avec les préinitiales /s/ ~ /z/.
2.3.5.5
Groupes avec les préinitiales /l/ et /n/
Dans le Tableau 16, nous avions présenté la distribution de l- en position préinitiale,
mais nous n’avions pas inclu les groupes à médianes comme dans le Tableau 43 (tableau
de gauche). On trouve 15 groupes à préinitiales, dont seulement 3 ont des médianes, et
ces derniers ne sont attestés que par un seul exemple.
Les cas de préinitiale /n/ sont très rares, on n’en trouve que 4 groupes dont un seul
ayant une médiane, et qui n’est attesté que par un seul exemple. Dans le Tableau 30
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nous avions mis ensemble les prénasalisées, les groupes ayant /N/ comme préinitiale (se
réalisant [n] devant dentales, alvéolo-palatales et rétroflexes) et les cas de /n/ préinitiale,
ce qui explique que les exemples de groupes en n- étaient plus nombreux.
-O-
-j-
-ɣ-
(lp-)
ltʰ-
(ltʰj-)
-O-
-r-
(nb-)
(nbr-)
ng-
ld-
nŋ-
(ln-)
(ldzɣ-)
ltɕltɕʰldʑ(lcʰ-)
(lcʰɣ-)
(lŋ-)
lxlɣlʁTableau 43 : Groupes avec les préinitiales /l/ (tableau de gauche) et /n/ (tableau de droite).
2.3.5.6
Groupes avec les préinitiales /ɕ/ et /ʑ/
La distribution des groupes à préinitiales /ɕ/ et /ʑ/ avait été présentée sommairement
dans le Tableau 18. Dans le Tableau 44, nous avons rajouté les groupes à médianes. On
66
trouve 27 groupes à préinitiales /ɕ/ ~ /ʑ/, dont deux peuvent être analysés de deux façons
(ɕl- et ɕɣ-) et huit ont une médiane. Parmi les groupes à médianes, la moitié est
représentée uniquement par un exemple.
-O-
-w-
-l-
-r-
-ɣ-
ɕpɕpʰ-
(ɕpʰɣ-)
(ʑmb-)
ʑmbr-
ɕmɕtɕtʰɕn-
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ɕl-*
ɕtʂɕɲɕk-
ɕkr-
ɕkʰ(ʑg-)
(ʑgr-)
ʑŋg-
ʑŋgr-
ɕŋɕɣ-*
ɕq-
(ɕqw-)
ɕqʰ-
ɕqr(ɕqʰl-)
ʑɴɢTableau 44 : Groupes avec les préinitiales /ɕ/ et /ʑ/.
2.3.5.7
Groupes avec les préinitiales /r/ et /ʂ/.
La distribution de /r/ et /ʂ/ en préinitiale avait déjà été présentée dans le Tableau 20,
mais dans le Tableau 45, nous avons rajouté les groupes avec médianes. On trouve 41
groupes avec /r/ ou /ʂ/ comme préinitiale, mais seulement 5 d’entre eux ont une médiane,
et seul l’un de ces cinq est attesté par plus d’un exemple.
-Orp-
-l-
-j-
-ɣ-
(rpj-)
(rpɣ-)
(rpʰ-)
67
rmb-
rmbj-
(rmbɣ-)
rmrtrdrndrnrtsrtsʰrdzrsrzrl-
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rtɕrtɕʰrndʑrɕrʑrcrcʰrɟrɲɟrɲrkrkʰrgrŋgrŋʂŋrɣ(ʂɣ-)
rqrqʰ(rɴɢl-)
rʁ(ʂχ-)
Tableau 45 : Groupes les préinitiales /r/ et /ʂ/.
68
2.3.5.8
Groupes avec la préinitiale /j/ et avec les préinitiales /x/ ~ /ɣ/
La distribution de /j/ en préinitiale avait déjà été étudiée dans le Tableau 22. Dans le
Tableau 46
(tableau de gauche), nous avons rajouté les groupes à médianes et les groupes
jw-, jl- et jr- qui avaient été volontairement exclus du tableau précédent. On trouve 22
groupes à préinitiale /j/, dont seulement 3 ont une médiane. Les groupes à médianes ne
sont chacun attestés que par un seul exemple.
La distribution de /x/ ~ /ɣ/, quant à elle, avait été étudiée dans le Tableau 24. Il y a 25
groupes à préinitiale /x/ ~ /ɣ/, mais ils ne comptent qu’un seul groupe à médiane, et il n’est
attesté que par un seul exemple.
-O-
-r-
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jp-
-ɣ-
-O-
-r-
(jpɣ-)
xp-
(xpr-)
(jpʰ-)
ɣmb(jmbɣ-)
ɣm-
jm-
xt-
jw-
(xtʰ-)
jt-
ɣd-
(jd-)
ɣnd-
jnd-
ɣn-
jn
xts-
(jts-)
xtsʰ-
jtsʰ-
xs-
jl-
ɣz-
(jtʂʰ-)
ɣl-
jndʐ-
xtɕ-
jr-
xtɕʰ-
jk-
(jkr-)
ɣndʑ-
jŋ-
xtʂ-
jɣ-
(ɣndʐ-)
(jχ-)
ɣr-
jʁ-
xc(xcʰ-)
ɣɟ(ɣɲɟ-)
ɣj-
Tableau 46 : Groupes avec la préinitiale /j/ (tableau de gauche) et avec les préinitiales /x/ ~ /ɣ/ (tableau de droite).
69
2.3.5.9
Les groupes à préinitiales /χ/ ~ /ʁ/
La distribution de /χ/ ~ /ʁ/ avait été présentée dans le Tableau 26, mais nous ajoutons
ici les groupes ʁl-, ʁr- et ʁj- qui en avaient volontairement été écartés. On compte 28
groupes à préinitiale uvulaire, dont 4 à médianes. Ces groupes à médiane ne sont
attestés chacun que par un exemple.
-O-
-r-
χp-
(χpr-)
-j-
-ɣ-
(χpʰ-)
(ʁmb-)
(ʁmbɣ-)
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ʁmχtχtʰʁdʁndχts-
(χtsi-)
(χtsʰ-)
(ʁndz-)
χs-
(χsi-)
ʁzʁlχtɕχɕʁʑʁr(χʂ-)
χcχcʰʁɟʁɲʁjTableau 47 : Groupes avec les préinitiales /χ/ ~ /ʁ/.
70
2.3.5.10 Analyse
Nous avons effectué l’inventaire complet des groupes de consonnes attestés en
japhug. Ceux-ci ne constituent sans doute qu’une partie des groupes possibles, et une
analyse plus exhaustive des onomatopées et des idéophones devrait permettre de livrer
davantage d’exemples.
On compte 335 groupes de consonnes en japhug de kɤmɲɯ. C’est davantage que le
dialecte de Cogtse, qui en aurait 231, et approximativement autant que celui de Tshobdun,
qui en aurait 341 selon Qu (1990) ; le décompte des groupes effectué par Qu Aitang doit
toutefois être évalué avec précaution car celui-ci considère les prénasalisées comme des
groupes alors que nous les analysons comme des phonèmes à part entière.
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/N/
/w/
/m/
/s/
/l/
/n/
/z/
/ɕ/
/r/
/j/
/ʑ/
/x/
/χ/
/ɣ/
/ʁ/
Total
préinitiale
sans médianes
14
18
21
25
12
3
17
36
19
24
24
213
avec médianes
8
2
4
13
3
1
8
5
3
1
4
52
sans_médianes
1
4
0
3
4
1
2
3
5
4
5
32
6
1
2
6
3
1
4
4
3
1
4
35
(un_exemple)
avec médianes
(un exemple)
sans
59
23
Tableau 48 : Nombre des groupes de consonnes en japhug, selon leur préinitiale, leur
médiane et selon qu’ils sont attestés par un exemple ou plus.
Dans le Tableau 48, nous présentons le nombre des groupes selon qu’ils ont ou non
une médiane. Les groupes sans préinitiales sont indiqués séparément et ne participent
pas au compte du total. Par ailleurs, nous précisons le nombre de groupes de consonnes
qui ne sont attestés que par un exemple parmi chacun des ensembles indiqués dans le
tableau. Les groupes que nous avons appelés « standards » sont 213 + 52 + 59 = 324,
auxquels ils faut rajouter les sept groupes à antépréinitiale /w/, jmŋ-, mpɕ-, pɕ-, kɕ-, ce qui
fait 335 groupes en tout. Seuls 61 de ces groupes comprennent trois consonnes (soit 18
% de l’ensemble).
Parmi les groupes « standards », les groupes à trois consonnes (préinitiale – initiale –
médiane) sont à 67 % attestés par un seul exemple, alors que cette proportion n’est que
de 15 % pour les groupes à deux consonnes du type [préinitiale + initiale]. Tout ceci
montre que les syllabes dont la structure est plus compliquée sont plus rares et moins
variées que celles dont la structure est plus simple.
La structure de la syllabe en japhug obéit à des règles différentes de celles qu’on
observe dans la plupart des langues européennes. Ainsi, dans les langues
indo-européennes classiques (excepté l’arménien), les syllabes sont structurées par le
71
principe de sonorité croissante (принцип возрастaющей звучности). Voici par exemple
la structure de la syllabe en vieux slavon27 selon Xaburgajev (1974 : 106) :
Fricative
Occlusive
nasale ou
/ Affriquée
/v/ [w]
liquide
voyelle
Tableau 49 : Structure de la syllabe en vieux slavon.
Ce schéma diffère de l’inventaire des phonèmes selon les positions dans la syllabe
en japhug (voir le Tableau 38). En effet, les sonantes (nasales, approximante -v- [w] et
liquides) doivent toujours être placées dans la syllabe après les obstruantes (fricatives,
occlusives et affriquées). La loi de sonorité croissante indique en effet que les consonnes
proches de la voyelles doivent être plus sonores que les consonnes qui en sont plus
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éloignées. Les groupes tels que zdr-, kn- sont possibles en vieux slavon, mais pas *nk- ou
*rt-. Venneman (1998 : 18) décrit un aspect du principe sonorité croissante sous sa head
law (loi sur les attaques) : « good syllable heads according to the Head Law are those with
a continual drop of Consonantal Strength from the beginning toward, and including, the
nucleus » 28 , la force consonantique (Consonantal Strength) étant déterminée par la
nature de la consonne : de la plus forte (occlusives sourdes) à la plus faible (voyelles).
Selon cette définition, les groupes [occlusive + fricative] (ts-, tʃ-) et les groupes [obstruante
+ liquide] (kr-, pl-, sr-), les deux conformes à la loi de sonorité croissante, sont de bonnes
attaques (good heads). En revanche les groupes [sifflante + occlusive] (tels que st-, zd-,
sk- etc.) et les groupes [occlusive + nasale] (gm-, pn-) qui sont conformes au principe de
sonorité croissante sont selon cette définition de mauvaises attaques (bad heads).
En japhug, les groupes consonantiques n’obéissent pas au principe de sonorité
croissante. Non seulement le japhug permet des syllabes avec des préinitiales nasales,
ce qui est un cas courant dans les langues d’Asie, il autorise des préinitiales liquides et
même des approximantes avant les occlusives, alors que ces trois types de consonnes
sont plus sonores que les occlusives.
Toutefois, nous avions remarqué en 2.3.3.3 que dans les groupes structurellement
ambigus, les approximantes étaient les plus propres à être médianes, suivies des liquides
et enfin des fricatives sonores qui ne fonctionnaient jamais comme médianes dans ce
type de groupe. Cette hiérarchie des phonèmes selon leur degré de sonorité rappelle le
27
Le vieux slavon était une langue à syllabe ouverte, c’est pourquoi nous n’indiquons pas de consonne
finale.
28
« Les attaques (relativement) bonnes, d’après la loi sur les groupes de consonnes initiaux, sont celles
dont les consonnes présentent une baisse continuelle de force consonantique de la première consonne
jusqu’au noyau de la syllabe inclu. »
72
principe de sonorité croissante. Toutefois, en japhug, ce principe ne permet pas
d’interdire l’existence de certaines syllabes comme en slavon, mais seulement de forcer
l’analyse de groupes ambigus : les phonèmes les plus sonores ont tendance à servir de
médianes, les moins sonores de préinitiales.
Nous avons remarqué au cours de ce chapitre plusieurs types d’incompatibilités
entre initiales et médianes, ainsi qu’entre préintiales et fricatives. Toutefois, nous n’avons
pas abordé le problème de l’incompatibilité éventuelle entre préinitiales et médianes. Il en
existe pourtant des exemples, mais il convient d’être prudent, étant donné que certaines
préinitiales ne sont attestées que dans très peu de groupes à médianes : il serait fâcheux
de tirer des conclusions trop hâtives de l’absence d’un certain type de groupes dans la
langue.
On remarque toutefois que pour les six phonèmes /w/, /l/, /r/, /j/ et /ɣ/ pouvant se
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trouver aussi bien en position préinitiale qu’en médiane (/ʁ/ n’étant attesté que par un
exemple en médiane, il ne compte pas), on ne rencontre aucun groupe de trois
consonnes préinitiale-initiale-médiane ayant le même phonème comme préinitiale et
médiane. Ainsi, les groupes du type *βCw-, *lCl-, *rCr-,*jCj- ou *ɣCɣ sont interdits en
japhug. On peut y ajouter l’absence de groupes *ʑCj- où la préinitiale est alvéolo-palatale
et la médiane palatale.
On constate donc dans cette langue une restriction phonotactique des phonèmes
identiques ou trop proches dans le même groupe initial. Ce phénomène s’observe
également en tibétain classique, où les groupes *rCr- ou *lCl- ne sont pas possibles (ce
sont les seuls phonèmes à pouvoir être à la fois préinitiale et médiane dans cette langue).
Toutefois, cette restriction n’affecte que marginalement les phonèmes proches par
leur lieu d’articulation : les vélaires et les uvulaires, qui ne peuvent pas former de groupes
à eux tous seuls *ɣʁ-, *qɣ-, peuvent se combiner dans un cas lorsqu’il l’un est préinitiale et
l’autre médiane : le groupe ʁmbɣ- est autorisé.
2.4
Rimes
L’étude des rimes ne pose pas la même difficulté que celle des groupes de
consonnes initiaux, car la distinction entre les deux positions qui s’y trouvent (voyelle et
finale) n’est jamais ambiguë. Le japhug se caractérise par l’absence de tout groupe
consonantique final et de vraies diphtongues : les diphtongues apparentes sont dues à
une médiane ou à une finale approximante /j/ ou /w/ selon notre analyse, sauf peut-être
dans le cas de -ɯu et de -ɯa qui sera étudié en 2.4.3.
Dans ce chapitre, nous étudierons tout d’abord les syllabes ouvertes, puis nous
aborderons les syllabes fermées. Nous évaluerons la distinctivité de chacun des
phonèmes vocaliques selon la consonne finale ou la consonne qui la précède.
73
2.4.1
Syllabes ouvertes
Le japhug compte huit voyelles différentes en syllabe ouverte. La voyelle /y/
n’apparaît que dans un seul exemple (qaɟy « poisson » et ses dérivés), et /ɤ/ ne se trouve
jamais en fin de mot sauf dans la conjonction nɤ. Cet inventaire de phonèmes est
semblable à celui du dialecte de Cogtse.
u
ɯ
i
o
ɤ
e
y
a
Tableau 50 : Triangle vocalique du japhug.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Les paires minimales suivantes permettent d’établir la distinctivité des phonèmes
vocaliques en syllabe ouverte :
paires minimales devant
signification
/ɟ/ ou /ɲɟ/
paires
minimales
signification
devant /n/
a
wɯɟa
cuillère
kɤ-nɯna
se reposer
o
kɤ-ɲɟo
subir des dommages
kɤ-no
chasser
nɤ
conjonction
kɤ-sqane
plonger
ɤ
e
ʁɟo-ʁɟe
alcool dilué
u
ɟu
bambou
ɯ
waɟɯ
tremblement de terre
nɯ
démonstratif
i
kɤ-rɤɲɟiɲɟi
écraser
mani
mantra « mani »
y
qaɟy
poisson
dans
l’obscurité
Tableau 51 : Paires minimales entre les voyelles en syllabe ouverte.
Bien que le phonème /y/ ne soit attesté que par un seul exemple dans toute la langue,
les paires minimales présentées ci-dessus garantissent sa distinctivité par rapport à
toutes les autres voyelles de la langue. Le phonème /y/ vient probablement d’une
ancienne diphtongue. Sun et Shi (2002 : 90) rapportent la forme qɐɟwɛʔ « poisson » dans
la langue de Tshobdun.
A la différence des autres langues rgyalronguiques, le japhug ne possède pas
d’oppositions tonales ni de glottalisation et semble n’en préserver aucune trace.
La voyelle que nous notons /ɤ/ a de nombreuses réalisations différentes en japhug.
Devant les palato-alvéolaires et les palatales à l’intérieur des mots lorsqu’elle est suivie
d’une voyelle antérieure, elle a tendance à se prononcer [e]. Ainsi, dans tɕheme « fille », il
est possible que le –e de la première syllabe soit en fait un /ɤ/ phonologiquement : dans
74
ces contextes, les deux phonèmes ne sont pas distinctifs. De même, devant les labiales à
l’intérieur de mot lorsqu’elle est suivie d’une syllabe dont la voyelle est postérieure
arrondie, elle a tendance à se prononcer [o]. Ainsi, le mot tɤ-potso « garçon » pourraît
phonologiquement s’analyser /tɤpɤtso/. Enfin, devant les consonnes uvulaires, /ɤ/ se
prononce [a]. Ainsi dans le verbe kɤ-raχtɕi « laver, Intr. », le [a] de la seconde syllabe
pourrait s’analyser /ɤ/.
Le phonème correspondant à cette voyelle est généralement noté <ɐ> par les
spécialistes des dialectes rgyalrong, à la suite de la tradition établie par Jin Peng et al.
(1956). Il nous semble que cette notation est incorrecte même pour les dialectes étudiés
par les auteurs en question, tels que celui de Cogtse que nous avons entendu de nos
propres oreilles.
Le symbole <ɐ> en alphabet phonétique international est une voyelle moyenne entre
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ouverte et mi-ouverte. Elle correspond au /a/ du russe en position accentuée. Il est
légèrement plus fermé que le [a] du français et prononcé plus en arrière. Or, le phonème
/ɤ/ en japhug (ainsi que son équivalent en Cogtse) a une prononciation très variée selon
les contextes, allant de [o], [e] et [a] à l’intérieur des mots, à [ɛ] dans certaines syllabes
fermées, et à [ɤ] dans les syllabes ouvertes en fin de mot. Nous préférons donc employer
le symbole <ɤ> pour représenter ce phonème, parce qu’il ne semble plus représentatif de
sa réalisation la plus habituelle.
Le phonème que nous notons <ɯ> est noté <ə> par les autres spécialistes. Là
encore, nous nous basons sur sa prononciation en syllabe ouverte en fin de mot, où ce
phonème est clairement réalisé comme une voyelle fermée, pour choisir le symbole qui
conviendrait le mieux dans la transcription de la langue. Précédé de fricatives dentales ou
palatales, /ɯ/ se réalise comme une voyelle apicale [ɿ] ou [ʅ]. /tsɯ/ serait donc [tsɿ] et /tʂɯ/
[tṣʅ] en notation phonétique stricte.
Notre transcription se veut phonologique (c’est à dire, toutes les distinctions de la
langues y sont représentées de manière consistante, et aucune distinction qui n’existerait
pas dans la langue n’est inventée), mais nous préférons choisir une notation proche de
l’API plutôt que de suivre la tradition des spécialistes chinois du rgyalrong.
2.4.2
Syllabes fermées
L’inventaire des voyelles en syllabe fermée est quasiment le même qu’en syllabe
ouverte, à l’exception du phonème /y/, qui comme nous l’avons vu n’apparaît que dans un
seul mot. Le phonème /e/ n’apparaît en syllabe fermée que suivi du suffixe –t de
deuxième personne du singulier de l’aoriste. Il n’y a aucune voyelle, en revanche, ne
pouvant apparaître qu’en syllabe fermée en japhug, même si ce type de situation peut se
trouver dans des langues rgyalronguiques telles que le Zbu.
75
Les phonèmes pouvant se trouver en finale sont des occlusives /t/, /p/, des fricatives
/ɣ/, /ʁ/, des nasales /m/, /n/, /ŋ/, des liquides /l/, /r/, des approximantes /w/ (sous la forme
de [β]) et /j/ et la fricative /s/, soit en tout douze phonèmes. Toutefois, il doit être noté que
/p/ est extrêmement rare dans cette position : il n’apparaît que dans deux idéophones. A
part /t/ qui est resté occlusif, les finales /k/ et /p/ du Cogtse correspondent à /ɣ/ ~ /ʁ/ et à
/w/.
Voici un tableau des finales en japhug. Les finales entre parenthèses ne sont pas
incluses pour la plupart dans le tableau des paires minimales qui suit : ce sont toutes
celles qui n’apparaissent ni devant les occlusives dentales, ni devant les labiales. Il s’agit
soit de rimes attestées par un seul mot, soit de rimes ayant une distribution restreinte, en
distribution quasi-complémentaire avec d’autres rimes. Ces rimes marginales seront
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étudiées en 2.4.3.
Labiales
-p
-a-
Apicales
-β
-m
-t
-n
-s
-aβ
-am
-at
-an
-as
(-al)
-ar
-e-
-l
-r
Dorsales
-j
-ɣ
-ʁ
-ŋ
(-aɣ)
-aʁ
-aŋ
-oʁ
-oŋ
(-et)
-ɤ-
-ɤβ
-o-
-ɤm
-ɤt
-ɤn
-ɤs
-ɤl
-ɤr
-ɤj
-om
-ot
-on
-os
(-ol)
-or
(-oj)
(-it)
(-in)
(-is)
(-il)
-ɯm
-ɯt
-ɯn
-ɯs
-ɯl
-um
(-ut)
(-un)
(-us)
-i-ɯ-
Laminale
(-ɯp)
-u-
-ɯβ
-ɤɣ
(-ij)
-ɯr
-ur
-ɯɣ
(-uj)
-ɯŋ
(-uɣ)
Tableau 52 : Tableau des rimes du japhug.
Si l’on inclut les voyelles sans finales et les rimes -ɯu et -ɯa, on compte 61 rimes
différentes.
Etant donné la variété des initiales, il est difficile de présenter des paires minimales
exactes pour toutes ces rimes. Nous donnons un exemple avec une initiale occlusive
labiale, et un autre avec une initiale occlusive dentale, les deux exemples sans médiane
dans la mesure où des exemples peuvent être fournis. On ne peut pas trouver d’exemple
pour la majorité des rimes marquées entre parenthèse dans le Tableau 52.
76
initiale labiale
signification
initiale dentale
signification
kɯ-ntaβ
stable
tɤ-ntɤβ
bulle, écume
-ɯβ
kɯ-ndɯβ
fine (poudre)
-am
tʰam-tʰam
maintenant
-ɤm
kɤ-ntɤm
plat
-om
kɯ-ndom
horizontal
kɤ-tɯm
boule de laine
-aβ
-β
-m
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-t
-n
-ɤβ
pɤβ
natte
-ɯm
tɯ-χpɯm
genou
-um
kɯ-jpum
large (diamètre)
-at
kɯ-mbat
léger (travail)
tat-pa
foi
-ɤt
kɤ-ɕpʰɤt
réparer
tɯ-stɤt
le haut du corps
-ot
kɤ-pʰot
oser
stot-pa
nom d’un lieu
-ɯt
kɤ-ɕpɯt
élever
xtɯt
chat sauvage
(-ut)
qusput
coucou
-an
pʰan-thoʁ
avantage
tan-tan
fardeau
-ɤn
kɯ-pʰɤn
avoir de l’effet
tsɤndɤn
santal
tɤ-ton
amont, haut
χtɯn
mortier
tɯ-tun
but
ɯ-tɤs
à l’origine
tɯs
époque
dal-tsɯtsa
lentement
kɤ-rdɤl
aller trop loin
kɤ-tɯl
devenir mauvais à
-on
-ɯn
pɯnbu
bonpo
(-un)
-as
kɯ-ɕpas
marmotte
-ɤs
-s
-os
spos
encens
-ɯs
kɯ-pɯs
pourri
(-us)
kɯ-mbus
déborder
(-al)
pal-tsaʁ
glaise
appliquée
sur les plaques de
-l
pierre
-ɤl
ɯ-pɤl
partie de la louche
qui sert à contenir
le liquide
-ɯl
kɤ-pʰɯl
offrir
manger (tsampa)
-r
-ar
qapar
chacal
-ɤr
ɕpɤr-ɕpɤr
avoir
un
visage
kɤ-tar
se développer
kɤ-tɤr
tomber
χtor-ma
offrande
grand et rond
-or
77
-ɯr
kɯ-mɤmbɯr
saillant
tɤ-tɯr
outil pour graver
l’argent
-j
-ɤj
tɤ-ɣmbɤj
face d’une
stɤj-stɤj
petit et trapu
montagne
-ɣ
(-uj)
tɤ-muj
plume
-ɤɣ
tɯ-lpɤɣ
banc de sable
tɤ-tɤɣ
armoire
-ɯɣ
kɯ-pɯɣ
se gonfler
tɯɣ
poison
stuɣsi
joug
(-uɣ)
-ʁ
-ŋ
-aʁ
paʁ
cochon
taʁ
dessus
-oʁ
kɤ-nɯpoʁ
embrasser
lɯtoʁ
récolte
-aŋ
kɯ-maŋ
beaucoup
kɯ-taŋ
authentique
-oŋ
rŋamoŋ
chameau
sɤ-stoŋ
endroit vide
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Tableau 53 : Exemples des rimes du japhug devant des occlusives labiales et dentales.
Etant donné que les rimes ayant comme voyelles /i/ et /u/ sont dans un grand nombre
de cas des rimes marginales, la majorité des racines rgyalrong (y compris les emprunts
au tibétain) à syllabe fermée se partagent seulement quatre voyelles : /a/, /ɤ/, /o/ et /ɯ/.
L’explication pour la distribution de ces rimes ne pourra être livrée que dans le chapitre 4
sur la phonologie historique.
Il est intéressant de noter qu’une partie des rimes à finale labiale (–β ou –m) ne sont
pas attestées avec une initiale labiale : c’est le cas de –aβ, –ɯβ, –am, –ɤm et –om. Ce
type de contrainte se retrouve aussi en chinois, où à plusieurs reprises dans l’histoire de
cette langue, des dissimilations ont causé la disparition de certains types de syllabes dont
les initiales et les finales étaient labiales (熊 *bwɨm > hjuwng du chinois archaïque au
chinois médiéval, tandis que 法 pjop > faát du chinois médiéval au cantonais). Comme
nous le verrons toutefois dans le chapitre sur la phonogie historique, aucun changement
phonétique de ce type n’est connu en rgyalrong.
2.4.3
Rimes marginales
Les cas de rimes marginales ou à distribution limitée sont les suivants : –ɯp, –aɣ, –oj,
–ol, et les rimes avec les voyelles /e/, /i/ et /u/ (sauf –um et –ur) et enfin les rimes -ɯu et
-ɯa.
La rime -ɯp a comme particularité d’avoir une finale –p, phonème qui n’est
autremement jamais attesté dans cette position. On n’en trouve que deux exemples :
l’onomatopée rkʰɯrkʰɯrkʰɯp « bruit de coups sur une planche de bois » et l’adjectif
ʑɯp-ʑɯp « beaucoup de gens debout, beaucoup d’objets dressés ». La distinctivité avec
la rime -ɯβ est garantie par la paire minimale avec kɤ-nɯʑɯβ « s’endormir ». Ces deux
78
mots expressifs ne sont certainement pas hérités du proto-rgyalrong. Cette finale
inattendue –p est une innovation du japhug de kɤmɲɯ - il n’est pas certain que l’ensemble
des dialectes japhug présente la même particularité.
Les finales -ɣ et -ʁ sont en distribution complémentaire : -ɣ se trouve après /ɤ/, /ɯ/ et
/u/, tandis que -ʁ se trouve après /a/ et /o/. Toutefois, on trouve un exemple exceptionnel
de -aɣ : le génitif de ʑara « 3pl. ils », ʑara-ɣ, qui forme une paire minimale avec l’emprunt
au tibétain raʁ « laiton ». On doit toutefois remarquer que les deux prononciations ʑaraɣ
et ʑarɤɣ sont considérées correctes par notre informatrice. –aɣ est une finale instable et
marginale dans le système.
Les rimes –oj et –ol ne sont chacune attestées que par un seul exemple. –oj apparaît
dans l’interrogatif ŋoj « où », qui est probablement une forme réduite de ŋotɕu « où ». –ol
ne se trouve que dans le nom à valeur prédicative tɯ-tɤʁol « se préoccuper de ce qui ne
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nous regarde pas » dont l’étymologie n’est pas connue.
La rime –et ne peut apparaître, comme nous l’avons dit, qu’à la seconde personne de
l’aoriste des verbes transitifs dont la racine est une syllabe ouverte avec le vocalisme –e.
On peut trouver des paires minimales -et :: -ɤt du type nɯ-tɯ-ɣle-t « tu l’as frotté », et
kɤ-lɤt « lancer ».
Avec la voyelle /u/, seules les rimes –um et –ur sont attestées avec un nombre
important d’exemples. Pour les autres, on n’en trouve guère plus d’un ou deux :
-ut
qusput « coucou » (mot onomatopéique, d’après les informateurs)
kha-rwut « fièvre aphteuse » (le terme officiel pour cette maladie en tibétain est
kha tsha rmig tsha, mais on peut proposer l’étymologie *kha rbod, car rbod-ma
signifie « malédiction »).
Cette rime est également attestée par l’aoriste des verbes transitifs en –u à la
deuxième personne du singulier : thɯ-tɯ-pu-t « tu l’as cuit dans les braises »
-un
tɯ-tun « but » (du tibétain don « sens »)
rɟa-βlun « ministre » (tibétain rgya-blon)
βlun-bu « ministre » (tibétain blon-po)
-us
scus « un gallinacé : Ithaginis cruentus » (japhug de Datshang : sces)
kɯ-mbus « déborder » : (Zbu kə-mbôs)
-uj
tɤ-muj « plumes » (Somang ta-mŋi ́)
kɤ-sɤluj « recouvrir complètement » (Somang ka-səli ̂)
qʰuj « ce soir » (racine qʰu « tard, après » + locatif *-j fossilisé)
-uɣ
stuɣsi « joug pour deux bovins »
Dans la majorité des cas, il s’agit soit d’emprunts tibétains, soit de mots ayant subi
des changements phonétiques spéciaux. Nous discuterons plus en détail de ces
exemples dans le chapitre 3.
Les rimes avec la voyelle /i/ ne sont pas attestées par aussi peu d’exemples que
79
dans le cas des rimes à /u/, mais leur distribution est limitée : –it, –in et –is n’apparaissent
que devant les palatales et les palato-alvéolaires. Or, comme -ɯt, -ɯn et -ɯs ne peuvent
jamais se trouver devant ces deux types d’initiales, on peut considérer –it, –in et –is
comme des allophones de ces trois rimes. Cette distribution complémentaire n’est
qu’imparfaite pour –it et -ɯt : elle ne concerne pas les formes verbales conjuguées.
Lorsqu’on ajoute le suffixe –t de seconde personne de l’aoriste, on peut former des
contre-exemples tels que pɯ-tɯ-ɣɤjɯ-t « tu l’as ajouté » qui s’oppose à kɤ-jit « couler
naturellement », et pɯ-tɯ-fkri-t « tu y as ajouté de la poudre », qui s’oppose à kɤ-jkrɯt
« se solidifier ».
Les rimes –ij et –il sont plus limitées, mais ne sont pas soumises à la contrainte des
rimes –it, –in et –is, car on peut les trouver devant d’autres initiales que les palatales ou
les palato-alvéolaires. -ij n’est attestée qu’avec le mot kɤ-wij « être fermés (yeux) ». –il ne
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se trouve que dans les mots jilco « voisin » dont la première syllabe vient du tibétain yul
« pays », et kɤ-rŋil « faner ». Ce dernier mot forme une paire minimale -il :: -ɯl avec
l’emprunt tibétain rŋɯl « argent ».
La rime -ɯu n’est attestée que par le mot zɯu « une maladie de l’œil ». Cette rime
est distincte de -ɯβ, comme le prouve la paire minimale avec kɯ-ɣɤzɯβzɯβ
« astringent ». Cette rime est difficile à analyser : s’agit-il d’une diphtongue, d’un cas ou le
phonème /u/ pourrait se trouver en position finale, ou à l’inverse de /ɯ/ en position
médiane ? Il est impossible de trancher la question, étant donné que nous n’avons qu’un
seul exemple et que par ailleurs aucun cognat de ce mot n’est connu dans les autres
langues rgyalronguiques. La rime -ɯa n’est attestée que dans mbro-lɯa « crinière », qui
correspond à mbro-lwá en somang. Cette rime pose les mêmes problèmes d’analyse que
-ɯu.
2.4.4
Resyllabification et influence des autres syllabes
Les finales peuvent dans certains cas être réanalysées comme les préinitiales de la
syllabe suivante. Les locuteurs de la langue en sont conscients, et lorsqu’on leur
demande de syllabifier un mot29, ils hésitent parfois entre plusieurs possibilités. Ainsi
l’étymologie de chaque syllabe n’est pas toujours pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer
la syllabification. Ainsi kɤ-nɯpʰaʁɲɤl « s’allonger » est un composé hybride tibétain et
rgyalrong : la syllabe -ɲɤl vient du tibétain nyal « dormir, se coucher » tandis que pʰaʁ est
un mot rgyalrong signifiant « côté ». Toutefois ce composé peut aussi bien se syllabifier
/kɤ/nɯ/pʰaʁ/ɲɤl/ selon l’étymologie que /kɤ/nɯ/pha/ʁɲɤl/, avec une extraction de la finale
29
Comme nos informateurs parlent tous chinois et ont tous une certaine notion de l’écriture de cette
langue, on peut obtenir la syllabification d’un mot en leur demandant de le découper en « caractères ».
80
en position préinitiale de la syllabe suivante. Les règles précises de la syllabification n’ont
pas encore été mises en évidence, et un travail de terrain complémentaire sera
nécessaire.
Outre le fait qu’elles peuvent devenir les préinitiales des syllabes suivantes, certaines
finales disparaissent dans des contextes précis. La finale –t disparaît devant une syllabe à
préinitiale nasale ou prénasalisée, l-, r- et χ-, ainsi que devant l’initiale ʂ-. On peut le
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constater dans certains exemples de réduplication totale :
ltɕʰɤ-ltɕʰɤt
« être suspendu »
ltʰjɤ-ltʰjɤt
« propre et bien repassé »
ndjɤ-ndjɤt
« imposante et gracieuse (femme) »
ɲcɣɤ-ɲcɣɤt
« en très grand nombre »
kɯ-ɣɤ-ndɣɤ-ndɣɤt
« trembler »
tɤ-rkʰɤ-rkʰɤt
« chemin de montagne en pierre avec des marches »
rŋɤ-rŋɤt
« imposant »
χʂɤ-χʂɤt
« très intelligent (regard) / léger (habit) »
χtsʰɤ-χtsʰɤt
« sage et très actif (enfant) »
kɤ-sɤ-ʂɤ-ʂɤt
« lire / écrire de manière très fluide »
La finale -β disparaît devant ɕ- et r- préinitiales :
ɕpʰɤ-ɕpʰɤβ
« (expression que l’on dit lorsque) un petit enfant se couche
par terre sans bouger »
kɯ-ɣɤ-rpʰɤ-rpʰɤβ
« faire le bruit de battement d’ailes »
-ɣ et –β disparaissent devant les occlusives sonores correspondantes g- et b- :
bɤ-bɤβ
« être facile à tromper / épais, lourd et peu pratique / pousser
en touffe (champignons) »
gɤ-gɤɣ
« instable sur ses pieds »
Aucun des mots présentés ici ne pourraient être des réduplications partielles puisque la
voyelle de la première syllabe est toujours /ɤ/ et non /ɯ/. On ne trouve pas d’exemples
avec d’autres voyelles que /ɤ/ du fait que les idéophones et les onomatopées, les seules
classes de mots de la langue pour lesquelles la réduplication totale est un phénomène
répandu,
privilégient
les
voyelles
centrales
/ɤ/
et
/ɯ/,
et
n’emploient
qu’exceptionnellement /a/, /o/ ou /u/.
Les emprunts tibétains fournissent des exemples complémentaires de ce type de
phénomènes. Nous étudierons ces exemples dans le chapitre 3.
2.4.5
Contraintes sur les géminées
Le japhug n’admet pas de géminées à l’intérieur d’un même lexème : ainsi, les
emprunts tibétains dissyllabiques dont la finale de la première syllabe et la première
81
consonne (préinitiale ou initiale) de la seconde sont semblables ne sont pas géminées en
japhug (voir chapitre 3).
On trouve cepend ant quelques cas de géminées entre deux morphèmes dans les
deux cas suivants :
z
Dans la conjugaison verbale, lorsqu’on ajoute les suffixes –tɕɯ (1d), –nɯ (23p)
et –ndʑɯ (23d), à une racine verbale finissant en –t, on observe une géminée. Par
exemple, avec le verbe kɤ-fɕɤt « raconter », on a : pɯ-fɕɤ́t-tɕɯ [pɯfɕɛ́ttɕɯ̻] (nous
deux avons raconté cela), pɯ-fɕɤ́t-ndʑɯ [pɯfɕɛ́nndʑɯ̻] (eux deux ont raconté cela) ;
pɯ-fɕɤ́t-nɯ [pɯfɕɛ́nnɯ̻] (ils ont raconté cela).
z
Certains mots grammaticaux composés avec un élément /nɤ/ désaccentué tels
que kɯ́nnɤ « aussi ».
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2.4.6
Conclusion
La structure des rimes pose moins de difficultés d’analyse que celle des groupes de
consonnes initiaux, car, en dehors de -ɯu et -ɯa, il n’y a aucune rime ambiguë. Toutefois,
certaines rimes ont un statut marginal que nous n’avons fait ici que constater, et seule
l’étude de la phonologie historique nous permettra d’expliquer leur distribution.
Le système de finales du japhug est comparable à celui d’autres langues de la région.
L’inventaire maximal des finales que l’on rencontre habituellement dans les langues
tibéto-birmanes, kam-tai, hmong-mien et austroasiatiques est le suivant : une série
d’occlusives orales (–p –t –k), de nasales (-m, -n, -ŋ), d’approximantes (-w, -j), des
sonantes –l et –r, les fricatives –s ou –h et le coup de glotte -ʔ. Dans une langue
tibéto-birmane comme le qiang du nord, la chute de certaines voyelles finales a permis
malgré tout de recréer une inventaire complet de fricatives en finales, et même de
groupes de consonnes, mais c’est là une exception.
A part la dentale –t, les occlusives du rgyalrong oriental (Cog-tse, So-mang)
correspondent à des fricatives sonores en japhug. Nous avons vu que la finale –p du
japhug de kɤmɲɯ est une innovation et que le *-p du proto-japhug y était devenu –β. Les
–k du cogtse correspondent à -ɣ ou -ʁ en japhug. C’est là une caractéristique partagée
par un certain nombre de dialectes, comme nous le verrons dans le chapitre 4 sur la
phonologie historique.
82
3 Stratification des emprunts tibétains
Le contact entre le rgyalrong et le tibétain est un des points les plus complexes de
l’histoire du rgyalrong.
Les langues rgyalronguiques appartiennent, tout comme le tibétain, à la famille
sino-tibétaine. Toutefois, comme nous l’avons suggéré dans le chapitre d’introduction,
ces langues sont sans doute plus proches du tangoute ou du birman qu’elles ne le sont du
tibétain. L’étendue de l’influence du tibétain varie selon les dialectes, mais contrairement
à une idée répandue, elle est relativement modérée, tout du moins en ce qui concerne le
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japhug : le nombre d’emprunts dans la langue ne s’élève guère qu’à 18 % du vocabulaire
de 4000 mots que nous avons compilés (21 % si on y ajoute les mots qui pourrait être
cognats). L’étude des emprunts tibétains dans les langues rgyalronguiques pose toutefois
une série de problèmes méthodologiques.
Tout d’abord, il convient de distinguer cognats et emprunts. Comme nous l’avons vu
dans le chapitre d’introduction, la confusion entre ces deux concepts fait que la plupart
des intellectuels tibétains considèrent les langues rgyalronguiques comme des dialectes
tibétains. Etant donné que le tibétain ancien et les langues rgyalronguiques sont des
langues relativement conservatrices phonologiquement, et que certains emprunts du
tibétain remontent à une date très ancienne, c’est une opération délicate : certains mots
qui ressemblent en tout point à des emprunts pourraient être des cognats.
Par ailleurs, ces emprunts viennent d’un grand nombre de dialectes, du tibétain
ancien aux variantes modernes de la langue de l’Amdo. Certains emprunts reflètent
même des mots qui ne sont pas attestés dans les dictionnaires parce qu’ils viennent de
dialectes différents de celui qui est à la base du tibétain classique. On doit donc distinguer
plusieurs couches d’emprunts différentes.
Ensuite, les emprunts ne sont pas en quantité suffisante pour établir l’ensemble des
correspondances phonétiques avec le tibétain classique pour chacune des couches
d’emprunts.
Enfin, l’étude des emprunts tibétains ne saurait se passer de la phonologie historique
des langues rgyalronguiques elles-mêmes. En effet, certains mots ont pu avoir été
empruntés dans une langue ancestrale à plusieurs langues rgyalrong, voire en
proto-rgyalrong. Ainsi, la phonologie historique du rgyalronguique est nécessaire pour
déterminer la stratification des emprunts.
L’analyse des emprunts tibétains dans les langues rgyalronguiques présente trois
83
types d’intérêt différents pour le comparatiste. En premier lieu, elle permet d’éviter de
confondre emprunts et cognats dans le cadre d’une recherche comparative sur le
tibéto-birman qui inclurait le rgyalronguique. En second lieu, elle nous apporte des
informations importantes sur la phonologie historique des langues rgyalronguiques, et
pourrait même servir dans certains cas d’argument pour classifier ces langues dans un
Stammbaum fondé sur les innovations communes. En troisième lieu, elle renseigne sur la
prononciation du tibétain ancien, sur l’histoire des dialectes Amdo, et fournit des
attestations d’un certain nombre de mots qui n’apparaissent jamais en tibétain classique.
Dans ce travail, nous prendrons comme point de référence l’orthographe tibétaine
classique, et nous nous limiterons à l’étude du dialecte japhug de kɤmɲɯ, la seule langue
rgyalrong pour laquelle nous avons suffisamment de données sur les emprunts. Notre
travail se divise en deux grandes parties.
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Tout d’abord, nous présenterons les données sur lesquelles se fonde notre analyse
de la stratification, ainsi que nos critères pour distinguer les emprunts des cognats. Durant
la compilation de notre dictionnaire, nous avions rassemblé tous les mots similaires en
tibétain et en japhug, sans nous soucier de savoir dans un premier temps s’il s’agissait de
cognats ou d’emprunts. Sur la base de ce corpus, nous établirons les correspondances
phonétiques entre tibétain et japhug. Nous traiterons séparément les rimes, les initiales,
et enfin les correspondances phonétiques inhabituelles de certains dissyllabes.
Ensuite, nous tenterons de nous baser sur ces correspondances phonétiques pour
classer les mots rgyalronguiques apparentés au tibétain en cognat et en différentes
couches d’emprunts. Pour établir ces couches, nous avons recours aux dissyllabes et aux
mots constituant une série naturelle (noms des mois, cycle des douze animaux, points
cardinaux) : ils doivent avoir été empruntés en même temps à un même dialecte. Nous
ferons référence également à la phonologie historique des langues rgyalronguiques.
3.1
Correspondances entre japhug et tibétain
L’étude des correspondances entre tibétain classique et japhug se divise en
trois parties : les rimes, les groupes de consonnes initiaux, et les correspondances
particulières dans certains dissyllabes. Il sera nécessaire de présenter la phonologie du
tibétain dans chacune de ces sections pour expliciter quelles rimes et quels groupes
initiaux de cette langue sont ou ne sont pas attestés dans le corpus des emprunts du
japhug.
Dans cette section, nous ne ferons qu’illustrer les correspondances sans proposer
d’analyse. Les correspondances seront rangées à partir du tibétain orthographique afin
de faciliter par la suite la discussion des couches d’emprunts. Nous n’essaierons pas de
distinguer emprunts de cognats, et ne prendrons en compte que des critères
84
phonologiques pour classer ces correspondances.
3.1.1
Rimes
Le tibétain classique compte cinq voyelles différentes : a i u e o. Une sixième existe
aussi en tibétain ancien (le gi gu inversé ou gi-gu phyir-log), mais il ne semble pas qu’il
s’agisse d’un autre phonème. On trouve dans cette langue dix consonnes finales (rjes
‘jug), qui se notent en transcription –b, –d, –g, –m, –n, –ng, –l, –r et –s. Les finales –b, –d,
–g se prononçaient probablement comme des sourdes glottalisées, comme dans la
plupart des langues de la famille.
On trouve également des groupes de finales : les graves (labiales et vélaires)
peuvent être suivies de –s, et en tibétain ancien les aiguës (apicales et laminales) –n, –l et
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–r peuvent être suivies de –d (le da drag).
Etant donné qu’il n’existe pas de restrictions sur la combinaison des voyelles avec les
consonnes finales, on peut les combiner en 75 rimes différentes en comptant les syllabes
ouvertes, ce qui est davantage que les 60 rimes du japhug. Nous n’indiquerons toutefois
les rimes ayant une finale complexe telle que –angs que dans les cas où cette rime a des
réflexes en rgyalrong différents de ceux de la rime à finale simple.
Etant donné que les trois voyelles les plus courantes en japhug en syllabe fermée
sont /a/, /ɤ/, /ɯ/ (cette dernière étant réalisée [i] devant palatales et palato-alvéolaires) et
/o/, nous avons divisé la colonne des correspondances en cinq sous-colonnes du Tableau
55 au Tableau 59. Les quatre premières sont utilisées lorsque le réflexe japhug de la rime
tibétaine présente l’une de ces quatre voyelles suivie de la même consonne que le
tibétain classique, selon les correspondances présentées dans le Tableau 54 :
tibétain
japhug
tibétain
japhug
tibétain
japhug
-b
-β
-m
-m
-l
-l
-d
-t
-n
-n
-r
-r
-g
-ɣ / -ʁ
-ng
-ŋ
-s
-s
Tableau 54 : Correspondances régulières entre les finales du tibétain et du japhug.
Le –s postfinal du tibétain (yang-rjes) ne se retrouve que dans cinq mots :
sngags-pa :: sŋaʁspa « sorcier », mdzangs-pa « intelligent » :: kɤ-rɯ-ndzaŋspa « faire
attention », sbyangs « apprendre (forme du passé) » :: kɤ-βzjos « apprendre », tshangs
« être complet (forme du passé) :: kɤ-tsʰos « être complet » ainsi que rigs :: ɯ-rɯs « sorte
» où la finale –g est tombée.
Dans le cas où la voyelle du réflexe ne serait pas /a/, /ɤ/, /ɯ/ ou /o/, ou que la finale
du japhug serait différente de celle du tibétain, ce réflexe devra être inséré dans la
85
colonne « autre » prévue à cet effet. Par exemple, la dernière syllabe de kɤ-nɯtɕʰɤl « être
puni » est comparée à chad-pa « punir ». Bien que la voyelle de cet exemple soit /ɤ/, on
doit le ranger dans la colonne « autre » parce qu’il ne suit pas la correspondance –d :: –t,
mais présente une correspondance –d :: –l. Nous avons séparé les correspondances en
cinq tableaux en fonction de la voyelle du tibétain.
Les correspondances indiquées entre parenthèses ne sont attestées que par un seul
exemple.
rime
-a
correspondances en japhug
aC
ɤC
-a
-ɤ
ɯC
oC
autre
japhug
sens japhug
tibétain
(-u)
fka
ordre
bka
pjɤ-rgɤt
vautour
bya-rgod
kɯ-mŋu
cinq
lnga
rma
blessure
tɯ-ɣmas
kɤ-ŋga
porter (habit)
bgo bgos
tɯ-ɕnaβ
morve
snabs
rɟɤl-kʰɤβ
pays
rgyal-khab
tat-pa
foi
dad-pa
tʰam-tɕɤt
tout
thams-cad
kɤ-nɯ-tɕʰɤl
être puni
chad-pa
(-as)
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(-o)
-ab
-ad
-aβ
-at
-ɤβ
-ɤt
exemples
-ɤl
-ag
-aʁ
raʁ
laiton
rag
-ags
(-aʁs)
sŋaʁspa
sorcier
sngags-pa
-am
-am
tʰam-tɕɤt
tout
thams-cad
kɯ-ndʑɤm
chaud
‘jam-po
kɤ-rɤ-ntɕʰom
danser
‘chams
tsa
un peu
tsam
pʰan-tʰoʁ
avantage
phan-thogs
sɯm-tɕɤn
animaux
sems-can
laʁ-dɯn
outil
lag-ldan
kɯ-tʂaŋ
juste
drang-po
loŋ-butɕʰi
éléphant
glang-poche
kho
chambre
khang
ldʑɯŋ-ldʑɯŋ
bleu ciel
ljang-khu
zaŋ
cuivre
zangs
kɤ-rɯ-ndzaŋspa
faire attention
kɤ-βzjos
apprendre
mdzangs-pa
-an
-ang
-angs
(-an)
-aŋ
-aŋ
(-aŋs)
-ɤm
-ɤn
-om
-a
(-ɯn)
(-ɯŋ)
-oŋ
-o
-os
sbyangs
86
-al
(-al)
-ɤl
(-a)
(-ar)
-ar
-ar
-ɤr
-ɤl
dal-tsɯ-tsa
lentement
dal-mo
tʰɤl-wa
terre
thal-ba
ŋgu-ʁar
laine
*‘go-bal
qa-ɕpa
grenouille
sbal-ba
kɤ-tar
développer
dar-ba
ɕɤr-pɕoʁ
est
shar-phyogs
ɯ-pɤl
partie
de
la
louche qui sert
sbar-mo
à contenir le
liquide
-as
-as
-ɤs
(-ɤj)
tɯ-las
chance
las
mbrɤs
riz
‘bras
nɤj-mbrɯma
sorte de bol
nas-’bruma
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Tableau 55 : Correspondances des rimes à voyelle -a- du tibétain en japhug.
Le /a/ du tibétain correspond en général soit à /a/, soit à /ɤ/ en rgyalrong. Devant les
nasales –ŋ et –m, il peut correspondre aussi au japhug /o/. La correspondance entre les
tibétain /a/ et le japhug /u/ est en revanche limitée au seul exemple donné ici lnga ::
kɯ-mŋu « cinq ». Par ailleurs il convient de noter –an :: -ɯn, où /a/ correspond à /ɯ/ en
japhug. La finale –in devant les palato-alvéolaires et les palatales doit probablement
s’analyser au moins diachroniquement comme /ɯn/, ce qui explique que –in corresponde
au tibétain –an dans certains exemples comme jaβ-tɕin « étriller » :: yob-can.
rime
-e
correspondances en japhug
exemples
aC
ɤC
ɯC
autre
japhug
sens japhug
tibétain
(-a)
-ɤ
(-ɯ)
(-e)
ʑɤzdaŋ
envie
zhe-sdang
mdʐɯ-ɕɯɣ
punaise
‘dre-shig
kɯ-βdi
beau
bde-mo
qa-me
grain de beauté
sme-ba
-i
(-ɤm)
kɤ-nɯ-ʑɤm-ŋɤn
envier
kɤ-kɯ-nɤ-ndza
lèpre
mdze
zhe-ngan
-eb
-ɤβ
kɤ-zdɤβ
plier
sdeb-pa
-ed
-ɤt
sɲɤt
harnais
rmed
kɤ-χɕaʁ
mourir
gshegs
-ɯm
sɯm-pa
pensée
sems-pa
-ɯn –in
skɤ-lɤn
réponse
skad-lan
skɤr-tɕin
vénus
skar-chen
mtɕʰo-rtɯn
stupa
mchod-rten
-eg
(-aʁ)
-em
-en
-ɤn
87
-eng
(-ɯŋ)
(-i)
(-ɯ)
sɯŋgi
lion
seng ge
tɯ-mbri
corde
‘breng
mpʰrɯ-mdɯt
neuf nœuds
‘phreng-mdud
-el
-ɤl
χɕɤl-mɯɣ
lunettes
shel-mig
-er
-ɤr
sɤr-wa
grêle
ser-wa
-es
-ɤs
kɯ-mdzɤs
beau
mdzes-pa
kɤ-sɯs
savoir
shes-pa
(-ɯs)
Tableau 56 : Correspondances des rimes à voyelle -e- du tibétain en japhug.
Le tibétain /e/ correspond généralement à /ɤ/ et à /ɯ/ en japhug. On trouve aussi /i/
en japhug dans le cas des syllabes ouvertes et des syllabes en –eŋ. Par ailleurs, il faut
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noter –eg :: –aʁ où /e/ correspond à /a/.
rime
-o
correspondances en japhug
aC
ɤC
(-a)
-ɤ
ɯC
oC
autre
japhug
sens japhug
tibétain
-o
-u
tɯ-rŋa
visage
ngo
rɟɤl-pu
roi
rgyal-po
tɕɤ-mɯ
nonne
jo-mo
χɕɤl-zgoŋ
miroir
shel-sgo
po
boisseau
‘bo
jaβ-tɕin
étriller
yob-can
stɤβ-tsʰɤt
concours
stobs-tshad
kɤ-ɲɟɤt
regretter
‘gyod
pʰaʁ-rgot
sanglier
phag-rgod
ko-wa
méthode
bkod-pa
kɤ-lɤɣ
faire paître
‘brog-pa
ɕoʁ
sarrasin
shog
ɕku
oignon
sgog-pa
qro
fourmi
grog-ma
zɯm
seau
zom
om
syllabe de mantra
om
-ɯ
(-oŋ)
-ob
-od
-og
(-aβ)
-ɤβ
-ɤt
-ot
-ɤɣ
-oʁ
(-o)
(-u)
(-o)
(-ɯm)
-om
-on
-ong
(-ɤn)
-ɯn
exemples
(-om)
-on
-oŋ
(-um)
-un
(-o)
kɯ-jpum
épais
jɤn-tɤn
qualité
yon-tan
kɤ-ndɯn
lire
‘don
lon-ba
tout
lon-pa
rɟa-βlun
ministre
rgyal-blon
mbroŋ
yak sauvage
‘brong
kɯ-so
vide
stong-pa
sbom-po
88
-ol
-or
-ɤl
(-ar)
-os
-ɤr
(-ɯr)
(-or)
-ɤs
(-us)
(-wi)
jɤl-wa
voile
yol-ba
mkʰar-maŋ
peuple
vkʰor-dmangs
tʂa-pʰɤr
bol de moine
grwa-phor
mkʰɯr-lu
machine
‘khor-lo
χtor-ma
offrande
gtor-ba
tɯ-krɤs
discussion
gros
kɯ-mbus
déborder
sbos-pa
tsʰwi
teinture
tshos
Tableau 57 : Correspondances des rimes à voyelle -o- du tibétain en japhug.
Le tibétain /o/ correspond aux voyelles /a/, /ɤ/, /ɯ/, /o/ et /u/ du japhug dans plusieurs
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rimes. On trouve aussi un exemple d’une correspondance –os :: –wi.
rime
correspondances en japhug
aC
ɤC
-i
ɯC
oC
-ɯ
autre
japhug
sens japhug
tibétain
-i
rɯdaʁ
animal
ri-dwags
kɤ-βzi
saoul
bzi-ba
kɯ-βde
quatre
bzhi
kɯ-scit
heureux
skyid-po
tɯ-mɲɯɣ
luette
mid-pa
kɯ-rʑi
lourd
rjid-po
tɯ-mɲaʁ
œil
mig (dmyig)
rtsɯ-dʐɯɣ
compte
rtsi-sgrig
kɯ-rtsɤɣ
léopard
gzig
ɬa-rɯɣ
d’ascendance divine
lha-rigs
(-e)
-id
-it
(-ɯɣ)
(-i)
-ig
(-aʁ)
-igs
-ɯɣ
(-ɤɣ)
-ɯɣ
exemples
(-ɯs)
ɯ-rɯs
-im
-ɯm
-in
-ɯn
-ing
-aŋ
-i
(-oŋ)
-i
(-im)
-il
(-ɤl)
-ɯl
(-i)
sorte
rigs
kʰrɯm
châtiment
khrims
srɯn-mɯ
démone
srin-mo
tɯ-χpɣi
cuisse
byin-pa
kɯ-rɲaŋ
ancien
rnying-po
ɕoŋ-tɕa
bois
shing-cha
si
arbre
shing
ʑim-kʰɤm
un long moment,
zhing-khams
ɯ-χcɤl
milieu
dkyil
kɤ-zgrɯl
rouler
sgril-pa
tɯ-rni
gencives
rnyil
le monde entier
89
-is
-ɯs
(-ɯt)
(-i)
ʁnɯs
deux
gnyis
tɯ-ɕkrɯt
bile
mkhris
pʰa-ri
de l’autre côté
pha-ris
Tableau 58 : Correspondances des rimes à voyelle -i- du tibétain en japhug.
En syllabe ouverte, le tibétain /i/ correspond le plus souvent à /ɯ/ ou à /e/,
exceptionnellement à /i/ en japhug. En syllabe fermée il correspond à /ɯ/, sauf devant
vélaires, uvulaires et –l, où il correspond aussi au japhug à /a/ ou /ɤ/. Les syllabes à
finales sonantes en tibétain –in, –ing et –il donnent aussi la syllabe ouverte en –i japhug.
La correspondance –id :: -it n’est attestée que par des exemples à initiale palatale. Bien
que les deux rimes –it et -ɯt soient distinctives devant ces initiales, elle ne le sont que
dans les verbes en -ɯ auxquels on ajoute le suffixe –t de l’aoriste (tɤ-tɯ-ɣɤjɯ-t « tu as
rajouté qqch ») et jamais dans le lexique. Nous manquons ici d’exemples de –id du
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tibétain devant d’autres initiales, mais nous considèrerons qu’il s’agit de la rime -ɯt.
Nous n’avons aucun exemple de –ib et de –ir.
rime
correspondances en japhug
aC
ɤC
-u
ɯC
oC
-ɯ
japhug
sens japhug
tibétain
(-u-)
mtʰɯ
malédiction
mthu
ʁju
turquoise
g.yu
kɯ-ngɯt
neuf
dgu
mdaʁʑɯɣ
arc et flèches
mda-gzhu
nɤβ-pɕoʁ
ouest
nub-phyogs
ɯ-srɯβ
interstice
srubs
kɤ-ŋgrɯ
accomplir
‘grub
βdɯt
démon
bdud
tɤ-mtɯ
nœud
mdud
tɤ-ndɤɣ
poison
dug
tɯɣ
poison
dug
χsɯm
trois
gsum
sqa-fsum
treize
bco-gsum
χtɯn
mortier
gtun
tɯ-tun
but
don
kɤ-mkʰroŋ
se réincarner
‘khrung-ba
khu
tigre
gung
kɤ-pʰɯl
offrir
‘bul-ba, phul
zbri-lu
année du serpent
zbrul-lo
(-ɯt)
(-ɯɣ)
-ub
(-ɤβ)
-ud
-ug
-ɯβ
(-ɯ)
-ɯt
-ɤɣ
(-ɯ)
-ɯɣ
-um
-ɯm
(-um)
-un
-ɯn
(-un)
-ung
-ul
-oŋ
-ɯl
exemples
autre
(-u)
(-i)
90
-ur
-us
-ɯr
(-ɤs)
-ɯs
-ur
(-ɯ)
skɯr-ma
cadeau
skur-ma
ʁlɤwur
soudainement
glo-bur-du
kɤ-nɤs
oser
nus-pa
kɤ-lɯs
rester
lus-pa
ɕɤ-rɯ
os
sha-rus
Tableau 59 : Correspondances des rimes à voyelle -u- du tibétain en japhug.
Le tibétain /u/ correspond à /ɯ/ en japhug dans la majorité des cas, mais la finale
–ung qui correspond à /oŋ/ (il n’existe pas, comme nous l’avons vu, de finale *-uŋ en
japhug). Par ailleurs, on doit noter certaines rimes où /u/ correspond parfois à des rimes
en japhug ayant les voyelles /ɤ/ et /u/ ainsi que la rime –ul du tibétain qui dans quelques
exemples correspond à la syllabe ouverte –i.
Quasiment toutes les finales du tibétain classique sont attestées dans notre corpus
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de mots communs avec le japhug (les seules exceptions étant –ib et –ir). On remarque
que très peu de rimes ont une correspondance unique. Certaines rimes ont même jusqu’à
cinq correspondances différentes en japhug (cf. tibétain –o).
Pour les syllabes ouvertes, on peut toutefois proposer quelques généralisations. A
part lnga :: tɯ-mŋu « cinq » et rma :: tɯ-ɣmas « blessure » dont nous verrons qu’il s’agit
de cognats, -a correspond à –a ou à -ɤ en japhug. La correspondance -a :: -ɤ ne se
rencontre que dans la première syllabe des dissyllabes. (sa-zhing :: sɤ-ʑaŋ « champs »).
De même, hormi sme-ba :: qa-me dont nous verrons qu’il s’agit d’un emprunt –e ne
correspond jamais à –e. Il correspond toujours à –i en fin de mot, et en milieu de mot, il
correspond à i devant la syllabe -wa (βdi-wa :: bde-ba « bonheur », sci-wa :: skye-ba
« existence ») et à -ɤ devant les autres consonnes (ʑɤzdaŋ « envie » zhe sdang). La
seule exception parmi les emprunts est mdʐɯ-ɕɯɣ « punaise » de ‘dre-shig. De même,
pour –o, à part ngo :: tɯ-rŋa « visage » qui est un cognat, ainsi que jo-mo :: tɕɤ-mɯ
« nonne » et shel-sgo :: χɕɤl-zgoŋ « miroir » qui ont des correspondances anormales, on
constate que –o correspond à –o ou –u partout et parfois aussi à -ɤ dans les premières
syllabes de dissyllabes. De même, à part bzhi :: kɯ-βde « quatre » qui est un cognat,
nous constatons que –i correspond aussi bien à -ɯ qu’à –i. Enfin, le tibétain –u
correspond à -ɯ sauf pour dgu :: kɯ-ngɯt « neuf » dont nous montrerons qu’il s’agit d’un
cognat et ʁju « turquoise », un emprunt isolé.
Si l’on écarte les exceptions, les correspondances des rimes à syllabes ouvertes
peuvent se résumer dans le Tableau 60 :
91
tibétain
Première syllabe
Seconde syllabe
-a
-a, -ɤ
-a
-e
-i, -ɤ
-i
-o
-u, -o, -ɤ
-u, -o
-i
-i, -ɯ
-i, -ɯ
-u
-ɯ
-ɯ
Tableau 60 : Correspondances des syllabes ouvertes.
On remarque que toutes les syllabes ouvertes sont susceptibles de correspondre à
des voyelles d’arrière non-arrondies en première syllabe de dissyllabe. En seconde
syllabe, les correspondances sont plus simples : aucune de ces voyelles n’a plus de deux
correspondances différentes.
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Dans les syllabes fermées, les correspondances sont simples pour –i, -e et –u si l’on
ne prend pas en compte les correspondances attestées par un seul exemple : /i/
correspond toujours à /ɯ/ sauf dans la rime –iŋ et la rime –in, /u/ correspond aussi à /ɯ/
sauf dans la rime –ung et après l’initiale w-, et /e/ correspond soit à /ɯ/, soit à /ɤ/ selon la
consonne finale. Pour les rimes ayant ces trois voyelles, si l’on écarte les exceptions
attestées par un seul exemple, on trouve en tout seulement quatre rimes du tibétain qui
ont plus d’une correspondance en japhug : -ing (correspond à –aŋ et à –i), -in (-ɯn et –i),
-ug (-ɯɣ et -ɤɣ) et –en (-ɤn et -ɯn). Nous montrerons en 3.2.1.1 que les correspondances
–iŋ :: -i, -in :: -i et –ug :: -ɤɣ sont propres aux cognats. Pour les voyelles /a/ et /o/, les
correspondances sont beaucoup plus compliquées, même en ne tenant compte que des
correspondances attestées par plus d’un exemple.
Pour les syllabes fermées en –oC, à part –on les rimes ont au plus deux
correspondances :
tibétain
-ob
-oC :: -oC
-oC :: -ɤC
-ɤβ
-od
-og
-ot
-oʁ
-ɤt
-ɤɣ
-om
-on
-ong
-on
-oŋ
-ol
-un
-oC :: -ɯC
-ɯn
-os
-or
-ɤl
-oC :: -uC
-or
-ɤr
-ɤs
Tableau 61 : Correspondances de syllabes fermées à –oC ayant au moins deux attestations
du tibétain en japhug.
Dans ces correspondances, la voyelle /o/ correspond d’une part au /o/ du japhug, d’autre
part au /ɤ/ ou au /ɯ/ du japhug.
Pour les syllabes fermées en –aC, les correspondances restent complexes même
sans les exceptions :
92
tibétain
-ab
-aC :: -aC
-aC :: -ɤC
-ɤβ
-ad
-ag
-am
-at
-aʁ
-am
-ɤt
-aC :: -oC
-ɤm
-an
-ang
-al
-aŋ
-ɤn
-om
-ɤl
-ar
-as
-ar
-as
-ɤr
-ɤs
-o,
-oŋ
Tableau 62 : Correspondances de syllabes fermées à –aC ayant au moins deux attestations
du tibétain en japhug.
Dans ces correspondances, la voyelle /a/ correspond à /a/, à /ɤ/ même à /o/ pour les
rimes –am et –ang du tibétain.
L’étude des correspondances des rimes nous montre qu’en syllabe fermée, les cinq
voyelles du tibétain correspondent à des voyelles postérieures non-arrondies /ɤ/ et /ɯ/,
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sauf dans les rimes à finales –ŋ et -ʁ. En dehors des postérieures non-arrondies, les
voyelles /a/ et /o/ du tibétain ont également d’autres correspondances possibles dans
certaines rimes : le /a/ du tibétain peut correspondre à /a/ ou /o/ en japhug, et le /o/ du
tibétain peut correspondre à /o/, voire à /u/ en japhug.
Après avoir exclu les correspondances attestées par un seul exemple, nous
observons que les rimes du tibétain ont au plus trois correspondances différentes en
japhug.
3.1.2
Groupes de consonnes
Tout comme le japhug, le tibétain classique présente des groupes de consonnes
initiaux. Il est nécessaire dans un premier temps de présenter le système phonologique
du tibétain classique, pour ensuite déterminer quels groupes, parmi ceux qui existent,
sont attestés dans notre corpus japhug. Le phonologie du tibétain ancien et des dialectes
de l’Amdo ne sera abordée que dans la section sur l’analyse des différentes couches
d’emprunts.
3.1.2.1
Groupes de consonnes en tibétain classique
Le tibétain classique compte 30 initiales, indiquées dans le Tableau 63 dans l’ordre
traditionnel. La prononciation des initiales est aussi indiquée en alphabet phonétique
international dans les cas où la transcription s’en écarte.
93
Translittération
Prononciation
kkh-
kʰ-
g-
Translittération
Prononciation
Translittération
Prononciation
d-
zh-
ʑ-
n-
z-
p-
‘-
*ɦ-
y-
j-
ng-
ŋ-
ph-
c-
tɕ-
b-
r-
ch-
tɕʰ-
m-
l-
j-
dʑ-
ts-
sh-
ny-
ɲ-
tsh-
t-
dz-
th-
tʰ-
pʰ-
tsʰ-
ɕ-
sh-
w-
ʔ-
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Tableau 63 : Translittération et prononciation des consonnes du tibétain classique.
La prononciation ancienne de l’initiale transcrite ici par une apostrophe ‘-,
incorrectement30 appelée « ‘a-chung » par beaucoup de linguistes, a suscité une certaine
controverse, aussi la prononciation * ɦ - ne doit être considérée que comme une
reconstruction. En position préinitiale, cette lettre indique une prénasalisation31, et en
position finale, elle sert à désambiguïser l’écriture des syllabes (par exemple la syllabe
dag s’écrit <dg>, tandis que dga s’écrit <dg’>).
Le tibétain compte aussi les quatre médianes -w-, -y-, -r-, -l-. Le –w– ne semble pas
dans tous les cas être étymologique. Il compte aussi 8 préinitiales : les occlusives b-, d-,
g-, les nasales m- et ‘-32, et s-, r-, l-. On distingue par ailleurs trois cas où les préinitiales
sont doubles : bs-, br- et bl-. Les combinaisons entre ces préinitiales, les initiales et les
médianes sont d’une nature assez complexe. Nous avons compilé une liste des groupes
de consonnes en tibétain classique en excluant les groupes exclusivement attestés dans
les transcriptions du sanskrit.
30
Le terme ‘a-chung désigne le petit ‘- qui s’écrit sous les syllabes pour indiquer la longueur des syllabes
dans les mots sanskrits et certains autres mots étrangers (Ainsi Dalai Lama s’écrit taala’i blama avec un
a long marqué par un ‘a-chung).
31
Voir les travaux sur les dialectes tels que Jackson T.-S. Sun (1986, § 4.2.5).
32
Le signe ‘- en préinitiale indique une nasale de même lieu d’articulation que la consonne qui la suit,
comme l’archiphonème N- en japhug.
94
initiale
initiale +
b-
d-
s-
l-
r-
bs-
bk-
dk-
sk-
lk-
rk-
bsk-
brk-
(ky-)
bky-
dky-
sky-
rky-
bsky-
brky-
(kr-)
bkr-
dkr-
skr-
kl-
bkl-
médiane
(k-)
g-
m-
‘-
bl-
br-
(kw-)
k-
kh-
mkh-
‘kh-
khy-
mkhy-
‘khy-
khr-
mkhr-
‘khr-
bskr-
khwkh-
g-
bg-
dg-
mg-
‘g-
sg-
gy-
bgy-
dgy-
mgy-
‘gy-
sgy-
gr-
bgr-
dgr-
mgr-
‘gr-
sgr-
dng-
mng-
lg-
rg-
bsg-
brg-
rgy-
bsgy-
brgy-
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
gwg-
bsgr-
grwglng-
ng-
c-
(c-)
ch-
ch-
mch-
‘ch-
j-
j-
mj-
‘j-
ny-
ny-
bc-
sng-
gc-
gny-
lng-
rng-
bsng-
brng-
lc-
mny-
ljsny-
rj-
brj-
rny-
bsny-
brny-
nywt-
(t-)
th-
thd-
d-
bt-
gt-
bd-
mth-
‘th-
gd-
md-
‘d-
gn-
mn-
st-
lt-
rt-
bst-
blt-
brt-
sd-
ld-
rd-
bsd-
brd-
rn-
bsn-
brn-
dwdr-
n-
n-
sn-
(nr-)
p-
ph-
snr-
(p-)
dp-
sp-
py-
dpy-
spy-
(pr-)
dpr-
spr-
ph-
‘ph-
phy-
‘phy-
phr-
‘phr-
lp-
95
b-
b-
db-
‘b-
sb-
by-
dby-
‘by-
sby-
br-
dbr-
‘br-
sbr-
lb-
rb-
blmm-
dm-
(mr-)
(ts-)
rm-
smr-
myts-
sm-
dmybts-
gts-
smy-
rmy-
sts-
rts-
tswtsh-
bsts-
brts-
rtsw-
tsh-
mtsh-
‘tsh-
mdz-
‘dz-
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
tshwdz-
(dz-)
w-
(w-)
zh-
zh-
bzh-
gzh-
bz-
gz-
rdz-
brdz-
zhwz-
zzl-
‘-
‘-
y-
y-
r-
r-
g.y-
rwrll-
llw-
sh-
sh-
bsh-
gsh-
s-
bs-
gs-
sr-
bsr-
sl-
bsl-
shws-
hh-
lh-
hwhr-
Tableau 64 : Groupes de consonnes attestés en tibétain classique.
Le tableau ci-dessus montre que les préinitiales g- et d- se trouvent en distribution
complémentaire : d- devant les labiales et les vélaires, g- devant les dentales, les
96
alvéolo-palatales et la palatale y-.
Si l’on compte l’ensemble des initiales plus les groupes attestés, on parvient à un
total de 211, ce qui est sensiblement inférieur au total des groupes que nous avions
comptés en japhug. L’opposition entre les occlusives sourdes non-aspirées et aspirées,
comme nous le verrons dans la section sur les couches d’emprunts, n’était pas distinctive
en vieux tibétain des textes d’avant le Xe siècle, et ces deux séries d’occlusives sont
quasiment en distribution complémentaire en tibétain classique 33 : les aspirées se
trouvent lorsqu’il n’y a pas de préinitiale ou lorsque la préinitiale est nasale, tandis que les
sourdes non-aspirées sont requises devant toutes les autres préinitiales. Les sourdes
non-aspirées ne sont possibles dans les syllabes sans préinitiales que dans des cas très
restreints (emprunts, onomatopées, mots expressifs etc.), c’est pourquoi nous les avons
indiquées entre parenthèses dans le tableau.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Nous nous conformerons toutefois en tout point au tibétain classique tel qu’il est noté
dans l’orthographe pour établir les correspondances phonétiques. L’analyse de la
distribution des phonèmes ne sera abordée que dans le sous-chapitre 3.2 sur l’étude des
strates d’emprunts.
3.1.2.2
Correspondances des groupes de consonnes initiaux entre tibétain classique et
japhug
Dans cette section, nous allons tout d’abord présenter les correspondances par
initiale dans une série de tableaux fondés sur le Tableau 64 où les correspondances
attestées et les groupes tibétains sans équivalent en japhug seront indiqués
systématiquement. Nous composerons un tableau par lieu d’articulation en conservant
l’ordre de l’alphabet tibétain qui avait déjà été suivi dans le Tableau 64, pour faciliter aux
tibétologues l’utilisation de ces données. Les correspondances attestées par un seul
exemple seront marquées entre parenthèses. Après chaque tableau, un résumé
rappelant les correspondances générales des initiales sera fourni (les correspondances
courantes seront soulignées, tandis que celles qui sont limitées à quelques exemples ou à
quelques préinitiales ou médianes seront indiquées séparément).
Ensuite, nous synthétiserons les propriétés générales des correspondances des
initiales, indépendamment du lieu d’articulation ; les remarques exprimées dans cette
section serviront de base à l’étude des couches d’emprunts.
Enfin, nous étudierons les correspondances de chacune des médianes et des
préinitiales dans des tableaux séparés.
33
La première étude conséquente sur la distribution des sourdes et des aspirées en tibétain est Li 1933.
97
3.1.2.2.1 Vélaires
groupe initial
groupe initial
en tibétain
en japhug
k-
k-
ston-ka
automne
ston-ka
id.
(ʁ-)
skya-ka
pie
sca-ʁa
id.
fk-
bka
parole, ordre
fka
ordre
kanaʁ
bovidé de
bk-
mot tibétain
signification
mot japhug
en tibétain
signification
en japhug
(hon.)
dk-
(k-)
dkar-nag
blanc et noir
couleur noire
dont les pattes
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
sont blanches
sk-
rk-
dkon-po
rare
kɯ-rkɯn
id.
ɴq-
dka’-pa
dur
kɯ-ɴqa
id.
sk-
sku
corps,statue
skɯ
statue de
(hon.)
(skʰr-)
sku
corps,statue
Bouddha
tɯ-skʰrɯ
corps
(hon.)
(mk-)
ske
cou
tɯ-mke
cou
(qʰ-)
sbal-skogs
carapace de
bɤl-qʰoʁ
tortue
kɤ-rkʰe
graver
kɤ-rkɤs
graver
tortue
rk-
rk-
rko-ba
creuser,
sculpter
(rkʰ-)
rko-ba
creuser,
sculpter
dky-
(χc-)
dkyil
milieu
ɯ-χcɤl
milieu
sky-
(tɕ-)
*skya sga34
gingembre
tɕa-zga
gingembre
(rc-)
*skyag gtong
rca χtoŋ
une insulte
sc-
skye-ba
kɤ-sci
naître
bkr-
(fkr-)
*bkra gsal
kɯ-fkra-χsɤl
voir clair
kl-
(qʰl-)
klu
naga
qʰlɯ
id.
ʁl-
klung-rta
drapeau
ʁloŋ-rta
id.
naître, vivre
cérémoniel
khmkh-
kʰ-
mchod-khang chapelle
mtɕɤt-kʰo
id.
k-
ljang-khu
vert
ldʑaŋ-kɯ
id.
mkʰ-
mkhas-po
spécialiste,
kɯ-mkʰɤs
excellent en
excellent
34
Le tibétain classique pour ce mot est sga-skya.
98
‘kh-
(ŋkʰ-)
‘khor-ba-pa
être vivant
ŋkʰor-wa-pa
paysan
dans le
samsara
khy-
mkʰ-
‘khor-dmangs peuple
mkhar-maŋ
id.
cʰ-
khye’u
tɤ-cʰɯ
id.
kʰi-pa-tsɯt
une espèce de
coin
(pour caler)
(kʰ-)
khyi
chien
chien
mkhy
(kɕ-)
khyi
chien
kɕi
chien
(mcʰ-)
mkhyen-pa
connaître
kɤ-mcʰin
percevoir la
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
vraie nature
khr-
kʰr-
khra-bo
bariolé
kɤ-kʰra
id.
mkhr-
(rk-)
mkhrang-po
solide
kɯ-rkaŋ
vigoureux
(ɕkr-)
mkhris
bile
tɯ-ɕkrɯt
id.
‘khr-
(mkʰr-)
‘khrung-ba
naître (hon.)
kɤ-mkʰroŋ
se réincarner
g-
kʰ-
gung
tigre (vieux
kʰu
tigre
tibétain)
bg-
dg-
k-
gong
prix
kɯ-nɯ-koŋ
cher
(βg-)
bgod-pa,
répartir,
kɤ-βgos
préparer,
bgos
donner son dû
(ŋg-)
bgo-pa , bgo
porter un habit
kɤ-ŋga
id.
rg-
dga-ba
aimer, être
kɤ-rga
content
planifier
à chacun
content
mg-
(ʁg-)
dge-slong
bhikshu
ʁgɤ-sloŋ
id.
(ng-)
dgu
neuf
kɯ-ngɯt
id.
(ŋg-)
mgur
chant
ŋgɯr
discours
mystique
chanté
(épopée de
Gesar)
‘g-
(k-)
mgo
tête
tɯ-ku
id.
ŋg-
‘gong-po
maléfice,
ŋgoŋ-pu
malheur
démon
zg-
*mdzo-sga
selle de mdzo
mdzu-zga
attelage
ɕk-
sgog-pa
ail
ɕku
oignon
rg-
rg-
phag-rgod
sanglier
pʰaʁ-rgot
id.
gy-
(c-)
gyang
mur35
caŋ
mur en terre
mgy-
(mɟ-)
mgyogs-rwa
corne où l’on
mɟoʁ-ra
id.
sg-
met la poudre
35
Emprunt du chinois 牆 dzjang par le biais du tibétain.
99
‘gy-
ɲɟ-
‘gyod-pa
regretter
kɤ-ɲɟɤt
id.
(j-)
‘gyog-pa
lever
kɤ-joʁ
id.
sac en poil de
zɟi
id.
bkyags
sgy-
(zɟ-)
zgye
yak
rgy-
rɟ-
rgyal-po
roi
rɟɤl-pu
id.
bsgy-
(βzɟ-)
sgyur-ba,
changer
kɤ-βzɟɯr
id.
bsgyur
(rc-)
brgyad
huit
kɯ-rcat
id.
(rʑ-)
brgya
cent
ɣurʑa
id.
(gr-)
gral
rang, ordre
ɯ-grɤl (kɯ-tu)
raison (avoir)
kr-
gros
discussion
tɯ-krɤs
id.
(ʑmbr-)
gru
bâteau
ʑmbrɯ
id.
(qr-)
grog-ma
fourmi
qro
id.
dgr-
ʁgr-
dgra-ya
ennemi
ʁgra-ja
id.
mgr-
(ndʐ-)
mgron-po
hôte
ndʐɯn-bu
id.
sgr-
zgr-
sgril-ba
enrouler
kɤ-zgrɯl
tourner entre
brgy-
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
gr-
les doigts
(tʂ-)
sgril-ba
enrouler
kɤ-tʂɯl
id.
(dʐ-)
rtsi-sgrig
compte
rtsɯ-dʐɯɣ
id.
grw-
(tʂ-)
grwa-phor
bol de moine
tʂa-pʰɤr
id.
gl-
ʁl-
glen-ba
imbécile
ʁlɯn-ba
qui ne se
préoccupe de
rien
(l-)
glang-po-che
éléphant
loŋ-bu-tɕi
id.
(lj-)
glag
aigle
qa-ljaʁ
Aquila
chysaetos
ng-
ŋ-
ngan-ba
mauvais
kɯ-ŋɤn
id.
dng-
(rŋ-)
dngul
argent
rŋɯl
id.
sng-
sŋ-
sngags
sorcellerie
sŋaʁ
id.
lng-
(rŋ-)
lnga-pa
cinquième
rŋa-pa
cinquième
mois
rng-
(mŋ-)
lnga
cinq
kɯ-mŋu
id.
rŋ-
rnga-mong
chameau
rŋamoŋ
id.
Tableau 65 : Groupes ayant des vélaires comme initiales.
Parmi les groupes existant en tibétain classique, les suivants ne sont pas
attestés dans le corpus japhug :
Avec l’initiale k : lk-, bsk-, brk-, kw-, ky-, bky-, rky-, bsky-, brky-, kr-, dkr-, skr-, bskr-, bkl100
Avec l’initiale kh : khw-, ‘khyAvec l’initiale g- : lg-, bsg-, brg-, gw-, bgy-, dgy-, bgr-, bsgr-, ‘gr-,
Avec l’initiale ng- : mng-, bsng-, brngLe Tableau 65 présente l’ensemble des correspondances par groupes de consonnes,
mais il est utile de synthétiser ces données pour déduire les correspondances tibétain –
japhug des initiales seules. Dans certains cas, malgré tout, la correspondance ne saurait
être exprimée sans prendre en compte l’influence de la médiane :
1.
k- :: k-
(aussi k :: kʰ-, k :: kʰr-, k :: q-, k :: qʰ- et k :: ʁ-, chaque fois dans un cas)
Sauf avec les médianes -y- et -l- :
2.
ky- :: c-,
ky- :: tɕ-
kl- :: qʰl-,
kl- :: ʁl-
kh :: kʰ-,
kh :: k-
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Sauf avec la médiane -y- :
3.
khy- :: cʰ-,
khy- :: kɕ-,
khy- :: kʰ-
g- :: k-,
g- :: kʰ-,
g- :: g- (avec préiniales)
Sauf avec les médianes -y-, -r-, -l- :
4.
gy- :: c-,
gy- :: ɟ-
gr- :: dʐ-,
gr- :: tʂ-,
gr- :: gr-,
gl- :: ʁl-,
gl- :: l-,
gl- :: lj-
gr- :: kr-
ng- :: ŋ-
3.1.2.2.2 Palato-alvéolaires
groupe initial
groupe initial
en tibétain
en japhug
c-
tɕ-
thams-cad
bc-
ftɕ-
gcod-pa, bcad couper
mot tibétain
signification
mot japhug
en tibétain
complètement
signification
en japhug
tham-tɕɤt
id.
kɤ-ftɕɤt
arrêter de faire
qqch
gc-
(χtɕ-)
gces-pa
chérir
kɯ-χtɕɤs
être chéri
lc-
tɕ-
lcags-dkar
étain
tɕaʁ-kɤr
un type de bol
khɯ-tsa
(ɣl-)
lci-ba
purin
ɯ-ɣli
id.
(ltɕ-)
rta-lcag
fouet pour
rtɤ-ltɕaʁ
id.
cheval
ch-
tɕʰ-
cham-ba
rhume
tɕʰom-ba
id.
tɕ-
rgyan-cha
décoration
rɟɤn-tɕa
id.
(tsʰ-)
chi
quoi
tsʰi tsuku
quoi que ce
soit
101
mch
‘ch-
(mtsʰ-)
mchin-pa
foie
tɯ-mtsʰi
id.
mtɕʰ-
mchod-rten
stupa
mtɕʰo-rtɯn
id.
(mpɕ-)
mchor-po
beau
kɯ-mpɕɤr
id.
ntɕʰ-
‘chams-pa
danser (danse
kɤ-rɤ-ntɕʰom
id.
religieuse)
j-
tɕ-
jag-pa36
brigand
tɕaʁ-pa
id.
mj-
(mdʑ-)
‘go-mjug
chef
ŋgu-mdʑɯɣ
id.
‘j-
ndʑ-
‘ja’
arc en ciel
ndʑa
id.
lj-
(ldʑ-)
ljang-khu
vert
ldʑaŋ-kɯ
id.
(rʑ-)
ljid-po
lourd
kɯ-rʑi
id.
(d-)
lji-ba
puce
mdza-di
id.
rʑ-
rdo-rje
vajra
ʁdɤ-rʑi
id.
(tɕ-)
rjes
trace
tɤ-tɕɤs
id.
ɲ-
nyams
attitude,
ɯ-ɲɤm
viande, chair
ʁɲɤr-pa
id.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
rjny-
puissance
gny-
gnyer-pa
ʁɲ-
intendant du
monastère
(ʁn-)
gnyis
deux
ʁnɯs
id.
sny-
(sn-)
snying
coeur
tɯ-sni
id.
rny-
(rɲ-)
rnying-po
ancien
kɯ-rɲaŋ
id.
(rn-)
rnyil
gencive
tɯ-rni
id.
Tableau 66 : Groupes ayant des palato-alvéolaires comme initiales.
Parmi les groupes du tibétain classique, seuls les suivants ne sont pas attestés en
japhug: brj-, mny-, bsny-, brny-, nyw-.
Les correspondances des alvéolo-palatales sont plus simples, étant donné que cette
classe de consonnes n’a pas de médianes en tibétain (si l’on exclut le groupe nyw- dont
aucun mot le contenant n’est, de toute façon, attesté en japhug) :
1.
c- :: tɕ-
2.
ch- :: tɕʰ-,
ch- :: tɕ-
(et deux exemples de ch- :: tsʰ- et de ch- :: pɕ)
3.
j- :: tɕ-,
j- :: dʑ
(avec préinitiale nasale)
4.
ny- :: ɲ-
ny- :: n-
36
Emprunt du chinois 賊 dzok à travers le tibétain.
102
3.1.2.2.3 Occlusives dentales
groupe initial
groupe initial
en tibétain
en japhug
t-
t-
lo-tog
récolte
lɯ-toʁ
id.
bt-
ft-
‘dul-pa btul
apprivoiser,
kɤ-ftɯl
id.
mot tibétain
signification
mot japhug
en tibétain
signification
en japhug
convertir
gt-
χt-
gtor-ba
disperser
kɤ-χtɤr
id.
st-
st-
stag-lo
année du tigre
staʁ-lu
id.
(ɕt-)
stu
organe sexuel
tɯ-ɕtɯ
id.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
féminin
lt-
(zd-)
lteb-ba bltabs
plier
kɤ-zdɤβ
id.
rt-
rt-
rta-lcags
fouet de
rtɤ-ltɕaʁ
id.
χtɤ-mbrɤl
cérémonie,
cheval
(χt-)
rten-’brel
présage,
cérémonie,
célébration
célébration
(ft-)
rtags
bst-
(fst-)
stun-pa, bstun se conformer à kɤ-fstɯn
servir
brt-
(frt-)
brtan-po
kɯ-frtɤn
fiable
marque
stable, solide,
ftaʁ
id.
constant,
fiable
th-
tʰ-
thab-ka
foyer
tʰɤβ-ka
id.
t-
thug-pa
toucher,
kɤ-tɯɣ
id.
rencontrer
mth‘th-
(χt-)
‘bum-ther
100000
mbɯm-χtɤr
id.
mtʰ-
mthu
magie
mtʰɯ
id.
(mt-)
mthong-ba
voir
kɤ-mto
id.
(t-)
‘thag-pa,
tisser
kɤ-taʁ
id.
btags
(d-)
dal-mo
lent
dal-tsɯ-tsa
id.
t-
dad-pa
foi
tat-pa
id.
bd-
βd-
bdag-po
maître, hôte
βdaʁ-pu
hôte
gd-
ʁd-
gdon
démon
ʁdɯn
malheur
md-
md-
mdog
couleur
ɯ-mdoʁ
id.
(mt-)
mdud-pa
nœud
tɤ-mtɯ
id.
(mɲ-)
mda
flèche
tɯ-mɲa
id.
nd-
‘dar-ba
trembler
kɤ-nɤ-ndɤr
id.
d-
‘d-
103
‘dom-pa
(ɟ-)
longueur de
tɯ-ɟom
id.
kɤ-zdɯɣ
pénible
deux bras
écartés
sd-
sdug-po
zd-
pénible,
mauvais
ld-
d-
ldan-pa
ayant
kɯ-dɤn
beaucoup
rd-
rd-
rdo-’bum
tas de pierre
rdɤ-mbɯm
id.
(ʁd-)
rdo-rje
vajra
ʁdɤ-rʑi
id.
(βzd-)
sdud-ba,
ramasser
kɤ-βzdɯ
id.
bsd-
bsdus
brd-
(rd-)
lag-brda
geste
laʁ-rda
id.
dw-
(d-)
ri-dwags
animaux
rɯ-daʁ
id.
sauvages,
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
gibier
drn-
tʂ-
drin-len
bienfait
tʂɯn-lɤn
id.
(d-)
ɯ-di
odeur
dri
id.
n-
nag-ngo
seconde
naʁ-ŋo
id.
période du
mois
(ɲ-)
nag-po
noir
kɯ-ɲaʁ
id.
gn-
ʁn-
gnam-yangs
plafond
ʁnɤm-jaŋ
id.
mn-
(mn-)
mnam-pa
sentir une
kɤ-nɤ-mnɤm
id.
odeur
snrn-
ɕn-
sna
nez
tɯ-ɕna
id.
sn-
snag-tsha
encre
snaʁ-tsa
id.
rn-
rna
oreille
tɯ-rna
id.
Tableau 67 : Groupes ayant des occlusives dentales comme initiales.
Parmi les groupes du tibétain classique, les suivants ne sont pas attestés parmi les
emprunts japhug : lt-, blt-, bsn-, brn-, snr-.
Les correspondances des occlusives dentales sont les suivantes :
(et un exemple de t- :: d)
1.
t- :: t-
2.
th- :: tʰ-,
th- :: t-
3.
d- :: d-,
d- :: t-
Sauf avec la médiane -r- :
4.
(et un exemple de ‘d- :: ɟ-)
dr- :: tʂ-
n- :: n-
104
3.1.2.2.4 Occlusives labiales
groupe initial
groupe initial
en tibétain
en japhug
p-
b-
sdong-po
tronc d’arbre
zdoŋ-bu
id.
p-
sog-po
mongol
soʁ-pu
id.
(w-)
‘bad-pa
effort
mbɤl-wa
salaire d’un
mot tibétain
signification
mot japhug
en tibétain
signification
en japhug
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
lama
dp-
χp-
dpe
exemple
χpi
histoire
sp-
sp-
spos
encens
spos
id.
dpy-
(χɕ-)
dpyid-ka
printemps
χɕit-ka
id.
spy-
(spj-)
spyang-ki
loup
spjaŋ-kɯ
id.
spr-
spr-
sprul-sku
réincarné
sprɯl-skɯ
id.
ph-
pʰ-
phag-lo
année du
pʰaʁ-lu
id.
cochon
p-
phag
cochon
paʁ
id.
(p-)
‘phar-ba
chacal
qa-par
id.
(pɣ-)
‘phang
appareil à filer
kɤ-pɣo
filer
phy-
pɕ-
phyogs
côté
pɕoʁ
id.
‘phy-
(mpɕ-)
‘phya-ba
se moquer
kɤ-mpɕa
id.
phr-
(rp-)
phrag
épaule
tɯ-rpaʁ
id.
(mpʰr-)
phrug
habit en laine
mpʰrɯɣ
id.
‘phr-
mpʰr-
‘phrad-pa
se rencontrer
kɤ-mpʰrɤt
être adéquat
b-
p-
ba so
ivoire
pas-rɯ
id.
w-
yol-ba
rideau
jɤlwa
id.
(ʁ-)
* ‘go-bal
tissu de laine
ŋgu-ʁar
id.
(ʁ-)
dbang
pouvoir (n.)
tɯ-ʁoŋ
id.
(w-)
rang-dbang
liberté
rɤ-woŋ
responsabilité
mb-
rwa-’bum
ramure de cerf
ra-mbɯm
id.
(p-)
‘bo
boisseau
po
id.
zw-
sbor-ba, sbar
allumer
kɤ-zwɤr
id.
(z-)
sbug-chal
cymbales
zɯɣtɕʰɤl
id.
(ɕp-)
sbal
grenouille
qa-ɕpa
id.
(b-)
sbal-skogs
carapace de
bɤl-qʰoʁ
tortue
kɯ-jpum
id.
‘ph-
db‘bsb-
tortue
(jp-)
sbom-po
épais
105
(p-)
sbar-mo
paume
ɯ-pɤl
partie
de
la
louche qui sert
à
contenir
le
liquide
by-
pj-
bya-lo
année du coq
pja-lu
id.
(βj-)
rma-bya
paon
rma-βja
id.
p-
byed-pa,
faire
kɤ-pa
fermer37
byas, bya
byos
(χpɣ-)
byin-pa
cuisse
tɯ-χpɣi
id.
(mb-)
sbyin-pa,
donner
kɤ-mbi
id.
byin
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
dbysby-
(ftɕ-)
dbyar
été
ftɕar
id.
ʁj-
dbyar-sa
pâturages
ʁjar-sa
id.
(βzj-)
sbyong-ba,
apprendre
kɤ-βzjos
id.
sbyangs
br-
‘br-
pr-
brag
falaise
praʁ
id.
(r-)
brang
poitrine
tɯ-ro
id.
(βr-)
pho-brang
palais
pʰo-βraŋ
id.
mbr-
‘bras
riz
mbrɤs
id.
(l-)
‘brog-pa
éleveur
kɤ-lɤɣ
faire paître
nomade
sbr-
(spr-)
sbrul
serpent
qa-pri
id.
(zbr-)
sbrul lo
année du
zbri lu
id.
serpent
(rw-)
sbra
tente
rwa
id.
(χw-)
sbra
tente
χwara
id.
(ɣʑ-)
sbrang
mouche
ɣʑo
abeille
βl-
rgya-blon
ministre
rɟɤ-βlun
id.
(rl-)
bla
âme
tɯ-rla
id.
m-
mang-po
beaucoup
kɯ-maŋ
id.
(nm-)
mag-po
mari de la fille
tɯ-nmaʁ
mari
mɲ-
mi-rgod
yéti
mɲɯ-rgot
id.
dm-
ʁm-
dmag-mi
soldat
ʁmaʁ-mi
id.
sm-
sm-
sman
médicament
smɤn
id.
blm-
37
« Faire » est le sens originel.
106
sme-ba
(m-)
grain de
qa-me
id.
beauté
rm-
rm-
rma-bya
paon
rma-βja
id.
(ɣm-)
rma
blessure
tɯ-ɣmas
id.
(sɲ-)
rmed
harnais
sɲɤt
id.
(ʁm-)
rma
blessure
ʁmas-grɯβ
cicatrice
(jmŋ-)
rmang-lam
rêve (vieux
tɯ-jmŋo
id.
kɤ-rɲo
id.
kɤ-sɲu
id.
tibétain)
my-
(rɲ-)
smy-
sɲ-
myong-ba,
faire
myangs
l’expérience
smyo-ba
être fou
Tableau 68 : Groupes ayant des labiales comme initiales.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Parmi les groupes du tibétain classique, les suivants ne sont pas attestés en japhug :
lp-, pr-, dpr-, lb-, rb-, ‘by-, dbr-, smr-, dmy-, rmy-.
Les correspondances pour les occlusives labiales sont les suivantes :
1.
p- :: p-
(et sans préinitiales
p- :: b- et p- :: w-)
2.
ph- :: pʰ-
ph- :: p-
(avec préinitiale nasale ‘ph- :: m)
3.
b- :: p-
b- :: w-
b- :: pʰ-
4.
m- :: m-
b- :: b- (avec préinitiale nasale)
Sauf avec la médiane -y- : my- :: ɲ3.1.2.2.5 Affriquées dentales
groupe initial
groupe initial
en tibétain
en japhug
ts-
ts-
tsan-dan
santal
tsɤn-dɤn
id.
bts-
fts-
‘dzugs-pa,
planter, établir
kɤ-ftsɯɣ
établir
mot tibétain
signification
mot japhug
en tibétain
signification
en japhug
btsugs gzugs
gts-
χts-
gtsang-ba
propre
kɯ-χtso
id.
rts-
rts-
rtsa
pouls
tɯ-rtsa
id.
rtsw-
(rts-)
rtswa-dug
herbe
rtsa-tɯɣ
id.
empoisonnée
tsh-
mtsh-
tsʰ-
tsha-la
borax
tsʰala
id.
(fts-)
tsha-bo
neveu
tɯ-ftsa
id.
ts-
tshe
vie
tɯ-tsi
id.
mtsʰ-
mtsho
lac
mtsʰu
id.
107
‘tsh
ntsʰ-
‘tshog-pa
se rassembler
kɤ-ntsʰoʁ
participer à la
lecture des
soutras
(s-)
‘tsho-ba
vivre
kɤ-sɯ-su
id.
tshw-
(tsʰ-)
tshwa
sel
tsʰa
id.
mdz-
mdz-
mdzes-po
beau
kɯ-mdzɤs
id.
(ndz-)
mdze
lèpre
kɤ-kɯ-nɤ-ndza id.
‘dz-
ndz-
‘dzam-gling
monde
ndza-ʁlaŋ
id.
rdz-
(rz-)
rdzas
objet
tɯ-rzas
bagages
Tableau 69 : Groupes ayant des affriquées dentales comme initiales.
Parmi les groupes du tibétain, les suivants ne sont pas attestés en japhug : sts-, bsts-,
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
brts-, dz-, brdzLes correspondances pour les affriquées dentales sont les suivantes :
1.
ts- :: ts-
2.
tsh- :: tsʰ-
tsh- :: ts-
3.
dz- :: dz-
dz- :: z-
(tsh- :: s-)
3.1.2.2.6 Approximantes et fricatives
groupe
groupe
initial en
initial en
tibétain
japhug
zh-
ʑ-
zho
lait
ʑu
id.
(ndʑ-)
zhu-ba
demander38
kɤ-ndʑɯ
accuser
(rʑ-)
zhag
durée de 24h
tɯ-rʑaʁ
une nuit
βʑ-
bzhi-pa
quatrième
βʑi-pa
quatrième
bzh-
mot tibétain
signification
mot japhug
en tibétain
signification
en japhug
mois
(ʑ-)
bzhugs-sa
siège
ʑɯɣ-sa
id.
(l-)
bzha’
humide
kɤ-ɣɤ-la
mouiller
(pj-)
bzhag-‘og
aisselle
tɯ-pjaʁ-pa
id.
(βd-)
bzhi
quatre
kɯ-βde
id.
gzh-
ʁʑ-
gzhon-nu
jeune garçon
ʁʑɯnɯ
id.
zhw-
ʑ-
gser-zhwa
coiffe en or
χsɤr-ʑa
id.
z-
z-
zom
seau
zɯm
id.
38
Le sens d’ « accusation » se retrouve dans l’expression zhu gtugs.
108
ndz-
za-ba
manger
kɤ-ndza
id.
(rz-)
phag-ze
poils de
pʰaʁ-rzi
brosse à dents
cochon
en poils de
cochon
bzgzzl-
βz-
bzang-len
récompense
βzaŋ-lɤn
id.
(ʁz-)
bza’-mi
couple
ʁzɤ-mi
id.
ʁz-
gzan
kyasha
ʁzɤn
id.
(ɣz-)
gzan
nourriture
ɣzɤn
appât
(zl-)
zla
lune
pʰaʁ-zla-sqamŋu deux
semaines (un
demi-mois)
(sl-)
zla
lune
sla
id.
(ɣ-)
‘od
lumière
ɣot
id.
(w-)
‘u-lag
corvées
wu-laʁ
id.
j-
yol-ba
rideau
jɤl-wa
id.
(ʑ-)
yang-po
léger
kɯ-ʑo
id.
ʁj-
g.yog-po
serviteur
ʁjoʁ
id.
(ʑ-)
g.yang-dkar
mouton
qa-ʑo
id.
r-
rag
laiton
raʁ
id.
(ʑ-)
rang
soi-même
tɯ-ʑo
id.
rw-
r-
rwa-’bum
ramure du cerf
ra-mbɯm
id.
rl-
rl-
rlag-pa
disparaître
kɤ-rlaʁ
id.
l-
l-
lag-dbyug
bâton
laʁ-jɯɣ
id.
j-
lag
main
tɯ-jaʁ
id.
ɕ-
shog
papier
ɕoʁ-ɕoʁ
id.
s-
shes-pa
savoir
kɤ-sɯs
id.
(xɕ-)
shed
force
tɯ-xɕɤt
id.
(χɕ-)
shel
verre
χɕɤl
id.
zr-
shig
pou
zrɯɣ
id.
fɕ-
‘chad-pa,
dire, raconter,
kɤ-fɕɤt
raconter
bshad
expliquer
(ntɕʰ-)
bsha’-ba
tuer un animal
kɤ-ntɕʰa
id.
(χɕ-)
gshegs-pa
partir, mourir
kɤ-χɕaʁ
mourir
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
vyg.yr-
sh-
bsh-
gsh-
(hon.)
(honorifique)
s-
sa-cha
endroit
sɤ-tɕʰa
id.
(ɕ-)
su
qui
ɕu
qui
bs-
fs-
bsang
fumigations
fsaŋ
id.
gs-
χs-
gseb
étalon
χsɤβ
id.
s-
109
sr-
bsr-
(s-)
gsar-pa
nouveau, frais
kɯ-sɤr
frais
sr-
sras
fils (hon.)
srɤs
prince
(ʂ-)
sra-ba
solide
kɯ-ʂa
capable
(ɕr-)
chu-sram
loutre
tɕʰɯ-ɕrɤm
id.
(r-)
ndʑi-rɯ
lente
sro-ma
id.
(fsr-)
srung-ba,
protéger
kɤ-fsroŋ
id.
bsrungs
sl-
sl-
slob-dpon
professeur
slo-χpɯn
id.
h-
χ-
ha-yang
aluminium
χa-jaŋ
id.
lh-
ɬ-
lha
divinité
ɬa
id.
hr-
(ʂ-)
om man̻i
mantra
om mani pɤnme
id.
padme hum
χoŋ ʂi
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
hri
Tableau 70 : Groupes ayant des approximantes ou des fricatives comme initiales.
Parmi les initiales ou les groupes du tibétain classique, les suivants ne sont pas
attestés en japhug : w-,
lw-, shw-, bsl-, hw-.
Les correspondances pour les approximantes et les fricatives sont les suivantes :
1.
zh- :: ʑ-
(aussi zh- :: l-, zh :: j- et zh- :: d-)
2.
z- :: z-
(aussi z- :: ndz- et z- :: s-)
3.
v- :: ɣ-
v- :: w-
4.
y- :: j-
y- :: ʑ-
5.
r- :: r-
6.
l- :: l-
l- :: j-
7.
sh- :: ɕ-
sh- :: s-
8.
s- :: s-
s- :: ɕ-
Sauf avec la médiane r- :
9.
sh- :: zrsr- :: ʂ-
sr- :: sr-
sr- :: ɕr-
h- :: χSauf avec la médiane -r- :
hr- :: ʂ-
10. lh- :: ɬ3.1.2.2.7 Synthèse sur les initiales
Bien que les correspondances soient très complexes, on peut distinguer des
régularités. Nous aborderons ici surtout le problème des occlusives, des affriquées et des
fricatives. Les approximantes ont des correspondances moins variées que ces dernières,
et la stratification des mots ayant ces initiales pose moins de difficultés, comme nous
verrons par la suite. Les nasales ont également des correspondances simples, à
110
l’exception de ny- qui correspond aussi bien à /ɲ/ qu’à /n/ en japhug. Nous allons proposer
plusieurs règles générales de correspondance, puis donner une liste exhaustive des
exceptions. Nous verrons par la suite que ces exceptions sont pour la plupart facilement
explicables : certaines sont des cognats et non des emprunts, d’autres sont des emprunts
appartenant à une couche peu représentée. Nous étudierons dans un premier lieu le trait
de voisement / aspiration des occlusives, puis nous aborderons les problèmes des
correspondances des lieux d’articulation.
Les sourdes non-aspirées du tibétain correspondent en règle générale aux sourdes
non-aspirées du japhug, mais on trouve trois exceptions.
Premièrement, le p- tibétain correspond à b- en japhug dans les suffixes -pa ou –po
précédés de nasales : ainsi le tibétain khram-pa « escroc » donne kɤ-rɯ-kʰramba
« escroquer » et non *kɤ-rɯ-kʰrampa en japhug. L’autre correspondance p- :: w- est
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exceptionnelle : elle n’est attestée que par un seul exemple (celui donné dans le tableau
‘bad-pa « effort » :: mbɤl-wa « salaire de lama »).
Deuxièmement, le k- du tibétain peut correspondre aux aspirées kʰ- et qʰ- dans
certains contextes. Ce sont des correspondances exceptionnelles qui ne sont attestées
que par les quatre exemples suivants que nous avons déjà cités dans le Tableau 65 :
sbal-skogs « carapace de tortue » :: bɤl-qʰoʁ « tortue », sku « corps » :: tɯ-skʰrɯ
« corps », rko-ba « sculpter » :: kɤ-rkʰe « graver », klu « naga » :: qʰlɯ « naga ».
Troisièmement, t- correspond à d- en japhug dans le mot lteb-pa bltabs :: kɤ-zdɤβ
« plier »
Les sourdes aspirées du tibétain, quant à elles, correspondent soit aux aspirées, soit
aux non-aspirées du japhug. Toutefois, les correspondances sont là encore moins
complexes qu’elles ne le paraissent. Il convient de traîter dissyllabes et monosyllabes de
façon séparée.
Dans les dissyllabes, on ne trouve aucun cas où l’initiale aspirée de la première
syllabe en tibétain corresponde à une non-aspirée en japhug. Ces correspondances ne
s’observent que dans les secondes syllabes des dissyllabes, comme par exemple
ljang-khu « vert » correspondant à ldʑaŋ-kɯ. Cette correspondance s’explique
probablement par le fait que la distinction entre les séries d’occlusives n’était pas
pertinent entre syllabes dans le dialecte tibétain donneur39. La proportion d’exemples
d’aspirées du tibétain correspondant à des non-aspirées ou à des aspirées en japhug
dans les deuxièmes syllabes de dissyllabe peut être déterminée à partir du tableau
suivant :
39
L’absence de distinctivité des séries d’occlusives entre deux voyelles s’observe notamment en
tamang, une langue proche du tibétain parlée au Népal (M. Mazaudon, communication personnelle,
Novembre 2003).
111
kh-
ch-
th-
ph-
tsh-
non-aspirée
3
4
2
0
2
aspirée
5
9
3
2
4
Tableau 71 : Nombre d’exemples de correspondance des aspirées du tibétains avec
non-aspirées et aspirées en japhug dans les deuxièmes syllabes des dissyllabes.
Dans les monosyllabes, la situation est différente. On observe une correspondance
occlusive aspirée du tibétain :: occlusive sourde non-aspirée en japhug dans quatorze
monosyllabes indiqués dans le Tableau 72. Nous montrerons que ces mots sont
probablement non pas des emprunts, mais des cognats entre le japhug et le tibétain (voir
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Tableau 103).
japhug
sens en japhug
tibétain
sens en tibétain
ta-qaβ
aiguille
khab
id.
kɯ-rko, kɯ-rkaŋ
dur, vigoureux
khrang-thang
id.
kɤ-tɯɣ
rencontrer
thug-pa
id.
kɤ-taʁ
tisser
‘thag-pa, btags
id.
paʁ
cochon
phag
id.
tɯ-pu
intestin
pho-ba
estomac
tɯ-rpaʁ
épaule
phrag
id.
tɯ-tsi
vie
tshe
id.
tɯ-ftsa
neveu
tsha-bo
id.
tɯ-rɯ-rtsɤɣ
articulation
tshigs
id.
‘phar
chacal
qa-par
id.
kɤ-mto
voir
mthong-ba
id.
kɤ-pɣo
filer
‘phang
appareil à filer
kɤ-fkur
porter un
‘khur khur
porter sur le dos
fardeau
Tableau 72 : Les racines japhug à initiale sourde non-aspirée correspondant à des mots
tibétains à initiale aspirée.
Les initiales voisées du tibétain ont les correspondances les plus complexes. Une
tendance générale est qu’elles correspondent à des voisées en japhug lorsqu’elles sont
précédées de préinitiales en tibétain, et à des sourdes lorsqu’il n’y a pas de préinitiale en
tibétain.
Les
exceptions
sont
peu
nombreuses
et
peuvent
être
énumérées
systématiquement.
Le g- du tibétain sans préinitiale correspond généralement à une sourde en japhug
(k-, c- ou tʂ- selon la médiane), à l’exception de quatre exemples : gung :: kʰu « tigre,
*gong-bdag :: kʰoŋdaʁ « ancêtre », gru :: ʑmbrɯ « bateau » et gral « rangée, ordre » ::
ɯ-grɤl « raison (avoir) », et du cas de gl- qui correspond régulièrement à ʁl-.
112
Le g- du tibétain avec préinitiale correspond quant à lui à g- en japhug, avec cinq
exceptions : sgril-ba :: kɤ-tʂɯl « enrouler », mgo :: tɯ-ku « tête », brgyad :: kɯ-rcat
« huit », brgya :: ɣurʑa « cent », ‘gyog-pa bkyags :: kɤ-joʁ « lever ».
Le j- du tibétain sans préinitiale correspond toujours à la sourde tɕ- en japhug, et avec
une préinitiale nasale toujours à la sonore dʑ-. On trouve trois exceptions
avec les
préinitiales l- ou r- en tibétain : rjes :: tɤ-tɕɤs « trace », ljid-po :: kɯ-rʑi « lourd », rdo-rje ::
ʁdɤ-rʑi « vajra ».
Le d- du tibétain sans préinitiale correspond toujours à une sourde avec une
exception : dal-mo « lent » :: dal-tsɯ-tsa « lentement ». Avec une préinitiale en tibétain, il
correspond toujours à d- en japhug sauf dans le mot ‘dom-pa ::tɯ-ɟom « longueur de deux
bras écartés ».
Le b- du tibétain a des correspondances compliquées en japhug. Sans préinitiale, il
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
correspond soit à p-, soit à w- de façon régulière : p- à l’initiale des premières syllabes de
dissyllabes (bon-po :: pɯn-pu « Bon-po ») et w- à l’initiale des secondes syllabes
(nor-bu :: nɤr-wu « trésor »). La présence d’une médiane en seconde syllabe n’empêche
pas b- de correspondre à w- : ainsi rma-bya « paon » est bien rma-βja en japhug et non
*rma-pja, pho-brang « palais » correspond bien à pʰo-βraŋ. On trouve seulement trois
exceptions : bla :: tɯ-rla « âme », brang :: tɯ-ro et le mot * ‘go-bal :: ŋgu-ʁar « tissu de
laine » qui présente la correspondance tibétain b- :: japhug ʁ-.
Avec une préinitiale nasale, b- forme les groupes ‘b- et ‘br- qui correspondent
régulièrement à mb- et mbr- en japhug, avec seulement trois exceptions :
‘brog-pa « nomade » :: kɤ-lɤɣ « faire paître », ‘bo :: po « boisseau ».. Les seuls autres
exemples de b- tibétain correspondant à b- japhug, b- :: b- sont sbrul-lo :: zbri-lu « année
du serpent » et sbal-skogs :: bɤl-qʰoʁ « tortue ».
L’initiale dz- du tibétain est toujours précédée d’une préinitiale dans notre corpus
d’emprunts. Elle correspond à dz- en japhug sauf dans un cas : rdzas « chose » :: rzɤs
« bagages ».
On peut donc résumer les correspondances récurrentes des occlusives entre tibétain
et japhug dans le tableau suivant :
k-
première syllabe
seconde syllabe
k-
k-
c-
préinitiales nasales
tɕ-
t-
t-
t-
p-
p-
b- (précédée de nasale)
ts-
ts-
ts-
kh-
kʰ-
kʰ-, k-
kʰ-
ch-
tɕʰ-
tɕʰ-, tɕ-
tɕʰ113
th-
tʰ-
tʰ-, t-
tʰ-
ph-
pʰ-
pʰ-
pʰ-
tsh-
tsʰ-
tsʰ-, ts-
tsʰ-
g-
k-
k-
g-
j-
tɕ-
tɕ-
dʑ-
d-
t-
t-
d-
b-
p-
w-
b-
dz-
dz-
Tableau 73 : Correspondances régulières entre tibétain classique et japhug.
Le trait d’aspiration et de voisement n’est pas le seul qui soit susceptible de varier
dans les correspondances entre tibétain et japhug. On trouve aussi des différences de
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
lieu d’articulation.
Premièrement, les palato-alvéolaires du tibétain correspondent normalement aux
dentales du japhug, à l’exception de mch- :: mtsʰ- (mchin-pa « foie » :: tɯ-mtsʰi ) et de
deux exemples de ɕ- :: s- (shing :: si « arbre », shes-pa :: kɤ-sɯs « savoir ») où ils
correspondent à des dentales. On peut remarquer la présence d’une voyelle antérieure
-e- ou -i- dans ces trois exemples.
Deuxièmement, les vélaires k- et g- du tibétain peuvent correspondre aux uvulaires
q-, qʰ- et ʁ-. A part les groupes tibétains kl- et gl- qui correspondent au japhug ʁl- de façon
régulière, ce sont des correspondances exceptionnelles qui ne sont attestées que par les
trois exemples suivants, que nous avions déjà cités dans le Tableau 65 : skya-ka :: sca-ʁa
« pie », sbal-skogs « carapace de tortue » :: bɤl-qʰoʁ « tortue », klu « naga » :: qʰlɯ
« naga ».
Nous montrerons dans la section 4.3.3 p.310 que les occlusives voisées sont
secondaires et que certaines occlusives voisées peuvent être reconstruites en
proto-rgyalronguique restreint, telles que *b qui devient mb- en japhug (correspondant à
w- en somang). Comme on ne trouve aucun cas de b- tibétain correspondant à mb- en
japhug, cela prouve que les premiers emprunts tibétains datent d’après le changement *b
> mb en japhug.
Les correspondances des lieux d’articulations sont aussi rendues plus complexes par
l’existence de médianes, comme nous allons le voir dans la section suivante.
3.1.2.2.8 Les médianes
Les médianes des groupes de consonnes en tibétain influent de manière importante
dans certains cas sur les correspondances des lieux d’articulation des occlusives entre
tibétain et japhug. On compte quatre médianes en tibétain : -w-, -y-, -r-, -l-. Nous avons
114
recomposé les tableaux de correspondances en fonction des médianes du tibétain.
groupe
groupe
initial en
initial en
tibétain
japhug
grw-
(tʂ-)
grwa-phor
bol de moine
tʂa-pʰɤr
id.
rtsw-
(rts-)
rtswa-dug
herbe
rtsa-tɯɣ
id.
mot tibétain
signification en
mot japhug
tibétain
signification
en japhug
empoisonnée
tshw-
(tsʰ-)
tshwa
sel
tsʰa
id.
zhw-
ʑ-
gser-zhwa
coiffe en or
χsɤr-ʑa
id.
rw-
r-
rwa-’bum
ramure du cerf
ra-mbɯm
id.
Tableau 74 : Groupes ayant la médiane -w- en tibétain.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
La médiane -w- n’est jamais reflétée de quelque manière que ce soit en japhug. Ainsi
tshwa « sel » donne tsʰa en japhug, où il devient donc homonyme avec la première
syllabe de tsha-la « liquide de soudure » en japhug tsʰala.
groupe
groupe
initial en
initial en
tibétain
japhug
kl-
(qʰl-)
klu
naga
qʰlɯ
naga
ʁl-
klung-rta
drapeau
ʁloŋ-rta
id.
ʁlɯn-ba
qui ne se
mot tibétain
signification en
mot japhug
tibétain
signification
en japhug
cérémoniel
gl-
ʁl-
glen-ba
imbécile
préoccupe de
rien
(l-)
glang-po-che
éléphant
loŋ-bu-tɕi
id.
(lj-)
glag
aigle
qa-ljaʁ
Aquila
chysaetos
blzl-
βl-
rgya-blon
ministre
rɟɤ-βlun
id.
(rl-)
bla
âme
tɯ-rla
id.
(zl-)
zla
lune
pʰaʁ-zla-sqa
deux
mŋu
semaines (un
demi-mois)
(sl-)
zla
lune
sla
id.
rl-
rl-
rlag-pa
disparaître
kɤ-rlaʁ
id.
sl-
sl-
slob-dpon
professeur
slo-χpɯn
id.
Tableau 75 : Groupes ayant la médiane -l- en tibétain.
La médiane -l- correspond toujours à -l- sans exception.
115
groupe
groupe initial
initial en
en japhug
mot tibétain
signification en
mot japhug
tibétain
tibétain
signification
en japhug
dky-
(χc-)
dkyil
milieu
ɯ-χcɤl
milieu
sky-
(tɕ-)
*skya sga
gingembre
tɕa-zga
gingembre
(rc-)
*skyag gtong
rca χtoŋ
une insulte
sc-
skye-ba
naître, exister
kɤ-sci
naître
cʰ-
khye’u
coin (pour caler)
tɤ-cʰɯ
id.
(kʰ-)
khyi
chien
kʰi-pa-tsɯt
une espèce de
khy-
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
chien
mkhy
(kɕ-)
khyi
chien
kɕi
chien
(mcʰ-)
mkhyen-pa
connaître
kɤ-mcʰin
percevoir la
vraie nature
gy-
(c-)
gyang
mur
caŋ
mur en terre
mgy-
(mɟ-)
mgyogs-rwa
corne où l’on met
mɟoʁ-ra
id.
la poudre de fusil
‘gy-
ɲɟ-
‘gyod-pa
regretter
kɤ-ɲɟɤt
id.
(j-)
‘gyog-pa
lever
kɤ-joʁ
id.
sac en poil de
zɟi
id.
bkyags
sgy-
(zɟ-)
zgye
yak
rgy-
rɟ-
rgyal-po
roi
rɟɤl-pu
id.
bsgy-
(βzɟ-)
sgyur-ba,
changer
kɤ-βzɟɯr
id.
bsgyur
(rc-)
brgyad
huit
kɯ-rcat
id.
(rʑ-)
brgya
cent
ɣurʑa
id.
dpy-
(χɕ-)
dpyid-ka
printemps
χɕit-ka
id.
spy-
(spj-)
spyang-ki
loup
spjaŋ-kɯ
id.
phy-
pɕ-
phyogs
côté
pɕoʁ
id.
‘phy-
(mpɕ-)
‘phya-ba
se moquer
kɤ-mpɕa
id.
by-
pj-
bya-lo
année du coq
pja-lu
id.
(βj-)
rma-bya
paon
rma-βja
id.
p-
byed-pa, byas,
faire
kɤ-pa
fermer
brgy-
bya, byos
(χpɣ-)
byin-pa
cuisse
tɯ-χpɣi
id.
(mb-)
sbyin-pa, byin
donner
kɤ-mbi
id.
116
dbysby-
(ftɕ-)
dbyar
été
ftɕar
id.
ʁj-
dbyar-sa
pâturages
ʁjar-sa
id.
(βzj-)
sbyong-ba,
apprendre
kɤ-βzjos
id.
faire l’expérience
kɤ-rɲo
id.
être fou
kɤ-sɲu
id.
sbyangs
my-
(rɲ-)
myong-ba,
myangs
smy-
sɲ-
smyo-ba
Tableau 76 : Groupes ayant la médiane -y- en tibétain.
La médiane -y- correspond normalement à -j- en japhug. Toutefois, les groupes
[vélaires + -y-] correspondent à des palatales en japhug, avec quatre exceptions : khyi
« chien » : kʰi-pa-tsɯt « sorte de chien », skya-sga :: tɕa-zga « gingembre », khyi :: kɕi
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
« chien », brgya :: ɣurʑa « cent ». Par ailleurs, dans les groupes avec aspirées khy-, phy‘phy-, -y- correspond de façon régulière à -ɕ- comme par exemple phyogs :: pɕoʁ
« côté ».
On note enfin trois autres cas inhabituels : byin-pa :: tɯ-χpɣi « cuisse », sbyin byin ::
kɤ-mbi « donner » et aussi byed-pa, byas « faire » :: kɤ-pa « fermer » où la médiane -ydu tibétain n’a pas de réflexe en japhug.
groupe
groupe initial
initial en
en japhug
mot tibétain
signification
mot japhug
en tibétain
tibétain
signification
en japhug
kɯ-fkra-χsɤl
voir clair
bariolé
kɤ-kʰra
bariolé
khrang-thang
solide
kɯ-rkaŋ
vigoureux
(ɕkr-)
mkhris
bile
tɯ-ɕkrɯt
id.
‘khr-
(mkʰr-)
‘khrung-ba
naître (hon.)
kɤ-mkʰroŋ
se réincarner
gr-
(gr-)
gral
rang, ordre
ɯ-grɤl (kɯ-tu)
raison (avoir)
kr-
gros
discussion
tɯ-krɤs
id.
(ʑmbr-)
gru
bâteau
ʑmbrɯ
id.
(qr-)
grog-ma
fourmi
qro
id.
dgr-
ʁgr-
dgra-ya
ennemi
ʁgra-ja
id.
mgr-
(ndʐ-)
mgron-po
hôte
ndʐɯn-bu
id.
sgr-
zgr-
sgril-ba
enrouler
kɤ-zgrɯl
tourner entre
bkr-
(fkr-)
*bkra gsal
khr-
kʰr-
khra-bo
(rk-)
mkhr-
les doigts
dr-
(tʂ-)
sgril-ba
enrouler
kɤ-tʂɯl
enrouler
(dʐ-)
rtsi-sgrig
compte
rtsɯ-dʐɯɣ
id.
tʂ-
drin-len
bienfait
tʂɯn-lɤn
id.
117
(d-)
dri
odeur
ɯ-di
id.
spr-
spr-
sprul-sku
réincarné
sprɯl-skɯ
id.
phr-
(rp-)
phrag
épaule
tɯ-rpaʁ
id.
(mpʰr-)
phrug
habit en laine
mpʰrɯɣ
id.
‘phr-
mpʰr-
‘phrad-pa
se rencontrer
kɤ-mpʰrɤt
être adéquat
br-
pr-
brag
falaise
praʁ
id.
(r-)
brang
poitrine
tɯ-ro
id.
(βr-)
pho-brang
palais
pʰo-βraŋ
id.
mbr-
‘bras
riz
mbrɤs
id.
(l-)
‘brog-pa
éleveur
kɤ-lɤɣ
faire paître
‘br-
nomade
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
sbr-
(spr-)
sbrul
serpent
qa-pri
id.
(zbr-)
sbrul lo
année du
zbri lu
id.
serpent
sr-
bsr-
(rw-)
sbra
tente
rwa
id.
(χw-)
sbra
tente
χwara
id.
(ɣʑ-)
sbrang
mouche
ɣʑo
abeille
sr-
sras
fils (hon.)
srɤs
prince
(ʂ-)
sra-ba
solide
kɯ-ʂa
capable
(ɕr-)
chu-sram
loutre
tɕʰɯ-ɕrɤm
id.
(r-)
sro-ma
lente
ndʑi-rɯ
id.
(fsr-)
srung-ba,
protéger
kɤ-fsroŋ
id.
mantra
om mani
id.
bsrungs
hr-
om man̻i
(ʂ-)
padme hum hri
pɤnme χoŋ ʂi
Tableau 77 : Groupes ayant la médiane -r- en tibétain.
La médiane -r-, enfin, a deux types de correspondances possibles en japhug. D’une
part, devant vélaires et labiales, elle peut correspondre au -r- du japhug. D’autre part, les
groupes [dentales + r] et [vélaires + r] correspondent parfois en japhug à des affriquées
rétroflexes. Le tibétain gr- correspond à kr- / gr- ou à tʂ- / dʐ- en japhug., le tibétain srcorrespond à sr-, ɕr- ou à ʂ- en japhug. Le groupe dr- en revanche correspond à tʂ-, mais
pas à dr-, un groupe qui n’est d’ailleurs quasiment pas attesté en japhug (voir 2.2.3).
On note neuf exemples inhabituels. Dans deux cas, la médiane -r- du tibétain
correspond
à
une
préinitiale
r-
en
japhug :
phrag :: tɯ-rpaʁ « épaule » et
mkhrang-po « solide » :: kɯ-rkaŋ « vigoureux ». Dans un exemple, -r- correspond à l- en
japhug : ‘brog-pa « nomade » :: kɤ-lɤɣ « faire paître », tandis que dans un autre –r-
118
correspond à ʑ- : sbrang « mouche » :: ɣʑo « abeille »40. Par ailleurs, l’initiale en tibétain
est sans équivalent dans deux cas : brang :: tɯ-ro « poitrine » et sro-ma :: ndʑi-rɯ
« lente ». Enfin, on rencontre un cas où la médiane n’apparaît pas : ɯ-di :: dri « odeur ».
Pour finir, on remarque deux correspondances ne pouvant pas être classées dans
les catégories ci-dessus. La première est sh- :: zr- comme dans shig :: zrɯɣ « pou » : on
trouve une médiane -r- en japhug alors qu’il n’y en a pas en tibétain. La second est bzh- ::
pj- attestée par l’exemple unique bzhag-‘og :: tɯ-pjaʁ-pa « aisselle » où l’initiale du
tibétain correspond à une médiane en japhug. Nous montrerons dans la section sur la
stratification que ce sont des correspondances typiques des cognats.
3.1.2.2.9 Les préinitiales.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
On compte en tibétain classique huit préinitiales g-, d-, b-, m-, ‘-, r-, l-, s- plus trois
préinitiales doubles bs-, br-, bl-, la dernière n’étant pas attestée dans notre corpus de
mots communs entre tibétain et japhug. Tout comme nous l’avions fait avec les médianes,
nous avons recomposé les tableaux en fonction des préinitiales pour faciliter l’analyse.
Les groupes à doubles préinitiales seront regroupés dans un tableau séparé.
groupe
groupe initial
initial en
en japhug
mot tibétain
signification en
mot japhug
tibétain
tibétain
signification
en japhug
gc-
(χtɕ-)
gces-pa
chérir
kɯ-χtɕɤs
être chéri
gny-
ʁɲ-
gnyer-pa
intendant du
ʁɲɤr-pa
id.
monastère
(ʁn-)
gnyis
deux
ʁnɯs
id.
gt-
χt-
gtor-ba
disperser
kɤ-χtɤr
id.
gd-
ʁd-
gdon
démon
ʁdɯn
malheur
gn-
ʁn-
gnam-yangs
plafond
ʁnɤm-jaŋ
id.
gts-
χts-
gtsang-ba
propre
kɯ-χtso
id.
gzh-
ʁʑ-
gzhon-nu
jeune garçon
ʁʑɯnɯ
id.
gz-
ʁz-
gzan
kyasha
ʁzɤn
id.
(ɣz-)
gzan
nourriture
ɣzɤn
appât
ʁj-
g.yog-po
serviteur
ʁjoʁ
id.
(ʑ-)
g.yang-dkar
mouton
qa-ʑo
id.
g.y-
40
Un autre exemple de japhug /ʑ/ (venant de *j, voir chapitre 4) correspondant à /r/ en tibétain est rang ::
tɯ-ʑo « soi-même ».
119
gsh-
(χɕ-)
gshegs-pa
partir, mourir
kɤ-χɕaʁ
mourir (hon.)
(hon.)
gs-
χs-
gseb
étalon
χsɤβ
id.
(s-)
gsar-pa
nouveau, frais
kɯ-sɤr
frais
Tableau 78 : Groupes ayant la préinitiale g- en tibétain.
La préinitiale g- correspond à des fricatives uvulaires en japhug selon le trait de
voisement de l’initiale : ʁ- devant les sonores, χ- devant les sourdes. On ne compte que
trois exceptions : g.yang-dkar :: qa-ʑo « mouton » et gsar-pa « nouveau » :: kɯ-sɤr
« frais » et gzan :: ɣzɤn « appât ».
groupe
groupe initial
initial en
en japhug
mot tibétain
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
k-
mot japhug
tibétain
tibétain
dk-
signification en
dkar-nag
blanc et noir
signification
en japhug
kanaʁ
bovidé de
couleur noire
dont les pattes
sont blanches
rk-
dkon-po
rare
kɯ-rkɯn
id.
ɴq-
dka’-pa
dur
kɯ-ɴqa
id.
dky-
(χc-)
dkyil
milieu
ɯ-χcɤl
milieu
dg-
rg-
dga-ba
aimer
kɤ-rga
content
(ʁg-)
dge-slong
bhikshu
ʁgɤ-sloŋ
id.
(ng-)
dgu
neuf
kɯ-ngɯt
id.
dgr-
ʁgr-
dgra-ya
ennemi
ʁgra-ja
id/
dng-
(rŋ-)
dngul
argent
rŋɯl
id.
dp-
χp-
dpe
exemple
χpi
histoire
dpy-
(χɕ-)
dpyid-ka
printemps
χɕit-ka
id.
db-
(ʁ-)
dbang
pouvoir (n.)
tɯ-ʁoŋ
id.
(w-)
rang-dbang
liberté
rɤ-woŋ
responsabilité
(ftɕ-)
dbyar
été
ftɕar
id.
ʁj-
dbyar-sa
pâturages
ʁjar-sa
id.
ʁm-
dmag-mi
soldat
ʁmaʁ-mi
id.
dbydm-
Tableau 79 : Groupes ayant la préinitiale d- en tibétain.
La préinitiale d- du tibétain correspond à r- en japhug devant les vélaires, et aux
uvulaires /χ/ ~ /ʁ/ devant les autres occlusives (y compris les palatales venant de vélaires).
Le groupe dgr- fait exception, car il correspond à ʁgr- en japhug et non à *rgr-, ce qui était
prévisible du fait de la contrainte selon laquelle une syllabe ne peut pas avoir une même
120
préinitiale et une même médiane. On ne trouve en tout que sept exemples qui ne suivent
pas cette règle : dge-slong :: ʁgɤ-sloŋ « bhiksu », dkar-nag « blanc et noir » :: ka-naʁ
« bovidé blanc et noir », dkar-po « blanc » :: kɤr-pu « chaux », dkar-ngo :: kɤr-ŋu
« première période du mois », dgu :: kɯ-ngɯt « neuf », dbyar :: ftɕar « été », dka’-ba ::
kɯ-ɴqa « dur ».
groupe
groupe initial
initial en
en japhug
mot tibétain
fk-
mot japhug
tibétain
tibétain
bk-
signification en
bka
parole, ordre
signification
en japhug
fka
ordre
kɯ-fkra-χsɤl
voir clair
kɤ-βgos
préparer,
(hon.)
bkr-
(fkr-)
*bkra gsal
bg-
(βg-)
bgod-pa, bgos
répartir, donner
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
son dû à chacun
bc-
planifier
(ŋg-)
bgo-pa , bgo
porter un habit
kɤ-ŋga
id.
ftɕ-
gcod-pa, bcad
couper
kɤ-ftɕɤt
arrêter de faire
qqch
bt-
ft-
‘dul-pa btul
apprivoiser,
kɤ-ftɯl
id.
convertir
bd-
βd-
bdag-po
maître, hôte
βdaʁ-pu
hôte
bts-
fts-
‘dzugs-pa,
planter, établir
kɤ-ftsɯɣ
établir
quatrième
βʑi-pa
quatrième
btsugs gzugs
bzh-
βʑ-
bzhi-pa
mois
bzbsh-
bs-
(ʑ-)
bzhugs-sa
siège
ʑɯɣ-sa
id.
(l-)
bzha’
humide
kɤ-ɣɤ-la
mouiller
(pj-)
bzhag-‘og
aisselle
tɯ-pjaʁ-pa
id.
(βd-)
bzhi
quatre
kɯ-βde
id.
βz-
bzang-len
récompense
βzaŋ-lɤn
id.
(ʁz-)
bza’-mi
couple
ʁzɤ-mi
id.
fɕ-
‘chad-pa,
dire, raconter,
kɤ-fɕɤt
raconter
bshad
expliquer
(ntɕʰ-)
bsha’-ba
tuer un animal
kɤ-ntɕʰa
id.
fs-
bsang
fumigations
fsaŋ
id.
Tableau 80 : Groupes ayant la préinitiale b- en tibétain.
La préinitiale b- correspond régulièrement au phonème /w/ du japhug et à ses deux
réalisations [f] et [β]. On compte cinq exceptions. D’une part, on trouve trois exemples où
la préinitiale du tibétain n’a pas d’équivalent en japhug : bzhugs-sa :: ʑɯɣ-sa « siège »,
121
bzha’ « humide » :: kɤ-ɣɤ-la « mouiller » et bsha’-ba :: kɤ-ntɕʰa « tuer un animal ». D’autre
part, on trouve bza’-mi :: ʁzɤ-mi « couple (mari et femme) » où b- correspond à ʁ- et
bzhag-‘og :: tɯ-pjaʁ-pa « aisselle » où, comme nous l’avions déjà expliqué dans la
section sur les médianes, le b- préinitiale du tibétain correspond au p- initiale du japhug.
groupe
groupe initial
initial en
en japhug
mot tibétain
signification en
mot japhug
tion en japhug
tibétain
tibétain
significa-
mkh-
mkʰ-
mkhas-po
spécialiste
kɯ-mkʰɤs
excellent
mkhy
(mcʰ-)
mkhyen-pa
connaître
kɤ-mcʰin
percevoir la vraie
nature
mkhr-
(ɕkr-)
mkhris
bile
tɯ-ɕkrɯt
id.
mg-
(ŋg-)
mgur
chant mystique
ŋgɯr
discours chanté
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
(épopée de
Gesar)
mgy-
(k-)
mgo
tête
tɯ-ku
id.
(mɟ-)
mgyogs-rwa
corne où l’on met
mɟoʁ-ra
id.
la poudre de fusil
mgr-
(ndʐ-)
mgron-po
hôte
ndʐɯn-bu
id.
mch
(mtsʰ-)
mchin-pa
foie
tɯ-mtsʰi
id.
mtɕʰ-
mchod-rten
stupa
mtɕʰo-rtɯn
id.
(mpɕ-)
mchor-po
beau
kɯ-mpɕɤr
id.
mj-
(mdʑ-)
‘go-mjug
chef
ŋgu-mdʑɯɣ
id.
mth-
mtʰ-
mthu
magie
mtʰɯ
id.
(mt-)
mthong-ba
voir
kɤ-mto
id.
md-
mdog
couleur
ɯ-mdoʁ
id.
(mt-)
mdud-pa
nœud
tɤ-mtɯ
id.
(mɲ-)
mda
flèche
tɯ-mɲa
id.
mn-
(mn-)
mnam-pa
sentir une odeur
kɤ-nɤ-mnɤm
id.
mtsh-
mtsʰ-
mtsho
lac
mtsʰu
id.
mdz-
mdz-
mdzes-po
beau
kɯ-mdzɤs
id.
(ndz-)
mdze
lèpre
kɤ-kɯ-nɤ-ndza
id.
md-
Tableau 81 : Groupes ayant la préinitiale b- en tibétain.
La préinitiale m- du tibétain correspond régulièrement à m- en japhug. On recense
cinq exceptions. Dans trois cas, m- n’a pas d’équivalent en japhug : mgo :: tɯ-ku « tête »,
mkhrang-po « solide » :: kɯ-rkaŋ « vigoureux », mkhris :: tɯ-ɕkrɯt « bile ». Dans trois
autres cas, on trouve en japhug une prénasalisée : mgur :: ŋgɯr « discours chanté »,
mgron-po :: ndʐɯnbu « hôte », mdze :: kɤ-kɯ-nɤ-ndza « lèpre ».
122
groupe
groupe initial
initial en
en japhug
mot tibétain
(ŋkʰ-)
mot japhug
en tibétain
tibétain
‘kh-
signification
‘khor-ba-pa
être vivant
signification
en japhug
ŋkʰor-wa-pa
paysan
dans le
samsara
mkʰ-
‘khor-dmangs
peuple
mkhar-maŋ
id.
‘khr-
(mkʰr-)
‘khrung-ba
naître (hon.)
kɤ-mkʰroŋ
se réincarner
‘g-
ŋg-
‘gong-po
maléfice,
ŋgoŋ-pu
malheur
démon
‘gy-
ɲɟ-
‘gyod-pa
regretter
kɤ-ɲɟɤt
id.
(j-)
‘gyog-pa
lever
kɤ-joʁ
id.
danser (danse
kɤ-rɤ-ntɕʰom
id.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
bkyags
‘ch-
ntɕʰ-
‘chams-pa
religieuse)
‘th-
(t-)
‘thag-pa, btags
tisser
kɤ-taʁ
id.
‘d-
nd-
‘dar-ba
trembler
kɤ-nɤ-ndɤr
id.
(ɟ-)
‘dom-pa
longueur de
tɯ-ɟom
id.
deux bras
écartés
‘ph-
(p-)
‘phar-ba
chacal
qa-par
id.
‘phy-
(mpɕ-)
‘phya-ba
se moquer
kɤ-mpɕa
id.
‘phr-
mpʰr-
‘phrad-pa
se rencontrer
kɤ-mpʰrɤt
être adéquat
‘b-
mb-
rwa-’bum
ramure de cerf
ra-mbɯm
id.
(p-)
‘bo
boisseau
po
id.
ntsʰ-
‘tshog-pa
se rassembler
kɤ-ntsʰoʁ
participer à la
‘tsh
lecture des
soutras
‘dz-
ndz-
‘dzam-gling
monde
ndza-ʁlaŋ
id.
Tableau 82 : Groupes ayant la préinitiale ‘- en tibétain.
Les mots ayant la préinitiale ‘- en tibétain ont ou bien des prénasalisées en japhug (si
l’initiale était sonore en tibétain) ou l’archiphonème /N/ (si l’initiale était aspirée). Cette
règle a quelques exceptions. Tout d’abord, dans les mots ayant l’initiale kh-, ‘- correspond
aussi à /m/ en plus de /N/.
On trouve aussi cinq correspondances exceptionnelles où ‘- n’a pas d’équivalent en
japhug : ‘bo :: po « boisseau », ‘phar-ba :: qa-par « chacal », ‘thag-pa :: kɤ-taʁ « tisser »
et tɯ-ɟom :: ‘dom-pa « longueur de deux bras écartés », gyog-pa bkyags :: kɤ-joʁ « lever »
123
groupe
groupe initial
initial en
en japhug
mot tibétain
rk-
mot japhug
en tibétain
tibétain
rk-
signification
rko-ba
creuser,
signification
en japhug
kɤ-rkʰe
graver
kɤ-rkɤs
graver
sculpter
(rkʰ-)
rko-ba
creuser,
sculpter
rg-
rg-
phag-rgod
sanglier
pʰaʁ-rgot
id.
rgy-
rɟ-
rgyal-po
roi
rɟɤl-pu
id.
rng-
rŋ-
rnga-mong
chameau
rŋamoŋ
id.
rj-
rʑ-
rdo-rje
vajra
ʁdɤ-rʑi
id.
(tɕ-)
rjes
trace
tɤ-tɕɤs
id.
(rɲ-)
rnying-po
ancien
kɯ-rɲaŋ
id.
(rn-)
rnyil
gencive
tɯ-rni
id.
rt-
rta-lcags
fouet de cheval
rtɤ-ltɕaʁ
id.
(χt-)
rten-’brel
présage,
χtɤ-mbrɤl
célébration
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rnyrt-
célébration
rd-
(ft-)
rtags
marque
ftaʁ
id.
rd-
rdo-’bum
tas de pierre
rdɤ-mbɯm
id.
(ʁd-)
rdo-rje
vajra
ʁdɤ-rʑi
nom
personnel
rn-
rn-
rna
oreille
tɯ-rna
id.
rm-
rm-
rma-bya
paon
rma-βja
id.
(ɣm-)
rma
blessure
tɯ-ɣmas
id.
(sɲ-)
rmed
harnais
sɲɤt
id.
(ʁm-)
rma
blessure
ʁmas-grɯβ
cicatrice
(jmŋ-)
rmang-lam
rêve (vieux
tɯ-jmŋo
id.
tibétain)
rts-
rts-
rtsa
pouls
tɯ-rtsa
id.
rtsw-
(rts-)
rtswa-dug
herbe
rtsa-tɯɣ
id.
tɯ-rzas
bagages
empoisonnée
rdz-
(rz-)
rdzas
objet
Tableau 83 : Groupes ayant la préinitiale r- en tibétain.
La préinitiale r- du tibétain correspond généralement à r- en japhug. Toutefois, on
trouve trois cas où elle correspond à /χ/ ~ /ʁ/ : rten-vrel « présage » :: χtɤ-mbrɤl
« célébration », rdo-rje :: ʁdɤrʑi « vajra » et rma « blessure » :: ʁmas-grɯβ « cicatrice ». Il
existe par ailleurs cinq autres exceptions : rma :: tɯ-ɣmas « blessure », rmed :: sɲɤt
124
« harnais », rmang-lam :: tɯ-jmŋo « rêve », rtags :: ftaʁ « marque » et enfin rjes :: tɤ-tɕɤs
« trace » où le r- du tibétain n’a pas d’équivalent.
groupe
groupe initial
initial en
en japhug
mot tibétain
(rŋ-)
mot japhug
en tibétain
tibétain
lng-
signification
lnga-pa
cinquième
signification
en japhug
rŋa-pa
cinquième
mois
lc-
(mŋ-)
lnga
cinq
kɯ-mŋu
id.
tɕ-
lcags-dkar
étain
tɕaʁ-kɤr khɯ-tsa
un type de bol
(ɣl-)
lci-ba
purin
ɯ-ɣli
id.
(ltɕ-)
rta-lcag
fouet pour
rtɤ-ltɕaʁ
id.
cheval
(ldʑ-)
ljang-khu
vert
ldʑaŋ-kɯ
id.
(rʑ-)
ljid-po
lourd
kɯ-rʑi
id.
lt-
(zd-)
lteb-ba bltabs
plier
kɤ-zdɤβ
id.
ld-
d-
ldan-pa
ayant
kɯ-dɤn
beaucoup
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lj-
Tableau 84 : Groupes ayant la préinitiale l- en tibétain.
La préinitiale l- a des correspondances variées en japhug : soit elle n’a pas de
phonème correspondant, soit elle correspond à l- ou à r-. Dans des exemples isolés, elle
correspond même à m- : lnga :: kɯ-mŋu « cinq » ou à z- lteb :: kɤ-zdɤβ « plier ». Le
manque d’exemples rend difficile la détermination de correspondances strictes.
groupe
groupe initial
initial en
en japhug
mot tibétain
sk-
mot japhug
en tibétain
tibétain
sk-
signification
sku
corps (hon.)
signification
en japhug
skɯ
statue de
Bouddha
(skʰr-)
sku
corps (hon.)
tɯ-skʰrɯ
corps
(mk-)
ske
cou
tɯ-mke
cou
(qʰ-)
sbal-skogs
carapace de
bɤl-qʰoʁ
tortue
tɕa-zga
gingembre
rca χtoŋ
une insulte
tortue
sky-
sgsgy-
gingembre
tɕ-
*skya sga
(rc-)
*skyag gtong
sc-
skye-ba
naître
kɤ-sci
naître
zg-
*mdzo-sga
selle de mdzo
mdzu-zga
attelage
ɕk-
sgog-pa
ail
ɕku
oignon
(zɟ-)
zgye
sac en poil de
zɟi
id.
yak
125
sgr-
zgr-
sgril-ba
enrouler
kɤ-zgrɯl
tourner entre
les doigts
(tʂ-)
sgril-ba
enrouler
kɤ-tʂɯl
enrouler
(dʐ-)
rtsi-sgrig
compte
rtsɯ-dʐɯɣ
id.
sng-
sŋ-
sngags
sorcellerie
sŋaʁ
id.
sny-
(sn-)
snying
coeur
tɯ-sni
id.
st-
st-
stag-lo
année du tigre
staʁ-lu
id.
(ɕt-)
stu
organe sexuel
tɯ-ɕtɯ
id.
féminin
sd-
(s-)
stong-pa
vide
kɯ-so
id.
zd-
sdug-po
pénible,
kɤ-zdɯɣ
pénible
mauvais
ɕn-
sna
nez
tɯ-ɕna
id.
sn-
snag-tsha
encre
snaʁ-tsa
id.
sp-
sp-
spos
encens
spos
id.
spy-
(spj-)
spyang-ki
loup
spjaŋ-kɯ
id.
spr-
spr-
sprul-sku
réincarné
sprɯl-skɯ
id.
sb-
zw-
sbor-ba, sbar
allumer
kɤ-zwɤr
id.
(z-)
sbug-chal
cymbales
zɯɣtɕʰɤl
id.
(ɕp-)
sbal
grenouille
qa-ɕpa
id.
(b-)
sbal-skogs
carapace de
bɤl-qʰoʁ
tortue
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sn-
tortue
(jp-)
sbom-po
épais
kɯ-jpum
id.
(p-)
sbar-mo
paume
ɯ-pɤl
partie
de
la
louche qui sert
à contenir le
liquide
sby-
(βzj-)
sbyong-ba,
apprendre
kɤ-βzjos
id.
sbyangs
sbr-
(spr-)
sbrul
serpent
qa-pri
id.
(zbr-)
sbrul lo
année du
zbri lu
id.
serpent
sm-
(rw-)
sbra
tente
rwa
id.
(χw-)
sbra
tente
χwara
id.
(ɣʑ-)
sbrang
mouche
ɣʑo
abeille
sm-
sman
médicament
smɤn
id.
(m-)
sme-ba
grain de
qa-me
id.
kɤ-sɲu
id.
beauté
smy-
sɲ-
smyo-ba
être fou
126
Tableau 85 : Groupes ayant la préinitiale s- en tibétain.
La préinitiale s- correspond aux phonèmes /s/ et /z/ du japhug en position préinitiale :
s- devant les sourdes et les nasales, z- devant les occlusives sonores. Dans cinq
exemples, elle correspond à ɕ- : sbal :: qa-ɕpa « grenouille », sna :: tɯ-ɕna « nez », stu ::
tɯ-ɕtɯ « organe sexuel féminin », sgog-pa :: ɕku et snabs :: tɯ-ɕnaβ « morve ».
On trouve par ailleurs dix cas atypiques : sbal-skogs « carapace de tortue » ::
bɤl-qʰoʁ « tortue »,sme-ba :: qa-me « grain de beauté » et *skya sga :: tɕa-zga
« gingembre », skyur-mo :: kɯ-tɕur « acide », sbrul :: qa-pri « serpent », sbar-mo ::
ɯ-pɤl et sbrang « mouche » :: ɣʑo « abeille » où le s- du tibétain n’a pas d’équivalent en
japhug, ainsi que *skyag gtong :: rca χtoŋ « une insulte », sbra :: χwara / rwa « tente »,
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ske ::tɯ-mke « cou » et sbom-po :: kɯ-jpum « épais ».
groupe initial
groupe initial
en tibétain
en japhug
brgy-
(rc-)
brgyad
huit
kɯ-rcat
id.
(rʑ-)
brgya
cent
ɣurʑa
id.
(rc-)
brkyangs-
prosternations
rcaŋ-pɕaʁ
id.
phyag
jusqu’à un lieu
brky-
mot tibétain
signification
mot japhug
en tibétain
signification
en japhug
de pélerinage
brt-
(frt-)
brtan-po
stable, solide
kɯ-frtɤn
fiable
bsk-
(fsk-)
skor, bskor
faire tourner
kɤ-fskɤr
contourner
bsgy-
(βzɟ-)
sgyur-ba,
changer
kɤ-βzɟɯr
id.
être selon
kɤ-fstɯn
servir
bsgyur
bst-
(fst-)
stun-pa,
bstun
bsd-
(st-)
bstod-pa
faire l’éloge
kɤ-stɤt
id.
(βzd-)
sdud-ba,
ramasser
kɤ-βzdɯ
id.
protéger
kɤ-fsroŋ
id.
bsdus
bsr-
(fsr-)
srung-ba,
bsrungs
Tableau 86 : Groupes ayant deux préinitiales bs- ou br-en tibétain.
Nous avons déjà proposé une liste de ces groupes dans le chapitre sur la
phonologie : ils y occupent une place toute particulière étant donné qu’ils sont quasiment
les seuls en japhug à avoir des antépréinitiales. Nous les présentons à nouveau du point
de vue de la comparaison avec le tibétain.
Les groupes à deux préinitiales sont attestés par peu d’exemples. Le b- du tibétain
dans ces groupes est maintenu sauf dans quatre exemples : brgyad :: kɯ-rcat « huit »,
127
brgya :: ɣurʑa « cent », brkyangs-phyag :: rcaŋ-pɕaʁ « prosternations » et bstod-pa ::
kɤ-stɤt « louer, faire l’éloge ». Les initiales des deux derniers, comme nous l’avons vu,
présentent des correspondances irrégulières. Nous verrons qu’il s’agit de cognats et non
d’emprunts.
Les six autres exemples ont comme particularité d’avoir une initiale simple ou, dans
le cas de gy-, une initiale interprétée comme un phonème unique en japhug. Nous
montrerons qu’il ne s’agit pas d’un hasard.
A ces mots il faut ajouter le verbe kɤ-βzgɤr « envahir, retarder » dont l’étymologie sera
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étudiée en 3.2.3.7.
groupe initial
groupe initial
mot
signification
en tibétain
en japhug
tibétain
en tibétain
th-
(χt-)
‘bum-ther
cent mille
mbɯm-χtɤr
id.
by-
(χpɣ-)
byin-pa
cuisse
tɯ-χpɣi
id.
tsh-
(fts-)
tsha-bo
neveu
tɯ-ftsa
id.
zh-
(rʑ-)
zhag
durée de 24 h.
tɯ-rʑaʁ
une nuit
z-
(rz-)
phag-ze
poils de
pʰaʁ-rzi
brosse à dents en
mot japhug
signification en
japhug
cochon
poils de cochon
sh-
(xɕ-)
shed
force
tɯ-xɕɤt
id.
sh-
(χɕ-)
shel
verre
χɕɤl
id.
Tableau 87 : Mots japhug ayant une préinitiale sans équivalent en tibétain.
On trouve enfin les sept exemples rassemblés dans le tableau 87, où les préinitiales
du japhug n’ont pas d’équivalent en tibétain. Une explication sera fournie pour les deux
derniers exemples dans la section sur la stratification des emprunts.
3.1.2.3
Conclusion
Bien que les correspondances des groupes de consonnes entre japhug et tibétain
présentent une certaine complexité, nous avons pu montrer en détail que la plupart des
exceptions ne concernait dans chacun des cas que quelques exemples marginaux.
Cette variété dans les correspondances était prévisible, sachant que nous n’avons
pas tenté ici de distinguer les cognats des emprunts : il nous semblait en effet important
de
ne
pas
mélanger
les
arguments
d’ordre
phonologique
(les
différentes
correspondances) des autres indices pouvant contribuer à la distinction entre les deux,
tels que l’appartenance au vocabulaire de base.
Nous avons cependant volontairement occulté les problèmes des correspondances
particulières aux dissyllabes dans les sections consacrées aux groupes de consonnes et
128
aux rimes. Nous avons aussi laissé de côté la question des formes verbales du
tibétain dans les emprunts. Maintenant que les correspondances phonétiques les plus
courantes sont connues, il est possible d’aborder ces questions plus pointues.
3.1.3
Interaction entre la morphologie du tibétain et les règles de correspondance.
Le tibétain classique a une morphologie verbale flexionnelle d’une certaine
complexité du fait de son manque de régularité, qui fait intervenir préfixation, suffixation et
alternances vocaliques, et une morphologie nominale plus simple, limitée à la
concaténation de syllabes. Ces deux groupes de phénomènes, comme nous allons le voir,
doivent être pris en compte lors de la mise en évidence des règles de correspondance
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phonétique.
3.1.3.1
Dissyllabes
Les dissyllabes du tibétain sont dans leur quasi-majorité analysables en deux
morphèmes distincts. Certains dissyllabes présentent un développement irrégulier en
japhug par rapport aux correspondances mises en évidence en 3.1.1 et en 3.1.2. Etant
donné que l’étude de ces dissyllabes relève à la fois des rimes et des groupes de
consonnes initiaux, il nous a semblé bon d’y consacrer une section spécifique.
On trouve de nombreux exemples de mots en japhug dont les irrégularités de
correspondance avec le tibétain peuvent s’expliquer par les interactions entre les deux
syllabes.
z
gos-chen :: koxtɕin
« satin »
On attendrait le japhug *kostɕin, *kɤstɕin, *kostɕʰin ou *kɤstɕʰin selon les
correspondances décrites dans les précédentes sections. L’irrégularité tient à ce que le
tibétain -s- correspond à -x-. Cette anomalie peut s’expliquer lorsque l’on remarque qu’il
n’existe pas de syllabes du type stɕ- ou de type ɕtɕ- en japhug (voir le chapitre 2 sur la
phonologie). Le seul groupe [sifflante / chuintante + affriquée] autorisé est ɕtʂ-. On peut
donc proposer pour le japhug un changement *stɕ- > xtɕ-. Toutefois, une autre possibilité
doit être prise en compte : un dialecte qui resyllabifie le –s final de la première syllabe
comme une préinitiale de la seconde syllabe, lui faisant subir un changement de /s/ à /h/,
comme cela est attesté dans le dialecte de Zho-ngu (Sun 2003b) : lus-po :: ləhpo
« corps ».
z
gcer-bu-pa :: χtɕɯ-rɯ-pa
« personne toute nue »
On attendrait ici *χtɕɤr-wɯ-pa. Cette irrégularité tient sans doute au dialecte tibétain
donneur : le suffixe –bu s’assimile souvent à la syllabe précédente dans les dialectes
129
tibétains, voire en classique (ainsi la forme smyug-gu « pinceau » vient de la forme aussi
attestée smyug-bu). Il ne s’agit pas d’un phénomène interne au japhug.
z
mchod-rten :: mtɕʰortɯn
« stupa »
On attendrait *mtɕʰɤt-rtɯn ou *mtɕʰot-rtɯn (ou bien -rtɤn avec l’autre vocalisme)
selon les correspondances phonétiques régulières. L’absence de –t ici est en réalité
parfaitement prévisible si l’on prend en compte la disparition des finales –t dans les
réduplications totales telle que nous l’avons décrite dans la dernière section du chapitre
sur la phonologie synchronique : la finale –t ne peut apparaître devant un mot à initiale
prénasalisée, ou avec les préinitiales nasales l-, r- et χ-.
z
rgod-ma :: rgonma
« jument »
mchod-me :: mtɕʰɤnmi
« lampe à huile »
On attendrait *rgot-ma et *mtɕʰɤt-mi. Toutefois, la nasalisation du –t devant une
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nasale est un phénomène trivial en japhug : elle est présente dans le cas des
conjugaisons. Ainsi la forme d’aoriste nɯ-prɤ́t-nɯ « ils ont coupé » se prononce
[nɯprɤ́nnɯ].
z
slob-ma :: slama
« étudiant »
On attendrait *slaβ-ma ou *slɤβ-ma (ou bien avec le groupe *zl-). La disparition du –β
devant m- n’est pas attestée autre part en japhug.
z
lag-bzo « ouvrage manuel » :: laʁzu
« type d’offrande »
*lag-dbyug :: laʁjɯɣ
« bâton »41
lag-brda :: laʁrda
« geste »
Dans ces trois exemples, on aurait attendu respectivement *laʁβzu, *laʁʁjɯɣ et
*laʁβrda. L’impossibilité d’une forme telle que *laʁʁjɯɣ tient à la contrainte générale sur
les géminées en japhug dans un même morphème (voir 2.4.5 p.81) – ces mots sont
bimorphémiques en tibétain, mais monomorphémiques en japhug, puisque chacun des
morphèmes y sont inanalysables. Pour les deux autres formes, nous avons affaire à une
contrainte sur les groupes de consonnes qui interdit les groupes de deux fricatives avant
fricatives et sonantes : il est notable que les seuls cas de groupes de deux fricatives
précédant une autre consonne en japhug viennent de la double préinitiale bs- du tibétain.
z
zhing-khams « endroit, la terre pure » :: ʑimkʰɤm « le monde entier, le domaine
de qqun, un long moment »
On attendrait *ʑiŋkʰɤm, *ʑiŋkhom ou *ʑiŋkham (ou bien les mêmes formes avec
*ʑaŋ- comme première syllabe) en japhug. L’irrégularité tient à la correspondance de –ng
à –m en japhug. Une explication est possible : une resyllabification qui aurait entraîné une
forme *ʑiŋkʰɤm en proto-japhug à s’analyser *ʑi-ŋkʰɤm. Or, on sait par ailleurs que le
41
La forme *lag-dbyug n’est pas attestée à notre connaissance en tibétain classique : nous postulons ici
un composé de lag « main » et de dbyug « bâton ».
130
tibétain ‘kh- correspond à mkʰ- en japhug : un changement de dissimilation transforme
*ŋkʰ- en mkʰ- en proto-japhug (voir 3.2.3). Par ce changement, on peut dériver la forme
actuelle *ʑi-ŋkʰɤm → ʑi-mkʰɤm.
z
*ba-so-rus :: pasrɯ « ivoire”.
Ainsi le mot japhug pour l’ivoire, pasrɯ est apparenté au mot tibétain ba-so de même
sens. Selon les lois régulières, on attendrait toutefois *paso, *pasu voire *pasɯ en japhug
(la correspondance -o :: -ɯ est attestée dans les deuxièmes syllabes de composés). La
forme pasrɯ pourrait venir d’un composé tibétain *ba-sru mais un tel composé n’est pas
attesté et ne ferait pas sens.
La syllabe -rɯ, toutefois, rappelle celle que l’on trouve dans ɕɤ-rɯ « os » (tibétain
sha-rus « chair et os »). pasrɯ est donc un composé de pas- (apparenté au tibétain ba-so
« ivoire ») et -rɯ (apparenté à rus « os »). En admettant un prototype tibétain *ba-so-rus,
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
on peut dériver la forme *pasɯ-rɯ. L’irrégularité de cette forme tient à la disparition du
premier /ɯ/.
Il n’est pas certain que le mot *ba-so-rus ait jamais existé en tibétain : il peut s’agir
d’un composé formé par analogie avec ɕɤ-rɯ à l’intérieur du rgyalrong après que les deux
mots aient été empruntés.
z
gzhon-nu :: ʁʑɯnɯ
« jeune garçon »
On attendrait *ʁʑon-nɯ, *ʁʑun-nɯ ou *ʁʑɯn-nɯ. L’irrégularité apparente tient à la
disparition d’un des /n/. Elle peut être résolue si l’on prend en compte la contrainte
générale en japhug contre les consonnes géminées : une forme telle que *ʁʑɯnnɯ
n’aurait pas été correcte.
z
‘khar-rnga :: mkʰɤrŋa
« gong »
zas-sna « toutes sortes de nourriture » ::zɤsna « nourriture pour les morts »
On attendrait *mkʰɤr-rŋa ou *mkʰɤr-rŋa et *zɤs-sna. Ici encore, la contrainte sur les
consonnes géminées interdit ce type de groupes de consonnes en japhug.
z
sbrul-lo :: zbri-lu « année du serpent »
sprel-lo :: spri-lu « année du singe »
On attendrait ici *zbrɯl-lu et *sprɤl-lu. On verra en 4.2.1.3 p.218 que le *-ul du tibétain
et du chinois correspond à –i ou à –e dans les cognats (qa-pri « serpent », tibétain sbrul,
chinois 虺 *bhmulʔ). Toutefois, il est peu probable que la perte du –l, commune aux
langues rgyalronguiques, se soit appliquée à des emprunts de la couche B (voir 3.2.3.1).
La suppression du –l devant un autre l- est plutôt due à la contrainte sur les géminées
déjà évoquée. Si on prend cette contrainte en compte, la forme spri-lu de *spre-lo devient
régulière. Toutefois, la forme zbri-lu reste problématique : on attendrait ici *zbrɯ-lu.
z
‘brug – glog « dragon, tonnerre – électricité » :: mbɣɯr-loʁ « tonnerre »
On attendrait
*mbrɯɣ-ʁloʁ au lieu de mbɣɯrloʁ en japhug de kɤmɲɯ. La forme
mbrɯɣ pour le tibétain ‘brug se retrouve dans les autres dialectes japhug (gSar-rdzong
131
mbrɯɣ-loχ « tonnerre ») et dans les autres composés de la langue de kɤmɲɯ où cette
syllabe du tibétain est empruntée (ainsi ‘brug-lo:: mbrɯɣ-lu « année du dragon »). La
métathèse de /ɣ/ et de /r/ dans ce mot est exceptionnelle et isolée, et il convient de noter
aussi l’absence de préinitiale ʁ- dans la seconde syllabe -loʁ.
La forme du dialecte japhug de gSar-rdzong mbrɯɣ-loχ montre que la préinitiale ʁde la seconde syllabe n’a pas dû être empruntée en japhug. Cet état de fait n’est pas
surprenant : d’une part, il est impossible dans cette langue d’avoir une vélaire directement
suivie d’une uvulaire, et d’autre part, comme nous l’avons montré avec les exemples
‘khar-rnga et gzhon-nu, lorsque dans deux syllabes adjacentes en tibétain, la finale de la
première et la première consonne de la seconde sont semblables, on ne retrouve qu’une
consonne simple et non une consonne double en japhug : le /ɣ/ dans ce mot est donc la
réflexion à la fois du –g final et du g- préinitial.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Le problème principal est toutefois de rendre compte de la métathèse du /ɣ/ propre
au dialecte de kɤmɲɯ. La seule explication éventuelle est la présence d’un -ʁ dans la
syllabe qui suit. La forme *mbrɯɣ-loʁ dans un stade antérieur du dialecte de kɤmɲɯ
aurait pu s’être resyllabifiée en *mbrɯ/ɣloʁ. On ne trouve aucun mot en japhug de kɤmɲɯ
ayant une finale -ʁ et une préinitiale vélaire /x/ ~ /ɣ/. Le changement de *mbrɯɣloʁ à la
forme attestée mbɣɯr-loʁ pourrait donc être le fait d’une dissimilation de ce type.
z
yar-mar :: jamar ou jarma « à peu près »
On attendrait ici *jarmar. La contrainte sur la formation des syllabes (pas de rpréinitiale et finale dans la même syllabe) que nous avions déjà évoquée pour expliquer la
syllabe /kɤr/ correspondant au tibétain /dkar/ a causé une dissimilation, donnant les deux
formes japhug jamar et jarma.
z
On
yos-lo :: jɤzɯlu « année du lapin »
attendrait
*jɤslu
ou
*juslu
en
japhug.
L’irrégularité
tient
à
la
correspondance inhabituelle -s :: -zɯ. Cette correspondance rappelle le cas du suffixe
locatif –zɯ qui correspond à un suffixe –s en somang / cogtse : le –s final, lorsqu’il se
resyllabifie, devient -zɯ42
z
‘phreng-mdud « guirlande – nœud » :: mpʰrɯ-mdɯt « groupe de neuf nœuds sur
un khatag »
La rime –eng est très rare dans notre corpus d’emprunts, mais dans le mot sɯŋgi ::
seng-ge « lion », elle correspond à -ɯŋ. On attendrait donc ici *mphrɯŋ-mdɯt. Ce
phénomène s’apparente à la simplification du groupe *-ŋmd- en -md-. Or, comme il s’agit
du seul cas d’un groupe comprenant deux nasales plus une occlusive orale entre deux
voyelles dans toute la langue, nous ne pouvons pas juger si cette simplification est un
phénomène régulier.
42
Ce changement n’est pas isolé : le *-k final du génitif, devenu *-ɣ, s’est resyllabifié en ɣɯ).
132
On trouve aussi des composés qui ressemblent à s’y méprendre à des emprunts de
dissyllabes mais qui contiennent en fait une racine tibétaine et une racine rgyalrong. Ainsi
sɲɯɣjɯ « pinceau » ressemble au tibétain smyu-gu de même sens. Toutefois, le tibétain
smyu-gu devrait correspondre à une forme japhug *sɲɯkɯ ou peut-être *sɲɯɣɯ. La
correspondance g- :: ɣj- est anormale. L’irrégularité apparente tient ici au fait que seule la
syllabe sɲɯɣ- est empruntée (au tibétain smyug « bambou »). La seconde syllabe vient
de la racine rgyalrong -jɯ signifiant « poignée ».
De même kɤ-rɯ-pʰɯ-rlaʁ « être quelqu’un qui abîme tout » ressemble au tibétain
‘phro-brlag « gaspiller ». Si les correspondances étaient régulières, on attendrait
*mpʰru-rlaʁ ou *mpʰrɤ-rlaʁ. L’irrégularité serait donc triple : la préinitiale, la voyelle et la
médiane. L’absence de la médiane pourrait être due à la contrainte selon laquelle un
même phonème ne peut être à la fois médiane et finale d’une même syllabe (une syllabe
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telle que *mpʰrɯr serait incorrecte en japhug). Toutefois, l’irrégularité de la préinitiale et
de la rime semblent militer contre cette étymologie. Une autre possibilité serait d’analyser
ici la syllabe pʰɯ comme la racine japhug signifiant « prix », suivie de la racine du verbe
intransitif kɤ-rlaʁ « disparaître » d’origine tibétaine, rɯ- étant un préfixe dérivationnel. Ce
serait donc un verbe à incorporation (voir la section 6.9 p.415).
Enfin ɕnɤ-to « tabac à priser » ressemble au tibétain sna-tha de même sens. Or la
première syllabe doit venir du cognat tɯ-ɕna « nez » et ne peut être un emprunt. La
syllabe -to est probablement un emprunt au tibétain de l’Amdo du-wa « fumée »
(prononcé [to] à bLabrang) qui signifie également « tabac ». La forme ɕnɤ-to est donc un
composé interne au rgyalrong : seule la seconde syllabe a été empruntée.
3.1.3.2
Morphologie verbale
Les verbes tibétains (bya tshig) distinguent jusqu’à quatre formes lorsqu’ils sont
transitifs et volitif (tha dad pa), et deux lorsqu’ils sont intransitifs ou transitif non volitifs (tha
mi dad pa). Ces formes sont généralement traduites comme : présent (da lta ba), passé
(‘das pa), futur (ma ‘ongs pa) et impératif (skul tshig). Les verbes intransitifs n’ont qu’une
forme pour le passé et l’impératif, ainsi que pour le présent et le futur. Nous emploierons
ces termes dans le reste de ce travail même s’ils ne sont pas entièrement satisfaisants
pour décrire le fonctionnement du tibétain. Les formes verbales tibétaines seront
indiquées dans l’ordre présent – passé – futur – impératif dans la suite de ce travail. Pour
une analyse du système verbal tibétain, voir Li Fang-kuei (1933), Uray (1953), Nishida
(1957), Coblin (1976) et Zeisler (2001).
L’étude de la morphologie verbale dans les mots communs au japhug et au tibétain a
un intérêt tout particulier. Elle nous sert d’argument pour prouver que certains mots sont
133
bien des emprunts et non des cognats : étant donné que les affixes de conjugaison tels
que le préfixe b- du futur et du passé ou le préfixe g- du futur ne sont pas d’une grande
antiquité, et ne peuvent remonter à l’ancêtre commun du rgyalrong et du tibétain, la
présence de ces affixes prouve que le mot doit avoir été emprunté à la langue tibétaine
historiquement attestée dans les textes. Comme nous le montrerons dans la section sur la
morphologie dérivationnelle, il n’existe pas de préfixes dérivationnels f- / β- ou χ- / ʁ- en
japhug.
Nous nous limiterons dans la présente étude aux verbes ayant plus d’une forme en
tibétain classique. Parmi ces exemples, une partie de ceux qui n’ont pas d’affixes
spécifiquement tibétains tels que b- ou g- pourraient être des cognats, et nous
indiquerons systématiquement ces verbes.
En plus des critères morphologiques, nous disposons de critères phonologiques pour
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distinguer emprunts et cognats, qui seront développés dans la section 3.2. En particulier,
nous montrerons que les mots ayant des initiales βd-, rd-, zgr-, rg-, rɟ- ou ŋkʰ-
et les
rimes –ot, -or , –os, -am et toutes les rimes à finales –n, –ŋ et –l ne peuvent pas être
cognats. Par ailleurs, nous disposons de critères sémantiques : les verbes ayant un sens
innovateur identique au tibétain doivent être des emprunts.
On trouve tout d’abord des exemples de verbes dont toutes formes de la conjugaison
en tibétain classique sont ambiguës en japhug, car elles correspondraient toutes à la
même forme selon les règles de correspondances courantes. Parmi les mots du Tableau
88, seul kɤ-rlaʁ « disparaître » pourrait être un cognat. Certains appartiennent à un
registre bouddhique (kɤ-mkʰroŋ, kɤ-ntsʰoʁ) ou ont une sémantique spécifique trop
semblable au tibétain (kɤ-ndʐoʁ), ou une sémantique innovatrice propre à un usage
particulier du tibétain (kɤ-sprɤt43, kɤ-ʑɣɤ-χtɤt44). Le verbe kɤ-rɟɯɣ a le groupe initial rɟ- qui
vient de latérale en PGR : s’il s’agissait d’un cognat, il devrait correspondre à un mot à
latérale en tibétain. Enfin, le verbe kɤ-zwɤr « allumer » ne peut pas être cognat car le
verbe tibétain sbor-ba est un dérivé causatif de ‘bar « brûler, exploser », les dérivés
43
Le verbe kɤ-sprɤt « installer » est un emprunt de sprod sprad sprad sprod, forme causative de ‘phrad
phrad « se rencontrer » qui signifie entre autre « faire se rencontrer ». Le dialecte tibétain donneur a dû
développer le sens de « mettre ensemble les pièces d’une machine », puis simplement « installer (une
pièce ou une machine) ». C’est en japhug moderne le verbe kɤ-sɤ-tʰoʁ-mpʰrɤt qui a acquis le sens de
« mettre ensemble les pièces d’une machine ». Le préfixe causatif sɯ- du japhug n’a jamais la forme spréinitiale (voir 6.1 p.402) et il ne peut donc s’agit d’un cognat.
44
Le verbe kɤ-ʑɣɤ-χtɤt « s’appuyer sur » est un dérivé réflexif d’un verbe non-attesté *kɤ-χtɤt emprunté
au tibétain gtod « se tourner vers, confier à ». Ce verbe est dérivé du nom « côté, direction » thad en
tibétain, et forme une famille de mot avec stod, bstad « se tourner vers ». Etant donné que le nom de
base n’existe pas en rgyalrong et que la dérivation par préinitiale χ- est inconnue en japhug, il ne peut
pas s’agir d’un cognat.
134
causatifs en japhug ne sont jamais formés par une préinitiale s- / z- (voir la section 6.1
p.402). Dans les seuls cas où l’on trouve un préfixe causatif fusionné à la racine en
japhug, il s’agit toujours de ɕ- / ʑ-.
japhug
signification
tibétain
signification
kɤ-mkhroŋ
se réincarner
‘khrung ‘khrungs
id.
kɤ-ʑɣɤ-χtɤt
s'appuyer sur
gtod gtad gtad gtod
se tourner vers
kɤ-rɟɯɣ
courir
rgyug rgyugs
id.
kɤ-rlaʁ
disparaître
brlag brlags
id.
kɤ-ndʐoʁ
être
‘drog ‘drogs
id.
‘tshog ‘tshogs
se rassembler
id.
effrayé
(animal,
surtout cheval)
kɤ-ntshoʁ
participer à la lecture
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des soutras
kɤ-zwɤr
allumer
sbor sbar sbar sbor
kɤ-sprɤt
installer
sprod
sprad
sprad faire se
sprod
rencontrer
Tableau 88 : Verbes japhug comparables au tibétain – formes ambiguës.
On trouve 4 cas de verbes qui sont comparables à la forme du présent du verbe de
manière non-ambiguë (voir le Tableau 89). Parmi ces verbes, kɤ-mɯ-rkɯ, kɤ-rŋu et kɤ-rtsi
pourraient être des cognats. kɤ-ndɯn doit être un emprunt car il appartient au vocabulaire
bouddhique, et il s’agit d’un sens secondaire (le sens originel de ce verbe est « faire
sortir »).
japhug
signification
tibétain
signification
kɤ-mɯ-rkɯ
voler
rku brkus brku rkus
id.
kɤ-rŋu
frire (le blé)
rngo brngos brngo rngos
id.
kɤ-rtsi
compter
rtsi brtsis brtsi rtsis
id.
kɤ-ndɯn
lire à haute voix
‘don bton gdon thon
id.
Tableau 89 : Verbes japhug comparables au tibétain – présent.
On trouve 8 cas de verbes dont le présent et le futur sont identiques en tibétain. Dans
le Tableau 90, seul kɤ-sci « naître » pourrait être un cognat. Les autres ont soit une
sémantique innovatrice (kɤ-βzu) soit ont le préfixe nasal du présent tibétain (kɤ-ŋgrɯ,
kɯ-mpʰrɤt, kɤ-ndʑɯɣ), soit le préfixe g- du présent (kɤ-ʁzɤβ), soit un préfixe dérivationnel
g- du tibétain (kɤ-χsu : en tibétain, gso « élever » vient d’une racine *so vivre à laquelle
est apparenté le verbe ‘tsho « vivre » cognat lui de kɤ-sɯsu « vivre » en japhug) et
kɤ-mpɕa a le groupe pɕ- que l’on ne trouve dans aucun mot du vocabulaire
135
rgyalronguique.
En toute rigueur, pour le verbe kɤ-ndʑɯɣ « être détruit », l’argument du préfixe nasal
du présent ne tient pas car on sait que le PGR *ʑ devient ndʑ-. Ainsi, ndʑɯɣ pourrait venir
de *ʑɯk en PGR et s’accorder ainsi avec la racine. Ce verbe doit toutefois être un cognat
étant donné qu’il n’est employé que dans des histoires pour parler de la fin du monde
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dans un contexte bouddhique.
japhug
signification
tibétain
signification
kɤ-βzu
faire
bzo bzos
faire, confectionner
kɤ-sci
naître
skye skyes
id.
kɤ-ŋgrɯ
s’accomplir
‘grub grub
id.
kɯ-mphrɤt
adéquat
‘phrad phrad
rencontrer
kɤ-ndʑɯɣ
être détruit
‘jig zhig
id.
kɤ-χsu
élever
gso gsos
id.
kɤ-mpɕa
reprocher
‘phya ‘phyas ‘phya ‘phyas
id.
kɤ-ʁzɤβ
attentif, soigneux
gzab bzabs gzab bzobs
id.
Tableau 90 : Verbes japhug comparables au tibétain – ambiguïté présent / futur.
On trouve 5 cas de verbes dont le présent et l’impératif sont identiques en tibétain, ou
dont le présent et l’impératif pourraient correspondre à la même forme en japhug selon les
règles phonétiques connues. Parmi les verbes du Tableau 91, seul kɤ-rtsɯɣ pourrait être
un cognat, les autres ayant soit des groupes zgr- (kɤ-zgrɯl, kɤ-zgroʁ, kɤ-zgrɯβ) soit la
présence de la finale –l (kɤ-zgrɯl, kɤ-tʂɯl), soit la voyelle -o- du présent qui est un
innovation du tibétain (kɤ-rtoʁ).
japhug
signification
kɤ-zgrɯl
rouler
entre
les
mains
tibétain
signification
sgril bsgril bsgril sgril
id.
(sens inverse des aiguilles
d'une montre)
kɤ-tʂɯl
enrouler (tissu)
sgril bsgril bsgril sgril
id.
kɤ-rtsɯɣ
empiler
rtsig brtsigs brtsig rtsigs
id.
kɤ-zgroʁ
attacher
sgrog bsgrogs bsgrog sgrogs
id.
kɤ-zgrɯβ
réaliser qqch du mieux
sgrub bsgrubs bsgrub sgrubs
réaliser
rtog brtags brtag rtogs
comprendre
que l’on peut
kɤ-rtoʁ
regarder
Tableau 91 : Verbes japhug comparables au tibétain – ambiguïté présent / impératif.
On distingue par ailleurs 8 cas de verbes qui sont comparables à la forme passé du
136
verbe de manière non-ambiguë. Tous les mots du Tableau 92 ayant une trace de la
préinitiale b- du passé. Il doit s’agir d’emprunts :
japhug
signification
kɤ-ftɕɤt
arrêter
de
faire
tibétain
signification
gcod bcad gcad chod
couper
bgod bgos bgo bgos
distribuer
‘dzugs btsugs gzugs tshugs
planter, établir
quelque chose
kɤ-βgos
préparer (les produits
nécessaires)
kɤ-ftsɯɣ
établir
(une organisation)
kɤ-ftɯl
apprivoiser
‘dul btul gdul thul
id.
kɤ-βzɯr
déplacer
‘dzur bzur gzur zur
id.
kɤ-βzjos45
étudier, entrainer
sbyong
sbyangs
sbyang id.
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sbyongs
kɤ-fkot
établir
‘god bkod dgod khod
id.
kɤ-fkaβ
couvrir
‘gebs bkab dgab khob
id.
Tableau 92 : Verbes japhug comparables au tibétain – passé.
On trouve 6 exemples de verbes dont le futur et le passé ont la même forme. Ces
mots doivent être des emprunts, étant donné qu’ils ont une trace du préfixe b- :
japhug
signification
tibétain
signification
kɤ-βzɟɯr
transformer
sgyur bsgyur bsgyur sgyur
id.
kɤ-fɕɤt
raconter
‘chad bshad bshad shod
raconter, expliquer
kɤ-fɕaʁ
réparer une faute
‘chags bshags bshag bshogs
id.
kɤ-fsroŋ
protéger
srung bsrungs bsrung srungs
id.
kɤ-fskɤr
contourner
skor bskor bskor skor
id.
kɤ-fstɯn
servir
stun bstun bstun stun
se conformer à
Tableau 93 : Verbes japhug comparables au tibétain – ambiguïté passé / futur.
45
Pour une analyse de la correspondance tibétain sby- :: japhug βzj-, voir le chapitre 4, section sur la
consonne /z/ du japhug. Ce mot doit être un emprunt car le verbe tibétain sbyong sbyangs « apprendre »,
selon nous, est apparenté aux verbes ‘byong ‘byongs « connaître parfaitement, être expert en » et
myong myangs « faire l’expérience de », avec une dénasalisation du *m propre au tibétain. Dans
*s-mjaŋ-s > sbyangs, le *m devient /b/ comme dans sbrul « serpent » < *s-m-rul (chinois 虺 xwojX <
*bhmulʔ, birman mrwe) ; la dénasalisation de *m entre s- et une médiane n’est pas systématique : les
groupes smy- et smr- existent par ailleurs en tibétain, comme dans smyo-ba « fou » ou smra-ba
« parler ». On doit peut-être reconstruire des groupes différents pour ces mots en proto-tibétain : *sə-mj> smy contre *smj- > sby-.
137
On trouve 6 verbes dont les formes du passé et de l’impératif ont la même forme en
tibétain (il convient de remarquer que certain d’entre eux sont toutefois non-volitifs et n’ont
donc pas d’impératif à proprement parler). Parmi les verbes du Tableau 94, seul kɤ-pɕɯs
« essuyer » pourrait être cognat. Les verbes kɤ-pjɤl et kɤ-pʰɯl ont des finales –l (kɤ-pʰɯl
appartient par ailleurs au registre honorifique et le tibétain ‘byol est apparenté par ailleurs
au verbe g.yol, ce que montre que le b- est un préfixe) ; le verbe kɯ-na-χsos a la rime –os
correspondant à –os en tibétain, les verbes kɤ-tsʰos et kɤ-nɯ-kʰɯr ont un sens innovant
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(complet > être au complet, porter sur le dos > gérer).
japhug
signification
tibétain
signification
kɤ-pjɤl
contourner
‘byol byol
fuir
kɯ-na-χsos
frais
gso gsos
id.
kɤ-tshos
être au complet
tshang tshangs
tout, complet
kɤ-nɯ-khɯr
commander, gérer
‘khur khur
porter une charge, avoir
une responsabilité
kɤ-pʰɯl
offrir (hon.)
‘bul phul dbul phul
id.
kɤ-pɕɯs
essuyer
‘byid phyis dbyi phyis
id.
Tableau 94 : Verbes japhug comparables au tibétain – ambiguïté passé / impératif.
On constate donc que les formes empruntées non-ambiguës sont de manière
prédominante des formes du passé et du présent. On ne trouve que trois exemples de
verbes japhug venant de la forme du futur ou de l’impératif de manière non-ambiguës :
japhug
signification
tibétain
signification
kɤ-βzdɯ
ramasser
sdud bsdus bsdu sdus
id.
kɤ-rkɤs
graver, sculpter
rko brkos brko rkos
id.
kɤ-χtɤr
éparpiller
‘thor btor gtor ‘thor
id.
Tableau 95 : Verbes japhug comparables au tibétain – trois cas problématiques
Toutefois, même dans ces cas, il est possible de discuter l’interprétation de ces
formes comme venant du futur et de l’impératif. Le verbe « éparpiller » kɤ-χtɤr en tibétain
a une conjugaison alternative où toutes les formes sont gtor (où g- est alors un préfixe
dérivationnel et non plus un préfixe de futur), si bien que cet exemple n’est pas une
preuve formelle d’un emprunt de verbe au futur. La correspondance –us :: -ɯ est attestée
par un exemple : sha-rus « chair et os » :: ɕɤ-rɯ « os ». Il n’est donc pas à exclure
complètement que kɤ-βzdɯ vienne de la forme passé bsdus au lieu de bsdu. De même,
notre interprétation de kɤ-rkɤs comme venant de l’impératif rkos est basée sur l’idée que
138
le groupe brk- du tibétain correspondrait à *frk- en japhug de kɤmɲɯ, comme on a vu que
bsk- correspondait à fsk- et brt- à frt-. Or, le groupe brk- du tibétain n’est attesté nulle part
ailleurs dans le corpus. Il n’est pas possible d’affirmer avec certitude qu’il s’agit là bien
d’un exemple de forme de l’impératif empruntée. Dans le japhug de gSar-rdzong, on
trouve bien la forme du passé ka-frkɤs : le japhug de kɤmɲɯ a pu simplifier le groupe *frken rk-.
A cela s’ajoute un autre problème : pour le groupe bsgr- du tibétain, il n’est pas
certain que la correspondance à attendre en japhug soit bien *βzgr-. Ce serait le seul cas
de groupe à quatre consonnes dans cette langue. Il est donc possible que certains
exemples du Tableau 91 (kɤ-zgroʁ et kɤ-zgrɯl) viennent bien des formes de passé
bsgrog et bsgril. Il peut s’agir là aussi de formes ambiguës entre le présent et le passé.
Si l’on considère qu’aucun verbe japhug ne vient de la forme du futur ou de l’impératif
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du tibétain, et que l’on ne compte pas kɤ-βzdɯ et kɤ-rkɤs, on peut donc réduire
l’ambiguïté : il y a 18 verbes venant du présent et 20 venant du passé, le reste étant
ambigu entre ces deux temps. Cet état de fait peut s’interpréter de deux manières.
Premièrement, il pourrait s’agir de différentes couches d’emprunts : l’une où la forme de
base du verbe serait le présent, et l’autre où ce serait le passé. Deuxièmement, la
répartition entre formes du passé et du présent pourrait avoir un lien avec les propriétés
sémantiques du verbe. Si on prend en compte la télicité, on peut dresser le Tableau 96 :
Transitif – télique
Transitif – atélique
Intransitif – télique
Intransitif - atélique
Total
Présent
8
5
3
2
18
Passé
13
3
2
2
20
Tableau 96 : Verbes empruntés au tibétain classifiés en fonction de leur télicité.
On ne remarque aucune tendance bien nette : la proportion de verbes téliques est
peu différente pour les formes du présent (61%) par rapport à celles du passé (75%).
Si l’on exclut les sept verbes qui pourraient être des cognats (kɤ-sci, kɤ-rlaʁ,
kɤ-ʑɣɤ-χtɤt, kɤ-mɯ-rkɯ, kɤ-rŋu, kɤ-rtsi, kɤ-rtsɯɣ), il semble qu’on trouve une proportion
légèrement plus importante de verbes téliques utilisant la forme du passé (présent 47 %,
passé 72 % de verbes téliques), comme on peut le voir dans le Tableau 97. Toutefois, les
exemples sont trop peu nombreux pour être statistiquement significatifs.
Transitif – télique
Transitif – atélique
Intransitif – télique
Intransitif - atélique
Total
Présent
5
4
2
2
15
Passé
12
3
1
2
18
Tableau 97 : Verbes empruntés au tibétain classifiés en fonction de leur télicité.
139
A cela peuvent se rajouter les 12 verbes du Tableau 98, qui ne sont pas comparables
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aux formes verbales du tibétain de manière directe.
japhug
signification
tibétain
signification
kɯ-mbus
déborder
sbos
id.
kɤ-rɤ-krɤs
discuter
bgro bgros
id.
kɤ-si
mourir
‘chi shi
id.
kɤ-ʑaʁ
couler
‘dzag zag
id.
kɤ-ntɕha
découper, disséquer
bsha’ bshas bsha’ bshos
id.
kɤ-rkhe
graver
rko brkos brko rkos
id.
kɤ-tʂɯβ
coudre
‘drub ‘drubs
id.
kɤ-ndza
manger
za’ zos bza’ zos
id.
kɤ-rɲo
essayer, goûter,
myong myangs myang myongs
id.
expérimenter
kɤ-taʁ
tisser
‘thag btags btag ‘thog
id.
kɤ-ndʑɯ
accuser
zhu zhus
demander
Tableau 98 : Autres verbes japhug ressemblant au tibétain.
Parmi ces verbes, la forme kɤ-rɤ-krɤs « discuter » ne semble pas être apparentée
directement au verbe bgro-ba « discuter ». Ce mot est plus probablement un dérivé de la
forme nominale tɯ-krɤs « discussion » empruntée du tibétain gros « discussion ». Les
autres sont soit des cognats, soit des emprunts anciens, comme nous le verrons plus
tard.
3.1.4
Conclusion
Nous avons étudié les règles de correspondance phonétique entre le japhug et le
tibétain, du point de vue des rimes, des groupes d’initiales et enfin nous avons traité les
correspondances particulières à certains dissyllabes ainsi qu’aux formes verbales du
tibétain.
Maintenant que les faits sont établis, il convient d’utiliser la variété des
correspondances observées dans certains cas pour classer les mots communs au tibétain
et au japhug en plusieurs couches, qui inclueront des emprunts modernes très récents,
des emprunts plus anciens et des cognats.
3.2
Analyse des couches d’emprunts
Maintenant que nous avons établi les règles générales de correspondance entre
140
japhug et tibétain, il est possible de procéder à l’analyse en couches d’emprunts. Pour
cela, nous nous servirons d’une méthodologie similaire à celle de Sagart et Xu (2001,
2002).
Leur méthodologie est basée sur le principe de cohérence (adapté ici au rgyalrong
dans sa formulation) : les initiales, les préinitiales, les médianes et les rimes d’une même
syllabe empruntée ont des correspondances appartenant à la même couche. Il suit que
lorsque un même mot du tibétain correspond à deux mots en rgyalrong, il doit s’agir
d’emprunts effectués à des époques différentes ou à des dialectes distincts, ou bien l’un
des deux est un cognat et l’autre est un emprunt. Ce principe de cohérence, lorsqu’il est
appliqué aux dissyllabes, implique que théoriquement les deux syllabes doivent suivre les
mêmes lois phonétiques lorsque le composé est non-compositionnel (le sens du composé
ne peut être déduit de la somme des sens des syllabes). Cette précision est nécessaire
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pour s’assurer qu’il ne puisse pas s’agir d’un mot composé indépendamment recréé en
rgyalrong à partir de morphèmes tibétains appartenant à différentes couches de
vocabulaire.
Nous avons toutefois vu que dans certains cas, comme la correspondance des
aspirées et des voisées de la deuxième syllabe ou les correspondances –a :: –ɤ et –o ::
–ɯ (3.1.2.2.7), il était nécessaire de distinguer dans nos règles de correspondances les
premières syllabes et les secondes syllabes de dissyllabes. Dans le cas des emprunts
tibétains en rgyalrong, le principe de cohérence doit être rendu plus explicite : les initiales,
les préinitiales, les médianes et les rimes de toutes les syllabes d’un polysyllabe
emprunté suivent les mêmes correspondances à condition que le mot composé soit
non-compositionnel, et que ne s’applique pas une loi particulière aux premières ou aux
secondes syllabes de polysyllabes.
Si ces lois phonétiques particulières aux premières ou aux deuxièmes syllabes de
groupes ne sont pas en trop grand nombre, le principe de cohérence nous permet
d’utiliser les dissyllabes comme un outil privilégié pour analyser les couches.
Un autre groupe important de données est constitué des mots appartenant à une
même série : les numéraux cardinaux (noms des mois) et les noms des années (le cycle
des douze animaux). Le principe de cohérence doit s’appliquer aussi à ces séries, car
pour être utilisables, ces mots ont dû avoir été empruntés en même temps.
Il est toutefois nécessaire de noter que si certaines finales ou certaines initiales ont
un grand nombre de correspondances variées, certaines n’ont qu’une ou deux
correspondances. Dans ces cas-là, plusieurs couches peuvent se partager une même
correspondance.
La variété des correspondances est due à deux phénomènes : l’évolution
phonologique du tibétain, d’une part, et l’évolution du rgyalrong, d’autre part. Pour une
compréhension correcte des couches d’emprunts, il convient donc d’analyser ces deux
141
phénomènes.
Du principe de cohérence nous pouvons également tirer le corollaire selon lequel
seule la couche la plus ancienne de correspondance peut être génétique. Par ailleurs, il
faut prendre en compte le fait que les correspondances des cognats, comme c’est le cas
en indo-européen notamment, présentent une plus grande variété que les emprunts d’une
même couche : un étymon descendu de la même racine sino-tibétaine en rgyalrong et en
tibétain aura subi l’application de procédés morphologiques différents, si bien que la
morphologie devra être prise en compte dans l’analyse des correspondances entre ces
deux langues.
Cette section va comporter trois sous-sections :
z
La couche des cognats. Nous nous baserons pour cela sur la reconstruction
interne du proto-tibétain et sur les résultats de notre chapitre sur la phonologie
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
historique du japhug. Nous étudierons tous les mots monosyllabiques du japhug
apparentés au tibétain.
z
Les couches d’emprunts aux dialectes de l’Amdo. Nous isolerons les mots
présentant des innovations phonétiques ou sémantiques propres à ces
dialectes.
z
La stratification des couches d’emprunts sur la base de la phonologie historique
du japhug. Nous ne chercherons pas à être complètement exhaustif étant donné
que les emprunts en japhug ne se laissent pas aisément classer en couches.
Les couches des dialectes de l’Amdo seront intégrées à cette étude plus
générale.
3.2.1
Cognats entre japhug et tibétain.
Contrairement au cas du chinois et du Hani, il est plus facile de distinguer entre
emprunts et cognats entre japhug et tibétain que de séparer les couches d’emprunt les
unes des autres. Comme nous le verrons, les cas ambigus entre cognats et emprunts
sont assez rares. Pour cette raison, nous commençons notre étude des mots communs
entre ces deux langues par les cognats. Nous disposons de quatre groupes de critères
pour distinguer entre emprunts et cognats ; les trois premiers sont nécessaires mais non
suffisants pour démontrer qu’un mot particulier est un cognat.
z
Les cognats doivent être des monosyllabes : il est inconcevable que le rgyalrong
et le tibétain aient pu hériter des dissyllabes du proto-sino-tibétain. Ce principe
n’est valable que pour les dissyllabes sémantiquement opaques en rgyalrong.
z
Les cognats doivent avoir subi l’ensemble des changements phonologiques du
proto-rgyalrong au japhug, et ils doivent donc avoir une structure phonologique
conforme au patron normal des syllabes du vocabulaire rgyalronguique.
142
z
Les mots qui ne présentent pas les innovations du proto-tibétain au tibétain
classique et qui n’appartiennent pas aux autres couches sont selon toute
probabilité des cognats : l’Urheimat du tibétain au Tibet central est très éloignée
de celle des langues rgyalrong et on sait historiquement que ces langues n’ont
été en contact qu’à partir de la seconde moitié du 8e siècle, à l’époque de
l’empereur
Khri-srong-lde-brtsan.
Par
ailleurs,
les
innovations
d’ordre
morphologique sont aussi à prendre en compte, notamment la morphologie
verbale.
z
On sait que si les lois phonétiques évoluent régulièrement, les procédés
morphologiques ne sont pas aussi prédictibles. Pour un même étymon, tibétain
et rgyalrong ont parfois choisi des préfixes différents. Ces cas peuvent se
détecter lorsque les correspondances entre les deux langues sont incohérentes.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Enfin, des données externes peuvent aider à confirmer qu’il s’agit d’un cognat : le fait
que la forme soit reconstructible au proto-rgyalronguique, que l’on puisse trouver des
cognats dans d’autres langues que le tibétain et le rgyalrong, et éventuellement
l’appartenance ou non au vocabulaire de base.
3.2.1.1
Du proto-rgyalrong au japhug
Les cognats entre japhug et tibétain doivent avoir subi l’ensemble des innovations du
proto-rgyalrong restreint (PGR), tel qu’il sera reconstruit au chapitre 4, au japhug.
Toutefois, le fait qu’un mot ait subi ces innovations n’est pas une garantie qu’il soit un
cognat : il est possible qu’on trouve des emprunts tibétains en PGR ou qu’un mot ait été
emprunté avant certains changements.
Les changements suivants seront mis en évidence au chapitre sur la reconstruction
du PGR. Etant donné qu’aucun de ces changements n’a été mis en évidence à partir des
données du tibétain, il n’y a pas de risque de commettre un raisonnement circulaire en
utilisant ces résultats.
PGR
japhug
*-u
-ɯ
*-o
-u
*-aŋ
-o
*-ɔk
-ɤɣ
*-ɔt
-ɤt
*-ɔr
-ɤr
*-am
-om
143
*ʑ-
ndʑ-
*zb-
zw-
*j-
ʑ-
Tableau 99 : Quelques changements entre le proto-rgyalrong et le japhug.
A ces changements il faut ajouter les correspondances entre tibétain et japhug -iŋ :: -i,
-in :: -i, -eng :: -i qui sont dues à des changements plus anciens.
On peut en conclure que toute syllabe qui contiendrait l’une des rimes ou des initiales
du Tableau 99 et qui présenterait une correspondance identique entre japhug et tibétain
devrait être un emprunt. Ainsi tɯ-tsʰot « heure » correspondant au tibétain tshod doit être
un emprunt : s’il s’agissait d’un cognat, on attendrait *tɯ-tsʰɤt. Toutefois, le fait de se
conformer à ces évolutions phonétiques est une condition nécessaire mais non suffisante
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
pour démontrer qu’un mot particulier est un cognat. En effet, on trouve des mots
bisyllabiques qui ont subi certains de ces changements. Or, comme nous l’avons déjà
expliqué, il est exclu que des dissyllabes soient hérités du proto-sino-tibétain. Un exemple
de tels bisyllabes est tʂa-pʰɤr « bol de moine », emprunté au tibétain grwa-phor :
l’emprunt a dû avoir eu lieu avant le changement de *-ɔr à -ɤr propre au japhug. Ces
données nous serviront en 3.2.3 pour analyser les strates d’emprunts.
Pour chacun de ces changements, si l’on peut trouver un exemple certain d’emprunt,
c’est que le changement n’était pas encore achevé au moment où le mot a été emprunté.
Si en revanche on ne trouve aucun emprunt parmi les mots présentant l’un de ces
changements, il est vraisemblable que ce changement est plus ancien que le contact
entre rgyalrong et tibétain.
PGR
exemple
signification
tibétain
signification
d’emprunt
*-u → -ɯ
ftɕɯ-pa
dixième mois
bcu-pa
dixième
*-o → -u
tsʰu-pa
village
tsho-pa
id.
*-aŋ → -o
mtɕʰɤt-kʰo
chapelle de la
mchod-khang
id.
maison
*-ɔt → -ɤt
mɲi-rgɤt
yéti
mi-rgod
id.
*-ɔr → -ɤr
tʂa-pʰɤr
bol de moine
grwa-phor
id.
*-am → -om
mbar-kʰom
ville
‘bar-khams
id.
faire un rapport
de ‘bar-khams
*ʑ- → ndʑ-
kɤ-ndʑɯ
accuser
zhu
*zb- → zw-
kɤ-zwɤr
brûler, tr.
sbor
sbar
sbar
id.
sbor
Tableau 100 : Changements du PGR au japhug qui ont été appliqués chacun à au moins un
emprunt.
144
Nous avons présenté des dissyllabes dans le Tableau 100, parce que, comme nous
l’avons dit, ces mots ne peuvent pas être cognats, sauf pour le cas du changement *ʑ- →
ndʑ- pour lequel on ne trouve qu’un exemple d’emprunt. Bien que la racine de kɤ-ndʑɯ
« accuser » soit monosyllabique, sa signification secondaire « accuser » montre qu’il ne
peut pas être un cognat de zhu « faire un rapport ». Le sens « accuser » se trouve en
tibétain dans l’expression zhu-gtug « accusation ».
Pour les autres changements, on ne trouve pas de cas clairs d’emprunts tibétain.
Voici la liste des mots en question :
correspondances
japhug
signification
tibétain
signification
rgyalrong
tibétain :: japhug
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
-ing :: -i
-in :: -i
autres
cognats
tɯ-sni
coeur
snying
id.
tə-ɕné
身 *bhniŋ
si
bois
shing
id.
ɕé
薪 *bsiŋ
tɤ-rmi
nom
ming
id.
wu-rmê
名 *bmeŋ
tɯ-ji
champs
zhing-ka
id.
ka-jê
田 *aliŋ
kɯ-smi
cuit
smin
cuit, mûr
zbu.
Birman
tɯ-mtshi
foie
mchin-pa
id.
“planter”
kə-smî,
nə-sməʔ
tə-pɕé
hmáɲɲ
Bir.
a-sâɲɲ
tɯ-χpɣi
cuisse
byin-pa
mollet
zbu.
-eng :: -i
tɯ-mbri
corde
‘breng
id.
tə-bré
繩 *bmleŋ
-og :: -ɤɣ
kɤ-lɤɣ
faire
‘brog-pa
nomade
ka-lók
陸 *bluk
Bir. câ
tə χpjiʔ
paître
z- :: ndz-
kɤ-ndza
manger
za
id.
ka-zá
y- :: ʑ-
kɯ-ʑo
léger
yang-po
id.
kə-jô
qa-ʑo
mouton
g.yang-dkar id.
kə-jó
羊 *blaŋ
ɣʑo
abeille
sbrang
zbu.
蠅 *blɨŋ
r- :: ʑ-
mouche
wu-jɐ̂
tɯ-ʑo
soi-même
rang
id.
tə-jó
Tableau 101 : Correspondances propres aux cognats entre tibétain et japhug.
Parmi ces mots, à part kɤ-ndza, il est possible de montrer sans ambiguïté que nous
avons affaire à des cognats : si, tɯ-mtshi et tɯ-sni ont des dentales correspondant aux
palato-alvéolaires et palatales du tibétain (voir 3.2.1.2), tɤ-rmi et tɯ-χpɣi ont des
préinitiales sans équivalents en tibétain (voir 3.2.1.3.3).
En ce qui concerne kɤ-ndza, nous n’avons pas d’autres critères phonologiques pour
montrer qu’il s’agit d’un cognat, mais le fait qu’il appartienne au vocabulaire de base, qu’il
145
soit reconstructible en proto-rgyalronguique, et qu’on trouve des cognats dans quasiment
toutes les langues sino-tibétaines soutiennent cette hypothèse.
Enfin, on trouve deux changements attestés uniquement dans des emprunts
tibétains : *ŋkʰ → mkʰ-, et *rb- → rw-. Des exemples de ces changements sont présentés
dans le Tableau 102 :
proto-rgyalrong
exemple
signification
tibétain
signification
roue
d’emprunt
*ŋkʰ → mkʰ-
mkʰɯrlu
machine, roue
‘khor-lo
*rb- → rw-
kha-rwut
fièvre aphteuse
*kha rbod
Tableau 102 : Changements du PGR au japhug qui n’ont été appliqués qu’à des emprunts au
tibétain.
Un corollaire du principe que nous venons de formuler est que les cognats entre le
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japhug et le tibétain font partie du vocabulaire rgyalronguique, et de ce fait doivent se
conformer à la structure syllabique de ces mots. Ainsi, un mot présentant un groupe de
consonnes initial ou un groupe initial non-attesté dans le vocabulaire rgyalronguique (voir
la chapitre 4) mais seulement dans les mots expressifs ou les mots apparentés au tibétain
doit être un emprunt. Ainsi, les mots ayant des groupes de consonnes tels que βg- ou βzattestés dans aucun mot rgyalronguique doivent être des emprunts. C’est le cas par
exemple des verbes kɤ-βgos « préparer » et kɤ-βzu « faire ».
Parfois, même lorsque certains groupes de consonnes ou certaines rimes existent
dans des mots rgyalronguiques, la présence d’un groupe identique en tibétain et en
japhug trahit un emprunt. C’est le cas des groupes à occlusives voisées zb-, βd-, rd-, zgr-,
rg-, rɟ- que l’on trouve dans les verbes monosyllabiques de la section 3.1.3.2. Ces
groupes existent dans des mots reconstructibles au PGR (voir la section 4.3.3 p.310)
mais :
z
On ne trouve qu’un ou deux exemples de chacun de ces groupes
z
Pour une partie de ces groupes, on peut prouver qu’ils viennent de groupes très
différents en PGR (groupes à latérale ou à fricative)
Lorsque ces groupes correspondent aux groupes tibétains dont la prononciation est
proche (βd- :: bd-, rd- :: rd-, zgr- :: sgr-, rg- :: dg-, rɟ- :: rgy-), il ne peut s’agir de cognats.
3.2.1.2
Du proto-tibétain au tibétain ancien.
Un premier moyen de distinguer les cognats parmi les mots qui répondent aux
critères présentés dans la section précédente est d’utiliser les innovations phonologiques
du tibétain.
Les innovations les plus facilement détectables entre proto-tibétain et tibétain sont les
146
suivantes :
1. Les occlusives aspirées
Les occlusives sans préinitiale ou à préinitiale nasale deviennent aspirées. En
tibétain ancien, sourdes et aspirées ne sont pas distinctives et fluctuent parfois dans
l’orthographe. En tibétain classique, ces deux séries sont quasiment en distribution
complémentaire, mais une série de sourdes non aspirées sans préinitiales s’est
recomposée à partir d’emprunts, des enclitiques et de mots dialectaux. Même si la
distinction entre aspirées et non-aspirées n’était pas phonémique en tibétain ancien, la
fluctuation de l’orthographe n’indique pas que les mots se prononçaient parfois avec une
aspirée, parfois avec une sourde, mais seulement que les scribes de l’époque
éprouvaient
de
la
difficulté
à
maintenir
de
façon
constante
une
distinction
sous-phonémique dans l’écriture.
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Les cas du Tableau 72 où les aspirées du tibétain correspondent à des non-aspirées
en japhug sont reproduits dans le tableau ci-dessous, où l’on a rajouté des exemples de
cognats dans d’autres langues. Ces mots n’ont pas subi l’aspiration du tibétain ancien, il
doit donc s’agir de cognats, ce qui est confirmé par l’existence de formes apparentées de
sens identique dans d’autres langues sino-tibétaines.
japhug
signification
tibétain
signification
autres cognats
ta-qaβ
aiguille
khab
id.
Bir. ap
kɯ-rko,
dur, vigoureux
khrang-thang
dur
Achang kʐak55
kɯ-rkaŋ
mkhrang-po
kɤ-tɯɣ
toucher, rencontrer
thug-pa
id.
Bir. tuik « toucher »
kɤ-taʁ
tisser
‘thag-pa, btags
id.
織 tsyik < *btɨk
paʁ
cochon
phag
id.
Bir. wak
tɯ-pu
intestin
pho-ba
estomac
Qiang pu
tɯ-rpaʁ
épaule
phrag
id.
膊 pak < *apak
tɯ-tsi
vie
tshe
id.
Pumi tsi55
tɯ-ftsa
neveu
tsha-bo
id.
子 tsiX < *btsɨʔ « fils »
qa-par
chacal
‘phar
id.
Naxi phɑ21
kɤ-mto
voir
mthong-ba
id.
pumi sto55
kɤ-pɣo
filer
‘phang
appareil à
紡 phjangX < *pʰaŋʔ
filer
kɤ-fkur
porter un
‘khur khur
fardeau
porter sur le
Proto-kiranti *kur46
dos
Tableau 103 : Racines japhug à initiale sourde non-aspirée correspondant à des mots tibétains
46
Reconstruction de Michailovsky 1994.
147
à initiale aspirée.
Le mot kɯ-rkaŋ « robuste » semble poser un problème puisque la rime –aŋ du
tibétain correspond à –aŋ en japhug et non à –o comme ce devrait être le cas d’après les
données de la section 3.2.1.1. Une explication pour cette anomalie sera proposée dans la
section 4.2.2.1 p.228.
2.
Les latérales.
z
Le groupe *ly- devient zh-. Une évolution phonétique similaire a eu lieu en
japhug (kɯ-rʑi « lourd » :: Bir. leh « lourd », tɤ-rʑaʁ « une nuit » :: 夜 yaeH <
*blak-s). Ce changement est toutefois utilisable pour détecter les cognats dans
les cas où le rgyalrong a toujours l- ou un dérivé autre que zh- correspondant au
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
tibétain zh- :
japhug
signification
tibétain
signification
autres cognats
kɤ-ɣɤ-la
mouiller
bzha’
humide
Tib. rlon brlan
« mouiller »
kɯ-βde
quatre
bzhi
id.
Bir. lê
tɤ-lu
lait
zho
yaourt
Tang. lhju 1.3 #3065
bzhag-‘og
id.
Tib. lag « main »
tɯ-pjaʁ-pa aisselles
Tableau 104 : Mots tibétains à zh- provenant de latérales et leurs cognats en japhug.
z
Le groupe *lhy- devient lc-. Un seul exemple de cognat en japhug correspondant
à un mot tibétain en lc- : lci-ba :: tɯ-ɣli « purin ».
z
Le groupe *n-ly- devient lj-. On trouve ici mdza-di « puce » qui correspond au
tibétain lji-ba. L’existence d’une latérale en PGR pour ce mot est montrée par le
zbu mdzɐ́-lɟə.
z
Le groupe *ml- devient md-. Un seul exemple : mda :: tɯ-mɲa « flèche ». La
présence d’une liquide en proto-tibétain est prouvée par le birman mrâ de même
sens.
z
Le groupe *nl- devient ‘d-. Un seul exemple ‘dom-pa :: tɯ-ɟom « longueur de
deux bras écartés » (zbu. ki lɟɐ́m). La latérale est prouvée par le birman laṃ de
même sens.
3.
Les groupes C + y.
Les groupes *sy-, *ty- deviennent sh-, c- / ch-. Les cognats des mots à initiales sh-, c/ ch- en tibétain ont des dentales en japhug :
japhug
signification
tibétain
signification
autres cognats
si
bois
shing
id.
Bir. sac
kɤ-sɯs
savoir
shes
id.
Bir. si
148
tɯ-mtshi
foie
mchin-pa
id.
Bir. a sâɲɲ
kɤ-si
mourir
‘chi shi
id.
Bir. se
tsʰi tsuku
quoi que ce soit
chi
quoi
Tableau 105 : Mots tibétains à initiales sh- / ch- provenant de sifflantes et leurs cognats en
japhug.
Dans le Tableau 105, on remarque que le cognat du tibétain chi « quoi » ne subsite
en japhug de kɤmɲɯ que dans l’expression tsʰi-tsuku « quoi que ce soit », avec le
changement *tʰi > tsʰi propre à cette variété du japhug (voir la section 4.3.2.2 p. 284). Le
japhug de gSar-rdzong en revanche a gardé la forme la plus ancienne tʰi « quoi ». Le
japhug de kɤmɲɯ a emprunté l’interrogatif tibétain chi comme tɕʰi.
On remarque par ailleurs qu’en tibétain, à part la particule de focus ni, les
expressions na-ning « l’année dernière » et gzhes-ning « il y a deux ans » et les emprunts
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
au sanscrit, on ne trouve pas de groupe ni, seulement nyi. Ce trou dans la distribution
suggère fortement que les anciens *ni sont devenus /nyi/ de façon régulière. Il n’est pas
surprenant de ce point de vue qu’une particule grammaticale telle que ni n’ait pas subi ce
changement.
japhug
signification
tibétain
signification
autres cognats
tɯ-sni
coeur
snying
id.
Metog : thiŋ-lom
tɯ-rni
gencive
rnyil
id.
Nosu ni 34 l33
ʁnɯs
deux
gnyis
id.
二 *bnis > nyijH
Tableau 106 : Mots tibétains ayant la séquence -nyi- et les mots apparentés en japhug.
Le dictionnaire de bTsan-lha Nga-dbang Tshul-khrims (1997) cite une forme rnil-nad
« maladie des gencives (so-rnyil gyi nad) ». Même si cette forme ne se retrouve pas à ma
connaissance dans le corpus de Dunhuang, elle suggère que le changement de *ni à nyi
ne s’est pas opéré de façon uniforme sur les dialectes tibétains, et que certains mots de
dialectes n’ayant pas subi ce changement se retrouvent dans certains textes.
Il subsiste un doute sur l’interprétation de tɯ-rni « gencive » comme un cognat ou un
emprunt. Le seul moyen de prouver qu’il s’agit bien d’un cognat serait de trouver des
cognats de ce mot dans d’autres langues rgyalronguiques et de trouver plusieurs cognats
qui auraient effectué eux aussi le changement de –il à –i.
Pour les autres mots, les formes *sning et *gnis ne sont pas attestées même dans les
textes tibétains les plus anciens, et étant donné qu’ils appartiennent au vocabulaire de
base, il est peu probable qu’il puisse s’agir d’emprunts.
4.
Autres
z
Le groupe *sr- devient sh-. On remarque deux cas où le tibétain sh- correspond
à zr- en japhug : shig « pou » :: zrɯɣ « id. » et ‘chags bshags « se repentir » ::
kɤ-nɤ-zraʁ « avoir honte » (Bir. a-rhak « honte »).
149
z
Le groupe *sl- devient zl-. On observe un cas de cognat où le tibétain zlcorrespond à sl- en japhug : zla « lune » :: tɯ-sla « id. » (Bir. lá « id. »).
z
Les fricatives précédées de nasales deviennent affriquées. Ce critère n’est pas
entièrement applicable en japhug car des changements similaires se sont
produits du proto-rgyalrong au japhug, mais on note les exemples suivants :
mchor-po « beau » :: kɯ-mpɕɤr, somang kə-mpɕôr, zbu kə-mpɕʊr, nə-mpɕôr, où
l’initiale de la proto-forme *m-ɕ- est devenue mpɕ- en japhug et mch- en tibétain,
et le mot japhug kɤ-sɯsu « vivre » par rapport au verbe tibétain ‘tsho-ba, ‘tshos
« vivre » (proto-tibétain *ns > ‘tsh-).
z
La suite de phonèmes *wa en proto-tibétain devient /go/ (Gong [1990] 2002b : 38
pour les correspondances avec le chinois). Le verbe kɤ-ŋga « s’habiller » a
conservé le vocalisme ancien (Birman wat), et ne peut donc être un emprunt de
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
bgo-pa, bgos « s’habiller ». C’est le cas du nom tɯ-ɕɣa « dent » (PGR *swa) par
rapport au tibétain so « dent » (Birman swâ). En revanche, tɯ-krɤs
« discussion » doit être un emprunt et non un cognat de gros « discussion,
parole » car gros est le dérivé par suffixe –s nominalisant d’une racine « parler »
attestée aussi dans le verbe tibétain bgro « parler ». Cette racine GRO remonte
à *gwra ou à *wra en proto-tibétain (le cognat chinois 話 *agwrat-s ou *awrat-s >
hwaejH) : le vocalisme /o/ est secondaire.
3.2.1.3
Correspondances incohérentes.
Nous avons vu que les préinitiales sont parfois différentes entre le tibétain et le
japhug. On trouve même des cas où une préinitiale en japhug ne trouve pas d’équivalent
dans le mot tibétain apparenté. Plusieurs raisons sont à l’origine de ces irrégularités.
3.2.1.3.1 Emprunts
Lorsque l’on trouve des irrégularités dans les préinitiales, on peut avoir affaire à des
emprunts. C’est notamment le cas des bisyllabes, selon le principe expliqué plus haut.
Les cas de ce type sont regroupés dans le tableau ci-dessous :
japhug
signification
tibétain
signification
ka-naʁ
bovidé de couleur noire dont le ventre
dkar-nag
noir et blanc
et les pattes sont blancs
bɤl-qʰoʁ
tortue
sbal-skogs
carapace de tortue
ndʐɯn-bu
hôte
mgron-po
id.
ʁzɤ-mi
mari et femme
bza’-mi
id.
150
ʑɯɣ-sa
siège
bzhugs-sa
id.
ʁgɤ-sloŋ
bhiksu
dge-slong
id.
rca-χtoŋ
insulte
*skyag-gtong
id.
ʁdɤrʑi
vajra
rdo-rje
id.
χtɤmbrɤl
célébration
rten-’brel
présage,
célébration
tɕa-zga
gingembre
*skya-sga
id.
mbɯm-χtɤr
dix mille
‘bum-ther
id.
pʰaʁ-rzi
poil de cochon
phag-ze
id.
mkʰrɯm-kʰaŋ
prison
khrims-khang
id.
Tableau 107 : Dissyllabes dont les correspondances des préinitiales sont irrégulières.
On observe dans ce tableau plusieurs types d’incohérences : des correspondances
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
irrégulières (tibétain r- correspondant à χ- / ʁ-, m- correspondant à une prénasalisation),
présence de préinitiales en japhug alors qu’il n’y en a pas en tibétain (comme dans
pʰaʁ-rzi) ou au contraire absence de préinitiale en japhug (bɤlqʰoʁ « tortue »). Une partie
de ces mots présentent des innovations typiques des dialectes Amdo, et ils seront traités
en 3.2.2. On remarque que dans presque tous les cas du Tableau 107, on ne rencontre
pas d’incohérences dans les correspondances telles que la forme japhug ne puisse être
directement dérivée de la forme tibétaine.
Les seuls cas qui posent réellement problème sont les deux exemples où une
préinitiale en japhug ne correspond à aucune préinitiale en tibétain. Le mot japhug
mbɯm-χtɤr « 100000 » est doublement irrégulier : le /t/ n’est pas aspiré et une préinitiale
χ- non-étymologique a été ajoutée. Une explication possible est qu’il s’agit d’une
corruption : la seconde syllabe a subi une analogie avec le mot courant kɤ-χtɤr
« disperser » (lui aussi un emprunt du tibétain). Cette hypothèse n’est pas à exclure étant
donné que le mot mbɯm-χtɤr est excessivement rare en japhug contemporain. D’autres
exemples de corruption peuvent être mis en évidence dans les mots d’origine tibétaine
rares et mal compris des histoires traditionnelles (en particulier les noms propres).
Le mot pʰaʁ-rzi « poil de crinière de cochon utilisé pour se curer les dents » est
différent. Ce mot vient du tibétain phag-ze, qui s’analyse en phag « cochon » et ze
« crinière, sommet » (comme dans ri’i ze « sommet d’une montagne »). Le sens de
« crinière » est dérivé de celui de « sommet ». Or ce mot ze « sommet » forme
probablement une famille de mot avec rtse « sommet » (de *r-se). La présence ici d’une
préinitiale r- en japhug est peut-être la trace d’un dialecte archaïque où ze aurait une
préinitiale r-. La forme supposée dans ce dialecte serait *phag-rdze : dans ce cas, le
japhug atteste d’un dialecte qui a eu une évolution différente de celui qui se trouve à la
base du tibétain classique.
151
Parmi les monosyllabes, on trouve quelques exemples d’emprunts dont les
correspondances des préinitiales sont irrégulières.
japhug
signification
tibétain
signification
sɲɤt
harnais
rmed
id.
ŋgɯr
récit chanté
mgur
id.
po
boisseau
‘bo
id.
tɯ-xɕɤt
force
shed
id.
χɕɤl
verre
shel
id.
kɯ-mbus
déborder
sbos
id.
ftaʁ
marque
rtags
id.
Tableau 108 : Monosyllabes empruntés dont les correspondances des préinitiales sont
irrégulières.
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Parmi les mots du Tableau 108, nous montrerons en 3.2.2 que sɲɤt, tɯ-xɕɤt et χɕɤl
sont des emprunts à un dialecte de l’Amdo. Le fait que le mot po « boisseau » ait un
vocalisme –o trahit qu’il s’agit d’un emprunt très récent, après le changement de *–o à –u
en japhug. Quant à ŋgɯr, il s’agit d’un mot dont la préinitiale m- devient prénasalisation. Il
appartient à la même couche d’emprunt que le mot ndʐɯnbu « hôte » du Tableau 107. Le
cas de kɯ-mbus sera abordé en 3.2.3.7. ftaʁ doit être un emprunt à un dialecte tibétain
dont la forme était *brtags. Le sens de « marque » est secondaire en tibétain. Il vient du
verbe rtog brtags « étudier, investiguer », et signifie à l’origine « pronostic, présage » d’où
« caractéristique propre, symbole, marque ». Il a également le sens « d’argument » dans
le vocabulaire philosophique. La forme standard rtags est dérivée par le –s nominalisateur
(Jacques 2003), mais la forme que le japhug semble avoir empruntée est identique au
passé du verbe d’où est dérivé ce nom. Seule une étude philologique permettra de
déterminer si cette forme est attestée dans des textes dans l’acception qu’elle a en
japhug.
Dans les autres cas de correspondances irrégulières, on peut montrer que l’on a
affaire à des cognats. On constate dans ces cas ou bien la présence d’une préinitiale en
japhug ou en tibétain sans équivalent dans l’autre langue, ou bien des préinitiales
complètement différentes dans les deux langues.
152
3.2.1.3.2 Présence d’une préinitiale en tibétain sans équivalent en japhug.
japhug
sens
tibétain
sens
autres dialectes
autres
rgyalrong
cognats
47
kɯ-sɤr
nouveau, frais
gsar-pa
id.
kə-tsʰár
鮮 *bser > sjen
kɤ-taʁ
tisser
‘thag-pa,
id.
kɐ-ták
織 *btɨk > tsyik
zbu. ʁɐ-pér
Naxi phɑ21
btags
qa-par
chacal
‘phar-ba
id.
qa-me
grain de beauté
sme-ba
id.
tɤ-tɕɤs
trace
rjes
id.
tɐ-tɕôs
Pumi tɕo13
kɤ-ɣɤ-la
humide
bzha’
id.
zbu. kə-ltəʔ
Tang. lhji 2.10
Bir. hmáy
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#1036
tɯ-ku
tête
mgo
id.
tə-kó
Pumi qho55
qa-ljaʁ
Aquila chysaetos
glag
id.
zbu. ʁɐ liɐ̂χ
弋 *blɨk > yik
ndʑi-rɯ
lente
sro-ma
id.
mdʑi-rúʔ XFF
Tang. śjụ 1.59
#3176
tɯ-ro
poitrine
brang
id.
tə-ró
Bir. raŋ
kɯ-tɕur
acide
skyur-mo
id.
kə-tɕôr
Pumi tʃu55
kɤ-mbus
déborder
sbos
id.
kə-mbôs
ɯ-pɤl
partie de la louche
sbar-mo
paume
Tang. pjạ 1.64
qui sert à contenir
#5370
le liquide
ndʑi-rɯ
lente
sro-ma
id.
mdʑi-rúʔ XFF
Tang. śjụ 1.59
#3176
kɤ-kɯ-nɤ-
lèpre
mdze-nad
id.
ta-zá
lever
‘gyog-pa
id.
ka-jók
id.
kə-jó
ndza
kɤ-joʁ
bkyags
qa-ʑo
mouton
g.yang dkar
羊*blaΚ > yang
Tableau 109 : Cognats dont la préinitiale du tibétain n’a pas d’équivalent en japhug.
L’absence d’une préinitiale n’est pas en soi la preuve qu’un monosyllabe est un
cognat ; il pourrait s’agir d’un emprunt à un dialecte qui aurait perdu les préinitiales en
question. Toutefois, dans les dix mots du Tableau 109, on remarque les particularités
suivantes : 1. Quatre d’entre eux sont préfixés du préfixe nominal non-productif qa- 2.
Trois d’entre eux (kɤ-taʁ, qa-par et kɤ-ɣɤ-la) présentent des correspondances d’initiales
47
Nous indiquons ici le dialecte de somang par défaut. Lorsqu’un cognat ne peut se trouver dans ce
dialecte, nous citons le dialecte de zbu.
153
prouvant qu’il s’agit de cognats (voir la section 3.2.1.2). 3. Un d’entre eux (qa-ljaʁ) a un
phonème sans équivalent en tibétain (la médiane -j-). 4. Tous ces mots sont
reconstructibles en proto-rgyalrong (sauf qa-me et ɯ-pɤl) et ont des cognats dans
d’autres langues sino-tibétaines (sauf kɤ-mbus et kɤ-kɯ-nɤ-ndza).
z
Mots à préfixe qa-
Parmi les 38 mots ayant ce préfixe dans nos données, seuls les quatre indiqués dans
le Tableau 109, plus le mot qa-ɕpa « grenouille » (voir 3.2.1.3.4)
sont apparentés au
tibétain. Parmi ceux-ci, il est évident que qa-par « chacal » (correspondance d’aspirée en
tibétain à non-aspirée en japhug, voir Tableau 103), qa-ʑo « mouton » (le changement de
*j- à ʑ- propre au japhug n’a affecté que les cognats, voir Tableau 101) et qa-ljaʁ doivent
être des cognats.
Je suggère donc que le préfixe nominal qa- a perdu sa productivité avant que le
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rgyalrong n’entre en contact avec le tibétain. Tout mot ayant ce préfixe doit donc être
cognat.
z
tɯ-ro :: brang « poitrine » et ndʑi-rɯ :: sro-ma « lente »
Dans ces deux mots, l’initiale disparaît devant le -r-. Les initiales br- er r- d’une part,
et sr- et r- d’autre part, ne se confondent dans aucun dialecte moderne du tibétain à notre
connaissance. br- se confond en général avec dr- et gr- en tʂ- dans les dialectes, sr- se
confond avec kr-, ou devient un phonème distinct /ʂ/, ou devient même /hts/ en Zho-ngu
(Sun 2003b). L’absence en japhug de trace de l’initiale prouve donc qu’il s’agit de
cognats.
z
tɯ-ku :: mgo « tête »
Le mot tɯ-ku « tête » correspondant au tibétain mgo, est le seul exemple d’un gprécédé d’une préinitiale nasale en tibétain correspondant à un k- en japhug. On trouve
un seul autre cas de voisée précédée de nasale en tibétain correspondant à une sourde
en tibétain, le mot po « boisseau » correspondant à ‘bo. Toutefois, ces deux mots ne
peuvent appartenir à la même couche, puisque dans un cas le –o du tibétain correspond à
–o, tandis que dans l’autre il correspond à –u. La correspondance de la rime du mot po
« boisseau » indique qu’il s’agit d’un emprunt tardif isolé. Le dialecte tibétain auquel il a
été emprunté avait subi un changement des prénasalisées en sourdes simples (c’est le
cas de beaucoup de dialectes tibétains, tels que celui de Lhasa). Pour le mot tɯ-ku, une
autre explication s’impose : ce mot est un cognat et non un emprunt. Le préfixe m- du
partie du corps en tibétain est une innovation morphologique, et ce préfixe ne se trouve
pas en japhug. Si l’on compare une forme proto-tibétaine non préfixée *go au japhug
tɯ-ku, on observe que la correspondance g- :: k- est parfaitement régulière (voir Tableau
73).
z
kɤ-kɯ-nɤ-ndza :: mdze « lèpre »
Pour le mot kɤ-kɯ-nɤ-ndza « lèpre », c’est la différence de vocalisme entre le japhug
154
–a et le tibétain –e (mdze) qui montre que l’on a affaire à un cognat : ce vocalisme en
tibétain est certainement dû à un Umlaut, car ce mot tibétain est apparenté au verbe za
« manger » (« la maladie qui ronge » > lèpre). Le préfixe m- en tibétain est probablement
ici le préfixe de parties du corps.
z
ɯ-pɤl « partie de la louche qui sert à contenir le liquide » :: sbar-mo « paume »
Le mot ɯ-pɤl « partie de la louche qui sert à contenir le liquide » se retrouve dans les
mots composés tɯ-me-pɤl « plante des pieds » et tɯ-rna-pɤl « lobe de l’oreille ». Cette
syllabe peut se comparer au tibétain sbar-mo « paume de la main ». S’il s’agissait d’un
emprunt, on attendrait *zwɤr et non /pɤl/. La correspondance de /l/ en japhug pour le /r/
final du tibétain est la seule dans toute la langue. La différence de sens importante entre
les deux langues exclut qu’il puisse s’agir d’un emprunt ; toutefois, il n’est pas à exclure
qu’il s’agisse d’une coïncidence : on ne peut pas reconstruire de finale –l en PGR.
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z
kɤ-joʁ :: ‘gyog-pa bkyags « lever »
Il est certain que ce mot n’est pas un emprunt, car la correspondance j- :: ‘gy- ne se
trouve nulle part ailleurs dans la langue et il n’existe pas dans la région de dialecte tibétain
ayant subi un changement gy- ou ky- > j-. Toutefois, la ressemblance entre ces mots
pourrait être due à une coïncidence, car la voyelle de la racine en tibétain est /a/ comme
le montre la forme du passé et non /o/.
z
Cas ambigus
Les seuls mots du Tableau 109 n’ayant pas de particularités phonologiques ou
morphologiques prouvant qu’il s’agit bien de cognats sont kɤ-mbus, kɯ-tɕur et kɯ-sɤr. Le
cas de kɯ-mbus sera examiné en 3.2.3.7. Pour les deux autres, le fait que l’on trouve des
mots apparentés aussi bien dans les langues rgyalronguiques modernes que dans
d’autres langues sino-tibétaines et qu’il appartient au vocabulaire de base, fait qu’il est
très probable qu’il s’agisse de cognats.
3.2.1.3.3 Présence d’une préinitiale en japhug sans équivalent en tibétain.
japhug
signification
tibétain
signification
rgyalrong
tɯ-χpɣi
cuisse
byin-pa
mollet
zbu. tə χpjiʔ
tɯ-ftsa
neveu
tsha-bo
id.
tə tsá
autres cognats
子
*btsɨʔ
>
tsiX
« fils »
ʑmbrɯ
bâteau
gru
id.
ʑgrú
tɤ-rmi
nom
ming
id.
tɐ-rmé
名 *bmeŋ > mjieng
tɯ-rʑaʁ
temps
zhag
durée de 24 h.
tə-rják
夜 *blak-s > yaeH
kɤ-rɲo
faire
myong
l’expérience de
myangs
« une nuit »
id.
« nuit »
ka-rɲô
155
fso
demain
sang nyin
só-sɲi
id.
Tang.
sjij
1.36
#5500 « l’année
prochaine »
tɯ-rŋa
visage
ngo
id.
kɤ-fkur
porter un
‘khur khur
porter
fardeau
sur
le
ki fkôr
Proto-kiranti *kur
dos
Tableau 110 : Mots dont la préinitiale en japhug n’a pas d’équivalent en tibétain.
La présence en japhug d’une préinitiale sans équivalent en tibétain est une preuve
que l’on a affaire à un cognat, à moins qu’on ne puisse expliquer l’apparition de la
préinitiale en question par une règle phonétique régulière ou qu’on découvre un dialecte
tibétain moderne qui aurait conservé une préinitiale non attestée en tibétain classique.
Tous les mots du tableau ci-dessus sont reconstructibles au proto-rgyalrong, et tous
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sauf ʑmbrɯ, kɤ-rɲo et tɯ-rŋa ont des cognats en dehors des langues rgyalronguiques et
du tibétain. La correspondance japhug -a :: tibétain –o dans tɯ-rŋa :: ngo « visage »
suggère de reconstruire un *ŋwa en proto-tibétain.
3.2.1.3.4 Préinitiales différentes entre tibétain et japhug
japhug
signification
tibétain
signification
rgyalrong
autres
cognats
tɯ-mke
cou
ske
id.
tə-mkî
tɯ-ɣmas
blessure
rma
id.
tə-nmâs
Tang. mjaa 1.23
#5702
tɯ-jmŋo
rêve
rmang-lam
id.
ta-rmô
夢
*bmuŋs
>
mjuwngH
kɤ-ntɕʰa
tuer un animal
bsha’
id.
ka-ntɕhâ
Tang. śjii 1.14
#716
tɯ-rla
âme
bla
id.
kɯ-rko
dur
mkhrang-po
id.
Bir. lip-pja
kə-rkô
硬
*aŋraŋs
>
ngaengH
Bir. sâɲɲ-kre
tɯ-ɕkrɯt
bile
mkhris
id.
tə-mdʑi-krí
ftɕar
été
dbyar
id.
pə-tsár
kɯ-mŋu
cinq
lnga
id.
kə-mŋô
五 *aŋaʔ > nguX
kɯ-ngɯt
neuf
dgu
id.
kə-ŋgû
九
*bkuʔ
>
kjuwX
ɣurʑa
cent
brgya
id.
pə-rjâ
百 *aprak > paek
kɯ-rtsɤɣ
panthère
gzig
id.
kə-ɕtɕík
Tang. zewr 1.8
#5480 ; 5768
ta-ʁjɯβ
ombre
grib-ma
id.
ta-wjə́s
Bir. a-rip
156
kɯ-jpum
épais
sbom-po
id.
kə-jpâm
kɯ-ɴqa
dur
dka’-pa
id.
zbu. kə-ɴɢʌʔ,
kɤ-zdɤβ
plier48
ɴɢɐ̂
lteb-ba
疊褶 *alip > dep
id.
bltabs
ɣʑo
abeille
sbrang
mouche
zbu. wu-jɐ̂
蠅 *blɨŋ > ying
Tableau 111 : Cognats dont la préinitiale en tibétain et en japhug présente une correspondance
exceptionnelle.
Dans le Tableau 111, on rencontre un grand nombre de correspondances très
inhabituelles : m- :: s-, m- :: ɕ-, m- :: l-, N- :: b-, n- :: d-, r- :: b-, r- :: g-, r- :: m-, f- :: d-, d- ::
N-, z- :: l-, ɣ- :: sb-. Ces correspondances incohérentes ne peuvent pas être le résultat
d’évolutions phonologiques directes. Dans ces cas, il est nécessaire d’admettre que ces
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mots ont été préfixés par des préfixes différents de manière indépendante au cours de
l’histoire du proto-tibétain et du proto-rgyalrong. Parfois un même phonème subit une
métathèse : c’est le cas du r- dans kɯ-rko « dur », parfois l’initiale du tibétain correspond
à une préinitiale en japhug comme dans dbyar :: ftɕar « été ». Enfin, il arrive dans
plusieurs cas que non seulement la correspondance de la préinitiale est irrégulière, mais
aussi celle de l’initiale : tɕʰ- :: sh- dans kɤ-ntɕʰa :: bsha’ « tuer un animal ».
On trouve aussi dans ce tableau deux correspondances inhabituelles mais
potentiellement explicables comme le résultat de changements phonétiques particuliers :
ɣ- :: r- (dans tɯ-ɣmas :: rma « blessure »), j- :: r- (dans ta-ʁjɯβ :: grib-ma « ombre »).
z
Préinitiale ɕ- correspondant à s- en tibétain
Le cas de la correspondance tibétain s- :: rgyalrong ɕ- doit être traité à part. En effet,
le tibétain ne distingue qu’une préinitiale fricative, et il n’est pas à exclure que le s- du
tibétain ait pu être emprunté comme ɕ- dans certaines couches.
japhug
signification
tibétain
signification
rgyalrong
autres
cognats
qa-ɕpa
grenouille
sbal
id.
kha-ɕpâ
Bir. phâ
tɯ-ɕna
nez
sna
id.
tə-ɕná
Bir. hna-khôŋ
tɯ-ɕtɯ
sexe féminin
stu
id.
tə-ɕtú
Muya tə24
tɯ-ɕnaβ
morve
snabs
id.
tə-ɕnám
Bir. hnap
chu-ɕrɤm
peau de loutre
chu-sram
loutre
tɕhə-srám
Bir. phjâṃ
48
« loutre »
La forme japhug ressemble au tibétain sdeb bsdebs « mettre ensemble, accorder », mais la
sémantique est douteuse. Il est préférable de considérer ce mot comme un cognat de lteb bltabs
« plier ».
157
ɕku
oignon
sgog-pa
ail
ɕkó
Tang. kjụ 1.59
#2278
Tableau 112 : Mots suivant la correspondance des préinitiales ɕ- :: s-.
Parmi les mots du Tableau 112, chu-srɤm, étant donné qu’il est bisyllabique, doit être
un emprunt, même si la syllabe sram vient d’un étymon répandu dans les langues
tibéto-birmanes. L’évolution sémantique de « loutre » à « peau de loutre » est aussi
révélatrice à cette égard. Les rgyalrongois de notre époque ne connaissent pas la loutre, il
ne le connaissent que par sa fourrure qu’ils achètent à des Tibétains venant de régions où
cet animal est répandu. Cet exemple montre que la correspondance des préinitiales ɕ- ::
s- se trouve dans certains emprunts.
Le mot qa-ɕpa « grenouille » a le préfixe qa-, dont nous avons vu qu’il n’était propre
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aux cognats : si ce mot était un emprunt, ce serait le seul des mots à préfixe qa-.
Les
mots tɯ-ɕna, tɯ-ɕtɯ et tɯ-ɕnaβ sont des parties du corps, qui appartiennent au
vocabulaire de base et sont reconstructibles en proto-rgyalronguique. Il semble
improbable que ces mots soient des emprunts. Le mot « oignon » ɕku ressemble au
tibétain sgog-pa « ail ». Ce mot possède toutes les caractéristiques d’un cognat, car la
voisée du tibétain avec préinitiale correspond à une sourde (on aurait attendu *zgoʁ s’il
s’agissait d’un emprunt), mais il pourrait également s’agir d’un hasard, car l’absence de
finale en rgyalrong et dans les autres langues qianguiques est inexplicable.
La correspondance sr- :: ɕr- peut s’expliquer si l’on prend en compte la reconstruction
du PGR. Comme nous le montrerons dans la section 4.3.4 p.319, le PGR *sr- devient zren japhug. Après ce changement, il n’y avait plus de sr- dans la langue. Or, comme nous
le montrerons, la préinitiale *s- devient ɕ- devant w- (*sw- → ɕɣ-). Si l’on suppose
l’existence d’un changement *sr- → ɕr- à la même époque qui aurait affecté les emprunts
tibétains, on peut expliquer pourquoi certains emprunts auraient la correspondance sr- ::
ɕr- tandis que d’autres auraient sr- :: sr- (bsrung :: kɤ-fsroŋ « protéger ») : les premiers
auraient été empruntés avant ce changement, les seconds après.
Si cette hypothèse est acceptable, le critère de la préinitiale s- du tibétain
correspondant à la préinitiale ɕ- nous permet de distinguer les cognats, sauf pour le
groupe ɕr- qui n’est de toute façon attesté que par un exemple.
3.2.1.3.5 Autres correspondances anormales entre tibétain et japhug
Les irrégularités avec d’autres parties de la syllabe que les seules préinitiales
permettent aussi de distinguer cognats et emprunts. On trouve quelques mots dont on
peut être sûr qu’il s’agit d’emprunts :
158
japhug
signification
tibétain
signification
autres
dialectes
rgyalrong
qʰlɯ
naga
klu
id.
bɤl-qʰoʁ
tortue
sbal-skogs
carapace de tortue
kɤ-nɯ-ʑɤm-ŋɤn
envier
zhe-ngan
haine
ʁjaŋ-tʂoŋ
swastika
g.yung-drung
id.
mda-ʁʑɯɣ
arc et flèches
mda’-gzhu
id.
zwɐlkôk
Tableau 113 : Emprunts dont initiales, médianes ou rimes en tibétain et en japhug présentent
des correspondances exceptionnelles.
Les mots qʰlɯ « naga » et bɤl-qʰoʁ « tortue » ont comme point commun d’avoir une
occlusive uvulaire aspirée correspondant à la vélaire non aspirée du tibétain. Dans les
deux cas, il est certain que ce sont des emprunts : bɤl-qʰoʁ est bisyllabique, et qʰlɯ ne
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s’emploie que dans des histoires inspirées du folklore bouddhiste tibétain. Les
correspondances régulières seraient *ʁlɯ et *zwɤl-skoʁ.
Or on peut remarquer qu’il n’existe pas de groupe *kl- en japhug, mais seulement des
groupes ql- et qʰl- avec uvulaire. Le mot qʰlɯ a donc été emprunté à un dialecte tibétain
dont l’initiale k- n’était pas spirantisée comme c’est le cas dans les dialectes de l’Amdo, et
le seul groupe par lequel il était possible de reproduire ce kl- était un groupe à [uvulaire +
latérale].
Le cas de bɤlqʰoʁ est plus compliqué. Ce mot ne fait pas partie du vocabulaire
habituel du japhug (mon informatrice Tshe-’dzin a dû demander à des membres plus âgés
de sa famille pour le connaître) et il a pu subir l’influence d’autres langues
rgyalronguiques avant de parvenir en japhug. Nous ne chercherons pas pour le moment à
expliquer cette irrégularité.
z
g.yung-drung :: ʁjaŋtʂoŋ « swastika »
On attendrait *ʁjoŋ-tʂoŋ au lieu de la forme attestée ʁjaŋ-tʂoŋ. L’irrégularité est ici
probablement due à une étymologie populaire assimilant la syllabe g.yung au mot plus
commun g.yang « bon présage » en japhug ʁjaŋ.
z
zhe-ngan :: kɤ-nɯ-ʑɤmŋɤn « envier »,
Ce verbe dénominal basé sur un mot *ʑɤmŋɤn « envie » non attesté, doit être un
emprunt de zhe-ngan « haine ». On attendrait *ʑiŋɤn en japhug selon les règles
phonologiques régulières (voir p.90 et p.100). Cette irrégularité n’est pas explicable.
z
mda-gzhu :: mdaʁʑɯɣ « arcs et flèches »
Ce mot est extrêmement rare et ne s’emploie que dans des histoires. La finale -ɣ
irrégulière est probablement due à l’analogie avec un autre mot, mais nous n’avons pas
pu trouver lequel.
159
japhug
signification
tibétain
signifi-
autres
cation
dialectes
autres cognats
rgyalrong
ɕɤɣ
genévrier
shug-pa
id.
zbu. xɕôx
Tang.
źjiw
1.46
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#4118
ɕu
qui
su
id.
sə̂
Bir. bhɛ-su -lɛ̂
kɤ-mbi
donner
sbyin-pa, byin
id.
kɐ-wə̂
畀 *bpi-s > pjijH
kɤ-pa
fermer
byed byas
faire
ka-pá
« faire »
Tang.
.wji
1.10
#5113
kɤ-rkʰe
graver
rko brkos
id.
kɤ-ʑaʁ
couler
‘dzag zag
id.
kə-dʑák
kʰu
tigre
gung
id.
kʰûŋ
Qiang χu49
kɯ-rcat
huit
brgyad
id.
wu-rját
八 *bpret > peat
kɯ-rʑi
lourd
ljid-po, lci-mo
id.
kə-lî
Bir. lê
kɯ-so
vide
stong-pa
id.
kə-só
kɯ-tʂɤɣ
six
drug
id.
kə-tʂók
ɯ-di
odeur
dri
id.
wu-rí
ndzom
pont
zam
id.
ta-dzám
Bir taṃ tâ
qro
fourmi
grog-ma
id.
khorók
Bir. prwak
sos
matin
sang nyin
demain
六 *bCə-ruk > ljuwk
Tang.
sjij
1.36
#5500 « l’année
prochaine »
tɤ-ndɤɣ
poison
dug
id.
tə-dók
毒 *aluk > dowk
tɯ-jaʁ
main
lag
id.
tə-ják
胳 *ak-lak > kak
tɯ-mtɯ
nœud
mdud-pa
id.
ta-mtú
tɯ-skʰrɯ
corps
sku
id.
ta-skhrú
Bir. kuiy
tɯ-ʑo
soi-même
rang
id.
tə-jó
Tang.
.jij
1.36
#1245
Tableau 114 : Mots dont les initiales, les médianes ou les rimes en tibétain et en japhug
présentent des correspondances exceptionnelles.
Les mots du tableau ci-dessus sont irréguliers dans leurs correspondances soit par
l’initiale, soit la médiane, soit par leur rime. Presque chacun de ces mots est un cas
particulier.
z
49
kɯ-so :: stong-ba « vide », kɤ-rkʰe :: rko-ba « graver », kɤ-ʑaʁ :: ‘dzag zag
Ce mot Qiang pourrait aussi être un emprunt du chinois 虎 xuX, mais en sichuanais l’initiale 晓 x- du
chinois médiéval est passée à f- dans ce mot. Si c’est bien un emprunt chinois, il doit être plus ancien.
Seule une étude des dialectes Qiang pourra permettre de juger s’il s’agit d’un emprunt chinois ou d’un
cognat avec le rgyalrong et le tibétain.
160
« couler »
Dans cette liste, on trouve tout d’abord des mots dont la ressemblance avec le
tibétain peut être due au hasard. C’est le cas de kɯ-so « vide », kɤ-rkʰe « graver » et de
kɤ-ʑaʁ « couler ». Ces trois mots présentent des correspondances exceptionnelles
(japhug s- :: tibétain st-, rkʰ- :: rk-, z- :: ʑ-) sans équivalents ailleurs. Le verbe kɤ-rkʰe
« graver » pourrait être un mélange entre le verbe tibétain rko « creuser » et le chinois
chinois 刻 kè « graver », prononcé [kʰɛ] en sichuanais.
z
ɕu :: su « qui »
Pour et ɕu « qui », il est difficile d’expliquer la correspondance de palato-alvéolaires
en japhug à dentales en tibétain autrement que par cognat. S’il s’agissait d’emprunt, on
attendrait la forme *sɯ. Il est notable que le somang et le zbu ont des formes pour « qui »
ressemblant fortement à des emprunts d’un dialecte de l’Amdo, respectivement sə́ et səʔ.
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z
kɯ-rcat :: brgyad « huit », tɯ-mtɯ :: mdud « nœud »
kɯ-rcat « huit » et tɯ-mtɯ « nœud » sont deux mots à préinitiales sonantes. Selon
les correspondances habituelles, on attendrait en japhug *rɟ- ou *βrɟ- pour le premier et
*md- pour le second : les initiales devraient être voisées. Par ailleurs, la finale de tɯ-mtɯ
elle aussi est irrégulière. Le mot « nœud » est reconstructible en proto-rgyalrong, et bien
qu’on ne puisse lui trouver de cognat dans d’autres langues tibéto-birmanes, doit être un
cognat, sans quoi il est difficile d’expliquer à la fois son initiale et sa finale irrégulière.
Le mot « huit » kɯ-rcat est difficile à reconstruire. Dans certains dialectes, comme en
zbu və-rɟêt, il ressemble tellement au tibétain qu’on pourrait supposer qu’il s’agit d’un
emprunt. En somang, on a la forme wu-rját, dont l’initiale devrait donner rʑ- en japhug (ex :
somang wu-rják :: japhug tɯ-ɣu-rʑaʁ « blé d’hiver »). On doit toutefois noter qu’une des
innovations communes du zbu et du japhug, l’ajout du –t au numéral « neuf », par
analogie avec le numéral « huit » (japhug kɯ-rcat, kɯ-ngɯt :: zbu və-rɟêt, kə-ngít « huit,
neuf ») montre que l’ancêtre commun à ces deux langues a hérité du même numéral
« huit »50. Le fait que « neuf » n’est pas un emprunt du tibétain prouve en tous les cas que
« huit » n’en est pas un non plus.
z
Rime -ɤɣ :: -ug
Les mots ɕɤɣ « genévrier » , tɯ-ndɤɣ « poison » et kɯ-tʂɤɣ « six » ressemblent aux
mots tibétains shug-pa, dug et drug. tɤ-ndɤɣ « poison » doit être un cognat au vu de
l’irrégularité de son initiale, et du fait qu’il existe une forme synonyme tɯɣ « poison »
empruntée. La première syllabe du mot tibétain shug-pa devrait correspondre à une forme
*ɕɯɣ en japhug. Or, la rime -ɤɣ correspond régulièrement à –ok en somang et à –ox en
50
Un autre langue sino-tibétaine dans laquelle on trouve un –t dans le numéral « neuf » est le lepcha
(Mainwaring 1898) : huit kă-kŭ, neuf kă-kyót , dix kă-tí, mais il ne semble pas que ce –t soit du à
l’analogie avec « huit » dans cette langue, puisque le numéral « huit » n’y est pas terminé par –t.
161
zbu : ces trois mots sont donc reconstructibles en proto-rgyalrong (seule la préinitiale xde la forme xɕôx du zbu est inexplicable). La rime *-ɔk du PGR correspondant à –ug en
tibétain est donc une particularité des cognats.
z
kɤ-pa « fermer » :: byed byas « faire »
kɤ-pa « fermer » avait comme sens originel « faire » dans la proto-langue, sens
toujours attesté en somang et dans certains composés du japhug tels que kɤ-pɤ-mbat
« facile à faire ». Le tibétain byed byas bya byos « faire » a comme racine *bya : la
médiane du tibétain n’a pas d’équivalent en rgyalrong. Cette anomalie montre que ce mot
ne peut être un emprunt.
z
kɯ-rʑi :: lci-mo « lourd »
Le mot kɯ-rʑi « lourd » ne peut pas être emprunté au tibétain ljid-po (on attendrait
*kɯ-rʑit) ni au tibétain lci-mo (on attendrait *kɯ-rtɕi). La préinitiale r- n’apparaît pas en
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somang kə-lî mais se retrouve en zbu kə-rɟəʔ.
z
kʰu :: gung « tigre »
On trouve en tibétain ancien un mot apparenté au rgyalrong « tigre », que l’on
retrouve dans le passage suivant (PT1278, 221), où il semble que gung a le même sens
que stag, le mot pour « tigre » en tibétain classique :
stag bkum nï zu tses bkum // gung bkros ni pyag [phyag] du pul [phul] //
Celui qui a tué le tigre, c’est (moi) Zu-tse. (Je lui) ai donné la peau du tigre.
La correspondance d’aspirée en japhug à sonore en tibétain est exceptionnelle, mais
surtout la rime –ung :: -u est anormale : on aurait attendu *koŋ.
Toutefois, Ngag-dbang (1997 : 79-80) cite une glose « gung ni ri-mo med-pa’i stag
ste gcan-gzan gyi rigs shig » : « Le gung est un tigre sans rayure, une espèce de fauve ».
L’identification au tigre à proprement parler est donc sujet à caution.
z
ndzom :: zam « pont »
Le mot ndzom « pont » ne suit pas la même correspondance que kɤ-ndza
« manger », car ce mot doit être reconstruit avec une affriquée prénasalisée en
proto-rgyalronguique. En tous les cas, la correspondance entre tibétain z- :: japhug ndzprouve qu’il s’agit d’un cognat ici aussi, car aucun dialecte tibétain à notre connaissance
ne présente une évolution de z- à ndz-.
z
sos « matin »
Le mot sos « matin » forme en japhug une famille de mot avec fso « demain », dont
on a déjà vu qu’il doit être un cognat (voir p.156). Le sens originel de la racine de ce mot
doit être « matin », qui a développé ensuite indépendamment le sens de « demain » en
japhug, en tibétain et en tangoute (cf. l’allemand Morgen ou l’espagnol mañana). Le
japhug a ici conservé le sens originel perdu en tibétain, il ne peut s’agir d’un emprunt.
z
kɤ-mbi :: sbyin-pa « donner »
Le verbe kɤ-mbi « donner » diffère du tibétain sbyin-pa, byin à la fois par l’initiale et
162
par la rime. On attendrait une forme telle que *pjin. On a vu en 3.2.1.1 que le –in du
tibétain correspond à –i dans le cas de certains cognats, mais le –n du tibétain n’est pas
attesté dans les autres langues sino-tibétaines et il n’y a pas lieu de supposer qu’il était
présent en rgyalrong.
z
qro :: grog-ma « fourmi »
Le mot qro « fourmi » est irrégulier au sein du japhug et du rgyalrong. La forme
attestées dans les autres langues a une initiale aspirée et une finale : somang khorók, zbu
qʰrôχ. S’il s’agissait d’un emprunt, on attendrait *kroʁma. Ici la présence de l’uvulaire
montre qu’il s’agit d’un cognat. Elle serait inexplicable s’il s’agissait d’un emprunt, à la
différence de qʰlɯ « naga » où l’absence de groupe *kl- en japhug explique la substitution
de la vélaire par une occlusive : le groupe kr- est tout à fait bien formé en japhug.
z
ɯ-di :: dri « odeur »
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Le mot ɯ-di « odeur » a une correspondance exceptionnelle japhug d- :: somang r-.
S’il s’agissait d’un emprunt, ce serait le seul cas où une médiane -r- du tibétain ne laisse
aucune trace en japhug (on attendrait *tʂi dans un emprunt). Il semble donc qu’il s’agit
bien là d’un cognat. Nous montrerons dans la section 4.3.3 que ce mot doit se
reconstruire *tlij en PGR.
z
tɯ-ʑo :: rang « soi-même »
Ce mot présente la correspondance anormale ʑ- :: r- (le ʑ- venant de *j) qui ne se
trouve que dans ɣʑo « abeille » :: sbrang « mouche » qui doit être un cognat (voir p.157).
C’est là une preuve qu’il s’agit d’un cognat lui aussi.
z
racine mɯr
A cette liste, on peut peut-être rajouter le verbe ‘phur « voler » du tibétain et la syllabe
/mɯr/ que l’on retrouve dans un certain nombre de noms d’animaux volants : qa-mɯr-wa
« chauve-souris », mɯr-mɯ-mbju « hirondelle », ʁmɯr-cɯ « grive : Garrulax maximus »,
ʁmɯr-ɲɯɣ « Pomatorhinus erythrocnemis », ʁmɯr-qaʁ « Garrulax ocellatus ».51
3.2.1.4
Autres cas
Dans cette section, nous allons fournir une liste des verbes et des noms
monosyllabiques empruntés au tibétain. Pour certains d’entre eux, il est possible de
prouver de façon certaine qu’ils sont bien des emprunts. Toutefois, il existe aussi des
mots qui sont en tout point semblables phonologiquement à des mots tibétains, mais dont
l’appartenance au vocabulaire de base et leur reconstructibilité en proto-rgyalrong incite à
penser qu’il s’agit de cognats. Dans le 3.1.3.2, nous avons déjà montré que certains
verbes pourraient être aussi bien des cognats que des emprunts :
51
Le nom latin de ces oiseaux a été déterminé à l’aide de MacKinnon (Majingneng) et al. 2000.
163
japhug
signification
tibétain
significa-
autres dialectes
tion
rgyalrong
kɤ-rlaʁ
disparaître
brlag-pa
id.
kɤ-mɯ-rkɯ
voler
rku-ba
id.
zbu. kɐ-mə-rkəʔ /
kɤ-rŋu
frire (le blé)
rngo-ba
id.
zbu. kɐ-rŋoʔ / rŋû /
kɤ-rtsi
compter
rtsi-ba
id.
kɤ-sci
naître, vivre
skye-ba
naître
kɤ-rtsɯɣ
empiler
rtsig-pa
id.
kɤ-pɕɯs
essuyer
phyis-pa
id.
nɐ-mə-rkʰiʔ
autres cognats
寇 *akho-s
rŋə̂m
zbu. kɐ-rtsə́s
ka-pɕís
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Tableau 115 : Verbes monosyllabiques japhug qui pourraient être des cognats.
Toutefois, parmi les verbes du Tableau 115, seuls kɤ-mɯ-rkɯ et kɤ-rtsɯɣ « empiler »
ont une probabilité importante d’être des cognats. Les autres verbes, en effet, ne se
retrouvent pas dans les autres langues sino-tibétaines et certains ont un sens qu’on
n’attendrait pas d’un cognat entre des langues aussi éloignées et dont la séparation
remonte au néolithique (« compter », « frire ») mais nous les incluons ici car nous n’avons
pas de critère sûr pour prouver qu’il ne s’agit pas d’emprunts.
En dehors des exemples du Tableau 115, il convient de rajouter des verbes qui n’ont
qu’une seule forme en tibétain, et que nous n’avions pas discutés dans la section 3.1.3.2.
Les verbes monosyllabiques non déjà traités en 3.1.3.2 dont nous pouvons prouver qu’il
s’agit d’emprunts sont indiqués dans le Tableau 116. La preuve sur laquelle nous nous
basons pour prouver qu’il s’agit d’emprunts est indiqué dans la colonne « preuve ».
japhug
signification
tibétain
signification
preuve
kɤ-mcʰin
percevoir la vraie
mkhyen-pa
savoir
bouddhique
nature
kɯ-mkʰɤs
expert
mkhas-pa
id.
bouddhique
kɤ-ɣɯ-lɤn
répondre
len
réponse
finale –n
kɯ-rkɯn
peu
dkon-po
rare
finale –n
kɤ-rga
content
dga’-ba
id.
groupe rg- :: dg-
kɤ-tar
se développer
dar-ba
s’étendre
sémantique abstraite
innovante
kɤ-tɕʰɤt
s’effondrer
de
(thang) chad
être fatigué
sémantique
innovante :
chad signifie « couper »
fatigue
kɤ-βzi
saoul
bzi
id.
groupe βz- :: bz-
kɤ-mtʰɯt
allonger un habit
mthud-pa
relier
sens spécifique innové
164
kɤ-pʰot
oser
phod-pa
id.
rime –ot :: -od
kɤ-zdɯɣ
pénible
sdug-pa
id.
dérivé par le préfixe s- du
nom dug « poison » .
Innovation sémantique
empoisonner > ennuyer
kɤ-sŋaʁ
utiliser
la
sngags
sorcellerie
bouddhique
thar-ba
sauver
bouddhique (mot employé
sorcellerie
kɤ-tʰɤr
se sauver
en japhug uniquement
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dans les histoires)
kɯ-βdi
beau
bde-mo
bien
groupe βd- :: bd-
kɤ-fɕɤl
avoir la diarrhée
bshal
id.
finale –l
kɯ-rgɤs
vieux
rgas-po
id.
groupe rg- :: rg-
kɯ-rɲaŋ
ancien
rnying-po
id.
finale –ŋ
kɯ-ʂa
capable, fort
sra
dur
tibétain de l’Amdo
kɤ-stɤt
faire des
bstod-pa
id.
sémantique innovante
louanges
kɯ-mdzɤs
beau
(élever > louer)
mdzes-po
id.
sémantique
innovante
(mot apparenté à mdza’
« cher »).
kɯ-mɤ-mbɯr
saillant
‘bur
id.
syllabe
(changement
/mbɯr/
*mbɯr
>
mbrɯ en japhug)
Tableau 116 : Autres verbes monosyllabiques (emprunts).
Les verbes pour lesquels il n’existe aucune preuve phonologique, morphologique ou
sémantique qu’il soient cognats ou emprunts sont indiqués dans le Tableau 117 :
japhug
signification
tibétain
signification
rgyalrong
autres
type
cognats
kɤ-nɤ-mnɤm
sentir
mnam
id.
Bir. nâm
1
kɤ-tʂɯβ
coudre
‘drub
id.
ka-tʂóp
Bir. khyup
1
kɤ-nɤs
oser
nus
id.
kɐ-nôs
Pumi nua55
1
kɯ-sɤr
nouveau, frais
gsar-pa
id.
kə-tsʰár
鮮 *bser
1
kɯ-mɤ-mbɯr
saillant
‘bur
id.
2
kɤ-nɤ-ndɤr
vibrer
‘dar
id.
2
kɤ-ɲɟɤt
regretter
‘gyod
id.
2
kɯ-ndʑɤm
tiède, chaud
‘jam-po
id.
2
kɯ-scit
joyeux
skyid-po
id.
2
Tableau 117 : Autres verbes monosyllabiques du japhug susceptible d’être des cognats.
Parmi les verbes du Tableau 115, seuls les quatre exemples kɯ-sɤr, kɤ-nɤ-mnɤm,
165
kɤ-tʂɯβ et kɤ-nɤs ont une chance importante d’être des cognats du tibétains. Les autres
exemples sont presque certainement des emprunts.
Enfin, on trouve des noms pour lesquels subsiste la même ambiguïté. Dans le
Tableau 118, nous indiquons les noms monosyllabiques dont on peut prouver qu’ils sont
des emprunts :
japhug
signification
tibétain
signification
preuve
βdɯt
démon
bdud
id.
bouddhique
ʁdɯɣ
parapluie de
gdug
id.
bouddhique
bouddhique
sprul-sku
ʁdɯn
malheur
gdon
démon
tɯ-las
chance
las
action,
karma,
bouddhique
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chance
ɬa
dieu
lha
id.
bouddhique
ŋgɯr
discours chanté
mgur
chant mystique
bouddhique
mtʰɯ
mantra
mthu
id.
bouddhique
qʰlɯ
naga
klu
id.
bouddhique
skɯ
statue de
sku
corps
bouddhique
yum
mère
bouddhique
bouddha
jɯm
épouse
de
sprul-sku
ɯ-rɯs
clairvoyance
rigs
savoir
bouddhique
tɕʰos
religion
chos
id.
bouddhique + rime –os
ʁzɤn
kyasha
gzan
id.
bouddhique + finale –n
tɯ-smɤt
bas du corps
smad
bas
circumfixe s- -d propre au
tibétain
(racine
présente
dans
*ma
dma’-bo
« bas »)
tɯ-stɤt
haut du corps
stod
haut
circumfixe s- -d propre au
tibétain
présente
(racine
dans
*to
mtho-po
« haut »)
ʑu
yaourt
zho
id.
cognat tɤ-lu
tɯɣ
poison
dug
id.
cognat tɤ-ndɤɣ
tɕʰi
quoi
chi
id.
cognat tsʰi / tʰi
rŋɯl
argent
rngul
id.
finale –l
rdɯl
poussière
rdul
id.
finale –l ; groupe rd- :: rd-
χtɯn
mortier
gtun
id.
finale -n
smɤn
médicament
sman
id.
finale –n
166
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tɯ-tun
but
don
sens
finale –n
ɣzɤn
appât
gzan
id.
finale –n
ta-ʁdɤn
coussin
gdan
id.
finale –n
tʰaŋ
plaine
thang
id.
finale –ŋ
tsʰoŋ
commerce
tshong
id.
finale –ŋ
mbroŋ
yak sauvage
‘brong
id.
finale –ŋ
zaŋ
cuivre
zangs
id.
finale –ŋ
po
boisseau
‘bo
id.
finale –o :: -o
tɯ-tsʰot
heure
tshod
id.
finale –ot
pɕoʁ
côté
phyogs
id.
groupe pɕ- :: phy- < *pl-
tɯ-rɟɯ
fortune
rgyu
id.
groupe rɟ- :: rgy-
srɯn
coton
srin
id.
groupe sr- :: sr-
zgroʁ
bracelet
sgrog
id.
groupe zgr- :: sgr-
zɟi
sac en poil
sgye
id.
groupe zɟ-
fka
ordre
bka’
parole
honorifique
zɯm
seau
zom
id.
initiale z-
ɯ-rɯɣ
ethnie
rigs
espèce
innovation sémantique
tɯ-rzɤs
bagages
rdzas
chose
innovation sémantique
ʁzɯɣ
apparence
gzugs
corps
innovation sémantique
tɯs
époque
dus
temps
innovation sémantique
kʰri
lit, trône
khri
siège
innovation sémantique
kɯ-mdza
membre de la
mdza’-ba
cher, aimé,
innovation sémantique (le
proche
mot tibétain est cognat
famille
des mots chinois 慈 *bdzɨ
> dzi et 字 *bdzɨ-s > dziH
tɯ-mda
fusil
mda
flèche
md- :: md- < *ml-
mdoʁ
couleur
mdog
id.
préfixe m- (famille de mot
en tibétain avec kha-dog
« couleur ») et présence
d’une voisée.
spos
encens
spos
id.
rime –os :: -os
rtsot
vengeance
rtsod
id.
rime –ot :: -od
ɣot
lumière
‘od
id.
rime –ot :: -od
sɲɤt
harnais
rmed
id.
tibétain de l’Amdo
rwa
tente de nomade
sbra
id.
tibétain de l’Amdo
tɯ-xɕɤt
force
shed
id.
tibétain de l’Amdo
χɕɤl
verre
shel
id.
tibétain de l’Amdo
tsʰwi
teinture
tshos
id.
tibétain de l’Amdo
167
χpi
histoire
dpe
exemple
tibétain de l’Amdo dp- >
χp-
tɯ-sɯm
état d’esprit
sems bsams
penser
Umlaut de la voyelle en
tibétain (racine *sam)
scoʁ
louche
skyog
id.
vocabulaire culturel
χsɤβ
étalon
gseb
id.
vocabulaire culturel
χsɤr
or
gser
id.
vocabulaire culturel
raʁ
laiton
rag
id.
vocabulaire culturel
tɤ-cʰɯ
coin (pour
khe’u
id.
vocabulaire culturel
phrug
id.
vocabulaire culturel
gros
id.
gros
caler)
mpʰrɯɣ
habit en
laine
tɯ-krɤs
discussion
<
*wras
en
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proto-tibétain
ɯ-ftaʁ
signe
rtags
id.
innovation sémantique (le
tibétain
est
un
nom
déverbal en –s dérivé du
verbe
rtog
« comprendre
stot
haut
stod
haut
rime –ot :: -od
tɯ-pʰu
haut de la
phu
id.
rime –u :: -u
mchod
offrande
rime –ot :: -od
brtags
»)52
vallée
mtɕʰot
libation
Tableau 118 : Noms monosyllabiques (emprunts).
Dans le Tableau 119, nous indiquons les mots pour lesquels nous ne disposons pas
de preuves qu’il soient des cognats ou des emprunts. Dans la colonne « type » de ce
tableau, nous indiquons la probabilité qu’un mot soit cognat ou emprunt par des chiffres :
1 indique qu’il s’agit très probablement de cognats, 2 qu’il s’agit plus probablement
d’emprunts et 3 pour les mots du vocabulaire culturel qui sont presque certainement
empruntés. Pour le numéral « trois », on peut exclure la possibilité qu’il s’agisse d’un
emprunt. En effet, étant donné que le numéral « neuf » kɯ-ngɯt est un cognat, il n’est
pas envisageable qu’un numéral de rang inférieur soit un emprunt.
52
La forme japhug est probablement dérivée d’un *brtags au lieu de la forme attestée en tibétain
classique rtags.
168
japhug
signification
tibétain
signifi-
autres
autres
cation
dialectes
cognats
type
rgyalrong
tɯ-nɯ
sein
nu-ma
id.
tə-nú
>
1
*bnɨʔ >
1
*aŋa >
1
*asɨm >
1
乳 *bnoʔ
nyuX
tɯ-rna
oreille
rna
id.
tə-rnâ
耳
nyiX
a-ʑo
je
nga
id.
ŋá
吾
ngu
χsɯm
trois
gsum
id.
kə-sám
三
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sam
tɤ-tʰo
pin
thang shing
id.
tholó
tɤ-mbrɯm
rougeole
‘brum-pa
id.
ta-brâm
1
ɯ-pɯ
enfant
bu
id.
ta-pú
1
ɕa
viande crue
sha
viande,
Bir. thâŋ
1
2
chair
praʁ
falaise
brag
id.
2
kɯ-ɣɤrɤβ
pentu
rab
id.
2
ɯ-ɲɤm
chair, gras
nyam
id.
2
tɤ-ɕɤt
peigne
shad
id.
snɯm
huile
snum
id.
tʰɯɣ
taureau ou
thug
id.
ta-ɕót
3
3
特
*tʰɨk
>
3
thok
bouc non
castré
tɯ-pɤr
dessin
dpar
id.
kʰo
chambre
khang
maison
riz
‘bras
mbrɤs
id.
3
3
糲
*bmə-ret-s
3
> ljejH
ras
tissu
ras
id.
3
Tableau 119 : Noms monosyllabiques susceptibles d’être cognats.
3.2.1.5
Cognats du japhug et du tibétain
A partir de l’ensemble des critères exposés dans cette sous-section, il nous est
possible de proposer une liste des cognats entre le japhug et le tibétain. Nous établissons
trois listes différentes : une liste de cognats dont nous sommes sûr, une liste de mots qui
pourraient être des emprunts, et enfin une liste de mots dont la ressemblance avec le
169
tibétain pourrait être due au hasard.
japhug
signification
tibétain
rgyalrong
autres cognats
type
kʰu
tigre
gung
kʰûŋ
qiang χu,
animal
pumi
kɯ-rtsɤɣ
panthère
gzig
kə-ɕtɕík
ɣo13
Tang. zewr 2.78
animal
#5480, 5768
mdza-di
puce
lji-ba
ndza-jé
Bir. khwê hlê
animal
ndʑi-rɯ
lente
sro-ma
mdʑi-rúʔ XFF
Tang. śjụ 1.59
animal
#3176
Bir. wak
animal
kha-ɕpâ
Bir. phâ
animal
glag
zbu. ʁɐ liɐ̂χ
弋 *blɨk > yik
animal
chacal
‘phar-ba
zbu. ʁɐ-pér
Naxi phɑ21
animal
qa-ʑo
mouton
g.yang-dkar
kə-jó
羊*blaŋ
tɤ-lu
lait
zho « yaourt »
tə-ló
Tang.
paʁ
cochon
phag
pák
qa-ɕpa
grenouille
sbal
qa-ljaʁ
Aquila
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
chysaetos
qa-par
> yang
lhju
animal
1.3
animal
#3065
qro
fourmi
grog-ma
khorók
Bir. prwak
animal
ɣʑo
abeille
sbrang
wu-jɐ̂
蠅 *bmə-lɨŋ >
animal
ying
« mouche »
ɕu
qui
su
sə̂
Bir. bhɛ-su –lɛ̂
fso
demain
sang nyin
só-sɲi
Tang.
sjij
autre
1.36
autre
#5500 « l’année
prochaine »
ftɕar
été
dbyar
pə-tsár
ndzom
pont
zam
ta-dzám
sos
matin
sang nyin
autre
Bir. taṃ tâ
Tang.
autre
sjij
1.36
autre
#5500 « l’année
prochaine »
ta-qaβ
aiguille
khab
ta-káp
Bir. ap
autre
ta-ʁjɯβ
ombre
grib-ma
ta-wjə́s
Bir. a-rip
autre
tɤ-ndɤɣ
poison
dug
tə-dók
毒
tɤ-rmi
nom
ming
wu-rmê
名*bmeŋ > mjieng
autre
tɤ-tɕɤs
trace
rjes
tɐ-tɕôs
pumi tɕo13
autre
neveu
tsha-bo
ta-tsá
tɯ-ftsa
子
*aluk
> dowk
*btsɨʔ
« garçon »
« fils »
autre
> tsiX
tɯ-ji
champs
zhing-ka
zbu. tə-ji
田 *aling > den
tɯ-jmŋo
rêve
rmang-lam
ta-rmô
夢
*bmuŋs
autre
autre
>
autre
mjuwngH
170
tɯ-ɟom
longueur
deux
de
‘dom-pa
zbu. ki lɟɐ́m
Bir. laṃ
‘breng
tə-bré
繩
autre
bras
écartés
tɯ-mbri
corde
*bmleŋ
>
autre
zying
tɯ-mtɯ
tɯ-rʑaʁ
nœud
mdud-pa
ta-mtú
temps
zhag « 24 h. »
ʑák
autre
> yaeH
夜*blak-s
autre
« nuit »
tɯ-tsi
vie
tshe
Tang.
dze
1.8
autre
#2664
ʑmbrɯ
bâteau
gru
ʑgrú
autre
ɯ-di
odeur
dri
wu-rí
autre
tsʰi tsuku
quoi que ce
chi « quoi »
tʰê
Limbu theʔ
autre
rang
tɯ-jó
Tang. .jij 1.36
autre
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
soit
tɯ-ʑo
soi-même
#1245
qa-me
grain de
sme-ba
Bir. hmáy
corps
beauté
tɯ-ɕkrɯt
bile
mkhris
tə-mdʑi-krí
Bir. sâɲɲ-kre
corps
tɯ-ɕna
nez
sna
tə-ɕná
Bir. hna-khôŋ
corps
tɯ-ɕnaβ
morve
snabs
tə-ɕnám
Bir. hnap
corps
tɯ-ɕtɯ
sexe féminin
stu
tə-ɕtú
Muya tə24
corps
tɯ-ɣmas
blessure
rma
tə-nmâs
Tang. mjaa 1.23
corps
#5702
tɯ-jaʁ
main
lag
tə-ják
胳 *bk-lak > kak
corps
tɯ-ku
tête
mgo
tə-kó
Pumi qho55
corps
tɯ-mke
cou
ske
tə-mkî
tɯ-mtshi
foie
mchin-pa
tə-pʰɕé
Bir. a sâɲɲ
corps
tɯ-pjaʁ-pa
aisselles
bzhag ‘og
ta-pja-kê
forme une famille
corps
corps
de mots avec
tɯ-jaʁ
tɯ-pu
intestin
pho-ba
tə-pô
Qiang pu
corps
Bir. lip-pja
corps
« estomac »
tɯ-rla
âme
bla
tɯ-rŋa
visage
ngo
tɯ-ro
poitrine
brang
tə-ró
tɯ-rpaʁ
épaule
phrag
ta-rpák
膊
tɯ-skʰrɯ
corps
sku
ta-skhrú
Bir. kuiy
corps
tɯ-sni
coeur
snying
tə-ɕné
身*bhniŋ > syin
corps
corps
Bir. raŋ
*apak
corps
> pak
corps
171
tɯ-χpɣi
cuisse
byin-pa
zbu.
corps
« mollet »
tə χpjiʔ
lèpre
mdze nad
ta-zá
corps
tɯ-ɕɣa
dent
so
tə-swâ
Bir swâ
corps
ɣurʑa
cent
brgya
pə-rjâ
百 *aprak > paek
numéral
kɯ-mŋu
cinq
lnga
kə-mŋô
五
> nguX
numéral
kɯ-ngɯt
neuf
dgu
kə-ŋgû
九 *bkuʔ > kjuwX
numéral
kɯ-rcat
huit
brgyad
wu-rját
八 *bpret > peat
numéral
six
drug
kə-tʂók
kɤ-kɯ-nɤ
-ndza
kɯ-tʂɤɣ
*aŋaʔ
*bCə-ruk
六
>
numéral
ljuwk
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Bir. lê
quatre
bzhi
kə-wdî
ʁnɯs
deux
gnyis
kə-nés
二
> nyijH
numéral
χsɯm
trois
gsum
kə-sám
三 *asɨm > sam
numéral
ɕɤɣ
genévrier
shug-pa
zbu. xɕôx
Tang. źjiw 1.46
plante
kɯ-βde
*bnis
numéral
#4118
si
bois
shing
ɕé
薪 *bsiŋ > sin
kɤ-ɣɤ-la
humide
bzha’
zbu. kə-ltəʔ
Tang.
plante
lhji 2.10
verbe
*bmə-luk >
verbe
#1036
kɤ-lɤɣ
faire paître
‘brog-pa
ka-lók
ljuwk
« nomade »
kɤ-mbi
donner
sbyin-pa, byin
陸
ka-wə̂
畀 *bpi-s > pjijH
verbe
sto55
verbe
kɤ-mto
voir
mthong-ba
ka-mtó
Pumi
kɤ-ndza
manger
za
ka-zá
Bir. câ
kɤ-ntɕʰa
tuer un
bsha’
ka-ntɕhâ
Tang.
animal
verbe
śjii
1.14
verbe
#716
kɤ-ŋga
porter un habit
bgo-pa, bgos
ka-wát
Birman wat
verbe
kɤ-pa
fermer
byed byas
ka-pá
Tang. .wji 1.10
verbe
« faire »
kɤ-rɲo
« faire »
#5113
ka-rɲô
faire
myong
l’expérience de
myangs
kɤ-si
mourir
‘chi shi
kə-ɕî
Bir. se
verbe
kɤ-sɯs
savoir
shes
ka-ɕî
Bir. si
verbe
kɤ-sɯsu
vivre
‘tsho-ba,
ka-səsô
verbe
verbe
‘tshos
kɤ-taʁ
tisser
‘thag-pa, btags
kɤ-tɯɣ
toucher,
thug-pa
rencontrer
ka-ták
織 *btɨk > tsyik
verbe
Bir. tuik
verbe
« toucher »
172
sbom-po
kə-jpâm
beau
mchor-po
kə-mpɕôr
dur
dka’-pa
zbu.
kɯ-jpum
épais
kɯ-mpɕɤr
kɯ-ɴqa
Tang. wọ 1.70
verbe
Pumi ʃu55
verbe
#1805
kə-ɴɢʌʔ,
verbe
ɴɢɐ̂
kɯ-rko,
dur, vigoureux
kɯ-rkaŋ
Achang kʐak55
verbe
mkhrang-po
kə-rkô,
kə-rkâŋ
kə-lî
Bir. lê
verbe
khrang-thang
kɯ-rʑi
lourd
ljid-po, lci-mo
kɯ-smi
cuit
smin-pa « cuit, zbu. kə-smî, Bir. hmáɲɲ
kɤ-pɣo
filer
mûr »
nə-sməʔ
‘phang
ka-pó
纺 *pʰaŋʔ >
verbe
verbe
phjangX
« appareil à
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
filer »
kɤ-zdɤβ
plier
lteb-ba bltabs
kɤ-fkur
porter un
‘khur khur
fardeau
ki fkôr « un
疊褶 *alip > dep
verbe
Proto-kiranti *kur
verbe
fardeau »
Tableau 120 : Liste des cognats certains entre le japhug et le tibétain.
On trouve donc seulement 90 cognats certains entre le japhug et le tibétain. Parmi
ceux-ci, on compte 13 noms liés au monde animal et à l’élevage (nom d’animaux, lait,
faire paître), 21 noms liés au corps, et quatre termes liés aux vêtements (tisser, filer, habit,
aiguille). On trouve en revanche un seul terme lié à la culture de céréales (tɯ-ji :: zhing-ka
« champs »).
japhug
signification
tibétain
autres
dialectes
autres cognats
rgyalrong
tɯ-nɯ
sein
nu-ma
tə-nú
乳 *bnoʔ > nyuX
tɯ-rna
oreille
rna
tə-rnâ
耳 *bnɨʔ > nyiX
tɯ-rni
gencive
rnyil
a-ʑo
je
nga
ŋá
tɤ-tho
pin
thang shing
tho ló
tɤ-mbrɯm
rougeole
‘brum-pa
ta-brâm
bu
enfant
ɯ-pɯ
ta-pú
kɤ-mɯ-rkɯ
voler
rku
zbu. kɐ-mə-rkəʔ
kɤ-rtsɯɣ
empiler
rtsig-pa
kɤ-nɤ-mnɤm
sentir
mnam
kɤ-tʂɯβ
coudre
‘drub
ka-tʂóp
Bir. khyup
kɤ-nɤs
oser
nus
kɐ-nôs
Pumi nua55
Nosu ni 34 l33
吾 *aŋa > ngu
寇 *akho-s > khuwH
/ nɐ-mə-rkʰiʔ
Bir. nâm
173
kɯ-sɤr
nouveau, frais
鮮 *bser > sjen
kə-tsʰár
gsar-pa
Tableau 121 : Cognats ou emprunts.
Comme on le voit dans le Tableau 121, on trouve également 13 cognats probables,
pour lequel nous manquons de preuves phonologiques ou morphologiques nous
permettant de prouver qu’il s’agit bien de cognats et non d’emprunts. Dans la section
3.2.1.4, nous avions cité d’autres exemples ambigus, mais nous n’avons conservé dans
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
le Tableau 121 que les exemples ayant une probabilité importante d’être des cognats.
japhug
signification
tibétain
autres dialectes rgyalrong
kɤ-rkʰe
graver
rko brkos
kɯ-so
vide
stong-pa
kə-só
ɕku
oignon
sgog-pa « ail »
ɕkó
kɤ-ʑaʁ
couler
‘dzag-pa zag
kə-dʑák
ɯ-pɤl
partie de la louche qui
sbar-mo « paume »
sert à contenir le liquide
kɤ-joʁ
lever
‘gyog-pa bkyags
ka-jók
Tableau 122 : Cognats ou coïncidences.
Les six mots du Tableau 122 ressemblent aux formes tibétaines, mais il est
impossible pour l’instant de déterminer s’il s’agit bien de cognats ou simplement de
coïncidences.
Nous ne présenterons pas ici de résumé des correspondances phonétiques des
cognats entre japhug et tibétain. Il nous semble plus judicieux de procéder d’abord à une
reconstruction complète du proto-rgyalronguique avant d’établir ces correspondances, qui
sont rendues plus complexes du fait des changements internes au japhug. Les cognats
mis en évidence pour le moment sont trop peu nombreux pour permettre une étude plus
approfondie.
Pour la suite du travail, nous considèrerons que tous les mots hormis ceux des
Tableau 120, Tableau 121, et Tableau 122 sont des emprunts, même si pour certains
nous ne disposons pas de preuve phonologique (voir la section 3.2.1.4). Nous ne
prendrons plus en compte ces cognats pour l’analyse des correspondances.
3.2.2
Couches des dialectes tibétains de l’Amdo
Nous savons que le rgyalrong est en contact avec les dialectes Amdo. Comme ces
dialectes présentent une série d’évolutions phonétiques qui ne trouvent pas d’équivalent
en japhug, il est possible de se servir de ces innovations pour classifier certains mots
174
comme des emprunts aux dialectes de l’Amdo. En utilisant par ailleurs le principe de
cohérence, nous pourrons présenter un ensemble de règles de correspondance pour les
couches d’emprunts relevant des dialectes de l’Amdo.
Pour la description des dialectes de l’Amdo, nous nous basons sur Gesang et al.
(2002) ainsi que sur le dictionnaire de Hua et al. (1993) qui décrivent les parlers de
rTse-khog 擇庫 et de bLa-brang 夏河. On peut consulter aussi des travaux tels que Hua
(1983) sur les évolutions phonologiques des dialectes de l’Amdo.
Les dialectes de l’Amdo, surtout les dialectes nomades (‘brog-pa) sont sous
beaucoup d’aspects plus conservateurs que les dialectes du Tibet central. Ils ont
notamment conservé les consonnes préinitiales, ainsi que certaines consonnes finales.
Toutefois, ils ont également un certain nombre d’innovations par rapport au tibétain
classique.
Certains
changements
phonétiques
similaires
se
sont
produits
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
indépendamment entre le proto-rgyalrong et le japhug d’une part, et entre le vieux tibétain
et les dialectes de l’Amdo d’autre part. Ainsi, le –u du tibétain classique passe à la voyelle
centrale -ə dans tous les dialectes de l’Amdo, mais cela ne nous est d’aucune utilité pour
classer les emprunts car comme nous l’avons vu, à l’exception de deux mots, tous les –u
du tibétain en syllabe ouverte correspondent à -ɯ en japhug. Nous verrons d’ailleurs dans
la section 4.2.2.2 p.232 que le proto-rgyalrong *-u devient -ɯ en japhug.
Voici donc une liste de changements propres à la plupart des dialectes de l’Amdo
mais qui n’ont pas eu lieu en japhug :
Finales :
1. Le –i du tibétain devient -ə dans tous les dialectes Amdo. En syllabe fermée, ce
changement se produit aussi, mais la rime –ing a un développement particulier :
elle devient –aŋ.
2. La consonne finale –l disparaît généralement ou devient –t dans le dialecte de
bLa-brang.
3. La consonne finale –s disparaît et la voyelle devient –i ou on obtient une
diphthongue fermante en -i.
4. La consonne finale –d devient –l dans certains dialectes, et disparaît dans
d’autres.
Groupes initiaux :
1.
Les préinitiales d-, g-, s-, l- et -r deviennent h- ou r- selon les dialectes.
2.
La fricative sh- devient x- lorsqu’elle n’est pas précédée de préinitiale dans
certains dialectes.
3.
Le groupe sr- devient ʂ-.
4.
Les groupes [vélaires + y] (ky-, khy-, gy-), les palato-alvéolaires du tibétain
classique (c-, ch-, j-) et les groupes [vélaires + r] (kr-, khr-, gr-) se confondent en
palato-alvéolaires dans la plupart des dialectes de l’Amdo.
175
5.
L’occlusive ph- devient h-.
6.
L’occlusive b- devient w- (ce changement n’est toutefois pas une particularité
limitée aux dialectes de l’Amdo, et son intérêt est plus mineur).
Ces innovations sont en nombre limité et dans de nombreux cas, distinguer un
emprunt aux dialectes de l’Amdo et un emprunt au tibétain ancien n’est pas facile. Nous
allons établir une liste de mots présentant les innovations typiques présentées ci-dessus.
Ensuite, nous nous servirons du principe de cohérence pour élargir notre connaissance
des correspondances propres à cette couche.
correspondance
tibétain
signification
japhug
signification
nas-’bru-ma
à grain d’orge
nɤj-mbrɯ-ma
un type de bol
caractéristique
des dialectes de
l’Amdo
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
-as :: -ɤj
décoré avec des
motifs en forme de
grains d’orge
-od :: -o
bkod-ba
méthode
ɯ-kowa
id.
-is :: -i
pha-ris
de l’autre côté
pʰa-ri
id.
-os :: -wi
tshos
teinture
tsʰwi
id.
-ad :: -ɤl
chad-pa
punition
kɤ-nɯ-tɕʰɤl
punir
‘bad-pa
effort
mbɤl-wa
salaire de lama
-ing :: -oŋ
shing-cha
matériau de bois
ɕoŋ-tɕa
id.
-ing :: -aŋ
rnying-po
ancien
kɯ-rɲaŋ
id.
zgɤr-ɕaŋ
perche qui sert à
*sgar-shing
dresser la tente
shing-tog
fruit
ɕaŋ-toʁ
arbre fruitier
‘dzam-gling
monde
ndza-ʁlaŋ
id.
rtsi-shing
plante
rtsɯ-ɕaŋ
id.
sa-zhing
champs
sɤ-ʑaŋ
id.
chu-zhing
champs irrigué
tɕʰɯ-ʑaŋ
id.
khur-shing
armature en bois
kʰɯr-ɕaŋ
id.
pour
porter
des
charges sur le dos
shing-bzo-ba
menuisier
kɯ-rɯ-ɕaŋ-βzu
id.
-i :: -ɯ
spyang-ki
loup
spjaŋ-kɯ
id.
sky- :: tɕ-
*skya-sga
tɕa-zga
gingembre
sky- :: rc-
*skyag-gtong
rca-χtoŋ
une insulte
sbr- :: rw-
sbra
rwa
id.
tente
176
sbr- :: χw-
sbra
tente
χwara
id.
sh- :: xɕ-
shed
force
tɯ-xɕɤt
id.
sh- :: χɕ-
shel
verre
χɕɤl
id.
shel-sgo
miroir
χɕɤl-zgoŋ
id.
shel-mig
lunettes
χɕɤl-mɯɣ
id.
rd- :: ʁd-
rdo-rje
vajra
ʁdɤ-rʑi
id.
rt- :: χt-
rten-’brel
célébration,
χtɤ-mbrɤl
célébration
sɲɤt
id.
présage
rme- :: sɲɤ-
rmed
harnais
Tableau 123 : Emprunts présentant des innovations phonétiques typiques des dialectes de
l’Amdo.
A cette liste on doit ajouter waji « petit de yak », un mot certainement d’origine
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
tibétaine (la première syllabe étant ba « vache ») mais pour lequel nous n’avons pas pu
retrouver la forme originelle en tibétain classique, et l’expression rtsɯ-ɕaŋ-laŋ-mtɕɤt
« toutes
les
plantes »
corruption
de
rtsi-shing
tham-cad
(on
attendrait
*rtsɯ-ɕaŋ-tham-tɕɤt).
Le Tableau 123 permet de voir que plusieurs couches de mots venant de dialectes
de l’Amdo cohabitent en japhug :
10. L’initiale sh- correspond aussi bien à ɕ-, qu’à xɕ- ou à χɕ-.
11. La préinitiale r- correspond à r- ou à χ- / ʁ12. Le groupe sky- correspond aussi bien à tɕ- qu’à rc13. La rime –ing correspond à –oŋ et –aŋ
14. Le –l final est conservé dans certains mots et perdu dans d’autres.
15. Le –d final disparaît dans certains cas, tandis qu’il devient –l dans d’autres.
En ce qui concerne les occlusives, les emprunts aux dialectes Amdo suivent les règles
formulées dans le Tableau 73.
Les traitements χɕ- et xɕ- en japhug de l’initiale sh- du tibétain sont intéressants.
Dans certains dialectes tibétains de l’Amdo où le changement sh- à x- est attesté, on
trouve x- devant les voyelles postérieures, et ɕ- devant les voyelles antérieures. Le japhug
fait état d’un stade intermédiaire après le changement sh- à x-, mais avant le changement
x- à ɕ- devant –e. Il montre que ce changement s’est effectué en passant par une forme
intermédiaire *xɕ- en Amdo.
Il est nécessaire de noter que la rime –ing ne correspond jamais à –iŋ en japhug, sauf
peut-être dans le cas de la forme ʑimkʰɤm « monde » correspondant au tibétain
zhing-khams (voir la section 3.1.3.1 sur les correspondances dans les dissyllabes). Ceci
suggère qu’une grande partie des emprunts tibétains en japhug viennent en fait d’un
proto-Amdo qui aurait déjà subi le changement –ing → -aŋ mais pas les autres
changements.
177
En dehors des dialectes de l’Amdo, les langues rgyalronguiques sont situées près de
dialectes hétérodoxes du tibétains qui ne sont pas classifiables comme Amdo, tels que
Zho-ngu (Sun 2003b) ou, parlé dans le district de Zungchu / Songpan 松潘 et le dialecte
de Chos-rje (Sun 2003c) dans le district de mDzod-dge / Ruoergai 若爾蓋. Nous n’avons
toutefois trouvé aucun cas d’emprunt tibétain en japhug manifestement emprunté à l’un
de ces dialectes, mais certains mots ayant la correspondance tibétain –ang :: japhug –o
pourraient être des emprunts de ces dialectes ou de dialectes apparentés.
3.2.3
Phonologie historique du japhug et stratification des emprunts.
Un certain nombre de changements phonétiques du proto-rgyalrong au japhug se
sont appliqués aux emprunts, comme nous avons pu le montrer dans le Tableau 100.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Nous reproduisons ci-dessous les huit changements en question :
proto-rgyalrong
japhug
*-u
-ɯ
*-o
-u
*-aŋ
-o
*-ɔt
-ɤt
*-ɔr
-ɤr
*-am
-om
*ʑ-
ndʑ-
*zb-
zw-
*ŋkʰ-
mkʰ-
Tableau 124 : Changements du proto-rgyalrong au japhug ayant affecté les emprunts.
Nous pouvons déterminer en partie l’ordre relatif dans lequel se sont produit certains
de ces changements.
Le changement *-aŋ → -o a dû s’opérer avant *-ot → -ɤt, comme le prouve la paire de
dissyllabes mtɕʰɤt-kʰo « chapelle » :: mchod-khang et fsaŋ-mtɕʰɤt « fumigations de
genévrier » :: bsang-mchod : en vertu du principe de cohérence étendu (voir l’introduction
de 3.2), si ces deux mots appartenaient à la même couche, il devraient tous deux avoir les
mêmes correspondances dans les deux syllabes.
Dans le dialecte de Zho-ngu (Sun 2003b) et dans le dialecte de Chos-rje (Sun 2003c),
la rime –ang du tibétain classique passe respectivement à -ɔ et à -ɔː. Si le japhug avait
emprunté à ces dialectes, les mots empruntés auraient la même correspondance –ang ::
-o que pour les mots empruntés avant le changement *-aŋ → -o. Nous discuterons de
cette possibilité en 3.2.3.1 p. 182, où nous montrerons qu’on peut être certain que la
178
plupart des mots présentant la correspondance –ang :: -o ne viennent pas de ces
dialectes.
Cela signifie que l’on doit distinguer au moins trois couches que nous appelerons A,
B et C :
couche
correspondance de
correspondance
exemples
–ang en japhug
de –od en japhug
A
-o
-ɤt
mtɕʰɤt-kʰo :: mchod-khang
B
-aŋ
-ɤt
fsaŋ-mtɕʰɤt :: bsang-mchod
C
-aŋ
-ot
Tableau 125 : Couches basées sur les correspondances des rimes –ang et –od du tibétain.
La couche A est la couche la plus ancienne. Elle contient les mots empruntés avant
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
les changements *-aŋ → -o et *-ɔt → -ɤt en japhug. La couche B est celle des mots
empruntés après le changement *-aŋ → -o mais avant *-ɔt → -ɤt. On ne trouve pas de
dissyllabe présentant ensemble les deux correspondances de la couche C, mais on peut
déduire son existence du simple fait qu’il existe des emprunts ayant la correspondance
tibétain –od :: japhug –ot : comme le changement *-ɔt → -ɤt se produit après *-aŋ → -o, il
est logique que tous les mots ayant été empruntés après *-ɔt → -ɤt l’aient été également
après *-aŋ → -o. Nous prédisons donc que les études ultérieures sur le japhug ne
devraient pas permettre de trouver de dissyllabe ayant les correspondances –ang :: -o et
–od :: -ot en même temps.
En l’absence de données contradictoires, nous faisons l’hypothèse que *-ɔt → -ɤt, *-ɔr
→ -ɤr et *-ɔs → -ɤr sont trois changements qui se sont produits à la même période. L’un ou
l’autre nous permettent donc de distinguer la couche B de la couche C.
Par ailleurs, on doit supposer un changement de dissimilation *ŋkʰ- → mkʰ- en PGR, mais
ce changement n’est attesté que par les emprunts, probablement parce qu’il n’existait pas
de groupe *ŋkʰ- dans le vocabulaire hérité du proto-rgyalrong. Le seul mot natif avec le
groupe initial ŋkʰ- dans la langue de kɤmɲɯ est est tɤ-ŋkʰɯt « poing », mais les autres
dialectes japhug, tels que celui de gSar-rdzong ont tɤ-rkʰɯt. On trouve cinq exemples
attestant l’existence de ce changement : ‘khor-lo :: mkʰɯr-lu « roue », ‘khrung « naître » ::
kɤ-mkʰroŋ
« se
réincarner »,
‘khor-dmangs ::
mkʰarmaŋ
« peuple »,
plus
zhing-khams « domaine » :: ʑimkʰɤm « un domaine, un long moment, la terre entière »
et ‘khar-rnga :: mkʰɤrŋa « gong » étudiés en 3.1.3.1.
Le changement *ŋkʰ- → mkʰ- se situe entre *-aŋ → -o et *-or → -ɤr. L’exemple
mkharmaŋ « peuple » :: ‘khor-dmangs a été emprunté avant le changement *ŋkʰ- → mkʰmais après *-aŋ → -o. Le vocalisme de la rime –ar est irrégulier (c’est le seul cas de ce
type dans toute la langue), mais il s’agit probablement d’un phénomène d’Umlaut avec la
voyelle de la syllabe suivante. La réalisation de /ɤ/ comme [a] dans les syllabes précédant
179
le suffixe de la première personne –a est systématique dans la conjugaison, comme nous
le verrons dans la section 5.2.1 p.349. L’exemple kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkʰɤr « tourner dans le ciel,
ruminer sur une idée » de bya ‘khor « l’oiseau tourne », lui a été emprunté après le
changement *ŋkʰ- → mkʰ- et avant *-ɔr Æ -ɤr. Cela confirme que
*ŋkʰ- → mkʰ- s’est
produit avant *-ɔr Æ -ɤr.
couche
correspondance de
correspondance de
correspondance de
–ang en japhug
‘kh- en japhug
–or en japhug
B1
-aŋ
mkʰ-
-ɤr
mkhar-maŋ ::’khor-dmangs
B2
-aŋ
ŋkʰ-
-ɤr
kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkhɤr ::bya-’khor
C
-aŋ
ŋkʰ-
-or
kɤ-ŋkʰor :: ‘khor
exemples
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Tableau 126 : Couches basées sur les correspondances des rimes –ang et –or et du groupe
‘kh-
Nous ne disposons pas d’autres critères basés sur le principe de cohérence étendu
pour déterminer la chronologie relative des changements phonétiques. Etant donné qu’un
changement *-u → -ɯ s’est produit également en tibétain de l’Amdo, il est difficile de
savoir si les mots présentant la correspondance tibétain –u :: japhug -ɯ le doivent au
changement opéré en tibétain ou à celui du japhug lui-même.
Toutefois, nous pouvons rajouter à ces règles le changement phonétique *-iŋ → -aŋ
propre aux dialectes de l’Amdo, qui explique les correspondances tibétain –ing :: japhug
–aŋ et tibétain –ing :: japhug –oŋ dans l’ensemble du lexique. La seule exception à ces
correspondances est le mot ʑimkʰɤm « le monde entier, un long moment » emprunté à
zhing-khams « domaine » dont nous avions dit en 3.1.3.1 qu’il avait subi le changement
*ŋkʰ- → mkʰ- après une resyllabification. Or, un mot tel que kɯ-rɯ-ɕaŋ-βzu « menuisier »
du tibétain shing-bzo montre que le japhug a été confronté à des variétés de tibétain
ayant subi le changement *-iŋ → -aŋ avant qu’il subisse lui-même le changement *-o →
-u53. Nous n’avons pas ici de moyen de prouver que le changement *-o → -u se soit passé
avant ou après les trois changements *-ɔt → -ɤt, *-ɔr → -ɤr et *-ɔs → -ɤs.
Dans l’état actuel des données, on peut donc proposer une datation relative de
certains changements. Nous employons ici les symboles X <<< Y signifiant « le
changement X s’est produit après Y » et X = Y signifiant « le changement X s’est produit
en même temps que Y ».
*-o → -u = *-ot → -ɤt <<< *-iŋ → -aŋ <<< *ŋkʰ- → mkʰ- <<< *-aŋ → -o
En somang, comme nous le verrons dans la section 4.2.2.2, le changement de *-aŋ à
53
Certains dialectes tibétain de l’Amdo présentent le changement –o > -u ; les mots présentant cette
correspondance pourraient venir de certains de ces dialectes (N.Tournadre, communication personnelle,
juin 2004).
180
–o ne s’est pas accompagné d’un changement du –o final, si bien que les *-aŋ et le *-o du
proto-rgyalrong se sont confondus dans cette langue.
Voici un résumé des couches que nous avons mises en évidence. Dans la colonne
« changements », nous indiquons le ou les derniers changements après lesquels la
couche a été empruntée. La couche C devra probablement être subdivisée en plusieurs
sous-couches lorsque la chronologie des quatre changements *-ɔr → -ɤr, *-ɔt → -ɤt, *-ɔs →
-ɤs et *-o → -u aura été établie sur la base de nouveaux exemples.
z
Si *-ɔt → -ɤt s’est produit avant *-o → -u, on devrait trouver un dissyllabe dont
l’une des syllabes a la correspondance –od :: -ot et l’autre –o :: -u. Par exemple,
le tibétain phod-po « homme courageux » devrait donner *pʰotpu.
z
Si à l’inverse *-o → -u s’est produit avant *-ɔt → -ɤt, on devrait trouver un
dissyllabe dont l’une des syllabes a la correspondance –od :: -ɤt et l’autre –o :: -o.
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Si cette hypothèse était vraie, le tibétain phod-po « homme courageux » devrait
donner *pʰɤtpo.
Toutefois, le seul mot dans nos données contenant deux syllabes dont chacune des rimes
viennent de deux de ces quatre rimes est yos-lo :: jɤzɯ-lu « année du lapin », qui a dû
être emprunté avant que *-ɔs → -ɤs et que *-o → -u ne se produisent.
couche
changements
A
–ang
‘kh-
–or
-od
-os
-o
-o
mkʰ-
-ɤr
-ɤt
-ɤs
-u
B1
*-aŋ → -o
-aŋ
mkʰ-
-ɤr
-ɤt
-ɤs
-u
B2
*ŋkʰ- → mkʰ-
-aŋ
ŋkʰ-
-ɤr
-ɤt
-ɤs
-u
C
*-ɔr → -ɤr
*-ɔt → -ɤt
-aŋ
ŋkʰ-
-or
-ot
-os
-o
*-ɔs → -ɤs
*-o → -u
Tableau 127 : Les changements du proto-rgyalrong au japhug et les couches de A à C.
On peut noter que le /o/ n’a pas subi de changements dans deux dissyllabes étudiés
en 3.1.3.1 : gos-chen :: koxtɕin « satin », slob-dpon : sloχpɯn « professeur ». Cela
montre que le changement *stɕ- → xtɕ- en japhug s’est produit avant *-ɔs → -ɤs, et a donc
saigné ce changement, ce qui explique que l’on n’aie pas la forme *kɤxtɕin. Pour sloχpɯn,
cela montre que la chute du –β final s’est produite avant le changement *-op → -ɤβ (que
l’on déduit de la correspondance régulière : tibétain –ob :: japhug -ɤβ). La préinitiale /χ/
n’est pas distinctive de /ʁ/ dans cette position : c’est donc comme si la forme était
phonologiquement /sloʁpɯn/. Or, le */o/ du PGR ne devient pas /ɤ/ dans les syllabes
fermées par l’uvulaire.
Nous allons à présent procéder à l’analyse de chacune des couches, pour voir si
d’autres critères phonologiques peuvent nous servir à affiner notre analyse.
181
3.2.3.1
Les correspondances de la rime –ang en japhug
La rime –ang du tibétain, comme on peut l’observer dans le Tableau 55 correspond à
quatre rimes différentes en japhug. Une de ces correspondances, -ang :: -ɯŋ, n’est
attestée que par un seul exemple ldʑɯŋ-ldʑɯŋ « bleu ciel » qui est un expressif et qui ne
sera pas traité ici. Les trois autres correspondances sont –ang :: -o, -ang :: –aŋ et -ang ::
–oŋ. On sait par ailleurs que –angs correspond dans certains cas à –os, parfois aussi à
–aŋ.
Nous avons appelé « couche A » la couche qui précède le changement de *-aŋ à –o
en japhug, et qui se caractérise par la correspondance –ang :: -o. Nous incluons aussi
dans cette couche les mots présentant la correspondance –angs :: -os. Cette
correspondance nous montre en effet que le –s n’a pas gêné le changement *-aŋ → –o en
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japhug.
Les deux autres correspondances -ang :: –aŋ et -ang :: –oŋ peuvent correspondre à
nos couches B et C. Nous allons donc présenter exaustivement en fonction de chacune
de ces correspondances afin d’affiner notre connaissance de chacune de ces couches.
japhug
signification
tibétain
signification
kɯ-χtso
propre
gtsang-ma
id.
kho
chambre
khang
maison
mtɕʰɤt-kho
chapelle dans la maison où
mchod-khang
chapelle
l’on fait brûler les branches
de genévrier
kɤ-βzjos
apprendre
sbyong sbyangs
id.
kɤ-tshos
complet
tshang tshangs
id.
Tableau 128 : Mots présentant les correspondances -angs :: –os et -ang :: –o (couche A)
Le seul dissyllabe du Tableau 128 a déjà été employé pour montrer que la couche A
contenait des mots ayant la correspondance –od :: -ɤt. Le mot japhug kɯ-ɣɤ-ndʐo « froid
(temps) » semblerait apparenté au tibétain grang-mo « froid » par cette correspondance,
mais la comparaison avec le somang ta-dʐók « froid glacial » montre qu’il s’agit d’une
coïncidence.
Dans les dialectes tibétains hétérodoxes de Zho-ngu, parlé dans le district de
Zung-chu / Songpan 松潘, et de Chos-rje, parlé dans le district de mDzod-dge / Ruoergai
若爾蓋 près de la région rGyal-rong, la rime –ang du tibétain devient respectivement -ɔ et
-ɔː. La correspondance –ang :: -o n’est donc pas une preuve en soit qu’un mot appartient
bien à la couche A : il faut s’assurer par ailleurs que le mot en question ne peut venir de
dialectes de ce type. Ces dialectes ont perdu les –s finaux (les finales –ang et –angs du
182
tibétain ancien s’y sont confondues en -ɔ), et cette perte a dû se faire avant le passage de
–aŋ à -ɔ54 : la rime –angs du tibétain n’a été *-ɔs à aucun moment de l’histoire de ces
dialectes. Les mots kɤ-βzjos « apprendre » et kɤ-tsʰos « être complet » ne peuvent donc
pas être des emprunts à ces dialectes.
Le mot tibétain khang « maison »
55
a dans le dialecte de Zho-ngu une
prénasalisée irrégulière : nkʰɔ. Si le japhug avait emprunté ce mot au dialecte tibétain de
Zho-ngu, on attendrait une forme *ŋkʰo ou *mkʰo. En revanche, cette nasale irrégulière
n’apparaît pas dans le tibétain de Chos-rje, où khang est kʰɔː113. Le mot japhug pourrait
donc en principe être un emprunt à ce dialecte. Toutefois, on doit noter que le sens du
mot japhug est « chambre » 56 et non « maison », et l’on trouve un mot similaire en
somang avec le même sens : kʰô « chambre » 57 . Ce sens de « chambre » est
probablement une innovation sémantique qui s’est produite en japhug et en somang
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après l’emprunt : il s’agit selon toute vraisemblance d’un mot emprunté dans l’ancêtre
commun de ces langues ayant subi le changement *-aŋ Æ -o en japhug et en somang
(cette hypothèse pourrait être confirmée si l’on trouvait un mot *kʰɐ en zbu ou *kʰi en
tshobdun signifiant « chambre »), et non d’un emprunt récent à un dialecte tibétain isolé
comme celui de Chos-rje.
Pour le mot mtɕʰɤt-kʰo « chapelle », il semble impossible qu’un terme lié à la religion
soit emprunté à des dialectes périphériques : cet emprunt doit venir d’un dialecte tibétain
qui était dominant au moment de l’emprunt.
Le mot kɯ-χtso « propre » pourrait théoriquement être un emprunt au dialecte de
Zho-ngu, car celui-ci conserve certaine préinitiales : la forme Zho-ngu est χtsɔ. Seule
l’étude des couches d’emprunts dans les autres langues rgyalronguiques permettra de
juger si le mot japhug kɯ-χtso est un emprunt ancien ou un emprunt récent à ces
dialectes tibétains hétérodoxes.
54
Le –s final avant de disparaître palatalise en Zho-ngu et en Chos-rje les voyelles ouvertes : les rimes
du tibétain classique –as et –os deviennent –i en Zho-ngu et respectivement –eːet -ɵː en Chos-rje. Si
–angs était passé par *-ɔs, elle serait donc devenue –i elle aussi en Zho-ngu, et probablement -ɵː en
Chos-rje.
55
Dans la plupart des dialectes modernes, le mot pour « maison » est la forme suffixée khang-pa, mais
la forme simple khang signifie aussi « maison » en tibétain classique. Les formes des dialectes de
Zho-ngu et de Chos-rje pourraient venir aussi bien de khang-pa que de khang.
56
Pour dire « maison », le japhug emploie le terme rgyalronguique kʰa (tshobdun ‘kʰe, voir Sun 1998a :
109).
57
Le mot « chambre » se dit khang-mig ou shag-mig en tibétain classique, et dans le dialecte tibétain de
Zho-ngu, Jackson T.-S. Sun note pour « chambre » le mot pʰə-tsə d’origine inconnue.
183
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japhug
signification
tibétain
signification
snaŋ-wa
état d’esprit
snang ba
id.
spjaŋ-kɯ
loup
spjang-ki
id.
tɯ-sraŋ
une once
srang
id.
tʰaŋ
plaine
thang
id.
tʰɯ-raŋ
une sorte de démon
the’u rang
id.
mkʰar-maŋ
peuple
‘khor dmangs
id.
zaŋ
cuivre
zangs
id.
ʑɤ-zdaŋ
envie, jalousie
zhe sdang
id.
fsaŋ-mtɕʰɤt
fumigation
bsang mchod
id.
βzaŋ-sa
ami
*bzang-sa
id. (mot de dialecte Amdo)
βzaŋ-lɤn
récompense
bzang len
id.
kɯ-tʂaŋ
honnête
drang po
id.
ʁjaŋ
bon présage
g.yang
id.
ʁlaŋ-lu
année du bœuf
glang lo
id.
ʁnɤm-jaŋ
plafond
gnam yangs
id.
caŋ
mur en terre
gyang
id.
χa-jaŋ
aluminium
ha yang
id.
mkʰrɯm-kʰaŋ
prison
khrims khang
prison (Amdo), tribunal
(tibétain classique)
ldʑaŋ-kɯ
vert
ljang khu
id.
kɯ-maŋ
beaucoup
mang po
id.
mtsʰoʁ-zaŋ
bassine en cuivre pour faire
*’tshog zangs
« rassembler » - « cuivre »
bouillir
le
thé
pour
les
moines
pʰo-βraŋ
palais
pho brang
id.
raŋ
soi-même
rang
id.
mdzangs-pa
héroïque, sage, élevé
kɤ-rɯ-ndzaŋ-spa faire attention
Tableau 129 : Mots présentant la correspondance -ang :: -aŋ (couches B et C).
Dans le tableau ci-dessus, nous remarquons que certains mots appartiennent à la
couche B, tandis que d’autre appartiennent à la couche C. Parmi les mots de la couche B,
certain appartiennent à B1 (mkʰar-maŋ) de façon non-ambiguë, d’autres appartiennent à
B (ʁlaŋ-lu), et enfin d’autres appartiennent à C (pʰo-βraŋ).
Le mot spjaŋ-kɯ « loup » appartient à une couche présentant le changement de *-i →
-ə des dialectes Amdo. On note également le mot irrégulier mkʰrɯm-kʰaŋ qui a une
préinitiale inexplicable.
Certains emprunts ayant cette correspondance (χajaŋ « aluminium ») désignent des
184
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
mots très récents et doivent dater du XXe siècle.
japhug
signification
tibétain
signification
toŋ-bu
premier mois
dang-po
premier
tɯ-ʁoŋ
pouvoir
dbang
id.
loŋ-bu-tɕʰi
éléphant
glang-po-che
id.
kɯ-mtsʰoŋ
s’accorder
mtshungs
id.
mtsʰo-ʁloŋ
un animal fantastique
mtsho glang
hippopotame
rɤ-woŋ
responsabilité
rang dbang
liberté
roŋ-ri
les uns les autres
rang re
id.
rkoŋ-toŋ
flûte en fémur humain
rkang dung
id.
rkoŋ-ɟɤl
démon à un pied
*rkang rgyal
spoŋ-srɤm
un mammifère non identifié
*spang sram
*loutre des pâturages
pjoŋ-pɕoʁ
nord
byang phyogs
id.
Tableau 130 : Mots présentant la correspondance -ang :: -oŋ (couches B et C).
Parmi les mots du tableau ci-dessus, certain appartiennent à la couche B2 (toŋ-bu,
loŋ-bu-tɕʰi), d’autres à la couche C (mtsʰo-ʁloŋ, pjoŋ-pɕoʁ). Le mot pjoŋ-pɕoʁ « nord »
appartient à C, car il fait partie des points cardinaux qui ont dû être empruntés ensemble.
Or ɬo-pɕoʁ « sud » du tibétain lho-pyogs appartient lui-même à la couche C.
A la couche B2 en –aŋ :: -oŋ, on peut rajouter les onze autres noms de mois, qui
doivent avoir été empruntés en même temps que toŋ-bu :
japhug
signification
tibétain
ʁɲis-pa
deuxième mois
gnyis-pa
χsɯm-ba
troisième mois
gsum-pa
βʑi-pa
quatrième mois
bzhi-pa
rŋa-pa
cinquième mois
lnga-pa
tʂɯɣ-pa
sixième mois
drug-pa
βdɯn-pa
septième mois
bdun-pa
βɟɤt-pa
huitième mois
brgyad-pa
rgɯ-pa
neuvième mois
dgu-pa
ftɕɯ-pa
dixième mois
bcu-pa
ftɕɯ-χtɕɯɣ
onzième mois
bcu-gcig
ftɕɯ-ʁɲis
douzième mois
bcu-gnyis
Tableau 131 : Noms des mois (couche B)
Le mot loŋ-bu-tɕʰi « éléphant » n’a pas de trace du g- du tibétain glang-po-che. On
attendrait ici *ʁloŋ-bu-tɕʰi. Cette particularité se retrouve en somang laŋ-mbo-tɕhê mais
185
pas en zbu ʁlaŋ-bu-tɕhî. En fait, le somang ne possède pas de groupes tels que ʁl-, et les
gl- du tibétain sont empruntés comme l- dans cette langue (autre exemple : ndza-mbu-lâŋ
« le monde (Jambudvipa) » du tibétain ‘dzam-bu-gling). Il est possible donc que ce mot
japhug soit un emprunt au somang ou au cogtse. Si c’est le cas, la correspondance -ang ::
-oŋ peut venir en partie d’emprunts tibétains transmis par ces dialectes rgyalrong.
Le mot rɤ-woŋ a comme rime de première syllabe -ɤ au lieu de –oŋ. Cette irrégularité
sera abordée dans la section sur les syllabes affaiblies (3.2.3.6).
Cette mise en revue des mots présentant les mêmes correspondances montre que
l’on trouve deux correspondances pour la rime du tibétain –ang des couches B2 à C : -aŋ
et -oŋ. On doit donc distinguer au moins quatre couches différentes (a pour –ang :: -aŋ et
b pour –ang :: -oŋ), B2a, B2b, Ca, Cb.
On sait par ailleurs que la rime –ing du tibétain correspond à –oŋ dans le mot ɕoŋ-tɕa
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
« matériel en bois ». Cet exemple doit appartenir à B2b ou à Cb. Le japhug a dû au cours
de son histoire être en contact avec plusieurs types de dialectes, ce qui explique la
complexité des groupes de correspondances.
Les correspondances -ing :: -oŋ et -ang :: -oŋ sont dues à des emprunts de dialectes
Amdo dont le /a/ de la rime -aŋ était postérieur et donc plus proche du /o/ du japhug, ou
bien à des dialectes ayant subi un changement de –aŋ à -oŋ.
3.2.3.2
Les correspondances des rimes
–od, –or, –os et –on en japhug.
La voyelle /o/ du tibétain en syllabe fermée, comme on peut le constater dans le
Tableau 57 et le Tableau 61, correspond aux trois voyelles /o/, /ɤ/ et /u/ en japhug. Parmi
les correspondances du Tableau 61, nous avons vu en 3.2.1.1 que –og :: -ɤɣ était une
correspondance de cognat et elle ne sera pas prise en compte ici.
japhug
signification
tibétain
signification
kɤ-ɲɟɤt
regretter
‘gyod
id.
ʑi-wa-rɯ-mtɕʰɤt
une célébration
zhi-ba ri-mchod
id.
fsaŋ-mtɕʰɤt
fumigations
bsang-mchod
id.
pjɤ-rgɤt
vautour
bya-rgod
id.
χtɕɤt-pa
exorcisme
gcod-pa
id.
kɯ-sa-ʁnɤt
terrible
gnod
malheur
χsɤr-ɣɤt
un sutra que l’on lit pour les
gser-‘od
lumière dorée
animaux malades
mtɕʰɤt-kʰo
chapelle
mchod-khang
id.
mtɕʰɤn-mi
lampe à beurre
mchod-mi
id.
mɲi-rgɤt
yéti
mi-rgod
id.
186
kɤ-stɤt
faire l’éloge
bstod
id.
tɯ-stɤt
le haut du corps
stod
haut
Tableau 132 : Mots présentant la correspondance od :: -ɤt (couches A et B).
Parmi les mots ci-dessus, on compte un mot appartenant de façon non-ambiguë à la
couche A (mtɕʰɤt-kʰo), mais les autres peuvent appartenir aussi bien à A qu’à B. La seule
anomalie dans cette couche est la correspondance de kɤ-stɤt « faire l’éloge » du tibétain
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
bstod qui aurait du être *kɤ-fstɤt.
japhug
signification
tibétain
signification
ɣot
lumière
‘od
id.
kɤ-fkot
établir
‘god bkod dgod khod
id.
mtɕʰo-rtɯn
stupa
mchod-rten
id.
pʰaʁ-rgot
sanglier
phag-rgod
id.
kɤ-pʰot
oser
phod
id.
rgon-ma
jument
rgod-ma
id.
rtsot
vengeance
rtsod-pa
conflit, dispute
tʰaʁ kɤ-tɕʰot
décider
thag chod
id.
kɤ-nɯ-tsʰɤ-tʂot
avoir la fièvre
tsha-drod
fièvre
tɯ-tsʰot
heure
tshod
heure
(Amdo),
temps
(tibétain classique)
stot
haut
stod
haut
mtɕʰot
libation
mchod
offrande
Tableau 133 : Mots présentant la correspondance od :: -ot (couche C).
Aucun dissyllabe de ce groupe de mots ne possède de correspondances nous
permettant de dater la date où le changement *-ɔt Æ -ɤt s’est produit par rapport aux
autres changements.
japhug
signification
tibétain
signification
kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkʰɤr
tourner dans le ciel
bya ‘khor
« oiseau » - « tourner »
mkʰar-maŋ
peuple
‘khor-dmangs
id.
tʂa-pʰɤr
bol de moine
grwa-phor
id.
kɤ-χtɤr
disperser
gtor
id.
χwɤr
Hor (nom d’un pays)
hor
id.
laʁ-ŋkʰɤr
moulin à prière
lag-’khor
id.
nɤr-wɯ
trésor
nor-bu
id.
kɤ-fskɤr
contourner
skor bskor
faire tourner
Tableau 134 : Mots présentant la correspondance -or :: -ɤr
(couches A et B).
187
Nous avons montré que certains mots de cette couche doivent être classés dans B1
(mkhar-maŋ) et d’autres en B2 (laʁ-ŋkhʰɤr, kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkʰɤr). La présence de la médiane
–w- dans le mot χwɤr :: hor est particulièrement intéressante. Elle montre que l’initiale χs’est labialisée avant le changement *-ɔr → -ɤr.
Le mot ‘khor-lo :: mkʰɯr-lu « roue » doit appartenir ou à A ou à B1, mais il présente la
correspondance –or :: -ɯr. On retrouve cette correspondance dans les mots
rgyalronguiques (japhug fsomɯr, somang somôr « demain soir »), comme nous le
verrons dans la section 4.2.3.5 p.256 : ils viennent d’une rime *-ur en PGR.
A ces mots on peut peut-être rajouter le mot kɤ-zwɤr « brûler, tr. », un emprunt au
verbe sbor sbar sbar sbor de même sens. Ce mot a subi le changement *zb- → zw- du
japhug, et il pourrait permettre de savoir lequel de ces changements s’est produit en
premier. Malheureusement, la rime -ɤr pourrait correspondre aussi bien au tibétain –ar
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qu’au tibétain –or. Du fait de cette ambiguïté, ce mot ne peut pas prouver l’antériorité du
changement *zb- → zw- sur *-ɔr → -ɤr.
japhug
signification
tibétain
signification
kɤ-ŋkʰor
arriver (honorifique)
‘khor
tourner, revenir (verbe) / serviteur
(nom).
ŋkʰor-wa-pa
paysans
‘khor-ba-pa
personne vivant dans le samsara
χtor-ma
offrande
gtor-ma
id.
thaʁ-ŋkʰor
moulin à prière que l’on fait
*thag ‘khor
« corde » - « roue »
tourner entre les doigts
Tableau 135 : Mots présentant la correspondance -or :: -or (couche C).
Le rapport sémantique entre kɤ-ŋkʰor « arriver » et le tibétain n’est pas évident, mais
il vient peut-être du sens de serviteur : « être accompagné de ses serviteurs », ce qui
convient à un honorifique.
A travers les couches successives des emprunts tibétains en japhug, on trouve
quatre syllabes différentes correspondant à la même syllabe du tibétain ’khor : mkʰɯr-,
mkʰar-, -ŋkʰɤr- et -ŋkʰor.
japhug
signification
tibétain
signification
tɯ-krɤs
discussion
gros
id.
jɤzɯ-lu
année du lapin
yos-lo
id.
kɤ-βgos
préparer, organiser
bgod bgos bgo bgos
diviser, distribuer
tɕʰos
religion
chos
id.
koxtɕin
satin
gos-chen
id.
188
kɯ-na-χsos
frais
gso gsos
id.
spos
encens
spos
id.
tsʰwi
teinture
tshos
id.
Tableau 136 : Correspondances de –os en japhug
Deux mots appartiennent à la couche B : gros ::tɯ-krɤs et yos-lo :: jɤzɯ-lu. Le
second est particulièrement important, parce qu’il confirme que le –o du tibétain
correspond à –u dans cette couche.
Les cinq mots ayant la correspondance –os :: -os appartiennent à la couche C, et le
mot tsʰwi « teinture » vient d’une couche isolée d’emprunts à un dialecte indéterminé de
l’Amdo.
Nous avons vu que les changements de /o/ à /ɤ/ propres au japhug nous permettent
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
de distinguer la couche C des couches A et B. Par ailleurs, on trouve en tout cinq cas de
correspondance tibétain /o/ :: japhug /u/ en syllabe fermée : sbos :: kɯ-mbus
« déborder », *kha-rbod :: kʰa-rwut « fièvre aphteuse », rgya-blon :: rɟaβlun « ministre »,
blon-po :: βlun-pu « ministre » et don :: tɯ-tun « but ».
Nous traiterons tout d’abord les mots à rime –un. Pour placer les mots présentant la
correspondance –on :: -un dans les couches A, B et C, il faut étudier les correspondances
de la rime –on du tibétain dans son ensemble, mais étant donné que cette rime n’est pas
reconstructible en proto-rgyalrong, on ne peut se baser que sur les données des
emprunts.
La rime –on du tibétain correspond à -ɯn, à –un et à –on en japhug (également à -ɤn
dans un exemple isolé que nous n’inclurons pas dans notre discussion). La
correspondance tibétain –on :: japhug -on est certainement la plus tardive, puisque c’est
celle qui a échappé aux changement phonétiques internes au japhug. La correspondance
tibétain –on :: japhug -ɯn, en revanche, est probablement due à un changement
phonétique du type *-oC Æ ɯC (où C est une consonne finale, comme dans *-ot Æ -ɯt et
*-ok Æ ɯɣ).
Nous proposons qu’un changement *-on → -ɯn a d’abord eu lieu, si bien qu’il n’y
avait plus dans la langue aucun mot à rime –on. Ensuite de nouveaux emprunts du
tibétain ayant la rime –on sont entrés dans la langue. Ils ont subi le changement *-on →
-un en même temps que le changement *-o → -u se produisait.
Les mots de la correspondances –on :: -ɯn appartiendraient à une couche -ON1 et
–on :: -un à la couche -ON2 :
couche
-ON1
changements
-on
-o
exemples
-ɯn
-u
ston-mo :: stɯn-mu
189
-ON2
*-on → -ɯn
-ON3
*-o → -u
**-on → -un
-un
-u
-on
-o
blon-po :: βlunpu
Tableau 137 : Hypothèse correcte sur l’évolution de la rime –on.
Il n’est pas possible d’interpréter ces données en proposant que *-o → -u a eu lieu
avant *-on → -ɯn. Dans l’autre cas où *-o → -u se serait produit en premier (hypothèse 2)
on devrait en effet trouver des mots ayant à la fois les correspondances –on :: -ɯn et –o ::
-o, mais il ne devrait pas y avoir de mots ayant à la fois la correspondance –on :: -un et
–o :: -u. On trouve deux contre-exemples de ce type : les mots bon-po :: pɯnpu
« Bonpo » et ston-mo :: stɯn-mu « mariage ».
couche
changements
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
-ON1
-ON2
*-o → -u
-ON3
*-on → -ɯn
*-on → -un
-on
-o
-un
-u
-ɯn
-o
-on
-o
Tableau 138 : Hypothèse incorrecte sur l’évolution de la rime –on.
La rime –on du tibétain pourrait ne pas être la seule rime en syllabe fermée à avoir
subi le changement *o → u. Les mots *kha-rbod :: kharwut « fièvre aphteuse » et sbos ::
kɯ-mbus « déborder » devraient appartenir à la même couche ON2 selon notre
hypothèse 1, même si ces deux mots sont problématiques : ils sont supposés venir de
mots
tibétains
non-attestés.
Nous
n’avons
en
revanche
aucun
exemple
de
correspondance –or :: -ur dont notre analyse prédit l’existence.
La couche ON3 correspond à la couche C, mais il n’est pas possible de déterminer si
les couches ON1 et ON2 recouvrent plutôt les couches A, B1 ou B2.
3.2.3.3
Les correspondances de la rime –o
Comme nous l’avons montré dans le Tableau 57 et le Tableau 60, la rime –o du
tibétain correspond à –o, à –u ainsi qu’à -ɤ dans certaines premières syllabes de
dissyllabes. Nous avons proposé que cette différence de correspondance était due à un
changement *-o → -u : les mots empruntés avant ce changement correspondent au
japhug –u (couches A et B), et ceux empruntés après correspondent au japhug –o
(couche C)58.
58
Il est possible toutefois que certains de ces mots viennent d’emprunts récents de dialectes tibétain de
l’Amdo ayant subi le changement –o > -u ; si c’est le cas, il doit s’agir d’emprunt très récents. En effet, s’il
s’agissait d’emprunts anciens à ces dialectes tibétains, on devrait observer une correspondance tibétain
classique –o :: japhug de kɤmɲɯ -ɯ, car le japhug de kɤmɲɯ (et non les autres dialectes du japhug) a
190
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
japhug
signification
tibétain
signification
mdzu-zga
attelage
mdzo-sga
selle pour yak hybride
mtʰu-ri
feu mon père
mtho-ris
monde céleste (! sens)
loŋ-bu-tɕʰi
éléphant
glang-po-che
id.
ŋgu-mdʑɯɣ
dirigeant
‘go-mjug
du début à la fin (! sens)
tsʰu-pa
villageois
tsho-pa
id.
bdaʁ-pu
hôte
bdag-po
maître
βlun-bu
ministre
blon-po
id.
pɯn-pu
Bonpo
bon-po
id.
kɤ-βzu
faire
bzo bzos
fabriquer
kɯ-rɯ-ɕaŋ-βzu
artisan
shing-bzo-ba
id.
tɕʰɯ-rdu
galet
chu-rdo
id.
toŋ-bu
premier mois
dang-po
premier
kɤ-rŋu
faire griller
rngo brngos
id.
kɤr-pu
chaux
dkar-po
id.
kɤ-χsu
élever
gso gsos
id.
laʁ-zu
type d’offrande
lag bzo
« fait avec les mains »
kɯ-mtʰu
trop haut (coup de fusil)
mtho-ba
haut
kɤr-ŋu
première période du mois
dkar-ngo
id.
naʁ-ŋu
seconde période du mois
nag-ngo
id.
tɯ-pʰoŋ-bu
corps
phung-po
id.
stɯn-mu
mariage
ston-mo
banquet
piwa-lu
année 1 (rat)
byi-ba-lo
id.
ʁlaŋ-lu
année 2 (bœuf)
glang-lo
id.
staʁ-lu
année 3 (tigre)
stag-lo
id.
jɤzɯ-lu
année 4 (lièvre)
yos-lo
id.
mbrɯɣ-lu
année 5 (dragon)
‘brug-lo
id.
zbri-lu
année 6 (serpent)
sbrul-lo
id.
rta-lu
année 7 (cheval)
rta-lo
id.
lɯɣ-lu
année 8 (mouton)
lug-lo
id.
subi un changement *-u > -ɯ (voir section 4.2.2.3) : ces mots auraient donc dû avoir été empruntés
après ce changement. Les deux seuls mots ayant la correspondance tibétain –o :: japhug -ɯ en fin de
mot (srin-mo :: srɯnmɯ « démone » et jo-mo :: tɕɤmɯ « nonne ») sont en revanche peut-être des
emprunts à des dialectes tibétains ayant subi le changement –o > -u (on doit supposer l’évolution srin-mo
> *srinmu, emprunté comme *srinmu à un stade du proto-japhug, puis *srinmu > *srɯnmu > srɯnmɯ en
japhug de kɤmɲɯ). Il existe aussi quelques exemples de mots ayant la correspondance –o :: -ɯ en
première syllabe de dissyllabe (voir Tableau 148).
191
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
spri-lu
année 9 (singe)
sprel-lo
id.
pja-lu
année 10 (coq)
bya-lo
id.
kɕi-lu
année 11 (chien)
khyi-lo
id.
pʰaʁ-lu
année 12 (cochon)
phag-lo
id.
rgɤt-pu
viellard
rgad-po
id.
rgɤn-mu
viellarde
rgan-mo
id.
rɟa-wu
barbe
rgya-bo
id.
rɯ-mu
dessin
ri-mo
id.
kɯ-sɲu
fou
smyo
id.
soʁ-pu
mongol
sog-po
id.
ʑu
yaourt
zho
id.
mbaʁ-ŋgu
masque
‘bag-mgo
id.
Tableau 139 : Mots présentant la correspondance -o :: -u (couches A à C1).
Cette correspondance est très bien représentée mais également très diverse. On
note de nombreux mots de la couche B (ston-mo :: stɯn-mu, bon-po :: pɯn-pu ainsi que
les douze noms des années, étant donné que l’un de ces noms, yos-lo :: jɤzɯ-lu présente
la correspondance –os :: -ɤs). Un mot appartient de façon non-ambiguë à la couche ON2
(blon-po :: βlun-bu « ministre »).
japhug
signification
tibétain
signification
ɬo-pɕoʁ
sud
lo-phyogs
id.
mtsʰo-ʁloŋ
animal mythique
mtsho-glang
hippopotame
pʰo-βraŋ
palais
pho-brang
id.
pʰo-roʁ
Corvus macrorhyncos
pho-rog
corbeau
ɬaχpo
avoir
lhag-po
le reste
‘bo
id.
envie
d’accomplir
qqch sans pouvoir le faire
(adverbe)
po
boisseau
Tableau 140 : Mots présentant la correspondance -o :: -o (couche C2).
La couche C contient également les autres points cardinaux (byang-phyogs ::
pjoŋ-pɕoʁ « nord », nub-phyogs :: nɤβ-pɕoʁ « ouest » et shar-phyogs :: ɕɤr-pɕoʁ « est »)
qui ont dû avoir été empruntés en même temps que ɬo-pɕoʁ.
192
3.2.3.4
Les correspondances de la rime –am
La rime –am du tibétain correspond à –am, -ɤm et –om en japhug. En raison du
manque de dissyllabes, il est difficile de classer ces rimes dans les couches A, B et C.
Toutefois, on doit noter que tous les mots en –am :: -am sont des emprunts, et un
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
changement *-am → -om doit être postulé entre le proto-rgyalrong et le japhug.
japhug
signification
tibétain
signification
nɤm-kʰa
ciel
nam-mkha
id.
ʁnɤm-jaŋ
plafond
gnam-yangs
id.
ɯ-ɲɤm
chair
nyam
force
tɕʰɯ-ɕrɤm
peau de loutre
chu-sram
loutre
kɯ-ndʑɤm
tiède
‘jam-po
id.
ʑim-kʰɤm
le monde entier, domaine
zhing-khams
domaine
tɕʰɯ-rtsɤm
un type de rTsam-pa
chu-rtsam
id.
Tableau 141 : Mots présentant la correspondance -am :: -ɤm (couche indéterminée).
Deux dissyllabes du tableau ci-dessous nous donnent quelques indications sur les
couches où l’on trouve cette correspondance : zhing-khams :: ʑimkʰɤm a dû être
emprunté
avant
*ŋkʰ-
→
mkʰ-
et
doit
donc
appartenir
à
A
ou
à
B1,
et gnam-yangs ::ʁnɤm-jaŋ doit appartenir à B ou C, après le changement *-aŋ → -o. Il
n’est toutefois pas possible, sur la base de deux exemples, de conclure que l’ensemble
des mots ayant cette correspondance appartiennent à B1.
japhug
signification
tibétain
signification
rkɤ-snom
pantalon
rkang-snam
id.
kɤ-rɤ-ntɕʰom danse bouddhique
‘chams
id.
kɤ-rɤ-ntsʰom faire une retraite
mtshams
retraite
tɕʰom-ba
rhume
cham-pa
id.
mbar-kʰom
la ville de ‘Bar-khams
‘bar-khams
id.
Tableau 142 : Mots présentant la correspondance -am :: -om (couche indéterminée).
Le fait que le nom même de ‘Bar-khams appartienne à cette couche montre que le
changement de *-am à –om du proto-rgyalrong en japhug s’est opéré après que cette ville
a été fondée.
193
japhug
signification
tibétain
signification
kʰram-ba
escroc
khram-ba
id.
tɯ-rnam-ɕɤs âme
rnam-shes
id.
spoŋ-sram
un mammifère indéterminé
*spang-sram
« loutre des prairies »
tʰam-tʰam
maintenant
tham-tham
id.
tʰam-tɕɤt
complètement
tham-cad
id.
Tableau 143 : Mots présentant la correspondance -am :: -am (tardive).
Ces mots ont été empruntés après le changement *-am → -om. Ce sont donc en
principe les emprunts les plus récents, bien que le manque de dissyllabes nous empêche
de les classer dans nos couches ABC selon des critères plus explicites.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
3.2.3.5
Les correspondances des rimes -ad, -ar et –as
Un problème non résolu est la correspondance du tibétain /a/ dans les syllabes
fermées. Comme nous l’avons présenté dans le Tableau 62, il existe quatre rimes
tibétaines dont le /a/ correspond parfois à /a/, parfois à /ɤ/ en japhug : -am, -ad, -ar et –as.
Les correspondances de –am venant de faire l’objet d’une étude spéciale ci-dessus, nous
n’aborderons que les trois dernières. La phonologie historique du japhug ne peut pas
nous aider pour comprendre l’histoire de ces rimes, car en raison des fonctions
morphologiques de l’alternance /a/ ~ /ɐ/ dans les dialectes somang et zbu, les
correspondances sont difficiles à établir pour ces rimes.
Les correspondances /a/ :: /ɤ/ sont plus courantes que les correspondances /a/ :: /a/
pour les trois rimes. Voici le nombre d’exemples par correspondance :
tibétain
-ar
-ad
-as
correspondance /a/ :: /a/
7
1
2
correspondance /a/ :: /ɤ/
19
13
10
Tableau 144 : Nombre d’exemples par correspondance pour les rimes –ar, -ad, -as du tibétain.
Les exemples d’emprunts ayant une correspondance en /a/ sont regroupés dans le
tableau Tableau 145 :
japhug
signification
tibétain
signification
jamar
à peu près
yar-mar
id.
tɤ-mar
beurre
mar
id.
tar-tɕin
grand drapeau
dar-chen
id.
194
mbar-kʰom
la ville de ‘Bar-khams
‘bar-khams
id.
lɤ-sar
nouvel an
lo gsar
id.
kɤ-tar
se développer
dar-ba
se répandre, se développer
ʁjar-sa
pâturages d’été
dbyar-sa
id.
ras
tissu
ras
id.
tɯ-las
chance
las
action, karma, chance
tat-pa
foi
dad-pa
id.
Tableau 145 : Emprunts ayant la correspondance /a/ :: /a/ en syllabe fermée.
Le fait que les correspondances /a/ :: /ɤ/ en syllabe fermée soient plus courantes que
/a/ :: /a/ ne nous aide pas pour classer ces correspondances en terme de couches. Le
manque de dissyllabes dans les mots du Tableau 145 nous empêche de donner un
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
jugement.
Parmi les mots ayant /a/ :: /ɤ/ en syllabe fermée, on trouve cinq dissyllabes nous
permettant de comparer cette correspondance avec les couches déjà établies :
japhug
signification
tibétain
signification
kɤr-pu
chaux
dkar-po
blanc
kɤr-ŋu
seconde partie du mois
dkar-ngo
id.
saŋ-rɟɤs
Bouddha
sangs-rgyas
id.
ɕɤr-pɕoʁ
est
shar-phyogs
id.
mkʰɤrŋa
gong
‘khar-rnga
id.
Tableau 146 : Dissyllabes ayant la correspondance /a/ :: /ɤ/ en syllabe fermée et une autre
correspondance importante.
Les deux premiers exemples peuvent appartenir aux couches A à B, et saŋrɟɤs doit
être postérieur à A, et donc appartenir à une couche B ou C. ɕɤr-pɕoʁ :: shar-phyogs
« est », doit quant à lui appartenir à la couche C, car parmi les quatre points cardinaux
lo-pɕoʁ :: lo-phyogs « sud » appartient à cette couche. Le dernier, mkʰɤrŋa :: khar-rnga,
enfin, doit appartenir à A ou à B1.
3.2.3.6
Syllabes affaiblies
Nous avons vu dans le Tableau 60 que les voyelles –a, -e et –o peuvent
correspondre à -ɤ dans la première syllabe d’un dissyllabe. L’exemple rɤ-woŋ
« responsabilité » de rang-dbang « liberté » montre que même la rime –ang peut
correspondre à cette voyelle. De même, -i peut correspondre à -ɯ, et dans le dissyllabe
zhi-ba ri-mchod :: ʑi-wa-rɯ-mtɕʰɤt « un type de cérémonie » on remarque une exception
195
étonnante au principe de cohérence : la voyelle /i/ du tibétain correspond à –i dans une
des syllabes et à -ɯ dans l’autre.
Cet ensemble de phénomènes nous force à admettre que ces correspondances
irrégulières ne sont pas dues uniquement à des changements phonétiques. Il existe en
effet en japhug un processus morphologique, la formation de l’état construit, par lequel la
rime de la première syllabe d’un dissyllabe devient -ɤ ou -ɯ pour marquer la relation entre
les deux syllabes. Par exemple :
sɯ-ku
« sommet de l’arbre » de si « arbre » et tɯ-ku « tête ».
tɤ-ɕɤ-ɣrum
« orge blanc », de tɤ-ɕi « orge » et ku-ɣrum « blanc ».
Ce procédé n’est jamais systématique. On peut composer des mots composés sans y
avoir recours. Sun (1998a : 109) a noté un phénomène similaire en tshobdun.
Une explication possible pour les correspondances faisant intervenir -ɤ et -ɯ dans la
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première syllabe d’un dissyllabe serait que le processus d’état construit aurait été
appliqué à la première syllabe.
japhug
signification
tibétain
signification
rkɤ-snom
pantalon
rkang-snam
id.
rɤ-woŋ
responsabilité
rang-dbang
liberté
praʁ ɬɤ-rɲaŋ
falaise
brag lha rnying
« falaise
des
dieux
anciens »
kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkʰɤr
tourner dans le ciel
bya ‘khor
« oiseau » -- « tourner »
pjɤ-rgɤt
vautour
bya-rgod
id.
ʁlɤ-wur
soudain
glo-bur-du
id.
sɤ-grɤl
frontière
sa-gral
id.
tɕɤ-mɯ
nonne
jo-mo
id.
kʰɤ-ndɯn
lecture de sutras
kha-’don
id.
ɬɤ-ftsɤs
endroit sur le toit où l'on
lha ??
plante un rlung-rta et où l'on
élève un tas de silex
lɤ-sar
nouvel an
lo-gsar
id.
rdɤ-mbɯm
tas de pierre
rdo-’bum
id.
rɟɤ-skɤt
escalier
rgya-skas
escalier chinois
rɟɤ-tsʰa
plaque de sel
rgya-tshwa
sel chinois
rnɤ-βʑi
casserole à
rna-bzhi
« quatre oreilles »
quatre poignées
rnɤ-jɯ
boucle d’oreille
rna-yu
id.
rtɤ-ltɕaʁ
fouet à cheval
rta-lcags
id.
sɤ-pɕoʁ
endroit
sa-phyogs
id.
196
sɤ-stoŋ
endroit vide
sa-stong
id.
sɤ-ʑaŋ
champs
sa-zhing
id.
tsʰɤ-mbɤr
grande lampe à beurre
*tsha-’bar
kɤ-nɯ-tsʰɤ-tʂot
avoir la fièvre
tsha-drod
fièvre
Tableau 147 : Emprunts ayant -ɤ comme première syllabe de dissyllabe.
Pour quelques-uns de ces exemples, on peut admettre que le vocalisme irrégulier de
la première syllabe est dû à une resyllabification : dans rta-lcags :: rtɤltɕaʁ « fouet à
cheval », le tibétain rta-lcags serait devenu *rtal-cags, forme qui donne régulièrement le
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
japhug rtɤltɕaʁ.
japhug
signification
tibétain
signification
mdʐɯ-ɕɯɣ
punaise
‘dre-shig
id.
kʰrɯ-tsu
dix mille
khri-tsho
id.
cʰɯ-sɲu
rage
khyi-smyo
id.
lɯ-toʁ
récolte
lo-tog
id.
mdzɯ-mɤr
bovidé brun
mdzo-dmar
yak hybride rouge
mdzɯ-kɤr
bovidé blanc
mdzo-dkar
yak hybride blanc
mɯ-tɕʰɯ-mɯ-rɯs
toute sorte de
*mi chi mi rigs
mɯ-ndʐa-mɯ-χtɕɯɣ toute sorte de
mi-’dra-mi-gcig
id.
rɯ-mu
dessin
ri-mo
id.
rtsɯ-dʐɯɣ
compte
rtsi-sgrig
id.
rtsɯ-ɕaŋ
plante
rtsi-shing
id.
mpʰrɯ-mdɯt
groupe de neufs nœuds
*’phreng mdud
nœuds en guirlande
ʑi-wa-rɯ-mtɕʰɤt
un type de cérémonie
zhi-ba ri-mchod id.
Tableau 148 : Emprunts ayant -ɯ comme première syllabe de dissyllabes.
Dans le tableau ci-dessus, nous n’avons pas inclu les syllabes en –u, qui
correspondent à -ɯ de façon régulière. Parmi les cas de –i correspondant à -ɯ, une partie
vient probablement de dialectes Amdo où le changement -i → -ə s’était produit, comme
rtsɯ-ɕaŋ « plante » par exemple. Pour le cas de mpʰrɯ-mdɯt, voir la tentative
d’explication en 3.1.3.1.
Le processus par lequel des composés déjà formés en tibétain ont pu subir un
procédé morphologique propre au japhug n’est pas clair.
197
3.2.3.7
Formes non-attestées en tibétain classique.
Le japhug a emprunté des mots de dialectes tibétains dont certains mots n’ont pas, à
ma connaissance, été écrits en tibétain classique. Dans ce chapitre, lorsqu’un tel mot était
cité, nous avons écrit la forme tibétaine hypothétique avec une astérique. Certains mots
sont des formes légèrement différentes de mots attestés en tibétain classique. Dans
d’autres cas, il s’agit de composés sans équivalent ailleurs.
tibétain
forme
signification
classique
hypothétique
de la forme
japhug
signification
du japhug
hypothétique
khrims-khang *mkhrims-khang prison
mkʰrɯm-kʰaŋ
prison
(Amdo),
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tribunal (tibétain
classique)
phag ze
poil de cochon
pʰaʁ-rzi
id.
rkang gcig pa *rkang rgyal
« pied » - « roi »
rkoŋ-ɟɤl
démon à un pied
sga-skya
*skya-sga
gingembre
tɕa-zga
id.
*skyag-gtong
« jeter de
rca-χtoŋ
une insulte
kɯ-fkra-χsɤl
voir clair
mɯ-tɕʰɯ-mɯ-rɯs
toute sorte de
mpʰrɯ-mdɯt
groupe de neufs
*phag-rdze
l’excrément »
*bkra gsal
« bariolé et clair »
*mi chi mi rigs
*’phreng mdud
« nœuds en
guirlande »
*thag ‘khor
nœuds
« corde » - « roue »
thaʁ-ŋkʰor
moulin à prière
que
l’on
fait
tourner entre les
doigts
*spang sram
« loutre
des
spoŋ-srɤm
pâturages »
bya ‘khor
« oiseau »
un
mammifère
non identifié
-
kɤ-rɯ-pjɤ-ŋkʰɤr
« tourner »
tourner dans le
ciel, ruminer sur
une idée
*sgar-shing
zgɤr-ɕaŋ
« tente » – « bois »
perche qui sert à
dresser la tente
*’tshog zangs
« rassembler »
-
mtsʰoʁ-zaŋ
« cuivre »
bassine
en
cuivre pour faire
bouillir
le
thé
pour les moines
*kha rbod
« bouche »
kha-rwut
fièvre aphteuse
« malédiction »
198
*gong bdag
« supérieur »
-
kʰoŋ-daʁ
ancêtre
ŋgu-ʁar
tissu de laine
« maître »
*’go (snam) bal
« tissu » « laine »
Tableau 149 : Emprunts japhug de formes tibétaines non-attestées dans la langue classique.
On doit y rajouter deux verbes, kɤ-βzgɤr et kɯ-mbus, qui requièrent une discussion
spéciale.
Le verbe kɤ-βzgɤr « envahir, retarder » vient de deux verbes tibétain non-attestés
dans les textes : une forme *sgor-ba, dérivée par préfixe s- de ‘gor-ba « retarder », et dont
la forme passée ou future serait *bsgor. Une telle forme donnerait régulièrement la forme
attendue βzgɤr en japhug d’après les règles qui nous avons établies.
L’autre origine de ce verbe en tibétain est un deuxième verbe non-attesté, *sgar-ba
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« envahir », signifiant originellement « planter son campement » (sgar ‘debs en tibétain
classique). Il s’agirait d’une dérivation verbale du nom sgar « campement » du tibétain
classique. La forme passée ou future de ce verbe serait préfixée de b-, d’où *bsgar, forme
d’où il est aussi possible de dériver régulièrement βzgɤr.
Le verbe kɯ-mbus « déborder » doit être le dérivé d’une forme non attestée en
tibétain classique *’bos, apparentée au tibétain classique sbos « déborder ». La
correspondance de la rime –os :: –us au lieu de –os :: -ɤs pourrait indiquer qu’il s’agit d’un
emprunt de la couche ON2, donc antérieur à C ; mais il est aussi possible que ce mot soit
un cognat plutôt qu’un emprunt.
Ces exemples semblent contredire le principe d’utiliser les préinitiales inexplicables
par le tibétain classique comme critère pour distinguer cognats et emprunts (voir la
section 3.2.1.3). En fait, tous les mots du Tableau 149 sont des dissyllabes, ce qui montre
qu’il ne pourrait s’agir de cognats. Pour kɤ-βzgɤr, la forme même de la racine (présence
de l’antépréinitiale w-) montre qu’il ne peut s’agir d’un cognat.
En conclusion, si une forme japhug n’est pas entièrement réconciliable avec le
tibétain, on peut montrer malgré tout que c’est un emprunt si l’on dispose d’un argument
fort pour le démontrer (bisyllabisme, innovation propre au tibétain) ou que l’on est en
mesure de prouver qu’il s’agit d’une corruption du mot originel (voir 3.2.1.3.1 et 3.2.1.3.5).
3.2.4
Conclusion
L’étude systématique des emprunts au tibétain en japhug nous a permis de proposer
des critères pour distinguer cognats et emprunts. Même s’il subsiste un doute pour
certains mots lorsque les correspondances des emprunts et des cognats sont semblables
ou que les emprunts sont proto-rgyalronguiques, l’étude de la phonologie historique des
199
langues qianguiques permettra dans le futur d’y répondre.
Les emprunts nous fournissent également des informations précieuses sur les
changements phonétiques, nous permettant de dater et d’ordonner chronologiquement
ces changements, ce que la phonologie historique des langues rgyalronguiques seule ne
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permet pas.
200
4 Phonologie historique du japhug
La phonologie historique des langues rgyalronguiques est un sujet d’une grande
complexité, et il ne sera pas possible ici de procéder à une reconstruction complète du
proto-rgyalrong. Nous reconstruisons ici une proto-langue idéalisée, où les distinctions
présentes en japhug sont projetées sous la forme qu’elle pouvaient avoir en
proto-rgyalrong. Nous incluons certaines distinctions que le japhug a perdues sans laisser
de trace, dans la mesure où nous sommes certains de la reconstruction, et qu’elles
permettent de rendre plus harmonieux le système : par exemple, la médiale *w a selon
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nous disparu après les vélaires en japhug, ne laissant de trace qu’en zbu, mais nous la
reconstruisons en PGR sur la base du zbu car la médiane *w a laissé une trace en japhug
après les dentales, et nous ne voulons pas reconstruire un système aberrant où cette
médiane ne se retrouverait qu’après les dentales.
Cette
proto-langue
sera
appelée
proto-rgyalrong
restreint
(PGR).
Cette
reconstruction n’est pas à confondre avec le proto-japhug, car elle est basée davantage
sur la comparaison avec les autres branches du rgyalronguique que sur les variétés de
japhug. En effet, la diversité des dialectes japhug est trop réduite pour parvenir à
reconstruire le système ancien. Nous avons toutefois pris en compte systématiquement
cette variété dans notre système. Le PGR ne représente pas un état de langue
synchronique, car certaines parties de la reconstruction peuvent être plus anciennes que
d’autres. C’est toutefois un modèle qui permet de comprendre la phonologie historique du
japhug, et c’est dans cet esprit que nous avons réalisé cette reconstruction.
Dans le précédent chapitre, nous avons étudié la stratification des emprunts et des
cognats entre le tibétain et le japhug. Comme la phonologie historique et l’étude des
emprunts sont deux domaines intimement liés, nous avons été obligé d’utiliser dans le
chapitre précédent des conclusions tirées du présent chapitre. Pour éviter tout risque de
circularité, nous exclurons les emprunts de notre présent travail sur la phonologie
historique, et nous ne nous servirons pas des mots japhug cognats avec le tibétain pour
établir des changements phonétiques : aucune règle phonologique entre PGR et japhug
ne sera proposée sur la seule base d’un mot ayant un rapport au tibétain.
Nous ne nous servirons pas ici des adjectifs / adverbes expressifs, même si une
partie d’entre eux est peut-être héritée du proto-rgyalrong, car cette classe de mots est
mal décrite dans les sources publiées, et nous n’avons pas effectué une recherche
extensive sur cette classe de mots dans d’autres langues que le japhug de kɤmɲɯ.
201
Il existe peu de langues rgyalronguiques bien décrites. A part le dialecte oriental de
So-mang tiré du dictionnaire de Huang et Sun (2002) et du travail de Hsie (1999) et Lin
(2000) sur le rgyalrong oriental de Cog-tse, aucune travail publié sur une langue
rgyalronguique ne donne suffisamment d’information pour être employée dans ce travail.
En particulier, nous avons renoncé à nous servir des données de Duoerji (1998) sur la
langue de dGe-shi-rtsa. Lorsque pour un exemple particulier nous employons le dialecte
de Cog-tse plutôt que celui de So-mang, nous indiquons après le mot en question HFF
(Hsie Fengfan 1999) ou LYJ (Lin You-jing 2000). Nous employons parfois ces données
plutôt que celles du dictionnaire de Huang et Sun pour plusieurs raisons : premièrement, il
manque certains mots importants dans ce dictionnaire, deuxièmement certaines
distinctions n’y sont pas transcrites (notamment les oppositions entre palatales et
palato-alvéolaires et entre /a/ et /ɐ/). Comme le somang et le cogtse sont deux dialectes
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très proches (plus proches l’un de l’autre que le japhug de kɤmɲɯ ne l’est de celui de
gSar-rdzong), l’emploi de plusieurs dialectes différents ne pose pas de problème pour la
mise en évidence des correspondances. Dans les rares cas où le cogtse et le somang
diffèrent, nous avons indiqué les formes des deux dialectes.
Nous avons travaillé sur un nombre important de dialectes japhug à part celui de
dDong-brgyad de kɤmɲɯ, nous disposons de données sur les parlers de gDong-brgyad
des hameaux de mɤŋi, rqaco, mɤrʑa, smɯlju et le dialecte de gSar-rdzong de ɬajaʁ. Lin
You-jing nous a également prêté ses notes de terrain sur le dialecte japhug de Da-tshang.
En dehors du japhug, nous avons recueilli un lexique de la langue de zbu (dialecte de
fkərsə̂m). Notre travail de terrain sur le zbu a été limité à un mois, les données présentées
dans ce travail sont de nature préliminaire, car elles peuvent contenir des erreurs.
Nous nous sommes limité dans cette étude à trois dialectes japhug :
z
kɤmɲɯ (forme citée de façon prioritaire si aucune autre information n’est
donnée)
z
gSar-rdzong
z
Da-tshang (ces données nous ont été aimablement communiquées par Lin
You-jing)
Par ailleurs, nous ne nous sommes servi que de deux langues en dehors du japhug
z
rgyalrong oriental (somang et cogtse)
z
zbu
Dans ce travail, nous étudierons les rimes et les initiales pour lesquelles la
comparaison avec le rgyalrong oriental (somang et cogtse) et le zbu est possible. Une
partie des initiales et des rimes n’étant attestée que dans les emprunts au tibétain et les
mots expressifs, elles ne seront pas prises en compte dans ce chapitre. Tous les autres
mots seront systématiquement inclus. Toutefois, étant donné le caractère préliminaire de
notre travail sur le zbu et le fait que nous employons des données de seconde main sur le
202
rgyalrong oriental, il est certain que nous n’avons pas pu rassembler l’ensemble des
cognats de ces deux langues avec le japhug. Dans de nombreux cas, notamment avec
les groupes de consonnes, nous n’avons trouvé qu’un seul exemple pour étayer nos
reconstructions : ces reconstructions basées sur un seul exemple doivent donc être
considérées avec précaution.
Aucune section spéciale ne sera consacrée aux médianes : les problèmes
concernant cette position dans la syllabe seront étudiés soit dans la section sur les rimes,
soit dans celle sur les initiales.
Cette comparaison nous permettra de reconstruire une partie des changements
phonologiques du PGR. En dehors du rgyalronguique, nous nous servirons du birman et
du chinois archaïque comme points de repère car ces langues conservent les consonnes
finales mieux que les langues rgyalronguiques actuelles. Dans d’autres cas, nous
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
emploierons le tangoute et le pumi59 qui sont plus proches du rgyalrong.
Notre travail sur la reconstruction est divisé en trois parties :
z
L’accent tonal (une brève section où nous montrerons l’absence de cette
catégorie phonologique en japhug).
4.1
z
Les rimes du japhug (résumé des correspondances p.266).
z
Les initiales du japhug (résumé des correspondances p.332).
Accent tonal
On sait qu’il existe un accent tonal dans la plupart des langues rgyalronguiques, mais
aucune trace de phénomènes similaires ne peut être détectée en japhug : on ne trouve ni
accent lexical, ni occlusive glottale finale phonologique dans aucun dialecte japhug en
considération. Les accents ne seront donc pas reconstruits en PGR, mais ils ont
certainement existé en proto-rgyalronguique. Toutefois, étant donné que nous faisons
usage de données du zbu et du somang qui ont des systèmes d’accent tonal, il nous a
semblé important d’expliquer ici nos notations.
Comme l’a montré Sun (2000b, 2002), en zbu, lorsque l’accent tombe sur la dernière
syllabe en syllabe ouverte, on trouve un contraste entre des rimes glottalisées (que nous
notons -ʔ comme dans tə-ɣbeʔ « joue ») et non-glottalisées (que nous notons par un ton
tombant -^ comme dans rgonbê « monastère »). En syllabe fermée, l’opposition est entre
ton haut (que nous notons par un accent aigu comme dans rgɐ́m « boîte ») et ton tombant
59
Nos données tangoutes sont tirées du dictionnaire de Li Fanwen (1998), mais nous utilisons la
reconstruction de Gong Hwang-cherng, en indiquant le ton et le numéro de la rime. Nos données du
pumi viennent de Huang et al. (1992), mais aussi de Lu (1998). Le numéro indiqué après le signe # en
tangoute est la référence dans le dictionnaire de Li Fanwen pour permettre au lecteur une vérification
immédiate.
203
(que nous notons avec un accent circonflexe comme dans skɐ̂m « bœuf à viande »).
Enfin, l’accent tombe parfois sur une autre syllabe que la dernière comme dans le mot
ʁɐ́ltə « vent », auquel cas nous notons la syllabe acccentuée avec un accent aigu.
En somang et en cogtse, il existe un système d’accent tonal similaire à celui que
nous venons de décrire pour le zbu, comme l’a montré Hsie (1999) pour le cogtse : on
distingue deux tons (plat glottalisé et tombant) lorsque l’accent porte sur la dernière
syllabe du mot, et aucune distinction lorsque l’accent tombe sur une autre syllabe que la
dernière. Dans leur dictionnaire du somang, Huang et Sun notent sur la dernière syllabe
des mots une opposition entre trois tons : 55, 53 et 33. Une comparaison avec les
données de Hsie (1999) sur le cogtse montre que ce que Huang et Sun notent 55 et 53
correspondent au ton tombant de Hsie, que que ce qu’ils notent 33 correspond au ton plat
glottalisé de Hsie. Il ne semble pas que l’opposition entre 55 et 53 représente une
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distinction réelle dans aucune variété de somang ou de cogtse : c’est une transcription
inconsistante. Aussi, pour faciliter la lecture, nous avons retranscrit les tons des données
du dictionnaire de somang de Huang et Sun (2002) dans la notation utilisée par Hsie
(1999) et Lin (2001) dans leur travail sur le cogtse. Etant donné que le somang et le
cogtse sont des dialectes très proches, cette adaptation ne pose aucun problème.
Les correspondances des catégories tonales entre le somang et le zbu ne sont pas
entièrement régulières. Une des raisons pour certaines irrégularités est que la
morphologie verbale dans ces deux langues fait intervenir des alternances tonales (Sun
2000a, Lin 2003).
4.2
Rimes du japhug
Parmi les rimes du japhug moderne, seule une partie provient de mots hérités du
proto-rgyalrong. Nous reproduisons ci-dessous dans le Tableau 150 les rimes du japhug
de kɤmɲɯ tirées du chapitre sur la phonologie, où les rimes rares et marginales sont
indiquées entre parenthèses.
204
Labiales
-p
-a-
Apicales
Laminale
-β
-m
-t
-n
-s
-l
-r
-aβ
-am
-at
-an
-as
(-al)
-ar
-e-
Dorsales
-j
-ɣ
-ʁ
-ŋ
(-aɣ)
-aʁ
-aŋ
-oʁ
-oŋ
(-et)
-ɤ-
-ɤβ
-o-
-ɤm
-ɤt
-ɤn
-ɤs
-ɤl
-ɤr
-ɤj
-om
-ot
-on
-os
(-ol)
-or
(-oj)
(-it)
(-in)
(-is)
(-il)
-ɯm
-ɯt
-ɯn
-ɯs
-ɯl
-um
(-ut)
(-un)
(-us)
-i-ɯ-
(-ɯp)
-ɯβ
-u-y-
-ɤɣ
(-ij)
-ɯr
-ur
-ɯɣ
(-uj)
-ɯŋ
(-uɣ)
(-yt)
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Tableau 150 : Rimes du japhug moderne.
Certaines consonnes finales du japhug ne se retrouvent quasiment jamais dans des
mots cognats avec d’autres langues rgyalronguiques. C’est le cas de -p, de -l, de -n, de -ŋ
et de -j. Si l’on exclut les adjectifs expressifs, on ne trouve que les exemples suivants
dans le Tableau 151 :
japhug
sens
somang / cogtse
kɤ-rŋil
faner
kə-ɲál
kɯ-mkʰrɯn
avare
kə-mkʰrə̂ŋ HFF
kɯ-rkaŋ
robuste
kə-rkaŋ
kɤ-sɤ-luj
recouvrir
ka-sə-lî HFF
Zbu
kɐ-sə-ɣliʔ
complètement
tɤ-muj
plume
kɤ-wij
fermer les
ta-mŋí
yeux
tɤ-ɣmbɤj
ki-ɣmbɐ́-vɐ
face d’une
montagne
kɤ-nɯ-mqɤj
se disputer
kɐ-mqɐʔ, mqʰiʔ
qɤj
blé
qɐʔ
kɤ-rɤ-lɤj
pétrir la pâte
kɐ-lniʔ
sɤjku
bouleau
sí
Tableau 151 : Mots rgyalronguiques ayant les finales -j, -l, -n et -ŋ en japhug.
Nous ne proposerons pas de reconstruction pour ces mots. Nous parlerons du mot
kɯ-rkaŋ « robuste » dans la section sur le -o du japhug. La rime -ɤj sera étudiée dans la
205
section sur les rimes en syllabe ouverte à voyelles antérieures (4.2.1.3). Le cas de tɤ-muj
sera abordé dans la section 4.3.2.1.
Les mots en syllabe fermée avec /o/, à part -om et -oʁ, sont excessivement
rares parmi les mots reconstructibles ; on ne trouve que les trois exemples indiqués dans
le Tableau 152 :
japhug
sens
tsɯʁot
Somang
faisan (Phasianus
ɕi-rû
Zbu
tsə́-χoχ
colchicus)
tɤ-scos
lettre
ta-scós
kɤ-ntɕʰos
utiliser
ka-ptɕʰô
kɐ-ntɕʰɐʔ, ntɕʰiʔ
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Tableau 152 : Mots rgyalronguiques ayant les rimes -os et -ot en japhug.
Le mot pour le faisan est complètement irrégulier, c’est un mot expressif comme
d’autres noms d’oiseau. Les exemples en -os seront abordés dans la section sur la rime
-o du japhug.
Par ailleurs, aucun des mots communs aux langues rgyalronguiques n’a -am en
japhug.
Pour ces raisons, nous limiterons notre travail aux rimes indiquées dans le tableau
Tableau 153 :
-β
-a-
-m
-aβ
-t
-s
-r
-at
-as
-ar
-ɤt
-ɤs
-ɤr
-ɣ
-ʁ
-j
-aʁ
-e-ɤ-
-ɤβ
-ɤm
-ɤɣ
-ɤj
-i-o-ɯ-u-
-om
-ɯβ
-ɯm
-um
-oʁ
-ɯt
-ɯs
-ɯr
-ɯɣ
-ur
Tableau 153 : Rimes du japhug étudiées dans ce chapitre.
Les finales -β, -ɣ et -ʁ du japhug remontent à des occlusives *-p, *-k et *-q en PGR.
Leur prononciation est variée dans les dialectes japhug. A kɤmɲɯ, ces finales sont
voisées comme l’indique la transcription. La finale que nous notons -ʁ est en fait une
pharyngale dans cette langue. A gSar-rdzong, une occlusive -p correspond au -β de
kɤmɲɯ, et des fricatives sourdes -x et -χ aux fricatives sonores -ɣ et -ʁ de kɤmɲɯ. Les
finales -ɣ et -ʁ sont en distribution complémentaire dans le dialecte de kɤmɲɯ (à
206
l’exception du mot ʑaraɣ « gén. 3p »), mais comme nous allons le montrer, ce n’était pas
le cas en PGR.
4.2.1
Rimes du japhug en syllabe ouverte : voyelles antérieures et -a
Il y a sept voyelles en japhug de kɤmɲɯ, et elles sont toutes attestées en syllabe
ouverte. Parmi les rimes héritées du proto-rgyalrong, on peut remarquer que certaines
voyelles apparaissent presque uniquement en syllabe ouverte (si l’on met de côté un
exemple du Tableau 151) : les voyelles antérieures /i/, /e/ et /y/. En revanche, la voyelle
/ɤ/ n’apparaît jamais en syllabe ouverte. Dans cette section, nous traiterons des rimes
ouvertes –a, -e et –i du japhug et de leurs correspondances avec les autres langues
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
rgyalronguiques.
4.2.1.1
Rime -a du japhug
Le Japhug -a correspond quasiment toujours à –a ou -ɐ en rgyalrong oriental
(somang), mais il correspond à six rimes différentes en zbu : -e, -ie, -i, -ɐ, -ʌ et -a. Nous
présenterons ici les données en trois parties :
z
Les cas où le japhug -a correspond à -a en somang et à des voyelles antérieures
en zbu (-i, -e, -ie) (Tableau 154)
z
Les cas où le japhug -a correspond à -a en somang et à une voyelle ouverte en
zbu (-ʌ, -ɐ, -a) (Tableau 155)
z
Les cas irréguliers, en particulier ceux où le japhug -a correspond à des rimes à
consonne finale en zbu ou en somang (Tableau 156).
sens
japhug
somang
zbu
Autres langues
(kɤmɲɯ)
ca
chevrotain
câ HFF
cʰa
alcool
cʰâ HFF
ɣurʑa
cent
pə-rjâ
və-rɟî
Tang. jir 2.72 #2798
Tib. brgya
jla
hybride de
vache
et
tə-jlâ
ʎɟeʔ
kə-mbâ
kə-mbieʔ,
de
yak
kə-mba
mince,
profond
peu
mbiê
207
kɤ-cʰa
pouvoir
cʰâ HFF
kɤ-ɕpa
pouvoir
ka-ɕpá
kɤ-fka
être rassasié
kə-fka
kɤ-ɣɤla
mouiller
kɐ-sə-wlá
Tang. lhji 2.10 #1036
Tib. bzha’
kɤ-ɣɤtɕa
avoir tort
ka-wa-tɕá
kɤ-ɣɤ-xpra
ordonner
ka-wa-kpra
kɐ-sə-vrjî,
Tang. phji 1.11 #749
<sə-vrjieʔ
kɤ-mɟa
prendre,
kɐ-vʎɟeʔ, vʎɟî,
ramasser un
vʎɟoʔ
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objet
kɤ-mna
guérir
kə-mnâ
kɤ-ndza
manger
ka-zá
Tang. dzji 1.10 #4517
Tib. za zos
Bir. câ
kɤ-nɤɕqa
supporter
kɐ-nɐɕqê
kɤ-nɯna
se reposer
ka-nənâ
kɐ-nnê,<nnî
kɤ-ntɕʰa
découper la
ka-ntɕʰâ
kɐ-ntɕʰeʔ,
Tib. bsha’ bshas
ntɕʰî, ntɕʰoʔ
viande
kɤ-qʰa
détester
ka-kʰâ
kɤ-rla
détacher
ka-ldá
kɤ-rtsa
stériliser un
ka-rtsá
animal femelle
kɤ-sɤla
kɐ-sɐldɣî,
faire bouillir
Tang. le ̣ 1.65 #4664
<sɐldɣeʔ
kɤ-sɤtsa
kɐ-sɐtsɣwî,
fermer (à clé)
sɐtsʰɣweʔ
kɤ-sɤʑa
commencer
kɤ-sta
se réveiller
kɤ-ta
mettre
ka-sajá
kɤ-stʰɣiʔ, <
Tang. tjị 1.67 #5449
ka-tá
Bir. tʰâ
kɤ-tɣa
récolter
tə-kpá
kɐ-tɣwî
« récolte »
kʰijŋga
rhododendron
jgɐ̂ HFF
kʰɯtsa
bol
kʰətsá
kʰrɯ-zwa
riz cuit
kʰri-zbá
kɯ-mpja
chaud
kə-mpjâ
kɯ-nɤtsa
adapté
ka-natsá
208
kɯ-ra
devoir
Tang. rjar 1.82 #5523
râ
Bir. rá
mbala
bœuf
mbolâ
mboleʔ
mdzadi
puce
ndzajé
nɯŋa
vache
nəŋá
qa-cʰɣa
renard
kə-tʰûi
ʁɐ-cɣwiʔ
qa-ɕpa
grenouille
kʰa-ɕpâ
ʁɐ-spieʔ
Tang. piẹ 1.66 #499
Tib. sbal
Bir. pʰâ
qa-la
lapin
ka-lá
qa-mɯr-wa
chauve-souris
mbərwá
qa-rma
gallinacé
ka-rmâ
ʁɐ-rmeʔ
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(Crossoptilon)
qra
femelle de yak
ka-rá
qʰriʔ
sla
lune
tsə-lá
ki-zdɣî
Tang. lhjị 2.60 #2814
« un mois »
Tib. zla
tə-kʰa
pied (longeur)
tɤ-jpa
neige
ta-jpâ
tɤ-rmbja
éclair
ta-bjá
tɯ-ɕɣa
dent
tɯ-swâ
Bir. lá
kə-kʰeʔ
Tang. wjị 1.67 #4091
tə-ɕɣweʔ
Tang. śjwi 1.10 #169
Tib. so
Bir. swâ
tɯ-ɕna
nez
Tang. njii 2.12 #5700
tə-ɕná
Tib. sna
Bir. hna kʰôŋ
tɯ-ftsa
neveux
tə-tsá
tɯ-ɣmba
joue
tə-ʑbâ
tɯ-mɟa
mâchoire
tə-mɟâ HFF
tɯ-mɲa
flèche
tə-mɲá
Tib. tsha-bo
tə-ɣbeʔ
tə-mɲeʔ
Bir. mrâ
« archet »
tɯ-ɲcɣa
faucille
tə-ntuâ
tɯ-ngra
salaire
tə-wrá
tɯ-ŋga
habit
tə-wɐ̂
Tib. mda
tə-ɲcɣweʔ
Tang. dźjị 1.67 #5436
tə-ŋgwiʔ
Tang.
gjwi
2.10
#4906
Tib. bgo
tɯ-rŋa
visage
tɯ-rpa
hache
ɕə-rpâ
tə-rŋeʔ
Tib. ngo
tə-vrieʔ
Tang. wji ̣ 1.67 #5203
斧 *bpaʔ > pjuX
tɯ-tɣa
empant
tə-tə-wá
209
tɯ-tʰa-scos
le savoir
tə-tʰa-scôs
tɯ-xpa
année
tə-pâ
və-viê
Tang. wji
1.10 #2712
tɯ-xtsa
chaussure
tɯ-zda
compagnon
wɯɟa
cuillière
βɣaza
mouche
kɯ-sna
utilisable
tə-ktsâ
tə-xtseʔ
və-zdeʔ
kə-dʑá
ɣuzeʔ
kə-sná « bon »
kə-sniʔ
« bon »
χcʰa-pɕoʁ
ka-tɕʰá
droite
ʁɐ́-cʰi
Tang.
tśier
1.78
#2547
kɯ-mba
mince, peu
kə-mbâ
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
profond
kə-mbieʔ,
Bir. pâ
mbiê
Tang. bji 1.11 #1475
Tableau 154 : Correspondances du japhug -a (voyelles antérieures en zbu).
On trouve 30 cas où le -a du japhug correspond à une rime à voyelle antérieure en
zbu, comme on le voit dans le Tableau 154. Ces correspondances sont complexes, mais
comme on peut le constater, elles sont obscurcies par la flexion verbale : dans les
alternances de thème, -e / -ie alterne avec -i (par exemple, « ordonner » kɐ-sə-vrjî, <
sə-vrjieʔ). La distribution entre -e et -ie, en revanche, est plus facile à cerner : -ie se
retrouve dans les syllabes à initiales labiales, -e dans les autres (tə-ɣbeʔ « joue » étant
une exception). Le birman et le chinois nous indiquent que ces rimes viennent d’une
voyelle ouverte préservée en japhug et en somang, et que le zbu a subi une évolution
phonétique.
Entre le japhug et le somang, les correspondances sont plus simples. Le -a japhug
correspond toujours un -a ou un -ɐ en somang, avec une seule exception inexplicable :
kə-tʰûi « renard » (qa-cʰɣa en japhug). Le somang maintient une distinction entre -a et -ɐ
qui est perdue en japhug, puisque dans cette langue /ɤ/ n’apparaît pas en syllabe ouverte
en dehors de quelques conjonctions non-accentuées.
Le japhug -a correspond aussi aux voyelles ouvertes -ɐ, -ʌ et -a en zbu, dans les
exemples que nous avons rassemblés dans le Tableau 155 ainsi qu’un exemple (tɐ-χɐ̂
« col de montagne ») du Tableau 156 :
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
kɤ-lɣa
creuser
ka-rwâ
kɐ-lwɐʔ, <lwɐʔ, lwiʔ
kɤ-nɤma
travailler
ta-má
kɐ-nɐmɐʔ
Autres langues
« travail »
kɤ-nɯ-ʁrɯ-ʁra
grimper
kɐ-mɐ-lqʌʔ, mɐlqî
210
kɤ-sqa
ka-skâ
cuire
kɐ-sqʌʔ, sqʰɐʔ, sqeʔ
ɣjii
Tang.
1.14
#4629
kɤ-βʁa
gagner
kɤ-χa
manquer un
ka-pká
kɐ-vʁʌʔ, vʁɐ̂
kɐ-χɐ̂
morceau
kɯ-ɴqa
dur (travail)
ku-pa
chinois
ŋgɤ-lɤ-ʁɟa
chauve
ta-sa
chanvre
ta-sá
tɐ́-sɐ
tɤ-rka
mule
ta-rká
tɐ-rkɐ̂
tɯ-ldʑa
brin d’herbe
tɯ-rna
oreille
Tib. dka’-ba
kə-ɴɢʌʔ, ɴɢɐ̂
kə-pá
kə-pɐʔ
ŋgo-χɬɐ̂
ki-ldʑɐ̂
tə-rna
Tib. rna
tə-rnaʔ
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Bir. nâ
tɯ-spra
ki spraʔ
une poignée
Tableau 155 : Correspondances du japhug -a (voyelles ouvertes en zbu).
On compte 15 exemples où le japhug -a correspond aux trois rimes à voyelle ouverte
-a, -ʌ et -ɐ en zbu et à -a en somang, comme on peut l’observer dans le Tableau 155, soit
moitié moins qu’avec les voyelles antérieures. Après les uvulaires q-, ɴɢ- et ʁ- du zbu,
c’est la voyelle /ʌ/ qui est présente en thème 1 (mais les autres voyelles peuvent tout à fait
se trouver après ces consonnes aux thèmes 2, 3 et 4). Parmi les deux cas où ces mots
ont des correspondants en dehors du rgyalrong, la rime est -a.
Enfin, on rencontre des correspondances irrégulières, en particulier celles où le
japhug -a correspond à des syllabes fermées en somang et en zbu. Ces exemples sont
rassemblés dans le Tableau 156 :
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
Autres
langues
kɤ-nɤŋka
ronger
ka-waŋkâj
kɤ-ŋga
s’habiller
ka-wát
kɐ-ngwêt,
ngwît, Bir. wat
ngwét
kɤ-sŋa
revivre, se
ka-mə-sŋár
kɤ-sŋêt, sŋît
苏 *as-ŋa > su
ranimer
kɯ-rɤʑa
gratter
kə-rajâk
tɤ-jʁa
col
ta-ŋgák
tɤ-sɲa
tresse
ta-sɲak rí
tɐ-χɐ̂
« brin de
tresse »
211
tɯ-mɢla
pas
kɯ-jka
corbeau à
bec
tə-mglâ
ki-mɢlɐ̂t
kʰə-rkô HFF
kwé-lkwə
rouge
(Pyrrhocorax
pyrrhocorax)
Tableau 156 : Correspondances du japhug -a (mots irréguliers)
Le japhug -a correspond à une rime à syllabe fermée dans une des autres langues,
soit -aj, -ak, -at ou -ar en somang et -et ou -ɐt en zbu. Dans le cas de la correspondance
japhug -a :: somang -ak, on peut supposer l’évolution PGR *-ak > *-aɣ > -a, par opposition
à *-ɐk > -ɤɣ dans les correspondances -ɤɣ :: -ak / ɐk. Ce changement phonétique explique
pourquoi la rime -aɣ n’existe pas en japhug (sauf pour la forme du génitif ʑaraɣ « leur »
qui est un composé tardif de ʑara « pronom 3p. » et de ɣɯ « génitif »). Le *-ak du PGR
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
s’oppose aussi à *-aq qui a donné la rime -aʁ du japhug moderne.
Dans le cas de kɤ-ŋga « s’habiller », le verbe japhug s’est peut-être aligné
analogiquement sur le nom « habit » tɯ-ŋga qui est lui régulier (voir Tableau 154), à
moins que le suffixe –t n’ait eu un rôle dérivationnel en proto-rgyalrong, et que le japhug
n’ait hérité d’une forme non-suffixée. Le cas de kɤ-sŋa « revivre » est intéressant : ce mot
ressemble à la reconstruction du chinois 蘇 *as-ŋa > su « revivre, se réveiller » proposée
par Sagart (1999 : 72), mais ce mot correspond de façon tout à fait irrégulière à des mots
en syllabes fermées dans les autres langues. Il est donc difficile de tirer une conclusion
définitive sur cette étymologie. Enfin, pour le mot kɯ-jka « corbeau à bec rouge », le
somang –o correspondant à –a est peut-être dû à la médiane en PGR *lkwa, mais c’est
une irrégularité, car cette médiane du PGR ne laisse pas de trace sur la voyelle *a en
temps normal (voir la discussion sur les labiovélaires p. 300).
Voici un résumé des correspondances liées à cette rime en PGR :
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
PGR
somang
zbu
-a
-a
-a
*-a
-a, -ɐ
-i, -e, -ie, -ʌ, -ɐ, -a
-a
-a
-a
*-ak
-ak
-ɐ ?
Tableau 157 : Rimes du PGR correspondant à -a dans le dialecte de kɤmɲɯ.
Il est probable qu’il existait en PGR une distinction entre *a et *ɐ en syllabe ouverte
comme dans les autres dialectes, mais comme dans les dialectes japhug actuels la rime
-ɤ n’apparaît jamais en syllabe ouverte sauf dans des conjonctions non accentuées, nous
ne disposons pas de données pour mettre en évidence cette distinction.
212
4.2.1.2
Rimes -e et -ɤj du japhug
Nous discutons dans cette section des correspondances des rimes -e et -ɤj du japhug
de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques, mais aussi avec les autres dialectes
japhug. Cette section est divisée en six parties. Les quatre premières parties traitent de la
comparaison avec les autres langues rgyalronguiques :
z
Les cas où le japhug de kɤmɲɯ -e correspond à -i en somang et à une voyelle
antérieure -i ou -e en zbu (Tableau 158)
z
Les cas où le japhug de kɤmɲɯ -e correspond à -e en somang et à une voyelle
antérieure -i ou -e en zbu (Tableau 159)
z
Les cas où le japhug de kɤmɲɯ -e correspond à -i en somang et à une voyelle
ouverte -a, -ʌ ou -ɐ en zbu (Tableau 160)
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z
Trois exceptions où le japhug de kɤmɲɯ -e n’entre pas dans ces
correspondances (Tableau 161)
Les deux dernières parties traitent des correspondances entre les dialectes japhug :
z
Les cas où le japhug de kɤmɲɯ -e correspondent à -i ou à -oj dans d’autres
dialectes japhug (Tableau 162)
z
La rime -ɤj du japhug de kɤmɲɯ : la distinction entre –e et -ɤj dans le dialecte de
kɤmɲɯ ne se retrouve pas dans les autres dialectes japhug (Tableau 163).
Nous ne proposerons pas une reconstruction différente en PGR pour chacune de ces
correspondances.
sens
japhug
somang
zbu
Autres langues
(kɤmɲɯ)
kɤ-nɤre
rire
ka-narî
kɐ-nɐriʔ
Bir. rɛ
Tang. rjijr 2.68 #4335
kɤ-nɯfse
reconnaître
ka-nəmɕí kɐ-nəfsî, nəfseʔ
kɤ-rʁe
enfiler (une
ka-rkî
aiguille)
kɯ-nɯɲɤmkʰe maigre
kə-nəkʰí
kɯ-qarŋe
jaune
kə-ŋî
kə-ʁɐrniʔ
kɯ-sɤɕke
brûlant
ka-səɕkî
kə-sɐskî, <sɐskʰeʔ
tɤ-ŋe
soleil
ta-ŋí
tɐ-ŋiʔ
tɤ-ste
vessie
ta-stî
tʰɣe
gland
tə-wí
tɯ-ɣe
petits-enfants
tə-pkʰî
tɯ-me
fille
tə-mí
χtʰɣwî
tə-miʔ
Tang. mjij̣ 1.61 #960
213
tɯ-rme
homme
Tang. mjɨr 1.86 #607
tə-rmî
Tib. mi
kɤ-ntsɣe
vendre
kɐ-ntsɣwiʔ
tɯ-mke
cou
tə-mkî
tə-mkeʔ
Tib. ske
tɤ-jme
queue
ta-jmî,
tɐ-lmeʔ
尾 *bmɨjʔ > mjɨjX
Bir. a mrî
cogtse
Tang. mjiij 1.39 #5677
tɐ-jmô
HFF
kɤ-ɕqʰe
tousser
ka-sqʰweʔ, sqʰwê
qa-ndʐe
ver de terre
ʁɐ-ndʑeʔ
Tableau 158 : Correspondances du japhug -e (-i en somang, voyelles antérieures en zbu).
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Dans le Tableau 158, nous avons rassemblé les mots japhug en -e ayant une voyelle
antérieure en zbu (-i ou -e) et la voyelle -i en somang. Par ailleurs, ce tableau inclut aussi
deux groupes de mots ambigus du point de vue de leurs correspondances. D’une part, il
contient des mots japhug sans cognat connu en zbu (par exemple japhug tɯ-rme
« homme » :: somang tə-rmî) qui pourraient aussi appartenir à la correspondance japhug
–e :: somang –i :: zbu –a / -ʌ / -ɐ du Tableau 160, et d’autre part, il contient des mots
japhug sans cognat connu en somang (japhug kɤ-ɕqʰe « tousser » :: zbu ka-sqʰweʔ,
sqʰwê) qui pourraient appartenir à la correspondance japhug –e :: somang –e :: zbu –i / -e
du Tableau 159.
sens
japhug
somang
zbu
Autres langues
(kɤmɲɯ)
Tang. śji 2.9 #4469
kɤ-ɕe
aller
ka-tɕʰê
kɤ-ɕte
contaminer
ka-ɕtɕé
kɐ-stî, stʰeʔ
kɤ-fse
aiguiser
ka-pʰɕé
kɐ-fseʔ, fsî
kɤ-ɣle
frotter
ka-klê
tɤ-rme
poil
ta-rɲê
tɐ-rmeʔ
眉 *bmrɨj > mij
Bir. a-mwê
Tang. mjar 1.82 #2600
Tableau 159 : Correspondances du japhug -e (-e en somang).
Lorsque le japhug -e correspond à -e en somang, il correspond toujours à une voyelle
d’avant -i ou -e en zbu. Une partie des mots du Tableau 158 pour lesquels nous n’avons
pas trouvé de cognat en somang (japhug kɤ-ɕqʰe « tousser » :: zbu ka-sqʰweʔ, sqʰwê)
peuvent appartenir à cette correspondance.
214
sens
japhug
somang
zbu
Autres langues
kɐ-nɐmqʰɐʔ, <nɐmqʰiʔ
Tang. kiej 1.34 #5143
(kɤmɲɯ)
kɤ-nɤmqe
insulter, gronder
kɯ-mbe
ancien
kə-wí
kə-mbʌʔ, mbɐ̂
Tang. wə̣ 1.68 #923
kɯ-βde
quatre
kə-wdî
kə-vldaʔ
Tang. ljɨɨr 1.92 #2205
Tib. bzhi
Bir. lê
tɤ-rte
coiffe
ta-rtî
tɐ-rtʌʔ
tɤ-se
sang
ta-ɕí
ta-saʔ
Tang. sjij 1.36 #2734
Bir. swê
znde
zdî
mur (nom)
zdaʔ
Tableau 160 : Correspondances du japhug -e (-i en somang, voyelle ouverte en zbu).
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Lorsque le japhug -e correspond à une voyelle ouverte -a, -ɐ, -ʌ en zbu, il correspond
toujours à -i en somang. Une partie des mots du Tableau 158 pour lesquels nous n’avons
pas trouvé de cognat en zbu (par exemple japhug tɯ-rme « homme » :: somang tə-rmî)
peuvent appartenir à cette correspondance.
japhug
sens
somang
zbu
Autres langues
(kɤmɲɯ)
kɤ-ɣɤme
effacer
kɐ-səɣmît, səɣmît, səɣmét
kɤ-nɤkʰe
maltraiter
ka-nakʰî
kɐ-nɐkʰô, <nɐkʰoʔ
qa-le
vent
kʰalî
ʁɐ́ltə
Tang. ljɨ 1.29 #2302
Bir. le
tɤ-rɣe
collier
ʁe
gauche
ta-rwú
mkɐ-rgweʔ
qwɐ-juʔ
Tableau 161 : Correspondances du japhug -e (exceptions).
Dans le Tableau 161, on trouve trois exceptions qui ne peuvent se classer dans le
Tableau 158, le Tableau 159 ou le Tableau 160. Au mot japhug kɤ-ɣɤ-me « effacer »,
correspond un mot zbu à syllabe fermée : le japhug –e correspond à -it. Il n’est pas certain
si le -t du zbu est ici plutôt un suffixe ou plutôt une consonne finale qui serait tombée en
japhug. Pour qa-le « vent », le vocalisme anormal en zbu ʁɐ́ltə est peut-être lié à
l’accentuation. Pour tɤ-rɣe < *rbej « collier », l’exception est peut-être due à l’influence de
l’initiale sur la voyelle en somang (voir p. 224 pour un groupe d’exceptions similaires en
zbu).
215
En conclusion pour cette comparaison de la rime -e du japhug avec les autres
langues rgyalronguiques, lorsque le japhug -e correspond à -i en somang, il correspond
soit à une voyelle d’avant en zbu, soit aux voyelles ouvertes -a, -ʌ, -ɐ (Tableau 160) et à
deux exceptions (Tableau 160). En revanche, lorsque le japhug –e correspond à –e en
somang, il correspond toujours à une voyelle antérieure en zbu (Tableau 159). Après
avoir passé en revue les correspondances de la rime –e du japhug de kɤmɲɯ avec les
autres langues rgyalronguiques, nous allons étudier les variations de cette rime à
l’intérieur du japhug.
La rime -e du dialecte japhug de kɤmɲɯ correspond généralement à une diphtongue
-ɛj dans le dialecte de gSar-rdzong, et à –e dans celui de Da-tshang. Lorsque les trois
dialectes suivent cette correspondance, nous reconstruisons *-ej en PGR (voir Tableau
164). Seuls quatre mots ont une rime différente entre le dialecte japhug de kɤmɲɯ et celui
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de gSar-rdzong, comme on peut le constater dans le Tableau 162 :
gDong-brgyad, village de kɤmɲɯ
sens
gSar-rdzong
qa-me
grain de beauté
qa-moj
kɤ-rʁe
enfiler (une aiguille)
ka-rʁoj
ro-rʁe
poutre horizontale
ro-rʁoj
qa-ndʐe
lombric
qa-ndʐi
ʁe
gauche
ʁoj
Tableau 162 : Différences entre dialectes japhug pour la rime -e
Parmi les mots du Tableau 162, deux mots (qa-ndʐe « lombric » et kɤ-rʁe « enfiler
une aiguille ») avaient été cités dans le Tableau 158, et un autre (ʁe « gauche ») dans le
Tableau 161. Les mots qui ont –e en japhug et –oj dans les autres dialectes. Toutefois,
ces rimes ne seront pas reconstruites *-oj en PGR. En effet, dans trois exemples sur
quatre, cette rime *-oj ne se trouve qu’après la consonne /ʁ/ dans la langue moderne, et il
est donc hautement probable qu’elle soit secondaire. Nous proposons de reconstruire
*qwej > -ʁoj (en gSar-rdzong) et > -ʁe (en kɤmɲɯ, peut-être par un état intermédiaire *ʁoj).
Cette règle n’est pas valide lorsque l’occlusive est aspirée, comme le montre la forme
kɤ-ɕqʰe « tousser » < *ɕqʰwej (zbu kɐ-sqʰweʔ). Pour qa-moj « grain de beauté », nous
n’avons pas d’explication, mais les cognats tibétains sme-ba et birman hmáy ont des
rimes dont la voyelle principale est antérieure, ce qui suggère que c’était le cas en PGR
aussi.
Nous n’avons pas d’explication pour l’irrégularité du mot qa-ndʐe « lombric ».
Dans le dialecte japhug de kɤmɲɯ, on trouve une diphtongue -ɤj. Elle est prononcée
216
[ɛj], mais nous la transcrivons phonologiquement ainsi car le /ɤ/ subit l’harmonie avec le
suffixe verbal -a de première personne singulier dans la conjugaison : kɤ-rɤlɤj « pétrir »
devient pɯ-rɤláj-a « j’ai pétri ». Cette rime apparaît le plus souvent dans les emprunts au
chinois ayant la rime -ai, mais on la trouve également dans les mots du Tableau 163, qui
correspondent au zbu -ɐ :
japhug de
japhug de
japhug de
kɤmɲɯ
Sar-rdzong
Da-tshang
tɤ-ɣmbɤj
tɯ-ɣmbɛj
sens
somang
zbu
ki ɣmbɐ́ vɐ
face d’une
montagne
kɤ-nɯmqɤj
kɐ-mqɐʔ,
se disputer
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
mqʰiʔ
qɤj
qɛj
qaj
kɤ-rɤlɤj
ka-rɤlɛj
pétrir la pâte
sɤjku
sɛj
bouleau
qɐʔ
blé
sí
Tableau 163 : Correspondance du japhug -ɤj.
Dans le dialecte japhug de Da-tshang, la rime -aj est une variante allophonique de -e
après les uvulaires. On ne trouve pas de syllabe *qe ou *ʁe dans ce dialecte (le mot
« excrément » tɯ-qe dans le dialecte de kɤmɲɯ, se dit ta-qaj dans celui de Da-tshang).
Cette rime est confondue avec -ɛj dans le dialecte de gSar-rdzong. Nous reconstruisons
cette rime *-ɐj en PGR, ce qui permet à la fois d’expliquer la relation avec le zbu -ɐ et de
rendre compte de sa valeur phonologique /ɤj/ dans le dialecte de kɤmɲɯ. Cette rime *-ɐj
reste distincte du *a-i que nous supposons pour expliquer les alternances de thème 3
(voir la section 5.2.2 p.351).
Or, comme nous avons vu dans le Tableau 56 du chapitre 3 p.88, aucun emprunt
tibétain n’a -e correspondant à la voyelle –e du japhug. La prononciation du *-e du PGR
devait donc s’écarter de celle du –e de la forme de tibétain avec laquelle il a été en
contact.
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
PGR
rgyalrong oriental
Zbu
-ɤj
-ɛj
-e (-aj après uvulaire)
*-ɐj
-i ?
-ɐ
-e
-ɛj
-e (-aj après uvulaire)
*-ej
-e, -i
-i, -e, -a,
-ʌ, -ɐ
-ʁe
-ʁoj
-ʁoj
*-qwej
-ki ?
-qwɐ ?
Tableau 164 : Rimes du PGR correspondant à -e dans le dialecte de kɤmɲɯ.
217
4.2.1.3
Rime -i du japhug
Nous étudions dans cette section les correspondances de la rime –i du japhug de
kɤmɲɯ dans les autres langues rgyalronguiques et les autres dialectes du japhug. Cette
section est divisée en six parties. Les quatre premières traitent des correspondances
entre les langues rgyalronguiques :
z
Les cas où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à -ə / -i en somang et à -ə / -i
en zbu (Tableau 165).
z
Les cas où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à –e en somang et à –e / -i ou
-ə en zbu (Tableau 166).
z
Les cas où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à –e / -i / -a en somang et à -ʌ,
-ə, -a, -ɐ en zbu (Tableau 167).
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
z
Les exceptions où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à des syllabes fermées
ou à des voyelles arrondies –u, -o (Tableau 168).
Les trois dernières parties traitent des correspondances irrégulières à l’intérieur du
japhug :
z
Les cas où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à -ɛj dans le japhug de
gSar-rdzong (Tableau 169).
z
Les cas où le –i du japhug de kɤmɲɯ correspond à -ɪj dans le japhug de
gSar-rdzong (Tableau 170).
z
Les autres correspondances irrégulières où le –i du japhug de kɤmɲɯ
correspond à -ɯs, -a ou –ar (Tableau 171)
sens
japhug
somang
zbu
autres langues
(kɤmɲɯ)
ɣni
renard volant
ka-ɲí HFF
ɣni-vaʔ
kɤ-ftʂi
faire fondre
ka-ptʂî
kɐ-ftɕʰɣwiʔ
kɤ-mbi
donner
ka-wə̂
kɐ-mbəʔ
Bir. pê
Tib. sbyin-pa, byin
kɤ-mbri
kə-mbriʔ
fort (bruit), chanter
(coq), braire (âne)
kɐ-mtsʰiʔ
kɤ-mtsʰi
conduire, surveiller
kɤ-ndzri
tordre
kɤ-nɤsci
changer
kɤ-pri
déchirer
ka-prə̂
ʁɐ-prî
kɤ-rɤli
dédommager
ka-rajlə́́
kɐ-rɐleʔ, rɐlê
ka-tsrî
kɐ-ndzrəʔ
kɐ-fcʰiʔ
218
kɤ-rŋi
kɐ-rŋwiʔ
bleu
Tang. ŋwər
1.84 #257
kɤ-rqʰi
lointain
kə-tɕʰî
kɐ-rqəʔ
kɤ-si
mourir
kə-ɕî
kɐ-səʔ, sə́t
Tang. sji 2.10 #3072
Tib. ‘chi shi
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Bir. se
kə-tɕî
kɤ-tsɣi
pourrir
kɤ-tsʰi
boire
kɤ-ʑŋgi
porter le bois
kə-ʑgî
kɤ-χtɕi
laver
kɯ-cʰi
kə-tsəʔ
kɐ-tʰî, tʰəʔ
Tang. dji 2.10 #2404
ka-rtɕî
kɐ-χtɕʰəʔ
Bir. chê
sucré
kə-cʰî HFF
kə-cʰəʔ
kɯ-fɕi
forgeron
kə-pɕîs
kɯ-mɯsti
seul
tə-ɕtɕî
kɯ-nɯpaɴqi
paresseux
kə-nəpá́ŋke
kɯ-ŋgri
fin (gruau)
kɯ-pɣi
gris
kə-bgî
kə-pʰɣiʔ
kɯ-rʑi
lourd
kə-lî
kə-rɟəʔ
Tang. tjij̣ 1.61 #5356
kə-ŋgriʔ
Tang. ljɨɨ 1.32 #2737
Tib. ljid-po
Bir. lê
kɯ-smi
kə-smî, sməʔ
cuit
Tib. smin-pa
Bir. hmáɲɲ
kɯ-tsri
salé
kə-tsrî
kə-tsriʔ, <tsʰriʔ
kɯ-xtɕi
petit
kə-ktsî
kə-xtɕəʔ
Tang.
tsəj
1.40
#3798
ldɯɣi
bharal
ldəgə̂ HFF
ɯ-di
puanteur, odeur
tə-rí
mi
peuplier
mi-ɕé HFF
mɪʔ
ɯ-ʁari
avant
wu-tʂí
tə-ʁu-rjî
ɯ-rɣi
graine
tə-rpí HFF
tə-rvəʔ
mtɕʰi
argousier
mbo-mtɕʰí
ndʑi-rɯ
lente
mdʑi-rúʔ HFF
qa-ndʑɣi
faucon (falco
kʰa-ldʑî
ndʑi-riʔ
Tang. rjir 2.72 #567
Tib. sro-ma
cherrug)
qa-ndʐi
ʁɐ-ndʐî
salmonidé dont la
viande est
appréciée
qa-ɲi
taupe
qa-pi
silex
qa-rtsʰi
cigale; criquet
ʁá-ɲə
ka-pî
ʁɐ́-və
ʁɐ-ndʑe-rí-ri
219
rgali
génisse
rgwɐ-ləʔ
smi
feu
sə-məʔ
Tang.
məə
1.31
#4408
Tib. me
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Bir. mî
sŋi
journée
sɲí
ta-ʁri
saleté
tə-wrí
tɕaɣi
perroquet
tɕagî
tɕʰorzi
jarre
tɤ-ɕi
orge
tɤ-pɤri
repas du soir
tɤ-ri
fil
ta-rí
tɤ-ʑi-ri
rosée
ɕə-rí
tɯ-ci
eau
tə-ci
tɯ-di
arc
tə́-ʎɟə
tɐ-krəʔ
tɕʰɐ-rzî
swî
tɐ́-ɕə
Tang. śjij 1.35 #2160
tɐ-prî
tɐ́-rzəʔ
Tang. lhjɨ ̣ 1.69 #5667
矢 *blhijʔ > syijX
Bir. lê
tɯ-ɣli
tə-lɣî
engrais
Tang. ljɨ 1.29 #3499
Tib. lci-ba
tɯ-mtɕʰi
lèvres
tə-mtɕʰəʔ
tɯ-mtɕi
matin
tə́-mtɕə
tɯ-ndzɣi
canines
ta-ndzuî
tə-ndʑwɣiʔ
tɯ-ndʐi
peau
tə-ndʐî
tə-ndʑəʔ
Tang.
dźjɨ
1.30
#1153
Bir. a re
tɯ-ɲi
tante (sœur du
ta-ɲî
père)
tɯ-ntsi
ki-tsəʔ
un membre d'une
paire
tɯ-rni
gencive
tɯ-tsi
longévité
tə-rniʔ
Tib. rnyil
Tang. dze 1.8 #2264
tə-tsî HFF
Tib. tshe
tɯ-χpɣi
cuisse
ʑmbri
saule
mbrə-ɕé HFF
ʑŋgri
étoile
tsu-rî
tɤ-χpjiʔ
Tib. byin-pa
zbrəʔ
Tang. biə 1.28 #4252
Tang. gjij̣ 1.61 #109
Tableau 165 : Correspondances du japhug -i (-i et -ə en somang).
Comme on le constate dans le Tableau 165, lorsque le -i du japhug correspond à -i
ou -ə en somang, on trouve ou bien -i ou bien -ə en zbu (à l’exception de pri « ours », voir
220
Tableau 167). Nous avons classé les mots somang en -ə et –i correspondant aux –i du
japhug dans le même tableau, car il existe des alternations entre /i/ et /ə/ dans les
dialectes du rgyalrong oriental auxquels appartient le somang (voir notamment le travail
de Lin 2000 sur le cogtse).
Nous avons inclu dans le Tableau 165 des mots sans équivalents en somang, tels
que kɤ-tsʰi « boire » ou tɯ-χpɣi « cuisse » qui pourraient appartenir à la correspondance
japhug –i :: somang –e que l’on observe dans le Tableau 166.
Les rimes des autres mots doivent venir de voyelles antérieures, puisqu’elles
correspondent à -e ou -i en birman. Les mots japhug tɯ-χpɣi « cuisse » kɯ-smi « cuit »
correspondent à –in en tibétain ou à –aɲɲ en birman, mais comme leurs formes somang
ne sont pas connues60, ces deux mots japhug pourraient tout aussi bien se classer dans
le Tableau 166.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Pour les trois mots tɯ-χpɣi « cuisse », qa-ndʑɣi « faucon » et kɤ-tsɣi « pourrir » dont
le -ɣ- du japhug n’a pas de correspondance dans les autres langues, nous reconstruisons
une voyelle vélarisée en PGR *-iˠ. Dans certaines langues rgyalronguiques, on trouve
encore une série presque complète de voyelles vélarisées (voir Sun 2000b61 ainsi que la
discussion sur la rime –o à la section 4.2.2.1, celle sur la rime –om à la section 4.2.3.2) et
enfin sur la rime –aʁ à la section 4.2.3.7.
sens
japhug
somang
zbu
Autres langues
(kɤmɲɯ)
kɤ-ji
planter
ka-jê HFF
kɐ-jeʔ, jê
田 *aliŋ > den
Tib. zhing-ka « champs »
kɤ-mgri
claire (eau)
kə-wrê
kɤ-sti
enlever ce
ka-ɕtɕé
kɐ-mgreʔ, mgrê
Tang. gjii 1.14 #1598
kə-vərniʔ
Tang. njij 1.36 #1671
qui est en
trop
kɤ-tsʰi
bloquer
ka-tsé́
kɯ-ɣɯrni
rouge
kə-wurnê
Bir. a ni
kɯ-mɤɕi
riche
kə-maɕê
ku-xti
grand
kə-ktê
kə-xtiʔ
mdza-di
puce
ndza-jé
mdzɐ́-ʎɟə
Bir. khwê lhê
Tib. lji-ba
60
Le somang a emprunté au tibétain la forme kə-smə̂n « mûr ».
61
L’idée de l’existence de voyelles vélarisées en proto-rgyalrong et de leur réalisation comme -ɣ- avant
la voyelle principale en japhug vient de Jackson T.-S. Sun (communication personnelle, ‘Bar-khams,
Août 2002).
221
qa-ɕɣi
asticot
kʰəʃué HFF
qa-pri
serpent
kʰa-bré
ʁɐ prî
Tang. phio 2.43 #80
Bir. mrwe
虺 *ahmɨjʔ > xwojX
Tib. sbrul
si
ɕé
arbre
Tang. sji 1.11 #4250
薪 *bsiŋ > sin
Tib. shing
ta-ʁi
petit frère,
tə-tɕê
a-ʁeʔ
petite sœur
tɤ-ɣi
glaise
que
l’on applique
tə-pkê
« boue »
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
sur le toit
tɤ-jtsi
pilier
ta-ntɕʰê
tɤ-ɲi
bâton
ta-ɲê
tɤ-rmi
nom
tə-rmé
Tang. dzjị 2.60 #4399
tɐ-rmiʔ
Bir. a maɲɲ
名 *bmeŋ > mjieng
Tib. ming
tɯ-ɕtʂi
sueur
tə-ɕtʂé
tə-ltɕʰîx
tɯ-mbri
corde
tə-bré
tɐ-mbrəʔ
Tang. bji 2.10 #251
Tib. ‘breng
tɯ-mi
jambe
ta-mé
tə-məʔ
tɯ-mtsʰi
foie
tə-pɕé
tə-mtsʰî
Tang. sji 2.10 #5273
Bir. a sâɲɲ
Tib. mchin-pa
tɯ-pri
message
tə-kpré
tɯ-sni
cœur
tə-ɕné
tə-sneʔ
Tang. njiij 1.39 #2518
Tib. snying
tɯ-βɣi
balle
ta-rpê
ʑŋgri
grenier
zgré
tɐ-ɣviʔ
Tableau 166 : Correspondances du japhug -i (-e en somang).
Comme on peut le constater dans le Tableau 166, lorsque le -i du japhug correspond
à -e en somang, il correspond à -i, -e ou -ə en zbu. Dans ce groupe de correspondances,
on trouve des mots qui viennent de rimes à finale nasale dans un stade antérieur au
rgyalrong (elle correspondent à -aɲɲ en birman, *-iŋ ou *-eŋ en chinois archaïque et -ing
et -eng en tibétain).
Par ailleurs, on trouve dans ce groupe de correspondances des mots qui ne viennent
pas de rimes à nasale, comme le mot kɯ-ɣɯrni « rouge ». Il est donc exclu de
reconstruire une rime *-iŋ / *-in en PGR.
222
sens
somang
kɤ-rɤ-ɣndi
bourrer
ka-rdá
kɤ-ri
rester, laisser,
japhug
zbu
Autres langues
nə-kə-rês
kə-rʌʔ, rɐ̂
Tang. rjir 2.72 #2537
(kɤmɲɯ)
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
laisser couler
kɤ-sti
boucher
kə-ŋaɕtʰé́
kɐ-stâ, stəʔ
kɯ-zri
long
kə-skrə̂n
kə-rzán, kə-rzaʔ
Tang. zjir 2.72 #2858
nɤ-rŋi
bébé
kʰo-rŋâ
tɐ-lŋɐ̂χ
兒 *bŋeʔ > nyeX
pri
ours
prí
praʔ
Tang. rjɨj 2.37 #5605
sarsi
abricot
sqʰi
trépied
stɕâ
sqi
dix
ɕtɕé
tɯ-rmbi
urine
sə-rsɐʔ
sɐʁɐʔ
Tang. bjị 1.67 #5509
tə-rbâ
Tableau 167 : Correspondances du japhug -i (voyelle ouverte en somang ou en zbu).
Dans le tableau Tableau 167, le -i du japhug correspond à des voyelles ouvertes en
zbu et aussi en somang. On avait déjà remarqué un phénomène similaire dans les
sections précédentes : la double correspondance des rimes –e et –a du japhug avec aussi
bien des rimes antérieures (Tableau 154, Tableau 158, Tableau 159) que des rimes à
voyelles ouvertes (Tableau 155, Tableau 160) en zbu. La différence ici tient au fait que le
–i du japhug correspond parfois à des voyelles antérieures en somang et pas seulement
en zbu.
La reconstruction du mot kɯ-zri « long » est particulièrement problématique. Dans le
dialecte de gSar-rdzong on trouve kɯ-srɤn, dans celui de Da-tshang kə-skrən comme en
somang. En zbu, deux formes kə-rzán et kə-rzaʔ sont attestées, sans différence de sens
significative. Cette alternance entre -i et -ɤn en japhug est sans doute due à un ancien
processus de suffixation dont la fonction n’est plus claire aujourd’hui. En PGR, comme en
zbu actuel, la forme suffixée et la forme non suffixée étaient déjà présentes, mais le
dialecte de kɤmɲɯ n’a conservé que la forme non suffixée kɯ-zri tandis que les autres
dialectes ont conservé des formes suffixées.
japhug (kɤmɲɯ)
kɤ-ɕmi
sens
mélanger
somang
un
zbu
ka-ɕmû
kɐ-sŋwiʔ
kɐ-vəʔ
Autres langues
liquide
kɤ-ɣi
venir
ka-pô, pi
kɤ-mi
s’éteindre
kə-rmé́k HFF
kɤ-rɤɕi / kɤ-rɤɕit
tirer
ka-raɕé́t
223
kɤ-ti
dire
ka-tsə́s
Tang.
tshjiij
1.39
#5612
kɤ-tsʰi
attacher très
ka-tsʰik
serré
kɤ-βli
planter
ka-plû
mti
turquoise
mə-ték HFF
qa-ɟɤɣi
avoine
qa-ndʑi
étain
ka-ʑə́k
qa-ʑmbri
plante grimpante
tə-wró
tɯ-mci
salive
tə-məɕtʰék
tɯ-mcʰîx
tɯ-rgi
sapin
tə-rpʰû
tə́-rgwə
βʑindi
bande molletière
ʑo-ndé
vʑo-ndév
ʁɐ́-wət
锡 *aslek > sek
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Tableau 168 : Correspondances du japhug -i (exceptions).
Comme on le voit dans le Tableau 168, le japhug -i correspond dans certains cas à
des syllabes fermées -ək, -ik et –et et -ek en somang et –ix en zbu. Dans les cas où la
syllabe est fermée en –k en somang ou en somang, nous reconstruisons une syllabe
fermée *–ik en PGR.
Pour le cas du verbe kɤ-ti « parler », il ne convient pas de reconstruire un *-s en PGR.
En effet, le somang a probablement généralisé le suffixe -s du passé à tous les thèmes de
ce verbe.
Le verbe kɤ-ɣi « venir » est encore différent. L’irrégularité de la voyelle est ici du au
fait que le japhug correspond au thème 2 pi du rgyalrong oriental et non au thème 3 po
(Lin 2003 : 251).
Pour les deux cas où l’on trouve une finale –t en somang ou en zbu, nous n’avons
pas d’explication : il est impossible de reconstruire un changement *-it > -i, car autrement
le verbe kɤ-ɣɯt « apporter » dérivé de kɤ-ɣi « venir » par un suffixe *-t applicatif n’aurait
pas pu développer une rime -ɯt. Par ailleurs, on doit noter que pour le verbe kɤ-rɤɕi
« tirer » en japhug de kɤmɲɯ on rencontre une forme alternative kɤ-rɤɕit de même sens,
où le –t a été conservé.
La perte de l’occlusive finale -k après -i explique l’absence de rime *-iɣ en japhug.
Pour le cas de βʑindi « bande molletière », le zbu vʑondév suggèrerait de reconstruire
*-ip en PGR, mais nous reconstruisons *-ip pour une partie de la rime -ɯβ (voir 4.2.3.1
p.242).
Pour les mots kɤ-ɕmi « mélanger » et tɯ-rgi « sapin », on constate une
correspondance japhug –i :: somang –u. Pour ces deux mots, on doit reconstruire des
consonnes initiales labiovélaires *ɕŋw- et *rgw- en PGR. La forme –u du somang est
probablement due à l’influence du *w : *-wi > /u/ (voir aussi p.316). On trouve un cas
224
similaire avec le mot tɤ-rɣe « collier » (voir p. 215)
En conclusion pour cette comparaison de la rime -i du japhug de kɤmɲɯ avec les
autres langues rgyalronguiques, nous avons vu que lorsque le japhug –i correspond à –i
ou -ə en somang il correspond à –i ou -ə également en zbu (Tableau 165), lorsque le -i du
japhug correspond à -e en somang, il correspond à -i, -e ou -ə en zbu (Tableau 166), le
japhug –i correspond à des voyelles ouvertes en somang ou en zbu (Tableau 167), et
enfin des exceptions diverses où le japhug –i correspond à des voyelles arrondies ou à
des rimes fermées (Tableau 168). Nous allons à présent passer en revue les différentes
correspondances du –i du dialecte de japhug de kɤmɲɯ avec les autres dialectes japhug.
La rime -i du dialecte de kɤmɲɯ a des correspondances variées au sein-même du
japhug. A part -i, il correspond aussi à -ɯs, à -ɛj, à -ɪj, et même à -a et à -ar dans le
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
dialecte de gSar-rdzong.
japhug
sens
(kɤmɲɯ)
japhug
japhug
(gSar-rdzong)
(Da-tshang)
tɯ-ɕtʂi
sueur
tɯ-ɕtʂɛj
tə-ɕtʂe
tɯ-mci
salive
tɯ-mtʂɛj
tə-mtʂe
kɤ-ntsʰi
choisir
ka-ntsʰɛj
ka-ntsʰe
kɤ-si
mourir
ka-sɛj
ka-se
kɤ-tsʰi
attacher,
kɤ-tsʰɛj
somang
zbu
tə-məɕtʰék
tɯ-mcʰîx
kə-ɕî
kɐ-səʔ,-sə́t
ka-tsʰík
étrangler
qʰɤ-ndi
dans quatre
qʰo-ndɛj
jours
Tableau 169 : Correspondance kɤmɲɯ -i :: gSar-rdzong -ɛj.
Lorsque le kɤmɲɯ -i correspond à -ɛj dans le dialecte de gSar-rdzong et à -e dans
celui de Da-tshang, nous reconstruisons *-e en PGR. Ce phonème s’est confondu avec -i
à kɤmɲɯ et avec -ɛj à gSar-rdzong. Il n’est reconstructible que pour cinq des mots du
Tableau 169. Pour kɤ-tsʰi « étrangler », on doit reconstruire une consonne finale en PGR
comme le montre la forme du somang ka-tsʰík. La forme du mot « salive » en japhug de
gSar-rdzong et de Da-tshang est irrégulière et peut-être formée par analogie avec le mot
« sueur » : le japhug de kɤmɲɯ aurait conservé la forme archaïque.
Le dialecte de gSar-rdzong est par ailleurs le seul parmi tout les dialectes japhug à
maintenir une distinction entre -i et -ɪj.
japhug
sens
(kɤmɲɯ)
kʰari
japhug
tibétain
(gSar-rdzong)
turban
kʰɤrɪj
225
kɤ-rɤli
dédommager
ka-rɤlɪj
tɯ-mdi
tout le monde
tɯ-mdɪj
tɯ-mi
jambe
tɯ-mɪj
mi
peuplier
mɪj
ŋgorli
bœuf sans corne
ŋgorlɪj
tɤ-pi
grand frère, grande
tɯ-pɪj
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
sœur
rgali
génisse
rgalɪj
ʁmbɣi
soleil
ʁmbɣɪj
tɤ-rpi
sutra
ta-rpɪj
sqi
dix
sqɪj
tɯ-βɣi
balle
tɯ-βɣɪj
βʑindi
bande molletière
ʑindɪj
kɯ-ɣɯrni
rouge
kɯ-wurnɪj
ʁmaʁmi
soldat
ʁmaʁmɪj
dmag-mi
χpi
histoire
χpɪj
dpe
ɯ-pɕi
dehors
pʰɪj
phyi
tɯ-rni
gencive
tɯ-rnɪj
rnyil
tɤ-rtsi
huile de porc
ta-rtsɪj
rtsi
sɯŋgi
lion
sɯŋgɪj
seng-ge
sa-li
arbalète
sa-lɪj
kɯ-nɯpaɴqi
paresseux
kɯ-nɯpaɴqɪj
Tableau 170 : Rime -ɪj du dialecte de gSar-rdzong correspondant à -i dans le reste du japhug
On remarque d’emblée que la plupart des mots de la liste peuvent se ranger dans
trois classes : les mots à initiale labiale, les mots à initiale l- et les mots à préinitiale r-.
Toutefois, on trouve dans le dialecte de gSar-rdzong des exemples où des mots ayant
ces propriétés ont la voyelle -i : tɯ-pi « hôte », tɯ-rmbi « urine », kɤ-mbi « donner », sarsi
« abricot », ka-wɤɕqali « crier fort », smi « feu » etc (ces mots sont identiques au dialecte
de kɤmɲɯ, sauf pour tɯ-pi « hôte » (on trouve l’emprunt tibétain ndʐuwa < ‘gro-ba à la
place) et pour le verbe « crier fort » qui se dit kɤ-ɣɤɕqali).
On remarque qu’un certain nombre d’emprunts du tibétain dans la langue de
gSar-rdzong ont la voyelle -ɪj. Cela signifie que dans une période plus reculée de l’histoire
de ce dialecte (en PGR), la rime -ɪj du dialecte de gSar-rdzong devait être la plus proche
de -i. D’autres emprunts ont certes -i pour le -i tibétain : tɕoχtsi « table », kʰri « lit » et
mɯzi « poudre », mais il peut s’agir de mots empruntés après le changement. Nous
reconstruisons *-i en PGR pour la rime qui devient -ɪj, et *-ij pour la rime qui est -i dans
tous les dialectes japhug. Le *-i simple s’est diphtongué dans le dialecte de gSar-rdzong,
226
et le *-j a empêché le *i de diphtonguer.
Le seul problème pour cette reconstruction est l’existence d’une rime -ij en japhug de
kɤmɲɯ dans le mot kɤ-wij « fermer les yeux ». Etant donné que nous n’avons pu
retrouver ce mot ni dans d’autres langues rgyalronguiques, ni même dans d’autres
dialectes japhug, nous n’en tiendrons pas compte.
sens
japhug
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
(kɤmɲɯ)
japhug
japhug
(gSar-rdzong)
(Da-tshang)
kɤ-mgri
se troubler
ka-mgrɯs
kɤ-tsʰi
barrer la route
ka-tsʰɯs
kɤ-βli
planter
ka-βlɯs
kɯ-ɴqʰi
sale
kɯ-ɴqʰar
tɯ-ndzɣi
canine
tɯ-ndzɣa
xɕelwi
tique
xɕelwɤs
kə-ɴqʰar
Tableau 171 : Autres correspondances irrégulières de la rime -i du dialecte de kɤmɲɯ.
Dans les cas où le kɤmɲɯ -i correspond à -ɯs dans le dialecte de gSar-rdzong
(Tableau 171), nous reconstruisons *-i et *-is en PGR. Il s’agit sans doute pour ces trois
verbes d’un -s du passé généralisé à toutes les formes. Le dialecte de kɤmɲɯ a lui
généralisé la forme non-suffixée.
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
PGR
rgyalrong
Zbu
oriental
-i
-ɛj
-e
*-e
-i
-ə
-i
-ɪj
-i
*-i
-i, -e, -ə
-i, -e, -ə, -a, -ʌ, -ɐ
-i
-i
-i
*-ij
-i, -e, -ə
-i, -e, -ə, -a, -ʌ, -ɐ
-i
-i, -ɛj
-i
*-ik
-ik, -ək, -ek
-ix
-i
-ɯs
?
*-is
?
?
-ɣi
-ɣi
-ɣi
*-iˠ
-i
-i, -ə
Tableau 172 : Rimes du PGR correspondant à -i dans le dialecte de kɤmɲɯ.
4.2.1.4
Conclusion
Les rimes -a, -e et -i du japhug de kɤmɲɯ ont en commun de correspondre à deux
types de voyelles dans le dialecte de zbu : des voyelles antérieures (-i, -e) et des voyelles
ouvertes (-a, -ɐ, -ʌ). Nous n’avons pas tenu compte de ces correspondances dans la
reconstruction du PGR, mais il sera certainement nécessaire de le faire pour reconstruire
le proto-rgyalrong.
227
Nous avons montré l’existence en PGR d’une finale -j et reconstruit les rimes *-ɐj, *-ej,
et *-ij. Nous reconstruisons également deux voyelles antérieures *-e et *-i.
Les langues extérieures au rgyalrong (chinois archaïque, birman et tibétain) que
nous avons employées semblent indiquer que le vocalisme du zbu est innovateur.
Toutefois, dans les langues qianguiques, le vocalisme de certains mots s’accorde avec le
zbu : ainsi le mot « sang » japhug tɤ-se, zbu ta-saʔ qiang sɑ, pumi sa13, muya sa53 a une
voyelle ouverte dans toutes les langues qianguiques sauf le japhug et le rgyalrong oriental.
Or, il est probable que le birman swê « sang » soit un cognat de ce mot. Il n’est donc pas
aisé de déterminer quelle langue, du zbu ou du japhug, a le vocalisme le plus archaïque
dans cette rime.
Les consonnes finales *-k et parfois *-t du PGR disparaissent devant les voyelles
d’avant et devant le *-a du PGR, ce qui explique que des rimes telles que -aɣ ou –it soient
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
marginales voire quasiment non-attestées en japhug de kɤmɲɯ.
4.2.2
Rimes du japhug en syllabe ouverte : voyelles postérieures.
Parmi les voyelles postérieures du japhug moderne, seules /ɯ/, /u/ et /o/
apparaissent en syllabe ouverte, /ɤ/ se restreignant aux syllabes fermées. Contrairement
à la situation complexe que l’on observe avec les voyelles antérieures, les
correspondances du japhug de kɤmɲɯ -o et –u sont très régulières aussi bien avec les
langues rgyalronguiques qu’à l’intérieur du japhug. Les correspondances du japhug de
kɤmɲɯ -ɯ avec les autres dialectes sont légèrement plus complexes.
4.2.2.1
Rime -o du japhug
sens
somang
zbu
Autres langues
co
vallée
cçokʰá HFF
tɣaʔ
Bir.twaŋ « puits »
cɤ-mtsʰo
musc
tɕa-msó
fso
demain
só-sɲi
fsə-fsîs
Tang. sjij 1.36 #5500
japhug
(kɤmɲɯ)
Tib. sang nyin
ɣʑo
kə-tɕʰə wujɐ̂
abeille
Tib. sbrang
Bir. yaŋ « mouche »
蝇 *alɨŋ > ying
kɤ-ɣɤjmŋo
rêver
ta-rmô
tə-lmɐʔ, vɐlmî,
Tang. mjiij 1.39 #330
vɤlmeʔ
Bir. hmaŋ-ca-sáŋ
« somnambulisme »
Vieux Tib. rmang-lam
228
kɤ-mto
ka-mtó́
voir
kɐ-mtɐʔ, mtʰɐʔ,
Tib. mthong
mtiʔ
kɤ-ndo
kɤ-nɤ-jo
tenir, prendre
attendre
ka-ndo
kɐ-ndɐ̂,
« avoir »
ndəʔ
ka-najó́
kɐ-nɟɐʔ,
ndəʔ,
<nɟiʔ,
Tang. ljiij 2.35 #5522
<nɟiʔ
kɤ-nɤmɲo
ka-namɲô
regarder
kɐ-nɐmɲɐʔ,
Bir. mraŋ
<nɐmɲiʔ,
nɐmɲiʔ
kɤ-ngo
tomber malade
ka-nəwô
kɤ-nɯkro
partager,
ka-krô
ŋo 2.42 #2857
kɐ-ngɐʔ, <
Tang.
kɐ-nɐʔ, <, niʔ
Tang. njij 2.33 #638
distribuer
kɤ-no
ka-nô
chasser
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
讓 *bnaŋ-s > nyangH
Bir. hnang
kɤ-ŋgio
glisser
kɤ-pɣo
tourner
kə-ndʑô
un
fil
ka-pó
entre les doigts
kɤ-pʰɣo
fuir
ka-pʰô
kɐ-pʰâ, pʰɪ̂
Tang. bọ 2.62 #2451
kɤ-ʁɟo
rincer
ka-rdʑó́
kɐ-səʁʎɟɐ̂,
Bir. kyâŋ
səʁʎɟəʔ,
səʁʎɟeʔ
kɤ-rɲo
essayer, goûter
ka-rɲô
kɤ-sco
raccompagner
ka-scçóʔ
kɐ-rɲɐʔ, <, rɲî
Tib. myong-ba, myangs
HFF
kɤ-sɤmɯtso
dire clairement
ka-səmtsó́
« transmettre »
kɤ-sɯso
penser
səsô ka-pa
kɐ-səsɐʔ, <
想 *bsaŋʔ > sjangX
kɯ-ɕo
propre
kə-ɕô
kə-ɕɐ̂, ɕʌʔ
Tang. sow 1.54 #4461
kɯ-ɣɤmbɣo
sourd
ta-wó́
kə-vambaʔ
Tang. ba 1.17 #1391
Bir. pâŋ
kɯ-mbro
haut
kə-mbrô
kə-mbrɐʔ, <
Tang. bjɨ 1.30 #4511
Bir. mráŋ
kɯ-ɲo
déjà préparé
kə-ɲô
kɯ-rko
dur
kə-rkô
kə-nkʌʔ, nkɐ̂
硬 *aŋraŋ-s > ngraengH
Tib. mkhrang-po
kɯ-so
vide
kə-só́
kɯ-ʑo
léger
kə-jô
Tib. stong
kə-jɐʔ, <
Tang. .jij #3807
Tib. yang-po
kuxtɕo
hotte
kə-ɕɐʔ
229
mbɣo
charrue
mbo-tû
mbro
cheval
mbró
mbrɐ
Bir. mrâŋ
qa-ʑo
mouton
kə-jó
ʁiɐʔ
Tang. .jij 2.33 #3452
羊 *blaŋ > yang
Tib. g.yang dkar
qro
pigeon
ɕtʂó
tɤ-rmbɣo
tambour
tə-rbó
tɤ-sno
selle
ta-ɕnó
tɤ-tʰo
pin
tʰo-ló
qʰrɐ̂
Tang. khjij 2.33 #3626
tɐ-tʰɐ̂
Bir. thâŋ rû
Tib. thang shing
tɯ-jno
légume
ta-jnô
tɯ-ro
poitrine
ta-rô
Tang. nju 1.3 #4789
tə-rɐ̂
Bir. rang
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Tib. brang
tɯ-rqo
gorge
tə-rqwʌʔ
tɯ-zgo-ɕɤrɯ
colonne
tə-zgɐ-ldʐəʔ
Tang. kor 1.89 #458
vertébrale
tɯ-ʑo
soi-même
tə-jó
Tang. .jij 1.36 #1245
Tib. rang
Tableau 173 : Correspondances du japhug -o dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le constate dans le Tableau 173, la rime -o du japhug est remarquable
parmi les rimes du japhug pour la régularité de ses correspondances avec les autres
langues rgyalronguiques. Elle correspond à -o en somang et à -ɐ, -a et -ʌ (dans un cas)
en zbu. Elle correspond systématiquement à -aŋ en birman et à *-ɨŋ et *-aŋ en chinois
archaïque (14 exemples sur 42 sans exception). Nous reconstruirons donc *-aŋ pour cette
rime en PGR. On trouve en tibétain quelques exemples où cette rime du rgyalrong
correspond à -ong (kɯ-so, kɤ-mto)62, mais rien dans les autres langues n’autorise à
distinguer une double origine pour cette rime. Nous avons vu dans la section 3.2.3.1
p.182 que certains emprunts du tibétain ont subi le changement de *-aŋ à -o.
La seule exception à ce changement est le mot kɯ-rkaŋ « robuste » correspondant
au somang kə-rkâŋ, mot apparenté au japhug kɯ-rko « dur » et au tibétain mkhrang-po
« dur ». Il ne peut pas s’agir d’un emprunt, étant donné la métathèse du /r/ et l’absence
d’aspiration à l’initiale. Cette exception est anormale aussi bien en japhug qu’en rgyalrong
oriental. La seule explication possible est qu’il s’agit d’un emprunt dans ces deux langues
à un parler rgyalrong (comme le tshobdun) ayant subi le changement *-aŋ → -o plus
tardivement que ces deux langues : le mot aurait alors été emprunté après le changement
62
D’autant plus que la comparaison kɯ-so :: stong-ba « vide » est peut-être incorrecte. Nous
reconstruisons donc *mə-taŋ en PGR pour kɤ-mto « voir ».
230
*-aŋ → -o en japhug et en somang, mais avant que *-aŋ ne devienne une rime en syllabe
ouverte dans cet autre dialecte. Ce dialecte ne peut pas être le zbu, car dans celui-ci, le
mot « dur » kə-nkʌʔ, nkɐ̂ a une préinitiale différente.
La rime -ɣo avec une médiane sans équivalent dans les autres langues correspond à
-a en zbu, et aucun autre exemple ne correspond à cette voyelle. Nous reconstruisons ici
une rime vélarisée *-aˠŋ pour ces cas. Pour le verbe kɤ-ɣɤjmŋo « rêver », le -ŋ- est un -ɣnasalisé par l’initiale, et l’on doit donc reconstruire *-aˠŋ pour cette rime également.
Toutefois, on trouve ici -ɐ au lieu de -a en zbu. Cette particularité s’observe aussi dans le
nom de lieu noté So-mang en tibétain (chinois : suomo 梭磨 ; originellement de nom de
l’affluent du Daduhe 大渡河 qui passe par ‘Bar-khams, également le nom d’un village),
qui se dit sɤmŋo en japhug. On peut reconstruire *somaˠŋ ou *sɐmaˠŋ pour ce nom en
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
PGR.
sens
japhug
somang
zbu
Autres langues
(kɤmɲɯ)
kɯ-ɣɤndʐo
froid (temps)
ta-dʐók
Tang. dźjij 1.36 #735
kɤ-rŋo
emprunter
ka-rŋâ
kɐ-rŋɐ̂, rŋî, rŋeʔ
kɤ-nŋo
échouer, perdre
ka-nŋâ
kɐ-nŋəʔ, nŋɐ̂
kɤ-sɤŋo
écouter
ka-rəŋná
kɐ-sɐŋɐʔ, sɐŋî, <
qro
fourmi
kʰorók
qʰrôχ
Tang. kjiwr 1.88 #2768
Bir. prwak
Tib. grog-ma
kɤ-kʰo
donner, passer
kɐ-kʰɐ̂m
Tang. khjow 1.56 #1105
Tableau 174 : Exceptions à la correspondance japhug -o :: somang -o :: zbu -ɐ / -ʌ / -a.
Le verbe statif kɯ-ɣɤndʐo « être froid » pourrait être un emprunt au tibétain grang-mo
« froid », mais la forme somang montre qu’une consonne finale est tombée. Une situation
similaire s’observe pour la forme du japhug qro « fourmi » : on attendrait *qʰroʁ. Nous ne
proposerons pas de reconstruction pour ces deux mots.
La forme du zbu kɐ-kʰɐ̂m « donner, passer » est la généralisation du thème 3 à tous
les thèmes (en japhug, le thème 3 de cette forme est kʰɤm, voir la section 5.2.2 p.351).
On remarque enfin trois mots, ka-rŋâ « emprunter », ka-nŋâ « perdre » et ka-rəŋná
« écouter » qui ont -a en somang là où on attendrait -o. Ces trois mots on comme point
commun d’avoir une initiale ou une préinitiale ŋ-. Il s’agit peut-être d’une dissimilation
*Cŋaŋ → Cŋa en rgyalrong oriental. Si cette hypothèse est vraie, alors les autres racines
en -Cŋo du somang qui n’ont pas de cognats en japhug telles que ka-nasŋó « gronder »
ne peuvent venir que de *-o et non de *-aŋ dans la proto-langue, car il ne devrait pas
exister de syllabes *Cŋaŋ en proto-somang.
231
Enfin, on peut reconstruire une rime *-aŋs en PGR pour le mot kɤ-ntɕʰos « utiliser »,
qui correspond à kɤ-ptɕó en somang et à kɐ-ntɕʰɐʔ, <ntɕʰiʔ, ntɕʰiʔ en zbu.
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
PGR
rgyalrong
Zbu
oriental
-o
-o
-o
*-aŋ
-o
-ɐ, (-ʌ)
-ɣo
-ɣo
-ɣo
*-aˠŋ
-o
-a
-os
-os
-os
*-aŋs
-o
-ɐ
Tableau 175 : Rime -aŋ en PGR.
4.2.2.2
Rime -u du japhug
Comme nous le verrons en 4.2.2.3 p.237, la distinction entre la rime -ɯ et la rime -u
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
ne s’opère pas de la même façon à travers les dialectes japhug. En effet, le -u du japhug
de gSar-rdzong correspond parfois au -u, et parfois au -ɯ du dialecte de kɤmɲɯ. Dans
cette section, nous étudierons uniquement les cas où l’on trouve -u dans les deux
dialectes. Les cas où le japhug de gSar-rdzong a –u correspondant au kɤmɲɯ -ɯ seront
étudiés dans la section 4.2.2.3 (Tableau 179).
japhug(kɤmɲɯ)
ɕku
somang
sens
ɕkó
oignon
zbu
skwəʔ
Autres langues
Tang. kjụ 1.59 #2278
Tib. sgog-pa « ail »
kɤ-ɕlu
labourer
tə-ɕló́
kɤ-ɣɤwu
pleurer
ka-nawowô
kɤ-jʁu
courbé
ka-rgorgó́
kɤ-kʰu
crier
ka-ŋa-kʰô
kɤ-mɯnmu
bouger
kɐ-mənmó́
kɤ-mu
avoir peur
ka-nəmó́
kɤ-naʁju
se
kɤ-pu
curer
les
Tang. ŋwu 2.1 #3399
kɐ-məlmuʔ
Tang. mju 2.3 #4174
kɐ-pəʔ, puʔ,
Tang. pju 2.3 #4413
ka-naktɕó
dents
« fouiller »
cuire dans les
ka-pô
poʔ
braises
kɤ-qru
accueillir
ka-kró
kɐ-nqʰrəʔ
kɤ-rku
mettre dans
ka-rkô
kɐ-rkwə́t,
Tang. khjuu 1.6 #4040
rkʰút
kɤ-sɤndu
échanger
ka-ɕandó
kɤ-sɯsu
vivant
kə-səsô
kə-səsû
Tang. sjwụ 2.52 #487
Tib. ‘tsho-ba
232
kɤ-stu
droit
ka-stó́
kɐ-stuʔ,
<stʰuʔ
kɤ-tʰu
demander
ka-tʰó
kɯ-jŋu
serment
kə-jŋó́ ká́-pa
kɯ-maqʰu
tard
ka-məŋkʰú́
kə-mɐʁû,
<mɐʁoʔ
kɯ-mŋu
cinq
kə-mŋô
kə-mŋɐ̂
Tang. ŋwə 1.27 #1999
Tib. lnga
kɯ-mu
ku-mu
tétras
(tetraogallus
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
tibetanus)
kɯ-ɴɢu
relâché
kə-ɴɢwəʔ
kɯ-rpu
heurter
kɐ-rpʰuʔ
kɯ-stu
assidu
ka-skô
kɐ-stuʔ,
Tang. ku 1.4 #5890
Tang. twụ 1.58 #5128
<stʰuʔ
kɯ-tsʰu
gros
kɯ-ʑŋgu
batelier
ɯ-rqʰu
peau, écorce
tə-rkʰó
ndʑu
bambou
ndʑó
ndʑu
baguettes
ta-ndʑó
paʁ-ɟu
verrat
tɤ-jlu
pâte
tɐ-jlô HFF
tɤ-lu
lait
tə-ló
Tang. tshwu 1.1 #984
kə-tsʰó́
kə-zŋgwə
paʁ-jəʔ
tɐ-ltʰəʔ
Tang. lhju 1.3 #3065
Tib. zho
« yaourt »
tɤ-mdzu
épine
tə-mdzóʔ HFF
tɐ́-mdzə
tɤ-mu
mère
tə-mô
tɤ-ru
chef de village
ta-rô HFF
tɐ-roʔ
tɤ-tʂu
lampe
ta-tʂʰó
tɐ-tɕʰû
tɤ-βɟu
matelas
ta-pjó
tɯ-jaʁndzu
doigt
ta-jak-ndzó
tə-ndzwɣəʔ
tɯ-ku
tête
ta-kó
tə-kuʔ
Tang. ljuu 2.6 #922
Tang. ɣu 1.4 #2750
Tib. mgo
tɯ-mdʑu
langue
tə-mdɣiʔ
tɯ-ŋgru
tendon
tə-wró
tɯ-pju
moëlle
tə-pjóʔ HFF
Tang. lhuu 2.6 #2801
tɯ-pu
intestin
tə-pô
Tang. wju 2.2 #2926
tə-ŋgrəʔ
Tang. gju 2.3 #1907
Tib. pho-ba
« estomac »
tɯ-rcu
veste
tə-rtɕó
233
tɯ-rju
parole
tɯ-xtu
ventre
tə-rjô
tə-xtuʔ
intérieur
«
du
ventre »
tʂu
tʂə-la
chemin
Tableau 176 : Correspondances du japhug de kɤmɲɯ -u dans les autres langues
rgyalronguiques.
Comme on peut le constater dans le Tableau 176, le -u du japhug de kɤmɲɯ
correspond quasiment toujours à -o en rgyalrong oriental et à -u, -o et -ə en zbu. Nous
reconstruisons ici *-o en PGR : nous venons de voir que le -o du japhug moderne venait
de *-aŋ en PGR. Tout comme pour la rime -ɯ, le vocalisme du somang est ici plus
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
archaïque.
Les exceptions sont limitées aux quelques exemples dans le Tableau 177 :
sens
japhug
somang
zbu
Autres langues
(kɤmɲɯ)
tsʰuɣru
soude; alcali
tsʰə-wré
kɤ-rɤ-ru
se lever
ka-rwâs
kɐ-rʊ́t, <rút
ŋu
être
ŋôs
ŋoʔ
kʰu
tigre
kʰûŋ
Tang. ŋwu 2.1 #508
Vieux tibétain
gung
Tableau 177 : Exceptions à la correspondance japhug -u :: somang -o
Le cas de kʰu « tigre » sera abordé dans la section suivante.
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
PGR
rgyalrong
Zbu
oriental
-u
-u
-u
*-o
-o
-ə, -u, -o
Tableau 178 : Rime -o en PGR.
4.2.2.3
Rime -ɯ du japhug
La prononciation de cette voyelle varie selon les dialectes japhug. Dans celui de
kɤmɲɯ, nous l’avons transcrite /ɯ/, mais dans celui de Da-tshang, Lin You-jing la transcrit
/ʊ/. La distinction entre /u/ et /ɯ/ dans les autres dialectes du japhug est loin d’être simple.
Certaines variétés ont perdu la distinction entre -ɯ et -u (dialecte de rqaco). Les dialectes
japhug de l’est opèrent la distinction entre ces deux phonèmes d’une façon différente du
japhug de kɤmɲɯ. Cette section est divisée en deux parties :
z
Les cas où le -ɯ du japhug de kɤmɲɯ correspond à –u en somang et les
234
correspondances avec le japhug de gSar-rdzong (Tableau 179).
z
Les exceptions, où il correspond à -ə, -i ou à des syllabes fermées (Tableau 180)
japhug
japhug
(kɤmɲɯ)
(gSar-rdzong)
ɕkɤrɯ
sens
somang
zbu
Autres
langues
ɕkó-ro
espèce d’ovin
(Capricornus
sumatraensis)
ɣzɯ
ɣzɯ
singe
kə-tsú
ɣzəʔ
kɤ-cɯ
ka-cu
ouvrir
ka-tû
kɐ-tɣwɐʔ,
Tang. thjwɨ 1.30
<tʰɣwɐʔ,
#70
tɣwiʔ
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kɤ-cɯ
kɤ-ɕtʂɯ
ka-ɕtʂu
hiberner
tɕú
confier,
ka-ɕtʂú
déposer chez
qqn
kɤ-ɣɤjɯ
kɤ-ɣɤmɯ
ka-wɤju
ka-wɤmu
ka-waju
ajouter
louer,
faire
lhu
kɐ-zjû,
Tang.
zjoʔ, zjə̂m
#5621
kɐ-mdzoʔ
Tang. dzuu 2.5
1.1
ka-wamú́
l’éloge
kɤ-mdzɯ
ka-mdzɯt
s'asseoir
#2396
坐 *adzoʔ >
dzwaX
kɤ-mɯrkɯ
ka-mɯrkɯ
voler
kɐ-mərkəʔ,
Tang. kjur 2.70
mərkʰiʔ
#5904
Bir. khûi
Tib. rku brkus
kɤ-mɯskʰrɯ
ka-mɯskʰru
être enceinte
Tang. kwər 1.84
ka-məskrú́
#860
d'un enfant
Bir. kuiy
Tib. sku
« corps »
kɤ-ndzɯ
ka-ndzɯ
éduquer
kɐ-zú HFF
kɤ-nɯrtsɯ
ka-nɯrtsu
ramper
ka-nərtsú́
kɤ-qrɯ
ka-qrɯ
tailler
kɐ-nəxtsuʔ
kɐ-qʰrəʔ
(vêtements),
broyer,
dépaqueter
kɤ-rmbɯ
ka-rmbɯ
amasser
kɐ-rbuʔ
235
kɤ-ʁndɯ
ka-ʁndu
battre qqn
kɐ-ɣdoʔ
kɤ-rŋgɯ
ka-rŋgɯ
dormir,
kɐ-rŋgəʔ
être allongé
kɤ-skɯ
kɤ-skɯ
ka-səkú́
enterrer
kɐ-skûs,
skʰoʔ
kɤ-xtsɯ
ka-xtsɯ
décortiquer le
ka-stsû
riz
kɤ-βlɯ
allumer
un
ka-plû
kɐ-lduʔ
ka-χtɯ
2.1
#4506
feu
kɤ-χtɯ
lu
Tang.
kɐ-χtəʔ,
acheter
<χtʰiʔ
kɯ-mpɯ
mou, tendre
kə-nə-pû
kə-nbəʔ
Tang. wəə 1.31
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#320
kɯ-ŋgɯ
kɯ-ŋgu
pauvre
kɯ-rɯ
ku-ru
tibétain
kɯ-rnɯ
ɯ-jɯ
kə-ŋgoʔ
kə-rú
kə́-rnə
mite
ɯ-ju
kə-ruʔ
wu-lû
poignée
və-juʔ
Tang. pjụ 1.59
#2984
Tang.
lụ
2.51
#2273
ɯ-pʰɯ
ɯ-pʰɯ
prix
ndʑirɯ
ndʑiɣru
lente
və-ɣwəʔ
Bir. a pûi
mdʑirúʔ
HFF
pɣɤkʰɯ
pɣɤkʰu
hibou
pkakʰú
qa-jɯ
qa-jɯ
insecte, ver
kə-lú
pu-ku
Tang.
lụ
1.58
#1304
qa-rtsɯ
qa-rtsu
kə-rtsû
hiver
ʁɐ-rtsoʔ
Tang. tsur 1.75
#1490
ta-ʁrɯ
ta-ʁru
tə-rú
corne
ta-ʁrəʔ
Tang. khiwə
#3517
Bir. khyui
tɤ-mtɯ
ta-mtu
nœud
ta-mtú
tɤ-mtsɯ
ta-mtsu
bouton
ta-mtsú
tɐ-mtsû
tɤ-pʰɯ
ta-pʰu
motte
pʰú
tɐ-pʰû
ta-spû
tɐ-zwəʔ
de
Tib. mdud-pa
terre
tɤ-spɯ
ta-spɯ
pus
Tang. pə̣ 1.68
#5274
tɤ-tsrɯ
ta-tsrɯ
pousses
ta-tsrú
tɐ-tsrəʔ
HFF
236
tɯ-ɕtɯ
tɯ-ɕtɯ
organe sexuel
tə-ɕtú
tə-stəʔ
Tib. stu
féminin
tɯ-mɯ
tɯ-mɯ
temps, pluie
Tang. mə 1.27
tə-mû
#3513
Bir. mûi
tɯ-mnɯ
tɯ-mnu
alène
tə-mnû
tə-mnoʔ
tɯ-ndzrɯ
tɯ-ndzru
ongle
tə-ndzrú
tə-ndzrû
HFF
tɯ-nɯ
tɯ-nɯ
sein
tə-nú
tə-nôx
Bir. núi « lait »
Tib. nu-ma
tɯ-pʰɯ
tronc
ɕəkpʰû
ki-pʰuʔ
Tang. phu 2.1
#5814
tɯ-zgrɯ
tɯ-ɣru
coude
tə-krú
tə-krəvzuʔ
Tang. kjiwr 1.79
#1298
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Tib. gru-mo
ʑmbrɯ
βʑɯ
βʑɯ
bâteau
ʑgrú́
zbriʔ
souris
pə-jû
pə́-jə
Tang. pia 1.18
#2293
Tableau 179 : Correspondances du japhug de kɤmɲɯ -ɯ dans les autres langues
rgyalronguiques (-u en somang)
Dans le Tableau 179, nous indiquons le dialecte de gSar-rdzong en plus de celui de
kɤmɲɯ dans la mesure où nous disposons des données. Dans les cas où les deux
dialectes diffèrent, nous notons celui de gSar-rzdong en gras. Dans le dialecte japhug de
kɤmɲɯ, le -ɯ correspond quasiment toujours à -u en somang, et aux rimes -ə, -u et -o (et
-ɐ dans le cas de kɤ-cɯ :: kɐ-tɣwɐʔ « fermer »). En birman, à part kuiy « corps », où le -y
est une aberration orthographique (imitation du pali kāya), le -ɯ du japhug correspond à
-ui, une voyelle arrondie qui se prononce -o dans le dialecte de Rangoune moderne. En
tibétain, comme nous l’avons montré dans le Tableau 59 du chapitre 3 p.91, le -ɯ
correspond à -u. Les exceptions sont peu nombreuses, et elles seront discutées dans la
suite de la section (Tableau 180).
Dans le dialecte de gSar-rdzong, en revanche, le -u correspondant à -u en somang
est mélangé avec celui venant de -o comme nous avons vu dans la section sur la rime -o.
La correspondance kɤmɲɯ -ɯ :: gSar-rdzong -u ne peut s’expliquer par un changement
conditionné dans l’un ou l’autre dialecte. La syllabe pʰɯ du dialecte de kɤmɲɯ correspond
parfois à pʰu dans celui de gSar-rdzong, et parfois à pʰɯ : on trouve tɤ-pʰɯ :: ta-pʰu
« motte de terre » par opposition à ɯ-pʰɯ :: ɯ-pʰɯ « prix ». Par ailleurs, le dialecte de
Da-tshang est quasiment semblable à celui de gSar-rdzong mais quelques mots divergent
toutefois : le mots « corne » est ta-ʁrʊ dans ce dialecte, s’alignant sur la forme de kɤmɲɯ
tɤ-ʁrɯ.
237
Ces faits peuvent s’interpréter de deux manières différentes : un mélange de
dialectes ou une distinction phonémique en PGR. On sait que certaines variantes du
japhug on perdu la distinction entre -ɯ et -u. Il suffirait que des mots de ce dialecte aient
été empruntés dans les dialectes tels que gSar-rdzong ou Da-tshang pour qu’apparaisse
cette complexité dans les correspondances. Une autre possibilité serait que l’on doive
reconstruire deux phonèmes en PGR : l’un deviendrait -ɯ dans tous les dialectes, et
l’autre -ɯ en kɤmɲɯ et -u dans les autres. Nous adopterons la seconde interprétation, car
les données sur l’alternance de thèmes en japhug de gSar-rdzong le suggèrent fortement
(voir le chapitre 5 sur la flexion verbale). Lorsque tous les dialectes japhug ont -ɯ, nous
reconstruisons *-ɯ en PGR, tandis que l’on trouve -ɯ à kɤmɲɯ et -u à gSar-rdzong, nous
reconstruisons *-u.
Nous avons vu que le -o des dialectes japhug modernes vient de *-aŋ et que -u vient
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
de *-o en PGR. Pour la rime correspondant à -ɯ et à -u, nous reconstruisons *-u en PGR,
et pour celle qui correspond à -ɯ dans tous les parlers japhug, nous reconstruisons *-ɯ.
japhug
japhug
(kɤmɲɯ)
gSar-rdzong
sens
somang
zbu
Autres
langues
ɣɟɯ
ɣɟu
tour de garde
tə-júŋ
tɤ-kʰɯ
ta-kʰu
fumée
ta-kʰə̂
tɐ-kə́t
Tang.
ɣju
1.3
#3673
Bir. mî khûi
qa-mbrɯ
qa-mbru
kə-brə̂
yak
ʁa-mbruʔ
Tib. ‘bri
« femelle
du
yak »
kɤ-mdɯ
vivre jusqu'à
ka-mdə̂
« atteindre »
tɯ-mbɯ
organe
tə-mbî
sexuel
#5362
masculin
tɯ-mdɯ
Tang. bjij 2.33
neveux
tə-mdî
ɯ-pɯ
ɯ-xpɤk
intérêts
wu-pə́k
kɤ-nɤtsɯ
ka-nɤtsu
cacher
ka-natsú́t
ʑgrɯ
ʑgrɯk
absolument
ʑgrə́k
kɐ-nɐtsʰiʔ
Tableau 180 : Correspondances du japhug de kɤmɲɯ -ɯ dans les autres langues
rgyalronguiques (exceptions)
Le mot ɣɟɯ « tour de garde » est avec kʰu « tigre » vu dans la section précédente le
seul mot correspondant à -uŋ en rgyalrong oriental dans un mot du vocabulaire non
emprunté. La rime du rgyalrong oriental correspond toutefois à deux rimes différentes en
238
japhug : -u et -ɯ. Il n’est donc pas possible de reconstruire une rime *-uŋ en PGR.
Plusieurs hypothèses sont possibles pour expliquer l’origine du mot ɯ-pɯ « intérêt »
du dialecte de kɤmɲɯ, bien qu’il ressemble phonétiquement à wu-pə́k en somang. Soit il
est nécessaire de reconstruire un changement *-uk > -ɯ pour ce dialecte (le changement
étant *-uk > -ɤɣ dans le dialecte de gSar-rdzong). Soit nous pouvons accepter
l’étymologie donnée par les locuteurs natifs : ce mot serait en fait le même que ɯ-pɯ
« petit, enfant » dans un emploi métaphorique. Dans cette deuxième hypothèse, seul le
dialecte de gSar-rdzong aurait conservé le cognat du somang wu-pə́k. Pour le cas de
ʑgrɯ « absolument », en revanche, il est certain que le dialecte de kɤmɲɯ a perdu la
finale -k, contrairement à celui de gSar-rdzong.
Pour les autres exceptions du Tableau 180, nous n’avons pas d’explication.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
PGR
rgyalrong
Zbu
oriental
-ɯ
-u
-u
*-u
-u
-ə, -u, -o, (-ox)
-ɯ
-ɯ
-ɯ
*-ɯ
-u
-ə, -u, -o
-ɯ
-ɯk
?
*-uk
-ək
?
Tableau 181 : Rimes du PGR correspondant à -ɯ dans le dialecte de kɤmɲɯ.
4.2.2.4
Conclusion
Nous reconstruisons pour les voyelles postérieures une chaîne de changements qui
peut se résumer ainsi : *-aŋ → -o, *-o → -u, *-u → -ɯ. Le dernier changement ne s’est
produit que dans le dialecte de kɤmɲɯ, et dans les autres dialectes les *-o et les *-u se
sont confondus. L’ordre relatif de ces changements nous est donné par l’étude des
emprunts au tibétain : il s’agit d’un changement par propulsion.
239
4.2.3
Rimes à syllabe fermée en japhug
Dans les deux sections précédentes, nous avons reconstruit en tout sept voyelles en
syllabe ouverte : *-a, -e, *-i, *-o, -u et -ɯ, ainsi que les rimes fermées en *-j et la rime *-aŋ.
Nous traiterons ici de sept groupes de rimes, en fonction de leur consonne finale : rimes
en -β, -m, -t, -s, -r, -ɣ et -ʁ (voir le Tableau 153). La rime -ɤj a été abordée en 4.2.1.2 p.217.
A part
celles en -m et -ʁ, les rimes fermées du japhug ne comportent que les trois
voyelles /a/, /ɤ/ et /ɯ/.
Dans cette section sur les syllabes fermées, nous aurons besoin d’introduire
deux
autres voyelles : *ɐ et *ɔ. Les correspondances entre japhug et rgyalrong oriental pour les
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
rimes en syllabes fermées à -β, -t, -s, -ɣ et –r, et leurs correspondances avec le PGR sont
résumées dans le Tableau 182.
PGR
japhug
rgyalrong oriental
*-ap, *-at, *-as, *-ar
-aβ, -at, -as, -ar
-ap, -at, -as, -ar
*-ɐp, *-ɐt, *-ɐs, *-ɐr
-ɤβ, -ɤt, -ɤs, -ɤr, -ɤɣ
-ap, -ɐt, -ɐs, -ɐr, -ɐk
*-ɔp, *-ɔt, *-ɔs, *-ɔr, *-ɔk
-ɤβ, -ɤt, -ɤs, -ɤr, -ɤɣ
-op, -ot, -os, -or, -ok
*-op, *-ot, *-ok
-ɯβ, -ɯt, -ur, -ɯɣ
-op, -ot, -or, -ok
Tableau 182 : Mise en évidence des oppositions *ɐ / *a et *o / *ɔ en PGR.
Le *ɐ du PGR en syllabe fermée devient /ɤ/ en japhug, et correspond presque
toujours à /ɐ/ en rgyalrong oriental. Toutefois, tous les /ɤ/ de la langue moderne ne
viennent pas de /ɤ. Le /o/ du rgyalrong oriental correspond à la fois aux rimes à voyelle
principale /ɤ/ et /ɯ/ en japhug. Nous reconstruisons donc deux o différents en PGR : un *o
qui devient /u/ ou /ɯ/ dans la langue moderne selon les rimes, et un *ɔ qui devient /ɤ/.
Un résumé des rimes du PGR et de leurs correspondances en japhug peut se trouver
dans le Tableau 214 p.266.
4.2.3.1
Rimes du japhug fermées en -β
La consonne finale -β du japhug est prononcée -p dans le dialecte de gSar-rdzong, et
-f dans celui de Da-tshang. Elle correspond au PGR *-p. Cette section est divisée en trois
parties, correspondant aux trois rimes fermées en -β dans les mots du japhug de kɤmɲɯ
qui sont hérités du proto-rgyalronguique :
z
-aβ (Tableau 183 p.241)
240
z
-ɤβ (Tableau 184 p.242)
z
-ɯβ (Tableau 185 p.242)
sens
japhug
(kɤmɲɯ)
somang /
zbu
cogtse
kɤ-ɕaβ
rattraper
ka-ɕɐ̂p LYJ
tɯ-ɕnaβ
morve
tə-ɕnám
Autres
langues
sɲîv « nez »
Bir. hnap
Tib. snabs
kɤ-ɣɤntaβ
poser
kɐ-səntɐ̂v
ta-qaβ
aiguille
ta-káp
Bir. ap
tɐ-ʁâv
Tib. khab
kɯ-qiaβ
amer
kə-tɕá́p
kɯ-mɤrtsaβ
piquant
kə-martsá́p
kə-mɐrtsâv,
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<mɐrtsə̂v
tɯ-rʑaβ
épouse
kɤ-tʂaβ
faire tomber (un
ta-rɟjáp HFF
kɐ-tɕʰêv, tɕʰîv, tɕʰév
arbre)
Tableau 183 : Correspondances du japhug –aβ dans les autres langues rGyalronguiques.
Comme on peut le lire dans le Tableau 183, la rime -aβ du japhug correspond à -ɐp
ou -ap en somang (et -am dans un cas), mais en zbu on trouve -av, -ɐv, -ev, -iv : des
voyelles auxquelles correspondait le japhug -a en syllabe ouverte. Nous reconstruisons
*-ap en PGR.
sens
japhug
somang
zbu
(kɤmɲɯ)
kɤ-cʰɤβ
Autres
langues
kɐ-cʰóv, cʰúv, cʰív
aplatir
« rompre »
pɤ-ɕtʰɤβ
sangle ventrale
po-ɕtʰə́k
tɤ-jlɤβ
vapeur
ta-jlôp
Tang.
lwew
1.43 #3299
kɯ-nɯɣɯmbɤβ
enfler
kə-mbóp
kɯ-ndzɤβ
collant, épais
kə-rzə́p
Tang.
« proches l’un
1.59 #3650
dzjụ
de l’autre »
ɴqiɤβ
ubac
ta-ntɕáp
kɤ-pʰɤβ
abaisser
qa-rtsɤβ
récolte
kə-rtsə́p
kɤ-tɕɤβ
brûler
ka-tɕóp
kɐ-pʰév, pʰêv
kɐ-tɕʰôv, tɕʰə̂v, tɕʰə̂v
241
kɤ-tɤβ
battre le grain
kɐ-tó́p
Tang. tju 2.3
kɐ-tôv, tə̂v
#1899
« frapper »
Tableau 184 : Correspondances du japhug -ɤβ dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 184, le -ɤβ du japhug correspond à -ap, -op et -əp
en somang et -ev et -ov en zbu. Nous reconstruisons *-ɔp lorsque -ɤβ correspond au
somang -op et au zbu -ov, *-ɐp lorsqu’il correspond à -ap en somang et -ev en zbu, et
*-ɯp lorsqu’il correspond à -əp en somang. La forme pɤ-ɕtʰɤβ « sangle ventrale pour
attacher la selle » est irrégulière et nous ne proposerons pas de reconstruction.
sens
japhug
somang
zbu
Autres langues
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
(kɤmɲɯ)
ʁmas-grɯβ
cicatrice
ta-ʁjɯβ
ombre
ʁmɐ-ʑgruʔ
ta-wjə́s
Bir. a rip
və-ʁjév
Tib. grib-ma
kɯ-lɯβ
être sombre
kə-ldôv
kɯ-ndɯβ
fine (poudre)
kə-ndîv, ndə̂v
mɲaʁ-tɕʰɯβ
clin d'œil
mɲak-tʰîp
kɤ-tʂɯβ
coudre
ka-tʂó́p
kɤ-nɯʑɯβ
s’endormir
kɐ-tɕôv,
tɕə̂v,
Bir. khyup
tɕə̂v
Tib. ‘drub-ba
kɐ-rɐjîv
Bir. ip
Tableau 185 : Correspondances du japhug -ɯβ dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on l’observe dans le Tableau 185, le japhug -ɯβ correspond à –ip, -op ou -əs
en somang, et -ev, -ov ou -iv en zbu. Nous reconstruisons en PGR une rime à voyelle
antérieure *-ip lorsqu’il correspond à -ip en somang ou à -ev et -iv en zbu, et une voyelle
arrondie *-up / *-op (pas de distinction entre ces deux phonèmes avec la finale -β) lorsqu’il
correspond à -op en somang ou -ov en zbu.
La rime -up est absente du somang. En cogtse, Hsie Fengfan (1999) transcrit
seulement un mot avec cette rime : « sucer » ka-məscçúp, qui est transcrit ka-mərdʑə́p
dans Huang et Sun (2002).
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
-aβ
-ap
-af
PGR
*-ap
rgyalrong oriental
-ap, -ɐp
Zbu
-av, -ɐv, -ev,
-iv
-ɤβ
-ɤp
-ɐf
*-ɔp
-op
-ov
-ɤβ
-ɤp
-ɐf
*-ɐp
-ap
-ev
-ɤβ
-ɤp
-ɐf
*-ɯp
-əp
?
242
-ɯβ
-ɯp
-əf
*-ip
-ip
-iv, -ev
-ɯβ
-ɯp
-əf
*-up
-op
-ov, -uʔ
Tableau 186 : Rimes fermées en *-p en PGR.
4.2.3.2
Rimes du japhug fermées en -m
On trouve quatre rimes fermées en -m dans les mots japhug ayant des équivalents
dans les autres langues. Cette section est divisée en six parties. Les quatre premières
sont consacrées aux correspondances de chacune des rimes du japhug de kɤmɲɯ avec
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les autres langues rgyalronguiques :
z
-ɤm (Tableau 187 p.243)
z
-om (Tableau 188 p.244)
z
-um (Tableau 189 p.245)
z
-ɯm (Tableau 190 p.245)
Les deux dernières traitent des correspondances entre les dialectes japhug :
z
Les cas où les japhug de kɤmɲɯ -om correspond à -ɤm dans les autres dialectes
(Tableau 191 p.246)
z
Les cas où le japhug de kɤmɲɯ -ɯm correspond à –um dans les autres dialectes
(Tableau 192 p.247)
sens
japhug
somang / cogtse
zbu
Autres
(kɤmɲɯ)
langues
kɤ-mtsʰɤm
entendre
ka-msám
kɯ-mŋɤm
avoir mal
tə-pjô kə-mŋâm
« être fatigué »
kɤ-ntɤm
plat
ka-ntʰâm, kə-ntáp HFF
tɤ-rɤm
planche de bois
tɐ-rɐ́m
skɤm
bœuf à viande
skɐ̂m
kɤ-stɤm
se solidifier
kə-dɐ̂m LYJ
kə-ʁɐstʰɐ́m Tang. tọ 1.70
#148
tɤ-zrɤm
racine
tɐ-srɐ́m
tɐ-rzám
Tableau 187 : Correspondances du Japhug -ɤm dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on peut le constater dans le Tableau 187, la rime -ɤm du japhug correspond
à -am ou à -ɐm aussi bien en rgyalrong oriental qu’en zbu.
243
sens
japhug
somang
zbu
Autres langues
kə-sɲɐ́m
Tang. niọ 2.63 #5990
(kɤmɲɯ)
ɕkom
muntjac
ɕkám
kɯ-ɕnom
épi
kʰə-ɕnám
Bir. a hnaṃ
ɕom
Tang. śjow 1.56 #4995
ɕám
fer
Bir. saṃ
kɯ-jom
large, étendu
kə-jâm
tɤ-jpʰɣom
glace
tə-rpâm
kɯ-mbɣom
occupé, pressé
kɤ-nɯqambɯ
voler
Tang. low 2.47
tɐ-lvɐ́m
kə-mbám
ka-bjâm
kə-ʁɐlbjɐ́m,
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-mbjom
Bir. pjaṃ
ʁɐ-lbjím
kɯ-mbjom
rapide
tɤ-mɢom
presse
ta-mkám
mɤ-rdom
fléau
ta-mə-rdám
tɤ-rkʰom
partie dure des
ta-rkám
plumes
« ailes »
côte
ta-rnâm
tɯ-rnom
Tang. .wo 1.70 #4053
kə-mbjɐ́m
tə-rnɐ́m
Tang. no 1.49 #1915
Bir. naṃ rûi
kɯ-rom
sec
tɯ-snom
sœur
kə-rám
(terme utilisé
kə-rɐ́m
Bir. hnamá
tə-snâm
par les garçons pour
appeler leur sœur)
kɤ-nɯ-sŋom
convoiter
ka-sŋâm
tɯ-ɟom
longueur de deux
ki-ʎɟɐ́m
Tib. ‘dom-pa
tɐ-ndzɐ́m
Tang. dzow 1.54 #2584
bras écartés
ndzom
pont
ta-dzám
Tib. zam
Tableau 188 : Correspondances du Japhug -om dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 188, le Japhug -om correspond à -am en rgyalrong
oriental (jamais avec -ɐm) et à -ɐm ou -am en zbu. Les mots tɯ-ɟom et ndzom ont des
cognats en tibétains.
sens
japhug
somang
zbu
(kɤmɲɯ)
ku-ɣrum
Autres
langues
blanc
kə-prám
kə-prúm, pʰrúm
Tang.
phiow
1.55 #1572
kɯ-rɟum
large
kə-rdʑâm
kə-lám
244
kɤ-βʁum
renverser
kɐ-vʁûm, vʁôm, vʁə̂m
kɤ-wum
recevoir, fermer
ka-ɕúm
kɯ-jpum
large (diamètre)
kə-jpâm
Tang. wọ 1.70
kə-lvóm
#1805
Tib. sbom-po
sqa-fsum
Tang. sọ 1.70
ʁɐ-fɕúm
kə-sâm
treize
#5865
« trois »
Tib. gsum
Tableau 189 : Correspondances du Japhug -um dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on l’observe dans le Tableau 189, la rime -um du japhug correspond à -am
ou -um aussi bien en rgyalrong oriental et à -am, -um ou -om en zbu. Deux de ces mots,
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
kɯ-jpum et sqa-fsum ont des cognats en tibétain.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
Autres
langues
kɯ-jɯm
être clair (temps)
kə-jám
kɯm
porte
kâm
kɤ-nɯ-mbjɯm
se chauffer au
ka-nə-pjâm
kɐ-npʰjúm
ta-mkâm
tɐ-mkóm
feu
tɤ-mkɯm
oreiller
Tang. ɣjow 1.56
#1440
Bir. ûṃ
kɯ-mɯm
bon (goût)
kə-mêm
kə-mím
tɤ-mtʰɯm
viande
ta-mtʰám
tɤ-ŋgɯm
œuf
ta-gám
tɐ-ŋgúm
tɯ-ndzɤŋgrɯm
tempes
tə-ndzaŋgrə́m
ndzɐŋgrɐ́m
kɤ-qarndɯm
trouble (eau)
kə-ʁɐndə̂m
Tang. dzjij̣
1.61
#3464
kɤ-rtɯm
rond
kɐ-rtúm, rtʰúm
tɯ-mbɤ-tɯm
rein
tə-mbo-tɐ́m
kɤ-tsɯm
emporter
ka-tsâm
kɯ-xtsʰɯm
fin
kə-tɕʰə̂m
kə-tsʰîm
zdɯm
nuage
zdém
zdím
Tang. djɨj̣ 2.55
#2738
Bir. tim
tɯ-ʑŋgrɯm
cartilage
tɐ́-qrəm-qrəm
Tableau 190 : Correspondances du Japhug -ɯm dans les autres langues rgyalronguiques.
245
Comme on le voit dans le Tableau 190, la rime -ɯm du Japhug correspond à -am, -im
ou -əm en rgyalrong oriental et à -um, -om, -im, -ɐm et -əm en zbu.
Quasiment tous les exemples de syllabes fermées en -m en japhug correspondent à
-am ou -ɐm en somang. On distingue seulement cinq exceptions : kɯ-mɯm « bon (goût),
zdɯm « nuage », kɯ-xtsʰɯm « fin » , tɯ-ndzɤ-ŋgrɯm « tempes » et kɤ-wum « recevoir,
fermer ».
kɯ-mɯm et zdɯm ont des correspondances régulières : on a -ɯm en Japhug, -em
en somang et -im en zbu. La voyelle d’avant dans ces mots est ancienne : on la trouve
dans le cognat birman. On peut reconstruire une rime à voyelle d’avant *-im ou *-em en
PGR pour ces deux mots. Le mot kɯ-xtsʰɯm « fin » appartient probablement aussi à
cette correspondance, si l’on peut expliquer le vocalisme et l’initiale irrégulière du
somang.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Pour les autres exemples, on remarque que les rimes -om et -ɤm du japhug
correspondent à -ɐm ou à -am en zbu, tandis que -um et -ɯm ont des correspondances
plus variées en zbu : -am, -um, et -om. Nous avons vu dans la section 3.2.3.4 p.193 que
la rime -am du tibétain correspond aussi à -om et à -ɤm, mais jamais à -um ou à -ɯm en
japhug dans les emprunts.
On sait que l’alternance des voyelles /a/ et /ɐ/ a un rôle dans la morphologie verbale
en rgyalrong oriental (Lin 2003), et les processus morphologiques qu’ont subi certains
mots sont responsables pour une part de la complexité des correspondances. Au sein
même des dialectes japhug, les rimes -om et -ɤm présentent une certaine variabilité,
comme on peut le constater dans le Tableau 191 :
gDong-brgyad,
sens
gSar-rdzong
Da-tshang (Lin You-jing)
kɯ-rom
sec
kɯ-rɤm
kə-rɐm
kɤ-nɯ-sŋom
envier
ka-nɤ-sŋɤm
ka-nɐ-sŋɐm
ɕom
peau du lait
tɤ-lɤ-ɕɤm
tɤ-mɢom
presse pour maintenir
tɤ-mɢɤm
village de kɤmɲɯ
une pièce en place
tɯ-qom
larme
ɯ-qɤm
kɤ-χom
bailler
kɤ-χɤm
kɤ-χsom
être réveillé
kɤ-χsɤm
Tableau 191 : Correspondances -om en japhug de kɤmɲɯ :: -ɤm / -ɐm dans les dialectes de
l’est
Dans le Tableau 191, on trouve des cas où le dialecte de gDong-brgyad kɤmɲɯ a
-om là où les autres variétés de japhug ont une voyelle non-arrondie. En revanche, il n’y a
246
aucun cas de -ɤm en kɤmɲɯ correspondant à -om dans les autres dialectes.
Lin (2003) note également quelques cas d’alternances morphologiques faisant
intervenir /ə/ et /u/ en syllabe fermées. Au sein du japhug, on retrouve une certaine
variation avec ces deux rimes, on peut le lire dans le Tableau 192 :
gDong-brgyad, village de kɤmɲɯ
sens
tɯ-mbɤ-tɯm
rein
kɤ-rtɯm
rond
kɤ-rtɯm
ka-rtum
χsɯm
trois
χsɯm
χsum
tɤ-ŋgɯm
œuf
ta-ŋgum
sɯ-rtsʰɯm
souche
sə-rtsʰum
gSar-rdzong
Da-tshang (Lin You-jing)
ʃombotum
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Tableau 192 : Correspondances -ɯm en japhug de kɤmɲɯ :: -um dans les dialectes de l’est
Là encore, on trouve des cas où le dialecte de kɤmɲɯ a -ɯm là où celui de
Da-tshang a -um, mais pas l’inverse.
On trouve enfin un cas unique de -om du dialecte de gDong-brgyad de kɤmɲɯ
correspondant à -ɯm dans celui de gSar-rdzong : qom-ndroŋ :: qɯm-ndzrɯt « oie
sauvage ». Ce mot est probablement d’origine onomatopéique, ses correspondances et
sa structure phonologique sont inhabituelles, et il ne sera donc pas pris en compte dans
ce chapitre. C’est le seul cas d’alternance entre les rimes -om / -ɤm et les rimes -ɯm / -um
en japhug.
La variation entre -om et -ɤm d’une part et -ɯm et -um d’autre part dans les dialectes
japhug ne semble pas être déterminée par un contexte phonologique évident. Elle peut
théoriquement avoir trois origines.
Premièrement, cette variation pourrait venir de six rimes en PGR pour quatre rimes
dans les dialectes modernes, comme on peut le lire dans le Tableau 193 :
gDong-brgyad, village de kɤmɲɯ
Da-tshang
*-V1m
-om
-om
*-V2m
-om
-ɤm
*-V3m
-ɤm
-ɤm
*-V4m
-um
-um
*-V5m
-ɯm
-um
*-V6m
-ɯm
-ɯm
Tableau 193 : Hypothèse 1 sur l’origine des rimes fermées en -m en japhug.
Cette hypothèse nous ferait postuler un grand nombre de rimes dans la proto-langue,
247
plus que pour aucune autre consonne finale.
Deuxièmement, comme nous l’avons évoqué, il pourrait s’agir d’alternances liées à la
morphologie. La rime -om du japhug devient -ɤm en composition comme dans ɕom « fer »,
ɕɤmiŋoʁ « crochet en fer », mais ce procédé ne peut expliquer les irrégularités observées,
puisqu’il ne concerne jamais la dernière syllabe d’un composé. Pour les verbes, il est
possible d’interpréter les irrégularités dans le Tableau 191 comme le résultat de
l’alternance /a/ ~ /ɐ/ observée dans la conjugaison du rgyalrong oriental et du zbu : en
perdant ces alternances, le japhug aurait généralisé l’un ou l’autre des thèmes verbaux, et
de plus l’aurait fait de façon différente selon les dialectes (ce qui montre que la perte de
cette flexion n’était pas achevée en PGR). Cela explique le peu de correspondances
régulières avec les -am et -ɐm du rgyalrong oriental et du zbu.
Cette hypothèse concerne la morphologie verbale. Elle ne permet donc pas
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
d’expliquer les irrégularités des noms. Or, parmi les trois noms du Tableau 191, on
remarque que deux commencent par une uvulaire (tɤ-mɢom « presse pour maintenir une
pièce en place », tɯ-qom « larme »).
Il n’est pas à exclure que les dialectes japhug de l’est aient subi un changement
*Qom → Qɤm auquel ait échappé celui de kɤmɲɯ. Le verbe kɤ-χom « bailler » a peut-être
lui aussi subi ce changement, même si son irrégularité pourrait s’expliquer par une
variation en PGR due à la morphologie. Toutefois, il existe en japhug de gSar-rdzong un
mot kɯ-rʁom « rugueux », mot identique au dialecte de kɤmɲɯ dont l’initiale est uvulaire
mais qui a pourtant la rime -om. Si un changement *Qom → Qɤm a bien eu lieu, il a été
obscurci par le contact entre les dialectes du japhug.
Troisièmement, il pourrait s’agit d’un mélange de dialectes. Ici la distribution de -um
en japhug de kɤmɲɯ est intéressante : à part kɯ-rɟum « large », les cinq autres mots de
la langue ayant -um ont ou bien une initiale, ou bien une préinitiale labiale. Notre
hypothèse est la suivante : il existait deux rimes en proto- japhug *-om et *-um. *-om est
devenu -ɯm dans la langue de kɤmɲɯ, sauf dans les syllabes dont l’initiale et la
préinitiale étaient labiale. L’exception kɯ-rɟum serait un emprunt à un dialecte n’ayant pas
subi ce changement. Nous reconstruisons *-om si l’on trouve un dialecte japhug ayant
-um, et *-um si tous les dialectes ont -ɯm. On ne peut pas reconstruire de distinction
entre *-om et *-um.
On trouve enfin un mot dont la consonne finale est irrégulière au sein des dialectes
japhug : la forme tɤ-ɕɤ-rmbjɤβ « orge en javelles » du dialecte de kɤmɲɯ correspond à
ta-rnbjɐm en Da-tshang.
Nous reconstruisons donc les rimes suivantes en PGR. Les cas irréguliers attestés
par seulement un exemple sont indiqués entre parenthèse dans le Tableau 194 :
248
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
PGR
rgyalrong oriental
Zbu
-ɤm
-ɤm
-ɤm
*-ɐm
-am, -ɐm
-am, ɐm
-om
-om, -ɤm
-om, -ɤm
*-am
-am
-am, ɐm
-ɯm, (-um)
-ɯm, (-um)
-um
*-om
-am, -ɐm
-om, -um,
(-am)
-um
-um
-um
*-om
(initiale
ou
-am, -ɐm
-om, -um
préinitiale labiale)
-ɯm
-ɯm
-ɯm
-ɯm
-ɯm
-ɯm
*-um
*-im
-am,
-ɐm,
-ɐm, -əm,
(-əm)
(-um)
-em, (-əm)
-im
Tableau 194 : Rimes fermées en -m en PGR.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
On peut ajouter pour finir le cas des deux mots kɯ-mbɣom « pressé » et tɤ-jpɣom
« glace ». L’intrusion d’une médiane dans ces deux mots est liée ici à la présence d’une
voyelle vélarisée en PGR, comme nous l’avons expliqué en 4.2.1.3 p.221. Ces deux mots
doivent donc être reconstruits *mbaˠm et *lpaˠm respectivement.
4.2.3.3
Rimes du japhug fermées en -t
On distingue en japhug trois syllabes fermées en -t ayant des cognats dans d’autres
langues rgyalronguiques : -at, -ɤt et -ɯt. Cette section est divisée en trois parties
consacrées aux correspondances de chacune des rimes du japhug de kɤmɲɯ avec les
autres langues rgyalronguiques :
z
-at (Tableau 195 p.250)
z
-ɤt (Tableau 196 p.251)
z
-ɯt (Tableau 197 p.252)
La finale -t du japhug correspond parfois à -s en somang ou en zbu et inversement.
Ce phénomène est un des plus problématiques du comparatisme rgyalrong, il a déjà été
noté par J. T.-S. Sun (2000a : 174) qui avait constaté que le –s du cogtse correspond à
plusieurs finales, dont
-t, en tshobdun. On dispose d’une preuve qu’un changement de
*-s à -t s’opère sporadiquement : le mot tibétain rgya-skas « escalier chinois » a été
emprunté comme rɟɤskɤt en japhug et shing-skas « escalier en bois » comme ɕoŋskɐ́t en
cogtse. Aucun dialecte tibétain de cette région n’est connu pour avoir subi de changement
-s > -t, donc il doit s’agir d’un changement propre aux langues rgyalronguiques.
Il semble peu probable que l’on doive reconstruire un *-s1 qui resterait -s dans tous
les dialectes et un *-s2 qui deviendrait -t dans certains dialectes et pour deux raisons :
d’abord, aucune langue de cette région à notre connaissance n’opère de distinction entre
249
deux types de –s finaux, et deuxièmement on trouve à la fois japhug -t :: somang -s et
japhug -s :: somang –t : bien plus que deux *-s seraient nécessaires pour rendre compte
de l’ensemble des correspondances.
Une autre raison possible à ce changement pour certains mots serait l’ajout d’un
suffixe -s de passé à une racine verbale en -t qui résulterait en une finale -s (*-ts > -s).
Toutefois, en cogtse où le suffixe -s de passé est toujours productif, il ne peut s’ajouter
qu’à des racines en syllabe ouverte.
Ces irrégularités ne sont pas limitées au lexique : le suffixe d’aoriste de 1,2s -t du
dialecte de kɤmɲɯ correspond à -s dans tous les autres dialectes japhug et à -s en zbu.
En l’absence de données comparatives de langues extérieures au rgyalrong, il n’est
pas possible de reconstruire ces finales. Nous noterons *-t/s en PGR ces formes
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
aberrantes.
sens
japhug
somang
Zbu
Autres langues
(kɤmɲɯ)
kɤ-ɕtʂat
économiser
ka-wuʂtʂá
sɯ-mat
fruit
tə-jmát
kɯ-mbat
léger (travail)
kə-wá́t « facile »
kə-mbêt, mbît
kɯ-rcat
huit
wu-rját
və-rɟêt
Tang. mjaa 1.23 #2436
Tib. brgyad
Tang. .jar 1.82 #4602
kɤ-rmbat
proche
kə-wá́t
kɤ-sat
tuer
ka-sát
Tib. gsod bsad
Tang. sja 1.20 #4225
Tableau 195 : Correspondances du japhug -at en japhug dans les autres langues
rgyalronguiques.
Comme on peut l’observer dans le Tableau 195, les correspondances du -at du japhug
sont simples : cette rime correspond à -at en somang et à -et en zbu. La seule exception
est kɤ-ɕtʂat « économiser » dont le -t n’a pas d’équivalent en somang. Il pourrait s’agir
d’un suffixe.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang /
zbu
Autres langues
cogtse
kɤ-ɕpʰɤt
kɐ-spês
réparer
Tang.
bə
2.25
#1386
kɤ-ɕqʰlɤt
tomber, sombrer
kə-ʒglɐ́t HFF
jɤɣɤt
balcon
jɐwɐ́t HFF
250
kɤ-mɯjpʰɤt
kɐ-məmpʰɐ́t
vomir
kɐ-nbês
Tang.
jeter, relâcher
kɯ-mtsʰɤt
rempli
kɤ-ndzɤt
grandir
kə-ndzát
tɯ-ɲɤt
éboulement
tɐ-nɲɐ́t HFF
kɤ-pjɤt
bourrer un
ka-pjót
saucisson
« remplir »
couper
ka-prɐ́t HFF
kɤ-prɤt
1.19
#4585
HFF
kɤ-lɤt
wja
kɐ-lɐ̂t
kə-mtsʰôt
kɐ-pʰrát,
<,
pʰrít
kɤ-nɯ-ɴɢɤt
se séparer
kɤ-ʁdɤt
glisser
ka-nə-ŋkâs
kɐ-ʁʎdɣêt,
躓 *btr-lit-s > trjijH
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
ʁʎdɣə́t
kɤ-rɤt
kɐ-rêt, rît, rét
dessiner, écrire
Tang.
rjar
1.82
#1715
kɤ-ɣɤrɤt
kɐ-vɐrêt, vɐrît,
jeter
vɐrét
ta-ʁrɤt
charbon de bois
ta-ŋkrôt
kɤ-scɤt
déplacer
kə-scçét HFF
kɤ-skɤt
refuser
ka-skɐ́t HFF
kɤ-tɕɤt
prendre
ta-ʁrôt
kɐ-tɕʰɐ́t
Tang. tśhiə 1.28
#2552
tsʰɤt
Bir. chit
tɕʰə̂t
chèvre
Tang.
tshjɨ
1.30
#2367
kɯ-ɣɤ-wɤt
s'ouvrir (fleur)
tɯ-wɤt
manche
Bir. pân
tɐ-pɐ́t HFF
tə-ɣʊ́t
Tableau 196 : Correspondances du Japhug -ɤt dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 196, la rime -ɤt du japhug correspond à -ɐt, -ət, -et
et -ot en rgyalrong oriental et à -at, -ɐt, -ot, -es, -et, -ʊt en zbu. Nous reconstruisons *-ɔt en
PGR lorsque le japhug
-ɤt correspond à -ot en somang ou -ot, -ʊt en zbu, *-ɐt lorsqu’il
correspond à -ɐt en somang et à -ɐt, -at ou -et / -es en zbu, et enfin *-et lorsqu’il
correspond à -et en somang ou en zbu. Pour la racine du verbe kɤ-ɕpʰɤt « réparer », on
retrouve une forme à -s comme en zbu dans le nom du plantain (Plantago sp. L.) tʂɤɕpʰɤs
dans le dialecte de gSar-rdzong (tʂɤɕpʰɤt dans le dialecte de kɤmɲɯ).
Le mot tsʰɤt « chèvre » correspondant à tɕʰə̂t en somang est problématique : aussi
bien son initiale que sa rime sont irrégulières.
251
japhug
sens
somang
finir de manger
ka-ɕkút
zbu
Autres langues
tə-ɕkrə̂t
Tang.
(kɤmɲɯ)
kɤ-ɕkɯt
ou de boire
tɯ-ɕkrɯt
bile
tə-mdʑi-krí
kjɨɨr
2.85
#3582
Bir. sâɲɲ-khre
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Tib. mkhris-pa
kɤ-ɕpɯt
élever
ka-ɕpú́t
dɯ-dɯt
tourterelle
kʰu-ktút
du-dút
kɤ-jmɯt
oublier
ka-jmə̂s
kɐ-lmît, <lmə́t, Tang. mjɨ̣̣ ̣
qa-mbɯt
sable
kɤ-ɣɤmɯt
souffler
lmə́t
2.61 #2325
ʁál-bət
Tang. bẹ 1.65 #250
ka-mó́t
kɐ-vɐmôt,
Tang.
« boire »
vɐmɤ́t, vɐmɤ́t
#2128
kɤ-nɤndɯt
se disputer
ka-nandôt
kɤ-ndzɯt
aboyer
kə-ŋandzot
kɐ-ndzə́t
kɯ-ngɯt
neuf
kə-ŋgû
kə-ngít
Bir. mé
məə
1.31
Bir. kûI
Tib. dgu
kɯ-ngɯt
solide
kɤ-nɯt
brûler
kə-ngəʔ
kə-ná́t
kɐ-snôt, snə́t,
Tang. njwɨ ̣
snə́t
2.61 #5192
« allumer »
tɤ-ŋkʰɯt
poing
ta-rkút
tɐ-ŋkə̂t
kɤ-pʰɯt
arracher, couper
ka-pʰôt
kɐ-ɣʊ́t, ɣôt, ɣît
kɤ-mbɯt
s’écrouler
kɤ-plɯt
détruire
ka-plôt
kɤ-qʰrɯt
gratter
ka-kʰrôt
kɤ-tɯt
mûrir
kə-tû, tʰoʔ
kɯ-xtɯt
court
kə-xtə̂n
xtɯt
chat sauvage
xtuʔ
kɤ-zɣɯt
arriver
kɐ-vzɣêt, vzɣə́t
kə-nbút, nbôt
kɐ-plʊ́t, plôt
刮 *akrot > kwæt
Tableau 197 : Correspondances du Japhug -ɯt dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 197, la rime -ɯt du japhug correspond à –ot, -ut, -u,
-i et -əs en somang et à –ut, -ʊt, –ot, –u, -ət, -ən, –it et -et en zbu. Nous reconstruisons *-ut
252
lorsque le -ɯt correspond à -ut en somang et à -ut, -ət et -ot en zbu, *-ot lorsque cette
rime correspond à -ot en somang et à-ut, -ot et -ʊt en zbu. Enfin, dans les cas où le japhug
-ɯt correspond à une rime à voyelle antérieure en somang ou en zbu, nous
reconstruisons pas *-it en PGR. Pour le verbe kɤ-zɣɯt « arriver » qui correspond au zbu
kɐ-vzɣêt avec une voyelle antérieure, cette reconstruction est renforcée par la famille de
mot avec kɤ-ɣɯt « amener » et kɤ-ɣi « venir ».
Les données comparatives nous montrent qu’une partie des -t dans ces mots est due
à un développement secondaire propre au japhug. Le -t dans le mot kɯ-ngɯt « neuf »,
comme nous l’avons évoqué dans la section 3.2.1.3.5, est dû à l’analogie avec le numéral
kɯ-rcat « huit ». C’est là une innovation commune au japhug et au zbu.
Pour le mot kɯ-xtɯt « court », le cognat en zbu a une finale nasale kə-xtə̂n. Cette
finale est peut être un suffixe, que l’on retrouve dans l’antonyme kə-rzaʔ ou kə-rzán
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
« long » en zbu.
Enfin, on trouve trois exemples, kɯ-ngɯt « solide », kɤ-tɯt « mûrir » et xtɯt « chat
sauvage » dont le -t final n’a pas d’équivalent en zbu. Pour le mot « chat sauvage », le
japhug de gSar-rdzong a une forme xtu identique au zbu. Dans le cas des deux verbes, il
pourrait s’agir d’un suffixe -s du passé généralisé à toutes les formes en japhug, et qui
serait par la suite devenu -t.
Nous ne trouvons pas d’exemples d’une rime *-ɯt.
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
PGR
rgyalrong oriental
Zbu
-at
-at
-at
*-at
-at
-et
-ɤt
-ɤt
-ɤt
*-ɔt
-ot
-ot, -ʊt
-ɤt
-ɤt
-ɤt
*-et
-et
-et
-ɤt
-ɤt
-ɤt
*-ɐt
-ɐt
-at, -ɐt, -et
-ɯt
-ɯt
-ɯt
*-ut
-ut
-ut, -ət
-ɯt
-ɯt
-ɯt
*-ot
-ot
-ot, -ut, -ʊt
-ɯt
-ɯt
-ɯt
*-it
-i, (-əs)
-it, -ət, -et
Tableau 198 : Rimes fermées en -t en PGR.
Il n’est pas possible de reconstruire la finale -t avec certitude en PGR, étant donnée
la confusion avec -s. Nous allons voir que cette confusion entre -t et -s se constate aussi
dans les correspondances de cette finale avec les autres langues.
4.2.3.4
Rimes du japhug fermées en -s
Peu de mots ayant la finale -s sont communs à toutes les langues rgyalronguiques, et
253
étant donnée la complexité des correspondances, il est difficile d’établir des
reconstructions fiables pour ces rimes, d’autant plus que le -s du japhug correspond
parfois à -t en somang. Nous traiterons ici des trois rimes -as, -ɤs et -ɯs du japhug de
kɤmɲɯ. La rimes –os a été déjà traitée dans la section sur la rime –o en syllabe ouverte
(4.2.2.1). La présente section est donc divisée en trois parties :
z
-as (Tableau 199 p.254)
z
-ɤs (Tableau 200 p.255)
z
-ɯs (Tableau 201 p.255)
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
kɯ-ɕpas
marmotte
kʰɐ-ʃpɐ̂s HFF
kə-spês
tɯ-ɣmas
blessure
tə-nmâs
tə-ɣmiʔ
Autres langues
Tib. rma
Tang. mjaa 1.23
#5702
tɯ-ɣmas
blessure
tə-nmâs
kə-smɐ́s,
smâs « blesser »
tɯ-las
tə-ltʰês
front
Tang. ljạ 1.64 #791
Tableau 199 : Correspondances du Japhug -as dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 199, le japhug -as correspond à -as ou -ɐs en
somang, et à -es, -ɐs et -i en zbu. La même racine ɣmas « blessure » du japhug
correspond à deux formes différentes ɣmiʔ et mɐ́s en zbu (le s- est ici le préfixe causatif)
pour une raison probablement interne à cette langue.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang /
zbu
cogtse
Autres
langues
ɕkrɤs
chêne
skrôs
kɤ-ftɕɤs
castrer
kɐ-ftɕós, ftɕôs,
ftɕís
kɯ-jndʐɤs
kə-jdʐó́t
épaisse
kə-ndʑôs, ndʑə́s
(d’une poudre)
kɤ-nɤs
oser
kɤ-rɤpjɤs
tresser
cheveux, fils)
kɤ-qrɤs
raser
qa-rtsʰɤs
cerf
Tib. nus-ba
ka-nôs
(les
ka-kpjɐ́t
LYJ
ka-rakpjá́t
kɐ-rɐpjês, rɐpjîs
rɐpjés, rɐpʰjeʔ
kɐ-qrôs
ka-rtsʰɐ̂s HFF
ʁɐ-rtsês
254
tɯ-rtsʰɤs
tə-rtsʰós
poumon
tə-rtsôs
Tang. tsə̣ 1.68
#5105
tɤ-tɕɤs
Tib. rjes
ta-tɕôs
trace de pied
Tableau 200 : Correspondances du Japhug -ɤs dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 200, la rime -ɤs du japhug correspond à –os, -ɤs et
ɤt en somang et à –os et –es en zbu. Nous reconstruisons *-ɔs en PGR lorsque -ɤs
correspond à -os en somang ou en zbu, et *-ɐs lorsque -ɤs correspond à -ɐs en somang
et -es en zbu. Dans le cas de kɤ-rɤpjɤs « tresser » et kɯ-jndʐɤs « épaisse » nous
reconstruisons respectivement *-ɐt/s et *-ot/s pour rendre compte de l’alternance des
finales en japhug et en somang.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
Autres
langues
kɯ-ɕnɯs
kə-ɕnə́s
sept
kə-snâs
Tang. śjạ 1.64
#4778
Bir. khu-hnac
kɤ-nɯɕpɯs
ka-nəɕpə̂s
se déguiser,
imiter
tɯ-mpʰɯs
fesse
ʁnɯs
deux
tə-mpʰûs
kə-nês
Tang. njɨɨ 1.32
ʁnîs
#4027
Bir. hnac
Tib. gnyis
kɤ-raʁrɯs
balayer
ka-rít / tə-rîs
kɤ-sɯs
savoir
ka-ɕî
kɐ-sés
Bir. sí
Tib. shes-pa
kɤ-tɕʰɯs
éternuer
βɣɯs
blaireau
kɐ-tɕʰə́s
pə́s
tə-vîs
Tableau 201 : Correspondances du Japhug -ɯs dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 201, la rime -ɯs du japhug de kɤmɲɯ correspond
à -es, -is, -əs et –it en somang et à -es, -is et –us en zbu. Nous reconstruisons *-əs
lorsque le japhug -ɯs correspond à -əs en somang et à -as ou -ɯs en zbu, *-is lorsqu’on
trouve une voyelle antérieure (-i, -es, -is) ou -əs en somang et une voyelle antérieure en
zbu, et -us dans le cas où -ɯs correspond au zbu -us.
gDong-brgyad
-as
gSar-rdzong
-as
Da-tshang
-as
PGR
*-as
rgyalrong oriental
-as, -ɐs
Zbu
-es, -iʔ, -ɐs
255
-ɤs
-ɤs
-ɐs
*-ɔs
-os
-os
-ɤs
-ɤs
-ɤs
*-ɐs
-ɐs
-es
-ɯs
-ɯs
-ɯs
*-ɯs
-əs
-as, -əs
-ɯs
-ɯs
-ɯs
*-is
-es, -is, -əs
-es, -is
-ɯs
-ɯs
-ɯs
*-us
?
-us
Tableau 202 : Rimes fermées en -s en PGR.
4.2.3.5
Rimes du japhug fermées en -r
Dans les mots qui ont une étymologie rgyalronguique en japhug de kɤmɲɯ, on trouve
quatre rimes dont la finale est -r : -ar, -ɤr, -ɯr et -ur. Les correspondances de ces rimes
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
sont simples à l’intérieur du japhug, sauf pour la rime –ur qui correspond à -ɯr dans le
japhug de gSar-rdzong. Cette section traite des quatre rimes du japhug de kɤmɲɯ :
z
-ar (Tableau 203 p.256)
z
-ɤr (Tableau 204 p.257)
z
-ɯr (Tableau 205 p.258)
z
-ur (Tableau 206 p.258)
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang /
zbu
cogtse
Autres
langues
kɤ-ɕar
chercher
ka-sâr
ftɕar
été
pə-tsár
ftɕér
tɤ-mcar
pinces
tə-mtár
tɐ-mcîr
tɯ-ɴɢar
crachat
tə-ŋár
tə-ɴɢɐ̂r
qa-par
chacal
ʁɐ-pér
Tib. ‘phar-ba
tɤ-ʁar
ailes
və-ʁɐ̂r « ailes »
Tang. wer 2.71
Tib. dbyar
#1697
smar
smɐr-tɕəʔ
fleuve
Tang. mja 1.20
#1530
xsar
Naemorhedus
tsʰár
xsér
goral
ʑmbar
ulcère
tə-ʑbó́́r
HFF
« rougeole »
βʑar
busard
Tang. bə 2.25
#589
waŋár HFF
Tableau 203 : Correspondances du Japhug -ar dans les autres langues rgyalronguiques
Comme on le voit dans le Tableau 203, le japhug –ar correspond à –ar et –or en
256
somang et à -er, -ir ou -ɐr en zbu. Nous reconstruisons *-ar en PGR lorsque -ar
correspond à -ar en somang et à -er, -ir ou -ɐr en zbu. Le mot ʑmbar « ulcère » est
inexplicable : on attendrait *ʑmbɤr s’il venait d’un PGR *ʑmbor.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang /
zbu
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
cogtse
Autres
langues
ɕɤr
soir
swár
ɕŋɤr
givre
sŋâr
kɤ-jɤr
en biais
kə-ŋadʑórdʑor
kɯ-mbɤr
bas, petit
kɯ-mpɕɤr
beau
tɤ-ndɤr
bouton
kɯ-ŋgɤr
étroit
kə-wó́r
tɤ-ŋgɤr
graisse
tɐ-wôr HFF
kɤ-nɤscɤr
être saisi
kə-nascçɐ̂r
kɐ-sɐscír,
Tang.
de frayeur
HFF
nɐscêr
#1252
kɯ-sɤr
frais
kə-tsʰár
kɯ-tɕɤr
étroit
kə-tɕó́r
kɤ-tɤr
tomber
kɐ-ntér, ntɐ̂r
kɤ-xtɕɤr
attacher
kɐ-xɕêr, xɕîr,
sŋír
kə-mbér, mbêr
kə-mpɕôr
kə-mpɕʊ́r, mpɕôr
Tib. mchor-po
tɐ ndɐ́r
kə-ŋgʊ́r, ŋgôr
kjɨ̣ 1.69
Tib. gsar-ba
xɕîr
zwɤr
armoise
zbór63
zɣór
Tableau 204 : Correspondances du Japhug -ɤr dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 204, le japhug -ɤr correspond à –ar, -ɐr et à –or en
somang et à –ir, -ʊr, -ɐr et –er en zbu. Nous reconstruisons *-ɐr en PGR lorsque -ɤr
correspond à -ar ou -ɐr en somang et à -ɐr, -er et -ir en zbu, et *-ɔr lorsque -ɤr correspond
à -or en somang et à -ʊr en zbu.
japhug (kɤmɲɯ)
Sens
somang
zbu
Autres
langues
jɯ-fɕɯr
hier
kɯ-fsɯr
avoir faim (de
mə-ɕér
kə-fsér
viande)
kɤ-ftsɯr
essorer
ka-ndʑirə́t
Tang. tswər 1.84
#2464
63
Ce mot vient du dialecte de Cog-tse (données personnelles).
257
kɤ-ɣndʑɯr
qa-mɯrwa
moudre
chauve-souris
dźjwɨr
ta-ndzór
Tang.
« moulin »
1.86 #1254
mbərwá
Tib.
‘phur-ba
« voler »
fso-mɯr
kɯ-sɤmŋɯr
demain soir
goût huileux
so-môr
pə-lmîr
Tang. mjɨɨ 1.32
« ce soir »
#5078
ka-mŋɐ́r
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
écœurant
kɤ-mpʰɯr
envelopper
ka-mpʰə̂r
kɤ-mtɕɯr
se tourner
kə-məmtɕə́r
kɤ-mtsɯr
avoir faim (de riz)
ɯ-tsɯr
fissure
ta-tsôr
kɤ-nɤqʰawur
se mettre un
ta-wə́́r
kɐ-npʰə́r, <
kɐ-mtsʰír, <
və-tsír
habit sur les
épaules
kɤ-xsɯr
frire (viande)
ka-kʰsə̂r
kɐ-xsə́r
tɤ-ndɯr
débris
ta-ndér
və-ndér
Tableau 205 : Correspondances du Japhug -ɯr dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on peut le lire dans le Tableau 205, Nous reconstruisons en PGR *-ɯr
lorsque le -ɯr du japhug correspond à -ər ou -ɐr en somang et en zbu et *-ir lorsqu’il
correspond à -er dans ces deux langues. nous observons une troisième correspondance
dans le Tableau 205 où le -ɯr du japhug correspond à -or en somang et à -ir en zbu. Nous
reconstruisons ici *-ur pour cette rime en PGR, réservant *-or pour la rime qui donne -ur.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang /
zbu
cogtse
kɤ-ndzur
être debout
kɤ-qur
aider
ka-kór
kɤ-ɣɤ-scur
tenir dans les
ka-scçór HFF
mains
« supporter avec
Autres
langues
kɐ-ndzôr, ndzə́r
kɐ-ʁʊ́r, <ʁúr
pumi qu55
kə-tɕúr, <tɕʰúr
Tib. skyur-mo
ki-fkôr
Tib. ‘khur khur
son bras »
kɯ-tɕur
acide
kə-tɕôr
pjɤ-ʑŋgur
saucisson
po-ʑgór
kɤ-fkur
porter sur le dos
kɐ-pkôr HFF
« un fardeau »
Tableau 206 : Correspondances du Japhug -ur dans les autres langues rgyalronguiques.
258
Comme on le voit dans le Tableau 206, la rime -ur est rare, mais les
correspondances sont régulières avec le somang -or et des rimes à voyelles arrondies en
zbu -ur, -ʊr et -or. A l’intérieur du japhug, cette rime se confond avec -ɯr dans certains
dialectes comme delui de gSar-rdzong. Nous reconstruisons cette rime *-or en PGR.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
PGR
rgyalrong oriental
Zbu
-ar
-ar
-ar
*-ar
-ar
-er, -ir, -ɐr
-ɤr
-ɤr
-ɐr
*-ɐr
-ar, -ɐr
-ɐr, -ir, -er
-ɤr
-ɤr
-ɐr
*-ɔr
-or
-ʊr
-ɯr
-ɯr
-ɯr
*-ɯr
-ər, -ɐr
-ər
-ɯr
-ɯr
-ɯr
*-ir
-er
-er
-ɯr
-ɯr
-ɯr
*-ur
-or
-ir
-ur
-ɯr
-ur
*-or
-or
-or, -ʊr, -ur
Tableau 207 : Rimes fermées en -r en PGR.
4.2.3.6
Rimes du japhug fermées en -ɣ
On ne trouve que deux rimes fermées en -ɣ : -ɤɣ et -ɯɣ. La finale -ɣ, comme nous
l’avons montré, est en distribution complémentaire avec -ʁ par rapport à la voyelle, sauf
pour le mot ʑaraɣ « génitif de 3p. » qui est un composé postérieur au PGR. Pour les deux
finales -ɣ et -ʁ du japhug de kɤmɲɯ, nous reconstruisons *-k et *-q respectivement en
PGR comme nous l’avons vu dans l’introduction de 4.2, sauf pour la finale *-iq qui donne
-ɯɣ. En PGR, ces deux finales ne sont pas en distribution complémentaire. En somang, la
finale -ɣ du japhug correspond à –k, tandis qu’en zbu, elle correspond à aussi bien à –x
qu’à –χ.
La présente section se divise en deux parties :
z
-ɤɣ (Tableau 208 p.260)
z
-ɯɣ (Tableau 209 p.261)
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang /
zbu
Autres langues
cogtse
ɕɤɣ
genévrier
ɕə́k
xɕôx
Tib. shug-pa
Tang. źjiw 1.46 #4118
kɯ-jɤɣ
être d'accord
kə-jôx
kɯ-ŋgɤɣ
courbé
kɐ-ŋgə̂x
Tib. gug-po
259
kɤ-lɤɣ
ka-lôk
garder les
kə-ltʰôx, ltʰə̂x
animaux
Tib. ‘brog-pa
« nomade »
Tang. lhew 1.43 #993
kɯ-tʂɤɣ
kə-tʂók
six
Bir. krok
kə-tɕôx
Tib. drug
Tang. tśhjiw 1.46 #3200
kɯ-rtsɤɣ
kə-ɕtɕík
panthère
Bir. sac
qə-sɐ̂
Tib. gzig
Tang. zewr 2.78 #5768
smɤɣ
laine
kɤ-krɤɣ
couper
smôk
de
smôx
kɐ-krɐ̂k HFF
l'herbe
tɯ-xtɤɣ
tə-kték
frère (terme
employé par les
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
garçons)
kɯ-ɕɤɣ
Tang. sjiw 1.46 #3457
kə-ɕə́k
nouveau
Bir. sac
tɯ-mtʰɤɣ
taille
tə mtʰə́k
tɤ-ndɤɣ
poison
ta-dók
Tang. do 1.49 #8
Tib. dug
Tableau 208 : Correspondances du Japhug -ɤɣ dans les autres langues rgyalronguiques
Comme on le voit dans le Tableau 208, le japhug -ɤɣ correspond à –ok, -ɐk, -ik et -ək
en somang et à -əx, –ox et -ɐ en zbu. Nous reconstruisons *-ɔk lorsque le japhug -ɤɣ
correspond à -ok en somang et à -ox en zbu, *-ek lorsqu’il correspond à -ik ou -ek en
somang, et *-ɐk lorqu’il correspond à -ɐk en somang. Les cas où le japhug -ɤɣ correspond
au somang -ək sont problématiques : il pourrait s’agir d’emprunts du rgyalrong oriental au
japhug - en effet, le /ə/ du somang et du cogtse est moins fermé que le /ɯ/ du japhug, et le
phonème /ɤ/ est donc mieux adapté pour reproduire ce son.
Il n’est pas à exclure aussi que ɕɤɣ « genévrier » soit un emprunt au somang ɕə́k,
lui-même emprunté à la première syllabe du mot tibétain shug-pa, et non un cognat du
tibétain comme le mot zbu xɕôx.
japhug (kɤmɲɯ)
kɤ-ɕlɯɣ
sens
lâcher sans faire
Somang
zbu
Autres langues
kɐ-ɕlə́k
attention
kɤ-cɯɣ
sommet
de la
tə-ték HFF
tə-ku cíx
tête, fontanelle
kɤ-fɕɯɣ
déchirer, démolir
ka-sarɕók
260
kɤ-jndʐɯɣ
ruminer
tə-jró́k ka-pa
kɤ-mtsɯɣ
mordre
kʰa-mtɕə́k ka-lat
kɤ-pʰɯɣ
déployer,
ouvrir
tɤ-ndʐə̂x
ka-pʰə́k
en soutenant
kɤ-sɯɣ
kə-sík
serré, tendu
kɐ-séχ, <sêχ
Tang.
se
2.7
#1921
kɯ-ɣɯ-ndʑɯɣ
collant, visqueux
kɯ-ndzôk
(colle, résine)
kɯ-pɯɣ
se gonfler
kə-ɣvə̂x
sqa-ptɯɣ
onze
ʁɐ-fcə̂x
tɤ-rʑɯɣ
ride
ta-rʑə́k
tɯ-pʰɯɣ-pa
cuisse
tə-pʰət-pá
Tib. gcig « un »
tɐ-rndʑíx
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Tableau 209 : Correspondances du Japhug -ɯɣ dans les autres langues rgyalronguiques
Comme on le voit dans le Tableau 209, la rime -ɯɣ du japhug correspond à -ək, -ok
–ek –ik et -ət en somang et à -əx, -eχ, –ix en zbu. Nous reconstruisons *-ok lorsque le
japhug -ɯɣ correspond à -ok en somang, et *-ɯk lorsqu’il correspond à -ək dans cette
langue (en zbu, on trouve -ik après palatales et alvéolo-palatales). Les *-ik du japhug se
confondent avec *-i (voir 4.2.1.3 p. 224), mais le mot kɤ-sɯɣ « serré » doit remonter à
*siq : cette rime donne -ik en somang; et -eχ en zbu. La nature uvulaire de la finale n’est
conservée qu’en zbu. On doit reconstruire une opposition entre vélaires et uvulaires *-ik /
*-iq en PGR. Pour le mot tɯ-pʰɯɣpa « cuisse », dont le cognat en japhug a une finale -t
au lieu de -k, nous n’avons pas d’explication. Par ailleurs, le mot kɤ-cɯɣ « fontanelle »
pose également problème, car sa rime ne peut ni venir de *-ik ni de *-ek, mais il
correspond à une rime –ek en somang, et il faudrait reconstruire une voyelle antérieure.
L’initiale de ce mot est également problématique (voir section 4.3.2.4 p.297).
On ne peut pas reconstruire une rime *-uk distincte de *-ok.
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
PGR
rgyalrong oriental
Zbu
-ɤɣ
-ɤɣ
-ɤɣ
*-ɔk
-ok
-ox
-ɤɣ
-ɤɣ
-ɤɣ
*-ek
-ek, -ik
?
-ɤɣ
-ɤɣ
-ɤɣ
*-ɐk
-ɐk, -ək
-əx
-ɯɣ
-ɯɣ
-ɯɣ
*-ɯk
-ək
-əx / -ix
-ɯɣ
-ɯɣ
-ɯɣ
*-ok
-ok
-əx ?
-ɯɣ
-ɯɣ
-ɯɣ
*-iq
-ik
-eχ
Tableau 210 : Rimes fermées en PGR correspondant aux rimes à finale -ɣ.
261
4.2.3.7
Rimes du japhug fermées en -ʁ
On ne trouve en japhug de kɤmɲɯ que deux rimes fermées en -ʁ : -aʁ et -oʁ. Cette
finale n’est pas voisée dans les autres dialectes japhug, où elle correspond à –χ. La finale
-ʁ du japhug correspond à –k en somang et à –χ en zbu. Elle remonte au PGR *–q. La
présente section se divise en deux parties :
z
-aʁ (Tableau 211 p.264)
z
-oʁ (Tableau 212 p.265)
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang /
zbu
Autres langues
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
cogtse
tɯ-pɤ-cʰaʁ
nombril
tə-ɣú-tɕʰəχ
kɯ-ɕpaʁ
avoir soif
ka-ɕpâk HFF
kɐ-spʰjɐ́χ
kɯ-ɕqraʁ
intelligent
kə-ɕkrɐ́k HFF
kə-ɕqrɐ̂χ
kɯ-mɯɕtaʁ
froide (eau)
kə-mə-ɕtâk
Tang. dạ 2.56 #4052
HFF
kɯ-jaʁ
épais
kə-já́k
kə-jɐ̂χ
Tang. lạ 1.63 #3485
tɯ-jaʁ
main
ta-ják
tə-jɐ̂χ
Tang. lạ 1.63 #3485
Bir. lak
Tib. lag-pa
tɤ-jwaʁ
feuille
tɐ-jwɐ́k
sí-lwɐχ
Tang. bạ 2.56 #4567
Bir. a rwak
kɤ-mbaʁ
se casser
Tang. bja 2.17 #4459
ka-bâk
(bambou)
tɯ-mɲaʁ
œil
tə-mɲák
tə-mɲɐ̂χ
Bir. myak
Tib. mig
kɤ-mqlaʁ
kɐ-mɢlə́χ,
avaler
mɢlɐ̂χ
kɤ-mtsaʁ
sauter
kɯ-ɲaʁ
noir
ka-mtsɐ̂k HFF
kə-ɲɐ̂χ
Tang. njaa 1.21 #176
Bir. nak
Tib. nag-po
kɤ-nbraʁ
ɲcʰɣaʁ
rendre la terre
kɐ-nbrɐ̂χ,
plus meuble
<nbrɐ̂χ, <nbrə́χ
écorce de
ntʰwák-HFF
cʰɣwɐ̂χ
ka-ldʑá́k
kɐ-ldʑɐ̂χ
bouleau
kɤ-ndʑaʁ
traverser la
rivière
262
kɤ-ntɕʰaʁ
rue
kə-tsʰôk
tɯ-ntɕʰaʁ
goutte
tə-ntʰák
paʁ
porc
pák
pɐ̂χ
Tang. wa 1.17 #294
Bir. wak
Tib. phag
kɤ-pɣaʁ
retourner
kɐ-pkɐ̂k HFF
kɐ-pʰɣɐ́χ,
<pʰɣɐ́χ, pʰɣéχ
kɤ-pʰaʁ
couper
ka-pʰâk
kɐ-pɐ̂χ, pə̂χ
Tang.
pha
1.17
#4007
tɯ-pjaʁ-pa
aine
ta-pja-kê
qaʁ
houe
kâk
Tib. bzhag-‘og
qwɐ̂χ
Tang.
kwạ
2.56
khia
2.15
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
#1752
kɤ-qaʁ
enlever la peau
kɤ-ɴɢraʁ
s’abîmer
kɐ-qɐ̂χ, qə́χ
kə-ŋgrâk
(habits)
qraʁ
qʰrɐ́χ
soc
Tang.
#4680
kɤ-qraʁ
déchirer
kɯ-rnaʁ
profond
kɐ-qʰrə́χ, qʰrɐ̂χ
Tang. na 1.17 #4693
kə-rná́k
Bir. nak
tɯ-rpaʁ
épaule
Tang. wạ 1.63 #5170
ta-rpák
Tib. phrag
kɤ-ɣɤrʁaʁ
chasser
Tang. ba 1.17 #2200
tɐ-rwɐk HFF
ka-narwá́k
kɯ-rtaʁ
assez
kə-rtɐ́k HFF
tɯ-ɣurʑaʁ
blé d'hiver
wu-rják
tɤ-rʑaʁ
temps
ʑɐ́k
kɤ-sɤtaʁtaʁ
amasser
ka-sataktak
kɤ-taʁ
tisser
ka-ták
kə-rtə́χ
və-ʑə́χ
kɐ-tɐ̂χ, tɐ̂χ, tə́χ
Bir. rak
織 *btɨk > tsyik
Tib.‘thag,btags
kɤ-rɤtɕaʁ
fouler du pied
ka-ra-tɕá́k
kɐ-rɐtɕɐ̂χ,
rɐtɕɐ̂χ, rɐtɕə́χ
kɤ-tɕɣaʁ
presser
ka-ktɕár
tʰawaʁ
assiette
kɯ-zbaʁ
sec
kə-zbá́k
tɯ-zraʁ
honte
ka-nasrâk HFF
tʰie-və́χ
tə-rzɐ̂χ
Bir. rhak
色 *bsrɨk > srik
tə-srák
Tib. gshags
« confession »
kɤ-βraʁ
attacher
ka-prák
kɐ-prɐ̂χ
263
kɤ-rɤβraʁ
kɐ-rɐvróχ,
se gratter
rɐvrôχ,<rɐvréχ
Tableau 211 : Correspondances du Japhug -aʁ dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on peut le lire dans le Tableau 211, quasiment tous les mots japhug en -aʁ
correspondent à -ak ou -ɐk en cogtse (le somang de Huang et Sun ne distingue pas ces
deux rimes) et à -ɐχ et -əχ en zbu. Par ces mots, nous reconstruisons *-aq / *-ɐq en PGR.
On ne trouve que deux exceptions : kɤ-rɤβraʁ « se gratter » et kɤ-ntɕʰaʁ « rue » dont les
rimes correspondent à -ok en somang et -oχ en zbu. Pour ces deux mots, nous
reconstruisons *-ɔq en PGR.
Pour le verbe « presser » kɤ-tɕɣaʁ, nous reconstruisons une voyelle vélarisée *aˠ en
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
PGR (voir p. 221).
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang /
zbu
Autres langues
cogtse
kɯ-fsoʁ
clair (ciel)
kə-pʰsó́k
tɤ-jŋoʁ
crochet
ta-jkó́k
kɤ-joʁ
lever
ka-jó́k
ɕna-loʁ
anneau nasal
kɤ-lwoʁ
asperger
ka-rwôk
kɤ-mboʁ
exploser
kə-mbâk
kɤ-moʁ
manger
kɤ-sɤmtɕʰoʁ
de
kə-fsóχ, fsôχ
sɲɐ-lôχ
kɐ-móχ,
la
môχ,
Tsampa
méχ
ordonner
kɐ-sɐmtɕʰôχ,
<sɐmtɕʰə́χ,
<sɐmtɕʰə́χ
kɤ-mtɕʰoʁ
ka-rampɕó́k
en ordre
« mettre
en
ordre »
kɤ-mtɕoʁ
kə-ŋamtɕó́k
pointu
kɐ-mtɕʰôχ,
mtɕʰə́χ
kɤ-ndzɯqoʁ
roter
mdzəkó́k kə-pa
tɯ-ɲoʁ
grains et balle
tə-ɲóχ
kɤ-ɴqoʁ
être accroché, se
kə-lŋóχ, lŋôχ
tenir
sɯ-kɯntʰoʁ
pic-vert
kɤ-nɤpoʁ
embrasser
enfant
ɕe-ko kəntok
un
si-kuntʰoχ
kɐ-npóχ, npôχ,
<npêχ
264
tɯ-rnoʁ
tə-rnók
cerveau
tə-rnôχ
no
Tang.
2.42
#118
脑 *anoʔ > nawX
kɤ-roʁ
graver
kɐ-rók-LYJ
kɐ-róχ, róχ, réχ
kɤ-rqoʁ
prendre dans ses
ka-rkó́k
kɐ-lqʰóχ, lqʰôχ,
kɤ-stʰoʁ
bras
lqʰéχ
appuyer
kɐ-stɐ̂χ,
stɐ̂χ,
stə́χ
stoʁ
pois
ta-stók
tɤ-tsʰoʁ
clou
ta-tsʰôk
tɤ-tsoʁ
Potentilla
ta-tsôk
snôχ
菽 *bstuk > syuwk
tɐ-tsôχ
anserina (une
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
plante)
kɤ-sɤtʂoʁloʁ
mélanger
ka-satɕolô
tɯ-zloʁ
fois
tə-tə́-lok
tə-lôχ
ʑɴɢoloʁ
noix
ʑgoló-HFF
zɢólo
Tableau 212 : Correspondances du Japhug -oʁ dans les autres langues rgyalronguiques
Comme on le voit dans le Tableau 212, e -oʁ du japhug correspond à -ok en somang et à
-oχ en zbu dans presque tous les cas, sauf ʑɴɢoloʁ « noix » et kɤ-sɤtʂoʁloʁ « mélanger »
où cette rime correspond à -o dans les deux langues, et kɤ-mboʁ « exploser » où l’on
trouve -ak en somang.
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
PGR
rgyalrong oriental
Zbu
-aʁ
-aχ
-aχ
*-aq
-ak
-ɐχ
-aʁ
-aχ
-aχ
*-ɐq
-ɐk
-əχ
-aʁ
-aχ
-aχ
*-ɔq
-ok
-oχ
-oʁ
-oχ
-oχ
*-oq
-ok
-oχ
-ɣaʁ
?
?
*-aˠq
-ak
?
Tableau 213 : Rimes fermées en PGR correspondant aux rimes à finale -ʁ
4.2.3.8
Le systèmes des rimes : conclusion
Nous avons reconstruit dans les syllabes fermées un système de 8 voyelles, dont
trois postérieures arrondies *ɔ, *o et *u pour deux antérieures *e et *i. *o et *u ne sont
distinctives que dans les rimes à finales -t et -r. Ce système ne semble pas cohérent du
point de vue typologique, mais c’est pourtant un système similaire qu’on observe en zbu :
dans cette langue, il n’y a que deux phonèmes antérieurs /i/ et /e/ pour trois postérieurs
265
arrondis /o/, /ʊ/ et /u/, mais /ʊ/ n’est distinctif de /u/ que dans les rimes -ʊt / -ut.
Dans le Tableau 214, nous indiquons les correspondances de notre PGR avec les
dialectes de kɤmɲɯ et de gSar-rdzong. Les colonnes du tableau indiquent les voyelles de
la rime, et les lignes indiquent les consonnes finales. Pour chaque rime, nous combinons
deux cases : le PGR est indiqué en gras dans la case du dessus, et les dialectes
modernes sont placés dans la case du dessous. Lorsqu’il n’y a qu’une seule forme dans
la case du dessous, cela signifie que les dialectes de kɤmɲɯ et de gSar-rdzong sont
semblables pour cette rime. Les formes du dialecte de gSar-rdzong ne sont indiquées
(après une barre oblique) que lorsqu’elles diffèrent de l’autre dialecte. Les rimes ne
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
pouvant être reconstruites en PGR sont indiquées en grisé.
*a
*ɐ
*ɔ
syllabe
*-a
*-ɐ
ouverte
-a
*-p
*-ap
*-ɐp
-aβ /
-ɤβ / -ɤp
*e
*o
*ɯ
*u
*i
*-e
*-o
*-ɯ
*-u
*-i
-i / -ɛj
-ɯ
*-ɔp
*-ɯp
*-t
*-am
*-ɐm
*-om
-om
-ɤm
-ɯm / -um
*-at
*-ɐt
*-as
*-ɔt
*-r
*-ɐs
*-ɯm
*-um
*-im
-ɯm
*-ut
-ɯt
-ɯt
*-ɯs
*-us
*-it
*-is
-ɯs
-ɤs
*-aj
*-ɐj
*-ej
*-ij
-e / -ɛj
-ɤj / -ɛj
-e / -ɛj
-i
*-ar
*-ɐr
*-ak
*-ɔr
*-or
*-ɐk
*-ɯr
-ur
-ɤr
-a
*-ŋ
-ɯβ / -ɯp
*-ot
*-ɔs
-ar
*-k
*-et
-ɤt
-as
*-j
*-ip
-ɤp
-at
*-s
*-up
-ɤβ /
-ap
*-m
-i / -ɪj
*-ɔk
-ɤɣ
*-ek
*-ur
*-ir
-ɯr
*-ok
*-ɯk
*-uk
*-ik
-ɯɣ
-ɯɣ
-ɯ / -ɯɣ
-i
*-aŋ
-o
*-q
*-aq
*-ɐq
-aʁ / -aχ
*-ɔq
*-oq
*-iq
-oʁ / -oχ
-ɯɣ
Tableau 214 : Récapitulation des rimes du PGR et leur correspondences dans les dialectes de
kɤmɲɯ et de gSar-rdzong.
Pour trouver l’endroit où une rime particulière est discutée, il suffit de se reporter au
chapitre qui discute de la rime du japhug de kɤmɲɯ en question. Entre le PGR et les
266
dialectes japhug, un certain nombre de consonne finales sont tombées, notamment dans
les rimes *-ak, *-ik et *-uk. Il convient par ailleurs de noter que les finales que nous
reconstruisons *-s en PGR deviennent parfois sporadiquement –t au lieu de –s dans les
dialectes modernes.
L’évolution des rimes à consonne finale –j est décrite dans la section sur la rime –e
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
(4.2.1.2 p.216) et la section sur la rime -i (4.2.1.3 p.226).
267
4.3
Les consonnes initiales du japhug
La richesse des groupes consonantiques du japhug est telle qu’une reconstruction
exhaustive de chacun des groupes en PGR et en proto-rgyalrong dépasse l’objet de ce
travail. Nous ne présenterons ici qu’un aperçu des correspondances entre le japhug et les
autres langues rgyalronguiques.
Comme nous le verrons, le système d’initiales est quasiment identique dans les
dialectes japhug, mis à part pour l’initiale /ɣ/ du dialecte de kɤmɲɯ qui correspond dans
certains cas à /w/ dans le parler de gSar-rdzong et quelques mots isolés. Pour
reconstruire le PGR, il est donc nécessaire d’avoir recours à la reconstruction interne et à
la comparaison avec les autres dialectes. Certains changements que nous reconstruisons
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
dans ce chapitre datent du proto-rgyalrong, tandis que d’autres sont plus tardifs.
Comme nous l’avons vu dans le chapitre sur la phonologie synchronique, on
distingue 50 consonnes différentes en japhug moderne. Nous reproduisons ci-dessous le
tableau des phonèmes consonantiques dans le Tableau 215 :
labiales
apicales
dentales
alvéolo-
dorsales
rétroflexes
palatales
vélaires
uvulaires
palatales
occlusives sourdes
p
t
c
k
q
occlusives sourdes
pʰ
tʰ
cʰ
kʰ
qʰ
occlusives voisées
(b)
d
ɟ
(g)
occlusives prénasalisées
mb
nd
ɲɟ
ŋg
ɲ
ŋ
aspirées
affriquées sourdes
ts
tɕ
tʂ
affriquées aspirées
tsʰ
tɕʰ
tʂʰ
affriquées sonores
(dz)
(dʑ)
(dʐ)
affriquées prénasalisées
ndz
ndʑ
ndʐ
occlusives nasales
m
n
fricatives sourdes
s
ɕ
fricatives sonores
z
ʑ
sonantes non-nasales
latérale aspirée
w
l
(ʂ)
r
ɴɢ
(x)
χ
ɣ
ʁ
j
(ɬ)
Tableau 215 : Les phonèmes consonantiques du japhug de kɤmɲɯ
Nous avons indiqué entre parenthèses dans le Tableau 215 les phonèmes
consonantiques les plus rares dans cette langue. On note en particulier qu’en dehors des
268
phonèmes /ɟ/ et /d/, les occlusives voisées non-prénasalisées sont extrêmement rares en
japhug. Les données sur les dialectes autres que celui de kɤmɲɯ nous manquent pour
estimer si ces phonèmes sont plus communs et si l’on retrouve des mots apparentés
ayant ces phonèmes dans les autres dialectes. Etant donné le statut particulier des
occlusives voisées, elles seront traitées dans une section séparée.
Cette section sera divisée en cinq parties :
z
Les préinitiales et la structure des groupes de consonnes en PGR.
z
Les occlusives et les affriquées du japhug, dont nous présenterons les
correspondances avec les autres langues.
z
L’origine des consonnes voisées du japhug, où nous montrerons que les
occlusives et affriquées voisées du japhug ne peuvent pas remonter à une série
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d’occlusives voisées dans la proto-langue.
z
Les fricatives et les sonantes non-nasales du japhug.
z
Conclusion générale où nous présenterons une synthèse des correspondances
et des reconstructions.
Les listes de vocabulaire comprennent les cognats en somang et en zbu des mots
japhug du vocabulaire de base. Les mots que nous reconnaissons comme emprunts au
tibétain n’ont pas été inclu dans ces données, et tous les mots apparentés au tibétain que
nous supposons cognats sont indiqués comme tels ; les correspondances phonétiques ne
seront jamais bâties exclusivement sur ces mots, si bien que même s’il s’avère que
certains mots que nous considérons comme des cognats étaient des emprunts, nos
correspondances seraient toujours valides.
Nous incluons dans les tableaux de chaque phonème consonantique une liste
d’exemples sans préinitiale ni médiane, puis dans une deuxième partie du tableau, les
groupes de consonnes classés dans l’ordre des préinitiales que nous avions déjà utilisé
dans le chapitre sur la phonologie : /N/, /w/, /m/, /l/, /n/, /s/, /ɕ/, /r/, /j/, /x/, /χ/.
Bien que la majorité des mots rgyalronguiques soient monosyllabiques, on trouve
quelques étymons polysyllabiques de date proto-rgyalronguique qui ne sont pas des
emprunts au tibétain tels que tɕaɣi < *tɕakij « perroquet », tɕʰorzi < *tɕʰaŋrzij « jarre ».
Certains de ces disyllabes sont encore analysables étymologiquement, comme ɕkɤrɯ
« une espèce d’ovin (Capricornus sumatraensis) », dont les syllabes peuvent peut-être
s’analyser comme « oignon » ɕku et « corne » rɯ (litt. : corne en forme d’oignon ?), mais
le sens originel est obscurci car le composé était déjà formé en proto-rgyalronguique.
4.3.1
Les préinitiales du PGR
Avant de passer en revue les initiales et les groupes de consonnes, nous allons
présenter les correspondances générales des préinitiales entre le japhug et les autres
269
langues. Les exceptions ne seront toutefois étudiées que dans le corps du chapitre avec
chaque initiale.
En japhug seules les sonantes et les fricatives peuvent occuper la position de
préinitiale dans la syllabe. C’est là une différence majeure avec le somang où des
groupes tels que kt- ou pk- sont tout à fait bien formés.
Entre le japhug et les autres langues rgyalronguiques, les correspondances entre les
préinitiales est parfois compliquée : on rencontre souvent des cas où les préinitiales d’une
autre langue n’ont pas d’équivalent en japhug (par exemple japhug tɯ-pri « message »,
somang tə-kpré) et inversement (japhug fso-mɯr « demain soir », somang so-môr).
Les correspondances les plus courantes entre le japhug et le somang indiquent que
les préinitiales occlusives p- et k- du somang sont devenues des fricatives en japhug.
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Quelques exemples peuvent être consultés dans le Tableau 216 :
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
Changement
kɤ-ɣɤ-xpra
ordonner
ka-wa-kprá
*kpr- > xpr-
tɯ-xtɤɣ
frère
tə-kték
*kt- > xt-
tɯ-fsi
foie (gSar-rdzong)
tə-pɕé
*ps- > fs-
Tableau 216 : Correspondances de préinitiales en japhug et en somang.
Dans notre reconstruction du japhug, nous étendrons ce principe aux autres
préinitiales : sauf indication contraire, les préinitiales fricatives f-, x- et χ- viennent
d’occlusives *p-, *k- et *q- en PGR. Dans ce chapitre, nous proposerons des
reconstructions pour des groupes de consonnes souvent attestés par un seul exemple.
C’est là un problème méthodologique, car les reconstructions basées sur si peu de
données ne sont pas fiables ; aussi les groupes reconstruits sur la base d’un seul
exemple seront indiqués entre parenthèses dans les tableaux récapitulatifs en fin de
chaque section.
On doit par ailleurs reconstruire deux groupes du type [occlusive + médiane] en PGR.
Comme on peut l’observer dans les exemples du Tableau 217, les groupes tels que pr-,
pl- ou kr- en somang ou en zbu correspondent en japhug à des groupes [occlusive sourde
+ r/l/lj] où l’occlusive tient le rôle d’initiale, et [fricative voisée + r/l/lj] où la fricative est
préinitiale et le phonème r/l/j est initiale. Nous reconstruisons dans ces cas deux types de
groupes en PGR : des groupes [occlusive sourde + r/l/lj] (*pr-, *pl- etc.) où l’occlusive
devient une fricative en japhug, et des groupes [présyllabe + r/l/lj] (*pə-r-, *pə-l- etc.) où le
schwa disparaît et l’occlusive ne se lénifie pas.
Cette distinction n’existe qu’avec les sourdes. Les groupes [occlusive aspirée /
prénasalisée + r/l/lj] du PGR ne changent pas (*mbr- > mbr-, *pʰr- > pʰr etc.) et nous
n’avons aucune raison de reconstruire des groupes à présyllabes aspirées ou
270
prénasalisées du type *pʰə-r- ou *mbə-r-. Dans les groupes plus complexes à préinitiales
du type [nasale + occlusive sourde + r/l] ou [fricative + occlusive sourde + r/l/lj] tels que
mpj- ou xpr- en japhug, nous ne reconstituons également que le type sans présyllabe en
PGR : il n’existe pas de présyllabes à initiale complexe (par exemple, xpr- < *kpr-, mais on
ne trouve pas de groupes tels que *kpə-r- dans la proto-langue). Devant *-lj-, les
occlusives du PGR sont toujours lénifiées.
Les médianes *j et *w se distinguent de *r, *l et *lj car on ne trouve pas d’opposition
entre groupes à présyllabes et groupes fusionnels. Ainsi, le PGR *pj- et *qj- restent pj- et
qj- en japhug. La seule exception est peut-être celle entre *kj- qui donne c- et *kə-j- qui
donne ki- : dans ce cas, toutefois, l’initiale n’est pas spirantisée (on a c- et non *ɣj-).
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japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang / cogtse
zbu
PGR
kɤ-βraʁ
attacher
ka-prák
kɐ-prɐ̂χ
*pr-
kɤ-prɤt
couper
ka-prɐ́t HFF
kɐ-pʰrát, <, pʰrít
*pə-r-
kɤ-βli
planter
ka-plû
kɤ-plɯt
détruire
ka-plôt
tɤ-βɟu
matelas
ta-pjó
*plj-
βʑɯ
souris
pə-jú
*pə-lj-
tɯ-ɣru
coude
tə-krú
couper
kɐ-krɐ̂k HFF
*kə-r-
*pl-
kɐ-plʊ́t, plôt
*pə-l-
tə-krəvzuʔ
*kr-
(gSar-rdzong)
kɤ-krɤɣ
l’herbe
tɯ-pju
moëlle
tə pjó HFF
*pj-
kɯ-qiaβ
amer
kə-tɕáp
*qj-
Tableau 217 : Groupes occlusive + médiane en PGR.
Nous reconstruisons les préinitiales j- du japhug comme *l- en PGR devant les
labiales (et peut-être aussi les vélaires). La preuve que ces préinitiales viennent d’une
latérale est donnée par le zbu, où j- correspond systématiquement à l-, comme on peut le
voir dans les exemples du Tableau 218. On trouve quelques exemples de préinitiales l- en
japhug qui pourraient venir du PGR : tɯ-ldʑa « brin », mais jamais devant les consonnes
graves (dorsales et labiales).
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
Autres langues
tɤ-jpɣom
glace
tə-rpam
tɐ-lvɐ́m
kɯ-jpum
large (diamètre)
kə-jpâm
kə-lvóm, lvôm
Tib. sbom-po
tɤ-jme
queue
ta-jmî
tɐ-lmeʔ
尾
*bmɨjʔ >
mjɨjX
271
kɤ-jmɯt
oublier
ka-jmə̂s
kɐ-lmît, <lmə́t, lmə́t
tɯ-jmŋo
rêve
ta-rmô
tə-lmɐʔ
kɯ-jka
corbeau
kʰə-rkô
kwél-kwə
à
bec
rouge (Pyrrhocorax
Tib. rmang-lam
HFF
pyrrhocorax)
Tableau 218 : La préinitiale j- du japhug et sa correspondance en zbu.
Enfin, on trouve six groupes dont l’initiale du PGR est lénifiée à cause de la préinitiale
en japhug (Tableau 219). Dans trois cas (*pk- > pɣ-, *mŋ- > mw- et *tp- > tɣ-) la préinitiale
du PGR devient initiale en japhug. La reconstruction du groupe *kp- est encore
hypothétique, car on ne trouve pas un groupe comparable en somang.
La lénition de la seconde occlusive dans les groupes de deux occlusives est un
phénomène qui s’observe dans d’autres langues d’Asie, l’exemple typique étant le
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nha-heun, une langue bahnarique parlée au Laos (Ferlus 1971). Un phénomène similaire
a dû se produire en chinois (Sagart 1999).
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang / cogtse
PGR
pɣa
oiseau
pká
*pk- > pɣ-
kɤ-βʁa
gagner
ka-pká
*pq- > βʁ-
βɣɯs
blaireau
pə́s
*kp-> βɣ-
kɤ-naʁju
se curer les dents
ka-naktɕó
*qc- > ʁj-
tɤ-muj
plume
ta-mŋí
*mŋ- > mw-
kɤ-tɣa
récolter
tə-kpá « récolte »
*tp- > tɣ-
Tableau 219 : Initiales lénifiées par les préinitiales en japhug.
4.3.2
Les occlusives et affriquées du japhug
Dans ce chapitre, nous allons étudier la reconstruction des occlusives et des
affriquées sourdes, aspirées et prénasalisées. Les occlusives voisées seront étudiées
dans la section 4.3.3.
La présente section est divisée en six parties :
z
Les labiales
z
Les occlusives dentales
z
Les affriquées dentales, rétroflexes et alvéolo-palatales
z
Les occlusives palatales
z
Les vélaires
z
Les occlusives uvulaires
272
4.3.2.1
Les occlusives labiales
On trouve 5 occlusives labiales en japhug : /p/, /pʰ/, /b/, /mb/ et /m/. Nous ne
traiterons pas ici de l’occlusive voisée /b/ (voir la section 4.3.3 p.316). La présente section
se divise en quatre parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances des
initiales du japhug de kɤmɲɯ dans les autres langues rgyalronguiques. En fin de section
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se trouve un résumé des reconstructions en PGR pour les initiales labiales (Tableau 224).
z
p- (Tableau 220 p.270)
z
pʰ- (Tableau 221 p.276)
z
mb- (277Tableau 222 p.277)
z
m- (Tableau 223 p.279)
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
ku-pa
chinois
kə-pá
kə-pɐʔ
ɯ-pa
bas
paʁ
porc
qa-par
Autres langues
və-viê
pɐ̂χ
Tib. phag
chacal
ʁɐ-pér
Tib. ‘phar-ba
tɤ-pɤ-ri
repas du soir
tɐ-prî
qa-pi
silex
ka-pî
ɯ-pɯ
intérêt
wu-pə́k
kɯ-pɯɣ
se gonfler
ɯ-pɯ
enfant
kɤ-nɤ-poʁ
embrasser un
kɐ-npóχ, npôχ,
enfant
<npêχ
kɤ-pu
cuire dans les
pák
ʁɐ́-və
kə-ɣvə̂x
ta-pú
ka-pô
Tib. bu
kɐ-pəʔ, puʔ, poʔ
braises
tɯ-pu
intestine
tə-pô
pɣɤ-kʰɯ
hibou
pka-kʰú
kɤ-pɣaʁ
retourner qqch
kɐ-pkɐ̂k HFF
kɐ-pʰɣɐ́χ, <,
« défricher »
pʰɣéχ
kə-bgî /
kə-pʰɣiʔ
kɯ-pɣi
gris
Tib. pho-ba
tə-pkê
kɤ-pɣo
filer entre les
ka-pó
Tib. ‘phang
Tib. bzhag ‘og
doigts
tɯ-pjaʁ-pa
aine
ta-pja-kê
kɤ-rɤpjɤs
tresser
ka-kpjɐ́t LYJ
kɐ-rɐpjês,
ka-rakpjá́t
rɐpjîs, rɐpʰjeʔ
273
kɤ-pjɤt
bourrer un
ka-pjót
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saucisson
tɯ-pju
moëlle
tə pjó HFF
kɤ-plɯt
détruire
ka-plôt
kɐ-plʊ́t, plôt
kɤ-prɤt
couper
ka-prɐ́t HFF
kɐ-pʰrát, <, pʰrít
kɤ-pri
déchirer
ka-prə̂
qa-pri
serpent
kʰa-bré
ʁɐ-prî
pri
ours
prí
praʔ
tɯ-pri
message
tə-kpré
kɯ-mpja
chaud
kə-mpjâ
kɯ-mpɯ
mou, tendre
kə-nə-pû
kɤ-spa
pouvoir
ɕpá́
tɤ-spɯ
pus
ta-spû
tɯ-spra
poignée
kɤ-ɕpɯ-ɕpa
plat
ka-ʑba-ʑbá́
qa-ɕpa
grenouille
kʰa-ɕpâ
ʁɐ-spieʔ
kɯ-ɕpaʁ
avoir soif
kɯ-sa-ɕpá́k
kɐ-spʰjɐ́χ
kɯ-ɕpas
marmotte
kʰɐ-ʃpɐ̂s HFF
kə-spês
kɤ-nɯ-ɕpɯs
se déguiser,
ka nə-ɕpə̂s
Tib. sbrul
kə-nbəʔ
tɐ-zwəʔ
ki-spraʔ
Tib. sbal
imiter
kɤ-ɕpɯt
élever
ka-ɕpú́t
tɤ-jpa
neige
ta-jpâ
tɤ-jpɣom
glace
tə-rpam
tɐ-lvɐ́m
kɯ-jpum
large (diamètre)
kə-jpâm
kə-lvóm, lvôm
Tib. sbom-po
tɯ-rpa
hache
ɕə-rpâ
tə-vrieʔ
斧 *bpaʔ > pjuX
tɯ-rpaʁ
épaule
ta-rpák
kɤ-rpu
heurter
kɤ-ɣɤxpra
ordonner,
tɯ-xpa
Tib. phrag
kɐ-rpʰuʔ, <
kɐ-səvrjî,
Tang. phji 1.11
envoyer en
<səvrjieʔ,
#749
misson
<səvrjieʔ
une année
ka-wakprá
tə-pâ
və-mpieʔ
Tang. wji
1.10 #2712
tɯ-χpɣi
cuisse
tɤ-χpjiʔ
tɯ-χpɯm
genou
tə-χpum
Tib. byin-pa
Tableau 220 : Correspondances du Japhug p- dans les autres langues rgyalronguiques
Le japhug /p/ correspond à /p/ (et à /b/ dans un cas) en somang et à /p/, /v/, /pʰ/ (et à
/ɣv/, /w/ ou /b/ chacun dans un exemple) en zbu, comme on le voit dans le Tableau 220.
274
Le japhug /p/ correspond parfois à des initiales spirantisées /v/ ou /w/ en zbu, mais la
plupart du temps, il ne semble pas que l’on puisse prédire des formes japhug ou
somang si l’on trouve une initiale spirantisée ou non-spirantisée en zbu : on trouve les
deux types de correspondance dans les formes sans préinitiale (paʁ :: pɐ̂χ « cochon »,
qa-pi :: ʁɐ́-və « silex ») et à préinitiale r- (kɤ-rpu :: kɐ-rpʰuʔ « heurter », tɯ-rpa :: tə-vrieʔ
« hache »). Lorsque la préinitiale est ɕ- en japhug, la forme du zbu n’est jamais
spirantisée (ʁɐ-spieʔ « grenouille », kɐ-spʰjɐ́χ « avoir soif », kə-spês « marmotte »), et
lorsque la préinitiale est j- en japhug, la forme du zbu est spirantisée (tɐ-lvɐ́m « glace »,
kə-lvóm « large ») ; mais les exemples sont encore trop peu nombreux pour que l’on
puisse tirer de conclusion de ces correspondances.
Les groupes pl- et pr- du japhug, comme nous l’avons vu dans l’introduction sur les
préinitiales (4.3.1 p.271), doivent être reconstruits *pə-l- et *pə-r- en PGR respectivement,
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les groupes *pl- et *pr- du PGR devenant βl- et βr- (voir section 4.3.4 p.323 et p.325).
Dans tɤ-pɤ-ri « repas du soir », les deux dernières syllabes -pɤ-ri correspondent à une
seule syllabe en zbu -prî. Il s’agit là probablement d’un exemple où la voyelle de la
présyllabe n’est pas tombée. Ce mot doit aussi se reconstruire également avec une
initiale *pə-r- en PGR.
Les groupes pɣ- du japhug correspondent parfois à pk- en somang. La forme somang
est ici probablement plus archaïque : en japhug, la préinitiale *p est devenue initiale et
l’initiale *k s’est lénifiée en /ɣ/ et est devenue médiane. Nous reconstruisons *pk- pour ces
groupes en PGR, mais il est possible que la lénition du *k dans cette position soit une
innovation commune au japhug, au zbu et au tshobdun.
Dans d’autres formes (kɤ-pɣo « filer », tɤ-jpɣom « glace », tɯ-χpɣi « cuisse », kɤ-pʰɣo
« fuir » dans le Tableau 221 et kɤ-ɣɤ-mbɣo « sourd », kɯ-mbɣom « pressé » et tɤ-rmbɣo
« tambour » dans le Tableau 222), elle est due à l’existence de voyelles vélarisées en
PGR (voir la section sur la rime -o 4.2.2.1 p.230).
Pour le groupe xp- du japhug qui n’est attesté que dans tɯ-xpa « année » en japhug,
nous reconstruisons *kə-p- en PGR. Le groupe *kp- du PGR donne βɣ- en japhug.
Parmi ces mots, ɯ-pɯ « enfant » est peut-être un emprunt au tibétain.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
Autres
langues
kɤ-pʰaʁ
couper
ka-pʰâk
kɐ-pɐ̂χ, pɐ̂χ, pə̂χ
kɤ-pʰɤβ
abaisser
tɯ-pʰɯ
tronc
ɕək-pʰû
ki-pʰuʔ
tɤ-pʰɯ
motte de terre
pʰú
tɐ-pʰû
ɯ-pʰɯ
prix à payer
kɤ-pʰɯɣ
déployer, ouvrir
kɐ-pʰév, pʰêv
və-ɣwəʔ
ka-pʰə́k
en soutenant
275
tɯ-pʰɯɣ-pa
cuisse
tə-pʰət-pá
kɤ-pʰɯt
arracher, couper
ka-pʰôt
kɐ-ɣʊ́t
kɤ-pʰɣo
fuir
ka-pʰô
kɐ-pʰâ, pʰɪ̂
kɤ-mpʰɯr
envelopper
ka-mpʰə̂r
kɐ-npʰə́r, <
tɯ-mpʰɯs
fesse
tə-mpʰûs
kɤ-ɕpʰɤt
réparer
kɐ-spês
kɤ-mɯjpʰɤt
vomir
kɐ-məmpʰɐ́t
kɐ-nbês, nbîs
HFF
ta-χpʰe
kɯ-tá-χpɯt
gifle
Tableau 221 : Correspondances du Japhug pʰ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Le japhug /pʰ/ correspond à /pʰ/ en somang et à /pʰ/, /p/ et /ɣ/ (et /b/ dans un cas) en
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zbu, comme on le voit dans le Tableau 221. La correspondance japhug pʰ- :: zbu p- dans
les verbes sans préinitiales est probablement due à l’alternance d’aspiration en zbu (voir
Sun 2000a) qui s’est généralisée à tous les thèmes de ce verbe.
Dans le Tableau 220 et le Tableau 221, on trouve deux cas où une initiale sourde en
japhug correspond à une initiale voisée en zbu : kɯ-mpɯ :: kə-nbəʔ « mou »,
kɤ-mɯ-jpʰɤt :: kɐ-nbês « vomir ». Il semble que dans ces cas la préinitiale nasale voise
l’initiale en zbu. Toutefois, ce phénomène n’est pas général : ainsi dans kɐ-npʰə́r
« envelopper », l’initiale est restée sourde.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
Autres
langues
kɯ-mba
mince, peu
kə-mbâ
kə-mbieʔ, mbiê
Bir. pâ
Tang. bji 1.11
profond
#1475
mbala
boeuf
kɤ-mbaʁ
se casser
mboleʔ
ka-bâk
(bambou)
kɯ-mbat
léger (travail)
kə-wá́t
kə-mbêt, mbît
kɯ-mbe
ancien
kə-wí
kə-mbʌʔ, mbɐ̂
kɯ-mbɤr
bas, petit
kɯ-nɯ-ɣɯ-mbɤβ
enfler
kə-mbóp
kɤ-mbi
donner
ka-wə̂
kə-mbér, mbêr
kɐ-mbəʔ
Bir. pê
Tib. sbyin-pa
tɯ-mbɯ
organe sexuel
tə-mbi
masculin
276
qa-mbɯt
sable
ʁá-lbɯt
kɤ-mboʁ
exploser
kɯ-mbus
déborder
tɯ-mbri
corde
kɤ-mbri
fort (bruit), crier
kə-mbâk
tə-bré
kə-mbôs, mbə́s
Tib. sbos
tɐ-mbrəʔ
Tib. ‘breng
kə-mbriʔ, <
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
(poulet, âne)
qa-mbrɯ
yak
kə-brə̂
ʁa-mbruʔ
Tib. ‘bri
mbrɯ-tɕɯ
couteau
mbərtsâ
mbɯ́r-tɕʰə
kɤ-sɤ-mbrɯ
s’énerver
tɤ-mbrɯm
rougeole
ta-brâm
tɐ-mbrúm
Tib. ‘brum-pa
kɯ-mbro
haut
kə-mbrô
kə-mbrɐʔ, <
Bir. mráŋ
mbro
cheval
mbró
mbrɐ̂
Bir. mrâŋ
kɤ-nɯqambɯ-
voler
ka-bjâm
kə-ʁɐlbjɐ́m,
Bir. pjaṃ
kɐ-nmʊ́r, <nmúr
mbjom
<ʁɐlbjím
kɯ-mbjom
rapide
kɤ-nɯ-mbjɯm
se
chauffer
kə-mbjɐ́m
au
ka-nɯ-pjâm
kɐ-npʰjúm
ta-wó́
kə-vambaʔ
feu
kɯ-ɣɤmbɣo
sourd
kɯ-mbɣom
occupé, pressé
kə-mbám, <
kɤ-nbraʁ
rendre la terre
kɐ-nbrɐ̂χ, <,
plus meuble
<nbrə́χ
ʑmbar
ulcère
tə-ʑbó́́r HFF
ʑmbri
saule
mbrə-ɕé HFF
qa-ʑmbri
plante grimpante
tə-wró
ʑmbrɯ
bateau
ʑgrú́
kɤ-rmbat
proche
kə-wá́t
tɤ-rmbɣo
tambour
tə-rbó
tɯ-rmbi
urine
tə-rbâ
kɤ-rmbɯ
amasser
kɐ-rbuʔ
tɯ-ɣmba
joue
tɤ-ɣmbɤj
face d‘une
tə-ʑbâ
Bir. paŋ
zbrəʔ
zbriʔ
Tib. gru
tə-ɣbeʔ
ki-ɣmbɐ́-vɐχ
montagne
Tableau 222 : Correspondances du Japhug mb- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 222, le japhug mb- correspond à mb-, b- et w- en
somang et à mb- en zbu. Avec les préinitiales, le japhug /mb/ correspond à /b/ en zbu
(ʑmbri :: zbrəʔ « saule », ʑmbrɯ :: zbriʔ « bateau », kɤ-rmbɯ :: kɐ-rbuʔ « amasser » etc.).
Parmi les mots du Tableau 253, le japhug kɯ-mbus « déborder » et son équivalent en zbu
277
kə-mbôs sont peut-être des emprunts au tibétain, comme nous l’avons discuté dans la
section 3.2.3.7 p.198. Pour ɣmb-, nous reconstruisons *kmb- en PGR-.
Le groupe ʑmbr- dans ʑmbrɯ « bateau » est très problématique : il correspond
régulièrement à zbr- en zbu, mais à des groupes à vélaires en somang ʑgrú et en tibétain
gru.
On constate deux cas de métathèse entre le japhug et les autres langues (nous
citons le zbu) : mbrɯ-tɕɯ :: mbə́r-tɕʰə « couteau » et kɤ-sɤ-mbrɯ :: kɐ-nmʊ́r « s’énerver ».
Il est probable qu’ici les formes du zbu soient plus archaïques : en effet, la syllabe mbɯr
en japhug moderne ne se trouve que dans les emprunts au tibétain kɯ-mbɯr « saillant »
et ses dérivés. On pourrait donc postuler un changement *mɯr / *mbɯr > -mbrɯ propre
au japhug, même si la motivation phonologique de ce changement n’est pas claire.
Le groupe mbr- vient dans certains cas d’un groupe *mr- en PGR : la phonotactique
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du japhug ne permet pas de groupes [nasale + médiane]. Dans les mots mbro « cheval »
et kɯ-mbro « haut », le birman a en effet mr- là où les japhug, le somang et le zbu ont
mbr-. L’épenthèse du [b], bien qu’elle soit attestée dans la plupart des langues
rgyalronguiques, n’est sans doute pas de date proto-rgyalronguique. Tout d’abord, elle a
dû se produire après la métathèse du /r/ en japhug dans le mot kɤ-sɤ-mbrɯ « s’énerver ».
Par ailleurs, Mansier (1983 : 76) signale que le dialecte rgyalrong oriental de bTsan-lha a
ka-mə-ro pour « haut », et s’accorde en cela avec les transcriptions de Wolfenden (1936)
kă-mô-rô « grand, long » et de Edgar (1932) kimoro « élevé ». L’épenthèse de [b] est
tardive et s’est produite indépendamment en somang, en zbu et en japhug. Nous
reconstruisons donc *mr- pour ces mots en PGR. Toutefois, il est certain qu’une partie
des groupes mbr- du japhug moderne viennent de *mbr- ou de *br- dans la proto-langue.
Parfois, le mb- du japhug correspond à w- en somang au lieu de correspondre à mb- /
b-. Ce fait avait été remarqué par Lin Xiangrong (1993 : 606).L’initiale des mots ayant la
correspondance japhug mb- :: somang w- correspond à p- en birman et à b- en tibétain.
Etant donné que le b- du japhug moderne ne vient pas du PGR (voir section 4.3.3), nous
reconstruisons ici *b- en PGR. Ce phonème s’est confondu avec *mb- en japhug et en zbu
et avec *w- en somang. De la même façon, le *g- du PGR devient ng- en japhug et
correspond à w- en somang (voir section 4.3.2.5 p.303).
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
Autres
langues
kɤ-nɤma
travailler
ta-má́
sɯ-mat
fruit
tə-jmát
tɕʰe-me
fille
tə-mí
kɤ-ɣɤme
effacer, perdre
kɐ-nɐmɐʔ
tə-miʔ
kɐ-səɣmît, səɣmît,
<səɣmét
kɤ-ɣɤ-mi
éteindre
ka-wa-rmé́k
278
kɤ-mi
s’éteindre
kɐ-rmék HFF
mi
peuplier
mi-ɕé HFF
mɪʔ
tɯ-mi
jambe
ta-mé
tə-məʔ
kɤ-ɣɤ-mɯ
louer
ka-wa-mú́
tɯ-mɯ
temps, pluie
tə-mû
kɯ-mɯm
bon (goût)
kə-mêm
qa-mɯrwa
chauve-souris
mbərwá
ʁmɯr-cɯ
grive
mərtɕû
(Garrulax
kə-mím
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maximus)
fso-mɯr
demain soir
so-môr
kɤ-ɣɤmɯt
souffler
ka-mót
kɐ-vɐmôt,
« boire »
vɐmɤ́t, vɐmɤ́t
kɤ-mu
avoir peur
ka-nə-mó́
tɤ-mu
mère
tə-mô
tɤ-muj
plumes
ta-mŋí
kɤ-mɯnmu
bouger
kɐ-mənmó́
kɐ-məlmuʔ, <
smɤɣ
laine
smôk
smôx
kɯ-smi
cuit
kə-smî, sməʔ
Tib. smin-pa
smi
feu
sə-məʔ
Tib. me
kɤ-ɕmi
mélanger un
ka-ɕmû
kɐ-sŋwiʔ, <
ka-rmâ
ʁɐ-rmeʔ
liquide
qa-rma
gallinacé
(Crossoptilon)
tɤ-rme
poils
ta-rɲê
ta-rmeʔ
眉 *bmrɨj > mij
tɯ-rme
homme
tə-rmî
kə-rmbju ??
Tib. mi
tɤ-rmi
nom
tə-rmé
tɐ-rmiʔ
Tib. ming
tɤ-jme
queue
ta-jmî
tɐ-lmeʔ
尾
*bmɨjʔ >
mjɨjX
kɤ-jmɯt
oublier
ka-jmə̂s
kɐ-lmît, <lmə́t, lmə́t
tɯ-jmŋo
rêve
ta-rmô
tə-lmɐʔ
Tib. rmang-lam
tɯ-ɣmas
blessure
tə-nmâs
tə-ɣmiʔ
Tib. rma
Tableau 223 : Correspondances du Japhug m- dans les autres langues rgyalronguiques
Comme on l’observe dans le Tableau 223, l’initiale /m/ du japhug correspond à /m/,
/mŋ/, /mb/, et /ɲ/ en somang et à m et mb- en zbu. Dans certains exemples en somang ou
en zbu, on trouve des préinitiales qui n’ont pas de réflexes en japhug : il s’agit là peut-être
de préfixes dérivationnels rajoutés à la racine dans ces langues. Le cas de qa-mɯr-wa ::
mbərwá « chauve-souris » est particulier. La syllabe -mɯr- du mot japhug, comme nous
279
l’avons proposé dans la section 3.2.1.3.5, est très probablement un cognat du tibétain
‘phur « voler ». Cette syllabe se retrouve dans les mots d’oiseaux comme la grive ʁmɯr-c
ɯ. En somang, la syllabe correspondante est soit mbər-, dans le nom de la chauve-souris,
soit mər-, dans le nom de la grive. Les changements phonologiques qui ont causé ces
variantes nous échappent pour le moment.
Dans le nom tɤ-muj « plume », l’initiale /m/ semble correspondre à /mŋ/ en somang.
Ce mot ressemble fortement à l’étymon sino-tibétain pour « poil » (Bir. mwê, 眉 *bmrɨj >
mij), ce qui suggèrerait que le -ŋ- du somang soit secondaire. Toutefois, le mot japhug qui
correspond à cette racine sino-tibétaine est plus probablement tɤ-rme « poil ». Nous
proposons qu’ici c’est l’initiale et la voyelle mu- du japhug qui correspond au somang mŋ-.
Nous reconstruisons ici *mŋ- en PGR : le *ŋ s’est lénifié après la préinitiale nasale de la
même façon que le *k lénifie après *p dans les groupes japhug pɣ- venant de *pk-.
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Comme il existe encore des groupes mŋ- en japhug, nous devons leur supposer une
origine différente : des groupes à présyllabes *mə-ŋ- (voir p.304).
Le groupe ɕm- du verbe kɤ-ɕmi « mélanger » correspond à sŋw- dans le cognat zbu
kɐ-sŋwiʔ. Il est tentant de reconstruire *ɕŋwi en PGR avec un changement *ɕŋw- > ɕm- en
japhug et en somang (la médiane arrondissant la voyelle). Toutefois, le ŋw- du zbu
correspond à ŋ- en japhug dans kɤ-rŋi :: kɐ-rŋwiʔ « bleu » ; kɤ-ɕmi serait donc le seul cas
en japhug où une labiovélaire devient labiale. C’est donc peut-être un emprunt à une
variété du rgyalrong oriental.
Le nom tɤ-rme « poil » correspond à /ɲ/ en somang. Ces deux langues ont subi un
changement *mj- > mɲ- (voir p.299) : le somang a développé une médiane qui n’a pas
laissé de trace dans les autres langues.
Le groupe jmŋ- du mot tɯ-jmŋo « rêve » est anormal, car ici /ŋ/ est initiale et il est
précédé de deux préinitiales. C’est en fait la réalisation du /ɣ/ qui est la trace du trait
vélarisé de la voyelle en PGR.
L’ensemble des correspondances mises en évidence dans cette section sont
résumées dans le Tableau 224. Les correspondances attestées par un seul exemple sont
indiquées entre parenthèses.
PGR
japhug (kɤmɲɯ)
rgyalrong oriental
Zbu
*p-
p-
p-, (b-)
p-, v-, (ɣv-), (w-), (b-)
*pʰ-
pʰ-
pʰ-
pʰ-, ɣ-, p-, (b-)
*mb-
mb-
mb-, b-
mb-, (b- avec préinitiale)
*b-
mb-
w-
mb-
*m-
m-
m-, (mb-), (ɲ-)
m-
*pə-r-
pr-
pr-
pr- (pʰr-)
280
*pə-l-
pl-
pl-
pl-
*pj-
pj-
pj-
pj-
*mbr-
mbr-
mbr-
mbr-
*mr-
mbr-
mbr-
mbr-
*pk-
pɣ-
pk-
pʰɣ-
*kmb-
ɣmb-
ʑmb-
ɣb-, ɣmb-
(*mŋ-)
mu-
mŋ-
?
(*kpr-)
xpr-
kp-
?
(*qp-)
χp-
?
χp-
Tableau 224 : Correspondances des occlusives labiales du japhug avec les autres langues
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rgyalronguiques.
4.3.2.2
Les occlusives dentales
On trouve 5 occlusives dentales en japhug : /t/, /tʰ/, /d/, /nd/ et /n/. Nous ne traiterons
pas ici de l’occlusive voisée /d/ (voir la section 4.3.3 sur les occlusives voisées). La
présente section se divise en quatre parties dans lesquelles nous traiterons des
correspondances du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques. En fin
de section se trouve un résumé des reconstructions en PGR pour les initiales dentales
(Tableau 229).
z
t- (Tableau 225 p.283)
z
tʰ- (Tableau 226 p.284)
z
nd- (Tableau 227 p.285)
z
n- (Tableau 228 p.286)
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
Autres
langues
kɤ-ta
poser
taʁ
haut
kɤ-taʁ
tisser
ka-tá́
və-tɐ̂χ
ka-ták
kɐ-tɐ̂χ, tɐ̂χ, tə́χ
Tib.
‘thag,
btags
kɤ-sɤtaʁtaʁ
amasser
kɤ-tɤr
tomber
kɤ-tɤβ
battre le grain
ka-sataktak
kɐ-ntér, ntɐ̂r
kɐ-tó́p
kɐ-tôv, tə̂v
« battre »
kɤ-ti
dire
ka-tsə́s
tɯ-mbɤ-tɯm
rein
tə-mbo-tám
kɐ-tsʰəʔ, <tsʰît
pumi tʃə13
281
kɤ-tɯt
mûrir
kə-tû, tʰoʔ
tɯ-tɣa
empant
tə-tə-wá
kɤ-tɣa
récolter
tə-kpá
kɐ-tɣwî
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« récolte »
mti
turquoise
mə-ték HFF
tɤ-mtɯ
nœud
ta-mtú
kɤ-mto
voir
ka-mtó́
kɤ-ɣɤ-ntaβ
poser
kɤ-ntɤm
plat
kɤ-sta
se réveiller
tɤ-ste
vessie
ta-stî
tɐ́-xsə
kɤ-stɤm
se solidifier
kə-dɐ̂m LYJ
kə-ʁɐstʰɐ́m, <
kɤ-sti
enlever ce qui
ka-ɕtɕé
kɐ-mtɐʔ, mtʰɐʔ, mtiʔ
Tib. mthong
kɐ-sə-ntɐ̂v
kə-ntʰâm
kɤ-stʰɣiʔ
est en trop
kɤ-sti
boucher
kə-ŋaɕtʰé́
kɯ-mɯ-sti
seul
tə-ɕtɕî
stoʁ
pois
ta-stók
kɐ-stâ, <stəʔ, stəʔ
snôχ
菽 *bstuk >
syuwk
kɯ-stu
assidu
ka-skô
kɐ-stuʔ, <stʰuʔ
kɤ-stu
droit
ka-stó́
kɐ-stuʔ, stʰuʔ
Tang.
twụ
1.58 #5128
kɯ-mɯ-ɕtaʁ
froide (eau)
kə-mə-ɕtá́k
kɤ-ɕte
contaminer
ka-ɕtɕé́
qa-ɕti
pêche
mdzo-tí
tɯ-ɕtɯ
organe sexuel
tə-ɕtú
tə-stəʔ
kɐ-stî, stʰeʔ
Tib. stu
féminin
kɯ-rtaʁ
assez
kə-rtá́k
kə-rtə́χ, rtɐ̂χ
tɤ-rte
coiffe, chapeau
ta-rtî
tɐ-rtʌʔ
kɤ-rtɤβ
frapper avec un
kɐ-tó́p
marteau
kɤ-rtɯm
rond
kɐ-rtúm, <rtʰúm
kɤ-sɤjtɯ
accumuler
kɐ-sɐjtə̂n HFF
tɯ-xtɤɣ
frère (terme
tə-kték
employé par les
garçons)
ku-xti
grand
kə-ktê
kə-xtiʔ, <
kɯ-xtɯt
court
kə-xtə̂n
xtɯt
chat sauvage
xtuʔ
282
tɯ-xtu
intérieur du
tə-xtuʔ
ventre
kɤ-χtɯ
acheter
kɐ-χtəʔ, <χtʰiʔ
Tableau 225 : Correspondances du Japhug t- dans les autres langues rgyalronguiques
Comme on le voit dans le Tableau 225, le japhug t- correspond à t- en somang et à tet tʰ- en zbu. Par ailleurs, l’initiale t- du verbe kɤ-ti « parler » en japhug correspond dans
les autres langues à des affriquées : ts- en somang et tsʰ-. Il semble que ce soit une
innovation du japhug : en pumi, on trouve tʃə13 « parler » et en tangoute tshjiij 1.39 avec
une affriquée comme en somang et en zbu, mais l’explication de cette anomalie nous
échappe. On trouve une autre anomalie inexplicable dans la forme japhug kɤ-stu
« assidu » où le /t/ correspond à /k/ en somang : ka-skô.
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z
ɕt-
On trouve deux cas encore où le groupe ɕt- du japhug correspond à ɕtɕ- en somang
et à st- en zbu. Comme le groupe ce groupe ɕtɕ- se trouve dans les deux cas devant la
voyelle –e, et qu’on ne trouve pas de syllabe *ɕte en somang (ou *ʃte dans les données
cogtse de Hsie Fengfan), l’explication la plus simple est qu’il s’agit d’une innovation du
somang / cogtse *ɕte > ɕtɕe sans rapport avec le japhug. Il n’est pas nécessaire de
supposer ici *ɕtɕ- > ɕt- en japhug.
z
tɣ-
Pour le groupe tɣ- dans kɤ-tɣa « récolter », nous reconstruisons *tp- en PGR (on peut
supposer un changement *tp- > *tw- > tɣ- qui doit se produire après *tw- > *cw-, voir
p.297). La lénition du *p s’observe aussi en zbu. En somang, le PGR *tp- est devenu kp- :
un changement typologiquement similaire s’observe dans certains dialectes tibétains où
le groupe dp- du tibétain classique devient χp-.
Dans tɯ-tɣa « empant », en revanche, ce groupe vient de *tə-w- en PGR. Le groupe
*tə-w- se développe parfois avec une aspirée, comme dans tʰɣe « gland ».
z
mt-
Pour le groupe mt- du japhug, nous ne pouvons pas reconstruire *mt- en PGR, car ce
groupe du PGR donne mc- (voir section 4.3.2.4 p.297). Nous reconstruisons donc un
groupe à présyllabe *mə-t-. Ce groupe à présyllabe peut encore s’observer en somang :
le japhug mti correspond au somang mə-ték « turquoise ». Toutefois, dans les autres
exemples, la présyllabe a fusionné avec la syllabe en somang.
z
xt- et χt-
La préinitiale x- devant t- provient dans certains cas d’une occlusive *k- en PGR
comme c’est le cas. En somang, le changement n’a toujours pas eu lieu, car les xt- du
japhug et du zbu y correspondent à kt-. Pour le groupe χt- du japhug, nous reconstruisons
de façon similaire un groupe *qt- dans la proto-langue. Le verbe ku-xti est exceptionnel en
283
ce que lorsque la racine est précédée de la voyelle /ɯ/ comme c’est le cas à la forme
infinitive ou à la forme imperfectif passé pu-xti, elle est colorée en [u]. L’origine de ce
segment labial est inconnu, et cette particularité n’est partagée en japhug qu’avec le
verbe ku-ɣrum « blanc » dont l’initiale a une origine différente.
Le n- dans kɐ-ntér est un préfixe dérivationnel apparenté au nɯ- du japhug : il ne
s’agit donc pas ici d’une correspondance irrégulière japhug t- :: zbu nt-.
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japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
tɯ-tʰa-scos
savoir
tə-tʰá « livre »
tʰawaʁ
assiette
tʰɤstɯɣ
combien
tʰəstê
tɤ-tʰo
pin
tʰo-ló
kɤ-tʰu
demander
ka-tʰó
ka-tʰi (gSar-rdzong)
boire
tʰi (rqaco)
quoi
tʰê « quoi »
téjə « quoi »
tʰɣe
gland
tə-wí HFF
χtʰɣwî
tɯ-mtʰɤɣ
taille
tə-mtʰə́k
tɤ-mtʰɯm
viande
ta-mtʰám
Autres langues
Nosu tepyy
tʰievə́χ
tɐ-tʰɐ̂
Tib. thang shing
kɐ-tʰî, tʰəʔ, tʰəʔ
Tib. chi
cuite
sɯ-kɯ-ntʰoʁ
pic-vert
ɕe-ko
si-ku ntʰôχ
kə́-ntok
kɤ-stʰoʁ
appuyer
pɤ-ɕtʰɤβ
sangle
kɐ-stɐ̂χ, stɐ̂χ, stə́χ
po-ɕtʰə́k
ventrale
Tableau 226 : Correspondances du Japhug tʰ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 226, le japhug tʰ- correspond à tʰ- en somang et à
tʰ- ou t- en zbu. En japhug de kɤmɲɯ, les correspondances sont rendues plus complexes
du fait d’un changement phonétique tʰi > tsʰi attesté dans les deux mots kɤ-tsʰi « boire »
(japhug de gSar-rdzong ka-tʰi) et la première syllabe de l’expression tsʰi tsuku « quoi que
ce soit » en japhug de kɤmɲɯ qui correspond à l’interrogatif tʰi « quoi » en japhug de
rqaco (dans les dialectes de gSar-rdzong et de Da-tshang, l’interrogatif est une forme xto
innovante). L’interrogatif « quoi » a été remplacé en japhug de kɤmɲɯ par la forme
tibétaine tɕʰi.
Le groupe tʰɣ- dans tʰɣe « gland » vient d’un groupe à présyllabe en PGR *tə-w-, ce
qui explique que le *t n’ait pas été palatalisé /c/ en japhug (voir 4.3.2.4 p.297). Le groupe
*tə-w- donne aussi des non-aspirées comme dans tɯ-tɣa « empant ».
284
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
Autres langues
tɤ-ndɤɣ
poison
ta-dók
tɤ-ndɤr
bouton
tɐ-ndɐ́r
fsɤ-ndɤ-pa
l'année d'après
fsɐ-ndé-vie
tɤ-ndɯr
débris, lie
ta-ndér
kɤ-nɤndɯt
se disputer
ka-nandôt
kɯ-ndɯβ
fine (poudre)
kə-dʑə́́p ?
kə-ndîv, ndə̂v
kɤ-ndo
tenir, prendre
ka-ndó
kɐ-ndɐ̂, ndəʔ, ndəʔ
Tib. dug
və-ndér
« avoir »
kɤ-sɤ-ndu
échanger
ka-ɕa-ndó
kɤ-mdɯ
vivre jusqu'à
ka-mdə̂
« atteindre »
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tɯ-mdɯ
tə-mdî
neveu (enfant
du frère)
znde
mur en pierre
kɤ-qarndɯm
trouble (eau)
kɤ-rɤɣndi
bourrer
kɤ-ʁndɯ
battre
zdî
zdaʔ
kə-ʁɐrndə̂m, <
ka-rdá
kɐ-ɣdoʔ, ɣdû,
ɣdə̂m
Tableau 227 : Correspondances du Japhug nd- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 227, le nd- du japhug correspond à nd- ou d- en
somang (et peut-être à dʑ- si l’étymologie kɯ-ndɯβ « poudre » avec kə-dʑə́ p est
possible) et à nd- en zbu (ou d- avec certaines préinitiales).
Pour
kɤ-rɤ-ɣndi
« bourrer »
et
kɤ-ʁndɯ
« battre »,
nous
reconstruisons
respectivement *knd- et *qnd- en PGR (voir 4.3.1 p. 269)
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
kɤ-nɯ-na
se reposer
ka-nə-nâ
kɤ-nɤs
oser
ka-nôs
tɯ-nɯ
sein
tə-nú
kɤ-nɯ-nɯ
sucer
kɤ-nɯt
brûler
zbu
Autres langues
kɐ-nneʔ, <nnî,
Tib. nus
tə-nôx
Tib. nu-ma
kɐ-nnôx, <nnə̂x
kə-ná́t
kɐ-snôt, snə́t,
snə́t « allumer »
kɤ-no
chasser
ka-nô
kɤ-mna
meilleur,
kə mnâ
kɐ-nɐʔ, nɐʔ, niʔ
Bir. hnaŋ
guérir
tɯ-mnɯ
alène
tə mnû
tə mnoʔ
285
kɯ-sna
utilisable
kə-sná
« bien »
tɯ-sni
cœur
tə-ɕné
tə-sneʔ
Tib. snying
tɤ-sno
selle
ta-ɕnó
tɯ-snom
sœur (terme
tə-snâm
Bir. hna-má
Tib. sna
employé par
les garçons)
tɯ-ɕna
nez
tə-ɕná
tɯ-ɕnaβ
morve
tə-ɕnám
sɲîv
Tib. snabs
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
sèche
kɯ-ɕnɯs
sept
kə-ɕnə́s
kə-snâs
Bir. khu-hnac
kɯ-ɕnom
épi
kʰə-ɕnám
kə-sɲɐ́m
Bir. a-hnaṃ
tɯ-rnom
côte
ta-rnâm
tə-rnɐ́m
Bir. naṃ-rûi
tɯ-rna
oreille
tə-rnâ
tə-rnaʔ
Tib. rna
kɯ-rnaʁ
profond
kə-rná́k
tɯ-rni
gencive
kɯ-ɣɯrni
rouge
kɯ-rnɯ
mite
tɯ-rnoʁ
cerveau
kə-wurnê
Bir. nak
tə-rniʔ
Tib. rnyil
kə-vərniʔ
Bir. ni
kə́-rnə
tə-rnók
tə-rnôχ
脑 *anoʔ >
nawX
tɯ-jno
légume
ta-jnô
ɣni
renard
ka-ɲí
volant
LYJ
ɣni vaʔ
Tableau 228 : Correspondances du Japhug n- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 228, le n- du japhug correspond à n- en somang et
à n- en zbu, sauf pour le groupe ɕn- qui correspond parfois à sn-, parfois à sɲ- en zbu et
pour le mot ɣni « renard volant ». En zbu, le verbe kɐ-snôt « allumer » est un dérivé
causatif d’un verbe non attesté *kɐ-nôt avec lequel doit être comparé le japhug kɤ-nɯt.
Le groupe ɕn- du japhug correspond à sɲ- en zbu dans kɯ-ɕnom « épi » :: kə-sɲɐ́m,
tɯ-ɕnaβ « morve » :: sɲîv « morve, nez ». On peut supposer peut-être un changement
PGR *ɕn- > sɲ- en zbu, mais il devient difficile d’expliquer la forme du mot « sept »
kɯ-snâs
où le *n ne s’est pas palatalisé. Parmi les mots du Tableau 228, kɤ-nɤs
« oser » et tɯ-rni « gencive » sont peut-être des emprunts au tibétain.
286
japhug (kɤmɲɯ)
PGR
japhug
rgyalrong oriental
Zbu
(gSar-rdzong)
*t-
t-
t-
t-,
t-, (tʰ-)
*mə-t-
mt-
mt-
mt-, mə-t-
mt-
*tʰ-
tʰ-,
tʰ-
tʰ-, (tʰ-),
tʰ-, (t-)
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
tsʰ- (devant –i)
*nd-
nd-
nd-
nd-, (d-)
nd-
*n-
n-
n-
n-
n-
(*tp-)
tɣ-
tɣ-
kp-
tɣw-
(*kt-)
xt-
xt-
kt-
xt-
(*qt-)
χt-
χt-
?
χt-
(*knd-)
ɣnd-
ɣnd-
rd-
?
(*qnd-)
ʁnd-
ʁnd-
?
ɣd-
(*tə-w-)
tʰɣ-, tɣ-
?
tə-w-
tʰɣ-
*ɕn-
ɕn-
ɕn-
ɕn-
sɲ-, sn-
Tableau 229 : Correspondances des occlusives dentales du japhug avec les autres langues
rgyalronguiques.
4.3.2.3
Les occlusives affriquées
On trouve 3 séries d’affriquées en japhug : dentales, palato-alvéolaires et rétroflexes.
Nous ne traiterons pas ici des voisées /dz/, /dʑ/ et /dʐ/ (voir la section 4.3.3 p.312), ni de
/tʂʰ/ : aucun mot ayant cette initiale n’est reconstructible. La présente section se divise en
huit parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances du japhug de kɤmɲɯ
avec les autres langues rgyalronguiques. En fin de section se trouve un résumé des
reconstructions en PGR pour les initiales affriquées (Tableau 238 p.295) :
z
ts- (Tableau 230 p.289)
z
tsʰ- (Tableau 231 p.290)
z
ndz- (Tableau 232 p.291)
z
tɕ- (Tableau 233 p.292)
z
tɕʰ- (Tableau 234 p.293)
z
ndʑ- (Tableau 235 p.293)
z
tʂ- (Tableau 236 p.294)
z
ndʐ- (Tableau 237 p.295)
287
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
Autres
langues
kɯ-nɤ-tsa
ka-na-tsá́
adapté,
convenable
ʁdɯr-tsa
amadou
smə-sâ
tɯ-mɤ-tsa
cousin
tə-tsá
kɤ-sɤtsa
fermer
tɯ-tsi
longévité
tə-tsî HFF
kɤ-nɤtsɯ
cacher
ka-natsú́t
kɤ-tsɯm
emporter
ka-tsâm
ɯ-tsɯr
fissure
ta-tsôr
tɤ-tsoʁ
Potentilla
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anserina
kɐ-sɐtsɣî, sɐtsʰɣeʔ
Tib. tshe
kɐ-nɐtsʰiʔ
və-tsír
tɐ-tsôχ
(une
plante)
kɯ-tsri
salé
kə-tsrî
kə-tsriʔ, <tsʰriʔ
tɤ-tsrɯ
pousses
ta-tsrúʔ HFF
tɐ-tsrəʔ
kɤ-tsɣi
pourrir
kə-tɕî
kə-tsəʔ
tɯ-ftsa
neveu (enfant
tə-tsá
tə-ftsɣî
Tib. tsha-bo
de la sœur)
ftsoʁ
ftsóχ
femelle
d'hybride de
yak et de vache
kɤ-mtsaʁ
sauter
ka-mtsâk
tɤ-mtsɯ
bouton
ta-mtsú
kɤ-mtsɯɣ
mordre
kʰa-mtɕə́k
tɐ-mtsû
ka-lat
kɤ-mtsɯr
kɐ-mtsʰír, <
avoir faim
(de riz)
kɤ-ntsɣe
vendre
kɐ-ntsɣwiʔ, <
tɯ-ntsi
un membre
ki-tsəʔ
d'une paire
kɤ-rtsa
stériliser un
ka-rtsá
animal femelle
tɤ-rtsa
vague
kɯ-mɤrtsaβ
piquant
ci-rtsês
kə-martsá́p
kə-mɐrtsâv,
<mɐrtsə̂v
kɯ-rtsɤɣ
panthère
kə-ɕtɕík
qa-rtsɤβ
récolte
kə-rtsə́p
qə-sɐ̂
Tib. gzig
288
kɤ-nɯrtsɯ
ramper
ka-nərtsú́
kɐ-nəxtsuʔ, <
qa-rtsɯ
hiver
kə-rtsû
ʁɐ-rtsoʔ
tɤ-jtsi
pilier
ta-ntɕʰê
tɯ-xtsa
chaussure
tə-ktsâ
kɤ-xtsɯ
décortiquer
ka-stsû
tə-xtseʔ
le riz
χtsiɯ
χtsɣû
unité de
mesure
kɤ-χtsɤβ
ka-waktsóp
pétrir
« taner »
HFF
Tableau 230 : Correspondances du Japhug ts- dans les autres langues rgyalronguiques.
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Le japhug /ts/ correspond à /ts/ ou à /tɕ/ en somang et à /ts/ ou /tsʰ/ en zbu (sauf pour
kɯ-rtsɤɣ :: qa-sɐ̂ « panthère »). Le groupe xts- du japhug semble avoir deux origines, car
il correspond à la fois au somang kts- et au somang sts-. La lénition de *k- en x- en
préinitiale a déjà été observée en 4.3.2.2 p. 213 avec le groupe xt-, et l’on peut
reconstruire *kts- en PGR pour les exemples où xts- :: kts. On sait par ailleurs que les
groupes *sts- sont mal formés en japhug. Il est donc possible de supposer un
changement dissimilatoire *sts- > xts- dans les mots présentant la correspondance xts- ::
sts-. L’existence d’une telle dissimilation en PGR est probable au moins pour le groupe
*stɕ- > xtɕ- pour le traitement d’un emprunt tibétain (voir la section 4.3.2.3 p.292).
Pour le groupe /tsɣ/ dans kɤ-ntsɣe « vendre », nous renconstruisons *tsw-. Le
changement de *w- à ɣ- s’observe aussi à l’initiale (voir p.322).
Pour le groupe χts-, nous reconstruisons *qts- en PGR. Le somang ayant confondu
les uvulaires et les vélaires, le correspondant de l’initiale japhug en somang est kts-.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
tsʰɤt
chèvre
tɕʰə̂t
kɤ-tsʰi
bloquer
ka-tsʰé́
kɤ-tsʰi
attacher
ka-tsʰik
mbrɤs-tsʰi
gruau
kʰri-tɕʰi-də̂
tɤ-tsʰoʁ
clou
ta-tsʰôk
kɯ-tsʰu
gros
kə-tsʰó́
tsʰu-ɣru
soude
tsʰə-wré
kɤ-mtsʰɤm
entendre, sentir
ka-msá́m
kɯ-mtsʰɤt
rempli
tɯ-mtsʰi
foie
zbu
tsi-tɐ̂
Autres langues
Bir. chit
kə-mtsʰôt, mtsʰə́t
tə-pɕé
tə-mtsʰi
Tib. mchin-pa
289
kɤ-mtsʰi
kɐ-mtsʰiʔ, <
conduire,
surveiller
cɤ-mtsʰo
musc
tɕa-msó
tɯ-rtsʰɤs
poumon
tə-rtsʰós
tə-rtsôs
qa-rtsʰɤs
cerf
ka-rtsɐ̂s
ʁɐ-rtsês
HFF
kɯ-xtsʰɯm
kə-tɕʰə̂m
fin
kə-tsʰîm
Tableau 231 : Correspondances du Japhug tsʰ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 231, le japhug /tsh/ correspond à /tsʰ/, à /tɕʰ/ en
somang et à /ts/ ou /tsʰ/ en zbu.
On trouve également des cas où l’affriquée en japhug correspond à une fricative /s/
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ou /ɕ/ en somang. C’est uniquement dans le groupe mtsʰ-. Comme il n’existe pas de
groupes *ms- en japhug, on peut en conclure qu’il s’est produit une innovation *ms- >
mtsʰ- en japhug (et en zbu) similaire à celle que l’on peut observer en tibétain où les
groupes [nasale + fricative] du proto-tibétain donnent [nasale + affriquée aspirée] (par
exemple le présent ‘chi du verbe « mourir » venant de *N-syi). Le nom « foie » est
particulier, puisqu’on observe en japhug une variation : tɯ-mtsʰi dans le dialecte japhug
de kɤmɲɯ (PGR *m-sij), et tɯ-fsi dans celui de gSar-rdzong (PGR *p-sij). La raison de la
variation dans ce préfixe est inconnue. La forme du gSar-rdzong
(préfixe *p-) s’accorde
avec celle du somang, tandis que la forme de kɤmɲɯ (préfixe *m-) s’accorde avec le zbu.
Le verbe kɯ-mtsʰɤt « rempli » est un cas différent. En japhug, on trouve la paire kə-mtsʰôt
« rempli » et kɐ-fsôt « remplir » : kə-mtsʰôt est dans cette langue un dérivé de kɐ-fsôt par
la prénasalisation intransitivante (voir la section 6.6 p.411). En japhug, la forme originale
cognat de kɐ-fsôt a disparu (on aurait attendu *kɤ-fsɤt ; à la place pour « remplir » on dit
en japhug kɤ-sɯ-mtsʰɤt avec un préfixe causatif innovateur) et seule s’est maintenue la
forme dérivée intransitive kɯ-mtsʰɤt.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang /
zbu
Autres langues
cogtse
kɤ-kɯ-nɤ-ndza
lèpre
ta-zá
kɤ-ndza
manger
ka-zá́
Tib. mdze
k ɐ -ndze ʔ , <ndzi ʔ ,
Tib. za
ndzʌʔ
Tang. dzji 1.10
#4517
tɯ-ndzɣi
canines
ta-ndzuî
kɤ-ndzɤt
grandir
kə-ndzát
kɯ-ndzɤβ
collant, épais
kə-rzə́p
tə-ndʑwɣiʔ
290
kɤ-ndzɯ
éduquer
kɐ-zúʔ HFF
kɤ-ndzɯ-qoʁ
roter
mdzə-kó́k
kə-pa
kɤ-ndzɯt
aboyer
kə-ŋandzót
kɐ-ndzə́t
ndzom
pont
ta-dzám
tɐ-ndzɐ́m
kɤ-ndzri
tordre
ka-tsrî
kɐ-ndzrəʔ
tɯ-ndzrɯ
ongle
tə-ndzrúʔ
tə-ndzrû
Tib. zam
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HFF
tɯ-jaʁ-ndzu
doigt
ta-jak-ndzó
kɤ-ndzur
être debout
mdza-di
puce
kɤ-mdzɯ
s'asseoir
tɤ-mdzu
épine
tə-ndzwɣəʔ
kɐ-ndzôr, ndzə́r
ndza-jé
kɐ mdzoʔ, mdzuʔ
tə-mdzóʔ
tɐ́ mdzə
HFF
Tableau 232: Correspondances du Japhug ndz- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on peut le lire dans le Tableau 232, le japhug /ndz/ correspond à /ndz/ et à /z/
en somang et à /ndz/ (et /ndʑ/ dans un cas) en zbu. Une correspondance ndz- :: z- avait
déjà été mise à jour par Lin Xiangrong en comparant le cogtse et le tshobdun (1993 : 605).
Il n’avait cité que deux exemples (« manger » et « lèpre »). Entre le japhug et le somang,
nous trouvons quatre mots qui présentent cette correspondance :
kɤ-kɯ-nɤ-ndza « lèpre »,
kɤ-ndza « manger »,
kɤ-ndzɯ « éduquer » et kɤ-ndzɤβ « collant, épais ». Etant
donné que l’on ne rencontre pas d’initiale z- (sans préinitiale ou ne se trouvant pas à
l’intérieur d’un disyllabe) dans les mots rgyalronguiques du japhug, nous reconstruisons
*z en PGR pour ces quatre mots.
Pour le groupe /ndzɣ/ dans tɯ-ndzɣi « canine », nous reconstruisons *ndzw-.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
Autres langues
kɤ-ɣɤ-tɕa
avoir tord
ka-wa-tɕa
tɕaɣi
perroquet
tɕagî
kɤ-rɤtɕaʁ
fouler du pied
ka-ratɕá́k
tɤ-tɕɤs
trace de pied
ta-tɕôs
kɯ-tɕɤr
étroit
kə-tɕó́r
kɤ-tɕɤt
prendre
kɤ-tɕɤβ
brûler
ka-tɕóp
kɐ-tɕʰôv, tɕʰə̂v
kɯ-tɕur
acide
kə-tɕôr
kə-tɕúr, <tɕʰúr
Tib. skyur-mo
kɤ-tɕɣaʁ
presser
ka-ktɕár
ftɕar
été
pə-tsár
ftɕér
Tib. dbyar
kɐ-rɐtɕɐ̂χ
Tib. rjes
kɐ-tɕʰɐ́t, tɕʰât
291
kɤ-ftɕɤs
castrer
kɐ-ftɕós, ftɕôs, ftɕís
tɯ-mtɕi
matin
tə́-mtɕə
kɤ-mtɕɯr
se tourner
kə-məmtɕə́r
kɤ-mtɕoʁ
pointu
kə-ŋamtɕó́k
kɤ-xtɕɤr
attacher
kɯ-xtɕi
petit
kə-ktsî
kə-xtɕəʔ
kɤ-χtɕi
laver
ka-rtɕî
kɐ-χtɕʰəʔ
kɐ-mtɕʰôχ, mtɕʰə́χ
kɐ-xɕêr, xɕîr, xɕîr
Bir. chê
Tableau 233 : Correspondances du Japhug tɕ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 233, le japhug /tɕ/ correspond à /tɕ/ ou /ts/ en
somang et à /tɕ-/, /tɕʰ/ ou /ɕ/ en zbu. Nous ne reconstruisons pas d’initiale différente en
PGR pour la correspondance japhug /tɕ/ :: somang /ts/ dans les deux mots ftɕar « été » et
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kɯ-xtɕi « petit » : il n’est pas clair laquelle des deux langues est innovante.
Nous reconstruisons *ktɕ- normalement pour le groupe xtɕ- du japhug, mais le
groupe *stɕ- pourrait donner également xtɕ-. En effet la forme l’emprunt tibétain koxtɕin <
gos-chen « satin » suggère qu’il aurait été emprunté avant ce changement. Toutefois,
cette reconstruction est à considérer avec circonspection, car dans le dialecte tibétain de
Zho-ngu (Sun 2003b) parlé non loin du pays rgyalrong, le –s final devient /h/ lorsqu’il est
en première syllabe de dissyllabe (lus-po « corps » > ləhpo).
Pour expliquer la correspondance japhug tɕɣ- :: somang ktɕ- du mot kɤ-tɕɣaʁ
« presser », nous suggérons de reconstruire ici une voyelle vélarisée en PGR *aˠ (voir
section 4.2.3.7 p. 262). La forme *ktɕaˠq du PGR est d’abord devenue *ktɕɣaq, puis la
préinitiale *k- s’est lénifiée en *x- et enfin la préinitiale a disparu par dissimilation avec la
médiane *xtɕɣaq > *tɕɣaq car on sait qu’aucune syllabe japhug ne peut avoir à la fois
/x/~/ɣ/ comme préinitiale et /ɣ/ comme médiane.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
tɯ-tɕʰa
paire
kí-tɕʰe
kɤ-tɕʰɯs
éternuer
kɐ-tɕʰə́s
mɲaʁ-tɕʰɯβ
clin d'œil
tɕʰorzi
jarre
mtɕʰi
argousier
tɯ-mtɕʰi
lèvres
kɤ-sɤmtɕʰoʁ
mettre en ordre
Autres langues
mɲak-tʰîp
tɕʰɐrzî
mbo-mtɕʰí
tə-mtɕʰəʔ
ka-ra-mpɕó́k
kɐ-sɐmtɕʰôχ,
<sɐmtɕʰə́χ
kɤ-ntɕʰa
découper, tuer
ka-ntɕʰâ
rue
Tib. bsha’
ntɕʰoʔ
un animal
kɤ-ntɕʰaʁ
kɐ-ntɕʰeʔ, ntɕʰî,
kə-tsʰôk
292
tɯ-ntɕʰaʁ
goutte
tə-ntʰák
pumi stʰɑ13
Tableau 234 : Correspondances du Japhug tɕʰ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Dans le Tableau 234, le japhug /tɕʰ/ correspond à /tɕʰ/ et /tʰ/ en somang et à /tɕʰ/ en
zbu. Le cas de kɤ-sɤ-mtɕʰoʁ « mettre en ordre » est particulier : la forme du somang
ka-ra-mpɕók suggère de reconstruire *m-ɕoq en PGR, avec un changement *mɕ- > mtɕʰcomme en tibétain, mais l’on doit reconstruire un groupe *mɕ- pour kɯ-mpɕɤr « beau » et
ce groupe *mɕ- devient mpɕ-.
L’initiale palato-alvéolaire du nom tɯ-ntɕʰaʁ « goutte » en japhug est probablement
secondaire, car on trouve une occlusive dentale non seulement en somang tə-ntʰák, mais
aussi en pumi stʰɑ 13 (Lu 2001 : #771) « s’écouler goutte à goutte ». Nous n’avons
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toutefois aucune explication pour cette irrégularité.
japhug (kɤmɲɯ)
kɤ-ndʑaʁ
sens
traverser la
somang / cogtse
ka-ldʑá́k
zbu
Autres langues
kɐ-ldʑɐ̂χ
rivière à la
nage
qa-ndʑi
étain
ka-ʑə́k
ndʑi-rɯ
lente
mdʑi-rúʔ HFF
kɯ-ɣɯ-ndʑɯɣ
collant,
kɯ-ndzôk
锡 *as-lek > sek
ndʑi-riʔ
visqueux
ndʑu
baguettes
tɯ-mdʑu
langue
kɤ-ɣndʑɯr
moudre
ta-ndʑó
tə-mdɣiʔ
ta-ndzór
« moulin »
Tableau 235 : Correspondances du Japhug ndʑ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 235, le japhug /ndʑ/ correspond à /ndʑ/, /dʑ/, /ʑ/ et
/ndz/ en somang et /dʑ/, /ndʑ/ /dɣ/ en zbu : on trouve une correspondance différente par
mot. Les initiales des mots du Tableau 235 sont particulièrement difficiles à reconstruire.
Pour kɤ-ndʑaʁ « nager », étant donné la correspondance ndʑ- :: ldʑ-, nous
reconstruisons *lndʑ- en PGR. On trouve des groupes ldʑ- en japhug : tɯ-ldʑa « brin »,
correspondant au zbu ki-ldʑɐ̂, mais nous proposons de reconstruire ici *lʑLa correspondance ndʑ- :: ʑ- entre le japhug et le somang se retrouve pour un
emprunt au tibétain : kɤ-ndʑɯ « accuser », somang ka-ʑú, zbu kɐ-ndʑuʔ, ndʑoʔ, tibétain
zhu « demander ». Le sens des langues rgyalronguiques est clairement secondaire, et cet
exemple montre que le japhug a subi un changement *ʑ- > ndʑ- pour ce mot tibétain et
pour le mot « étain » qa-ndʑi. Le somang conserve ici la prononciation ancienne.
293
japhug (kɤmɲɯ)
kɤ-tʂaβ
kɤ-tʂɯβ
sens
somang
zbu
faire tomber
kɐ-tɕʰêv,
(un arbre)
tɕʰîv, tɕʰév
coudre
ka-tʂó́p
kɐ-tɕôv,
Autres langues
Tib. ‘drub
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tɕə̂v, tɕə̂v
tɤ-tʂu
lampe
ta-tʂhó
tɐ-tɕʰû
tʂu
chemin
tʂə-la
kɯ-tʂɤɣ
six
kə-tʂók
kə-tɕôx
kɤ-ftʂi
faire fondre
ka-ptʂî
kɐ-ftɕʰɣwiʔ
kɤ-ɕtʂat
économiser
ka-wu-ʂtʂá
tɯ-ɕtʂi
sueur
tə-ɕtʂé
kɤ-ɕtʂɯ
confier, déposer
ka-ɕtʂú
Tib. drug
tə-ltɕʰîx
chez qqn
Tableau 236 : Correspondances du Japhug tʂ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 236, le japhug /tʂ/ correspond à /tʂ/ en somang et
à /tɕ/, /tɕʰ/ (ou /ɕ/ ) en zbu. Dans nos données zbu, on ne trouve de /tʂ/ ou de /tʂʰ/ que
dans les emprunts au tibétain.
L’initiale /tʂ/ du japhug vient au moins dans certains cas d’un groupe *tr- dans la
proto-langue. Les familles de mots du japhug permettent de le prouver. L’initiale tʂ- du
numéral kɯ-tʂɤɣ « six » correspond à r- dans le numéral sqaprɤɣ « seize ». Nous
pouvons ici reconstruire en PGR *kə-trɔk « six » et *sqa-pə-rɔk « seize ». L’élément *pəse retrouve avec tous les numéraux entre dix et dix-neuf (sqaftɤɣ < *sqa-pə-tek « onze »
sqamnɯs « douze » < *sqa-pə-nis etc). Nous n’avons aucune raison de reconstruire un
groupe *tə-r- qui s’opposerait à *tr- en PGR. L’initiale /ndʐ/ elle aussi vient d’un groupe
en r- en PGR.
Si l’initiale /tʂʰ/ aspirée existe bien en japhug, seuls des emprunts chinois tardifs tels
que tʂʰa « thé » du mandarin 茶 cha2 ont cette initiale. Il est possible qu’un groupe *thrait existé en PGR, et qu’il se soit confondu avec *tr- en /tʂ/. Le mot « lampe » tɤ-tʂu
pourrait être un exemple de *thr-, car le zbu et le somang ont ici une aspirée.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
qa-ndʐe
ver de terre
tɯ-ndʐi
peau
qa-ndʐi
un salmonidé
kɤ-nɤ-ndʐo
prendre froid
somang
zbu
Autres langues
ʁɐ-ndʑeʔ
tə-ndʐî
tə-ndʑəʔ
Bir. a re
ʁɐ-ndʐî
ta-dʐók
294
kɯ-jndʐɤs
épaisse (poudre)
kə-jdʐó́t
kə-ndʑôs,
ndʑə́s
kɤ-jndʐɯɣ
ruminer
tə-jró́k ka-pa
tɤ-ndʐə̂x
Tableau 237 : Correspondances du Japhug ndʐ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 237, le japhug /ndʐ/ correspond à /r/, /ndʐ/ ou à
/dʐ/ en somang et à /ndʐ/ ou /ndʑ/ en zbu.
Comme c’est le cas du japhug /tʂ/, l’initiale japhug /ndʐ/ vient d’un groupe en *r- que
nous reconstruisons *nr-. Ici encore, les familles de mots en japhug permettent de le
montrer : le suffixe -ndʐi, que l’on trouve dans les temporels tels que jɯ-fɕɯ-ndʐi
« avant-hier » de jɯ-fɕɯr « hier » et ja-pa-ndʐi « il y a deux ans » de ja-pa « l’année
dernière », est apparenté à la dernière syllabe du locatif ɯ-ʁɤ-ri « devant » (cf. somang
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wu-tʂí « devant »). La comparaison avec le somang, où dans un exemple /ndʐ/
correspond à /r/ (kɤ-jndʐɯɣ « ruminer »), appuie cette hypothèse.
PGR
japhug (kɤmɲɯ)
rgyalrong oriental
Zbu
*ts-
ts-
ts-, (tɕ-), (tɕʰ)
ts-, tsʰ-
(*kts-)
xts-
kts-
xts-
*qts-
χts-
kts-
χts-
*tsw-
tsɣ-
?
tsɣw-
*tsʰ-
tsʰ-
tsʰ-
ts-, tsʰ-
(*ms-)
mtsʰ-
ms-
mtsʰ-
*ndz-
ndz-
ndz-, dz
ndz-
*ndzw-
ndzɣ-
ndzu-
?
*z-
ndz-
z-
ndz-
*tɕ-
tɕ-
tɕ-, (ts-)
tɕ-, tɕʰ
(*stɕ-)
xtɕ-
ɕtɕ-
?
*tɕʰ-
tɕʰ-
tɕʰ-, (tsʰ-)
tɕʰ-
(*ndʑ-)
ndʑ-
ndʑ-, (ndz-)
ndʑ-
(*ʑ-)
ndʑ-
ʑ-
?
*tr-
tʂ-
tʂ-
tɕ-, tɕʰ-
(*ptr-)
ftʂ-
ptʂ-
ftɕʰ-
(*thr-)
tʂ-
tʂʰ-
tɕʰ-
*nr-
ndʐ-
ndʐ-, dʐ-, (r-)
ndʐ-, ndʑ-
Tableau 238 : Correspondances des affriquées du japhug avec les autres langues
rgyalronguiques.
295
4.3.2.4
Les occlusives palatales
On trouve 5 occlusives palatales en japhug : /c/, /cʰ/, /ɟ/, /ɲɟ/ et /ɲ/. Nous ne traiterons
pas ici de l’occlusive voisée /ɟ/ (voir la section 4.3.3 p.312) ni de la prénasalisée /ɲɟ/ pour
lesquelles nous n’avons aucun exemple de mots reconstructibles. La présente section se
divise en trois parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances du japhug de
kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques. On doit noter que sans les données du
somang de Huang et Sun (2002), les palatales et les palato-alvéolaires sont confondues.
Toutefois, le dialecte somang préserve normalement la distinction entre ces deux séries.
Nous avons utilisé les données de Hsie Fengfan (1999) du dialecte de cogtse lorsqu’elles
étaient disponibles car elles maintiennent cette distinction.
En fin de section se trouve un résumé des reconstructions en PGR pour les initiales
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
palatales (Tableau 242 p.299).
z
c- (Tableau 239 p.297)
z
cʰ- (Tableau 240 p.298)
z
ɲ- (Tableau 241 p.299)
japhug (kɤmɲɯ)
sens
ca
chevrotain
tɯ-ci
eau
kɤ-cit
bouger
somang / cogtse
zbu
Autres langues
cçâ HFF
tə-cî
ka-stɕə́t
« déplacer »
kɤ-cɯ
ouvrir
ka-tû
kɐ-tɣwɐʔ,
tʰɣwɐʔ, tɣwiʔ
sɤ-cɯ
clé
tɐ-ɟji ndʒóʔ HFF
kɤ-cɯ
hiberner
kɐ-tʃúʔ HFF
kɤ-cɯɣ
sommet de la
tə-ték HFF
tə-ku cíx
tête, fontanelle
co
vallée
cçokʰá HFF
tɣaʔ
tɯ-ɲcɣa
faucille
tə-ntuâ
tə-ɲcɣweʔ
tɤ-mcar
pinces
tə-mtár
tɐ-mcîr
tɯ-mci
salive
tə-məɕtʰék
tɯ-mcʰîx
kɤ-nɤscɤr
être saisi
kɐ-nɐscçɐ̂r HFF
kɐ-sɐscír,
nɐscêr
de frayeur
kɤ-scɤt
déplacer
kɤ-nɤ-sci
changer
kɤ-sco
raccompagner
Bir.twaŋ « puits »
kə-scçét HFF
kɐ-fcʰiʔ, <
ka-scçóʔ HFF
296
tɤ-scos
lettre
ta-scçós HFF
kɤ-ɣɤ-scur
tenir dans les
ka-scçór HFF
mains
« supporter avec
son bras »
kɯ-rcat
huit
wu-rját
tɯ-rcu
veste
tə-rtɕó
və-rɟêt
Tib. brgyad
Tableau 239 : Correspondances du Japhug c- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 239, le japhug /c/ correspond à /cç/ ou /t/ en
somang / cogtse et à /c/, /cʰ/ ou /tɣ/ en zbu. Comme les données du somang de Huang et
Sun (2002) ne distinguent pas les palatales des palato-alvéolaires, nous avons eu recours
au données cogtse de Hsie Fengfan (1999) lorsque le cognat y était attesté. A cet égard,
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
le verbe kɤ-cɯ « hiberner » est irrégulier, car la palatale du japhug correspond à une
palato-alvéolaire en cogtse. Le numéral « huit » kɯ-rcat est également irrégulier : le
groupe rj- du somang correspond normalement à rʑ- en japhug.
Lorsque le japhug /c/ correspond à des palatales en somang et en zbu, nous
reconstruisons des palatales en PGR. En revanche, lorsque /c/ correspond à /t/ ou /tʰ/ en
somang et à /tɣ/ en zbu, nous reconstruisons une dentale en PGR. La dentale *t du PGR
devient une palatale dans deux conditions : lorsqu’elle est suivie de *w (kɤ-cɯ < *twu
« ouvrir », co < *twaŋ « vallée », ɲcɣa < *ntwa « faucille »), et lorsqu’elle est précédée de
*m- (tɤ-mcar < *mtar « pinces », tɯ-mci < *mtik « salive »). Le mot « vallée » est irrégulier,
car la palatalisation a eu lieu aussi en somang où on trouve cçokʰá au lieu de *two. Cela
est peut-être dû à une contrainte sur l’existence de syllabes telles que *two en somang.
Le groupe tʰɣ- du japhug vient de *tə-w- en PGR (voir 4.3.2.2 p. 281) ; ce qui explique
qu’il n’a pas été palatalisé.
De même, les groupes mt- du japhug moderne viennent de *mə-t- en PGR (voir
section 4.3.2.2 p. 281). Le *t du PGR devient une palatale /c/ lorsqu’il est précédé ou suivi
directement d’une consonne labiale. Cette hypothèse prédit que le groupe ft- du japhug
ne peut pas venir de *pt-, car ce groupe devrait donner *fc- en japhug (un groupe qui
n’existe pas). Comme tous les mots japhug ayant le groupe ft- sont apparentés à des
mots tibétains en bt-, notre hypothèse prédit qu’il doit s’agir d’emprunts, car dans le cas
contraire on aurait *fc- correspondant à bt- en tibétain.
Nous avons reconstruit *kj- en proto-japhug pour le groupe initial du préfixe cu- de
direction vers le bas dans le dialecte japhug de rqaco (voir la section 5.3 p.358), et il est
possible que les palatales *c que nous reconstruisons en PGR puissent s’analyser *kjdans la proto-langue. Pour la clarté de l’exposé, toutefois, nous gardons les palatales
comme une série distincte dans la proto-langue.
Le mot « fontanelle » kɤ-cɯɣ est problématique : on ne peut pas reconstruire *tw297
comme on a t- et non tw- en somang. La rime de ce mot est également problématique
(voir section 4.2.3.6 p. 259). Il s’agit peut-être d’un emprunt au zbu ou au tshobdun.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
cʰa
alcool fermenté
tɯ-pɤ cʰaʁ
nombril
qa-cʰɣa
renard
kɤ-cʰɤβ
aplatir, écraser
somang / cogtse
zbu
Autres langues
cçʰâ HFF
tə-ɣú tɕʰəχ
kə-tʰûi
ʁɐ-cwiʔ
kɐ-cʰóv,
cʰúv, cʰív
"casser"
kɯ-cʰi
sucré
kə-cçʰî HFF
kə-cʰəʔ
ɲcʰɣaʁ
écorce de
ntʰwák HFF
cʰɣwɐ̂χ
ka-cçʰáʔ HFF
ʁɐ́-cʰi
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bouleau
χcʰa
droite
Tableau 240 : Correspondances du Japhug cʰ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Le japhug /cʰ/ correspond à /cʰ/ ou /tʰ/ en somang et à /cʰ/ ou /c/ en zbu. Selon le
même principe que pour /c/, nous reconstruisons *cʰ- en PGR lorsque /cʰ/ correspond à
une palatale en somang et *tʰw- pour le groupe cʰɣ- du japhug qui correspond à tʰw- en
somang. Le /tɕʰ/ en zbu dans le mot « nombril » est irrégulier. Il est possible que les *cʰque nous reconstruisons en PGR puissent s’analyser comme des groupes *kʰj- dans la
proto-langue.
Le groupe χcʰ- dans le mot « droite » doit se reconstruire avec une préinitiale
uvulaire *q- : en somang et en zbu, cette présyllabe est encore indépendante.
Nous avons reconstruit *tʰj- en proto-japhug pour le préfixe cʰɯ- de direction vers
l’aval en japhug (voir la section 5.3 p.358). Nous n’avons pas trouvé de raison de
reconstruire ce groupe dans aucun des mots du Tableau 240, ni de reconstruire un *tjpour les c- du japhug.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang / cogtse
kɯ-ɲaʁ
noir
kɯ-ɲo
déjà préparé
tɯ-ɲoʁ
grains et balle
tɯ-ɲɤt
éboulement
tɐ-nɲɐ́t HFF
tɤ-ɲi
bâton
ta-ɲê
tɯ-ɲi
tante (sœur du
ta-ɲî
zbu
kə-ɲɐ̂χ
Autres langues
Tib. nag-po
kə-ɲô
tə-ɲóχ
père)
qa-ɲi
taupe
ʁɐ́-ɲə
298
ɲɤ-ndi
ɲɐ-ndeʔ
dans quatre
jours
tɯ-mɲa
flèche
ɕə-mɲá
tə-mɲeʔ
Bir. mrâ
« archet de violon »
tɯ-mɲaʁ
oeil
tə-mɲák
Tib. mda
tə-mɲɐ̂χ
Tib. mig
Bir. myak
kɤ-nɤmɲo
regarder
ka-namɲô
kɐ-nɐmɲɐʔ,
Bir. mraŋ
<nɐmɲiʔ,
nɐmɲiʔ
tɤ-sɲa
tresse
ta-sɲak rí « tresse »
kɤ-rɲo
essayer, goûter
ka-rɲô
kɐ-rɲɐʔ, <,
Tib. myong
rɲî
myangs
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Tableau 241 : Correspondances du Japhug ɲ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 241, le japhug /ɲ/ correspond à /ɲ/ en somang et
en zbu. Les données comparatives externes au japhug montrent toutefois que le groupe
mɲ- du japhug provient de groupes où m- est initiale : il correspond notamment à mr- en
birman. Nous reconstruisons *mj- en PGR. Le groupe rɲ- dans le verbe kɤ-rɲo « goûter,
faire l’expérience de » vient lui aussi d’un groupe *mj- précédé d’une préinitiale *r-. Mais
comme un groupe à deux préinitiales tel que *rmɲ- serait mal formé en japhug, ce groupe
s’est simplifié en rɲ-.
PGR
japhug (kɤmɲɯ)
rgyalrong oriental
Zbu
*c-
c-
c-
c-, cʰ-
*kj-
c-
??
??
*tw-
c-
tw-
tɣ-
(*ntw-)
cɣ-
ntw-
ɲcɣ-
*mt-
mc-
mt-, mtʰ-
mc-, mcʰ-
*mə-t-
mt-
mə-t-, mt-
mt-
*cʰ-
cʰ-
cʰ-
cʰ-
*tʰj-
cʰ-
??
??
*tʰw-
cʰɣ-
tʰw-
cw, cʰɣw-
(*qcʰ-)
χcʰ-
ka-cʰ-
ʁɐ-cʰ-
*ɲ-
ɲ-
ɲ-
ɲ-
*mj-
mɲ-
mɲ-
mɲ-
(*rmj-)
rɲ-
rɲ-
rɲ-
Tableau 242 : Correspondances des palatales du japhug avec les autres langues
rgyalronguiques.
299
4.3.2.5
Les occlusives vélaires
On trouve 5 occlusives vélaires en japhug : /k/, /kʰ/, /g/, /ŋg/ et /ŋ/. Nous ne traiterons
pas ici de l’occlusive voisée /g/ (voir la section 4.3.3 p. 310). La présente section se divise
en quatre parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances du japhug de
kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques. Le japhug a perdu la distinction entre les
vélaires et les labiovélaires d’une part, et les uvulaires et les uvulaires labiovélarisées
d’autre part. Ces distinctions sont maintenues en zbu. Nous reconstruisons une
labiovélaire lorsque le zbu a un /w/ sans équivalent dans les autres langues, et que les
autres langues n’ont pas de voyelles postérieures arrondies, comme par exemple dans
japhug tɯ-ŋga :: zbu tə-ŋgwiʔ < *gwa « habit ». En effet, le zbu semble avoir dans
certains cas diphtongué des voyelles postérieures : japhug ɕku :: zbu skwəʔ < PGR *ɕko
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« oignon ». On retrouve –w- en tangoute dans les mots reconstruits avec une labiovélaire
ou avec une uvulaire labiovélarisée, ce qui montre que le zbu maintient un archaïsme.
En fin de section se trouve un résumé des reconstructions en PGR pour les initiales
vélaires (Tableau 247 p. 305)
z
k- (Tableau 243 p.301)
z
kʰ- (Tableau 244 p.302)
z
ŋg- (Tableau 245 p.303)
z
ŋ- (Tableau 246 p.304)
sens
japhug
somang
zbu
(kɤmɲɯ)
Autres
langues
kɯm
porte
kɯmu
tétras (tetraogallus
kâm
kúm
kumu
tibetanus)
tɯ-ku
tête
ta-kó
kɤ-krɤɣ
couper de
kɐ-krɐ̂k HFF
tə-kuʔ
Tib. mgo
l’herbe
kɤ-kro
partager, distribuer
ka-krô
kɤ-kio
faire glisser
kə-ndʑô
« glisser »
kɤ-nɤŋka
ronger
kɤ-ŋke
marcher
kɤ-fkur
porter sur le dos
kɤ-fka
être rassasié
ka-waŋkâj
kɐ-nceʔ
kɐ-pkôr HFF
ki-fkôr
Tib.
« un fardeau »
khur
‘khur
kə-pká́
300
tɯ-mke
cou
tə-mkî
tə-mkeʔ
Tib. ske
tɤ-mkɯm
oreiller
ta-mkám
tɐ-mkóm
Bir. uṃ
skɤm
boeuf à viande
kɤ-skɤt
refuser
ka-skɐ́t HFF
kɤ-skɯ
enterrer
ka-səkú́
kɐ-skûs, skʰoʔ
kɯ-sɤɕke
brûlant
kə-saɕkî
kə-sɐskî, <sɐskʰeʔ
ɕkɤrɯ
ovin
skɐ̂m
ɕkóro
(Capricornus
sumatraensis)
kɤ-ɕkɯt
finir de manger ou
ka-ɕkút
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
de boire
ɕkom
muntjac
ɕkrɤs
chêne vert
tɯ-ɕkrɯt
bile
ɕkám
skrôs
tə-mdʑi-krí
tə-ɕkrɯ̂t
Tib.
mkhris-pa
ɕku
oignon
ɕkó
skwəʔ
tɤ-rka
mule
ta-rká
tɐ-rkɐ̂
kɯ-rkaŋ
vigoureux
kə-rkâŋ
Tib. sgog ?
Tib.
mkhrang-po
kɤ-mɯrkɯ
voler
kɐ-mərkəʔ, mərkʰiʔ
kɯ-rko
dur
kə-rkô
kə-nkʌʔ, nkɐ̂
kɤ-rku
mettre dans
ka-rkô
kɐ-rkwə́t, rkʰút, rkoʔ
kɯ-jka
corbeau à bec rouge
kʰə-rkô HFF
kwé-lkwə
Tib. rku
(Pyrrhocorax
pyrrhocorax)
Tableau 243 : Correspondances du Japhug k- dans les autres langues rgyalronguiques.
Dans le Tableau 243, on peut constater que les correspondances du japhug /k/ dans
les autres langues sont très régulières : il correspond à /k/ en somang et en zbu. La seule
exception est le verbe kɤ-ŋke « marcher », où l’on trouve une palatale /c/ en zbu kɐ-nceʔ.
Pour le groupe kr-, nous reconstruisons *kə-r- en PGR (le *kr- du PGR devenant ɣren japhug). De même, le groupe fk- vient de *pə-k- (*pk- devenant pɣ- en japhug).
Le groupe ki- du japhug de kɤmɲɯ correspond à cɣ- dans celui de gSar-rdzong dans
le verbe glisser kɤ-kio / kɤ-cɣo. La forme somang kə-ndʑô « glisser » (probablement *ɲɟcar le dictionnaire de Huang et Sun 2002 ne distingue pas palato-alvéolaires de palatales)
est apparentée au verbe japhug dérivé par le voisement intransitivant kɤ-ŋgio « glisser ».
Une reconstuction telle que *kj- en impossible en PGR pour cette initiale, puisque ce
groupe devient c-. Nous proposons *kə-j- de façon tentative pour ce groupe.
Le groupe *kw- n’est reconstructible que dans kɯ-jka
< *lkwa « corbeau à bec
rouge ».
301
sens
japhug
somang
zbu
Autres
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
(kɤmɲɯ)
langues
tɯ-kʰa
pied
kə-kʰeʔ
kɤ-nɤkʰe
maltraiter
ka-nakʰî
kɯ-nɯɲɤmkʰe
maigre
kə-nəkʰí
kʰɯ-na
chien
kʰə-ná
pɣɤ-kʰɯ
hibou
pka-kʰú
tɤ-kʰɯ
fumée
ta-kʰə̂
kʰɯtsa
bol
kʰə-tsá
kɤ-kʰo
donner, passer
kɤ-kʰu
crier
ka-ŋa-kʰô
kʰu
tigre
kʰûŋ
kʰrɯ-zwa
riz cuit
kʰri-zbá
tɤ-ŋkʰɯt
poing
ta-rkút
kɤ-nɯskʰrɯ
être enceinte
ka-məskrú́
tɤ-rkʰom
partie dure des
ta-rkám « ailes »
kɐ-nɐkʰô, nɐkʰoʔ
Tib. khyi
tɐ-kə́t
Bir. mî khûi
kɐ-kʰɐ̂m
Tib. gung
tɐ-ŋkə̂t
Tib. sku
plumes
Tableau 244 : Correspondances du Japhug kʰ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 244, le japhug /kʰ/ correspond à /kʰ/ en somang et
en zbu, sauf dans les mots à préinitiales où il correspond à /k/ dans ces deux langues. Le
nom « fumée » en zbu tɐ-kə́t a une initiale et une finale irrégulières.
Le nom tɤ-ŋkʰɯt « poing » en japhug de kɤmɲɯ est tɤ-rkʰɯt en japhug de
gSar-rdzong. C’est le seul exemple de groupe ŋkʰ- en japhug. Il est possible qu’il s’agisse
d’un emprunt à une langue rgyalronguique proche du zbu qui aurait une préinitiale ŋ- dans
ce mot.
sens
japhug
somang
zbu
autres langues
(kɤmɲɯ)
kɤ-ŋga
mettre
ka-wá́t
(un vêtement)
kɐ-ngwêt,
Bir. wat Tib. bgo
ngwît, ngwét
Tang. gjwi 2.10 #4906
tɯ-ŋga
habit
tə-wâ
kɯ-ŋgɤr
étroit
kə-wó́r
tɤ-ŋgɤr
lard
tɐ-wôr HFF
kɯ-ŋgɤr
étroit
kə-ŋgʊ́r, ŋgôr
kɯ-ŋgɯ
pauvre
kə-ŋgoʔ, ŋgô
tɤ-ŋgɯm
œuf
ta-gám
tə-ŋgwiʔ
ta-ŋgúm
302
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
tɯ-ŋgra
salaire
tə-wrá
kɯ-ŋgri
fin (gruau)
kə-ŋgriʔ, <
tɯ-ndzɤŋgrɯm
tempes
ndzɐŋgrɐ́m
tɯ-ŋgru
tendon
tə-wró
tə-ŋgrəʔ
Tang. gju 2.3 #1907
kɯ-ngɯt
neuf
kə-ŋgû
kə-ngít
Tib. dgu
kɯ-ngɯt
solide
kɤ-ngo
tomber malade
ka-nə-wô
kɤ-ʑŋgi
porter le bois
kə-ʑgî
ʑŋgri
étoile
tsu-rî
tɯ-ʑŋgrɯm
cartilage
tɐ́-qrəm-qrəm
kɯ-ʑŋgu
batelier
kə-zŋgwə
pjɤ-ʑŋgur
saucisson
kɤ-rŋgɯ
dormir,
kə-ngəʔ
kɐ-ngɐʔ, <
Tang. gjɨ ̣ 2.61 #108
po-ʑgór
kɐ-rŋgəʔ
être allongé
kʰijŋga
rhododendron
jgɐ̂ HFF
Tableau 245 : Correspondances du Japhug ŋg- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 245, le japhug /ŋg/ correspond à /ŋg/ ou /w/ en
somang et /ŋg/ en zbu. Lorsque /ŋg/ a une préinitiale en japhug, on trouve /g/ et non /ŋg/
en somang. Le groupe complexe ʑŋgr- de tɯ-ʑŋgrɯm « cartilage » correspond de façon
irrégulière à q- en zbu. Le mot « étoile » tsurí en somang doit s’analyser
phonologiquement /tsə-wrí/.
La double correspondance du ŋg- du japhug avec ŋg- et à w- en somang avait déjà
été remarquée par Lin Xiangrong (1993 : 605-606). Lin Xiangrong interprète de façon
erronée la correspondance ŋgr- :: wr- comme une correspondance ŋgr- :: r- car il transcrit
les exemples tə-wrá « salaire » et tə-wró « tendon » tu-ra et tu-ro respectivement.
Le /ŋg/ du japhug qui correspond à /w/ en somang correspond une fois à /w/ en
birman (japhug kɤ-ŋga, somang ka-wat, birman wat « s’habiller ») mais la forme tangoute,
langue plus proche du rgyalronguique, a gw- dans ce mot. Dans les autres mots qui
suivent cette correspondance, on trouve g- en tangoute (japhug tɯ-ŋgrɯ, somang tə-wró,
tangoute gju 2.3 « tendon » et japhug ʑŋgri, somang tsurí, tangoute gjɨ ̣ 2.61 « étoile »).
Nous supposons que les mots qui présentent cette correspondance viennent de *g- en
PGR, tout comme les mots où le japhug mb- correspondait à w- en somang venaient de
*b- (4.3.2.1). Le zbu montre qu’il faut reconstruire non pas *g mais *gw en PGR. Le
changement de *w à *gw s’est opéré également en tangoute, mais il est possible qu’il
s’agisse d’un développement parallèle car *w Æ *gw- est un changement banal.
Le groupe /ng/ du japhug a aussi deux origines : *nə-ŋg- (kɯ-ngɯt « neuf » où il
correspond à ŋg- en somang) et *nə-g- (kɤ-ngo « malade » où il correspond à nə-w- en
303
somang).
sens
japhug
somang
zbu
autres langues
(kɤmɲɯ)
nɯ-ŋa
nə-ŋá
vache
ŋwə-leʔ
Tang. ŋwe 2.7
#395
tɤ-ŋe
soleil64
ta-ŋí
tɐ-ŋiʔ
ŋo-tɕu
où
kɤ-sɤŋo
écouter
ka-rəŋná
kɐ-sɐŋɐʔ, sɐŋî
kɯ-ŋu
être
ŋôs
ŋû
kɯ-mŋɤm
avoir mal
tə pjô kə-mŋâm
ŋó-tsʰo
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« être fatigué »
kɯ-sɤ-mŋɯr
ka-mŋɐ́r
goût huileux
écœurant
kɯ-mŋu
cinq
kə-mŋô
kɤ-sŋa
revivre
sŋi
journée
sɲí
kɤ-nɯ-sŋom
désirer,
ka-sŋâm
kə-mŋɐ̂
Tib. lnga
kɐ-sŋêt, sŋît
苏 *bs-ŋa
convoiter
ɕŋɤr
givre
sŋâr
sŋír
tɯ-rŋa
visage
kɯ-qarŋe
jaune
kə-ŋî
kə-ʁɐrniʔ, <
nɤ-rŋi
bébé
kʰo-rŋâ
tɐ-lŋɐ̂χ
kɤ-rŋi
bleu
tə-rŋeʔ
kɐ-rŋwiʔ, <
Tib. ngo
Tang. ŋwər
1.84 #257
kɤ-rŋil
faner
kɤ-rŋo
emprunter
kə-ɲá́l
(un
ka-rŋâ
kɐ-rŋɐ̂, rŋî, rŋeʔ
objet)
tɤ-jŋoʁ
crochet
ta-jkó́k
kɯ-jŋu
serment
kə-jŋó́ ká́ pa
Tableau 246 : Correspondances du Japhug ŋ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Le japhug /ŋ/ correspond à /ŋ/ ou /ɲ/ en somang et à /ŋ/ en zbu. Le nom tɯ-jmŋo
« rêve » est traité dans la section 4.3.2.1. Dans le mot « crochet », le groupe japhug jŋcorrespond à jk- en somang. Nous proposons de reconstruire un groupe *lŋk- en PGR
64
Contrairement aux apparences, ce mot est sans relation avec le tibétain nyi-ma « soleil » ou le birman
ne ; il s’agit probablement d’un mot apparenté à kɯ-qa-rŋe « jaune ».
304
pour expliquer cette correspondance.
On peut reconstruire un *ŋw en PGR pour les mots nɯ-ŋa « vache » et kɤ-rŋi
« bleu » comme le montrent les formes zbu ŋwə-leʔ et kɐ-rŋwiʔ. Les formes tangoutes
ŋwe 2.7 #395 « vache » et ŋwər 1.84 #257 « bleu » ont aussi une médiane w-, ce qui
montre que la présence de cette médiane en zbu est un archaïsme.
Le groupe mŋ- du japhug vient de *mə-ŋ- en PGR, car *mŋ- devient mu- en japhug
(voir p.279).
Le groupe *ŋa du PGR devient /ŋa/ en japhug dans un cas (nɯŋa « vache ») mais
aussi /a/ dans la plupart des cas, en particulier dans le pronom aʑo < *ŋa-jaŋ « je » ::
somang ŋa, zbu ŋəʔ, et dans les préfixes dérivationnels (voir le chapitre 7 sur les verbes
contractes).
japhug (kɤmɲɯ)
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
PGR
rgyalrong oriental
Zbu
*k-
k-
k-
k-
(*kw-)
k-
?
kw
*kə-r-
kr-
kr-
kr-
*kə-j-
ki- (cɣ- en gSar-rdzong)
?
?
*pə-k-
fk-
pk-
fk-
*kʰ-
kʰ-
kʰ-, (k-)
kʰ-
*ŋg-
ŋg-
ŋg-, g-
ŋg-
*g-
ŋg-
w-
ŋg-
(*gw-)
ŋg-
w-
ŋgw-
*ŋ-
ŋ-
ŋ-, ɲ-
ŋ-
(*ŋw-)
ŋ-
?
ŋw-
(*lŋk-)
jŋ-
jk-
?
*mə-ŋ-
mŋ-
mŋ-
mŋ-
Tableau 247 : Correspondances des vélaires du japhug avec les autres langues
rgyalronguiques.
4.3.2.6
Les occlusives uvulaires
On trouve 3 occlusives uvulaires en japhug : /q/, /qʰ/, /ɴɢ/. La présente section se
divise en trois parties dans lesquelles nous traiterons des correspondances du japhug de
kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques. Comme nous l’avons vu en 4.3.2.5
p.300, le japhug a perdu la distinction entre vélaire et labiovélaire, et entre uvulaires et
uvulaires labiovélarisées. Seul le zbu peut nous permettre de reconstruire ces
305
distinctions.
En fin de section se trouve un résumé des reconstructions en PGR pour les initiales
uvulaires (Tableau 252 p.310)
z
q- (Tableau 248 p.307)
z
qʰ- (Tableau 250 p.309)
z
ɴɢ- (Tableau 251 p.309)
sens
japhug
somang
zbu
(kɤmɲɯ)
autres
langues
tɤ-qa
patte
ta-ká
qaʁ
houe
kâk
qwɐ̂χ
Tang. kwạ
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2.56
kɤ-qaʁ
kɐ-qɐ̂χ, qɐ̂χ, qə́χ
enlever la
peau
ta-qaβ
aiguille
ta-káp
tɐ-ʁâv
qɤj-do
corbeau
kî
qɐ́-rə
(Corvus
corone)
qɤj
blé
qɐʔ
kɤ-qɤt
séparer
ka-nəŋkâs
kɤ-qur
aider
ka-kór
kɐ-ʁʊ́r, <ʁúr
kɯ-qiaβ
amer
kə-tɕá́p
kə-qʰjêv, qʰjîv
ɯ-qiɯ
moitié
qra
femelle de yak
qraʁ
soc
kɤ-qraʁ
déchirer
və-tə́-ʁə
ka-rá
qʰriʔ
qʰrɐ́χ
kə-ŋgrâk
kɐ-qʰrə́χ, qʰrɐ̂χ
"s'abîmer"
kɤ-qrɤs
raser
kɐ-qrôs, qrə́s, qrə́s
kɤ-qrɯ
tailler
kɐ qʰrəʔ
(vêtements)
qro
pigeon
ɕtʂó
qʰrɐ̂
qro
fourmi
kʰo-rók
qʰrôχ
kɤ-qru
accueillir
ka-kró
kɐ-nqʰrəʔ
kɯ-ɴqa
dur (travail)
kɯ-nɯpaɴqi
paresseux
kə-nəpá́ŋke
ɴqiɤβ
ubac
ta-ntɕáp
kə-nɢʌʔ, nɢɐ̂
Tib. grog-ma
Tib. dka’-po
306
kɤ-ɴqoʁ
kə-lŋóχ, lŋôχ
être accroché,
se tenir
kɤ-nɯmqɤj
se disputer
kɐ-mqɐʔ, <mqʰiʔ
kɤ-mqlaʁ
avaler
kɐ-mɢlə́χ, mɢlɐ̂χ
kɤ-sqa
cuire
ka-skâ
kɐ-sqʌʔ, <sqʰɐʔ,
sqeʔ
sqi
dix
ɕtɕé
kɤ-nɤɕqa
supporter
kɯ-ɕqraʁ
intelligent
tɯ-rqo
gorge
kɤ-rqoʁ
prendre
sɐʁɐʔ
kɐ-nɐɕqê
kə-ɕkrá́k
tə-rqwʌʔ
dans
ka-rkó́k
kɐ-lqʰóχ, lqʰôχ,
lqʰéχ
les bras
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
kə-ɕqrɐ̂χ
Tableau 248 : Correspondances du Japhug q- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 248, le japhug /q/ correspond à /k/ en somang et à
/q/ , /qʰ/, /ɢ/, /ŋ/ ou /ʁ/ en zbu. Le groupe /qi/ correspond à /tɕ/ en somang. Le somang a
perdu la distinction entre uvulaires et vélaires, et nous reconstruisons *q en PGR.
z
Le groupe qi- du japhug vient de *qj- en PGR, qui se palatalise en /tɕ/ en somang.
En particulier, le numéral « dix » ɕtɕé du somang correspond au PGR *sqji, et
n’est pas apparenté au birman chay « dix » malgré leur ressemblance
superficielle.
z
Le groupe qr- vient de *qə-r- et s’oppose à *qr- > ʁr-. Le mot ɕtʂo « pigeon » en
somang est irrégulier, il convient peut-être de reconstruire *ɕ-raŋ dans l’ancêtre
du somang, contre *qə-raŋ dans l’ancêtre du japhug et du zbu (différents
préfixes animaux).
z
En zbu, les occlusives des groupes *nq- et *mq- se voisent en /ɴɢ/. Lorsque le
voisement ne s’opère pas en zbu, on peut reconstruire *mə-q- comme dans le
verbe kɤ-nɤ-mqɤj :: kɐ-mqɐʔ « se disputer » Le voisement de *q dans les mots
« dix » sɐʁɐʔ, ou « aider » kɐ-ʁʊ́r est inexpliqué.
z
Le groupe rq- vient de *rə-q- car le PGR *rq- donne rʁ-.
z
On peut reconstruire *qw- dans le mot qaʁ « houe » (zbu qwɐ̂χ). Le tangoute
kwạ 2.56 montre que la labiovélarisation est ancienne.
japhug
sens
somang
zbu
autres langues
(kɤmɲɯ)
qa-cʰɣa
renard
kə-tʰûi
ʁɐ-cwiʔ
qa-ɕpa
grenouille
kʰa-ɕpâ
ʁɐ-spieʔ
Tib. sbal
307
qa-jɯ
insecte, ver
qa-ɟy
poisson
qa-la
lapin
qa-ljaʁ
aigle (aquila
kə-lú
ʁɐ-juʔ
ka-lá
ʁɐ-liɐ̂χ
Tib. glag
ʁɐ-mbruʔ
Tib. ‘bri
chrysaetos)
qa-mbrɯ
yak
kə-brə̂
qa-ndʐe
ver de terre
qa-ndʑɣi
faucon
(falco
ʁɐ-ndʑeʔ
kʰa-ldʑî
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cherrug)
qa-ndʐi
un salmonidé
ʁɐ-ndʐî
qa-ɲi
taupe
ʁɐ́-ɲə
qa-par
chacal
ʁɐ-pér
qa-pri
serpent
kʰa-bré
ʁɐ-prî
qa-rma
crossoptilon
ka-rmâ
ʁɐ-rmeʔ
qa-rtsʰɤs
cerf
ka-rtsʰɐ̂s HFF
ʁɐ-rtsês
qa-ʑo
mouton
kə-jó
ʁiɐʔ
Tib. ‘phar
Tib. g.yang dkar
Tableau 249 : Préfixe qa- des noms d’animaux.
Le japhug q- se trouve aussi avec le préfixe de noms d’animaux. Ce préfixe
correspond à kə-, ka- ou kha- en somang et à ʁɐ- en zbu. Il est possible que le zbu et le
japhug aient perdu la distinction entre une forme aspirée *qa- et une forme *qʰa- du
préfixe. Le fait que l’on trouve ici systématiquement ʁ- correspondant à q- du japhug
montre que cette lénition en zbu peut être liée au statut morphologique des syllabes.
sens
japhug
somang
zbu
(kɤmɲɯ)
autres
langues
kɤ-qʰa
s'énerver
ka-kʰâ
kɯ-maqʰu
tard
ka-məŋkʰú́
kɤ-qʰrɯt
gratter (une
ka-kʰrôt
kə-mɐʁû, <mɐʁoʔ
surface)
sqʰi
trépied
kɤ-ɕqʰe
tousser
kɤ-ɕqʰlɤt
tomber,
stɕâ
kɐ-sqʰweʔ, sqʰwê
kə-ʒglɐ́t HFF
sombrer
kɤ-rqʰi
lointain
kə-tɕʰî
ɯ-rqʰu
peau, écorce
tə-rkʰó
kɐ-rqəʔ
308
Tableau 250 : Correspondances du Japhug qʰ- dans les autres langues rgyalronguiques
Comme on le voit dans le Tableau 250, le japhug /qʰ/ correspond à /kʰ/, /tɕ/, /tɕʰ/ ou
/g/ en somang et à /qʰ/, /q/ ou /ʁ/. Nous reconstruisons ici partout *qʰ en PGR. Le groupe
*qʰi- du PGR se palatalise en somang, mais la forme stɕâ « trépied » non aspirée est
anormale. on peut reconstruire une uvulaire labiovélarisée dans le mot kɤ-ɕqʰe
« tousser » (zbu kɐ-sqʰweʔ).
sens
japhug
somang
zbu
autres langues
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(kɤmɲɯ)
tɯ-ɴɢar
crachat
tə-ŋár
tə-ɴɢɐ̂r
ɴɢoɕna
grosse araignée
kʰa-ɕnâ HFF
ʁɐ-sɲîv
kɯ-ɴɢu
relâché
kə-ɴɢwəʔ
tɯ-mɢla
pas
ki-mɢlɐ̂t
tɤ-mɢom
presse pour maintenir
tə-mkám
en place une pièce
ʑɴɢoloʁ
ʑgoló HFF
noix
zɢólo
Tableau 251 : Correspondances du Japhug ɴɢ- dans les autres langues rgyalronguiques
Comme on le voit dans le Tableau 251, le japhug /ɴɢ/ correspond à /ŋ/, /kʰ/, /g/ ou /k/
en somang et à /ɴɢ/ et /ʁ/ en zbu. Nous reconstruisons ici *ɴɢ en PGR.
Le nom ɴɢoɕna « grosse araignée » est un cas particulier. Ce mot semble consitué
d’un préfixe animal et du mot « nez » (litt. : « la bête à gros nez ? »). Le zbu a ici /sɲîv/,
racine signifiant à l’origine « morve » et correspondant au japhug tɯ-ɕnaβ, mais qui a
développé le sens innovant de « nez ». Cela signifie que la relation sémantique entre le
nom de l’araignée et le mot « nez » était encore compréhensible lorsque l’innovation s’est
produite. Ici c’est le japhug qui est étrange en ayant un préfixe ɴɢo- au lieu du *qaattendu.
PGR
japhug (kɤmɲɯ)
rgyalrong oriental
Zbu
*q-
q-
k-
q-, ʁ-
*qj-
qi-
tɕ-
q-
(*qw-)
q-
k-
qw-
*qə-r-
qr-
kr-
qʰr-, qr-
*qʰ-
qʰ-
kʰ-, k-
qʰ-, ʁ-
*qʰj-
qʰi-
tɕʰ-, tɕ-
q?
(*qʰw-)
qʰ-
?
qʰw309
*nq-
ɴq-
ŋk-
ɴɢ-
*mq-
mq-
mk-
mɢ-
*rə-q-
rq-
rk-
rq-, lq-
(*mə-q-)
mq-
?
mq-
*ɴɢ
ɴɢ-
ŋ-, kʰ-, k-, g-
ɴɢ-, ʁ-
*ɕɴɢ-
ʑɴɢ-
ʑg-
zɢ-
Tableau 252 : Correspondances des uvulaires du japhug avec les autres langues
rgyalronguiques.
4.3.3
L’origine des consonnes voisées du japhug
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Les mots ayant comme initiales des voisées non-prénasalisées et n’ayant pas de
préinitiales sont dans la majorité des cas soit des mots onomatopéiques ou des expressifs
redoublés, soit des emprunts au tibétains. C’est le cas également de tous les groupes
[occlusives voisées + médianes].
Si l’on exclut ces mots de ces trois catégories et que l’on ne garde que les mots du
vocabulaire japhug, les mots à initiales voisées se limitent aux exemples du Tableau 253.
Nous n’avons pas inclu dans ce tableau les dérivés de ces mots comme kɯ-ɣɤdi « puer »
tiré de ɯ-di « odeur » ou ɟuli « flûte » dérivé de ɟu « bambou ». Nous avons indiqué tous
les exemples par souci d’exhaustivité, mais nous ne proposerons de reconstruction que
pour les mots ayant des cognats dans d’autres langues.
japhug
sens
somang
zbu
autres langues
/ cogtse
buka
mycose du pied
tɯ-boʁ
troupeau
ɕkɤbɯ
brioche
aux poireaux
kɤ-bɯwa
porter un enfant
sur le dos
dɤlje
bienvenue
ɯ-di
odeur
wu-rí
mdza-di
puce
ndza-jé
tɯ-di
arc
kɯ-do
fibreuse (plante)
kɤ-ɣɤɟaʁ
cajoler
Tib. dri
mdzɐ́-ʎɟə
Tib. lji-ba
tə́-ʎɟə
矢 blhiʔ > syijX
310
qa-ɟɤɣi
avoine
ʁɐ́-wət
ɯ-ɟɤm
goût
ɟɯga
chemin tortueux
tʂə-la dʑə́-ga
ɟu
bambou
ɟjóʔ HFF
Tang. lhjụ 2.52
#4726
paʁ-ɟu
verrat
qa-ɟy
poisson
waɟɯ
tremblement
ʁɐ-juʔ
de terre
wɯɟa
cuillère
tɯ-ɟom
longueur de
kə-ɟjáʔ HFF
ki-ʎɟɐ́m
覃 *alɨm > dom
deux bras
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Tib. ‘dom-pa
kɯ-zbaʁ
sec
kə zbá́k
tɯ-rqɤ-zbɤβ
goître
tɐ-spɐ́p HFF
tə zbâv
tɯ-zboʁ
une poignée
kɤ-βde
jeter
kɯ-βde
quatre
kə wdî
kə-vldaʔ
Tib. bzhi
四 *bs-hlij-s > sijH
ldɯɣi
bharal
(ovis
ldəgə̂
ammon)
ldɯɣɯ
couteau courbé
kɯ-ldɯm
sérieux
mɤrdom
fléau
kɤ-rdom
vagabonder
kɤ-rdɤl
aller trop loin
kɤ-zdɤβ
plier
rdû
ta-mə-rdám
疊褶 *alip > dep
摺 *bt-lip > tsyep
tɯ-zda
compagnon, autre
zdi
flèche
zdɯm
nuage, brume
və-zdeʔ
矢 blhiʔ > syijX
zdém
zdím
Bir. tim
Pumi sdĩ 55
Tang. djɨ̣̣j
ɣdɤso
ver blanc
tɯ-ɣdɤt
une section
kɤ-rɤɣdɯt
empailler
2.55
une
peau d’animal
311
kɤ-ʁdɤt
kɐ-ʁʎdɣêt,
glisser, trébucher
躓*btr-lit-s > trjijH65
ʁʎdɣə́t
kɤ-naʁdɤs
détester
ʁdɯrtsa
amadou
tɯ-ldʑa
brin
kɤ-βɟɤt
obtenir
kɯ-βɟi
ancien
kɤ-βɟi
suivre
tɤ-βɟu
matelas
tsʰə-wdár
ki-ldʑɐ̂
ta-pjó
Tang. ljuu
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2.6 #922
kɯ-rɟum
large
kə-rdʑâm
kɤ-ɣɟaβ
baratter
ɣɟɯʁar
croquemitaine
kɤ-nɯ-ɣɟɯ
mourir de faim
ɣɟɯ
tour de garde
tə-júŋ
kɤ-ʁɟo
rincer
ka-rdʑó́
kə-lám, <
kɐ-səʁʎɟɐ̂,
Bir. kyâŋ
səʁʎɟəʔ,
səʁʎɟeʔ
ŋgɤ-lɤ-ʁɟa
chauve
ŋgo-χɬɐ̂
kɤ-mɟa
prendre,
kɐ-vʎɟeʔ,
ramasser un objet
vʎɟî, vʎɟoʔ
tɯ-mɟa
mâchoire
tə-mɟâ HFF
tɯ-zgo-
colonne vertébrale
tə-zgɐ-
Pumi sɢo13
ɕɤrɯ
(zgo « montagne »)
ldʐəʔ
« montagne »
ʑgaʁ
à l’instant
ʑgrɯɣ
certainement
tɯ-rgi
sapin
rgali
génisse
rgɤl
soudain
tɯ-zgrɯ
coude
ʑgrə́k
tə-rpʰû
tə́-rgwə
rgwɐ-ləʔ
tə-krú
tə-krə-vzuʔ
gru-mo
肘*bt-r-kuʔ > trjuwX
Tableau 253 : Mots à initiales voisées en japhug qui ne sont ni des onomatopées, ni des mots
expressifs, ni des emprunts au tibétain.
z
65
Initiale b-
Cette reconstruction est proposée dans Sagart (1999: 94).
312
On ne trouve pas de mots apparentés aux exemples à b- dans les autres langues
rgyalronguiques sauf pour kɯ-zbaʁ « sec » et tɯ-rqɤ-zbɤβ « goître ». Nous pouvons
reconstruire ici *smb- en PGR : ce groupe n’existe pas en japhug, et ces groupes ne
peuvent venir d’un *sb-, puisque le groupe *sb- devient normalement zw- en japhug.
z
Initiale d-
Pour d-, le cas est différent : dans un cas ɯ-di « odeur », d- correspond à r- en
somang et à dr- en tibétain, et dans deux cas, mdza-di « puce », tɯ-di « arc » et zdi
« flèche », il correspond en chinois ou en tibétain à des mots à initiale latérale. L’idée que
d- vient d’une latérale est confirmée par le mot sa-li « arbalète » en japhug qui forme une
famille de mot avec tɯ-di et zdi. Parmi les mots japhug ayant l’initiale d- sans préinitiale,
certains sont des emprunts au tibétain. Dans ces cas, le d- du japhug correspond à un
groupe d- avec préinitiale en tibétain dont la préinitiale est tombée. Par exemple, dans
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kɯ-dɤn « beaucoup » venant du tibétain ldan-pa « ayant », le groupe *ld est devenu /d/.
Enfin, dans le numéral kɯ-βde « quatre » qui a cette fois une préinitiale, l’initiale dprovient aussi d’une latérale comme le montre la comparaison (tibétain bzhi, birman lê). A
cela on peut rajouter le verbe kɤ-zdɤβ « plier » dont l’initiale /d/ vient aussi d’une latérale :
il correspond au chinois 疊褶 *alip > dep, 摺 *bt-lip > tsyep et au tibétain lteb bltabs
(proto-tibétain *t-lap).
Pour expliquer l’origine du d- en PGR, nous reconstruisons provisoirement *tl- en
PGR. Toutefois, il existe une hypothèse alternative pour expliquer l’origine d’au moins une
partie de ces d-.
Parmi les mots en d- dont l’étymologie montre qu’ils viennent de mots à latérales, on
trouve trois exemples ayant la voyelle –i, et un autre ayant –e : il s’agit toujours de
voyelles antérieures. Cet état de fait pourrait suggérer un changement de *l à /d/ devant
les rimes palatalisées. Un changement de ce type est attesté dans certains dialectes
chinois du groupe Gan (Sagart 1993 : 253-4). Le problème de cette hypothèse est
d’expliquer d’où viennent les syllabes /li/ et /le/ du japhug moderne. Les exemples de
mots ayant ces séquences sont cités dans le Tableau 254.
japhug de kɤmɲɯ
japhug de gSar-rdzong
sens
PGR
kɤ-rɤ-li
ka-rɤ-lɪj
dédommager
*li
sa-li
sa-lɪj
arbalète
*li
kɤ-ɣɤ-ɕqali
ka-wɤ-ɕqali
crier fort
*lij
tɯ-ɣli
tɯ-ɣli
purin
*klij
kɤ-βli
ka-βlɯs
planter
*plij, plis
qa-le
qa-lɛj
vent
*lej
313
kɤ-ɣle
ka-ɣlɛj
frotter
*klej
kɤ-ra-ʁle
?
poli
*qlej
Tableau 254 : Exemples du PGR *l restant /l/ devant les voyelles antérieures.
Le seul exemple d’un /li/ en japhug venant de *lij en PGR est le verbe kɤ-ɣɤ-ɕqali
« crier fort » qui ne semble pas exister en dehors du japhug. L’idée d’une fortition de *l
devant *-ij lorsque *l n’est pas précédée par une occlusive pourrait donc être retenue.
Toutefois, cette hypothèse pose deux problèmes :
Il serait surprenant que *lij devienne /di/ alors que la latérale palatalisée *lj
devient /j/ devant *-ij (comme dans tɯ-ji < *ljij« champs »).
Il devient impossible d’expliquer l’origine du japhug ɟ- par *tlj-, puisqu’on ne
reconstruirait alors aucun *tl en PGR.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Pour les mots en syllabes fermées kɤ-ʁdɤt « glisser » et kɤ-zdɤβ « plier », nous
reconstruisons *qə-tl[e,ɐ]t66 ou et *sə-tl[ɐ,e,o]p respectivement en PGR. Pour kɯ-βde
« quatre », nous reconstruisons *pə-tlej. Enfin, pour le groupe ld- du japhug qui
correspond à ld- ou à rd- en somang, nous ne pouvons pas reconstruire *ld- en PGR
(sinon ce groupe se serait confondu avec *tl-) et nous proposons de reconstruire *rl-, le
groupe rl- du japhug moderne venant d’un *rə-l-. Pour le groupe rd- dans mɤrdom
« fléau », qui correspond aussi à rd- en somang, nous proposons un groupe *rə-tl- en
PGR.
Pour le groupe ʁd- dans ʁdɯrtsa « amadou », nous reconstruisons *wl- : ce groupe
correspond à wd- en somang. Pour d’autres exemples de *w devenant /ʁ/ en japhug, se
référer aux pages 326 et 325 (les groupes ʁj- < *wlj- et ʁr- < *wr-).
Le seul cas d’un /d/ dont nous sommes certains qu’il ne vient pas de latérale est celui
de zdɯm « nuage », dont les cognats en birman tim et en pumi sdĩ
55 ,
tangoute djɨ̣̣j 2.55
#2738 ont une occlusive dentale, et qui devait être voisée dans ces trois langues (le
birman tim vient du proto-lolo-birman *C-dim1)67. Il n’est pas possible d’exclure que le
groupe zd- du japhug moderne vienne donc ici de *sd- du PGR. Ce serait le seul groupe
où cette initiale voisée *d aurait été conservée. Toutefois, une autre possibilité serait un
emprunt d’un dialecte (comme le somang) où les groupes [z + prénasalisées] deviennent
[z + voisées] (*snd- > zd-).
Enfin, le groupe ɣd-, bien qu’attesté dans plusieurs mots natifs du japhug, ne se
trouve dans aucun mot reconstructible. Nous ne proposerons aucune reconstruction, bien
que ce groupe puisse se reconstruire *kə-tl- selon la logique de notre système.
66
La correspondance entre kɤ-ʁdɤt « glisser » et le chinois 躓 *btr-lit-s > trjijH invite a reconstruire plutôt
une voyelle antérieure *qə-tlet.
67
Voir Bradley (Bulaidelei 1989 : #320.2 p.374).
314
z
Initiale dʑ-
Pour tɯ-ldʑa « brin », correspondant au zbu ki-ldʑɐ̂ nous proposons de reconstruire
*lʑ- (*lndʑ- devient ndʑ- en japhug).
z
Initiale ɟ-
Le phonème /ɟ/ initial du japhug correspond à /ɟ/ en cogtse et à dʑ- en somang (les
données somang de Huang et Sun ne distinguent pas les alvéolo-palatales et les
palatales). Il semble donc à première vue possible de reconstruire un phonème *ɟ pour
l’ancêtre commun au japhug et au cogtse / somang. Toutefois, une partie au moins des /ɟ/
du japhug viennent eux aussi de latérales, comme le montrent les exemples ɟu
« bambou » et
tɯ-ɟom « longueur de deux bras ». Nous avons reconstruit *lj- pour le j-
du japhug, et ici nous reconstruisons *tlj- pour ɟ-. Les deux changements de *tl- > d- et de
*tlj- > ɟ- se sont effectués de façon parallèle : la préinitiale *t du PGR a transformé les
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
latérales en occlusives, probablement par un stade *tl- > *dl- > *ld- > d- et *tlj- > *dlj- > *ldj> *lɟ- > ɟ-.
Pour βɟ-, ɣɟ-, ʁɟ- et mɟ-, nous reconstruisons *plj-, *klj-, *qlj- et *mlj- en PGR
respectivement. Le βj- et ɣj- du japhug n’apparaissent que dans des mots expressifs et ne
sont pas hérités du PGR, et ʁj- a d’autres origines (voir 4.3.4 p. 317). Le groupe *pə-ljdevient βʑ-, et nous n’avons pas d’exemples du groupe *kə-lj- ou de *qə-lj-.
Pour le groupe rɟ- qui vient de latérale dans kɯ-rɟum « large », nous reconstruisons
*rlj- en PGR, *rə-lj- devenant rʑ- en japhug.
z
Initiale g-
Le mot « coude » tɯ-zgrɯ en japhug de kɤmɲɯ est tɯ-ɣrɯ dans le japhug de
gSar-rdzong. La forme /ɣrɯ/ provient de façon régulière de *kru en PGR. La forme du
japhug de kɤmɲɯ vient quant à elle d’un prototype à présyllabe *sə-kru en PGR. La fusion
de la présyllabe avec la racine s’est opérée après la lénition de *k : *sə-kru > *sə-ɣru puis,
la phonotactique du japhug interdisant un groupe tel que *zɣr- (dans les groupes
comprenant deux fricatives et une sonante, la seconde fricative doit être /s/ ou /z/), le *ɣ a
subi une fortition *zɣr > sgr-. Une reconstruction similaire *ɕə-krɯk doit probablement être
supposée pour l’adverbe ʑgrɯɣ « certainement ».
Dans le mot zgo « montagne », que l’on trouve dans l’exemple t ɯ -zgo- ɕ ɤ r ɯ
« colonne vertébrale » du Tableau 253, le groupe zg- vient probablement de *sɴɢ- en
PGR : le groupe *zɴɢ- n’existe pas en japhug moderne, et on trouve bien une uvulaire
dans ce mot dans les dialectes pumi qui ont conservé l’opposition entre uvulaires et
vélaires.
Les groupes rg- du japhug correspondent à rgw- en zbu. Nous reconstruisons *rŋgwen PGR pour ce groupe. Il s’oppose à *rŋg- qui devient rŋg- en japhug et en zbu (dans
kɤ-rŋgɯ « dormir »). La forme somang tə-rpʰû « sapin » est énigmatique. La
correspondance entre une labiale en somang et une labiovélaire en zbu s’observe aussi
315
dans le verbe « mélanger » japhug kɤ-ɕmi, somang ka-ɕmû et zbu kɐ-sŋwiʔ, mais ce
phénomène n’est en aucun cas régulier. Par ailleurs, dans ces deux exemples, la
labiovélarisation semble avoir influencé la voyelle *i en /u/ en somang (voir p. 224).
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PGR
japhug (kɤmɲɯ)
rgyalrong oriental
Zbu
*smb-
zb-
zb-, sp-
zb-
*tl-
d
r-, j-, d-
ʎɟ-, ld-
*tlj-
ɟ-
ɟ-
ɟ-, ʎɟ-
*rl-
ld-
ld-, rd-
?
(*r-tl-)
rd-
rd-
(*wl-)
ʁd-
wd-
(*lʑ-)
ldʑ-
?
ldʑ-
(*sɴɢ-)
zg-
?
zg-
*rŋgw-
rg-
? rpʰ-
rgw-
(*plj-)
βɟ-
pj-
?
*mlj-
mɟ-
mɟ-
vʎɟ-
(*klj-)
ɣɟ-
j-
?
(*qlj-)
ʁɟ-
rdʑ- (*rɟ-)
ʁʎɟ-, χɬ-
(*rlj-)
rɟ-
rdʑ- (*rɟ-)
l
(*sə-kr-)
zgr-
kr-
kr-
Tableau 255 : Correspondances des occlusives voisées du japhug avec les autres langues
rgyalronguiques.
Les occlusives voisées du japhug ne viennent pas de celles du PGR, sauf peut-être
dans quelques cas isolés. Les anciennes occlusives voisées *b et *g se sont confondues
avec les prénasalisées *mb et *ŋg. Il existait sans doute un *d en PGR, mais nous n’avons
pas trouvé de moyen de reconstruire ce phonème : peut-être s’est-il confondu avec *t ou
avec *nd.
316
4.3.4
Fricatives et approximantes
En japhug actuel, on trouve deux séries de fricatives : voisées et sourdes. Toutefois,
nous avons vu que les voisées *z et *ʑ du PGR se confondent respectivement avec *ndz
et *ndʑ (section 4.3.2.3 p. 287). les voisées actuelles doivent avoir une origine différente.
Nous ne traiterons pas dans cette section de l’origine du japhug /x/ et /χ/, car aucun
cognat n’a pu être détecté pour les mots ayant ces initiales.
La présente section se divise en huit parties dans lesquelles nous traiterons des
correspondances du japhug de kɤmɲɯ avec les autres langues rgyalronguiques de ces
phonèmes lorsqu’il sont en position initiale. Dans les groupes pouvant avoir deux
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analyses sr-, ɕɣ- et ɕl-, nous considèrerons le premier phonème du groupe comme étant
l’initiale : il faudra donc chercher la reconstruction de ces trois groupes respectivement
dans la section sur /s/ et /ɕ/ respectivement.
z
s- (Tableau 256 p.318)
z
z- (Tableau 257 p.319)
z
ɕ- (Tableau 258 p.320)
z
ʑ- (Tableau 259 p.321)
z
w- (Tableau 260 p.322)
z
l- (Tableau 261 p.323)
z
r- (Tableau 262 p.325)
z
j- (Tableau 263 p.326)
z
ɣ- (Tableau 264 p.327)
z
ʁ- (Tableau 265 p.329)
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
ta-sá
zbu
autres langues
ta-sa
chanvre
tɐ́-sɐ
sarsi
abricot
kɤ-sat
tuer
ka-sát
tɤ-se
sang
ta-ɕí
kɯ-sɤr
frais
kə-tsʰár
Tib. gsar
si
arbre
ɕé
Tib. shing
kɤ-si
mourir
kə-ɕî
kɐ-səʔ, sə́t
kɤ-sɯɣ
serré, tendu
kə-sík
kɐ-séχ, <sêχ
kɤ-sɯs
savoir
ka-ɕî
kɐ-sés
sərsɐʔ
Tib. gsod bsad
ta-saʔ
Bir. swê
Tib. ‘chi shi
Tib. shes
317
kɤ-sɯso
penser; vouloir
səsô ka-pa
kɐ-səsɐʔ, <
想 *bsaŋʔ >
sjangX
kɯ-so
vide
kə-só́
Tib. stong
kɤ-sɯsu
vivant
kə-səsô
kə-səsû
kɤ-fse
aiguiser
ka-pɕé́
kɐ-fseʔ, fsî
kɤ-nɯ-fse
reconnaître,
ka-nə-mɕí
kɐ-nə fsî, nə fseʔ
Tib. ‘tsho
être familier
kɯ-fsɯr
kə-fsér
avoir faim (de
viande)
fso
demain
só-sɲi
fsə-fsîs
kɯ-fsoʁ
clair (ciel)
kə-pʰsó́k
kə-fsóχ, fsôχ
xsar
un bovidé
tsʰár
xsér
Tib. sang nyin
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(naemorhedus
goral)
kɤ-xsɯr
frire (viande)
ka-kʰsə̂r
kɐ-xsə́r
χsɯm
trois
kə-sâm
χsúm
Tib. gsum
Tableau 256 : Correspondances du Japhug s- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 256, le /s/ du japhug correspond à /s/, /ɕ/ ou /tsʰ/
en somang et à /s/ en zbu. Nous reconstruisons ici *s en PGR.
En somang, devant les voyelles antérieures –e et –i, le *s se palatalisent en /ɕ/. Dans
les données de Hsie Fengfan (1999), on trouve toutefois des combinaisons /si/ et /se/.
Celles-ci doivent avoir une origine différente en PGR : par exemple, síʔ « bouleau »
correspond à sɤjku en japhug, et provient donc d’un *sɐj en PGR, ce qui explique que la
consonne initiale ne se soit pas palatalisé.
Nous reconstruisons les groupes fs-, xs- et χs- respectivement comme *ps-, *ks- et
*qs- en PGR, selon le principe que les préinitiales occlusives se lénifient.
japhug (kɤmɲɯ)
βɣa-za
sens
mouche
somang
zbu
autres langues
kə-wɐ̂s HFF, ɣu-zeʔ
kə-wós
tɯ-zloʁ
fois
tə-tə́-lok
tə-lôχ
kɤ-nɤzraʁ
avoir honte
ka-nasrák
tə-rzɐ̂χ
tɤ-zrɤm
racine
tɐ-srɐ́m
tɐ-rzám
kɯ-zri
long
kə-skrə̂n
kə-rzaʔ, <
Tib. gshags
318
kʰrɯ-zwa
riz cuit
kʰri-zbá
zwɤr
armoise
zbór68
tɯ-rzɯɣ
section
tə-rzə́k
tɕʰorzi
jarret
ɣzɯ
singe
zɣór
Tib. tshigs
tɕʰɐ-rzî
kə-tsú
ɣzəʔ
Tableau 257 : Correspondances du Japhug z- dans les autres langues rgyalronguiques
Comme on le voit dans le Tableau 257, le japhug /z/ correspond à /z/, /ts/ ou /s/ en
somang et à /z/ en zbu. Comme nous l’avons vu en 4.3.2.3 p. 287, le *z du PGR est
devenu ndz- en japhug lorsqu’il n’était pas précédé de préinitiale.
Nous reconstruisons ici *rz- pour le groupe rz- du japhug, mais *sr- pour le groupe zr-,
qui reste sr- en somang et qui subit une métathèse en rz- en zbu. Le groupe sr- du japhug
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vient de *sə-r-.
Dans βɣaza « mouche », le /z/ provient de la consonne finale. Nous reconstruisons
*kpɐs en PGR pour ce mot. Le /o/ en somang dans ce mot est probablement une erreur
de transcription de la part de Huang et Sun (2002), car la voyelle /ɐ/ acquiert une
coloration particulière après l’initiale /w/ : la forme kə-wɐ̂s transcrite par Hsie Fengfan est
plus fiable. En japhug et en zbu, une voyelle –a a été rajoutée, et le *s final s’est voisée
par un processus régulier.
Le zl- de tɯ-zloʁ « une fois » pourrait venir d’un *sl- en PGR, mais les autres langues
ne conservent pas de traces de ce *s. Pour le groupe ɣz- attesté par un exemple, nous ne
proposons pas de reconstruction.
Enfin, on trouve une forme empruntée à la correspondance suprenante : kɤ-βzjos
« apprendre » qui vient de la forme passé du tibétain sbyangs. Il s’agit d’un emprunt
ancien (couche A, voir la section 3.2.3 p.178). La suite de phonèmes sb- du tibétain a subi
une métathèse et est devenue βz- en japhug. Ce phénomène s’observe dans les autres
langues rgyalronguiques : le zbu a vzjɐ̂, vzjʌʔ, vzjeʔ et le cogste (Hsie 1999) a ka-bzjâŋ.
Le groupe sb- du tibétain devient normalement zw- dans les emprunts anciens en japhug.
Si ce phénomène était limité au japhug, on pourrait proposer un changement *sbj- > *zwjpuis une métathèse *wzj-, due au fait que la position de médiane était déjà occupée par *j.
Toutefois, l’existence de cette métathèse dans d’autres langues nécessite une autre
explication, puisque ni le zbu ni le cogtse n’ont subi de changement *sb- > zw- . Nous
n’avons pas de solution à cette énigme.
68
Ce mot vient du dialecte de Cog-tse (données personnelles).
319
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japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
autres langues
kɤ-ɕar
chercher
ka-sâr
kɤ-ɕaβ
rattraper
ka-ɕɐ̂p LYJ
kɤ-ɕe
aller
ka-tɕʰê
kɯ-ɕɤɣ
nouveau
kə-ɕə́́k
ɕɤɣ
genévrier
ɕɤr
soir
swár
kɤ-rɤ-ɕi
tirer
ka-ra-ɕé́t
kɯ-mɤɕi
riche
kə-maɕê
tɤ-ɕi
orge
swî
kɤ-rɤɕi / kɤ-rɤɕit
tirer
ka-raɕé́t
kɯ-ɕo
propre
kə-ɕô
kə-ɕɐ̂, ɕʌʔ
ɕom
fer
ɕám
ɕɐ́m
Bir. saṃ
ɕu
qui
sə̂
səʔ
Tib. su
tɯ-ɕɣa
dent
tə-swâ
tə-ɕwɣeʔ
Tib. so
qa-ɕɣi
asticot
kʰəʃué HFF
kɤ-ɕlɯɣ
lâcher sans
kɐ-ɕlə́k
Bir. sac
xɕôx
Tib. shug-pa
tɐ́-ɕə
faire attention
kɤ-ɕlu
labourer
tə-ɕló́
kɯ-fɕi
forgeron
kə-pɕîs
kɤ-fɕɯɣ
déchirer,
ka-sarɕók
démolir
jɯ-fɕɯr
hier
mə-ɕér
Tableau 258 : Correspondances du Japhug ɕ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 258, le /ɕ/ du japhug correspond à /ɕ/, /tɕʰ/ ou /s/
en somang et à /ɕ/ en zbu.
Le somang /sw/ correspond à ɕɣ- ou ɕ- en japhug dans les trois mots tɯ-ɕɣa « dent »,
ɕɤr « soir » et tɤ-ɕi « orge ». Nous reconstruisons ici *sw- en PGR, ce groupe devenant
ɕɣ- en japhug. On attendrait *ɕɣɤr et *ɕɣi à la place de ɕɤr ou de tɤ-ɕi. On peut
probablement supposer un changement *ɕɣi > ɕi en proto-japhug, car le groupe ɕɣn’apparaît jamais devant les voyelles d’avant en japhug moderne. La forme ɕɤr « soir »
reste inexpliquée. Le groupe ɕɣ- vient aussi peut-être d’un *ɕw- en PGR, qui donne ʃu(ɕw-) en somang / cogtse dans le mot « asticot » qa-ɕɣi :: kʰə-ʃué.
320
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
zbu
kɤ-sɤʑa
commencer
ka-sajá́
kɯ-rɤʑa
grater
kə-rajâk
kɤ-nɯ-ʑɯβ
s’endormir
qa-ʑo
mouton
kə-jó
tɯ-ʑo
soi-même
tə-jó
kɯ-ʑo
léger
kə-jô
βʑɯ
souris
pə-jû
βʑar
busard
waŋár HFF
ɣurʑa
cent
pə-rjâ
tɯ-ɣu-rʑaʁ
blé d'hiver
wu-rják
tɯ-rʑaβ
épouse
ta-rɟjáp HFF
tə-rɟêv
kɯ-rʑi
lourd
kə-lî
kə-rɟəʔ
tɤ-rʑɯɣ
ride
ta-rʑə́k
tɐ-rndʑík
ɣʑo
abeille
autres langues
kɐ-rɐjîv, <
Bir. ip
ʁiɐʔ
Tib. g.yang dkar
Tib. rang
kə-jɐʔ, <
Tib. yang-po
və-rɟî
Tib. brgya
kə-tɕʰə wu-jɐ̂
Tib. lci-ba
Tib. sbrang
Bir. yaŋ
« mouche »
Tableau 259 : Correspondances du Japhug ʑ- dans les autres langues rgyalronguiques
Comme on le voit dans le Tableau 259, le japhug /ʑ/ correspond à /j/ en somang et à
/j/ en zbu lorsqu’il n’est pas précédé de préinitiales. Dans ces cas, nous reconstruisons *j
en PGR.
Pour le groupe βʑ- du japhug, nous reconstruisons *pə-lj- en PGR dans le mot βʑɯ
« souris », groupe qui s’oppose à *plj- > βɟ-. Dans βʑar « busard » /ʑ/ correspond à /ŋ/ en
somang. Nous ne proposerons pas de reconstruction pour ce groupe en PGR.
Pour rʑ-, nous reconstruisons trois groupes : *rə-lj- lorsque rʑ- correspond à rj- ou len somang (dans tɯ-ɣu-rʑaʁ « blé d’hiver », ɣurʑa « cent » et kɯ-rʑi « lourd »), *rjlorsque rʑ- correspond à rɟ- en somang et en zbu, et peut-être aussi *rʑ- lorsque rʑcorrespond à rʑ- en somang et à rndʑ- en zbu (mais les exemples sont trop peu
nombreux). Le groupe *rj- s’oppose à *rə-j- qui devient rj- en japhug. Pour ɣurʑa « cent »,
il n’est pas clair s’il convient de reconstruire *wə-rja ou *pə-rja en PGR.
Enfin, Le groupe ɣʑ- correspond à wu-j- en zbu. Nous reconstruisons *wj- en PGR.
321
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
qa-mɯrwa
chauve-souris
mbərwá
kɯ-ɣɤwɤt / kɯ-ɣɤpɤt
s'ouvrir (fleur)
ta-pát
tɯ-wɤt
manche
kɤ-ɣɤwu
pleurer
ka-nawowô
kɤ-nɤqʰawur
se mettre un habit
ta-wə́́r
zbu
autres langues
Bir. pân
tə-ɣʊ́t
sur les épaules
tɤ-jwaʁ
feuille
tɐ-jwɐ́k
sí-lwɐχ
Bir. a-rwak
Tang. bạ 2.56
#4567
Tableau 260 : Correspondances du Japhug w- dans les autres langues rgyalronguiques.
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Le *w du PGR devient ɣ- en japhug de kɤmɲɯ. Le w- du japhug actuel doit donc avoir
une origine secondaire dans cette variété de japhug. Le cas de tɤ-jwaʁ « feuille » est
particulier : on peut reconstruire ici *lbaq en PGR, avec un changement *lb- > /jw/ en
japhug. L’occlusive est attestée dans la forme tangoute. On ne peut pas reconstruire ici
*lw- car ce groupe donne /lɣ/ en japhug.
Parmi les mots du Tableau 260, si l’on excepte la syllabe –wa dans qa-mɯrwa
« chauve-souris » et tɤ-jwaʁ, il est possible d’expliquer pourquoi l’on ne trouve pas ɣ-. Le
verbe kɯ-ɣɤ-wɤt « s’ouvrir (d’une fleur) » a une forme alternative kɯ-ɣɤ-pɤt. La forme en
w- doit être un emprunt à un dialecte autre que le japhug, ce qui explique la cohabitation
des deux formes. Pour les trois autres mots, le w- est secondaire. En PGR, on peut
reconstruire ces mots sans consonne initiale : tɯ-wɤt < *ɔt « manche », kɤ-ɣɤ-wu < *o
« pleurer » et kɤ-nɤ-qʰawur < *ur « se mette un habit sur les épaules ». Les voyelles
arrondies sans consonne initiale ont développé une initiale *w- à un stade du proto-japhug.
Cette initiale s’est développée avant le changement *-ɔt > -ɤt (voir 4.2.3.3) : ainsi *ɔt >
*wɔt > /wɤt/ dans le nom tɯ-wɤt. Si le changement *-ɔt > -ɤt s’était passé avant, il aurait
saigné *ɔ > *wɔ, et *ɔt serait devenu *ɤt. Le développement de /w/ s’observe aussi après
l’initiale χ- dans l’emprunt tibétain χwɤr « Hor » qui viendrait d’un proto-japhug *χɔr >
*χwɔr > χwɤr du fait du changement *-ɔr > -ɤr (voir 4.2.3.5).
Comme les dialectes japhug autres que celui de kɤmɲɯ ne distinguent pas le *w- du
PGR (devenu ɣ- dans le dialecte de kɤmɲɯ) du *w développé devant les voyelles
arrondies (resté w- dans le dialecte de kɤmɲɯ) , cela signifie que le *w venant du *w du
PGR et le *w apparu devant les voyelles labiales étaient restés distincts en proto-japhug :
le changement de *w à ɣ-, comme il est particulier au dialecte de kɤmɲɯ, a dû se produire
après le changement *ɔ > *wɔ. Nous noterons donc *w2 le /w/ développé en proto-japhug
devant les voyelles arrondies. Alors que *w devient ɣ-, *w2 reste w- en japhug. On peut
ordonner les quatre changements qui interviennent ici de la façon suivante :
322
z
*ɔ- > *w2ɔ-, *o- > *w2o-, *u- > *w2u-
z
*-ɔt > -ɤt, *-ɔr > -ɤr
z
*w- > ɣ- (changement propre au dialecte de kɤmɲɯ)
z
*w2 > w-
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
qa-la
lapin
ka-lá
kɤ-sɤla
faire bouillir
ka-səwla
zbu
autres langues
kɐ-sɐldɣî,
sɐldɣeʔ
tɯ-las
front
qa-le
vent
kɤ-lɤɣ
garder
tə-ltʰês
les
kʰa-lî
ʁɐ́ltə
Bir.lê
ka-lôk
kə-ltʰôx, ltʰə̂x
Tib. ‘brog-pa
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animaux
kɤ-lɤt
jeter, relâcher
kɐ-lɐ̂t
kɤ-rɤli
dédommager
ka-rajlə́́
kɯ-lɯβ
être sombre
lɯ-lu
chat
to-rú
tɤ-lu
lait
tə-ló
tɐ-ltʰəʔ
kɤ-sɤluj
recouvrir
ka-səlî HFF
kɐ-səɣliʔ, <
kɐ-rɐleʔ, rɐlê
kə-ldôv
Tib. zho
complètement
kɤ-lwoʁ
asperger
qa-liaʁ
aigle (aquila
ka-rwôk
ʁɐ-liɐ̂χ
Tib. glag
chrysaetos)
mbro-lɯa
crinière
mbro-lwá
kɤ-βli
planter
ka-plû
kɐ-vləʔ
kɤ-βlɯ
allumer un feu
ka-plû
kɐ-lduʔ, <
sla
lune
tsə-lá
ki-zdɣî
Tib. zla
« un mois »
kɤ-rla
détacher
ka-ldá
jla
hybride de yak
tə-jlâ
ʎɟeʔ
tɐ-rjôx
et de vache
tɤ-jlɤβ
vapeur
ta-jlôp
tɤ-jlu
pâte
tɐ-jlô HFF
kɤ-ɣle
frotter
ka-klê
tɯ-ɣli
engrais
tɯ-ʁla
avant-bras
tə-lɣî
Tib. lci-ba
tə-kʰlê HFF
ta-kʰlá
Tableau 261 : Correspondances du Japhug l- dans les autres langues rgyalronguiques.
323
Comme on le voit dans le Tableau 261, le japhug /l/ correspond à /l/ et
exceptionnellement à /r/ en somang et à /l/, /ld/, /lt/, /ltʰ/ ou /r/ en zbu. Le conditionnement
de l’apparition d’une occlusive en zbu n’est pas clair. Dans les formes sans préinitiales ni
médianes, nous reconstruisons *l en PGR. Les autres groupes demandent une étude
spéciale. On distingue deux groupes à médiane en japhug : lw- et li-, auxquels il faut
rajouter lɯ- dans mbro-lɯa « crinière » que nous avions laissé de côté dans notre étude
synchronique.
Le li- du japhug ne peut pas venir de *lj- en PGR, puisque ce groupe donne j- en
japhug. Le seul nom où ce groupe est attesté en japhug de kɤmɲɯ, qa-liaʁ « aigle » est
probablement un emprunt au zbu ou au tshobdun. En japhug de gSar-rdzong, on trouve
qa-rɟa⎟ « aigle » qui remonte à un PGR *rljaq selon les lois phonétiques régulières.
Pour les groupes lw- et lɯ- du japhug, nous reconstruisons en revanche *lw- et lɯ- en
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PGR. Lorsque *lu ou *lw- ne sont pas précédés d’occlusive en PGR, le *l devient /r/ en
somang : c’est le cas dans to-rú < *lu « chat », dans ka-rwôk < *lwoq « creuser » et aussi
dans ka-rwâ < *lwa « creuser » apparenté au japhug kɤ-lɣa. Précédé d’une occlusive, il
reste /l/ : ka-plû < *plu « allumer un feu ». Le *l ne subit pas de rhotacisation non plus
dans le groupe *lɯ- qui devient /lw/ en somang.
Les groupes à préinitiales ont des origines variées :
z
βl-, ɣl- et ʁl- viennent respectivement de *pl-, *kl- et *ql- en PGR, et ils s’opposent
à *pə-l- > pl- (voir section 4.3.2.1) et à *plj- > βɟ-, *klj- > ɣɟ- et *qlj- > ʁɟ- (voir
section 4.3.3).
z
sl- vient de *sə-l- (peut-être même *tsə-l- comme le suggère la forme du somang)
en PGR. Ce groupe s’oppose à *sl- > zl-.
z
rl- vient de *rə-l- en PGR. Ce groupe s’oppose à *rl- > ld- (4.3.3). En somang, les
groupes *rl- et *rə-l- du PGR se confondent en rd-.
z
jl- pourrait venir de *cl- ou de *jl- en PGR. Ce groupe pourrait avoir plusieurs
origines, comme le suggère la correspondance avec le zbu rj- et lɟ-.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
kɯ-ra
devoir
râ
ras-ti
navet (Brassica
tɐ-rɐ̂s HFF
zbu
autres langues
Bir. rá
sp.)
kɤ-nɤre
rire
tɤ-rɤm
planche de bois
ɯ-ʁɤri
avant
kɤ-rɤt
dessiner,
ka-narî
kɐ-nɐriʔ
Bir. ray
tɐ-rɐ́m
wu-tʂí
tə-ʁu-rjî
kɐ-rêt, rît, rét
écrire
324
kɤ-ɣɤrɤt
kɐ-vɐrêt,
jeter
vɐrît, vɐrét
kɤ-ri
rester,
laisser,
nə-kə-rês
laisser couler
tɤ-ri
fil
kɤ-ri
rester,
ta-rí
kə-rʌʔ, rɐ̂
laisser,
laisser couler
ɕɤ-rɯ
os
ɕa-rə́
ɕɐ̂r
kɯ-rɯ
tibétain
kə-rú
kə-ruʔ
ndʑi-rɯ
lente
mdʒi-rúʔ
Tib. rus
Tib. sro-ma
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HFF
tɯ-ro
poitrine
ta-rô
tə-rɐ̂
kɯ-rom
séché
kə-rá́m
kə-rɐ́m, rîm
kɤ-roʁ
graver
kɐ-rók LYJ
kɐ-róχ
tɤ-ru
chef de village
ta-rô HFF
tɐ-roʔ
kɤ-rɤ-ru
se lever
ka-rwâs
kɐ-rʊ́t, <rút
tɯ-rju
parole
tə-rjô
kɤ-βraʁ
attacher
ka-prák
kɤ-rɤβraʁ
se gratter
Tib. brang
kɐ-prɐ̂χ
kɐ-rɐvróχ,
rɐvrôχ, <rɐvréχ
tsʰuɣru
soude; alcali
tsʰə-wré
tɯ-ɣru
coude
tə-krú
tə-krə-vzuʔ
blanc
kə-prâm
kə-prúm,
Tib. gru-mo
(gSar-rdzong)
ku-ɣrum
<pʰrúm
ta-ʁrɤt
charbon de
ta-ŋkrôt
ta-ʁrôt
bois
ta-ʁri
saleté
tə-wrí
tɐ-krəʔ
ta-ʁrɯ
corne
tə-rú
ta-ʁrəʔ
kɤ-ra-ʁrɯs
balayer
tə-rîs
Tableau 262 : Correspondances du Japhug r- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on voit dans le Tableau 262, le /r/ du japhug correspond toujours à /r/ en
somang et en zbu. Nous reconstruisons ici *r en PGR. Les groupes ont les origines
suivantes :
z
Le japhug rj- vient de *rə-j- en PGR. Il s’oppose à *rj- > rʑ- en japhug.
z
Le japhug βr- vient toujours de *pr- en PGR.
z
Le japhug ɣr- vient normalement de *kr-, mais dans ku-ɣrum « blanc », les
325
données comparatives suggèrent que le groupe *pr- devient ɣr- devant les rimes
labiales (on ne trouve pas de groupes tels que *βro- ou *βru- en japhug
moderne). Il vient peut-être également de *wr- dans le mot tsʰuɣru « soude »
(voir paragraphe suivant).
z
Le japhug ʁr- vient de *qr- lorsqu’il correspond à kr- en somang ou à ʁr- en zbu.
z
Le japhug ʁr- vient aussi du PGR wr- lorsqu’il correspond à wr- en somang. Le
changement *wr- > ʁr- où la préinitiale *w- devient ʁ- devant r- en japhug est
parallèle au changement *wlj- > ʁj- (voir p.326) et *wl- > ʁd- (voir p.314). La
forme tsʰuɣru « soude » est difficile à expliquer, on attendrait *tsʰɯʁru si le PGR
était *tsʰɯ-wro. Etant donné que le vocalisme de cette forme est aussi irrégulier,
nous ne proposerons pas de reconstruction.
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japhug
sens
somang
zbu
autres langues
(kɤmɲɯ)
tɯ-jaʁ
main
ta-ják
tə-jɐ̂χ
Tib. lag
kɯ-jaʁ
épais
kə-já́k
kə-jɐ̂χ
Tang. laa 1.22 #3192
kɯ-jɤɣ
accomplir
jó́k
jɤɣɤt
balcon
jɐwɐ́t HFF
kɯ-jɤɣ
être d'accord
kɤ-jɤr
en biais
kə-jôx
kə-ŋa-dʑórdʑor
kɤ-ji
planter
ka-jê HFF
kɐ-jeʔ, jê
Tib. zhing-ka
kɤ-ɣɤjɯ
ajouter
ka-wajú
kɐ-zjû, zjoʔ, zjə̂m
Tang. lhu 1.1#5621
qa-jɯ
insecte, vers
kə-lú
ɯ-jɯ
poignée
wu-lû
kɯ-jɯm
être clair
kə-jám
kɤ-nɤjo
attendre
ka-najó́
kɯ-jom
large
kə-jâm
kɤ-joʁ
lever
ka-jó́k
ta-ʁjɯβ
ombre
ta-wjə́s
kɤ-naʁju
se curer les
ka-naktɕó
dents
« fouiller »
Tang. lụ 1.58 #1308
və-juʔ
Tang. lụ 2.51 #2273
kɐ-nɟɐʔ, <nɟiʔ, <nɟiʔ
və-ʁjév
Tib. grib
Tableau 263 : Correspondances du Japhug j- dans les autres langues rgyalronguiques.
Comme on le voit dans le Tableau 263, le /j/ du japhug correspond à /j/, /l/ ou /dʑ/ en
somang et à /j/ ou à /ɟ/ en zbu. Toutefois, ce /j/ correspond à des latérales dans les
langues extérieures au rgyalronguique comme le tibétain ou le tangoute. Nous
reconstruisons *lj- en PGR. Ce groupe est resté distinct de *j en japhug, puisque *j y est
326
devenu /ʑ/.
Le groupe lj- du japhug moderne ne se retrouve que dans le mot qa-ljaʁ « aigle » en
japhug de kɤmɲɯ, mais cette forme ne remonte pas au proto-rgyalronguique (voir la
section sur /l/).
Les deux cas où le /j/ du japhug correspond à /l/ en somang sont devant la voyelle u.
Il est possible que *lju est devenu lu en somang de façon régulière (dans les mots wu-lû
« poignée » et kə-lú « insecte ») et que le verbe ka-wa-jú « ajouter », où le /j/ du japhug
correspond à /j/ en somang devant /u/ soit un emprunt du japhug en somang.
Pour ʁj-, nous reconstruisons *wlj- lorsqu’il correspond à wj- en somang comme dans
ta-ʁjɯβ :: ta-wjə́s « ombre », et *qc- lorsqu’il correspond à ktɕ- dans kɤ-nɤ-ʁju « se curer
les dents » :: ka-na-ktɕó « fouiller »69. Le groupe *wj- est différent de *wlj-, car il donne ɣʑ-
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en japhug. Le changement de la préinitiale *w- à ʁ- est parallèle *wr- > ʁr- et à *wl- > ʁd-.
japhug (kɤmɲɯ)
sens
somang
tɯ-ɣe
petits enfants
tə-pkʰî
kɤ-ɣi
arriver
ka-pô
tɤ-ɣi
glaise
que
l’on
applique sur le
zbu
autres langues
kɐ-vəʔ
tə-pkê
« boue »
toit
jɤɣɤt
balcon
jɐwɐ́t HFF
tɕʰɯ-ɣur
digue
tɕʰi-jûr
tɤ-ɣur
haie
tɯ-βɣi
balle
ta-rpê
tɐ-ɣviʔ
βɣɯs
blaireau
pə́s
tə-vîs
βɣa-za
mouche
kə-wɐ̂s HFF, ɣu-zeʔ
tɐ-ɣʊ́r
kə-wós
kɤ-lɣa
creuser
ka-rwa
kɐ-lwɐʔ, <, lwiʔ
sɣa
rouille
tɤ-rɣe
collier
ta-rwú
mkɐ-rgweʔ
ɯ-rɣi
graine
tə-rpí HFF
tə-rvəʔ
tɕaɣi
perroquet
tɕagî
ldɯɣi
bharal
ldəgə̂ HFF
zwi
Tang. wẹ 1.65
Tableau 264 : Correspondances du Japhug ɣ- dans les autres langues rgyalronguiques.
69
La notation ktɕ- est probablement à comprendre comme *kc-, étant donné que le dictionnaire de
Huang et Sun 2002 ne distingue pas palatales de palato-alvéolaires, à moins qu’une dissimilation n’ait eu
lieu dans cette langue, un groupe [vélaire + palatale] étant difficile à distinguer d’une simple palatale.
327
Les correspondances du japhug /ɣ/ avec les autres langues rgyalronguiques sont très
complexes. On distingue cinq situations différentes :
Le /ɣ/ du rgyalrong de kɤmɲɯ correspond parfois à /w/ en japhug de gSar-rdzong et à
/w/ en somang. C’est en particulier le cas des préfixes verbaux très communs ɣɤ- et ʑɣɤ(voir les sections 6.1 p.402 et 6.5 p.409), qui correspondent à wa- et jwo- en somang /
cogtse. Dans ces cas, nous reconstruisons *w en PGR. Le changement *w > /ɣ/ s’observe
par ailleurs dans tous les dialectes japhug lorsque /w/ était médiane : on a déjà mis en
évidence les changements *tw- > cɣ- et *tʰw- > cʰɣ- (p. 297), *sw- > ɕɣ- (p. 320). Les seuls
mots ayant un ɣ- sans préinitiale venant directement de *w dans le Tableau 264 sont
tɕʰɯ-ɣur « digue », tɤ-ɣur « haie » et jɤɣɤt « balcon ».
Pour lɣ- nous reconstruisons *lw- en PGR. Ce groupe devient rw- en somang (voir le
changement de *l p. 323). Le groupe sɣ- vient de *sə-w- en PGR. Il est impossible de
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reconstruire ici *sw car ce groupe donne ɕɣ- en japhug.
Le groupe rɣ- vient de *rb- en PGR. La voisée subit ici une lénition comme dans *sb> zw-. Devant une rime terminée par *-q, *rb- s’assimile et devient rʁ- (voir le passage
suivant sur le ʁ- japhug). En somang, *rb- devient rw- ou rp-.
La reconstruction du groupe βɣ- est problématique. Nous proposons de restituer *kpen PGR, ce groupe subissant une métathèse en japhug, tandis qu’il se simplifie en p- ou
en w- en somang. Ce groupe doit peut-être également se reconstruire pour kɤ-ɣi
« arriver » (voir ci-dessous).
Pour les ɣ- ne correspondant pas à w- en somang, la reconstruction est malaisée car
on trouve une correspondance différente par exemple :
z
les mots tɤ-ɣe :: tə-pkʰî « petit-fils » et tɤ-ɣi :: tə-pkê « glaise que l’on applique sur
le toit », où le japhug ɣ- correspond à pkʰ- et pk- en somang, nous proposons de
reconstruire *pk- en PGR ; ce groupe devient normalement pɣ- en japhug (voir
p.274), et nous sommes contraints ici de supposer une simplification irrégulière
du groupe de consonnes. Il est impossible de reconstruire *pə-k-, car ce groupe
donne fk- (voir p. 301).
z
Pour kɤ-ɣi :: ka-pô « venir », il est peut-être possible de suggérer une
reconstruction *kp- en PGR, avec une simplification subséquente en japhug.
Enfin, pour le ɣ- à l’intérieur des mots dans ldɯɣi « bharal » et tɕaɣi « perroquet »,
nous reconstruisons *k en PGR : ce *k devient /ɣ/ en japhug entre deux voyelles à
l’intérieur d’une racine, et /g/ en somang.
328
japhug (kɤmɲɯ)
tɤ-ʁar
sens
somang
aile
zbu
və-ʁɐ̂r
Tang. wer 2.71
« plumes »
#1697
ʁe
gauche
qwɐ-juʔ
ɯ-ʁɤri
devant
tə-ʁurjî
kɤ-βʁa
gagner
kɤ-βʁum
renverser
kɐ-vʁûm
kɤ-nɯrʁɯrʁa
grimper
kɐ-mɐlqʌʔ,
ka pká
autres langues
kɐ-vʁʌʔ, vʁɐ̂
mɐlqî
kɤ-ɣɤrʁaʁ
chasser
ka-narwá́k
Tang. ba 1.17
#2200
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kɤ-rʁe
mettre un fil
ta-ká́p ka-rkî
dans une
aiguille
kɤ-jʁu
courbé
ka-rgorgó́
Tableau 265 : Correspondances du Japhug ʁ- dans les autres langues rgyalronguiques.
Le phonème japhug /ʁ/ est extrêmement rare dans les mots reconstructibles lorsqu’il
n’a pas de préinitiale. Pour ʁe « gauche », nous avions déjà reconstruit *qwej en PGR
(voir p.216). Nous proposons que *qw- devient parfois ʁ- (comme dans le Tableau 265),
parfois q- (comme dans qaʁ « houe », zbu qwɐ̂χ) en japhug.
Nous reconstruisons le groupe βʁ- du japhug comme *pq- en PGR. Le groupe rʁ- a
deux origines : *rq- (lorsque rʁ- correspond à rk- en somang ou à lq- en zbu) et *rb-.
Comme nous l’avons dit plus haut dans le paragraphe sur le japhug /ɣ/, le groupe *rbdevient rʁ- et non rɣ- lorsque la syllabe termine par une uvulaire, ce qui explique
l’absence de syllabes *ɣaʁ ou *ɣoʁ en japhug lorsque /ɣ/ est initiale. Le mot kɯ-ʁaʁ
« éclore » pour lequel nous n’avons pas pu trouver de cognats dans les autres langues,
de la même façon, devrait se reconstruire *waq en PGR, le *w devenant ʁ- plutôt que ɣdevant les rimes terminées par -ʁ.
Le groupe jʁ- vient de *lq- en PGR.
PGR
japhug (kɤmɲɯ)
rgyalrong oriental
Zbu
*s-
s-
s-, ɕ-, tsʰ-
s-
*sb-
zw-
zb-
zɣ-
*sr-
zr-
sr-
rz-
*rz-
rz-
rz-
?
329
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
*ɕ-
ɕ-
ɕ-, tɕʰ-
ɕ-
*sw-
ɕɣ-, ɕ-
sw-
ɕɣw-, ɕ-
*j-
ʑ-
j-
j-
(*pə-lj-)
βʑ-
pə-j-
?
*rə-lj-
rʑ-
rj-, l-
lɟ-
(*rj-)
rʑ-
rɟ-
rɟ-
(*rʑ-)
rʑ-
rʑ-
rdʑ-
*(wj-)
ɣʑ-
?
wu-j-
*pr-
βr-
pr-
vr-
(*kr-)
ɣr-
kr-
kr-
*qr-
ʁr-
r-, kr-
ʁr-
*lj-
j-
j- / l-
j- / ɟ-
(*wlj-)
ʁj-
wj-
ʁj-
(*qc-)
ʁj-
ktɕ- (= kc- ?)
?
*w-
ɣ-
w-
w-
*kp-
βɣ-, ɣ
p-, w-, rp-
v-, ɣv-
*pk-
pɣ-, ɣ-
pk-
pɣ-, pʰɣ-
*rb-
rɣ- / rʁ-
rw-, rp-
rgw- ?
*qw-
ʁ-, q-
k-
qw-, ʁ-
*pq-
βʁ-
pk-
vʁ-
*rq-
rʁ-
rk-
lq-
(*lq)
jʁ-
rg-
Tableau 266 : Correspondances des fricatives et des sonantes du japhug avec les autres
langues rgyalronguiques.
Conclusion
Le système consonantique du proto-rgyalrong restreint que nous avons reconstruit
dans ce chapitre se distingue typologiquement de celui du japhug par quatre
caractéristiques principales :
z
On ne trouve pas de fricatives uvulaires et vélaires en PGR.
z
Les groupes de deux occlusives tels que *pk-, *pq- ou *kp- sont reconstructibles
en PGR.
z
Il existait des labiovélaires et des uvulaires labiovélarisées en PGR.
z
Il n’existait pas de rétroflexes en PGR.
La structure des groupes consonantiques du PGR est sembable au japhug : on trouve
des médianes, des initiales et des préinitiales, ainsi que des groupes à présyllabe.
330
Nous reconstruisons des occlusives voisées *b, *g et *gw en PGR, mais celles-ci se
confondent avec d’autres phonèmes dans toutes les langues rgyalronguiques : en zbu et
en japhug, elles se confondent avec les prénasalisées *mb et *ŋg, alors qu’en somang
elle se confondent avec *w. Un défaut de notre reconstruction est l’absence d’un
phonème *d en PGR : typologiquement, il est impossible qu’une langue ait une occlusive
voisée vélaire sans avoir en même temps une occlusive voisée dentale. Il ne fait aucun
doute qu’un tel phonème devait exister en PGR, mais les langues que nous avons prises
en compte dans cette reconstruction n’en gardent pas de traces claires.
Voici un résumé des groupes de consonnes reconstruits en PGR. Ces
correspondances sont indiquées selon le même principe dans le Tableau 214 sur les
rimes (p.266). Les groupes du PGR sont séparés en deux tableaux : les groupes à
médianes (Tableau 267) et les groupes à préinitiales (Tableau 268). Les groupes à
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
préinitiales correspondants sont indiqués en dessous : par exemple, pour trouver le
groupe *pə-r- il faudra se référer au Tableau 267, car le groupe sans présyllabe
correspondant *pr- est un groupe à médiane. En revanche, pour trouver *mə-t-, il faudra
se référer au Tableau 268, car le groupe sans présyllabe correspondant *mt- est un
groupe à préinitiale.
Cw*p*pə-
Cl-
Clj-
Cj-
Cr-
*pl-
*plj-
*pj-
*pr-
βl-
βɟ-
pj-
βr-
*pə-l-
*pə-lj-
*pə-r
pl-
βʑ-
pr-
mb*m*t*tə-
*mbj-
*mbr-
mbj-
mbr-
*mlj-
*mj-
*mr-
mɟ-
mɲ-
mbr-
*tw-
*tl-
*tlj-
*tj-
*tr-
cɣ-, c-
d-
ɟ-
c-
tʂ-
*tʰw-
*tʰj-
*tʰr-
cʰɣ-
cʰ-
tʂ-
*tə-wtʰɣ-, tɣ-
*tʰ*ts*ndz-
*tsw-
*tsr-
tsɣ-
tsr-
*ndzw-
*ndzr-
ndzɣ-
ndzr331
*n-
*nrndʐ-
*k-
*kw-
*kl-
*klj-
*kj-
*kr-
k-
ɣl-
ɣɟ-
c-
ɣr-
*kə-j-
*kə-r-
ki-
kr-
*kə*kʰ-
*kʰrkʰr-
*g-
*gw-
*gr-
> ŋg-
ŋg-
ŋgr-
*ŋg-
*ŋgw-
*ŋgr-
ŋg-
ŋgr-
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*q-
*qw-
*ql-
*qlj-
*qj-
*qr-
q-, ʁ-
ʁl-
ʁɟ-
qi-
ʁr-
*qə-
*qə-rqr-
*qʰ-
*qʰw-
*qʰl-
qʰw-
qʰl-
*ɴɢ-
*ɴɢlɴɢl-
*s*ɕ-
*sw-
*sl-
*sr-
ɕɣ-, ɕ-
zl-
zr-
*ɕlɕl-
*w*r-
*wl-
*wlj-
*wj-
*wr-
ʁd-
ʁj-
ɣʑ-
ʁr-
*rjrʑ-
Tableau 267 : Groupes de consonnes à médianes en PGR
Dans le Tableau 267, nous incluons les groupes à médianes reconstruits en PGR.
Nous distinguons cinq médianes différentes (*w, *l, *lj, *j, *r). En japhug moderne, on n’a
pas de médiane *lj-, mais on trouve en plus des médianes /ɣ/ et /ʁ/.
332
*p-
*m-
*p*pʰ-
*t-
*n-
*k-
*q-
*l-
*tp-
*np-
*kp-
*qp
tɣ-
mp-
βɣ-
*r-
*s-
*ɕ-
*lp-
*rp-
*sp-
*ɕp-
χp-
jp-
rp
sp-
ɕp-
*npʰ-
*qpʰ-
*lpʰ-
*ɕpʰ-
mpʰ-
χpʰ-
jpʰ-
ɕpʰ-
*b
*rb-
*sb-
mb
rɣ-
zw-
*mb-
*nmb-
*kmb-
*rmb-
*ɕmb-
nb-
ɣmb-
rmb-
ʑmb-
*m*t
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
*j-
*Cə-t-
*km-
*qm-
*lm-
*rm
*sm-
*ɕm-
ɣm-
ʁm-
jm-
rm
sm-
ɕm-
*mt-
*nt-
*kt-
*qt-
*jt-
*st-
*ɕt-
mc-
nt-
xt-
χt-
jt-
st-
ɕt-
*mə-t-
mt*tʰ
*nd*n*ts-
*mtʰ-
*ntʰ-
*stʰ-
*ɕtʰ-
mcʰ-
ntʰ-
stʰ-
ɕtʰ-
*mnd-
*knd-
*qnd-
*rnd-
*snd-
md-
ɣnd-
ʁnd-
rnd-
znd-
*mn-
*kn-
*jn-
*rn-
*sn-
*ɕn-
mn-
ɣn-
jn-
rn-
sn-
ɕn-
*pts-
*mts-
*nts-
*kts-
*qts-
*rts-
*sts-
fts-
mts-
nts-
xts-
χts-
rts-
xts-
*tsʰ-
*ktsʰ-
*rtsʰ-
xtsʰ-
rtsʰ-
*mndz-
*ndz-
mdz*tɕ-
*ptɕ-
*mtɕ-
*ktɕ-
*qtɕ-
ftɕ-
mtɕ-
xtɕ-
χtɕ-
*tɕʰ*ndʑ*c-
*mtɕʰ-
*ntɕ-
mtɕʰ-
ntɕ-
*mndʑ-
*kndʑ-
mdʑ-
ɣndʑ-
*mc-
*qc-
*sc-
mc-
ʁj-
sc-
*cʰ-
*qcʰχcʰ-
*ɲ
*sɲsɲ-
*k
*pk-
*mk-
*nk-
*lk-
*rk-
*sk-
*ɕk-
pɣ-
mk-
ŋk-
jk-
rk-
sk-
ɕk333
*Cə-k-
*pə-k-
fk*kʰ*ŋg-
skʰ-
ɕkʰ*ɕŋg-
rŋg-
ʑŋg-
*rg-
ŋg-
rg-
*Cə-ŋ-
*ɕkʰ-
*rŋg-
*g*ŋ-
*skʰ-
*mŋ-
*jŋ-
*rŋ-
*sŋ-
*ɕŋ-
mu-
jŋ-
rŋ-
sŋ-
ɕŋ-
*mə-ŋ-
mŋ*q
*pq-
*mq-
*nq-
*lq-
*rq-
*sq-
*ɕq-
βʁ-
mq-
ɴq-
jʁ-
rʁ-
sq-
ɕq-
*rqʰ-
*sqʰ-
*ɕqʰ-
rqʰ-
sqʰ-
ɕqʰ-
*mɴɢ-
*sɴɢ-
*ɕɴɢ-
mɢ-
zg-
ʑɴɢ-
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
*Cə-q-
*rə-qrq-
*qʰ*ɴɢ*s-
*ps-
*ms-
*ks-
*qs-
fs-
mtsʰ-
xs-
χs-
*z
*rz-
ndz-
rz-
*ɕ-
*pɕfɕ-
*ʑ-
*lʑ-
*rʑ-
ndʑ
ldʑ-
rʑ-
*l*Cə-l-
*jl-
*rl-
jl-
ld*rə-lrl-
*lj-
*rlj-
j
rɟ-
*Cə-lj-
*rə-ljrʑ-
Tableau 268 : Groupes à préinitiales.
Dans le Tableau 268, nous avons indiqué les groupes à préinitiales reconstruits en
PGR. Comme pour le Tableau 267, le PGR est indiqué au-dessus de la forme japhug. Les
initiales sans préinitiales changent peu du proto-japhug au japhug. Les initiales qui
diffèrent entre les deux états de langue ont été indiquées en gras dans la première
334
colonne, et la forme du japhug est indiquée en dessous de la forme du PGR (c’est le cas
pour cinq phonèmes : *b, *g, *z, *ʑ et *lj). Les groupes dont l’initiale a subi un changement
particulier dû à l’influence de la préinitiale (comme par exemple *pk-) sont indiqués dans
le tableau par un cadre double. Pour trouver un groupe donné du PGR dans le texte, il
faudra se référer à la section concernant l’initiale du groupe en question en japhug. Par
exemple, *pk- > pɣ- est discuté dans la section sur /p/ p.274, tandis que *ptɕ- > ftɕ- sera
discuté dans la section sur /tɕ/ p.292. Nous n’avons inclu dans ce tableau que les groupes
pour lesquels nous avons au moins un exemple. Certains groupes attestés en japhug, tels
que ʑr-, ne sont pas discutés, car aucun cognat contenant ce groupe n’a été encore
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
découvert.
335
5 Morphologie verbale flexionnelle
Parmi les langues sino-tibétaines, les langues rgyalronguiques sont parmi celles dont
la morphologie verbale est la plus riche. En particulier, elles disposent toutes d’une flexion
verbale complexe qui code les catégories de temps-aspect-mode (TAM) et l’accord avec
deux actants. Il est certain que le proto-rgyalrong avait déjà un système complet
semblable à celui observé dans les langues modernes, mais il est encore difficile de
savoir si cette morphologie remonte au proto-qianguique voire au proto-sino-tibétain
comme certains auteurs l’ont suggéré.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
La morphologie verbale flexionnelle est à proprement parler la conjugaison du verbe,
et elle inclut tous les affixes et autres procédés morphologiques qui ne créent pas de
nouveaux verbes, mais simplement de nouvelles formes d’un même verbe. Les préfixes
dérivationnels, qui eux servent à dériver de nouveaux verbes, se placent entre les
préfixes flexionnels et la racine du verbe (voir la structure du mot verbal dans l’appendice
C). Il n’y a guère d’hésitation pour déterminer si un affixe dépend de la morphologie
flexionnelles ou dérivationnelle. Même les quatre préfixes dérivationnels les plus
productifs : ʑɣɤ- réflexif, nɯ- moyen, nɯ- applicatif et sɯ- causatif, ne peuvent pas être
considérés comme faisant partie de la morphologie flexionnelle, car le sens des verbes
dérivés a parfois évolué indépendamment du verbe de base (kɤ-tsʰi « attacher » devient
kɤ-ʑɣɤ-tsʰi « se suicider en se pendant » avec le préfixe réflexif ʑɣɤ-).
En japhug, il n’y a pas lieu de distinguer les verbes des adjectifs du point de vue
morphologique. Les seuls vrais adjectifs de la langue sont les expressifs, une catégorie
de mots dont nous ne traiterons pas dans cette thèse. C’est pourquoi nous emploierons le
terme de « verbe » pour désigner les mots qui correspondent à des adjectifs lorsqu’on les
traduit en français. Il convient de distinguer toutefois les verbes transitifs des verbes
intransitifs et les verbes statifs des verbes dynamiques. Cette dernière distinction sera
élaborée dans la section 8.1.1 p.434.
Ce chapitre est divisé en quatre parties :
z
Le marquage de l’accord et sa relation avec la transitivité du verbe.
z
Les alternances de thèmes verbaux en japhug selon les catégories de TAM et
leur reconstruction en PGR.
z
Les préfixes directionnels, leur usage et leur variantes morphologiques.
z
Synthèse des données des trois sections précédentes en établissant l’inventaire
des catégories TAM en japhug et leur formation du point de vue de l’accord, du
336
thème verbal et des préfixes directionnels.
5.1
Accord et transitivité
Le japhug, comme les autres langues rgyalronguiques, est une langue ergative du
point de vue des marques de cas70. Toutefois, comme nous allons le montrer, le codage
des actants par la morphologie verbale n’est ni ergatif, ni accusatif. Le système du japhug
ne diffère que très peu de celui des autres langues rGyalronguiques déjà décrites dans
des travaux tels que Lin (1993 : 194-226) sur le cogtse et Sun et Shi (2002) ou Sun
(2003a : 495-496) sur tshobdun.
Dans un premier temps, nous allons présenter une définition de la transitivité en
japhug. Dans un second temps, nous décrirons le système d’accord du japhug et sa
relation historique avec les autres langues rgyalronguiques.
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Dans ce travail, nous aurons besoin d’utiliser les concepts de sujet et d’objet, mais
ceux-ci ne seront définis que dans la section 8.1.3. (voir aussi 8.5. p.469).
5.1.1
Transitivité
La morphologie du japhug distingue rigoureusement les verbes transitifs des verbes
intransitifs ; ce fait a déjà été remarqué dans Sun (2000 : 186) et Sun (2003a : 496). Les
verbes transitifs peuvent s’accorder avec deux actants, tandis que les verbes intransitifs
ne peuvent s’accorder qu’avec un seul. Par ailleurs, les verbes transitifs ont trois marques
spécifiques à certains temps :
En premier lieu, à l’aoriste et au médiatif indirect passé (voir la section 5.4.1.1 p. 373
pour les fonctions de ces temps), un suffixe –t s’ajoute aux verbes transitifs à syllabe
ouverte à la première et à la seconde personne : kɤ-ndza « manger », tɤ-ndzá-t-a « j’ai
mangé », tɤ-tɯ-ndza-t « tu as mangé ». Ce suffixe est -z- / -s dans le japhug de
gDong-brgyad de smɯlju, de gSar-rdzong et de Da-tshang (Lin et Luo 2003 : 21).
En second lieu, à l’aoriste, un préfixe –a- est préfixé entre la racine et le préfixe
directionnel à la troisième personne. kɤ-ndza « manger » tɤ-a-ndza [tandza] « il a
mangé ».
En dernier lieu, dans les temps du non-passé et à l’impératif, les racines verbales
terminant en –u, -o, -ɯ et –a ont un thème spécial (dont la formation fera l’objet de la
section 5.2.2) : kɤ-ndza « manger », ɲɯ-ndze « il mange (j’en suis témoin en ce
moment) ».
70
L’ergatif / instrumental est marqué par la particule kɯ, le génitif par ɣɯ et le locatif par zɯ. L’absolutif
n’a pas de marque casuelle.
337
Il est donc toujours possible, au moins par le second critère, de savoir si un verbe est
transitif ou non. Quelques rares verbes peuvent à la fois être transitifs ou intransitifs. C’est
le cas de kɤ-mɯ-rkɯ « voler ». Ainsi on peut dire kʰɯtsa ci tɤ-mɯ-rkɯ́-t-a « j’ai volé un
bol » avec le suffixe –t (forme transitive), mais également tɤ-mɯ-rkɯ́-a « j’ai volé » sans
suffixe –t (forme intransitive), auquel cas l’objet ne peut pas être ajouté dans la phrase. Ce
procédé n’est pas généralisable à tous les verbes. Il est impossible de dire *pɯ-tsʰi-a « j’ai
bu », l’ajout du suffixe –t est obligatoire. La forme correcte est pɯ-tsʰí-t-a.
On trouve quelques verbes sans marque morphologique de transitivité qui peuvent
avoir un deuxième actant à l’absolutif. Il s’agit d’une part des verbes de mouvement tels
que kɤ-ɕe « aller », qui indiquent la destination parfois sans postposition, de verbes
copules tels que kɯ-ŋu « être » ou kɤ-pa (contracte) « devenir », et d’autre part de
dérivés biactanciels de verbes triactanciels. Ceux-ci se retrouvent avec deux actants mais
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perdent leur morphologie transitive. On trouve deux exemples : kɤ-rɤ-ɕtʂɯ « déposer
qqch à un endroit » dérivé de kɤ-ɕtʂɯ « déposer qqch pour qqun à un endroit » et
kɤ-sɤ-sɯɣɕɤt « se consacrer à l’enseignement de qqch » dérivé de kɤ-sɯɣɕɤt « enseigner
qqch à qqun ». Ainsi on doit dire :
(27)
nɤ-kʰa
tɯ-tʰɯ
kɤ-rɤɕtʂɯ-a *kɤ-rɤɕtʂɯ-t-a
2s-maison
casserole
AOR:1s:déposer
J’ai déposé une casserole chez toi.71
Toutefois, il convient dans ces cas d’utiliser l’ergatif lorsque le sujet est à la troisième
personne, une propriété typique des verbes transitifs :
ʁdɤrʑi
(28)
kɯ
rDo-rje ERG
nɤ-kʰa
tɯ-tʰɯ
kɤ-rɤɕtʂɯ
2s-maison
casserole
AOR:3s:déposer
rDo-rje a déposé une casserole chez toi.
Ces deux verbes (kɤ-rɤ-ɕtʂɯ et kɤ-sɤ-sɯɣɕɤt), à la différence des verbes de mouvement
et des verbes copules, partagent donc des propriétés transitives et intransitives et
constituent une catégorie à eux seuls. Nous les appellerons « faiblement transitifs ».
5.1.2
Système d’accord
Le marquage de la personne varie de façon importante entre les langues
rGyalronguiques. Nous parlerons dans cette section tout d’abord des marqueurs d’accord
dans les verbes intransitifs, puis la structure de l’accord des verbes transitifs, et enfin
nous consacrerons une sous-section au préfixe inverseur ɣ-.
71
1er actant : première personne du singulier, marqué uniquement par la flexion verbale ; 2ème
actant tɯ-tʰɯ « casserole » ; nɤ-kʰa « ta maison » est un circonstant.
338
5.1.2.1
Pronoms et affixes de personnes.
Les langues rgyalronguiques font partie des langues sino-tibétaines ayant un
système d’accord, parmi lesquelles se trouvent des langues aussi variées que les langues
qianguiques, le trong, les langues kouki-tchin, les langues kiranti et d’autres langues du
Népal et du Bhoutan. Selon une idée proposée à l’origine par Hodgson dès le 19ème siècle,
les systèmes d’accord dans les langues sino-tibétaines seraient dus à une
grammaticalisation récente de pronoms sur le verbe. Selon ce point de vue, le
proto-sino-tibétain n’aurait pas eu de système d’accord, mais plusieurs branches de la
famille auraient innové indépendamment. Cette opinion semble justifiée par la
ressemblance frappante entre les affixes d’accord et les pronoms dans les langues
sino-tibétaines et par l’absence de verbes irréguliers du point de vue de l’accord verbal
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–on ne trouve jamais plus d’une série d’affixes de personne (rien de comparable aux
verbes athématiques de l’indo-européen).
Toutefois, Bauman (1975) a proposé un autre point de vue selon lequel les systèmes
d’accord des langues tibéto-birmanes seraient trop semblables les uns avec les autres
pour être le seul fait d’une évolution indépendante. Ce point de vue est partagé par Ebert
(1990), qui propose que les langues rgyalronguiques soient apparentées aux langues
kiranties, et par Driem (1993), qui propose que le proto-sino-tibétain (« tibéto-birman »
dans sa terminologie) avait déjà un système d’accord. Toutefois, d’autres chercheurs, tels
que Li Yongsui (2002), maintiennent l’idée ancienne d’une grammaticalisation récente
des systèmes d’accord.
Il ne sera pas question ici de donner une réponse à cette question, mais d’examiner
ce que l’on peut affirmer sur l’origine de ce système dans les langues rgyalronguiques
étant données les connaissances actuelles sur la phonologie historique de ces langues.
La première description fiable du système d’accord des verbes intransitifs et transitifs.
d’une langue rgyalronguique est le travail de Jin et al. sur le somang. Le système d’accord
des verbes japhug de Da-tshang a été décrit partiellement par Qu (1983).
Voici tout d’abord les formes des verbes intransitifs72. La racine du verbe est notée R.
72
cogtse
zbu
tshobdun
japhug
1s
R-ŋ
R-ŋ
R-aŋ
R-a̻
1d
R-tʃh
R-tɕi
R-tsə
R-tɕɯ̻
1p
R-i
R-ji
R-jə
R-ji̻
Le cogtse est tiré de Lin (1993), le tshobdun de Sun et Shi (2002) et Sun (1998), le japhug et le zbu
viennent de nos données.
339
2s
tə-R-n
tə-R
tə-R
tɯ-R
2d
tə-R-ntʃh
tə-R-ndʑi
tə-R-ndzə
tɯ-R-ndʑɯ̻
2p
tə-R-ɲ
tə-R-ɲ
tə-R-nə
tɯ-R-nɯ̻
3s
R
R
R
R
3d
R-ntʃh
R-ndʑi
R-ndzə
R-ndʑɯ̻
3p
R-ɲ
R-ɲ
R-nə
R-nɯ̻
Tableau 269 : Marques d’accord des verbes intransitifs en cogtse, en tshobdun, en zbu et en
japhug.
En japhug, les suffixes de personne ne sont pas accentués, alors que l’accent tombe
normalement sur la syllabe finale, et les voyelles de ces suffixes sont assourdies, d’où
notre notation par le signe V ̻ dans le Tableau 269 (on omettra toutefois le signe
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
d’assourdissement, prévisible par l’analyse morphologique, pour ne pas alourdir notre
transcription).
En japhug, on trouve trois verbes avec lesquels l’usage du préfixe tɯ- de seconde
personne est irrégulier. Il s’agit de kɤ-zɣɯt « arriver », ɣɤʑu « y avoir », maŋe « ne pas y
avoir ». kɤ-zɣɯt est un verbe contracte (voir le chapitre 7), et sa seconde personne
devrait être tɯ-ɤzɣɯt. Cette forme est effectivement acceptée par les locuteurs, mais la
forme tɯ-zɣɯt sans préfixe ɤ- est considérée comme meilleure. Les auxilliaires ɣɤʑu et
maŋe sont des verbes anormaux en cela qu’ils n’ont pas de forme nominale. Leurs
secondes personnes sont respectivement ɣɤ-tɤ-ʑu et ma-ta-ŋe : ici tɯ- s’insère à
l’intérieur du mot comme si ɣɤ- et ma- étaient des préfixes, ce qu’ils doivent être
historiquement. En particulier, la première syllabes de maŋe semble apparentée au
négatif non-passé mɤ- et la seconde au verbe être kɯ-ŋu.
A l’exception du suffixe –n de deuxième personne en cogtse, qui a disparu dans les
trois autres branches, les quatre langues ont des affixes de personnes comparables, et
l’on remarque que les deuxième et troisième personnes partagent les mêmes suffixes au
duel et au pluriel.
Tous ces suffixes personnels sont apparentés aux préfixes possessifs 73 et aux
pronoms eux-mêmes (sauf ceux de troisième personne). Pour faciliter la comparaison,
voici le tableau des pronoms :
cogtse
zbu
tshobdun
japhug
1s
ŋa
ŋəʔ
ɐ-ɟjiʔ
a-ʑo
1d incl.
ndʒo
tɕɐ-ɲi
tsə-ɟjə-niʔ
tɕɯ-ʑo
1d excl.
ŋə-ndʒe
73
tsə-ɟjə
Le paradigme des préfixes possessifs peut être consulté dans l’annexe.
340
ŋgɐ-reʔ
jə-ɟjə-rɐʔ
i-ʑo
1p incl.
jo
1p excl.
ŋə-ɲe
2s
no
nə-jeʔ
nɐ-ɟjiʔ
nɤ-ʑo
2d
ndʒo
ndʑɐ-ɲi
ndzə-ɟjə-niʔ
ndʑɯ-ʑo
2p
ɲo
ɲɐ-reʔ
nə-ɟjə-rɐʔ
nɯ-ʑo
3s
wə-jo
apʰeʔ
o-ɟjiʔ
ɯ-ʑo
3d
wə-jo-ndʒəs
apʰeʔ-ɲi
ɟjɐ-niʔ
ʑɤ-ni
3p
wə-jo-ɲe
apʰe-reʔ
ɟjɐ-rɐʔ
ʑa-ra
jə-ɟjə
Tableau 270 : Pronoms personnels en cogtse, en tshobdun, en zbu et en japhug.
Les syllabes–jo, -jeʔ, -ɟjiʔ / ɟjɐ et -ʑo / ʑɤ viennent de la racine « soi-même » PGR *jaŋ,
les suffixes -ndʒəs, -ɲi, niʔ et –ni sont les marqueurs nominaux du duel, et enfin -ɲe, -reʔ,
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
–rɐʔ et –ra sont les marqueurs du pluriel. Ces mots ont tous des fonctions en dehors du
système pronominal et doivent avoir été récemment ajoutés.
On constate un certain nombre d’irrégularités entre les suffixes personnels des
diverses langues.
z
Le suffixe de la 1s
Le suffixe de première personne singulier est différent en cogtse, en tshobdun et en
japhug. Le –aŋ du tshobdun ne peut pas venir du proto-rgyalrong *-aŋ, qui donne –i en
tshobdun, –o en japhug et en cogtse et -ɐ en zbu. Le –aŋ du tshobdun vient donc
peut-être de *-ŋ, avec le développement d’un /a/ prothétique. Le proto-japhug *ŋa donne
/a/ , et il est donc possible de reconstruire *-ŋa pour ce suffixe. Il faudrait alors supposer
que les trois autres langues ont perdu la voyelle *a.
z
Dentales et palatales / palato-alvéolaires
On remarque que les pronoms de 1d, 2d, 2p et les suffixes du duel et du pluriel
(seconde et troisième personnes) correspondant au japhug –tɕɯ, –ndʑɯ, -nɯ présentent
une inconsistance : leur lieu d’articulation est palatal / palato-alvéolaire dans certaines
langues, dental dans d’autres. Nous avons indiqué en gras les formes à dentales. On
remarque que le cogtse et le zbu ont des palatales / palato-alvéolaires dans l’ensemble
du paradigme, que le tshobdun a des dentales dans l’ensemble du paradigme, et que le
japhug présente une situation intermédiaire où seulement la forme du pluriel est dentale.
Nous ne disposons pas de données du tshobdun nous permettant de savoir si ces
correspondances avec le cogtse et le zbu sont régulières ou non. Entre le japhug et les
les autres langues, les correspondances des phonèmes /n/ et /ɲ/ sont simples. On ne
trouve aucun cas de /n/ japhug correspondant à /ɲ/ en cogtse. On ne trouve que quelques
rares exceptions de ce type entre le japhug et le zbu : kɯ-ɕnom « épi » :: kə-sɲɐ́m,
tɯ-ɕnaβ « morve » :: sɲîv « morve, nez », mais où la préinitiale est sans doute la cause
de la correspondance (PGR *ɕn- > sɲ-). Il semble donc qu’on doive admettre ici un
341
changement irrégulier. Celui-ci ne peut s’expliquer par l’état non accentué des suffixes,
puisque les pronoms présentent la même correspondance, et les pronoms sont
accentués normalement.
Cette irrégularité commune aux pronoms et aux suffixes d’accord semble indiquer
que les pronoms ont été grammaticalisés comme suffixes d’accord indépendamment
dans les langues rgyalronguiques, ce qui impliquerait que le système des suffixes
d’accord est très tardif. En faveur de cette thèse, on peut ajouter le fait qu’il existe un
verbe défectif, qui ne peut s’employer qu’à la première personne du singulier et à la forme
négative du non-passé : mɤ-xsi « je ne sais pas ». Il est certainement apparenté
étymologiquement au verbe kɤ-sɯs < *sis « savoir ». L’absence de suffixe de première
personne –a est étonnante : il pourrait s’agir du seul reliquat dans toute la langue d’un
ancien type de conjugaison où la première personne n’était pas marquée par un suffixe74.
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Si cette hypothèse est vraie, on devrait trouver d’autres exemples de verbes irréguliers
non-suffixés dans les autres langues rgyalronguiques.
Toutefois, il est possible de soutenir l’idée que la grammaticalisation des pronoms
soit postérieure à la désintégration du proto-rgyalrong. On ne peut exclure que les suffixes
d’accord en proto-rgyalronguique étaient identiques aux pronoms, et que la relation entre
les deux séries de morphèmes était transparente, si bien que lorsque les pronoms ont
subi un changement analogique, les suffixes d’accord se sont alignés sur eux.
La seule exception à la congruence entre les pronoms et les suffixes est le pronom
de première personne du pluriel ŋgɐ-reʔ du zbu. Il s’agit peut-être du reliquat d’un stade
plus archaïque où les suffixes d’accord ne correspondaient pas entièrement aux pronoms,
avant que l’analogie n’ait régularisé les deux séries.
5.1.2.2
Verbes transitifs
Le système des verbes transitifs est relativement complexe. Nous ne parlerons ici
que du japhug pour ne pas alourdir notre propos, mais étant donné que son système
diffère peu des autres langues, nous serons amené à citer les travaux d’autres auteurs.
Le paradigme transitif des verbes rgyalrong est indiqué dans le Tableau 271 (les
colonnes indiquent la personne et le nombre de l’objet, les lignes celles du sujet). Le
verbe a 30 formes différentes.
74
On peut même suggérer que la marque de la première personne était ici un préfixe *k- (le PGR *k-si
devenant -xsi). Seules les données comparatives permettront de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse.
342
1s
1d
1p
2s
2d
2p
ta-R
ta-R-ndʑɯ
ta-R-nɯ
3s
3d
3p
R-a
R-a-ndʑɯ
R-a-nɯ
R-tɕɯ
1d
R-i
1p
tɯ-R
2s
tɯ-R-ndʑɯ
2d
kɯ-R-a-nɯ
tɯ-R-nɯ
2p
ɣ-R-a
R
3s
kɯ-R-a
kɯ-R-a-ndʑɯ
kɯ-R-tɕɯ
kɯ-R-i
ɣ-R
ɣ-R-a-ndʑɯ
ɣ-R-tɕɯ
ɣ-R-i
tɯ-ɣ-R
tɯ-ɣ-R-ndʑɯ
ɣ-R-ndʑɯ
ɣ-R-nɯ
R-ndʑɯ
tɯ-ɣ-R-nɯ
ɣ-R
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1s
ɣ-R-a-nɯ
ɣ-R-ndʑɯ
3d
ɣ-R-nɯ
R-nɯ
ɣ-R
ɣ-R-ndʑɯ
3p
ɣ-R-nɯ
Tableau 271 : Système d’accord avec les deux actants en japhug.
Le préfixe ɣ- présent dans les cases en gras du tableau ci-dessus fera l’objet de la
sous-section 5.1.2.3, car son fonctionnement, notamment lorsque les deux actants sont à
la troisième personne, nécessite un traitement particulier.
Les suffixes personnels ne reçoivent pas l’accent final du mot, et les voyelles sont
souvent dévoisées. Nous notons l’accent sur la voyelle de la dernière syllabe de la racine,
mais le dévoisement des voyelles des suffixes étant un phénomène secondaire, nous ne
l’indiquons pas dans la transcription.
Dans cette représentation du système, on observe qu’à l’exception de la première
personne sujet, toutes les formes dont l’objet est à la troisième personne sont identiques
à celles des verbes intransitifs. Ce n’est pas le cas en cogtse. On trouve dans le
paradigme transitif trois morphèmes qui n’apparaissent pas dans le paradigme intransitif.
Tout d’abord, on trouve les préfixes ta- qui note le sujet à la première personne en même
temps que l’objet à la seconde, et kɯ-, qui note le sujet à la seconde personne en même
temps que l’objet à la première. Ces deux morphèmes sont sagittaux selon la définition
d’Hagège (1982). Ces préfixes ont comme point commun de devoir être utilisés en
combinaison avec un suffixe qui marque la personne et le nombre de l’objet. Si ce suffixe
est –a (1s), on peut lui adjoindre les suffixes de pluriel et du duel du sujet à la seconde
personne.
Balthasar Bickel (2000) a proposé de distinguer la nature de l’accord dans les
langues indo-européennes et tibéto-birmanes. Il propose que dans les langues
indo-européennes, l’accord soit intégratif, c’est à dire que les traits morphosyntaxiques
343
(genre, nombre et personne) des groupes nominaux sujets doivent être identiques à ceux
marqués sur le verbe. Dans les langues tibéto-birmanes, l’accord serait associatif : les
traits d’accords sur le verbe ne sont pas nécessairement identiques à ceux des
syntagmes sujets ou objets, ce que Bickel appelle accord par identité (identificational
agreement), mais peuvent en différer de trois façons. Tout d’abord, Bickel cite l’accord par
apposition (appositional agreement), où le syntagme sujet ou objet représente en fait un
actant à la première ou à la seconde personne, ce qui se traduirait en français par une
apposition, comme dans la phrase suivante en Belhare, une langue kirantie :
(29)
masiŋ
cha
vieille dame même
siŋ
taŋŋ-e
tʰaũ-ʔ-ŋa
arbre
plante:LOC grimper:non-passé:1s
Bien que (je sois) une vieille dame, je grimpe sur les arbres.
Dans ce type de phrase, toutefois, il n’est pas évident que l’analyse de Bickel soit correcte.
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Etant donné qu’on ne trouve aucune marque de cas sur le nom masiŋ « vieille dame », il
n’est pas évident qu’il s’agisse d’un actant.
Ensuite, il cite l’accord par relation (relational agreement), que l’on trouve dans
l’expression des verbes de perception ou de sentiment en Lai, une langue Kuki-Chin.
Dans cette langue, l’expérient est marqué par un préfixe possessif sur un nom, tandis que
le verbe (intransitif) s’accorde avec l’actant qui est la cause du sentiment :
(30)
ka-lùŋ
na-r̻ìŋ
1s:cœur
2s:être méfiant
Je me méfie de toi
L’accord sur le verbe est à la seconde personne, alors que l’expérient est à la première
personne et le syntagme sujet à la troisième. Comme le remarque à juste titre Bickel, il ne
peut pas s’agir non plus d’une structure causative (« tu rends mon cœur méfiant »)
puisque ce verbe suit une morphologie intransitive. Il s’agit donc bien d’un type d’accord
particulier.
Enfin, Bickel distingue l’accord de groupe (partitional agreement), dans lequel le
syntagme sujet ou objet représente la partie d’un groupe, et par lequel le verbe s’accorde
en nombre avec le groupe entier et non avec le syntagme lui-même. Ce type d’accord se
retrouve aussi bien en Belhare qu’en Lai. Les phénomènes que décrit Bickel présentent
un grand intérêt, mais il n’est pas certain qu’il soit juste de parler « d’accord » dans ces
cas ; le marquage de la personne et du nombre sur le verbe n’est pas toujours congruent
avec les syntagmes nominaux présents dans la phrase, mais étant donné que dans ces
langues, à la différence des langues indo-européennes, la présence d’un actant « sujet »
n’est pas obligatoire et que l’actant unique n’est pas marqué par un cas, il est difficile
d’affirmer que ces syntagmes sont des actants sélectionnés par le verbe.
En japhug, dans les textes, on ne trouve aucun cas où le suffixe d’accord serait
différent de celui des actants, et seulement quelques rares cas où le nombre des suffixes
344
d’accord et des actants est différent :
(31)
tɤ-mu
kɯ
dɯɣpa-nɤ,
mère
ERG
quel malheur IRR:D-haut:3s:venir
ti-ndʑɯ
ɲɯ-ŋu
NPA:3d>3:dire
MDR:3s:être
a-tɤ-ɣi,
a-tɤ-ɣi
IRR:D-haut:3s:venir
(koŋzoŋ.54)
La mère (et le père) dirent : « le pauvre, qu’il monte, qu’il monte »
Dans cette phrase, le verbe est suivi du suffixe –ndʑɯ du duel, alors que le sujet est
singulier. Cette anomalie peut s’expliquer si l’on tient compte du contexte de l’histoire, où
ce sont les deux parents qui devraient dire cette phrase. L’accord imparfait dans cette
phrase est donc dû à une élision : la phrase complète (attestée par ailleurs dans la même
histoire) devrait être tɤ-mu tɤ-wa ni kɯ .... ti-ndʑɯ, avec le mot tɤ-wa « père », qui prend
toujours la seconde place dans cette expression, et le marqueur de duel ni.
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(32)
a!
ndʐɯnbu
tɯ-rme wortɕʰi-ʑo
tɤ-rɤru
A!
hôte
homme
IMP:s:se lever car 1s:père
s’il vous plait
χsɤltɕʰɯ
mbɣom (koŋzoŋ.28)
eau (honorifique)
NPA:3s:être pressé
ma a-pa
a-ma
1s:mère
A ! Monsieur, s’il vous plait, levez-vous, car mon père et ma mère (ont besoin)
d’eau de façon urgente.
Dans cette phrase, le verbe mbɣom « il est pressé » est au singulier, alors qu’on
attendrait le duel étant donné la présence du syntagme a-pa a-ma « mon père et ma
mère ». Il est probable ici que a-pa a-ma soit plutôt le thème que le sujet de la phrase. On
pourrait traduire littéralement « en ce qui concerne mon père et mon père, l’eau est
pressante ».
On trouve un cas où une telle explication n’est pas possible :
(33)
tɕe
lɯlu
kɯ
ci
CONJ
chat
ERG
un ERG
kɯ
to-tɯ-nɯrdóʁ-ndʑɯ
ɲɯ-ŋu,
ci
MDR:3s:être un ERG
kɯ
pjɤ-tɯ-krá-ndʑɯ
MIP:2d>3:faire tomber
(lɯlu.72)
MIP:2d>3:ramasser des morceaux
Le chat (dit :) l’un (de vous) les (fruits) a fait tomber, l’un (de vous) les a
ramassés...
Les deux verbes sont marqués au duel ici aussi, alors que leur sujet à chacun ci kɯ
« l’un » est singulier. Dans cette histoire, il y a trois personnages : un chat, une souris (qui
a ramassé les fruits) et un oiseau (qui les a fait tomber de l’arbre), et il est donc clair que
le sujet de ces verbes ne peut pas être interprété comme duel. Pendant la révision du
texte avec notre informatrice Tshe-‘dzin, elle a pu confirmer que cette phrase était
parfaitement correcte, même si l’emploi du singulier serait ici aussi possible.
Enfin, on trouve de réelles erreurs, qui ont été identifiées comme telles lors de la
réanalyse des textes par notre informatrice.
345
(34)
nɯ-jaʁ tɤ-kɯ-ɕtʰɯs
ra,
nɯ-jaʁ pjɤ-ʁndzɤ́r-nɯ,
3p:main
pluriel
3p:main
D-haut:NAG:diriger vers
tɤ-kɯ-ru
ra
nɯ-mɲaʁ
pluriel
3p:yeux
MIP:3p>3:couper
pjɤ-tɕɤ́t-nɯ
ntsɯ
qʰe
toujours
CONJ
(gesar.357-358)
D-haut:NAG:regarder
MIP:3p>3:prendre
(La flèche de Gesar, en tombant), coupait les mains de ceux qui les tendaient
(pour attraper la flèche) et creuvait les yeux de ceux qui dirigeaient leurs regards
vers elle.
Dans cette phrase, les verbes devraient être au singulier (pour s’accorder avec le sujet ici
non marqué ouvertement), mais sont marqués au pluriel. Dans ce contexte, deux formes
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
seraient correctes, ou bien pjɤ-ʁndzɤr et pjɤ-tɕɤt, ou bien pjɤ́-ɣ-ʁndzɤr-nɯ et pjɤ́-ɣ-tɕɤt-nɯ.
5.1.2.3
Le préfixe ɣ-
On trouve un préfixe ɣ- dans une partie du paradigme transitif, cognat avec w- en
cogtse et o- en tshobdun. Ce préfixe a fait l’objet d’études spéciales dans les autres
dialectes, notamment Sun et Shi (2002) sur le tshobdun. En japhug, ce préfixe a comme
propriété d’attirer l’accent sur la syllabe qui le précède. Si aucune syllabe n’est présente, il
se réalise comme ɣɯ́- :
(35)
kɯ-mɯm
a-pɯ-tu
tɕe,
NAS:bon (à manger)
IRR:3s:y avoir CONJ
ɣɯ́-ndza
NPA:INV:3>3s:manger
ɕti
NPA:3s:être(affirmatif)
Si c’est bon, on le mangera.
Ce préfixe a comme autre propriété notable d’arrondir en [u] les /ɯ/ et en [o] les /ɤ/
lorsqu’il se place juste devant ces phonèmes. Ce phénomène rappelle les deux verbes
ku-ɣrum « blanc » et ku-xti « grand », où l’on retrouve un arrondissement des /ɯ/ en [u]
dans les préfixes placés devant les racines de ces verbes (voir la discussion sur ku-xti au
chapitre 4.3.2.2).
Comme on peut le constater dans le Tableau 271, Le préfixe ɣ- est obligatoire dans
les cas où le sujet est à la troisième personne et l’objet à la première ou à la seconde. Il
est possible lorsque les actants sont tous deux à la troisième personne. Dans les cas où
l’objet est à la première ou à la seconde personne, le préfixe ɣ- n’a d’autre rôle que
d’éviter la confusion avec la forme où c’est l’actant à la première ou la seconde qui est
sujet :
346
(36)
tɯ-rme
nɯ
ra
homme
démonstratif pluriel
pɯ-mtó-t-a-nɯ
AOR:1s>3p:voir
J’ai vu ces gens.
(37)
tɯ-rme
nɯ
ra
homme
démonstratif pluriel
kɯ
pɯ́-ɣ-mto-t-a-nɯ
ergatif
AOR:3p>1s:voir
Ces gens m’ont vu.75
Selon Sun et Shi, le marquage du sujet et de l’objet par le verbe transitif est lié à
l’échelle d’empathie (Silverstein 1976). D’après ce principe, les actants dans la phrase
n’ont pas le même statut du point de vue du locuteur. Sun et Shi donnent la hiérarchie
suivante :
(38)
locuteur >> auditeur >> humain >> animaux >> autres objets
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Les actants participants à la conversation (locuteur et auditeur) ont la place la plus élevée,
suivie des humains non-participants (3ème personne), puis des non-humains, eux-mêmes
hiérarchisés en fonction de leur capacité d’action.
La hiérarchie d’empathie ne se reflète pas dans la morphologie dans la plupart des
langues, mais en rgyalronguique, le préfixe inverseur w-, o- ou ɣ- selon les dialectes
permet de marquer précisément les situations où le sujet est un actant d’un niveau moins
élevé sur l’échelle d’empathie que l’objet.
C’est le cas des situations où le sujet est à la troisième et l’objet à la première ou à la
seconde personne (3 > 1, 3 > 2), où comme nous avons remarqué, le préfixe ɣ- est
systématiquement employé en japhug. Enlever ce préfixe changerait le sens de la phrase
ou la rendrait agrammaticale. Dans les cas où le sujet est à la seconde et l’objet à la
première (2 > 1), selon la hiérarchie présentée en (38), on s’attendrait à ce que le préfixe
ɣ- soit présent. C’est le cas dans le dialecte de cogtse, où ces situations sont exprimées
par kə-w-R-ŋ. En japhug, la forme est kɯ-R-a, avec un préfixe sagittal kɯ- et le suffixe de
première personne –a : le préfixe inverseur n’est pas employé 76. Cela montre qu’en
japhug, la hiérarchie doit être :
(39)
locuteur = auditeur >> humain >> animaux >> autres objets
Les participants à la discussion (locuteur et auditeur) ont une place également élevée
dans la hiérarchie.
Lorsque les deux actants sont à la troisième personne, en revanche, le préfixe
inverseur est toujours obligatoire lorsque les actants ne sont pas au même niveau dans la
hiérarchie. Si l’on prend l’exemple suivant (adapté en japhug d’un exemple tshobdun de
Sun et Shi 2002) :
75
Le marquage de l’ergatif est redondant, mais obligatoire.
76
Le zbu est semblable au japhug de ce point de vue (voir Sun et Shi 2002 : 85, note 13).
347
(40)
tɤ-rɤm
kɯ
pierre qui tombe ERG
jla
tɤ́-ɣ-xtsɯɣ
yak hybride AOR:INV:3>3s:atteindre
L’éboulement a blessé le yak hybride.
Par ailleurs, lorsque les deux actants sont au même niveau (ex : deux êtres humains)
et l’objet se place avant le sujet, le préfixe inverseur est aussi obligatoire :
(41)
ʁdɤrʑi
kɯ
ɬamu
pɯ-mto
rDorje
ERG
Lhamo AOR:3s>3:voir
rDo-rje a vu Lhamo.
(42)
ɬamu
ʁdɤrʑi
Lhamo rDorje
kɯ
pɯ́-ɣ-mto
ERG
AOR:INV:3>3s:voir
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Lhamo a été vue par rDo-rje.
Dans ces cas, le préfixe inverseur remplit un rôle proche de celui du passif en français. Le
verbe s’accorde alors en nombre avec l’objet et non avec le sujet. Dans notre glose, nous
notons donc le nombre sur le deuxième actant :
(43)
ɬamu
tɯ-rme ra
Lhamo hommes pluriel
kɯ
pɯ́-ɣ-mto (*pɯ́-ɣ-mtó-nɯ *pɯ-mtó-nɯ)
ERG
AOR:INV:3>3s:voir
Les gens ont vu Lhamo
Enfin, lorsqu’aucun des deux actants n’est exprimé dans la phrase, la présence ou non du
préfixe inverseur permet de présenter le récit du point de vue d’un actant :
(44)
kʰa
to-ɕé-ndʑɯ
tɕe, tɯ-ci
ɲó-ɣ-jtsʰí-ndʑɯ,
maison
MIP:D-haut:3d:aller
CONJ
eau
tɯ-mgo ɲó-ɣ-mbí-ndʑɯ
tɕe
pjó-ɣ-sɯ-rmá-ndʑɯ (ɲimawozɤr.79)
nourriture MIP:INV:3>3d:donner
CONJ
MIP:INV:CAU:3>3d:habiter
MIP:INV:3>3d:donner à boire
Alors ils (les deux frères) montèrent vers la maison, (le vieillard) leur donna de
l’eau à boire, leur donna de la nourriture et les accueillit chez lui pour la nuit.
Sans le préfixe inverseur, on pourrait exprimer le même sens de façon non ambiguë
en utilisant une forme verbale au singulier dans ce contexte puisque l’autre actant est au
singulier : tɯ-ci ɲɤ-jtsʰi, tɯ-mgo ɲɤ-mbi tɕe pjɤ-sɯ-rma.
Le préfixe inverseur a également un emploi impersonnel, que nous notons IP1
(impersonnel 1). Il s’emploie de pair avec l’IP2 (impersonnel 2), marqué par un préfixe
kɯ-, utilisé avec les verbes intransitifs (avec lesquels ɣ- est impossible). Ces
constructions s’emploient dans les phrases exprimant des vérités générales :
(45)
tɯ-ʑo
tɤ́-ɣ-ndza
tɕe,
ɲɯ-kɯ-tso
soi-même
AOR:IP1:3>3s:manger
CONJ
MDR:IP2:3s:comprendre
Il faut avoir mangé soi-même pour savoir (si c’est bon).
348
5.1.2.4
Le préfixe kɯ- impersonnel
Le préfixe « inverseur » ɣ- a des utilisations comme impersonnel, mais ce préfixe ne peut
être employé qu’avec les verbes transitifs. Pour les verbes intransitifs, il existe toutefois
un préfixe kɯ- qui exprime l’impersonnel. (nous le notons IP2 dans nos gloses):
(46)
tɯ-ʑo
tu-kɯ-mbro
ɲɯ́-ɣ-sɯso
soi-même
IPF:IP2:haut
IPF:INV:3>3s:penser
On pense devenir grand.
Ce préfixe peut s’employer avec les verbes transitifs pour indiquer une forme passive : la
forme au médiatif direct ɲɯ́-ɣ-mto « on le voit » s’oppose à ɲɯ-kɯ-mto « on est vu ». Du
fait de la hiérarchie d’empathie cette forme doit s’employer dans les cas où l’agent est un
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non-humain et le patient un humain :
(47)
kʰu kɯ
tɯ-rme kɯ-ndza
ɕti *ɣɯ-ndza
tigre ERG
homme NPA:IP2:3s>3 :manger
NPA:3s:être (affirmatif)
Les tigres mangent les hommes. (litt. : (nous), les hommes, on est mangé par les tigres)
L’impersonnel en kɯ- ne doit pas être confondu avec le préfixe de nom d’agent et de nom
d’action statif kɯ-. Ces formes nominalisées ressemblent souvent aux formes
impersonnelles, parce que ni dans l’une ni dans l’autre on ne peut ajouter d’affixe
d’accord, et que le verbe ne se trouve jamais au thème 3, mais elles doivent être
distinguées de par leur fonction. L’impersonnel en kɯ- fonctionne comme un prédicat, ce
que ne peuvent faire formes nominalisées.
5.2
Alternance des thèmes
Une
des
particularités
typologiques
les
plus
intéressantes
des
langues
rgyalronguiques est l’alternance de thèmes dans la conjugaison, et l’existence de verbes
irréguliers.
Ces
irrégularités
prouvent
qu’un
système
verbal
existait
en
proto-rgyalronguique, même s’il n’incluait pas forcément l’ensemble des affixes présents
dans les langues modernes.
Nous allons tout d’abord étudier les phénomènes phonologiques qui se produisent
sur la racine lorsque sont ajoutés les suffixes de personnes dans le japhug de kɤmɲɯ.
Ensuite, nous décrirons le fonctionnement de l’alternance dans les dialectes japhug. Enfin,
nous proposerons une reconstruction de ces alternances en proto-japhug.
5.2.1
Assimilation et Umlaut
Les phénomènes phonologiques d’assimilation qui s’opèrent lors de la conjugaison
349
ne doivent pas être confondus avec l’alternance de thèmes qui fera l’objet de la section
suivante 5.2.2.
On rencontre quatre types de phénomènes d’assimilation ou d’Umlaut dans le
système verbal du japhug :
z
Le passage de la finale –s à -z- lorsque suivie de suffixes voisés
z
L’assimilation de /ɤ/ à /a/ dans les syllabes fermées
z
Le comportement des voyelles en syllabe ouverte lorsque suivies de /a/
z
L’assimilation des finales des racines aux suffixes à nasales.
Le premier phénomène concerne les thèmes dont la finale est –s. Suivie de n’importe
quel suffixe voisé, cette finale devient –z- : kɤ-βzjos « apprendre » pɯ-βzjóz-a « j’ai
appris », pɯ-βzjóz-nɯ « ils ont appris », mais pɯ-βzjós-tɕɯ « nous deux avons appris ».
Ce phénomène est général en japhug et s’applique aussi aux composés. Il n’est donc pas
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
propre à la conjugaison.
Le second phénomène concerne les thèmes à syllabe fermée dont la voyelle est /ɤ/.
Lorsqu’on ajoute le suffixe –a de première personne du singulier, le /ɤ/ de la racine
devient invariablement /a/ :
Infinitif
sens
1s
sens
kɤ-fɕɤt
raconter
pɯ-fɕát-a
j’ai raconté
kɤ-fkrɤm
mettre en ordre
nɯ-fkrám-a
j’ai mis en ordre
kɤ-fskɤr
contourner
jɤ-fskár-a
j’ai contourné
kɤ-ftɕɤs
castrer
nɯ-ftɕáz-a
je l’ai castré
kɤ-rɤlɤj
pétrir
pɯ-rɤláj-a
j’ai pétri
kɤ-χɤβ
boire complètement
kɤ-χáβ-a
j’ai bu complètement
kɤ-lɤɣ
faire paître
nɯ-láɣ-a
j’ai fait paître.
Tableau 272 : Assimilation de /ɤ/ à /a/ à la première personne du singulier avec différentes
finales.
Ce phénomène se produit sporadiquement dans certains mots composés77 mais
n’est en aucun cas productif dans l’ensemble de la langue.
77
Avec le préfixe nominal tɤ- : ta-ma « travail » d’un *tɤ-ma, ta-mar « beurre » d’un *tɤ-mar, ta-sa
« chanvre » d’un *tɤ-sa, ou le préfixe sɤ- : sa-kaβ « puis » d’un *sɤ-kaβ (litt. : l’endroit où l’on vient
prendre de l’eau). Par ailleurs, ce phénomène se retrouve dans mkʰarmaŋ « peuple » d’un *mkʰɤrmaŋ,
emprunt du tibétain ‘khor-dmangs, et peut-être dans le composé paltsaʁ « glaise appliquée sur les
plaques de pierres qui servent à construire le toit », de ɯ-pɤl « partie de la louche servant à contenir le
liquide ; ici : le contenu d’une poignée » et le suffixe -tsaʁ « seulement, au moins » à valeur diminutive :
« une petite poignée (la quantité de glaise à appliquer ?) ».
350
Le troisième phénomène concerne les thèmes à syllabe ouverte. Lorsque ces
thèmes sont suivis par le suffixe –a de première personne du singulier, ils se combinent
en une syllabe. Cette combinaison se produit de façons différentes :
Infinitif
sens
1s
sens
kɤ-sɤŋo
écouter
nɯ-sɤŋwa
j’ai écouté
kɤ-rɤru
se lever
tɤ-rɤrwa
je me suis levé
kɤ-fka
être rassasié
tɤ-afka
je n’ai plus faim
kɤ-fse
ressembler
fsja
je ressemble à qqun
kɯ-nɯpaɴqi être paresseux
ɲɯ-nɯpaɴqja je suis paresseux
Tableau 273 : Influence du –a sur la racine dans les syllabes ouvertes
Les voyelles postérieures /u/ et /o/ se confondent en [w] devant –a, les voyelles
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antérieures /i/ et /e/ se confondent en [j], tandis que lorsque la voyelle de la racine est -a,
le suffixe –a se confond avec la racine sans allongement de la voyelle ou ajout de voyelle
épenthétique. Pour simplifier la lecture, nous transcrirons systématiquement e-a, i-a, o-a
et u-a. Ainsi nous écrirons par exemple nɯ-sɤŋo-a « j’ai écouté ». Comme le japhug ne
connaît pas de phénomène de hiatus, aucune confusion n’est possible.
Enfin, le dernier phénomène concerne la finale –t. Lorsqu’un préfixe nasal (-nɯ ou
–ndʑɯ) suit ces finales, celles-ci s’assimilent en -n. Ce phénomène a été évoqué dans la
section 2.4.4 p.80. kɤ-fɕɤt « raconter » ta-fɕɤ́t-nɯ [tafɕɛ́nnɯ] « ils ont raconté ».
5.2.2
Alternance des thèmes dans les dialectes japhug
L’alternance de thèmes n’a pas attiré l’attention des linguistes travaillant sur le
rgyalronguique jusqu’à l’article de Sun (1994) sur le tshobdun et ses recherches
complémentaires sur ce sujet dans les deux articles Sun (2000 a et b) sur le zbu, la
langue de Pho-sul / Puxi 蒲西 et le lavrong de ‘Brong-rdzong / Muerzong 木爾宗. Suite à
ce travail, des articles sont parus sur le lavrong de ‘Dzo-rogs / Yelong 業隆 (Yin 2002), le
japhug de Da-tshang (Lin et Luo 2003) et le cogtse (Lin 2003) qui décrivent les
phénomènes d’alternance de thème dans diverses variétés de rgyalronguique.
Selon J. Sun. T.-S., on trouve jusqu’à trois thèmes verbaux différents dans les
langues rgyalronguiques. Les fonctions et la formation de ces thèmes ont des points
communs à travers toutes ces langues. Suivant la terminologie de J. Sun T.-S., nous les
désignons par des nombres :
z
Thème 1 : thème de base, utilisé en particulier dans la plupart des formes
nominalisées.
z
Thème 2 : thème de l’aoriste (en zbu, sert également à marquer le progressif).
351
z
Thème 3 : thème du non-passé singulier (au pluriel on emploie le thème 1),
utilisé aussi avec les modalités irréelles et impératives. Seuls les verbes transitifs
(mais pas tous) distinguent un thème 3 distinct, et ceci dans toutes les langues
rgyalronguiques.
En plus des trois thèmes découverts par J. Sun, nous proposons de distinguer un thème 4
distinct du thème 2 en zbu :
z
Thème 4 : thème du progressif. Il est identique au thème 2 sauf pour les trois
verbes kɐ-qâr « séparer », kɐ-rɐndzeʔ « couper (des légumes) » et kɐ-rɐpjês
« tresser (une natte) » dans les données que nous avons récoltées.
Voici
un
exemple des
quatre
thèmes
en
zbu,
la
langue
rgyalronguique
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
morphologiquement la plus riche de la famille :
kɐ-qâr « séparer »
(forme nominalisée, thème 1)
nɐ́-qʰar « il a séparé »
(aoriste, thème 2)
nə-qér « sépare »
(impératif, thème 3)
rɐ-qʰír « il est en train de séparer » (progressif, thème 4)
Dans certains verbes du zbu, à l’aoriste et à l’impératif, on observe un recul de
l’accent (voir Sun 2000b). Nous notons ces formes par le signe < : ainsi pour le verbe
oublier kɐ-lmît (aoriste nə́-lmət, progressif rɐ-lmə́t), nous notons kɐ-lmît, <lmə́t. Au
progressif ou au non-passé, l’accent ne recule pas, mais on utilise le même thème 2 ou 3
que pour l’aoriste ou l’impératif.
Nous notons toujours les thèmes dans l’ordre que nous nous sommes fixé : ainsi le
verbe « séparer » en japhug décrit ci-dessus se notera kɐ-qâr, <qʰar, qér, qʰír. Lorsque le
thème 3 ne se distingue pas du thème 1, ou que le thème 4 ne se distingue pas du thème
2, nous n’indiquons que deux ou trois formes en zbu.
Dans les dialectes japhug, les thèmes sont beaucoup moins complexes. Aucun verbe
n’a plus de deux thèmes verbaux différents (Lin et Luo 2003) : certains verbes ont un
thème 2 différent du thème 1, tandis que d’autres ont un thème 3 différent du thème 1. On
ne trouve pas de thème 4.
z
Thème 2
Le thème 2 est limité à trois verbes, chacun d’un type d’alternance différent :
signification
thème 1 (infinitif)
thème 2 (aoriste)
type d’alternance
aller
kɤ-ɕe
jɤ-ari
supplétion
parler
kɤ-ti
tɤ-tɯt
suffixe
arriver
kɤ-ɣi
jɤ-ɣe
ablaut
Tableau 274 : Survivances du thème 2 en japhug.
Dans le dialecte japhug de gSar-rdzong, le thème 2 du verbe kɤ-ɕe est tʰɤr, ce qui
352
s’accorde avec la forme du japhug de Da-tshang que Lin et Luo (2003) ont noté thɐl. Ces
formes sont empruntées au tibétain tʰal-ba « passer ». Etant donné que le cogtse a
également une alternance semblable pour le verbe aller (thème 1 tʃʰe, thème 2 tʰɐl), il est
probable que la forme tʰɤr est ici due à l’influence du rGyalrong oriental sur ces langues.
L’alternance observée dans le Tableau 274 pour le verbe kɤ-ti « parler » se retrouve en
zbu : on a kɐ-tsʰəʔ, <tsʰít. La finale –t de ces formes se retrouve en rGyalrong oriental
ka-tsə̂s sous la forme de –s généralisé à tous les thèmes. Pour le verbe kɤ-ɣi « venir », un
Ablaut similaire s’observe en tshobdun (Sun 1994).
En japhug, le thème 2 s’observe à l’aoriste jɤ-ɣe « il est venu » (voir 5.4.1.1 pour les
fonctions de l’aoriste) avec le nom d’agent perfectif jɤ-kɯ-ɣe « celui qui est venu » (voir la
section 8.1.3 p.444).
z
Thème 3
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La formation du thème 3 ne s’applique qu’aux verbes transitifs en syllabe ouverte en
–a, -u, -o et -ɯ, et se forme d’une façon prédictible et régulière en japhug de kɤmɲɯ :
Rime du thème 1
Rime du thème 3
exemples
-a
-e
kɤ-ndza « manger », tɤ-ndze « mange ! »
-o
-ɤm
kɤ-mto « voir », pɯ-mtɤm « regarde ! »
-u
-e
kɤ-βzu « faire », tɤ-βze « fais ! »
-ɯ
-i
kɤ-βzdɯ « ramasser », tɤ-βzdi « ramasse ! »
Tableau 275 : Règle d’alternance des thèmes en japhug de kɤmɲɯ.
Le thème 3 sert à former l’impératif, l’irréel, le jussif, le non-passé et l’imperfectif
quand le sujet est au singulier. Lorsque le sujet est au pluriel, ou lorsque l’objet n’est pas à
la troisième personne, le thème 1 est utilisé à ces temps. Cette propriété est partagée par
le zbu. Une allusion au suffixe –m du japhug au thème 3 se trouve dans Qu Aitang (1983
[2000:634]), mais cet auteur n’a donné aucun exemple.
Dans le paradigme du verbe kɤ-mto « voir » au non-passé dans l’appendice A, on
peut constater que le thème 3 ne se trouve que dans les trois situations 1s >3, 2s > 3 et
3s >3, sans préfixe ɣ-.
La formation du thème 3 en japhug de kɤmɲɯ est productive : elle s’applique aux
emprunts tibétains et même aux emprunts chinois récents. Ainsi du verbe intransitif
kɤ-nɯ-koŋtso « travailler au bureau », (ici nɯ- est un préfixe dénominal) dérivé du nom
koŋtso « travail au bureau » venant du chinois 工作 gongzuo « travail », on peut dériver
un causatif transitif kɤ-z-nɯ-koŋtso « faire travailler au bureau » auquel s’applique
l’alternance de thème : ɲɯ-z-nɯ-koŋtsɤm « il le fait travailler ». Il n’est pas certains que la
formation du thème 3 soit pleinement productive dans les autres dialectes japhug.
En japhug de gSar-rdzong comme dans le japhug de Da-tshang décrit par Lin et Luo
353
(2003), la formation du thème 3 est plus complexe. La voyelle –u, en effet, correspond
parfois à –e, parfois à -ɯm. Voici une liste des verbes transitifs ayant la voyelle –u en
syllabe ouverte dans le dialecte de gSar-rdzong et leurs cognats dans le dialecte de
kɤmɲɯ :
Japhug
Sens
Japhug (gSar-rdzong),
Japhug (gSar-rdzong),
infinitif
thème 3
(kɤmɲɯ)
Catégorie
kɤ-sɤndu
échanger
ka-sɤndu
sɤndɯm
1
kɤ-sɯjaʁndzu
montrer du doigt
ka-sɯjaʁndzu
sɯjaʁndzɯm
1
kɤ-ngu
élever (animaux)
ka-ngu
ngɯm
1
kɤ-nɤŋumdʑu
chercher à
ka-nɤŋgɤmdʑu
nɤŋgɤmdʑɯm
1
ka-naʁju
naʁjɯm
1
s’attirer les
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faveurs de qqun
kɤ-naʁju
se curer les
dents
kɤ-rŋu
frire
ka-rŋu
rŋɯm
1
kɤ-nɤrqʰu
éplucher
ka-nɤrqʰu
nɤrqʰɯm
1
kɤ-sɤrɯru
comparer
ka-sɤrɯru
sɤrɯrɯm
1
kɤ-nɤpɤru
diriger (la
ka-nɤpɤru
nɤpɤrɯm
1
ka-sɤstu
sɤstɯm
1
ka-nɯtʂu
nɯtʂɯm
1
récolte)
kɤ-sɤstu
tendre, mettre
droit
kɤ-nɯtʂu
sarcler en sol en
marchant
kɤ-ʑɴɢu
éplucher
ka-ʑɴɢu
ʑɴɢɯm
1
kɤ-nɯβlu
tromper
ka-nɯβlu
nɯβlɯm
1
kɤ-χsu
élever
ka-χsu
χsɯm
1
kɤ-ʁndɯ
frapper
ka-ʁndu
ʁndɯm
2
kɤ-tʰɯ
monter (une
ka-tʰu
tʰɯm
2
ka-nɤxtʂu
nɤxtʂɯm
2
tente), réparer
(un chemin),
élever (un pont)
kɤ-nɤxtʂɯ
apporter en
passant
kɤ-βlɯ
allumer un feu
ka-βlu
βlɯm
2
kɤ-ɣɤmɯ
faire l’éloge
ka-wɤmu
wɤmɯm
2
kɤ-sɤjtɯ
accumuler
sɤjtu
sɤjtɯm
2
354
kɤ-ɣɤjɯ
ajouter
ka-wɤju
wɤjɯm
2
kɤ-ɕtʂɯ
déposer chez
ka-ɕtʂu
ɕtʂɯm
2
qqun
kɤ-cɯ
ouvrir
ka-cu
cɯm
2
kɤ-pu
cuire dans les
ka-pu
pɛj
3
braises
kɤ-qru
accueillir
ka-qru
qrɛj
3
kɤ-rku
mettre dans
ka-rku
rkɛj
3
kɤ-rndu
trouver
ka-rndu
rndɛj
3
kɤ-ru
prédire l’avenir
ka-ru
rɛj
3
kɤ-stu
faire
ka-su
sɛj
3
d’une
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certaine manière
kɤ-tʰu
demander
ka-tʰu
tʰɛj
3
kɤ-βzu
faire
ka-βzu
βzɛj
3
Tableau 276 : Verbes transitifs à rime –u en japhug de gSar-rdzong, leur thème 3 et leur
équivalent dans le dialecte de kɤmɲɯ.
On sait que le –u du dialecte de gSar-rdzong correspond parfois à –u, parfois à -ɯ
dans le dialecte de kɤmɲɯ. Nous avions reconstruit respectivement *-o et *-u pour ces
finales en PGR (réservant *-ɯ pour les cas où l’on trouve -ɯ dans les deux dialectes).
Dans les verbes pour lesquels nous reconstruisons *-u (type 2), le thème 3 dans le
dialecte de gSar-rdzong est toujours -ɯm. Dans ceux pour lesquels nous reconstruisons
*-o, le thème 3 est parfois -ɯm (type 1), parfois -ɛj (type 3). Une explication pour ces
phénomènes sera proposée p.356 dans le Tableau 278.
La consonne –m dans les thèmes 3 en -ɤm et -ɯm est un suffixe que l’on retrouve en
zbu dans le thème 3 de sept verbes :
Zbu
Zbu
Zbu
sens
japhug
tibétain
(thème 1)
(thème 2)
(thème 3)
kɐ-ɣdoʔ
ɣdû
ɣdə̂m
battre qqn
kɤ-ʁndɯ
kɐ-rŋoʔ
rŋû
rŋə̂m
frire (le blé)
kɤ-rŋu
rngo brngos
kɐ-ɕû
ɕoʔ
ɕə̂m
confier, déposer
kɐ-nkrós
<nkʰrús
<nkrəm
discuter
kɤ-rɤkrɤs
gros « discussion »
kɐ-rzû
rzoʔ
rzə̂m
élever (animaux)
kɐ-zjû
zjoʔ
zjə̂m
ajouter
kɤ-ɣɤjɯ
kɐ-sɐmbû
<sɐmbo
<sɐmbəm
amasser
kɤ-rmbɯ
Tableau 277 : Le suffixe –m dans les thèmes 3 du zbu
355
En zbu, on trouve au thème 1 les voyelles –u et –o pour ces sept verbes. Toutefois,
ceux-ci correspondent en proto-japhug aussi bien à *-o (kɤ-rŋu) qu’à *-u (kɤ-ɣɤjɯ,
kɤ-ʁndɯ) qu’à *-ɯ (kɤ-rmbɯ). Deux de ces exemples sont des emprunts au tibétain.
On trouve par ailleurs un verbe du zbu qui a généralisé le thème 3 au thème 1 :
kɐ-kʰɐ̂m « donner, transmettre » correspondant à kɤ-kʰo en japhug (on attendrait *kɐ-kʰɐ).
C’est le seul exemple en zbu d’un mot correspondant au PGR *-aŋ ayant le suffixe –m.
En zbu tout comme en japhug, le choix du suffixe –m pour le thème 3 semble dicté
par la voyelle finale. En japhug, il s’ajoute aux rimes *-aŋ, *-o et *-u. Il est remarquable
que, dans les deux langues, l’ajout de ce suffixe s’accompagne d’une modification du
timbre de la voyelle. Bien qu’on sache que *-um devient -ɯm en japhug, il n’est pas
nécessaire d’expliquer ce phénomène par un changement phonétique du proto-japhug
aux dialectes modernes. Il convient donc peut-être de reconstruire un suffixe *-ɯm en
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proto-japhug. Après *-u et *-o, la voyelle *ɯ est tombée. Après *-aŋ, ce suffixe donne -ɐm
en zbu et *-ɐm en proto-japhug, ce qui est le résultat de la fusion des deux rimes : avant
de tomber, la rime *-aŋ a influencé le suffixe -ɯm. Ces phénomènes, étant communs au
zbu et au japhug, remontent à l’ancêtre commun à ces deux langues.
Avec les rimes –u venant du PGR *-o en japhug de gSar-rdzong, le thème 3 peut se
former soit par -ɯm, soit par -ɛj. Etant donné que seule les formes en -ɯm sont
productives, il est possible que l’analogie soit ici en train de brouiller une ancienne
distinction où les –u venant de *-o avaient toujours un thème 3 *-ej et où l’opposition entre
*-o et *-u était conservée au thème 3.
Pour les rimes *-a et (au moins une partie, sinon l’ensemble) des rimes en *-o,
l’alternance au thème 3 est avec *-ej puisqu’on trouve -ɛj à gSar-rdzong et –e à kɤmɲɯ.
La rime *-ɯ, quant à elle, alterne avec *-ij, car on trouve –i à gSar-rdzong et non -ɪj.
Rime du thème 1, proto-japhug
Rime du thème 3, proto-japhug
Rime du thème 3, proto-japhug
(première analyse)
(seconde analyse)
*-a
*-ej
*-a-i
*-o
*-ej
*-u
*-ɯm
*-ɯm
*-ɯ
*-ij
*-ɯ-i
*-aŋ
*-ɐm
*-aŋ-ɯm
(? *-ɯm)
*-o-i
(? *-ɯm)
Tableau 278 : Alternance des thèmes en proto-japhug.
Etant donné que nous avons analysé le premier type d’alternance comme dû à un
suffixe *-ɯm, il semble raisonnable de tenter d’analyser les autres alternances des
thèmes par un autre suffixe. Nous proposons de reconstruire un suffixe *-i. Ce suffixe est
tombé en japhug, causant l’avancement des voyelles *-a, *-o et *-ɯ et leur confusion
356
respectivement avec *-ej et *-ij. Il est notable que *-a-i ne se soit pas confondu avec *-ɐj.
Voici un tableau récapitulatif des rimes à finale *-j ou à voyelle antérieure en
proto-japhug, et des rimes à suffixe *-i :
gDong-brgyad
gSar-rdzong
Da-tshang
Proto-japhug
-i
-ɪj
-i
*-i
-i
-ɛj
-e
*-e (initiales non-labiales)
-e
-oj
-oj
*-e (initiales labiales)
-i
-i
-i
*-ij, *-ɯ-i
-e
-ɛj
-e
*-ej, *-o-i, *-a-i
-ɤj
-ɛj
-ɛj
*-ɐj
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Tableau 279 : Rimes à finale *–j ou à voyelle antérieure en proto-japhug et les rimes à suffixes
*-Ci.
Notre reconstruction d’un suffixe *-i en proto-japhug est supportée par le tshobdun.
Selon Sun (2003a : 496) le tshobdun a un suffixe –jə dont les fonctions sont décrites de la
façon suivante : « In direct imperfective sentences with a singular non-first-person
actor [...], a transitivity marker –jə is added to verb stems containing no coda other than
the glottal stop. » Autrement dit, il s’emploie dans les mêmes conditions que le thème 3 du
japhug, à la seule différence que le thème 3 s’emploie aussi avec la première personne
dans cette langue. Il donc est vraisemblable que ce suffixe soit cognat avec le suffixe *-i
que nous avons reconstruit.
Enfin, il est possible qu’un même suffixe *-i soit la cause de certaines alternances
vocaliques observées en zbu où l’on trouve un /e/ ou un /i/ au thème 3, comme on peut le
voir dans le Tableau 280.
Définition
Thème 1
Thème 2
Thème 3
tibétain
japhug
étudier
kɐ-vzjɐ
vzjʌʔ
vzjeʔ
sbyangs
kɤ-βzjos
voir
kɐ-mtɐʔ
mtʰɐʔ
mtiʔ
mthong-ba
kɤ-mto
tirer
kɐ-rɐskɐʔ
<rɐskʰɐʔ
rɐskiʔ
creuser
kɐ lwɐʔ
<lwɐ
lwiʔ
kɤ-lɣa
Tableau 280 : Traces possibles de suffixe *-i de thème 3 en zbu.
357
5.3
Les préfixes directionnels
Toutes les langues rgyalronguiques partagent un certain nombre de préfixes
directionnels, dont certains, voire l’ensemble, remontent au proto-rgyalronguique. Lin et
Luo (2003) ont déjà proposé une analyse du système des directionnels en japhug, pour le
dialecte de Da-tshang. Dans une première sous-section, nous étudierons la formation de
ces préfixes dans les différentes variétés du japhug, particulièrement celle de kɤmɲɯ dont
les préfixes diffèrent légèrement de ceux du dialecte de Da-tshang. Dans une seconde
sous-section, nous décrirons l’emploi précis des préfixes directionnels avec les verbes de
mouvement au village de kɤmɲɯ lui-même ; les conclusions de cette seconde partie ne
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seront valide que pour la variété de japhug parlée dans ce village.
5.3.1
Le système des préfixes directionnels en japhug
Dans toutes les langues étudiées sauf le zbu, dont le système de préfixes
directionnels n’est pas encore élucidé, on trouve trois paires de préfixes. Selon les
recherches récentes de Sun (2000a) en tshobdun et en lavrong (dialecte de
‘Brong-rdzong), et de Lin (2002) en cogtse, ces préfixes encodent trois dimensions :
haut-bas, amont-aval et est-ouest. Dans les descriptions plus anciennes du cogtse, telles
que Lin (1993), la dimension est-ouest avait été décrite comme amont-aval et la
dimension amont-aval comme montagne-fleuve (靠山 kaoshan -靠水 kaoshui), mais les
recherches de Lin (2002) ont montré que cette confusion était due à la situation
géographique particulière de ‘Bar-khams. En japhug de Da-tshang, selon Lin et Luo
(2003), la situation est différente (voir 5.3.2).
Nous ne nous attacherons qu’à étudier dans cette section que la morphophonologie
de ces préfixes. Voici les préfixes directionnels dans plusieurs langues rgyalronguiques :
direction
japhug
cogtse
tshobdun
lavrong (‘Brong-rdzong)
haut
tɤ-
to-
tɐ-
ʌ-
bas
pɯ-
nɐ-
nɐ-
nʌ-
amont
lɤ-
ro-
lɐ-
lʌ-
aval
tʰɯ-
re-
tʰɐ-
və-
est
kɤ-
ko-
kə-
kʌ-
ouest
nɯ-
nə-
nə-
nə-
Tableau 281 : Préfixe directionnels dans plusieurs langues rgyalronguiques.
Le préfixe pɯ- du japhug de kɤmɲɯ pour le bas semble une innovation (cette série
358
de suffixes est probablement liée étymologiquement à ɯ-pa « le bas »), tandis que
l’ensemble des autres préfixes trouve un équivalent en cogtse, en tshobdun ou en
lavrong.
Comme en tshobdun (Sun 2000 : 181), on distingue en japhug quatre séries de
préfixes. Voici les formes du japhug de kɤmɲɯ :
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1
2
3
4
adverbe de
Adverbe
Adverbe
direction
1
2
haut
tɤ-
tu-
ta-
to-
tɕɤ-tu
taʁ
bas
pɯ-
pjɯ-
pa-
pjɤ- / pjo-
tɕɤ-ki
pa
amont
lɤ-
lu-
la-
lo-
tɕɤ-lo
lo
locʰu
aval
tʰɯ-
cʰɯ-
tʰa-
cʰɤ- / cʰo-
tɕɤ-tʰi
tʰi
tʰɯchu
est
kɤ-
ku-
ka-
ko-
tɕɤ-kɯ
kɯ
kucʰu
ouest
nɯ-
ɲɯ-
na-
ɲɤ- / ɲo-
tɕɤ-ndi
ndi
ndɯcʰu
sans
jɤ-
ju-
ja-
jo-
direction
Tableau 282 : Les quatre séries de préfixes directionnels en japhug de kɤmɲɯ
Pour la série 4, les formes à -ɤ (pjɤ-, cʰɤ-, ɲɤ-) et les formes à –o (pjo-, cʰo-, ɲo-) sont
en variation presque libre (toutefois, les formes en –o sont parfois dues au préfixe
inverseur ɣ- qui labialise les voyelles qui le précèdent). Les formes en –o sont ici
probablement analogiques.
Dans les dialectes japhug de l’est à partir du village de rqaco au canton de
gDong-brgyad jusqu’à gSar-rdzong et Da-tshang (Lin et Luo 2003), les préfixes sont
légèrement différents.
1
2
3
4
haut
tɤ-
tu-
ta-
to-
bas
pɯ-
cu-
pa-
co-
amont
lɤ-
lu-
la-
lo-
aval
tʰɯ-
cʰu-
tʰa-
cʰo-
est
kɤ-
ku-
ka-
ko-
ouest
nɯ-
ɲu-
na-
ɲo-
sans direction
jɤ-
ju-
ja-
jo-
Tableau 283 : Les quatre séries de préfixes directionnels en japhug de l’est (gSar-rdzong).
Dans ces dialectes, le préfixe du bas présente une différence allomorphique entre les
359
séries 1, 3 et les séries 2, 4. Cette propriété doit être plus archaïque, et le dialecte de
kɤmɲɯ doit avoir crée une forme pjɯ- par analogie avec le préfixe de série 1. La
correspondance kɤmɲɯ -ɯ :: gSar-rdzong –u nous permet de reconstruire *-u en
proto-japhug et la correspondance –u :: -u nous permet de reconstruire *-o. Parmi les
préfixes de série 2, les préfixes indiquant le bas, l’aval et l’ouest ont un suffixe *-ju, tandis
que les autres ont un suffixe *-o. Pour l’analyse de la série 4, voir page suivante.
Nous reconstruisons *kju et *tʰju respectivement pour les préfixes du bas et de l’aval.
La reconstruction d’une occlusive *k- pour le préfixe du bas ici est basée sur la forme de
l’adverbe de direction tɕɤki « vers le bas » qui a conservé en japhug de kɤmɲɯ la forme
correspondant au préfixe ancien. La reconstruction de *tʰ- pour le préfixe de l’aval est
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basée sur la forme du préfixe de série 1 tʰɯ-.
1
2
3
4
haut
*tɤ-
*to-
*tɤ-a-
*to-a-
bas
*pɯ-
*kju-
*pɯ-a-
*kju-a-
amont
*lɤ-
*lo-
*lɤ-a-
*lo-a-
aval
*tʰɯ-
*tʰju-
*tʰɯ-a-
*tʰju-a-
est
*kɤ-
*ko-
*kɤ-a-
*ko-a-
ouest
*nɯ-
*nju-
*nɯ-a-
*nju-a-
sans direction
*jɤ-
*jo-
*jɤ-a-
*jo-a-
Tableau 284 : Les quatre séries de préfixes directionnels en proto-japhug.
Le préfixe *a- du proto-japhug avec les préfixes de série 4, mais pas ceux de série 3,
correspond au préfixe á- de médiatif indirect du cogtse (Lin 2000 : 74). Lin et Luo 2003 ont
déjà proposé d’analyser la série 3 comme étant la série 1 suivie d’un préfixe -a-.
Lin et Luo (2003 : 20-23) ont décrit les fonctions de base de ces séries en japhug de
Da-tshang. Selon elles, l’emploi de ces quatre séries peut se résumer de la façon
suivante :
z
Série 1 : perfectif 1ère et 2ème personne ; impératif
z
Série 2 : imperfectif ; médiatif indirect passé (deuxième personne)
z
Série 3 : perfectif 3ème personne
z
Série 4 : médiatif indirect passé (troisième personne)
. En japhug de kɤmɲɯ, la forme des préfixes ne diffère pas du dialecte de Da-tshang
excepté pour la formation du médiatif indirect (voir Tableau 286), et nous avons classé
dans le Tableau 285 ces séries de préfixes en fonction des catégories de TAM où ils
apparaissent.
360
Série de
fonction
exemple
sens
aoriste des verbes intransitifs
tɤ-ɣe
il est venu (vers le
préfixes
1
haut)
aoriste des verbes transitifs dont
tɤ-ndzá-t-a
j’ai mangé
le sujet est à la première ou à la
tɤ-tɯ-ndza-t
tu as mangé
impératif
tɤ-ndze
mange !
jussif
a-tɤ-ndze
qu’il mange
nom perfectif
ɯ-tɤ-kɯ-ndza
celui qui a mangé
imperfectif non-passé
tu-ndze
il mange
nom imperfectif
ɯ-tu-kɯ-ti
celui
deuxième personne
2
qui
dit
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(d’habitude)
3
aoriste des verbes transitifs à la
ta-ndza
il a mangé
to-ndza
il a mangé (je n’en
troisième personne
4
médiatif indirect passé
ai pas été témoin)
médiatif passé intransitif suffixé
to-kɤ-mɤtí-ndʑɯ-cʰɯ ils ont discuté
des verbes contractes
Tableau 285 : Emploi des séries de préfixes dans les catégories de TAM.
Un point commun entre les deux langues est la présence d’une série de préfixes
spéciale pour les verbes transitifs dont le sujet est à la troisième personne (la série 3 en
japhug, la série 4 de Sun). En japhug, le vocalisme de cette série est uniformément /a/,
tandis qu’en tshobdun, c’est /e/. Or, il semble que les /a/ du japhug correspondent aux /e/
du tshobdun (c’est le cas aussi avec les /e/ du zbu), et donc que ces préfixes suivent ici
les lois de correspondance régulières. C’est là la preuve que cette série de préfixe est
reconstructible pour l’ancêtre commun aux deux langues.
Les préfixes de série 4 sont à analyser comme des composés de deux morphèmes :
d’une part, les préfixes de série 1, et d’autre part, un préfixe a-/ɤ-. En effet, les dialectes
japhug diffèrent dans l’ordre par lequel ils placent le préfixe de seconde personne tɯ- et le
préfixe a-. Dans les parlers de kɤmɲɯ et de mɤŋi, on place le préfixe a-/ɤ- avant tɯ-, si
bien qu’au médiatif indirect passé, le préfixe ne change pas selon les personnes. Les
préfixes à vocalisme /u/ tu-, lu-, ku- et ju- de série 2 acquièrent un vocalisme /o/, tandis
que ceux à vocalisme /ɯ/ ɲɯ-, cʰɯ-, ɲɯ- développent un vocalisme /ɤ/ suite à la fusion
avec le préfixe a-/ɤ-. Dans ces deux dialectes, on peut réellement parler d’une série de
préfixes distincte, et le préfixe a-/ɤ- n’est analysable que du point de vue diachronique.
361
Dans les autres dialectes, dont le japhug de Da-tshang (Lin et Luo 2003 : 21), le préfixe
a-/ɤ- se place après le préfixe tɯ- de seconde personne, si bien que le vocalisme du
préfixe change à la seconde et à la troisième personne (on ne trouve pas de première
personne pour cette catégorie verbale).
Catégorie
kɤmɲɯ
mɤŋi
autres dialectes japhug
MIP, 2s
to-tɯ-ndza-t
to-tɯ-ndza
tu-tɯ-ɤ-ndza [tutɤndza]
MIP, 3s
to-ndza
to-ndza
tu-ɤ-ndza [tondza]
Tableau 286 : Préfixes du médiatif indirect passé dans les dialectes japhug du verbe kɤ-ndza
« manger ».
5.3.2
Le fonctionnement des préfixes directionnels.
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A chaque verbe est associé au moins un préfixe directionnel qui lui sert à former les
catégories de TAM à préfixe. Pour la plupart des verbes, le choix du préfixe est
lexicalement déterminé. Ainsi, « manger » kɤ-ndza requiert les préfixes tɤ-, tu-, ta-, to- qui
indiquent la direction vers le haut.
Pour les verbes de mouvement, en revanche, les préfixes indiquent une direction
spatiale. Lorsque aucune direction ne peut être spécifiée, on emploie les préfixes jɤ-, ju-,
ja-, jo- qui sont précisément réservés aux verbes de mouvement pour cet usage.
Selon l’analyse de Jackson Sun T.-S. (Sun 2000a, 2000b et 2003a), les préfixes
directionnels des langues rgyalronguiques encodent trois dimensions : haut-bas,
amont-aval, est-ouest. Si cette analyse est vraie pour l’essentiel, et présente une grande
avancée dans notre compréhension de la morphologie verbale du rgyalrong, on ne peut
se contenter de l’appliquer mécaniquement pour comprendre toutes les subtilités de
l’utilisation des préfixes en japhug. Nous présenterons tout d’abord une description
détaillée de l’emploi des préfixes, puis nous proposerons une analyse de leur emploi
p.368.
Selon Lin et Luo (2003 : 20), en japhug de Da-tshang, les trois dimensions des
préfixes ne recouvrent pas celles du tshobdun ou du somang : la dimension marquée par
les préfixes lɤ- / tʰɯ- (lɐ- / thə- dans leur notation) n’indique pas la dimension amont-aval,
mais « altitude élevée / altitude basse » (地勢高/ 地勢低). Selon les auteurs, c’est la
conséquence de la situation géographique très particulière du village de Da-tshang dont
le dialecte est étudié dans cet article : il n’est pas situé dans une vallée. En japhug de
kɤmɲɯ, toutefois, le fonctionnement de ces préfixes ne semble pas fondamentalement
différent des autres dialectes, et recouvrent bien la dimension amont-aval.
Nous avons étudié de façon systématique le fonctionnement des préfixes
directionnels au village de kɤmɲɯ. Ce village est un ensemble de hameaux construits sur
362
la rive nord du fleuve comuco (chi. 腳木足 Jiaomujiao, tib. Kyom-kyo). Il est séparé du
village de ɣɟɯ-tsʰapa à l’ouest par le ruisseau ɣɟɯ-βɣɤci et du village de mɤŋi à l’est par le
ruisseau praʁwu-βɣɤci. Chaque hameau habité a été indiqué par un point, et les pointillés
indiquent les chemins. La route étant construite sur la rive sud du fleuve comuco, il
convient de prendre le pont au niveau du hameau de cɤmi pour atteindre le village de
kɤmɲɯ lorsque l’on arrive par la route. Sur la carte, nous présentons le village de kɤmɲɯ
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vu du versant sud.
Carte 1 : Le village de kɤmɲɯ
La complexité de l’emploi des préfixes tient au fait que les dimensions est-ouest et
amont-aval sont parfois confondues. Ainsi, dans le village de kɤmɲɯ, l’amont du fleuve
(tɕɤ-lo) est dirigé vers l’ouest, et l’aval (tɕɤ-tʰi) vers l’est. Lorsqu’on se trouve près du
fleuve, l’opposition amont-aval prime et l’opposition est-ouest est réinterprétée comme la
une direction perpendiculaire à la direction du fleuve (nord-sud).
Ainsi, lorsqu’on se trouve au niveau du fleuve comuco au village de kɤmɲɯ, les
préfixes de l’est kɤ-, ku-, ka- ko- indiquent le nord, tandis que ceux de l’ouest nɯ, ɲɯ-, na-,
ɲɤ- indiquent le sud. Au niveau du fleuve (ce qui inclut le hameau de cɤmi), pour indiquer
que l’on se dirige vers les hameaux situés plus haut dans la montagne, on emploiera soit
les préfixes du haut tɤ-, tu-, ta-, to- ou de l’amont lɤ-, lu-, la-, lo-. Les préfixes de l’amont
sont obligatoires uniquement pour les hameaux situés sur les ruisseaux (praʁwu, tɤɣɤco
et ɣɤrti), tandis que pour les hameaux taʁrdo et kʰijmɤɕom, qui ne sont pas situés très
363
hauts par rapport au niveau du fleuve, on peut employer aussi bien les préfixes du haut
que ceux de l’amont. Les dimensions spatiales sont réflexives, et pour désigner la
descente de la montagne jusqu’au niveau du fleuve, les préfixes du bas pɯ-, pjɯ-, pa-,
pjɤ- ou ceux de l’aval tʰɤ-, cʰɯ, tʰa-, cʰɤ- seront choisi en fonction des mêmes critères :
ainsi si le village se trouve sur un ruisseau comme praʁwu, on devra employer les
préfixes de l’aval pour désigner la descente jusqu’au niveau du fleuve, pour un hameau
tel que taʁrdo, on pourra employer aussi bien les préfixes de l’aval que ceux du bas, et
pour les autres hameaux, on devra employer les préfixes du bas.
Les préfixes directionnels à employer lorsque l’on part du fleuve (nous indiquons les
directions par les préfixes de série 1) sont indiqués dans le Tableau 287 en fonction du
hameau de destination.
hameau de destination
Préfixe
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
cimɤr
ciri
ɕɯxco
ftsi
kɤndʐɤŋgɤɣ
mɯwa
tɤ- (haut)
mtʰa
prɤɕta
prɤku
prɤscʰɯ
prɯ
rɟɯɕɯɣ
rpɤŋgɯ
tɤɣɤco
praʁwu
lɤ-
(amont)
ɣɤrti
kʰijmɤɕom
tɯlu
lɤ- / tɤ- (haut ou amont)
taʁrdo
Tableau 287 : Préfixes de direction employés pour désigner un déplacement depuis le niveau
du fleuve vers chacun des hameaux du village de kɤmɲɯ.
Au niveau de la montagne, loin du fleuve, la dimension est-ouest prévaut. Les
hameaux de kɤmɲɯ sont classés selon cette dimension. Ceux de l’ouest ndɯcʰu ra
comprennent (en partant du bas de la montagne) : cɤmi, tɯlu, taʁrdo, ndʐɤŋgɤɣ, mɯwa,
364
rɟɯɕɯɣ, ftsi, cimɤr et ɕɯxco. Ceux du centre ɯ-χcɤl ra comprennent rpɤŋgɯ, prɤscʰɯ et
mtʰa. Ceux de l’est kɯcʰɯ ra comprennent tɤɣɤco, ɣɤrti, kʰijmɤɕom, prɤku, prɤɕta, praʁwu.
A l’exception des deux ruisseaux ɣɟɯ-βɣɤci et praʁwu-βɣɤci qui ont chacun leur
propre dimension amont-aval, cette dimension est neutralisée dans la montagne, et
réinterprétée comme la direction perpendiculaire à la dimension est-ouest, c’est à dire la
direction nord-sud. Ainsi, dans la montagne, tɕɤ-lo désigne le nord et tɕɤ-tʰi le sud. Ainsi
rpaχku, la montagne inhabitée située sur la rive sud du fleuve comuco en face du village
de kɤmɲɯ, est désignée comme tʰɯcu pʰɤri « le côté sud (litt. aval) ». La langue japhug
construit un repère basé sur trois dimensions, mais différents environnements peuvent
requérir des repères différents.
Pour donner une idée la plus exhaustive possible du fonctionnement des préfixes
directionnels dans la montagne et justifier notre analyse, nous avons établi pour certains
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hameaux la liste des préfixes utilisés pour désigner un déplacement vers chacun des
autres hameaux du villages. Nous indiquons les directions par les préfixes de série 1.
hameau de destination
Préfixe
rpɤŋgɯ
mɯwa
tɤ- (haut)
ndʐɤŋgɤɣ
praʁwu
cɤmi
tʰɯ- / pɯ- (aval ou bas)
tɤɣɤco
kɤ- (est)
kʰijmɤɕom
tɯlu
nɯ- (ouest)
Tableau 288 : Préfixes de direction employés pour désigner un déplacement du hameau de
taʁrdo vers les autres hameaux du village de kɤmɲɯ.
Au hameau de taʁrdo, on se trouve approximativement à la même altitude que ceux
de tɯlu, tɤɣɤco et kʰijmɤɕom, et on emploie donc la dimension est-ouest (préfixes kɤ- et
nɯ-) pour exprimer les déplacements vers ces hameaux. Pour tous les hameaux qui se
trouvent plus haut, on emploie la dimension haut-bas (préfixe tɤ-).
hameau de destination
rgɯnba
Préfixe
tɤ- (haut)
tɯlu
taʁrdo
pɯ- (bas)
cɤmi
prɤscʰɯ
lɤ- (amont)
prɤɕta
365
mtʰa
kʰijmɤɕom
tʰɯ- (aval)
tɤɣɤco
praʁwu
ɣɤrti
kɤ- (est)
prɤku
ndʐɤŋgɤɣ
ftsi
nɯ- (ouest)
rɟɯɕɯɣ
Tableau 289 : Préfixes de direction employés pour désigner un déplacement du hameau de
rpɤŋgɯ aux autres hameaux du village de kɤmɲɯ.
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Du hameau de rpɤŋgɯ, on emploie ici encore la dimension est-ouest (tɕɤ-kɯ / tɕɤ-ndi)
pour désigner les hameaux à la même altitude. Pour les hameaux proches du ruisseau
praʁwu-βɣɤci et situés à une altitude plus basse que celle de rpɤŋgɯ, on utilise le
directionnel de l’aval tʰɯ-, car pour arriver à ces hameaux depuis rpɤŋgɯ, il faut aller
jusqu’à praʁwu puis descendre le ruisseau. Il est étrange que l’on utilise d’ailleurs l’est kɤplutôt que l’aval tʰɯ- pour indiquer la direction de rpɤŋgɯ à ɣɤrti, car ce hameau se trouve
sur le ruisseau en aval de praʁwu. Pour aller aux hameaux prɤscʰɯ et prɤɕta, on emploie
le préfixe lɤ- de l’amont plutôt que celui de l’est kɤ-. La raison est probablement que ces
villages sont situés sur l’autre versant de la montagne (et sont donc au nord, direction
interprétée comme l’amont lɤ- dans la montagne). Pour les hameaux situés plus à l’est
tels que prɤku, la dimension est-ouest prime sur la direction nord-sud, ce qui fait que l’on
emploie le préfixe kɤ-.
hameau de destination
rgɯnba
Préfixe
tɤ-
prɤscʰɯ
prɤɕta moŋlo
tɤɣɤco
taʁrdo
pɯ-
tɯlu
cɤmi
prɤɕta moŋtʰi
lɤ-
mtʰa
tʰɯ-
ɣɤrti
praʁwu
kɤ-
ɕɯxco
366
cimɤr
rɟɯɕɯɣ
ftsi
mɯwa
ndʐɤŋgɤɣ
rpɤŋgɯ
Tableau 290 : Préfixes de direction employés pour désigner un déplacement du hameau de
prɤku aux autres hameaux du village de kɤmɲɯ.
Le fonctionnement des directionnels est quasiment le même à prɤku et à rpɤŋgɯ,
mais il convient de préciser deux particularités. Premièrement, le déplacement vers
village de tɤɣɤco est ici indiqué par le préfixe du bas pɯ- plutôt que par celui de l’aval tʰɯ- :
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la dimension haut-bas prime ici sur amont-aval, malgré le fait que tɤɣɤco se trouve au
bord du ruisseau. Deuxièmement, le hameau de prɤɕta est divisé en deux, prɤɕta moŋlo
(du nord, de l’amont) et prɤɕta moŋtʰi (du sud, de l’aval). Paradoxalement, la direction de
l’amont lɤ- est utilisée pour prɤɕta moŋtʰi du sud, alors que l’on réserve le haut tɤ- pour
prɤɕta moŋlo. Ce paradoxe apparent peut s’expliquer si l’on prend en compte que prɤɕta
moŋlo ne se trouve pas seulement au nord, mais aussi à une altitude légèrement plus
élevée que prɤɕta moŋtʰi : ainsi la dimension nord-sud (amont-aval) prime pour un
déplacement vers prɤɕta moŋtʰi, alors que la dimension haut-bas reprend le dessus pour
un déplacement vers prɤɕta moŋlo, plus élevé que l’autre hameau.
Le fonctionnement des préfixes directionnels devient irrégulier lorsqu’on désigne les
déplacements vers les villages proches de kɤmɲɯ.
village de destination (gDong-brgyad)
Préfixe
mɤŋi
nɯ-
mɤrʑa
nɯ-
ɣɟɯtsʰapa
kɤ-
rqaco
pɯ-
smɯlju
pɯ-
Tableau 291 : Villages proches de kɤmɲɯ.
Lorsque le déplacement s’effectue par le fleuve (vers Tsho-bdun ou vers mɤŋi), on
emploie les préfixes de la dimension amont-aval de façon régulière (amont lɤ- vers
Tsho-bdun, aval tʰɯ- vers mɤŋi). En revanche, lorsqu’on marche dans la montagne, on
emploie des préfixes de la dimension est-ouest, mais à l’inverse de leur emploi régulier :
est kɤ- pour ɣɟɯtsʰapa qui est situé à l’ouest du côté de Tsho-bdun, et ouest nɯ- pour
367
mɤŋi et mɤrʑa, qui sont situés à l’est. Cette anomalie est inexplicable, tout comme l’est
l’emploi du préfixe du bas pɯ- pour désigner un mouvement vers les villages de rqaco ou
smɯlju.
En conclusion, l’analyse selon laquelle les préfixes directionnels indiquent trois
dimensions haut-bas, amont-aval et est-ouest est correcte, mais l’utilisation de ces
préfixes dans les situations concrètes nécessite la formulation suivante :
(48)
Lorsqu’on trouve un fleuve ou un cours d’eau à proximité, la dimension
amont-aval s’applique à ce cours d’eau, tandis que la dimension est-ouest devient la
dimension perpendiculaire au fleuve.
(49)
Lorsque aucun fleuve n’est à immédiate proximité la dimension est-ouest prime et
la dimension amont-aval est réinterprétée comme la dimension nord-sud.
Les directionnels ont d’autres usages particuliers. Premièrement, la dimension
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amont-aval sert à indiquer l’entrée (amont, lɤ-) et la sortie (aval, tʰɯ-) d’un endroit clos
(maison, pièce)78. Deuxièmement, la cuisine / salle à manger traditionnelle (kʰɤjmu),
quelle que soit son orientation réelle, est découpée selon les dimensions amont-aval et
est-ouest. Les kʰɤjmu sont des pièces rectangulaires, dont les quatre côtés ont des noms
particuliers. Le côté en face de l’entrée, place du maître de maison, est kʰɤɕkʰɤr, à la
droite, la place de la maîtresse de maison, le kʰɤdi, à sa gauche, la place des personnes
âgées (qui doivent mettre du bois dans le foyer) est le ɕoŋlo, et en face, la place des
serviteurs et des enfants, le soŋdi. Au milieu de la pièce se trouve un foyer tʰɤfka, où l’on
fait cuire les aliments sur un trépied sqʰi.
78
C’est le cas également en tshobdun, voir Sun (2003a : 496).
368
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Tableau 292 : Cuisine traditionnelle et préfixes directionnels.
L’axe kʰɤɕkʰɤr – soŋdi est interprété dans la langue comme la dimension est-ouest :
kʰɤɕkʰɤr est toujours est kɯ-, et soŋdi toujours ouest nɯ-. De même, l’axe ɕoŋlo – kʰɤdi
est interprété comme amont-aval : ɕoŋlo est amont lɤ- et kʰɤdi aval tʰɯ-.
Dans les cas où les préfixes directionnels codent réellement une direction, nous
marquons dans nos gloses juste après la marque de la catégorie verbale un D- (comme
direction) suivi de la direction en question : D-haut, D-bas, D-amont, D-aval, D-est,
D-ouest.
Par
exemple,
pɯ-ɣe « il est venu (en descendant) » sera glosé
[AOR:D-bas:3s:venir]. Dans les cas où le préfixe est uniquement lexicalement sélectionné,
on ne marquera rien.
Des systèmes de préfixes directionnels typologiquement similaires existent dans les
autres langues qianguiques, mais il est difficile de savoir s’il s’agit d’un trait hérité du
proto-qianguique : il est possible qu’il s’agisse d’un trait typologique aréal. Pour une étude
comparative des systèmes de préfixes dans les langues qianguiques, voir Huang (1993).
369
5.4
Les catégories de TAM en japhug
Dans les trois sections précédentes, nous avons décrit les affixes d’accord, les
alternances de thèmes des racines et les préfixes directionnels. Les catégories de TAM
(temps, aspect et mode) sont formées à partir de ces éléments.
Le temps, l’aspect et la modalité sont trois groupes de catégories qui tendent à être
marquées par la morphologie verbale dans les langues du monde. Comrie (1976 : 2)
définit le temps linguistique (tense) comme le moment d’une situation par rapport à un
point de référence (en général, le moment de l’énonciation). Par ailleurs, il défini l’aspect
(Comrie 1976 : 5) comme « la façon d’envisager la constitution temporelle (internal
temporal constituency) d’une situation ». La modalité, quant à elle, selon Jespersen (1924,
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cité dans Palmer 1986 : 5), exprime « l’attitude d’esprit du locuteur façon au contenu
d’une phrase ».
Le concept d’aspect, et particulièrement l’opposition entre les deux catégories
imperfectif et perfectif vient à l’origine de l’étude des langues slaves. L’usage des aspects
dans ces langues ne recouvre pas ceux que l’on retrouve en japhug, mais offre un
parallèle typologique qui facilite la description.
Selon les travaux de l’école russe d’aspectologie présentés par Zaliznjak et Shmelev
(2000 : 54-61), on distingue trois types principaux de situations : les états (состояния),
qui sont des situations sans changements pendant une certaine période de temps, les
processus (процессы), qui sont des situations homogènes dans lesquelles alternent des
phases différentes et en enfin les événements (события) dans lesquels une situation
nouvelle fait suite brutalement à une situation ancienne. En russe, l’imperfectif peut
décrire ces trois types de situations, tandis que le perfectif ne peut décrire que des
événements. Les activités bornées (предельныe) ou téliques sont des processus suivis
d’un événement qui en marque l’achèvement, les activités non bornées (непредельные)
ou atéliques étant des processus simples.
Le passé perfectif du russe correspond quasiment toujours au passé composé ou au
plus que parfait du français. En revanche, le passé imperfectif ne correspond pas toujours
à l’imparfait du français. On distingue trois groupes de différences d’emploi entre les deux
langues, où le passé imperfectif correspond au passé composé :
z
Les situations atéliques en russes sont toujours marqués à l’imperfectif. En particulier,
l’emploi de certains adverbes (tels que всегда « toujours ») obligent l’emploi de
l’imperfectif, alors qu’en français il sont compatibles avec le passé composé. Voici un
exemple tiré de Cohen (1989 : 35) :
Вчера мы играли в шахматы. Hier, nous avons joué aux échecs.
370
z
On emploie l’imperfectif lorsqu’une action a été annulée : Ты сегодня открывал
окно ? Tu as ouvert la fenêtre aujourd’hui ? (la fenêtre a été refermée).
z
On emploie également l’imperfectif pour une action dans le passé indéterminé : Ты
показывал ей письмо ? Tu lui as montré la lettre ?
Comme nous le montrerons, l’emploi du passé perfectif (aoriste) du japhug ne recouvre ni
celui du passé perfectif du russe, ni le passé composé du français, et il en va de même
pour le passé imperfectif du japhug qui n’est comparable ni au passé imperfectif du russe
ni à l’imparfait du français. Etant donné que nous n’avons aucune intention de proposer
une théorie de l’aspect, nous ne donnerons pas de définition « absolue » de l’imperfectif
et du perfectif. Nous tenterons plutôt de proposer une description la plus exacte possible
de l’usage de chacune des catégories. Nous appellerons « imperfectives » les catégories
verbales qui peuvent décrire des états et des processus, et « perfectives » celles qui ne
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peuvent décrire que des événements.
Mei Guang, dans un certain nombre de travaux non publiés a proposé que le temps
absolu n’existait pas en japhug, et que l’emploi de toutes les catégories verbales de ces
langues pouvaient s’analyser en terme d’aspect et de modalité. Cette proposition a été
réfutée pour le dialecte de tshobdun par Jackson T.-S. Sun (1998b,1999). En japhug, si
certaines catégories sont plus aspectuelles que temporelles en ce qu’elle peuvent
s’employer au passé comme au non-passé (aoriste, imperfectif, médiatif direct) d’autres
catégories sont strictement limitées à un domaine temporel (passé imperfectif, présent,
non-passé). Les données du japhug, comme nous le montrerons, réfutent aussi
l’hypothèse de Mei Guang.
Une partie de ces catégories a déjà fait l’objet d’études dans d’autres langues telles
que le tshobdun et le zbu (Sun 2000ab; 2003), le cogtse (Lin 1993, Lin 2000, Lin 2003) et
aussi le japhug de Da-tshang dans Lin et Luo (2003). Nous aborderons tout d’abord les
temps du passé, puis les temps du non-passé, puis enfin les modalités. Ensuite, nous
consacrerons une section spéciale aux fonctions de TAM de la réduplication partielle.
Enfin, dans une cinquième partie, nous décrirons quelques autres préfixes flexionnels
indépendants des catégories TAM.
5.4.1
Passé
On distingue en japhug quatre catégories non-composées du passé : le passé
perfectif ou aoriste (AOR), le médiatif indirect passé (MIP), le passé imperfectif (PIF), le
médiatif indirect passé imperfectif (MIF) auxquelles on peut rajouter les catégories faisant
usage du préfixe asɯ- / ɤsɯ- : passé imperfectif continu (PIF:CNT) et le médiatif indirect
passé imperfectif continu (MIF:CNT). Ces catégories codent à la fois l’aspect et la
modalité.
371
L’existence de l’aoriste et du médiatif indirect passé en japhug de Da-tshang a été
notée par Lin et Luo (2003 : 20-23), où ces catégories sont appelées 完 成 體
(imperfective) et 間接示證完成體 (indirect evidential). Comme nous l’avons noté p.362,
la formation du médiatif indirect passé en japhug de Da-tshang diffèrent de celle du
japhug de kɤmɲɯ qui fait l’objet de cette étude.
thème
série
de
autre propriété
exemples
1
suffixe –t
tɤ-xti
3(3. transitif)
(1,2s transitif)
tɤ-ndzá-t-a « j’ai mangé »
4
suffixe –t
to-xti
(2s transitif)
to-tɯ-ndza-t « tu as mangé (mais je
préfixe
AOR
MIP
2
1
« il a grandi »
« il a grandi »
n’en ai pas été témoin) »
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PIF
1
MIF
1
pɯ-
suffixe –t
pɯ-xti
(2s transitif)
pɯ-ndza « si... j’aurais mangé »
« il était grand »
pjɤ-xti « il était grand (je n’en ai pas
pjɤ-
été témoin »
PIF:CNT
1, 2
pɯ-asɯ-
MIF:CNT
1, 2
pjɤ-kɤ-ɤsɯ-
pɯ-asɯ-ndza
suffixe
–cʰɯ
« il mangeait »
pjɤ-kɤ-ɤsɯ-ndzá-cʰɯ « il mangeait »
optionnel
Tableau 293 : Formation des catégories TAM du passé en japhug.
Les catégories employant le préfixe du continu (CNT) asɯ- / ɤsɯ- utilisent soit le
thème 1, soit le thème 2 (c’est aussi vrai au non-passé), mais le seul verbe pour lequel on
puisse le constater est kɤ-ti « parler », le seul verbe transitif à avoir un thème 2 distinct du
thème 1. Les formes de ce verbe sont respectivement pɯ-as-tɯt / pɯ-asɯ-ti et
pjɤ-kɤ-ɤs-tɯt / pjɤ-kɤ-ɤsɯ-ti. On peut noter la chute irrégulière du /ɯ/ lorsque le thème 2
est employé. C’est probablement là une indication que cette forme est plus archaïque et
que l’autre est analogique. Comme l’ont montré Sun et Shi (2002 : 87-88) et Sun (2003a :
497), on trouve un préfixe apparenté en tshobdun : ɐsɐ-, qui marque un progressif de
transitivité haute (high-transitivity progressive, 高及物進行體) utilisé avec les verbes
transitifs non préfixés par l’inverseur -o- (voir p. 346).
On remarque qu’à certains temps ce n’est pas le préfixe lexical du verbe qui est
utilisé, mais un préfixe imposé pɯ- ou pjɤ-. La formation du préfixe asɯ- / ɤsɯ- sera
étudiée dans le chapitre 7. Par ailleurs, pour les verbes contractes, la formation du
médiatif indirect passé et du médiatif indirect passé imperfectif est particulière et
nécessite une description spécifique. Ces catégories seront appelées MIP2 et MIF2 et
seront abordées aussi dans le chapitre 7. Toutes ces catégories emploient le négatif
passé mɯ-.
372
La marque de l’imperfectif en cogtse na- (Lin 1993 : 234, Lin 2003 : 273) et en
tshobdun nɐ- (Sun 2003a : 496) est le directionnel du bas dans ces deux langues, et est
donc structurellement équivalente au préfixe japhug pɯ-.
On rencontre dans les histoires racontées par la mère de Tshe-‘dzin (voir notamment
gesar.108), qui a plus de 70 ans, une forme anormale pour le médiatif indirect passé du
verbe kɤ-ti « dire » : kʰɯ-ti et kʰɯ-ti-nɯ, respectivement à la troisième personne du
singulier et du pluriel (formes régulières to-ti, to-ti-nɯ). Le préfixe kʰɯ- n’a pas
d’équivalent dans le reste de la langue, ni dans les autres langues rgyalronguiques.
5.4.1.1
Aoriste et imperfectif
Dans cette section, nous étudierons ensemble les particularités de l’aoriste et du
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passé imperfectif, afin de mieux mettre en valeur les contextes dans lesquels ils
s’opposent. Dans une première partie, nous traiterons de l’usage général de ces
catégories, et dans une seconde partie, nous étudierons leur usage dans les phrases
complexes.
5.4.1.1.1 Aoriste et passé imperfectif dans les phrases simples
En japhug, tous ces temps ne sont pas compatibles avec toutes les catégories de
verbes. On peut diviser les verbes en trois types.
Premièrement on distingue les verbes intransitifs, auxquels le préfixe asɯ- / ɤsɯ- ne
peut être ajouté et qui ne peuvent donc former le passé imperfectif continu et le médiatif
indirect passé imperfectif continu. Certains verbes transitifs ne peuvent pas former non
plus le médiatif indirect passé, soit parce que leur préfixe lexical est pɯ-, ce qui fait que la
forme de l’aoriste et du médiatif indirect passé est identique, soit par incompatibilité
sémantique (par exemple : kɤ-nɤsta « s’habituer » n’a pas de forme imperfective). Avec
les verbes statifs, qui correspondent aux adjectifs du français, l’emploi de l’aoriste ou du
médiatif indirect passé les rend dynamiques (ingressifs) :
(50)
tɤ-ɕi nɯnɯ
tɤ-xti
tɕe,
tɕe
ɯ-rtsɤɣ
ra
orge DML
AOR:3s:être grand
CONJ
CONJ
3s:segment
pluriel
tu-lɤt
(tɯ-sqar.53)
IPF:3s>3:jeter
Quand l’orge a grandi, il lui pousse des segments.
Seul le passé imperfectif ou le médiatif indirect passé imperfectif permettent d’exprimer un
état au passé. L’emploi de l’aoriste ou du médiatif indirect passé avec les verbes statifs
développe un sens ingressif : un événement (l’apparition d’une nouvelle situation) suivi
373
d’un état. Ainsi pɯ-xti (PIF) signifie « il était grand (il ne l’est plus) », tɤ-xti (AOR) « il a
grandi (il est peut être toujours encore grand) » (événement : devenir grand suivi d’un
état : être grand).
Deuxièmement, on distingue les verbes transitifs, qui ne peuvent pas former de
passé imperfectif pour exprimer un passé imperfectif (pour ces verbes, l’usage du passé
imperfectif est limité aux phrases hypothétiques, voir plus bas). Pour ces verbes, l’aoriste
s’oppose au passé imperfectif continu ou à la forme composée traitée plus tard :
(51)
tɯ-ɣjɤn tɕe
qɤjɣi
tɯ-rdoʁ
tɤ-ndzá-t-a *pɯ-asɯ-ndza-a
une fois CONJ
pain
morceau
AOR:1s>3s:manger
Une fois, j’ai mangé un pain.
(52)
ɯʑo jɯ-ɣe
ri
qɤjɣi tɯ-rdoʁ pɯ-asɯ-ndza-a *tɤ-ndzá-t-a79
il
CONJ
pain morceau PIF:CNT:1s>3s:manger
AOR:3s:venir
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Quand il est arrivé, je mangeais un pain.
On trouve toutefois un cas avec le verbe « se souvenir », où le préfixe pɯ- semble avoir
une valeur imperfective :
(53)
ɯʑo jɤ-ɣe
ri
ta-tɯt
il
CONJ
AOR:3s>3:dire NOM
AOR:3s:venir
nɯ
aʑo kɤ-ɕɯftáʁ-a
je
AOR:1s>3s:se souvenir
Lorsqu’il est arrivé, je me suis souvenu de ce qu’il avait dit.
(54)
ɯʑo jɤ-ɣe
ri
ta-tɯt
il
CONJ
AOR:3s>3:dire NOM
AOR:3s:venir
nɯ
aʑo pɯ-ɕɯftáʁ-a
je
PIF:1s>3s:se souvenir
Lorsqu’il est arrivé, je m’étais souvenu de ce qu’il avait dit.
Une des différences d’usage les plus facilement testables entre aoriste et passé
imperfectif est que l’aoriste s’emploie pour exprimer un procès semelfactif ou itératif
(многократный).
(55)
a-ʁi
tɯ-ɣjɤn / χsɯ-ɣjɤn
tɤ-aɕqʰe
1s:petit frère
une:fois / trois:fois
AOR:3s:tousser
Mon petit frère a toussé une fois / trois fois.
La forme pɯ-ɕɯftáʁ-a ne peut pas être considérée comme étant à l’aoriste, car il est
impossible d’ajouter tɯ-ɣjɤn « une fois » à cette phrase :
(56)
tɯ-ɣjɤn ɕe,
ta-tɯt
une fois
AOR:3s>3:dire NOM
CONJ
nɯ
aʑo kɤ-ɕɯftáʁ-a *pɯ-ɕɯftáʁ-a
je
AOR:1s>3s:se souvenir
Une fois, je me suis souvenu de ce qu’il avait dit.
L’emploi du passé imperfectif continu pɯ-asɯ-ɕɯftáʁ-a est possible dans ce
contexte comme imperfectum de conatu (cf. comme l’usage du passé imperfectif russe
уговаривал, но не уговорил) :
79
L’aoriste est tout de même possible dans cette phrase, mais l’interprétation devient différente :
« quand il est arrivé, je me suis mis à manger ».
374
(57)
ɯʑo
jɤ-ɣe
ri
ta-tɯt
nɯ aʑo pɯ-asɯ-ɕɯftáʁ-a
il
AOR:3s:venir
CONJ
AOR:3s>3:dire NOMje
PIF:CNT:1s>3s:se souvenir
Lorsqu’il est arrivé, j’étais en train (d’essayer) de me rappeler ce qu’il avait dit.
Le passé imperfectif signifie ici que l’on s’était souvenu avant que l’autre personne ne
vienne, tandis que l’emploi de l’aoriste signifie que c’est la venue de l’autre personne qui à
causé le fait que l’on se soit souvenu. Il sera toutefois nécessaire de trouver d’autres
exemples aussi clairs avant de pouvoir tirer des conclusions sur l’emploi du passé
imperfectif avec les verbes transitifs et les différences qu’il présente avec l’aoriste et le
passé imperfectif continu.
L’usage de l’aoriste et du passé imperfectif ne se limite toutefois pas aux situations
passées. Le passé imperfectif sert aussi dans les phrases contrefactuelles, comme nous
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verrons dans la section sur les modaux :
(58)
ʑatsa
tu-tɯ-ti
a-pɯ-ŋu
tɕe
aʑo pɯ-nɯmbé-t-a
tôt
MDR:2s>3 :dire
IRR:3s:être
CONJ
je
IPF :1s>3s:dédommager
ɕti
NPA:3s:être (affirmatif)
Si tu l’avais dit plus tôt, je l’aurais dédommagé.
Dans ces phrases, on peut former le passé imperfectif avec tous les verbes transitifs sans
exception, mais il ne s’agit de la même catégorie que du point de vue morphologique, pas
du point de vue syntaxique.
Contrairement au passé imperfectif qui s’emploie strictement au passé, l’aoriste est
en fait une catégorie plus aspectuelle que temporelle, car on peut l’employer couramment
pour désigner des faits non-passés, notamment dans les phrases complexes (voir
5.4.1.1.2), mais aussi dans certains énoncés exprimant une action que l’on s’apprête à
exécuter (ce dernier usage rappelle l’emploi du perfectif passé russe я пошел dans le
sens de « j’y vais ») :
(59)
nɤʑo
jɤ-ɕe,
tɕiʑo ni
tu
IMP:aller nous duel
possible
(qɤjdoskɤt.38)
nɯ-ɴɢɤ́t-tɕɯ
ma
mɤ-jɤɣ
AOR:1d:se séparer
à part
NGNP:NPA:3s:être
Pars ! Nous devons absolument nous séparer !
(60)
aʑo tɤ-tɕɯ
je
garçon
ɲɯ-ŋu-a
tɕe
a-χpɯm ʁnɯs
nɯ kɤ-tá-t-a
MDR:1s :être
CONJ
1s:genou deux
DML AOR:1s>3s:mettre
(koŋzoŋ.170)
Moi, comme je suis un garçon, je vais mettre deux genoux (sur le feu pour faire
un tripode).
375
L’aoriste sert aussi paradoxalement à décrire un événement qui se répète (et qui devra
donc se traduire par un présent ou un imparfait en français) ; dans ces cas, l’emploi de
l’aoriste indique que l’événement se produit de cette façon à chaque fois :
(61)
aʑo sɲikuku
tɤ-rɤru-a
tɕe
tɤ-lu
ku-tsʰi-a
je
AOR:1s:se lever
CONJ
lait
IPF:1s>3s:boire
tous les jours
ŋu
NPA:3s:être
Tous les jours, quand je me lève, je bois du lait (à chaque fois).
L’aoriste permet aussi d’exprimer une durée déterminée :
(62)
aʑo a-ɕɣa
je
tɯ-tsʰot
1s:dent une:heure
χsɯ-skɤrma ʑo
nɯ-χtɕi-t-a
trois:minute adv.
AOR:1s>3s:laver
Je me suis lavé les dents pendant trois minutes (mais j’ai fini de me les laver).
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Cette construction s’oppose à imperfectif + ŋu, une forme composée signifiant que l’action
est encore en cours (voir la section 5.4.2.3).
Pour exprimer les deux bornes d’une période, on est obligé de combiner aoriste et passé
imperfectif :
(63)
aʑo tɯ-tsʰot sqamŋɯs
tɕe
kɤ-rŋgɯ-a
je
CONJ
AOR:1s:dormir CONJ
heure
douze
tɕe
nɯ-mɤɕtʂa
jusqu’à maintenant
pɯ-rŋgɯ-a
PIF:1s :dormir
J’ai dormi de midi jusqu’à maintenant.
5.4.1.1.2 Aoriste et passé imperfectif dans les phrases complexes
Dans les phrases complexes, le sens de l’aoriste et du passé imperfectif peut
changer en fonction de la conjonction utilisée. Nous distinguons onze conjonctions : tɕe, ri,
nɯtɕu, ɯ-raŋ, ɕɯmɯma, qʰe, ɯ-rɯru, ɯ-tsi, ma, tɤ-kʰa, nɤ. Certaines sont d’origine
nominale (« au moment où » ɯ-raŋ, ɯ-tsi, « à l’instant où » tɤ-kʰa). La conjonction nɤ
n’est pas utilisée dans ces cas.
Nous allons décrire cinq types de phrases complexes selon le temps du verbe dans les
deux propositions (aoriste ou passé imperfectif, plus le cas de l’aoriste au futur).
Premièrement, lorsque les verbes des deux propositions sont au passé imperfectif, on
rencontre deux cas de figure. Dans le premier cas, avec les conjonctions qʰe ou tɕe, on
exprime une relation de causalité entre l’action de la première proposition et celle de la
seconde, les deux événements étant simultanés :
(64)
nɤʑo
pɯ-tɯ-rɤʑi
qʰe / tɕe
pɯ-sɤscit
tu
PIF:2s:rester là
CONJ
PIF:3s:être agréable / amusant
Comme (grâce au fait que) tu étais là, c’était amusant.
376
Dans le second cas, avec les conjonctions ri, nɯtɕu, nɯra, ɯ-raŋ et ma on exprime la
simultanéité des deux événements sans sous-entendre de causalité. La conjonction ma a
un sens différent des autres, comme on peut le constater dans les phrases ci-dessous :
(65)
nɤʑopɯ-tɯ-rɤʑi ri / nɯtɕu / nɯra / ɯ-raŋ pɯ-sɤscit
Pendant que tu étais là, c’était amusant
(66)
nɤʑo pɯ-tɯ-rɤʑi ma pɯ-sɤscit
Tu étais là lorsque c’était amusant.
Dans cette situation, les autres conjonctions ɯ-tsi, tɤ-kʰa et ɕimɯma ne sont pas
grammaticales.
Deuxièmement, lorsque le verbe de la première proposition est au passé imperfectif
et la seconde à l’aoriste, on rencontre deux cas de figure. Dans le premier cas, avec les
conjonctions qʰe et tɕe, on exprime la causalité :
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(67)
ɯʑo mɯ-pɯ-rɤʑi
il
tɕe / qʰe aʑo
NGPA:PIF:3s:être là CONJ
je
tɤ-rɤndzɤtsʰi-a
AOR:1s:prendre un repas
Comme il n’était pas là, j’ai pris un repas.
Les conjonctions ɯ-tsi, ɯ-raŋ, nɯtɕu et nɯra ne peuvent pas être utilisées seules dans
ce type de phrase, mais peuvent être employées avec tɕe :
(68)
ɯʑo mɯ-pɯ-rɤʑi
ɯ-tsi / nɯra / ɯ-raŋ / nɯtɕu
tɕe
il
CONJ
CONJ
NGPA:PIF:3s:être là
aʑo
tɤ-rɤndzɤtsʰi-a
je
AOR:1s:prendre un repas
Pendant qu’il n’était pas là, j’ai pris un repas.
Dans le second cas, avec ri et ma, on exprime une concession :
(69)
ɯʑo mɯ-pɯ-rɤʑi
ri / ma aʑo tɤ-rɤndzɤtsʰi-a
Bien qu’il n’était pas là, j’ai pris un repas.
Les conjonctions ɕimɯma, ɯ-rɯru et tɤ-kʰa ne peuvent pas être utilisées dans ce cas.
Troisièmement, lorsque la première proposition est à l’aoriste et la seconde au passé
imperfectif, on peut utiliser toutes les conjonctions sauf tɕe, qʰe et ɯ-rɯru :
(70)
ɯʑo jɤ-azɣɯt nɯra / ɯ-raŋ / ɕimɯma / ri / ma / nɯtɕu aʑo pɯ-rɤʑi-a
Quand il est arrivé, j’étais là.
Quatrièmement, lorsque les verbes des deux propositions sont à l’aoriste, on peut
utiliser toutes les conjonctions sauf ma :
(71)
ɯʑo jɤ-azɣɯt
tɕe / qʰe / ri / nɯtɕu / ɯ-raŋ / ɕimɯma / ɯ-rɯru
pɯ-mto-a
Quand il est arrivé, je l’ai vu.
Deux verbes à l’aoriste l’un après l’autre expriment des événements simultanés ou bien
successifs. Les conjonctions n’ont pas toutes le même sens : nɯtɕu implique que
l’événement ne s’est produit qu’une fois, tandis que tɕe peut signifier que la même
377
succession d’événements s’est produite plusieurs fois (auquel cas on traduira par
l’imparfait en français) :
(72)
tɤ́-ɣ-nɤmqe-a
nɯtɕu
nɯ-nɤɕqá-t-a
AOR:3s>1s:gronder
CONJ
AOR:1s>3s:supporter
(A ce moment), lorsqu’il m’a grondé, je l’ai supporté.
(73)
tɤ́-ɣ-nɤmqe-a
tɕe
nɯ-nɤɕqá-t-a
AOR:3s>1s:gronder
CONJ
AOR:1s>3s:supporter
Lorsqu’il me grondait, je le supportais / Lorsqu’il m’a grondé, je l’ai supporté.
Enfin, dans les cas où l’aoriste désigne une action se produisant dans le futur, seules
les conjonctions tɕe et qʰe peuvent être employées80 :
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(74)
ɯʑo
fso
jɤ-azɣɯt
tɕe / qʰe
aʑo
ɯ-ndzɤtsʰi
il
demain
AOR:3s:arriver
CONJ
je
3s:repas
tu-βze-a
ra
IPF:1s>3s:faire
NPA:3s:devoir
Demain, quand il arrivera, je ferai son repas.
Toutefois, les autres conjonctions ɯ-raŋ, ɯ-tsi, nɯtɕu et ɕimɯma peuvent être employées
en combinaison avec tɕe dans ces phrases.
A la différence du perfectif russe, mais comme le passé composé français, l’emploi
de l’aoriste du japhug n’est pas influencé par la télicité du verbe (en particulier, la
définitude de l’objet) : ainsi qɤjɣi tɤ-ndzá-t-a peut signifier « j’ai mangé du pain » ou bien
« j’ai mangé le morceau de pain ».
5.4.1.2
Catégories aspectuelles secondaires au passé
Nous distinguerons trois autres catégories aspectuelles du passé : les aoristes 2, les
imperfectifs composés, et l’auxillaire kɤ-rɲo « avoir fait l’expérience de ».
5.4.1.2.1 Aoriste 2
Dans cette catégorie (que nous notons AOR2 dans les gloses), le verbe ne s’accorde
pas avec les actants, bien qu’il ne s’agisse ni d’une construction impersonnelle, ni d’une
forme de nominalisation. Pour former l’aoriste 2, on préfixe au thème 1 du verbe un
préfixe -tɯ- lui-même précédé du préfixe intrinsèque du verbe à la forme 2. Le perfectif
80
Lin You-jing (communication personnelle, ‘Bar-khams, mars 2003) est à l’origine de l’idée que les
postpositions influent sur la valeur aspectuelle de l’aoriste. C’est elle qui a découvert que la valeur future
de cette catégorie verbale était liée à l’usage de ces conjonctions en japhug. Toutefois, il semble que le
fonctionnement de l’aoriste diffère légèrement entre le japhug de kɤmɲɯ et celui de Da-tshang.
378
immédiat décrit un événement se passant immédiatement avant un autre (celui-là à
l’aoriste 1) :
(75)
aʑo
pjɯ-tɯ-mto tɕe
ɯʑo
pɯ-aʁdɤt
je
AOR2:voir
il
AOR:D-bas:3s:tomber
CONJ
Dès que je l’ai vu, il est tombé.
Du fait de l’absence de marque sur le verbe, les pronoms sont fréquents dans ces
constructions pour éviter l’ambiguïté, et avec les verbes transitifs, on observe même que
les pronoms de première et de seconde personnes peuvent porter la marque
d’ergatif (sans que celle-ci soit obligatoire), alors qu’elle est normalement prohibée pour
ces pronoms :
(76)
aʑo kɯ nɯ tu-tɯ-ti
tɕe,
je
CONJ
ERG cela AOR2:dire
ɯʑo
tɤ-sɤmbrɯ
il
ɕti
AOR:3s:s’énerver
NPA:3s:être
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Dès que j’ai dit cela, il s’est mis en colère.
5.4.1.2.2 Passé imperfectif composé
Cette formation a déjà été décrite dans Lin et Luo (2003 : 22). Avec les verbes
transitifs, nous avons vu qu’il est possible de former une catégorie aspectuelle s’opposant
à l’aoriste avec le passé imperfectif ou le passé imperfectif continu dans certains cas,
mais la manière la plus courante de former l’imperfectif d’un verbe transitif, toutefois, est
un temps composé où l’on combine l’imperfectif avec le verbe être auxiliaire au passé
imperfectif pɯ-ŋu. Cette construction, a une valeur aspectuelle semblable au passé
imperfectif. Elle peut exprimer une action qui se répète dans le passé :
(77)
ta-ʁndzɤr-pu
ci
ɲɯ-nɤxtʂɯ́-ndʑɯ
tɕe
coup de cuve pour nourrir les cochons
un
IPF:3d>3:faire en passant
CONJ
tu-nɤpɣaʁláʁ-ndʑɯ
ʑo pɯ-ŋu
ɲɯ-ŋu. (koŋzoŋ.44)
IPF:3d>3:renverser dans tous les sens
adv. PIF:3s:être
MDR:3s:être
Elles lui donnaient un coup avec la cuve pour nourrir les cochons en passant et
le frappaient jusqu’à ce qu’il se roule par terre.
Ou bien une action continue qui s’est passée dans le passé pendant une période durant
un certain temps :
(78)
pɣɤtɕɯ rcánɯ
ɯ-loʁ
ŋgɯ
ntsɯ
ʁɟa-ʁɟa
ʑo
oiseau
3s:nid
intérieur
toujours
exclusivement
adv.
CONJ
ku-nɯ-rŋgɯ
pɯ-ŋu (qacʰɣa.164)
IPF:3s:MOY:dormir
IPF:3s:être
Les oiseaux restaient tout le temps dans leurs nids.
Dans les textes, on ne trouve que trois cas de passé imperfectif continu pour 35 cas de
passé imperfectif composé imperfectif + pɯ-ŋu. Il est donc clair que la forme composée
379
est la forme préférée pour exprimer le passé imperfectif des verbes transitifs, même si
plus de travail est nécessaire pour éclairer la nature de l’opposition sémantique entre les
deux catégories.
Il est également possible de former l’équivalent de ce temps composé au médiatif
indirect en employant pjɤ-ŋu au médiatif indirect passé imperfectif au lieu de pɯ-ŋu au
passé imperfectif.
5.4.1.2.3 Parfait avec l’auxiliaire kɤ-rɲo
Pour exprimer l’équivalent des adverbes « déjà » et « jamais » du français, on doit
employer une forme de passé avec l’auxiliaire kɤ-rɲo « être passé par, avoir fait
l’expérience de » à l’aoriste précédé du verbe sous la forme du nom d’action simple (NAC)
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
ou du nom d’action sans marque (NASM). La formation de cette catégorie sera expliquée
dans la section 8.3.1 p.459.
(79)
aʑo tɯ-sqar
kɤ-ndza
pɯ-rɲó-t-a
je
NAC:manger
AOR:1s>3s:faire l’expérience
tsampa
J’ai déjà mangé de la tsampa.
Au négatif, cette catégorie se traduit par « jamais » :
(80)
nɤʑo
kɯ-fse
a-ŋkʰor
nɯ
ɯ-mto
toi
NAS:ressembler
1s:serviteurs
DML
3s:NASM:voir
mɯ-pɯ-rɲó-t-a
(smɤnmi1.157)
NGPA:AOR:1s>3s:faire l’expérience
(Parmi) mes sujets, je n’ai jamais vu (de personne) telle que toi.
5.4.1.3
Le médiatif indirect
Les catégories du médiatif indirect MIP et médiatif indirect passé imperfectif ont des
emplois presque parallèles à ceux de l’aoriste et du passé imperfectif, mais expriment des
faits dont le locuteur n’a pas été témoin lui-même. C’est typiquement le temps utilisé pour
raconter des histoires, ou rapporter des informations de seconde main. La valeur
aspectuelle du médiatif indirect passé n’est pas entièrement comparable à celui de
l’aoriste : en effet, il ne peut pas être employé avec tɕe pour indiquer un moment précis :
(81)
nɯ-kʰa
ɯ-kɯ-pʰɯt
ra
to-ɣɯɣu
ntsɯ
pjɤ-ŋu,
3p:maison
3s:NAG:arracher
pl.
IPF:3s:se préparer
toujours
MIF:3s:être
tɕendɤre
nɯ tɤ-aɣɯɣu
nɯtɕu
tɕe (ɲimawozɤr.89-90)
CONJ
cela AOR:3s:se préparer
CONJ
CONJ
(des catastrophes) qui arrachaient leurs maisons étaient toujours en préparation,
et au moment où elles se préparaient...
380
Par ailleurs, comme le passé imperfectif, mais à la différence de l’aoriste, le médiatif
indirect passé peut exprimer un imperfectum de conatu :
(82)
ɯ-ɲcʰɣaʁ-thɯm
nɯ kɯ
to-sɯ-rku
nɤ
3s:récipient en écorce de bouleau
DML ERG
MIP:3s>3:puiser
CONJ
to-sɯ-rku
ri
maka
mɯ-pjɤ-khɯ
MIP:3s>3:puiser
CONJ
pas du tout
NGPA:MIF:3s:pouvoir
(tɤ-ru ʁnɯs.10)
Elle essayait de l’attraper avec son récipient en écorce de bouleau, mais elle n’y
est pas du tout parvenu.
Lin (2000 : 78) a remarqué que lors des changements d’états, le médiatif indirect
pouvait s’employer même si le locuteur était témoin du résultat du changement. Ainsi,
dans cette langue, il est possible de traduire « le riz est cuit » au moyen de cette catégorie
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
verbale aussi bien qu’avec l’aoriste :
(83)
kʰri
ká-smən / kó-smən
riz
médiatif indirect:être cuit / aoriste:être cuit
Dans ces cas, l’aoriste indique que le locuteur a été témoin de l’ensemble du
processus de cuisson (en ouvrant de temps en temps le couvercle de la casserole), tandis
que le médiatif indirect indique que le locuteur n’a observé que l’état final, le riz cuit. En
japhug, la situation est exactement la même :
(84)
tɯ-mgo
ko-smi / kɤ-smi
riz
MIP:3s:être cuit / AOR:3s:être cuit
Le médiatif indirect passé ne permet pas non plus d’exprimer un perfectif futur dans
des phrases subordonnées comme l’aoriste.
Le médiatif indirect n’est pas compatible avec la première personne, puisqu’il
implique un savoir appris par l’intermédiaire de quelqu’un d’autre, sauf lorsque le locuteur
n’a pas eu conscience de l’action (par exemple, il était ivre ou malade ou n’a pas fait
exprès) et qu’on lui a raconté, qu’il a vu les résultats par la suite, comme c’est le cas en
tibétain de l’Amdo (Sun 1993: 964) :
(85)
qa-pri
ci
pjɤ-rɤtɕáʁ-a
serpent
un peu
MIP:1s>3s:marcher sur
J’ai marché sur un serpent (sans le faire exprès).
C’est aussi le cas du verbe kɤ-jmɯt « oublier », pour lequel il est requis d’employer le
médiatif indirect passé ɲɤ-nɯ-jmɯ́t-a « j’ai oublié » plutôt que l’aoriste.
Le médiatif indirect passé peut servir à rapporter un « oui-dire » :
(86)
<xinwen>
ŋgɯ
<zongtong> ɲɤ-si
ɲɯ-ti
informations
intérieur
président
MDR:3s>3:dire
MIP:3s:mourir
Aux informations (à la télévision) on a dit que le président était mort.
Dans une telle phrase, l’emploi de l’aoriste est impossible. On peut accentuer le sens
de « ouï-dire » en employant la particule kʰi :
381
(87)
a-ri
tɤ-scos
pjɤ-rɤt
kʰi
1s:petit frère
lettre
MIP:3s>3:écrire
particule modale
Mon frère a écrit une lettre (quelqu’un me l’a dit).
Mais à part le ouï-dire, le MIP et le MIF permettent d’exprimer une action que l’on
devine à partir de traces observables, comme pour l’inférentiel du tibétain bzhag (voir la
note de Tournadre dans la traduction française de Kesang Gyurme 1992 : 227). C’est le
cas dans cette phrase tirée de Dahl (1985, #60) :
(88)
kɯ-mɯrkɯ nɯ
kʰɯɣɟɲɯ ŋgɯ
lo-ɣi
ɲɯ-ŋu
NAG:voler
fenêtre
MIP:D-amont:3s:venir
MDR:3s:être
DML
intérieur
Le voleur est entré par la fenêtre (phrase du policier ayant constaté des
empreintes sous la fenêtre).
En cogtse, il ne semble pas que l’emploi du médiatif indirect soit obligatoire dans ces
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
cas, comme on peut le constater dans l’adaptation de cette phrase par Lin (2000 : 107) où
une structure nominalisée est privilégiée :
(89)
kə-ʃmo tə
ʃtə
wə-kamtsa
wə-ngu-s
voleur
démonstratif
3s:fenêtre
3s:intérieur
déterminant
ko-kə-pi
nə́-ŋos
NACP:venir
AOR:3s:être
Enfin, le médiatif indirect passé imperfectif permet aussi d’exprimer la découverte d’une
chose nouvelle81. Cet usage n’est pas médiatif indirect à proprement parler.
(90)
pjɤ-mpɕɤr
nɯ !
MIP:3s:être beau
particule.
C’est beau (je ne m’en aperçois que maintenant).
5.4.2
Les catégories du non-passé (futur et présent)
Pour exprimer le présent et le futur, on trouve quatre catégories, que nous
appellerons non-passé (NPA), l’imperfectif (IPF), le médiatif direct (MDR) et le présent
(PRE), certains pouvant être adjoint du préfixe aspectuel continu (CNT) asɯ- / ɤsɯ-.
chacune de ces catégories emploie le thème 3.
Une analyse de la formation de l’imperfectif a été déjà proposée pour le japhug de
Da-tshang dans Lin et Luo (2003 : 22, 24).
81
Lin You-jing (communication personnelle, ‘Bar-khams, mars 2003) a découvert cet usage du médiatif
indirect passé imperfectif qu’elle appelle « miratif ».
382
thème
série
de
exemples
préfixe
NPA
3
-
ndze « il mange, il va manger »
IPF
3
2
tu-ndze « il mange »
MDR
3
ɲɯ-
ɲɯ-ndze « il mange (je le vois) »
PRE
3
ku-
ku-ndze « il est en train de manger »
MDR:CNT
1, 2
ɲɯ-ɤsɯ-
ɲɯ-ɤsɯ-ndza « il mange (je le vois) »
PRE:CNT
1, 2
ku-ɤsɯ-
ku-ɤsɯ-ndza « il est en train de manger »
Tableau 294 : Formation des catégories TAM du non-passé en japhug.
En cogtse, on trouve un imperfectif en ko- et thème 2, qui ressemble partiellement au
présent continu, et la catégorie « observationnel » en na- et thème 1, dont l’usage
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
ressemble au médiatif direct. Dans les deux langues, les préfixes directionnels est-ouest
servent donc à marquer la distinction entre deux catégories du non-passé.
On utilise le négatif non-passé mɤ- (NGNP) pour le non-passé, mais pour les autres
catégories, on se sert du négatif passé mɯ- (NGPA). Au médiatif direct, il existe deux
formes négatives concurrentes : une forme fusionnée mɯ́-j-mpɕɤr, et une forme
analytique mɯ-ɲɯ-mpɕɤr « il n’est pas beau ». La forme fusionnée est toujours
accentuée. Elle se retrouve dans le japhug de gSar-rdzong comme mɛ́j-, et l’on ne sait
pas exactement quelle reconstruction proposer en proto-japhug pour ce préfixe. La forme
analytique est certainement plus tardive (une recréation analogique).
5.4.2.1
Présent
Le présent (PRE) exprime une action en cours de déroulement. Avec les verbes dont
le préfixe directionnel lexical est celui de l’est kɯ- / ku-, le présent n’est pas distinct de
l’imperfectif. Le présent décrit un état ou un processus incluant le moment du l’énonciation
(dans l’exemple ci-dessous le verbe kɤ-nɤma « travailler » emploie les préfixes tɤ- et nɯet non kɤ-, il ne peut donc pas s’agit de l’imperfectif) :
(91)
a-ʁi
qala
nɯtɕu
tɕʰi
ku-tɯ-nɤme (qala kɯ-ɕqraʁ.10)
petit frère
lapin
là
quoi
PRE:2s>3:travailler
Mon petit lapin, qu’es-tu en train de bricoler là ?
Toutefois, on peut aussi se servir de cette catégorie pour exprimer une action habituelle,
qui peut être un événement, comme dans la phrase ci-dessous :
(92)
aʑo
tɯ-tsʰot kɯ-ɕnɯs
tɕe
ku-rɤru-a
je
heure
CONJ
PRE:1s:se lever
sept
Je me lève à sept heures (d’habitude).
Cette catégorie s’emploie exclusivement au présent. L’usage d’adverbes tels que
383
jɯfɕɯr « hier » ou fso « demain » est impossible avec cette catégorie, ce qui est la preuve
que le temps absolu joue un rôle dans le fonctionnement du système TAM du japhug
(pace Mei Guang).
La distinction entre présent et présent continu (PRE:CNT) n’est pas claire, mais le
présent continu ne peut s’employer que pour des actions en cours de déroulement et non
des actions habituelles :
(93)
ɯʑo
kɯ
tɤ-scos pɤjkʰɯ
ku-ɤsɯ-rɤt
ɕti
il
ERG
lettre
PRE:CNT:écrire
NPA:3s:être
encore
Il est encore en train d’écrire sa lettre.
(94)
tʰamtʰam
aʑo jɤ-ɣe-a
maintenant
je
ɯ-qʰu
AOR:1s:venir 3s:après
lɤβzaŋ
ɯ-ɕki
bLo-bzang
3s:DAT
ku-ɤsɯ-ti
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
PRE:CNT:3s>3:parler
Maintenant que je suis venu, bLo-bzang est en train de lui parler.
Au présent continu, l’objet ou un actant au datif ne peuvent être à la troisième
personne. Il est donc impossible de dire *a-ɕki ku-ɤsɯ-ti, on doit dire a-ɕki ku-ti « il est en
train de me le dire ».
Avec le présent, on ne peut employer que les conjonctions ɯ-kʰɯkʰa, tɕe, qʰe, ri et
ma. Avec ɯ-kʰɯ-kʰa « en même temps » et deux propositions au présent, on décrit deux
processus se produisant en même temps, avec tɕe et qʰe on introduit une relation causale
entre les deux propositions, et avec ri et ma on développe un sens adversatif :
(95)
ɯʑo
tɯ-ci
ku-tsʰi
ɯ-kʰɯ-kʰa
qɤjɣi
il
eau
PRE:3s>3:boire
CONJ
pain
ku-ndze
PRE:3s>3:manger
En même qu’il boit de l’eau, il mange du pain.
(96)
aʑo qɤjɣi
ku-ndze-a
je
PRE:1s>3s:manger CONJ
pain
tɕe / qʰe
nɤʑo
mɤ-kɤ-ndza
tu
NGNP:NAC:manger
me
NPA:3s:ne pas y avoir
Comme je mange du pain, tu ne peux pas ne pas en manger.
(97)
aʑo qɤjɣi
ku-ndze-a
je
PRE:1s>3s:-manger CONJ
pain
ri / ma
nɤʑo
mɯ́-j-tɯ-ndze
tu
NGPA:MDR:2s>3:manger
Moi je mange du pain, mais toi tu n’en manges pas (en ce moment).
5.4.2.2
Médiatif direct
Cette catégorie (notée MDR) s’emploie pour une action dont on a été témoin de ses
384
propres yeux. Avec les verbes dont le préfixe directionnel lexical est celui de l’ouest nɯ- /
ɲɯ-, le médiatif direct n’est pas distinct de l’imperfectif.
En cogtse, la catégorie « observationnel » (Lin 2000 : 82) à laquelle correspond le
médiatif direct a comme particularité de ne pas être compatible avec la première
personne, à moins que le verbe soit non-volitionnel. On retrouve une tendance similaire
en japhug. Ainsi, pour traduire le français « je suis grand », il convient de dire aʑo mbro-a
au NPA, la forme *ɲɯ-mbro-a étant incorrecte. Avec les verbes transitifs, cette contrainte
s’observe aussi : on peut dire ndze-a « je mange(rai) » mais non *ɲɯ-ndze-a.
Cette contrainte est également valable avec les noms ayant un possessif à la
première personne comme on peut le constater pour les deux exemples suivant tiré de
Dahl (1985 : #1, #2) :
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(98)
ki
kʰa
ki
uɣma
ɲɯ-xti
DMP
maison
DMP
très
MDR:3s:être
Cette maison est grande (maison devant laquelle on se trouve).
(99)
a-kʰa
uɣma
xti
1s:maison
très
NPA:3s:être
Ma maison est grande.
Dans ces exemples, lorsque l’on parle d’une maison visible du locuteur et de
l’interlocuteur, on emploie le médiatif direct, mais pour désigner sa propre maison, on
emploie le non-passé. Avec des prédicats exprimant des actions dont le locuteur n’aurait
pas voulu qu’elles se produisent, le médiatif direct est en revanche possible :
(100)
a-xtu
ɲɯ-mŋɤm
1s:ventre
MDR:1s:malade
J’ai mal au ventre.
(101)
aʑo
ɲɯ-ngo-a
je
MDR:3s:être malade
Je suis malade.
Avec les noms de degré en tɯ- (voir la section 8.2.1 p.448), le médiatif direct est
prohibé aussi à la première personne :
(102)
ɯ-tɯ-pe (*a-tɯ-pe)
ɲɯ-saχaʁ
3s:NDtɯ:être bien
MDR:3s:extrêmement
Il va très bien.
Lin (2000 : 82) pense qu’en cogtse les prédicats à « l’observationnel » ne sont
compatibles avec la première personne que dans le cas d’actions non-volitives ou
inconscientes, dont les exemples ci-dessus font parties. Toutefois, il n’est pas encore clair
dans l’état de nos recherches si en japhug également toutes les actions non-volitives ou
inconscientes à la première personne peuvent être marquée par le médiatif direct. La
contrainte sur la première personne peut sembler paradoxale pour une catégorie qui
385
décrit une situation dont on a été témoin de ses propres yeux. En fait, cette catégorie
verbale sert à décrire une situation que l’on a observée, mais pas une action que l’on a
entreprise de son propre gré.
Dans les textes, on ne trouve que très peu d’emploi du médiatif direct à la première
personne, et en voici la liste exhaustive :
(103)
nɤʑo
nɤ-sni
ɲɯ-ɲaʁ
ma
aʑo a-sni
CONJ
je
mɯ́-j-ɲaʁ
tu
2s:cœur MDR:3s:noir
tɕɤn
ɬandʐi
uɣma
nɯ
nɤʑo
ɲɯ-tɯ-ŋu
ma
CONJ
démon
très
DML
tu
MDR:2s:être
CONJ
1s:cœur NGPA:MDR:3s:noir
aʑo
ɬandʐi
ɲɯ-máʁ-a
je
démon
MDR:1s:ne pas être
(ɬandʐi.10-11)
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Ton cœur à toi, il est noir, le mien il n’est pas noir ; le vrai démon c’est toi, moi je
ne suis pas (un vrai) démon (le démon fait la morale au moine qui veut tuer un
mouton d’un coup de hache).
(104)
aʑo
tɤ-tɕɯ
ɲɯ-ŋu-a
tɕe
a-χpɯm
ʁnɯs
nɯ
je
garçon
MDR:1s:être
CONJ
1s:genou
deux
DML
kɤ-tá-t-a
(tɤ-ru ʁnɯs.170)
AOR:1s>3s:mettre
Etant donné que je suis un garçon, je mettrai deux genoux.
(105)
a-zda
tɕʰeme ɲɯ-ŋu
1s:compagnon fille
MDR:3s:être
tɕe
ɯ-χpɯm
ɯ-ntsi
CONJ
3s:genou
3s:un d’une paire
ka-ta
aʑo tɤ-tɕɯ
ɲɯ-ŋu-a
tɕe
AOR:3s>3:mettre
je
MDR:1s:être
CONJ 1s:genou droite et gauche
kɤ-tá-t-a
tɕe (koŋzoŋ.174-175)
AOR:1s>3s:mettre
CONJ
garçon
a-χpɯm cʰoʁe
Ma compagne étant une fille, elle mettra un genou, étant donné que je suis un
garçon, je mettrai deux genoux, l’un à droite, l’autre à gauche.
(106)
ɯ-smɤt ɲɯ-ɕi-a
ri
qʰlɯ ʁdɯxpa-kɤrpu
ɯ-me
ɲɯ-ŋu-a,
3s:bas
IPF:D-est :1s:aller
CONJ
klu gdug pa dkar po
3s:fille
MDR:1s :être
ɯ-stɤt
ɲɯ-ɕi-a
ri
tɕʰeme ci
ɲɯ-ɕti-a
tɕe.
3s:haut
IPF:D-est :1s:aller
CONJ
fille
MDR:1s :être
CONJ
une
(gesar.44-46)
Si je vais vers le bas, (ils sauront que) je suis la fille de klu-gdug-pa-dkar-po, si je
vais en bas, (il penserons que) je suis une (fille commune).
(la princesse qui pense ces paroles vient d’avoir été abordée par des chasseurs qui lui ont dit
« si tu es une fille de haut caste momtʰa (mo mtha’), va vers le bas, si tu es une fille de basse
caste morɤβ (mo rabs), va vers le bas. »)
386
(107)
aʑo tɕʰeme ɲɯ-ŋu-a
tɕe
rŋɯl
qaɕpa
je
CONJ
argent
grenouille une NPA:3s:y avoir
fille
MDR:1s:être
tɕe
nɯ
tʰɯ-mqláʁ-a
CONJ
DML
ci
ɣɤʑu
(ɲimawozɤr.144)
AOR:1s>3s:avaler
Il y avait une grenouille d’argent, et étant donné que je suis une fille, je l’ai avalée
(la fille avale la grenouille d’argent, le garçon avale la grenouille d’or).
Ces cinq exemples de médiatif direct avec la première personne ont comme point
commun d’avoir des verbes copules kɯ-ŋu, kɯ-maʁ et kɯ-ɕti. Il ne peut pas s’agir
d’imperfectifs car ces verbes ont tɤ- / tu- comme préfixe lexical. Dans les exemples (103)
et (106), le locuteur se met dans la position de quelqu’un qui se découvre une nouvelle
identité : le démon dit qu’il n’est pas un vrai démon, la princesse pense à la manière dont
les chasseurs vont interpréter son identité en fonction du chemin qu’elle va prendre, et se
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place donc de leur point de vue. Dans les autres exemples, nous avons toujours traduit
ɲɯ-ŋu-a « étant donné que je suis » : le locuteur se place d’un point de vue général : il
présente (dans trois histoires différentes) la façon dont un garçon ou un fille doit se
comporter. Dans ces cinq exemples, le locuteur prend un point de vue extérieur sur
lui-même, ce que permet d’exprimer l’emploi du médiatif direct.
Outre le présent comme dans les exemples ci-dessus, le médiatif direct peut
s’employer dans des contextes passés, comme « l’observationnel » du cogtse.
(108)
jɯfɕo
ʑatsa
ce matin tôt
kɤ-ɣe-a
matɕi
ɲɯ-tɯ-ngo
AOR :D-est :1s :venir
CONJ
MDR:2s:être malade
Ce matin, comme tu étais malade, je suis venu un peu plus tôt.
(109)
jɯfɕɯr kʰa
pɯ-mto-j
nɯ
uɣma
ɲu-xti
hier
AOR:1p>3:voir
NOM
très
MDR:3s:grande
maison
(Dahl 1985 : #4, japhug)
La maison que nous avons vu hier était très grande.
(110)
wətə
wə-tʃim
na-kə́kte (Dahl 1985 : #4, cogtse)
DML
3s:maison
observationnel:être grand
Cette maison était grande.
Les phrases (109) et (110) sont des phrases tirées du questionnaire de Dahl (1985).
La phrase cogtse est tirée de Lin (2000, appendice 1). Ces phrases sont traduites de
façon légèrement différente, car le contexte est plus explicite dans la version japhug que
dans la version cogtse, mais il est remarquable de noter que l’on obtient le médiatif direct
en japhug et à l’observationnel en cogtse dans le même contexte.
Le médiatif direct continu, avec le préfixe continu ɤsɯ- / asɯ-, peut servir à marquer
un imperfectif passé :
387
(111)
jɯfɕɯr aʑo jɤ-ɣe-a
hier
je
ri
AOR:1s:arriver CONJ
lɤβzaŋ
ɯ-ɕki ɲɯ-ɤsɯ-ti
bLo-bzang
3s:DAT MDR :CNT:3s>3:dire
Hier, quand je suis arrivé, il en parlait à bLo-bzang (je l’ai vu).
On pourrait aussi employer le PIF:CNT pɯ-asɯ-ti dans ce contexte. Il n’y aurait alors
aucune indication que le locuteur a été témoin de la scène.
Enfin, un comportement curieux du médiatif direct est qu’il est possible d’ajouter la
particule modale kʰi indiquant le ouï-dire (et donc normalement le médiatif indirect) après
des verbes conjugués au médiatif direct :
(112)
tɤ-ndɤɣ pɯ-kɤ-ʁeʁe
kɯ-fse
nɯnɯ
poison
NACP:arriver à boire
NAS:se passer de cette manière
DML
ra
tɕe
tɕendɤre
nɯ
pluriel
CONJ
CONJ
DML NAS:avoir de l’effet
kɯ-pʰɤn
ɲɯ-ŋu
kʰi
MDR:3s:être particule
(kuwu.20)
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On dit qu’il est efficace pour tous les cas où l’on a bu du poison.
(113)
uɣma
ʑo
ɲɯ-mbat
kʰi
tɕe
très
adv.
MDR:3s:facile
particule CONJ
(kɯ-ju jmɤlu.3)
On dit que c’est (le bois) le plus facile (à couper).
Cette anomalie apparente peut s’exprimer si l’on considère que l’on rapporte des paroles
de quelqu’un qui a lui-même été témoin du fait en question, et qui a donc utilisé le médiatif
direct : on ne fait que rapporter ses paroles.
5.4.2.3
Imperfectif
L’imperfectif exprime une situation habituelle, qui peut être état, processus ou
événement. Il se distingue des autres temps du non-passé en ce qu’il est le temps
privilégié avec lequel on forme l’impersonnel en ɣ- des verbes transitifs. Dans notre
corpus, on ne trouve pas d’exemple de présent continu ou de médiatif direct avec ce
préfixe. L’imperfectif avec le préfixe ɣ- est la forme verbale la plus courante dans les
textes procéduraux dont nous citons ici un exemple tiré de l’histoire « Comment préparer
la rTsam-pa » tɯ-sqar.123-127 :
(114)
tɕʰɯrtsɤm
kɯ-maʁ
nɯ tɕe
tɕe
tú-ɣ-χtɕi
chu-rtsam
NAG:ne pas être
NOMCONJ
CONJ
IPF:IPS:3>3s:laver
qʰe
iɕqʰa
tɤ-tɯ́t-a
nɯ tú-ɣ-stu
CONJ
à l’instant AOR:1s>3s:dire NOM IPF:IPS:3>3s:faire d’une certaine manière
qʰe nɤkínɯ qambɯt ɯ-ŋgɯ
nɯ tɕu cʰɯ́-ɣ-rŋu
qʰe
CONJ CONJ
DML LOC IPF:IPS:3>3s:frire
CONJ
sable
3s:intérieur
rŋɤmboʁ
tɤ-aβzu
tɕe
qʰe
lú-ɣ-tɕɤt,
grains explosés
AOR:3s:être fait
CONJ
CONJ
IPF:IPS:3>3s:retirer
388
qʰe
nɯnɯ nɯ-mɯɕtaʁ
CONJDML
AOR:3s:être froid
cʰɯ́-ɣ-ɣndʑɯr
ʑo qʰe
tɕe
nɯkóʁmɯs
adv. CONJ
CONJ
tout de suite
ma
IPF:IPS:3>3s:réduire en poudreCONJ
nɤki
mɤ-kɯ-mɯɕtaʁ
nɯ
CONJ
NGNP:NAS:être froid
NOM
cʰɯ́-ɣ-ɣndʑɯr
tɕe
tɕendɤre
ʑaʑa
ʑo
IPF:IPS:3>3s:réduire en poudre
CONJ
CONJ
longtemps avant
adv.
ɲɯ-tɯl
tɕe
tɯ-sqar mɯ-ɲɯ-mɯm
IPF:3s:devenir mauvais à manger
CONJ
rtsampa
NGPA:MDR:3s:être bon
ŋu.
NPA:3s:être
Les (types de) rtsampa qui ne sont pas du « chu-rtsam », on les lave, on fait ce
que je viens de dire, on les fait frire dans du sable, et lorsque les grains
explosent, on les enlève, et lorsqu’ils ont refroidi, on les réduit en poudre tout de
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suite, car lorsqu’on réduit en poudre des grains qui ne sont pas froids, ils
deviennent mauvais à manger et la rtsampa n’est pas bonne.
L’imperfectif peut s’utiliser également dans les énoncés performatifs, dans lesquels
l’énoncé lui-même réalise un action (exemple tiré de Dahl #125) :
(115)
kɯ-jŋu
pjɯ-te-a
jɤɣ
ma
fso
promesse
IPF:1s>3s:mettre
NPA:3s:être possible
CONJ
demain
tɕe
nɤ-kʰa
ɣi-a
CONJ
2s:maison
NPA:1s:venir
Je te promets que j’irai demain chez toi.
Avec l’auxiliaire être pɯ-ŋu, pjɤ-ŋu, ɲɯ-ŋu ou ŋu, l’IPF permet d’exprimer une
situation habituelle au passé ou au présent (voir en particulier 5.4.1.2 sur le passé
imperfectif composé). L’usage du médiatif direct ou indirect permet de préciser si l’on a
été ou non témoin de l’action :
(116)
aʑo japa
sɲikuku
tɯ-tsʰot kɯ-tʂɤɣ tɕe
je
tous les jours
heure
l’année dernière
six
tu-tɤru-a
CONJ IPF:3s:se lever
pɯ-ŋu
tʰamtʰam
tɕe
tɯ-tsʰot kɯ-ɕnɯs
tɕe
PIF:3s:être
maintenant
CONJ
heure
CONJ
tu-rɤru-a
ŋu.
IPF:3s:se lever
NPA:3s:être
sept
L’année dernière, je me levais tous les jours à six heures, maintenant je me lève à sept
heures.
Avec l’auxiliaire ŋu, l’imperfectif exprime également une situation persistante, en précisant
la durée pendant laquelle l’action s’est déjà produite, c’est à dire un événement
(correspondant au début de l’action à un temps précis) suivi d’un état ou d’un processus
non-borné (il s’oppose en cela à l’aoriste, qui exprime dans ce type de phrase une action
achevée voir (62)).
389
(117)
aʑo a-ɕɣa
tɯ-tsʰot χsɯ-skɤrma ʑo
ɲɯ-χtɕi-a
je
heure
IPF:1s>3s:laver NPA:3s:être
1s:dent
trois:minutes
adv.
ŋu
Cela fait trois minutes que je me lave les dents (je n’ai pas fini).
Comme l’aoriste ou le non-passé, l’imperfectif peut servir à exprimer une action que l’on
s’apprête à exécuter (événement) :
(118)
nɤ-ki
nɯ aʑɯɣ
ŋu
tɕeri
ɲɯ-ta-mbi (koŋzoŋ.42)
2s:DMP
DML 1s:GEN
NPA:3s:être
CONJ
IPF:1>2s:donner
Cette chose avec toi est à moi, mais je te la donne.
Enfin, avec les verbes de déplacement, l’imperfectif est parfois un non-passé déguisé, où
le préfixe n’est là que pour indiquer la direction. Ainsi lu-ɕi-a, forme apparemment à
l’imperfectif, peut signifier « je vais vers l’amont » comme s’il s’agissait d’une forme de
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non-passé.
5.4.2.4
Non-passé
Le non-passé (NPA) en japhug peut s’appliquer à diverses situations au futur et au
présent, tout comme le non-passé du tshobdun (Sun 2003: 496) ou du cogtse (Lin 2003 :
258). Cette catégorie peut s’employer pour décrire des situations génériques :
(119)
ɯʑo ɕɤrwa
ɲɯ-ŋu
tɕɤn
paʁ-ɕa
il
MDR:3s:être
CONJ
viande de porc NGNP:NPA3s>3:manger
musulman
mɤ-ndze.
Comme il est musulman, il ne mange pas de viande de porc.
Elle peut s’utiliser pour les situations habituelles : mbro-a « je suis grand », et des
situations présentes :
(120)
tɤ-rɤru
ma
aʑo
mbɣóm-a (koŋzoŋ.44)
IMP:s:se lever
CONJ
je
NPA:1s:être pressé
Lève-toi, car je suis pressée.
Enfin, le non-passé peut s’employer pour exprimer le futur, qu’il soit proche ou lointain. A
la différence de l’aoriste, qui ne permet d’exprimer au futur qu’un événement, et qui doit
être suivi d’une autre proposition, le non-passé peut s’employer avec des états et des
processus aussi :
(121)
ta-nɯmɢla
ɕti
ma
aʑo ɕi-kɤ-pjɤl
NPA:1>2s:marcher dessus
NPA:3s:être
CONJ
je
HIN:NAC:contourner
mɤ-tsu-a (koŋzoŋ.17)
NGNP:NPA:1s:avoir le temps
Je t’enjamberai, car je n’ai pas le temps de te contourner.
(122)
fso
tɕe
nɤ-kʰa
ɣi-a
demain
CONJ
2s:maison NPA:1s:venir
Demain, je viendrai chez toi.
390
5.4.3
Les catégories modales
On distingue trois catégories qui marquent différents types de modalités particulières.
Ce sont l’impératif (IMP), l’irréel (IRR) et l’irréel imperfectif (IRRIP).
thème
série de
exemples
préfixe
IMP
3
1
tɤ-ndze « mange ! »
IRR
3
1
a-tɤ-ndze « s’il mange »
IRRIP
3
pɯ
a-pɯ-mbro « s’il était grand »
Tableau 295 : Formation des catégories TAM de mode en japhug.
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Lin Xiangrong (1993 : 241-244) a présenté brièvement le fonctionnement de
l’impératif et de l’irréel en cogtse, Jackson T.-S. Sun (1998b, 2000b) a proposé une
description très approfondie de leur fonctionnement, et Lin You-jing (2000) a appliqué la
méthode de Sun (2000b) à l’étude du cogtse.
Dans ces trois catégories, comme dans l’ensemble des langues rgyalronguiques, le
thème 3 n’est différent du thème 1 qu’au singulier des verbes transitifs.
L’impératif indique toujours la seconde personne, mais on peut lui adjoindre les
suffixes de nombre –nɯ et –ndʑɯ. Il indique un ordre à réaliser immédiatement, et en
cela s’oppose au jussif. La forme négative de l’impératif se forme de la façon suivante :
préfixe négatif ma- + préfixe directionnel de série 1 + préfixe de seconde personne tɯ- +
verbe au thème 3. Par exemple, avec le verbe kɤ-ndza « manger » :
(123)
qɤjɣi tɤ-ndze / tɤ-ndzá-ndʑɯ / tɤ-ndzá-nɯ
Mange / mangez du pain.
(124)
qɤjɣi ma-tɤ-tɯ-ndze / ma-tɤ-tɯ-ndzá-ndʑɯ / ma-tɤ-tɯ-ndzá-nɯ
Ne mange pas / ne mangez pas de pain.
L’irréel peut servir de jussif, où un ordre est donné à une personne à laquelle le locuteur
ne s’adresse pas directement :
(125)
a-tɤ-ɕime
stu ku-xti
a-lɤ-ɣi
ɲɤ-ra (koŋzoŋ.236)
1s:jeune fille
plus NAS:grande
IRR :D-aval:3s:venir
MIP:3s:devoir
Que vienne la fille aînée !
Par ailleurs, l’irréel permet d’exprimer un impératif distal (comme en tshobdun et en
cogtse, Sun 2000b, Lin 2000) lorsqu’il est utilisé à la seconde personne. La différence est
que l’irréel indique une tâche qu’on devra accomplir dans le futur à un moment précis :
391
a-ɣɯ-lɤ-kɯ-sɯ-mtsʰám-a
(126)
ma
HER:IRR:D-amont:CAU:2s>1s:entendre CONJ
aʑo
ɣi-a
je
NPA:1s:venir
ra (koŋzoŋ.132-133)
NPA:3s:devoir
(A ce moment là), tu (devras) m’informer car je viendrai.
La phrase ci-dessous montre la différence d’usage entre les deux types d’impératifs :
un des ordres est à accomplir immédiatement, l’autre est à accomplir à un moment
déterminé du futur :
(127)
nɤʑo
χwɤr
kɤ-ɕe
tɕe
saŋtɕɤn-mbrɯɣmu
tu
Hor
IMP:s:aller
CONJ
sangs-chen-‘brug-mo
ɯ-ɲɯ́-ɣi
nɤ
QU:IPF:D-ouest:3s:venir CONJ
a-tɤ-tɯ-tʰe
(gesar.335)
JUS:2s>3:demander
Vas à Hor, et (lorsque tu arriveras là-bas), demande si Sangs-chen-‘brug-mo (la
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
femme de Gesar) va revenir chez nous (à l’ouest).
Dans cette phrase, la forme à l’imperfectif ɯ-ɲɯ́-ɣi est en fait un non-passé auquel
on a rajouté un préfixe directionnel pour préciser la direction (voir la fin de la section
5.4.2.3).
Avec les verbes statifs, on peut former une forme imperfective d’irréel : ainsi la forme
imperfective a-pɯ-mbro « s’il était grand » peut s’opposer à la forme normale a-tɤ-mbro
« s’il devenait grand ».
L’irréel est aussi employé dans les conditionnelles, mais nous n’étudierons cet emploi
que dans la section 5.4.4.1, où l’irréel et la réduplication partielle seront comparés.
5.4.4
Les fonctions flexionnelles de la réduplication partielle
Comme nous l’avons montré dans le chapitre 2, la réduplication partielle est un
processus phonologique d’une grande importance pour analyser la structure de la syllabe.
Comme le fonctionnement morphophonologique de ce processus a déjà été décrit
exhaustivement dans le chapitre 2, nous n’aborderons ici que ses fonctions
morphosyntaxiques. Lorsque la réduplication partielle a une fonction flexionnelle, la
première syllabe du verbe subit la réduplication82, tandis que lorsqu’elle a une fonction
dérivationnelle, c’est la dernière syllabe de la racine qui la subit.
La réduplication partielle a trois fonctions verbales flexionnelles et deux fonctions
dérivationnelles, lesquelles seront étudiées dans la section 6.7 p.413. Parmi les fonctions
82
C’est là la preuve qu’il s’agit bien d’un procédé morphologique flexionnel (voir l’appendice C) car les
procédés morphologiques flexionnels sont placés plus loin de la racine que les procédés dérivationnels,
et comme la réduplication partielle s’applique dans ces cas à la première syllabe, c’est le préfixe le plus
éloigné de la racine, qui appartient à la même cas que le préfixe a- irréel ou le préfixe ɯ́- interrogatif.
392
flexionnelles, on distingue les subordonnées hypothétiques, l’expression d’une
augmentation (de plus en plus) et l’expression de la répétition (à chaque fois).
5.4.4.1
Subordonnées conditionnelles : réduplication / irréel
Dans ce type de subordonnées, la réduplication partielle est utilisée pour construire
une forme verbale hypothétique correspondant au « si » du français. Dans ces contextes,
elle ne s’oppose qu’à une seule autre forme verbale : l’irréel. Dans ces subordonnées, le
verbe rédupliqué est toujours suivi de la conjonction nɤ.
(128)
ɯʑo
jɯ-jɤ-azɣɯt
nɤ
pjɯ-ta-sɯ-mtsʰɤm
il
RED:AOR:3s:arriver CONJ
IPF:1>2s:CAU:entendre
S’il était venu, je te l’aurais dit.
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(129)
CONJ
jɯfɕɯr nɤʑo
nɤ-kɤ-nɤma
nɯstʰi
hier
tu
2s:NAC:travailler autant
RED:NGPA:PIF:3s:être dur
nɤ
nɤʑo
jisŋi
mɤ-tɯ-ɲɤt
tu
aujourd’hui
nɯstʰi
autant
ci
mɯ-mɯ-pɯ-ɴqa
un NGNP:NPA:2s:être fatigué
Si tu n’avais pas travaillé autant hier, tu ne serais pas aussi fatigué maintenant
(litt. : si ton travail n’avais pas été aussi dur).
Comme le montrent ces deux exemples, l’usage de la réduplication partielle recouvre
à la fois les subordonnées conditionnelles réelles et irréelles (Lin 2000 : 86-87), et prend
le pas sur celui de l’irréel. Comparons la phrase suivante tirée de l’ouvrage de Dahl (1995,
#106) en japhug et en cogtse de Lin (2000) :
(130)
jɯfɕɯr
tɤ-potso ɯ-rŋɯl
jɯ-jɤ-azɣɯt
nɤ
hier
garçon
RED:AOR:3s:arriver
CONJ
3s:argent
ɯ-tɕʰeme-χti
ɣɯ
ɯ-tɤ-poro
χti
3s:fille-amie
GEN 3s:cadeau NPA:3s>3:acheter
Hier, si le garçon avait obtenu l’argent, il aurait acheté un cadeau pour son amie
(le garçon attendait une somme d’argent mais ne l’a pas obtenue).
(131)
məʃer
poŋi ́
a-nə́-pja-w
ti
tə-mi
ta-pu
Hier
argent
IRR:3s>3:obtenir
CONJ
fille
enfant
wə-swɐ
te
kî-w (cogtse, Lin 2000 : 87)
3s:cadeau
un
NPA:3s>3 :acheter
Dans cette phrase, où le cogtse utilise l’irréel, le japhug se sert de la réduplication. La
valeur de l’irréel du japhug est donc différente de celle du cogtse.
La réduplication doit absolument s’employer dans les conditionnelles réelles :
(132)
tɤ-jmɤɣ
kɯ-ku-tɯ-ndze
nɤ nɯɕima
tɤ-z-nɯne
champignon
RED:PRE:2s>3:manger
tout de suite
IMP: s:CAU: s’arrêter
393
ma
mɯ́-j-pe
CONJ
NGPA:MDR:3s:être bon
Si tu es en train de manger le champignon, arrête tout de suite car il n’est pas
bon (il est toxique).
(133)
lɤβzaŋ
pɯ-pɯ-tɯ-ŋu
nɤ
nɯɕima
bLo-bzang
RED:PIF:2s:être CONJ
jɤ-nɯ-ɕe
tout de suite IMP:MOY:s:aller
Si c’est toi bLo-bzang, va-t-en tout de suite (on sait que bLo-bzang allait venir, et
on entend quelqu’un entrer).
(134)
nɤʑo
kɯ-mɯrkɯ pɯ-pɯ-tɯ-ŋu
nɤ
ʑatsa
tɤ-ti
tu
NAG:voler
CONJ
tôt
IMP:s:dire
RED:PIF:2s:être
ɲɯ-mna
MDR:3s:mieux valoir
Si c’était toi le voleur, il vaut mieux que tu le dises le plus tôt possible.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Dans les phrases de ce type, aussi bien en japhug qu’en cogtse, l’usage de l’irréel est
strictement interdit. En cogtse, c’est une construction préfixée en mə- qui tient le rôle de la
réduplication (exemple tiré de Lin 2000 : 88) :
(135)
ʃɐrwɐ
mə-tə-ŋô-n
rə
pakʃa
musulman
mə:NPA:2s:être
CONJ
viande de porc
mɐ-tə́-zɐ-w
NGNP:NPA:2s>3 :manger
Si tu es musulman, tu ne manges pas de porc.
En revanche, dans les conditionnelles irréelles, l’irréel et la réduplication sont tous
deux possibles, et leur opposition sémantique n’est pas toujours claire :
(136)
jɯfɕɯr
rŋɯl
a-ɕki
a-nɯ-tɯ-kʰɤm / nɯ-nɯ-tɯ-kʰo-t
nɤ
hier
argent
1s:DAT
IRR:2s>3:passer / RED:AOR:2s>3:passer
CONJ
tɕe
nɤ-poro
CONJ
2s:cadeau PIF:1s>3s:acheter
pɯ-χtɯ́-t-a
ɕti
NPA:3s:être-affirmatif
Si tu m’avais donné de l’argent hier, je t’aurais acheté un cadeau.
La différence entre les deux peut s’observer dans l’exemple suivant de proposition
contrefactuelle :
(137)
aʑo rɟɤlpu
a-pɯ-ŋu-a
tɕe
sɯ-sát-a
je
IRR:1s:être
CONJ
NPA:CAU:3s>3:tuer NPA:3s:être-affirmatif
roi
ɕti
Si j’étais roi, je le ferais tuer (mais je ne pourrai jamais le devenir).
(138)
aʑo rɟɤlpu
pɯ-pɯ-ŋu-a
nɤ
je
RED:PIF:1s:être
CONJNPA:CAU:3s>3:tuer
roi
sɯ-sát-a
ɕti
NPA:3s:être-affirmatif
Si j’étais roi, je le ferais tuer (il est possible que je le devienne un jour).
394
Dans les deux cas, il s’agit bien d’une contrefactuelle, car le locuteur n’est pas
lui-même un roi et la première proposition est donc fausse, mais l’usage de la
réduplication au lieu de l’IRR rend la phrase moins hypothétique. Elle pourrait être
prononcée par quelqu’un de la famille royale qui pourrait devenir roi un jour.
Il convient de noter que, bien que pɯ-pɯ-ŋu nɤ signifie normalement « s’il est ... », la
forme figée mɤʑɯ pɯ-pɯ-ŋu nɤ signifie « par ailleurs ».
5.4.4.2
Expression d’une augmentation
La réduplication partielle est également le moyen standard en japhug pour traduire le
français « de plus en plus ». Il s’emploie dans ce sens avec l’adverbe ʑo, suivie du verbe
être au médiatif direct ɲɯ-ŋu, ou de la particule kɯ.
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Cette construction permet d’exprimer l’augmentation d’une propriété. C’est
notamment le cas avec les verbes statifs qui traduisent les adjectifs du français.
(139)
tɯ-tu-mbro
ʑo
ɲɯ-ŋu
RED:IPF:3s:être haut
adv.
MDR:3s:être
Il est de plus en plus grand (d’un enfant)
Avec d’autres verbes, cette construction exprime une augmentation dans la
fréquence de l’action :
(140)
tɯ-tu-ɤɕqʰe
ʑo
ɲɯ-ŋu
RED:IPF:3s:tousser
adv.
MDR:3s:être
Il tousse de plus en plus souvent.
Il est impossible d’appliquer cette construction à des verbes transitifs, aussi
l’emploie-t-on de façon privilégiée avec les verbes réfléchis :
(141)
tɯ-tu-ɤmɯmí-tɕɯ
ʑo
RED:IPF:1d:s’entendre
adv.
Je m’entends de mieux en mieux avec lui (nous (deux) nous entendons de mieux
en mieux l’un et l’autre).
Dans d’autres cas où l’usage d’une construction réfléchie est impossible, il est
nécessaire d’utiliser un verbe statif, comme kɤ-ɣɤdɤn « augmenter » :
(142)
aʑo
tɤ-lu
kɤ-tsʰi
tɯ-tɤ-ɣɤdán-a
je
lait
NAC:boire
RED:AOR:1s:augmenter
Je bois de plus en plus de lait (litt. : en ce qui concerne l’action de boire du lait,
j’augmente).
5.4.4.3
Expression d’une action se répétant systématiquement
La réduplication permet enfin d’exprimer que deux actions sont liées : l’une action se
395
répète à chaque fois que l’autre se réalise. Dans ces cas, il convient d’ajouter la particule
ʑo après le verbe :
(143)
rgɯnba
jɯ-ju-ɕe-a
ʑo
monastère
RED:IPF:1s:aller
adv.
ku-rɯskɤrwa
IPF:1s:faire touner les moulins à prière
ŋu
NPA:3s:être
A chaque fois que je vais au monastère, je fais tourner les moulins à prière.
5.4.5
Autres préfixes flexionnels
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Au cours de ce chapitre, nous avons présenté les affixes flexionnels liés aux
catégories de personne, de direction et de TAM. Certains affixes de morphologie
flexionnelle n’ont toutefois pas été traités dans les sections précédentes. Ce sont les
préfixes de direction ɕɯ- et ɣɯ-, le préfixe nɯ- de situation persistante, le préfixe jɯd’immédiat et le préfixe nɯ- de « voix moyenne ».
5.4.5.1
Préfixes de déplacement ɕɯ- et ɣɯ-
Ces préfixes ɕɯ et ɣɯ- permettent d’indiquer la direction de l’action par rapport au
locuteur, comme les directionnels hin et her de l’allemand ou 来 / 去 du chinois. Ils se
placent avant les préfixes directionnels mais après le a- de l’irréel ou les préfixes de
négation. Ainsi on dit mɤ-ɕɯ-nɤtɯti-a « ne n’irai pas raconter partout » et non
*ɕɯ-mɤ-nɤtɯti-a mais ɕ-tɤ-χti « va l’acheter » et non *tɤ-ɕɯ-χti.
Le préfixe ɕɯ- (noté HIN dans nos gloses) indique que l’action s’accompagne d’un
déplacement s’éloignant du locuteur où du lieu où il se trouve. Il peut se traduire comme
comme « aller ... ». Devant les préfixes directionnels, il a quatre allomorphes différents.
D’une part, la voyelle tombe. Lorsqu’il se trouve devant un préfixe à consonne sonante, il
devient voisé z- ou ʑ-, et lorsqu’il se trouve devant un préfixe à consonne sourde, il reste
sourde s- ou ɕ-. Dans les cas des préfixes à initiale palatale où à médiane palatale, le
préfixe ɕ- alvéolo-palatal devient dental (on a montré dans la section 2.3.5.10 p.71 que les
préinitiales ɕ- / ʑ- étaient incompatibles avec des initiales palatales ou avec des groupes à
médiane -j-). La distribution des allophones de ɕɯ- devant les préfixes directionnels est
résumée dans le tableau ci-dessous, où nous n’avons indiqué que les deux premières
séries de préfixes, la série 3 et la série 4 se comportant respectivement comme la série 1
et la série 2 :
396
série 1
série 2
allomorphe de ɕɯ-
tɤ-, pɯ-, tʰɯ-, kɤ-
tu-, ku-
ɕ-
lɤ-, nɯ-
lu-
ʑ-
pjɯ-, cʰɯ-,
s-
ɲɯ-, ju-
z-
jɤ-
Tableau 296 : Allomorphes de ɕɯ- en fonction du préfixe directionnel qui le suit.
Devant les autres préfixes ou les racines verbales, le préfixe ɕɯ- ne change pas.
Le préfixe ɣɯ- (que nous notons HER dans nos gloses) n’a pas d’allomorphie variée
comme ɕɯ-, et a le sens inverse : il implique que l’action implique un déplacement vers
soi. Il peut se traduire la plupart du temps comme « venir ... ». Ce préfixe ɣɯ- se distingue
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
du préfixe ɣɯ́- inverseur et impersonnel en cela qu’il n’attire pas l’accent.
Ces deux préfixes sont dérivés respectivement de la grammaticalisation de kɤ-ɕe
« aller » et de kɤ-ɣi « venir » qui devaient être des verbes indépendants à un stade de la
proto-langue, mais qui se sont agglutinés au verbe pour devenir de simples préfixes. En
cogtse, la grammaticalisation est poussée encore plus loin, car le préfixe po- dérivé du
verbe « venir » dans cette langue n’exprime même plus un déplacement, mais a
développé une valeur modale de prospectif (Lin 2000).
5.4.5.2
Le préfixe nɯ- de situation persistante
Ce préfixe (noté PST dans nos gloses) peut s’employer au présent à la forme
affirmative et à l’aoriste à la forme négative. Au présent, il indique qu’un état ou un
processus est en train de se continuer. Il s’emploie souvent avec l’adverbe pɤjkʰu
« encore » :
(144)
aʑo
pɤjkʰu
ku-nɯ-mtsɯ́r-a
je
encore
PRE:PST:1s:avoir faim
J’ai encore faim.
A l’aoriste, à la forme négative, le préfixe directionnel tombe devant nɯ-. Le préfixe
nɯ- de situation persistante a deux usages à la forme négative de l’aoriste. Tout d’abord,
il permet d’exprimer qu’une situation ne se reproduira plus. Il s’emploie en général avec
l’adverbe nɯma « ne plus » (cet adverbe signifiant littéralement « à part cela »). Ainsi,
avec le verbe kɤ-mto « voir » (préfixe lexical : pɯ-) :
(145)
nɯma
mɯ-nɯ-mtó-t-a
plus
AOR2:1s>3s:voir
Je ne le verrai plus.
397
(146)
aʑo nɯ
ɯ-qʰu
ʁlaŋsaŋtɕʰin
ɣɯ
ɯ-jɯm
je
3s:après
gesar
GEN
3s:femme
DML
mɯ-nɯ-sna
(gesar.354)
AOR2:être digne
Désormais, après cela, je ne serai plus digne d’être la femme de Gesar !
Ensuite, l’aoriste 2 est utilisé avec certains verbes transitifs causatifs de verbes statifs
(tels que kɤ-ɣɤxti « faire grandir » tiré de ku-xti « grand »). A l’aoriste 1 à la forme négative,
le négatif porte sur l’action entière :
(147)
mɯ-tɤ-tɯ-ɣɤdɤn
AOR:2s>3:faire augmenter
Tu ne les as pas rendus plus nombreux.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
En revanche, l’aoriste 2 permet dans ces phrases de faire porter sur l’état atteint et
non sur l’événement qui cause le nouvel état :
(148)
mɯ-nɯ-tɯ-ɣɤdɤn
AOR2:2s>3:faire augmenter
Tu les as rendus moins nombreux.
5.4.5.3
Préfixe jɯ- d’immédiat
Ce préfixe que nous notons IMM, peut s’ajouter avant des verbes conjugués à
l’aoriste ou au non-passé : à l’aoriste il signifie que l’action a failli se produire, tandis qu’au
non-passé il indique que l’action est sur le point de se produire. Sun (2003a : 496) a noté
l’existence d’un préfixe jə- identique en tshobdun (relative future prefix) ayant ces deux
mêmes fonctions.
Voici des exemples de son emploi à l’aoriste (faillir) :
(149)
rdɤstaʁ ta-lɤt,
zɯmi
ʑo
jɯ-tɤ́-ɣ-tsɯɣ-a
pierre
presque
adverbe
IMM:AOR:3s>1s:atteindre
AOR:3>3:lancer
Il a jeté une pierre, et j’ai failli être atteint.
(150)
nɤrwɯ
kɯ
pʰɯntshoʁ
ʑ-na-βɟi
tɕe,
Norbu
ERG
Phuntshogs
HIN:AOR:3s>3:poursuivre
CONJ
jɯ-na-ɕaβ
ʑo
IMM:AOR:3s>3 :rattraper
adverbe
I
Norbu est allé poursuivre Phuntshogs, et il a failli le rattraper.
Voici des exemples de son emploi au non-passé (être sur le point de) :
(151)
jɤ-ru
ma
jɯ-nɯʑɯβ
ʑo
ɲɯ-ŋu
IMP:s:regarder
CONJ
IMM:NPA:3s:s’endormir
adverbe
MDR:3s:être
Regarde ! Il est sur le point de s’endormir !
398
(152)
nɤrwɯ
kɯ
pʰɯntshoʁ
jɯ-ɕaβ
ʑo
Norbu
ERG
Phuntshogs
IMM:NPA:3s>3:rattraper adverbe
ɲɯ-ŋu
MDR:3s:être
Norbu va bientôt rattraper Phuntshogs (j’en suis témoin)
5.4.5.4
Préfixe nɯ- de voix moyenne
Ce préfixe (noté MOY dans nos gloses) est compatible avec toutes les catégories de
TAM. Ses usages sont variés selon les situations et les catégories verbales avec
lesquelles il est employé. A l’impératif l’usage de ce préfixe donne un ton plus poli, il
permet d’exprimer une invitation plus qu’un ordre. Elle s’emploie lorsque le locuteur
suppose que la personne à laquelle il s’adresse aurait envie d’accomplir l’action mais ne
l’ose pas le faire ou ne s’est pas encore permis de le faire83 : ainsi les phrases qɤjɣi
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tɤ-nɯ-ndze « mange du pain » ou kɤ-nɯ-mdzɯ « assied-toi » sont généralement plus
appropriées que les phrases qɤjɣi tɤ-ndze ou kɤ-mdzɯ sans préfixe.
En revanche, dans le cas où l’on peut présupposer que la personne à laquelle on
s’adresse n’a pas envie de faire l’action en question, l’emploi du préfixe nɯ- exprime un
ton méprisant 84 : ainsi nɯ-nɯ-ɣɤwu, impératif du verbe kɤ-ɣɤwu « pleurer » avec le
préfixe moyen pourrait se traduire « tu peux pleurer (ça m’est égal) ».
Aux autres temps, il peut s’employer pour décrire une action qui s’est produite
accidentellement :
(153)
mdaʁʑɯɣ
si
ɯ-taʁ
ta-nɯ-lɤt
ɲɯ-ŋu
arc
arbre
3s:haut
AOR:MOY:3s>3:jeter
MDR:3s:être
J’ai tiré (la flèche) sur l’arbre (sans le faire exprès).
(154)
tɯ-tʰɯ
kɯ a-jaʁ
casserole ERG 1s:main
ʂaʁ
kɤ-nɯ-sɯ-tá-t-a
brûlure au fer rouge
AOR:MOY :CAU:1s>3:mettre
Je me suis brûlé la main avec la casserole.
Il peut permettre d’insister sur le fait que l’agent agit sur lui-même, un sens qui rappelle
une des fonctions du médio-passif en grec (φέρω : j’apporte qqch; φέρομαι : j’apporte
qqch pour moi-même), d’où notre appellation de moyen pour désigner cette catégorie en
japhug :
83
En russe, l’emploi de l’imperfectif a le même effet sémantique : pour traduire le français
« asseyez-vous » on dispose d’une forme imperfective садитесь plus polie que le perfectif сядьте.
84
De même; en russe; lorsque l’on suppose que l’action n’est pas désirée par la personne à laquelle on
s’adresse, le perfectif est plus poli : pour traduire « attendre », on dit donc plus volontier le perfectif
подождите que l’imperfectif ждите. A l’impératif, les formes en -nɯ- moyen ont un fonctionnement
parallèle à l’imperfectif en russe.
399
(155)
ʑaka
ku-nɯ-βzu
mɤ-rtáʁ-tɕɯ (koŋzoŋ.111)
chacun
PRE:MOY:3s>3:faire
NGNP:NPA:1d:être assez
Nous ne sommes que deux, ce n’est pas assez pour s’occuper chacun dans son
coin (il faut partager).
(156)
a-mgɯr
nɯ-nɯ-rɤβráʁ-a
1s:dos
AOR:MOY:1s>3s:se gratter
Je me suis gratté le dos.
Une phrase où le verbe est préfixé en nɯ- doit avoir le même actant comme
possesseur de l’objet et comme sujet. Il est impossible de former une phrase telle que
*nɤ-mgɯr nɯ-nɯ-βráʁ-a « je t’ai gratté le dos » avec le préfixe moyen.
Enfin, il peut servir à décrire une action qui est agréable pour le sujet. Ainsi pour le
verbe kɤ-rɤʑi « rester », l’emploi du préfixe nɯ- moyen développera un sens tel que « se
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reposer à la maison ».
5.4.5.5
Préfixe ɯ- interrogatif
Pour exprimer l’interrogation, le japhug utilise une forme verbale préfixée en ɯ- et
accentuée sur ce préfixe (cette forme est noté QU dans nos gloses). Le préfixe tɯ- de
seconde personne attire l’accent (on dit donc ɯ-tɯ́-sɯs « sais-tu » et non *ɯ́-tɯ-sɯs)
Avec le préfixe négatif mɯ-, l’accent seul permet de marquer l’interrogation.
(157)
a-wɯ,
tɯ-ci
1s:grand père eau
ɲɯ-kɯ-jtsʰí-tɕɯ
ɯ́-jɤɣ
MDNP:2>1s:donner à boire
QU:NPA:3s:possible
(ɲimawozɤr.78)
Grand-père, serait-il possible que vous nous donniez de l’eau à boire ?
(158)
a-pa
ɣɯ-pɯ-ru,
ɯntɕe
ɯ́-ɲɯ-tɯ-stu
1s:père
HER:IMP:s:regarder
ensuite
QU:MDR:2s:croire
(ɲimawozɤr.138)
Père, regarde par ici, maintenant est-ce que tu (me) crois ? (ce qu’elle disait
avant mais que son père ne croyait pas)
(159)
a-tɕɯ
nɤ-ɬaʁ
kɯ
nɯ
ɲɯ-ti
tɕe,
1s:fils
2s:marâtre
ERG
DML
MDR:3s>3:dire
CONJ
ɕ-ku-tɯ-nɯʁdɤn
ɯ-tɯ́-cʰa
HIN:IPF:D-est:2s>3:inviter
QU:NPA:2s:pouvoir
(smɤnmi.22)
Mon fils, ta marâtre a dit tout cela, es-tu capable d’aller le chercher (la personne
en question est sMan-mi me-tog ku-sha-na ?, un personnage mythique)
Cette forme interrogative peut être suivie de la conjonction nɤ, alors elle développe
une fonction de marqueur de proposition conditionnelle :
(160)
a-tɤɕime,
ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom
nɤ
1:jeune fille
QU:IPF:2s:pressée CONJ
tu-kɯ-nɯmɢla,
IPF:2s>1s:passer par dessus
mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom
nɤ
tu-kɯ-nɯ-pjál-a
NGPA:QU:IPF:2s:pressée
CONJ
IPF:2s>1s:contourner
(tɤ-ru ʁnɯs.13-14)
400
Ma jeune fille, si tu es pressée, passe-moi par dessus, si tu n’es pas pressée
contourne-moi.
Une forme similaire, un préfixe accentué orthographié e, se trouve en tibétain pour
exprimer l’interrogation :
(161)
nyam-chung sbrang-bu’i
las-bskos
‘di-‘dra
pauvre
abeille-GEN
destin
tel
kye-hud
mthon-po’i
gnam
e-dgongs
interjection
haut-GEN
ciel
interrogatif-penser
Mon destin de pauvre abeille, aya, le ciel élevé le connait-il ?85
Ce n’est toutefois pas une preuve qu’il s’agit d’un phénomène hérité du
proto-sino-tibétain dans les deux langues : l’expression de l’interrogation par la préfixation
d’une voyelle accentuée s’apparente davantage à un type d’intonation qu’à une vraie
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
morphologie, et pourrait avoir été empruntée du tibétain en japhug.
Le préfixe ɯ- est le seul affixe de la langue, à part le préfixe inverseur ɣ- et la forme
négative du MDR mɯ́-j-, à permettre à l’accent de se placer sur une syllabe autre que la
dernière syllabe (sans compter les suffixes d’accord qui sont toujours non-accentués).
85
Exemple tiré du grand dictionnaire tibétain-chinois (Zhang et al. 1993).
401
6 Morphologie verbale dérivationnelle
Comme la morphologie verbale dérivationnelle reconstruite pour le chinois (Sagart
1999), la morphologie dérivationnelle du japhug est en grande partie basée sur la
préfixation : alors que l’on trouve bien des suffixes dans la flexion verbale, il n’existe
aucun suffixe dérivationnel, sauf le suffixe –s nominalisateur (8.3.2) et le suffixe –t
applicatif (6.5) qui ne sont attestés que par quelques exemples et qui ne sont plus
productifs.
Nous présenterons quatre types de préfixes à valeur dérivationnelle : sɯ- / ɕɯ- et ɣɤ-
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
causatifs, nɯ- applicatif, nɯ-, ɣɤ-, rɯ-, mɤ-, sɤ-, ɕɯ- dénominaux, rɤ- / sɤ- intransitivants,
plus une section où seront décrits d’autres affixes isolés.
Ensuite, nous aborderons le voisement des initiales, la réduplication partielle,
l’infixation en l- et l’incorporation qui sont les quatre autres procédés dérivationnels
utilisés dans la formation des verbes japhug.
6.1
Les préfixes causatifs sɯ- / ɕɯ- et ɣɤCe préfixe est l’un des éléments morphologiques les mieux conservés dans la famille
sino-tibétaine. Il existe dans les autres langues rgyalrong telles que le cogtse (Lin 1993 :
122, 251-254). La découverte de ce préfixe dans la famille remonte à Conrady (1896). Le
préfixe causatif sɯ- est l’un des éléments les plus productifs de la langue. Ce préfixe
augmente d’un actant la transitivité du verbe. Le causatif correspond à la construction
« faire + verbe » en français86.
Les verbes de base intransitifs en –a, -u, -ɯ, -o, une fois préfixés de sɯ- peuvent
former un thème 3 différent du thème 1 étant donné qu’ils sont devenus transitifs.
Il a trois allophones réguliers : z- devant d’autres préfixes dérivationnels (kɤ-nɤ-scɤr
« être saisi de frayeur », kɤ-z-nɤ-scɤr « faire peur »), s- devant les rares préfixes à
consonne sourde (comme qa- dans
kɯ-qa-rndɯm « trouble (eau) », causatif
kɤ-s-qa-rndɯm « rendre trouble »), et sɯ- / sɯɣ- dans les autres cas. L’allomorphe sɯɣa une distribution particulière : il n’apparaît jamais avant les préfixes dérivationnels, et ne
se trouve que devant les racines à initiales labiales, dentales (sauf s-), palato-alvéolaires,
palatales et r- sans préinitiales ni la médiane ɣ- des verbes intransitifs. Nous avons pu
86
En français, par exemple, si l’on prend un verbe transitif (à deux actants) tel que « voir », la
construction causative implique trois actants A, B, C : A fait voir B à C.
402
attester la présence du préfixe sɯɣ- dans nos données devant des verbes ayant les
initiales suivantes : p-, mb-, m-, t-, d-, nd-, n-, ts-, tsʰ-, ndz-, z-, tɕ-, tɕʰ-, l-, ɬ-, ɕ-, ʑ-, r-, cʰ-,
ɲɟ-, ɲ-.
Prenons quelques exemples pour illustrer le principe :
consonne
transitivité
verbe de base
sens
verbe dérivé
sens
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causatif
ɕ-
intr.
kɤ-ɕe
aller
kɤ-sɯɣ-ɕe
envoyer qqun
ɕ-
trans.
kɤ-ɕɯm
couver
kɤ-sɯ-ɕɯm
faire couver
r-
intr.
kɯ-rom
sec
kɤ-sɯɣ-rom
rendre sec
r-
trans.
kɤ-roʁ
graver
kɤ-sɯ-roʁ
faire graver
j-
intr.
kɯ-jɤɣ
se terminer
kɤ-sɯɣ-jɤɣ
finir
j-
trans.
kɤ-ja
enfermer
kɤ-sɯ-ja
faire enfermer
(moutons)
(moutons)
ndz-
intr.
kɤ-ndzur
être debout
kɤ-sɯɣ-ndzur faire se lever
ndz-
trans.
kɤ-ndzɯ
éduquer
kɤ-sɯ-ndzɯ
faire éduquer
par qqun.
ts-
intr.
kɤ-tso
comprendre
kɤ-sɯɣ-tso
faire
comprendre
ts-
trans.
kɤ-tsɯm
emporter
kɤ-sɯ-tsɯm
envoyer
Tableau 297 : Distribution des allophones sɯ- / sɯɣ- en fonction de la transitivité du verbe.
La présence d’une préinitiale ou d’une médiane ɣ- dans la racine bloque le processus.
Par exemple, kɤ-tɣa « récolter » forme un causatif kɤ-sɯ-tɣa et non *kɤ-sɯɣ-tɣa.
On distingue trois exceptions. Tout d’abord, kɤ-tɯt « mûrir » forme le causatif
kɤ-sɯ-tɯt au lieu de *kɤ-sɯɣ-tɯt et kɯ-tɕɤr « étroit » forme kɤ-sɯ-tɕɤr au lieu de la forme
attendue *kɤ-sɯɣ-tɕɤr. Ces formes irrégulières sont toutefois explicables, car elles
permettent d’éviter la confusion avec les causatifs de kɯ-xtɯt « court » kɤ-sɯ-xtɯt et de
kɤ-xtɕɤr « attacher » kɤ-sɯ-xtɕɤr. Le maintien de la distinction entre ces mots prime sur la
règle morphophonologique.
Une dernière exception est le causatif de kɯ-pe « être bien » kɤ-sɤ-pe avec une
voyelle /ɤ/ anormale, au lieu de la forme attendue *kɤ-sɯɣ-pe.
Certains verbes transitifs permettent la préfixation en sɯɣ-, mais leur sens n’est plus
causatif, il indique que le sujet est capable d’accomplir l’activité en question. Dans ces cas,
le verbe reste biactanciel :
kɤ-lɤɣ « faire paître (des animaux) » :
kɤ-sɯ-lɤɣ « envoyer qqun faire paître (les animaux) »
403
kɤ-sɯɣ-lɤɣ « être capable de s’occuper (des animaux) »
kɤ-joʁ « soulever qqch »
kɤ-sɯ-joʁ « faire soulever qqch à qqun »
kɤ-sɯɣ-joʁ « être capable de soulever qqch »
Parallèlement à sɯ-, on trouve un préfixe ɕɯ- non-productif dans un nombre limité
d’exemples que nous pouvons présenter ici exaustivement :
verbe de base
kɤ-fka
sens
être rassasié
verbe causatif
kɤ-ɕɯ-fka
sens
permettre à qqun de manger à
sa faim
kɯ-mŋɤm
faire mal (une partie
kɤ-ɕɯ-mŋɤm
faire mal à qqun
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du corps)
kɤ-ngo
être malade
kɤ-ɕɯ-ngo
rendre malade
kɤ-nŋo
perdre
kɤ-ɕɯ-nŋo
gagner
kɤ-ɴqoʁ
être suspendu
kɤ-ɕɯ-ɴqoʁ
accrocher
kɤ-mu
avoir peur
kɤ-ɕɯɣ-mu
faire peur
kɤ-rŋo
emprunter (un objet
kɤ-ɕɯ-rŋo
prêter (un objet qu’on peut
qu’on peut rendre)
rendre)
kɤ-rŋgɯ
dormir, s’allonger
kɤ-ɕɯ-rŋgɯ
fermenter un alcool
kɤ-rga
aimer, être content
kɤ-ɕɯ-rga
rendre qqun content
kɤ-ɴqoʁ
être suspendu
kɤ-ʑɴɢoʁ
accrocher (à un crochet)
kɤ-pʰɣo
fuir
kɤ-ɕpʰɣo
fuir après avoir volé qqch,
s’enfuir d’une prison avec qqun
kɤ-ŋga
s’habiller
kɤ-ʑŋga
aider qqun à s’habiller
kɤ-tsʰi
boire
kɤ-jtsʰi
donner à boire
kɤ-mbri
crier
kɤ-ʑmbri
jouer (instrument à vent)
Tableau 298 : Verbes causatifs en ɕɯ-.
Dans cette liste, la forme causative du verbe kɤ-rga a une variante avec le préfixe
sɯ- kɤ-sɯ-rga dont le sens est identique à celui de kɤ-ɕɯ-rga.
Le préfixe ɕɯ- était productif à une certaine période (il s’est appliqué à l’emprunt
tibétain kɤ-rga), et devait avoir un allomorphe ɕɯɣ- avec une distribution similaire à celle
qu’on observe entre sɯ- et sɯɣ-, comme le montre la forme kɤ-ɕɯɣ-mu « faire peur » où
cet allophone apparaît.
On trouve cinq verbes, probablement les plus anciens composés causatifs de la
langue, seuls restés indemmes de l’analogie, où le préfixe ɕɯ- s’est agglutiné sur la
racine pour devenir une préinitiale : kɤ-ʑŋga, kɤ-ɕpʰɣo, kɤ-ʑmbri kɤ-jtsʰi (japhug de
404
gSar-rdzong ka-ɕtʰi) kɤ-ʑɴɢoʁ . Ce dernier exemple est d’autant plus intéressant qu’un
autre verbe causatif est dérivé du même verbe de base kɤ-ɴqoʁ : les deux verbes
kɤ-ɕɯ-ɴqoʁ et kɤ-ʑɴɢoʁ ont dû avoir été créés à des époques différentes et ont
développé des sens différents, kɤ-ʑɴɢoʁ s’employant lorsqu’on accroche à un crochet, ou
que l’on accroche des fils à ses doigts par exemple, tandis que kɤ-ɕɯ-ɴqoʁ s’emploie
lorsque l’on accroche des objets sur le mur. Le voisement de l’initiale dans le mot
kɤ-ʑɴɢoʁ n’est pas irrégulier. Une forme telle que *ʑɴqoʁ aurait été impossible en japhug,
car ɴq- est un groupe déjà constitué d’une [préinitiale + initiale], et ʑ- ne peut jamais se
trouver en position antépréinitiale (par ailleurs, aucune antépréinitiale ne peut se placer
avant /N/). Le voisement de /q/ est donc en réalité dû à la fusion des deux phonèmes /N/
et /q/ en un phonème /ɴɢ/. Le verbe kɤ-jtsʰi « donner à boire » n’a une préinitiale j- que
dans les dialectes japhug de kɤmɲɯ et de mɤŋi. Dans les autres dialectes japhug, la
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forme causative est ka-ɕtʰi, et la forme de base ka-tʰi « boire » : le japhug de kɤmɲɯ a
subi un changement *tʰi > tsʰi (voir la section 4.3.2.2 p.284), et le groupe *ɕtsʰ- n’étant pas
conforme à la phonotactique de la langue, le /ɕ/ est devenu /j/.
Devant les verbes contractes, le préfixe sɯ- devient sɤ-. Ainsi, du verbe contracte
kɤ-ɤɕpɯ-ɕpa « plat », on dérive kɤ-sɤ-ɕpɯ-ɕpa et non *kɤ-sɯ-ɕpɯ-ɕpa. Lorsqu’un verbe
non contracte est dérivé en contracte, on peut avoir l’impression qu’on a affaire à un
préfixe sɤ- : kɤ-pa « fermer » (non contracte), kɤ-ɤpa « devenir » (contracte) donne
kɤ-sɤ-pa « transformer qqch en », kɤ-mbi « donner », kɤ-ɤmbi « être donné » (contracte)
donne kɤ-sɤ-mbi « réclamer (litt. faire être donné) ».
Avec les verbes statifs, le préfixe ɣɤ- est employé à la place de sɯ- dans la grande
majorité des cas. Ainsi de kɯ-rɲɟi « long » on dérivera kɤ-ɣɤ-rɲɟi « allonger » plutôt que
*kɤ-sɯ-rɲɟi avec sɯ-. Ces verbes peuvent à leur tour être convertis en verbes statifs, et se
développe alors le sens de « qui devient ... facilement » : kɯ-ɣɤ-rɲɟi « qui s’allonge
facilement ».
6.2
Préfixes dénominaux
Tout comme en cogtse (Lin 1993 : 119-121) il existe cinq préfixes dénominaux en
japhug : nɯ-, ɣɤ-, sɤ-, rɯ- et ɕɯ-. Le plus courant est nɯ- / nɤ-, qui permet de créer un
verbe, le plus souvent intransitif, mais aussi transitif dans certains cas comme kɤ-nɯ-krɤs
« discuter de qqch », kɤ-nɯ-jmŋo « faire l’objet du rêve de qqun »87. Le vocalisme de ce
verbe dépend de celui du préfixe du nom d’où il dérive, comme l’avait montré Lin
Xiangrong. Ainsi de tɤ-jmɤɣ « champignon », avec un préfixe tɤ-, on dérive un verbe à
préfixe nɤ- : kɤ-nɤ-jmɤɣ « aller chercher des champignons », tandis que de tɯ-ci « eau »
87
Ces deux verbes viennent respectivement de tɯ-krɤs « discussion » et tɯ-jmŋo « rêve ».
405
on dérive kɤ-nɯ-ci « boire sans se servir de ses mains » avec un préfixe nɯ-. Lorsque le
nom de base n’a pas de préfixe, on utilise la forme nɯ- : de kʰo « chambre » on dérive
kɤ-nɯ-kʰo « habiter chez qqun ».
Le préfixe ɣɤ- (sans allomorphe *ɣɯ) permet aussi de dériver des verbes
dénominaux intransitifs, comme le verbe kɤ-ɣɤ-tɕa « commettre une faute » dérivé de
tɯ-tɕa « faute » . Les noms d’action en tɤ- permettent toujours de former un verbe préfixé
en ɣɤ-. La différence sémantique entre ɣɤ- et nɯ- n’est pas claire, et la comparaison des
doublons où un même nom produit deux verbes différents est peu éclairante :
nom de base
sens
verbe en nɯ-
sens
verbe en ɣɤ-
sens
tɤ-ndʐo
froid
kɤ-nɤ-ndʐo
avoir froid
kɯ-ɣɤ-ndʐo
être
froid
(temps)
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tɯ-jmŋo
rêve
kɤ-nɯ-jmŋo
être l’objet du rêve
kɤ-ɣɤ-mŋo
rêver
de quelqu’un
Tableau 299 : Verbes dénominaux en ɣɤ- et en nɯ-
ɣɤ- permet également de créer des verbes à partir d’adjectifs expressifs redoublés.
Ainsi de ɲcɣɤ-ɲcɣɤt « en très grand nombre » on peut former le verbe statif intransitif
kɯ-ɣɤ-ɲcɣɤ-ɲcɣɤt « être ardent (feu), être animé (endroit) ». Il s’oppose là à un préfixe
dénominal sɤ- qui permet de dériver un verbe transitif comme dans kɤ-sɤ-ɲcɣɤ-ɲcɣɤt
« faire brûler de façon ardente ». Ce préfixe sɤ- est probablement apparenté au préfixe
causatif sɯ-.
Le préfixe rɯ- / rɤ- permet de dériver des verbes dénominaux intransitifs. Toutefois,
on trouve plusieurs exemples de verbes transitifs dénominaux avec ce préfixe : kɤ-rɤ-pjɤs
« tresser », tiré de tɤ-pjɤs « natte », kɤ-rɤ-ndzraʁ « rouler en boule » tiré de tɤ-ndzraʁ
« boule de tsampa ». La distribution des allophones dépend souvent comme dans le cas
de nɯ- / nɤ- du préfixe du nom, mais l’on rencontre de nombreuses exceptions où le
préfixe rɤ- est choisi au lieu du préfixe rɯ- : de ɯ-pɯ « petit (d’un animal) » on tire
kɤ-rɤ-pɯ « mettre bas » au lieu de *kɤ-rɯ-pɯ. Lorsque le nom est un instrument, le verbe
dénominal désigne l’emploi de cet instrument : pʰɯrɤm « herse », kɤ-rɯ-pʰɯrɤm « sarcler
(itr.) ». Lorsqu’il s’agit d’une matière, le verbe peut désigner soit une action de cette
matière : tɤ-spɯ « pus » - kɤ-rɤ-spɯ « avoir du pus qui coule », soit une action sur cette
matière tɤ-rcoʁ « boue » - kɤ-rɤ-rcoʁ « mélanger de l’eau à la boue ».
Les emprunts peuvent nous aider à mieux comprendre le fonctionnement
synchronique de l’opposition sémantique entre rɯ- et nɯ- qui détermine le choix de l’un
ou l’autre préfixe :
406
mot originel
forme
verbe en nɯ-
sens
verbe en rɯ-
sens
kɤ-nɯ-kʰɤjχwi
participer
kɤ-rɯ-kʰɤjχwi
avoir lieu
nominale
开会 kaihui
gros
tɯ-krɤs
kɤ-nɯ-krɤs
« discussion »
kʰram-pa
(à une
(d’une
conférence)
conférence)
discuter
kɤ-rɤ-krɤs
(transitif)
kʰramba
kɤ-nɯ-kʰramba tromper
« escroc »
discuter
(intransitif)
kɤ-rɯ-kʰramba mentir
(transitif)
(intransitif)
Tableau 300 : Opposition entre les préfixes dénominaux nɯ- et rɯ- du japhug.
Dans ces paires de verbes dénominaux, le préfixe nɯ- permet de dériver ou bien un
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verbe transitif qui s’oppose au verbe intransitif préfixé en rɯ-, ou bien un verbe dont le
sujet est un humain par rapport à un verbe sans sujet humain. Ce type d’opposition se
retrouve aussi dans le vocabulaire natif : tɤ-ma « travail » donne kɤ-rɤ-ma « travailler
(intrans.) » et kɤ-nɤ-ma « travailler (trans.) ».
Le préfixe dénominal mɤ- n’est plus productif et à la différence de son équivalent en
cogtse, n’a pas de forme *mɯ-. La comparaison avec le cogtse montre que certains
verbes ayant mɐ- / mə- en cogtse ont développé le préfixe nɯ- en japhug, comme le
cogtse kɐ-mə-skrú « être enceinte » qui correspond à kɤ-nɯ-skʰrɯ en japhug.
On ne trouve que cinq exemples de mɤ- dénominal que nous citons ci-dessous. Un de
ces exemples est un emprunt au tibétain ɯ-χcɤl < dkyil « milieu ».
nom de base
sens
verbe dérivé
sens
tɯ-rʑaβ
épouse
kɤ-mɤ-rʑaβ
épouser (tr.)
tɯ-rpaʁ
épaule
kɤ-mɤ-rpaʁ
porter sur
l’épaule (tr.)
tɯ-ku
tête
kɤ-mɤ-ku
être en avance
pɤrtʰɤβ
espace entre
kɤ-mɤ-pɤrtʰɤβ
se trouver entre
ɯ-χcɤl
milieu
kɤ-mɤ-χcɤl
être au milieu
Tableau 301 : Le préfixe mɤ- dénominal.
Le préfixe ɕɯ- dénominal que l’on trouve en cogtse est limité à un seul exemple en
japhug :
6.3
kɤ-ɕɯ-ftaʁ « se souvenir » tiré de ftaʁ « marque » (corruption du tibétain rtags).
Préfixe nɯ- / nɤ- applicatif
Ce préfixe (que nous notons APL dans les gloses) permet de dériver des verbes
407
transitifs de verbes intransitifs, mais il diffère du préfixe causatif dans sa sémantique. En
effet, l’actant ajouté à la suite de la dérivation n’est pas nécessairement un agent comme
dans le cas de la dérivation, mais souvent un actant qui subit ou est lié à l’action, et qui
normalement fonctionne comme un circonstant. On trouve un préfixe identique en cogtse
(Lin 1993 : 122).
Pour le verbe kɤ-ŋke « aller, marcher », le causatif kɤ-sɯ-ŋke « faire marcher »
s’oppose à l’applicatif kɤ-nɯ-ŋke « aller pour quelque chose », qui s’emploie comme dans
la phrase suivante, où il a comme objet un nom d’action kɤ-χtɯ « le fait d’acheter » :
(162)
tɯ-mbri
maŋe
tɕe
nɯ kɤ-χtɯ
corde
NPA:3s:ne pas y avoir
CONJ
DML NAC:acheter
ɕ-pɯ-nɯ-ŋké-t-a
HIN:AOR :1s>3s:APL:marcher
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Comme il n’y avait pas de corde, j’ai dû marcher pour aller en acheter.
Dans d’autres cas toutefois, le sens de nɯ- peut rappeller un causatif, car l’actant
nouveau peut aussi être un agent. Toutefois, il s’agit généralement de verbes statifs :
kɯ-mbɣom « être urgent » Æ kɤ-nɯ-mbɣom « attendre qqch ou qqun avec impatience ».
Ce préfixe est nɤ- avec les verbes contractes (ce qui est attendu, voir le chapitre 7),
mais aussi avec certains autres verbes sans qu’une explication puisse être apportée à ce
vocalisme irrégulier :
verbe de base
sens
contracte
verbe dérivé
sens
kɤ-mdzɯ
être assis
oui
kɤ-nɤ-mdzɯ
garder
kɤ-mnɤm
émettre une odeur
non
kɤ-nɤ-mnɤm
sentir
kɯ-mda
arriver au moment
non
kɤ-nɤ-mda
penser que le
temps est venu
kɤ-stu
croire (intransitif)
non
kɤ-nɤ-stu
croire en qqch
kɯ-rtaʁ
être suffisant
non
kɤ-nɤ-rtaʁ
trouver suffisant
kɯ-sna
utilisable
non
kɤ-nɤ-sna
vouloir avoir
Tableau 302 : Le préfixe applicatif nɤ-
A cette liste on peut rajouter le verbe kɤ-nɤ-ntsʰi « aimer », qui est peut-être un dérivé
de kɯ-ntsʰi « mieux valoir » (à moins qu’il ne soit apparenté à kɤ-ntsʰi « choisir », auquel
cas il n’est pas clair s’il s’agit vraiment d’un préfixe applicatif).
Le préfixe applicatif a une forme nɯɣ- dans le verbe kɤ-nɯɣ-mu « avoir peur de
qqun » dérivé de kɤ-mu « avoir peur ». C’est sans doute la trace d’une ancienne
allophonie nɯ- / nɯɣ- qui fonctionnait probablement de la même façon que l’allophonie
sɯ- / sɯɣ- du préfixe causatif que nous pouvons encore observer aujourd’hui.
Le préfixe nɯ- applicatif, tout comme le préfixe nɯ- dénominal ont en commun
408
d’ajouter un actant : dans un cas, un verbe intransitif (un actant) devient transitif (deux
actants) et dans l’autre un nom (aucun actant) devient un verbe intransitif (un actant). Il
est possible que ces deux préfixes soient historiquement apparentés.
6.4
Préfixes rɤ- / sɤ- intransitivants
Les préfixes rɤ- et sɤ- permettent de dériver un verbe intransitif d’un verbe transitif.
L’emploi du préfixe rɤ- est encore productif ; un préfixe similaire a été décrit en tshobdun
(Sun 2003a : 493). Nous n’avons trouvé pour sɤ- que les quatre exemples du Tableau
303.
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verbe de base
sens
verbe intransitif
sens
kɤ-ndɯn
lire à haute voix
kɤ-rɤ-ndɯn
id.
kɤ-ntsɣe
vendre
kɤ-rɤ-ntsɣe
faire du commerce
kɤ-sco
accompagner
kɤ-sɤ-sco
id.
kɤ-sɯɣ-ɕɤt
enseigner
kɤ-sɤ-sɯɣ-ɕɤt
se consacrer à l’enseignement
kɤ-fstɯn
servir
kɤ-sɤ-fstɯn
id.
kɤ-ʁndɯ
frapper
kɤ-sa-ʁndɯ
frapper les gens
Tableau 303 : Exemples de rɤ- et sɤ- intransitivants.
Appliqués à des verbes triactanciels, ces deux préfixes font perdre au verbe sa
morphologie de verbe transitif, mais le verbe conserve deux actants (voir la section 5.1.1
p.337).
Le préfixe rɤ- est différent du voisement intransitivant : le sujet du verbe intransitif en
rɤ- est agentif, tandis que celui du voisement intransitivant est patient (voir p.411). Ainsi
du verbe kɤ-pɣaʁ « renverser », on peut dériver kɤ-rɤ-pɣaʁ « défricher (intransitif) =
retourner le sol » et kɤ-mbɣaʁ « se retourner ».
6.5
Autres affixes
Dans cette section nous étudierons trois cas :
z
le nɯ- de retour
z
le ʑɣɤ- réflexif
z
la morphologie du verbe kɤ-zɣɯt « arriver »
Le préfixe nɯ- de retour n’est attesté qu’avec quelques verbes d’action concrète et
de mouvement : il indique que l’action s’accompagne d’un retour au point de départ, sans
modifier la transitivité du verbe. On trouve les exemples suivants indiqués dans le
Tableau 304 :
409
verbe de base
kɤ-no
sens
chasser,
conduire
verbe dérivé
(les
kɤ-nɯ-no
sens
ramener (les animaux) à la
animaux)
maison
kɤ-tsɯm
prendre
kɤ-nɯ-tsɯm
ramener
kɤ-ɣɯt
amener
kɤ-nɯ-ɣɯt
ramener
kɤ-ɕe
aller
kɤ-nɯ-ɕe
rentrer chez soi
Tableau 304 : Exemples du préfixe nɯ- de retour.
Le préfixe ʑɣɤ- est un préfixe parfaitement productif en japhug. Il permet de former un
verbe réflexif intransitif à partir d’un verbe transitif. Il correspond au préfixe wjo- du cogtse
(Lin 1993 : 254-256) et pourrait remonter à *jwo ou *jwaŋ en PGR. Sa voyelle a subi un
Ablaut en japhug (on attendrait *ʑɣu ou *ʑɣo). Les verbes dérivés ont toujours un sens
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réflexif même lorsque le sujet est pluriel. Ainsi, du verbe kɤ-sat « tuer », on peut dériver un
verbe kɤ-ʑɣɤ-sat « se tuer, se suicider ». La forme aoriste de troisième personne du
pluriel pɯ-ʑɣɤ-sát-nɯ signifie « ils se sont suicidés » mais ne peut pas vouloir dire « ils se
sont entretués ». Pour obtenir le sens réciproque, il faut employer une forme redoublée
(voir la section 7.2.3 p.432).
Le préfixe ʑɣɤ- peut s’ajouter à un verbe causatif : ainsi de kɤ-fɕu « s’être bien
reposé » on peut dériver kɤ-sɯ-ɤfɕu « permettre à qqun de bien se reposer » puis
kɤ-ʑɣɤ-sɯ-ɤfɕu « se reposer un peu ». Du verbe intransitif originel, on dérive un verbe
intransitif à nouveau.
Le sens du verbe dérivé a parfois évolué d’une telle façon que le rapport entre le
verbe de base et le verbe dérivé est devenu opaque, comme on peut le voir dans le
Tableau 305.
verbe de base
kɤ-pa
sens
fermer (sens
verbe dérivé
sens
kɤ-ʑɣɤ-pa
faire semblant, orgueilleux
originel : « faire »)
kɤ-ta
mettre
kɤ-ʑɣɤ-ta
s’adosser à, s’appuyer sur
kɤ-qar
choisir
kɤ-ʑɣɤ-qar
rester à l’écart, être solitaire.
Tableau 305 : Exemples du préfixe ʑɣɤ- réflexif dont le sens du verbe dérivé a évolué.
L’étymologie du verbe kɤ-zɣɯt « arriver » a un grand intérêt pour l’étude historique
de la morphologie dérivationnelle du japhug, car ce verbe maintient des affixes que l’on
ne trouve nulle par ailleurs dans la langue. kɤ-zɣɯt est dérivé du verbe kɤ-ɣɯt « amener »
par un préfixe *s- dont la fonction est obscure. Le verbe kɤ-ɣɯt « amener » est lui-même
dérivé de kɤ-ɣi « arriver » par le suffixe *-t applicatif que l’on retrouve notamment en
410
Kiranti (Michailovsky 1985). On retrouve la même paire en khaling : PI- (pinä / pingaa)
« venir » et PIT- (pannä / pidu) « apporter »88.
6.6
Le voisement des initiales
Le voisement permettant de transformer un verbe transitif en un verbe intransitif est
un procédé morphologique bien connu des langues sino-tibétaines. L.Sagart (2003 : 764)
a récemment proposé que l’alternance de voisement des occlusives initiales en chinois et
les autres langues sino-tibétaines venait de la préfixation d’un *m-.
En rGyalrong, le voisement intransitivant se retrouve en cogtse (Lin 1993 : 193-194).
En japhug, on trouve les exemples du Tableau 306 :
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transitif
sens
intransitif
sens
kɤ-ftʂi
faire fondre
kɤ-ndʐi
fondre
kɤ-kio
faire glisser
kɤ-ŋgio
glisser
kɤ-kra
faire tomber
kɤ-ŋgra
tomber (d’un endroit haut)
kɤ-plɯt
détruire
kɤ-mblɯt
être détruit
kɤ-prɤt
couper
kɤ-mbrɤt
être coupé
kɤ-pɣaʁ
retourner
kɤ-mbɣaʁ
se retourner
kɤ-qɤt
séparer
kɤ-nɯ-ɴɢɤt
se séparer
kɤ-qʰrɯt
gratter complètement,
kɤ-ɴɢrɯt
être fini (le riz)
kɤ-ɴɢrɯ
se casser (un bol)
kɤ-ndʑɤβ
être brûlé
kɤ-ndɯ
apparaître (un arc en ciel), être
faire complètement
kɤ-qrɯ
tailler (un habit),
déchirer, arracher
kɤ-tɕɤβ
brûler
kɤ-tʰɯ
monter
construire
une
un
tente,
pont,
construit
réparer un chemin
(pont),
être
tracé
(chemin), être montée (tente)
kɤ-χtɤr
éparpiller
kɤ-ʁndɤr
s’éparpiller
kɤ-tʂaβ
faire tomber, glisser
kɤ-ndʐaβ
tomber, glisser
kɤ-qraʁ
déchirer
kɤ-ɴɢraʁ
s’abîmer (habits)
kɤ-tsʰoʁ
porter des fruits
kɤ-ndzoʁ
pousser (fruits)
Tableau 306 : Paires des verbes transitifs / intransitifs à opposition de voisement.
La liste des paires de verbes proposée dans le Tableau 306 n’est probablement pas
exhaustive. Le processus de voisement des initiales était encore productif lorsque le
88
B.Michailovsky, Cours de linguistique tibéto-birmane, 27 Avril 2004.
411
verbe tibétain gtor « éparpiller » a été emprunté en kɤ-χtɤr, mais il n’est pas clair si ce
processus est encore productif. On remarque par ailleurs dans ce tableau que le sens est
parfois légèrement différent entre le verbe de base et le verbe dérivé (par exemple kɤ-qrɯ
« tailler un habit » et kɤ-ɴɢrɯ « se casser (bol) »), ce qui suggère que la dérivation s’est
produite à une période ancienne et que le verbe dérivé a évolué indépendamment du
verbe de base.
La paire kɤ-ftɯl « apprivoiser » et kɤ-ndɯn « être apprivoisé » est un emprunt aux
verbes tibétains btul et ‘dun : il ne s’agit pas d’un exemple de dérivation en japhug, mais
d’une dérivation en tibétain : le verbe de base et le verbe dérivé ont tous deux été
empruntés.
Le sens du voisement intransitivant diffère de celui du préfixe rɤ- intransitivant (voir
p.409). En effet, le sujet du verbe intransitivé par voisement est toujours le même actant
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que celui de l’objet du verbe transitif d’où il est dérivé. Par exemple :
(163)
tɤ-ri
ɲɤ-mbrɤt
fil
MIP:3s:se couper
Le fil s’est coupé.
(164)
tɤ-ri
ɲɤ-prɤt
fil
MIP:3s>3:couper
Quelqu’un a coupé le fil.
Dans le cas d’un verbe intransitif en rɤ-, le sujet du verbe transitif et le sujet du verbe
intransitif sont le même actant. L’objet qui subit l’action est alors sous-entendu.
(165)
jɯfɕɯr a-ʁi
hier
tɤ-scos ci
1s:petit frère lettre
pa-rɤt
un peu AOR:3s>3:écrire
Hier, mon petit frère a écrit une lettre.
(166)
jɯfɕɯr
a-ʁi
pɯ-rɤrɤt
hier
1s:petit frère AOR:3s:écrire
Hier, mon petit frère a écrit quelque chose.
On trouve également deux exemples où l’alternance de voisement (Tableau 307)
dérive un verbe intransitif d’un autre verbe intransitif. Ce cas d’alternance de voisement
ne semble pas être lié à la transitivité ou à l’actance.
verbe de base
sens
verbe dérivé
sens
kɤ-sqlɯm
s’affaisser en crevasse
kɤ-rɴɢlɯm
concave
kɤ-ɤjtɯ
s’accumuler
kɤ-ndɯ
s’accumuler d’un coup
Tableau 307 : Autres usages de l’alternance de voisement.
Le verbe kɤ-ndɯ s’oppose à kɤ-jtɯ en ce qu’il implique que l’action se produit en une
seul fois, ce dans l’exemple suivant :
412
(167)
tu-rɯstɤnmɯ́-nɯ tɕe,
tɯ-rɟɯ
IPF:3p:se marier
richesse beaucoup IPF:3s:s’accumuler MDR:3s:être
CONJ
kʰro
tu-ndɯ
ɲɯ-ɕti
Lorsqu’il se marieront, il auront beaucoup de richesses d’un seul coup.
6.7
Les fonctions dérivationnelles de la réduplication partielle
La réduplication partielle a trois fonctions dérivationnelles : elle permet de dériver des
verbes exprimant une action sans direction fixe, des verbes réciproques, et aussi, dans un
cas, un verbe statif exprimant un degré moins fort. Dans ces trois fonctions, c’est la
dernière syllabe de la racine du verbe qui est rédupliquée. Ainsi le verbe kɤ-nɯ-rɯtʂa
« envier » dont la racine est /rɯtʂa/ se rédupliquera en kɤ-nɯ-rɯ-tʂɯ-tʂa « s’envier les
uns les autres ».
La dérivation des verbes d’action sans direction fixe n’est plus productive dans la
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langue japhug actuelle. Dans ces cas, la réduplication partielle s’accompagne de l’ajout
de préfixes dérivationnels tels que ɤ- ou nɤ-.
kɤ-rpu « heurter » Æ kɤ-ɤ-rpɯ-rpu « heurter dans tous les sens »
kɤ-ti « dire »
Æ kɤ-nɤ-tɯ-ti « aller raconter partout »
La dérivation des verbes à sens réciproque en revanche est toujours productive dans
la langue moderne. Les verbes réciproques dérivés se divisent en deux types : certains
sont préfixés d’un double préfixe ɤ-mɯ-, tandis que la plupart ne sont pas préfixés : la
réduplication est la seule marque de la fonction réciproque.
kɤ-tso « comprendre » Æ kɤ-ɤmɯ-tsɯ-tso « se comprendre les uns les autres »
kɤ-rqoʁ « prendre dans ses bras » Æ kɤ-rqɯ-rqoʁ « se prendre les uns les autres
dans les bras. »
Enfin, on trouve un exemple isolé où la réduplication exprime un degré moins fort :
kɯ-ɤqarŋe « jaune » Æ kɯ-ɤqarŋɯ-rŋe « jaune pâle ».
6.8
L’infixation en –lOn trouve un type de réduplication en japhug par lequel la rime de la syllabe de base
est rédupliquée, tandis que son groupe de consonnes initiales (incluant la médiane) sont
remplacés par l-. Ce type de réduplication développe le sens d’une action se déroulant
sans direction déterminée, dans tous les sens. Quasiment tous ces verbes sont par
ailleurs précédés d’un préfixe nɤ-.
verbe de base
sens
verbe dérivé
sens
kɤ-tʂoʁ
mélanger
kɤ-ɤ-tʂoʁ-loʁ
être mélangé
kɤ-pɣaʁ
renverser
kɤ-nɤ-pɣaʁ-laʁ
se tourner dans tous les sens
kɤ-ndʑaʁ
traverser la rivière
kɤ-nɤ-ndʑaʁ-laʁ
nager
413
kɤ-mbrɤt
se couper
kɤ-nɤ-mbrɤ-lɤt
se couper sans arrêt
kɤ-ndʐaβ
tomber, glisser,
kɤ-nɤ-ndʐaβ-laβ
glisser, rouler dans tous les
rouler
sens
kɤ-qraʁ
déchirer
kɤ-nɤ-qraʁ-laʁ
déchirer dans tous les sens
kɤ-mtsaʁ
sauter
kɤ-nɤ-mtsaʁ-laʁ
sautiller, sauter dans tous les
sens
kɤ-ŋke
aller, marcher
kɤ-nɤ-ŋkɤ-ŋke
aller dans tous les sens
Tableau 308 : Verbes rédupliqués à infixe -l- en japhug.
Pour kɤ-nɤ-mbrɤ-lɤt « se couper sans arrêt », on attendrait en fait *kɤ-nɤ-mbrɤ-lɤt :
la finale –t est assimilée par le /l/. A cette liste on peut rajouter kɤ-nɤ-ɕtʂaŋ-laŋ « se
balancer » dérivé d’un verbe non-attesté *kɤ-ɕtʂaŋ et peut-être aussi kɤ-nɤ-mɲo-le
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« regarder le paysage, regarder de tous côtés » dérivé de kɤ-mɲo « regarder » avec un
changement vocalique inexpliqué.
Cette liste n’est pas exhaustive, mais il est difficile de déterminer dans quelle
mesure ce procédé garde une productivité. Par exemple, pour le verbe kɤ-ɕar
« chercher », on peut construire une forme ?kɤ-nɤ-ɕar-lar « aller chercher de tous côtés »
qui est comprise par les locuteurs, mais pas jugée naturelle.
La réduplication par l- rappelle l’infixation en -l- dans les dialectes chinois (appelés
切脚字 qiejiaozi ou, de façon plus spécifique 嵌-l-词 qian l ci). Cette infixation se retrouve
aussi bien dans les dialectes Jin que les dialectes Min. Un des sens de cette infixation est
celui d’une action sans direction particulière, ou d’une action qui change de direction.
Dans le Tableau 309 et le Tableau 310, nous présentons quelques exemples de verbes
infixés en -l- dans un dialecte Jin (Li Zhiguo 1991) et un dialecte Min (Liang Yuzhang
1994), où ce sens est très clair.
verbe de base
kuŋ214
sens
滚 rouler
verbe dérivé
kuəʔ21 luŋ214
sens
翻 转 滚 动 se rouler et se
renverser
pai214
摆 remuer, placer
pəʔ21 lai214
摆动 balancer
Tableau 309 : Infixation en -l- dans le dialecte Jin de Yimeng.
verbe de base
sens
verbe dérivé
sens
kuŋ21
滚 rouler
ku21 luŋ21
翻滚 se rouler et se renverser
pai214
摆 remuer, placer
pəʔ21 lai214
成弧形摆动 balancer avec un
mouvement circulaire
Tableau 310 : Infixation en -l- dans le dialecte Min de Fuzhou.
414
Sagart (1999 : 117-120) propose que l’infixation en -l- dans ces dialectes vienne d’un
procédé d’infixation en *-r- en chinois archaïque d’action distribuée. Il est donc possible
que l’infixation en -l- en japhug et l’infixation en *-r- du chinois archaïque soient des
processus hérités d’un infixe dans l’ancêtre commun aux deux langues. On trouve un
exemple où le japhug l- correspond à *r- en chinois et en tibétain : le mot kɤ-lɤɣ < PGR
*lɔk « faire paître », apparenté à ‘brog-pa « nomade » et au chinois 牧 mjuwk < *bmruk89
« faire paître, pâturage ».
La présence de l’infixation en -l- en japhug est d’une importance cruciale pour la
reconstruction du sino-tibétain : c’est là la preuve que l’infixe *-r- du chinois remonte à
l’ancêtre commun du rgyalrong du chinois.
6.9
Incorporation
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On désigne par « incorporation » un procédé par lequel un nom (actant) ou un
adverbe est inclu dans le mot verbal. Le tchouktche est un exemple classique des
langues à incorporation. Comparons les deux phrases (Skorik 1977 : 238) :
(168)
мыт-ӄэпл-увичвет-ыркын
1p-ballon-jouer-présent
Nous jouons au ballon.
(169)
ӄэпле
мыт-увичвет-ыркын
ballon
1p-jouer-présent
Nous jouons avec le ballon.
Dans la première, l’objet ӄэпле « ballon » est intégré au verbe et précédé du préfixe de
première personne du pluriel мыт-. Ce processus est productif, et peut s’appliquer à des
adverbes, des objets indirects ou même des verbes.
En japhug, l’incorporation est un phénomène limité et non-productif. Il est même
possible d’établir une liste quasi-exhaustive des exemples d’incorporation dans cette
langue :
Nom
jla
sens
hybride
de
yak
de
et
verbe
sens
verbe dérivé
kɤ-mtsʰi
conduire,
kɤ-nɯ-jlɤ-mtsʰi
mener un hybride
de yak et de vache
mener
vache
sens
mbro
cheval
kɤ-mtsʰi
conduire
kɤ-nɯ-mbrɤ-mtsʰi
mener un cheval
mbro
cheval
kɤ-rɟɯɣ
courir
kɤ-nɯ-mbrɤ-rɟɯɣ
faire
galoper
un
cheval
89
Sagart (1999 : 84) reconstruit ce mot *bmr-luk, sur la base d’une relation étymologique avec 育 yuwk
< *bluk « nourrir ». Toutefois, une relation avec 陸 ljuwk < *bmə-ruk « terre ferme » nous semble plus
probable, et il n’est pas nécessaire de reconstruire un *l- dans ce mot en chinois.
415
mbro
kɤ-lɤɣ
cheval
faire paître
kɤ-nɯ-mbrɤ-lɤɣ
faire
paître
un
cheval
paʁ
cochon
kɤ-lɤɣ
faire paître
kɤ-nɯ-paʁ-lɤɣ
sortir un cochon
tsʰɤt
chèvre
kɤ-lɤɣ
faire paître
kɤ-nɯ-tsʰɤ-lɤɣ
faire
paître
une
paître
une
chèvre
qra
femelle
de
kɤ-lɤɣ
faire paître
kɤ-nɯ-qra-lɤɣ
yak
nɯŋa
vache
faire
femelle de yak
kɤ-lɤɣ
faire paître
kɤ-nɯ-nɯŋa-lɤɣ
faire
paître
une
paître
un
paître
un
vache
mbala
bœuf
kɤ-lɤɣ
faire paître
kɤ-nɯ-mbala-lɤɣ
faire
bœuf
qa-ʑo
mouton
kɤ-lɤɣ
faire paître
kɤ-nɯ-qaʑo-lɤɣ
faire
mouton
kʰɯna
chien
kɤ-tsʰoʁ
faire pousser,
kɤ-ɣɯ-kʰɯ-tsʰoʁ
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lâcher (les
lâcher les chiens
(à la chasse)
chiens)
qʰu
arrière
kɤ-ru
voir
kɤ-nɤ-qʰa-ru
se retourner
zrɯɣ
pou
kɤ-ru
voir
kɤ-nɯ-zrɯɣ-ru
épouiller
qʰu
arrière
kɤ-ŋga
s’habiller
kɤ-nɤ-qʰɤ-ŋga
se mettre un habit
sur les épaules
qʰu
arrière
kɤ-stu
être droit,
kɤ-nɯ-qʰɤ-stɯ-stu reculer
se tendre
pʰaʁ
côté
*kɤ-ɲɤl90
se coucher
kɤ-nɯ-pʰaʁ-ɲɤl
se coucher de côté
si
bois
kɤ-ɴqoʁ
être accroché
kɤ-nɯ-sɯ-ɴɢoʁ
ramasser du bois
si
bois
kɤ-pʰɯt
couper
kɤ-ɣɯ-sɯ-pʰɯt
couper du bois
tɯ-ɣli
excréments
kɤ-tɕɤt
enlever
kɤ-ɣɯ-lɯ-tɕɤt
sortir les
excréments des
animaux de
l'étable pour en
faire de l'engrais
Tableau 311 : Verbes à incorporation en japhug.
On note que ces verbes expriment en majorité une relation avec un animal
domestique. La racine élargie des verbes à incorporation en japhug a la structure
suivante :
(170)
nɯ- / nɤ- / ɣɯ- + racine nominale + racine verbale
Les préfixe nɯ-, nɤ- ou ɣɯ- sont probablement apparentés étymologiquement aux
préfixes dénominaux. La racine nominale subit dans certains cas un ablaut (/qʰu/ Æ /qʰɤ/,
90
Emprunt au tibétain nyal-ba « dormir, s’allonger », qui n’existe plus en japhug moderne comme mot
indépendant.
416
/ɣli/ Æ /lɯ/). Cette racine nominale est soit l’objet du verbe, soit, dans le cas de /qʰu/, un
circonstant. Ce procédé n’est pas productif : il est impossible de former un verbe tel que
*kɤ-nɯ-qambrɯ-lɤɣ « faire paître un yak ».
L’incorporation en japhug se distingue de celle du tchouktche en ce que le nom
incorporé est inséré entre un préfixe dérivationnel et la racine verbale : le nom n’est pas
en contact direct avec les affixes flexionnels, et ne se trouve jamais au début du mot
lorsque le verbe est à une forme non préfixée. L’incorporation japhug est un procédé
dérivationnel, alors qu’il est flexionnel en tchouktche.
6.10 Conclusion
La morphologie dérivationnelle du japhug conserve des morphèmes hérités du
proto-sino-tibétain, tels que le causatif sɯ- / ɕɯ- ou l’infixe -l-, et est d’un intérêt
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comparatif considérable.
Dans le chapitre suivant sur les verbes contractes, nous traiterons d’autres affixes
dérivationnels à la phonologie complexe.
417
7 Les verbes contractes
On rencontre dans tous les dialectes japhug une catégorie de verbes intransitifs dont
les formes préfixées présentent un vocalisme anormal. Dans ce type de verbe, les
préfixes de série 1 (aoriste) deviennent semblables aux préfixes de série 3, et les préfixes
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de série 2 (imperfectif) deviennent apparemment semblables aux préfixes de série 4.
haut
bas
amont
aval
est
ouest
sans direction
1
tɤ
pɯ
lɤ
thɯ
kɤ
nɯ
jɤ
2
tu
pjɯ
lu
chɯ
ku
ɲɯ
ju
3
ta
pa
la
tha
ka
na
ja
4
to
pjɤ
lo
chɤ
ko
ɲɤ
jo
Tableau 312 : Les quatre séries de préfixes directionnels.
Les préfixes de TAM synonymes des préfixes de série 2 (ɲɯ- : médiatif direct présent
et présent habituel, ku- : présent progressif) subissent les mêmes changements.
Dans
ce
chapitre,
nous
allons
étudier
les
particularités
phonologiques
et
morphophonologiques de cette classe de verbes, puis nous étudierons leurs propriétés
morphosyntaxiques, pour tracer l’origine de ce phénomène en rgyalronguique.
7.1
Morphophonologie
Les verbes traités dans ce chapitre sont appelé contractes, parce que le vocalisme
anormal des préfixes évoqué en introduction est dû à la présence d’un préfixe a- / ɤ- qui
fusionne avec la voyelle du préfixe placé avant lui, le japhug n’admettant pas le hiatus. On
peut le vérifier aisément à la forme du non-passé qui n’est pas accompagnée d’un préfixe
directionnel, et où le préfixe a- apparaît pleinement, comme dans l’exemple ci-dessous
avec le verbe kɤ-ta « être posé »
(171)
fso
tɕe,
ɯ-kʰa
demain
CONJ
3s:maison
jɤ-tɯ-ɤri
AOR:2s:aller
laχtɕʰa ata
ɕti
affaires
NPA:3s:être
NPA:3s:être.posé
tɕe,
CONJ
Demain, lorsque tu iras chez lui, (tes) affaires y seront encore sans doute.
Comme nous le verrons dans la section suivante sur la morphosyntaxe, ce préfixe
regroupe en fait plusieurs préfixes synonymes, mais il s’agit dans tous les cas d’un préfixe
dérivationnel.
418
Les fusions vocaliques que l’on observe avec le préfixe a- / ɤ- ne sont pas uniques
dans la langue. Le préfixe asɯ- / ɤsɯ- (voir 5.4.1 et 5.4.2 pour un description des
fonctions de ce préfixe) présente exactement le même type de fusion. Les règles
morphophonologiques décrites dans ce chapitre seront applicables à cet autre préfixe.
Les règles de fusion vocalique en japhug sont plus complexes que ne pourrait le
laisser croire le tableau présenté en introduction. En effet, selon le type de préfixe qui le
précède, le préfixe des verbes contractes a deux formes : a- et ɤ-. Toute la difficulté tient à
la distribution de ces deux allomorphes, qui est dictée davantage par la morphologie (la
fonction du préfixe antéposé) que par la phonologie (voyelle et initiale du préfixe
antéposé). Nous allons donc passer en revue tous les préfixes verbaux du japhug pour
les classer en deux groupes selon l’allomorphe du préfixe a- / ɤ- qui est compatible avec
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chacun.
Pour rendre notre transcription plus transparente du point de vue de la morphologie,
nous avons pris le parti de séparer le préfixe a- / ɤ- des autres préfixes avec lesquels il
fusionne. Les règles de notre orthographe sont les suivantes : lorsque des préfixes à
vocalisme ɯ- et ɤ- sont suivis de a- / ɤ-, nous représentons la frontière de morphème avec
un tiret (–) et nous maintenons dans l’écriture la voyelle du préfixe qui précède a- / ɤ- :
tɤ-akʰu « il a crié vers haut » se prononce [takhu], ɯ-tɯ-ɤmtɕoʁ nɯ « c’est très pointu » se
prononce [ɯtɤmtɕoʁ nɯ]. Dans ces cas, la voyelle du préfixe précédant a- / ɤ- disparaît
sans laisser de trace dans la prononciation. Cette transcription ne pose pas de problème
étant donné que le japhug de kɤmɲɯ n’autorise pas le hiatus.
Dans le cas des préfixes à vocalisme –u il n’existe qu’une forme contractée, qui se
prononce invariablement –o. Nous la notons conventionnellement u-a dans l’orthographe :
ainsi ku-ata « c’est posé en ce moment » qui se prononce [kota].
Les règles présentées dans ce chapitre sont résumées dans le tableau 2 :
Orthographe
Prononciation
u-a
o
ɯ-ɤ
ɤ
ɯ-a
a
ɤ-ɤ
ɤ
ɤ-a
a
Tableau 313 : règles de fusion vocalique des verbes contractes
419
7.1.1
Préfixes sélectionnant l’allomorphe a-
Seuls cinq groupes de préfixes se combinent avec l’allomorphe –a : les préfixes de
série 1 à l’aoriste, les préfixes de mouvement ɣɯ- / ɕɯ-, le préfixe jɯ- de futur proche, la
négation mɤ- et l’interrogatif ɯ- (ce dernier sera abordé séparément en 1.5).
Les préfixes de série 1 ont un vocalisme –a à l’aoriste quel que soit le vocalisme du
préfixe -ɯ ou -ɤ, tout comme nous l’avons exposé dans l’introduction : c’est le résultat de
la contraction avec l’allomorphe a-. Toutefois, lorsqu’un autre préfixe se place entre la
racine et le préfixe de série 1, la contraction s’opère avec le préfixe le plus proche de la
racine. C’est ce qui se passe avec le préfixe de seconde personne, qui requiert quant à lui
l’allomorphe ɤ-. Pour illustrer ce phénomène, voici une partie du paradigme d’un verbe
contracte à l’aoriste :
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(172)
kɤ-ɕqʰe
« tousser » aoriste
tɤ-aɕqʰe-a [taɕqʰia]
je tousse
tɤ-tɯ-ɤɕqʰe [tɤtɤɕqʰe]
tu tousses
tɤ-aɕqʰe [taɕqʰe]
il tousse
tɤ-aɕqʰe [taɕqʰe]
tousse ! (impératif)
Toutefois, à d’autres temps que l’aoriste et l’impératif, les préfixes de série 1 n’ont
pas le même comportement. A l’irréel, le préfixe pɯ- de série 1 requiert la forme ɤ- :
(173)
a-pɯ-ɤɕqʰe
s’il avait toussé
Les préfixes de déplacement ɣɯ- « venir » et ɕɯ- « aller » (5.4.5.1) sélectionnent la
forme a-, mais ces cas sont très rares car le préfixe a- / ɤ- ne peut se trouver au contact
de ces préfixes qu’au non-passé, seule forme non-préfixée du verbe. Par ailleurs, leur
sémantique implique une action volontaire qui est, comme nous le verrons dans la section
suivante, incompatible avec celle de la plupart des verbes préfixés en a- / ɤ-. Exemples :
ɣɯ-akʰu « il vient ici crier » ɕɯ-akʰu « il va là-bas crier ».
Tout comme les préfixes de mouvement, le préfixe jɯ- de futur (5.4.5.3) ne peut être
en contact avec le préfixe a- / ɤ- que lorsque le verbe est au non-passé. Exemple :
jɯ-atɕʰɯs « il va éternuer », comme dans la phrase :
(174)
jɤ-ru
ma
jɯ-atɕʰɯs
ʑo
ɲɯ-ŋu
IMP:s:regarder
CONJ
IMM:NPA:3s:éternuer
adverbe
MDR:3s:être
Regarde ! il va éternuer !
Enfin, la négation mɤ- appartient elle aussi à la catégorie des préfixes qui sont
compatibles avec l’allomorphe a-. La négation a un point commun avec les deux derniers :
elle ne peut se trouver au contact d’un préfixe dérivationnel tel que a- / ɤ-
qu’au
non-passé. Exemple : mɤ-aɕqʰe « il ne toussera pas ».
On remarque que ces quatre groupes de préfixes ont un point commun : ils ne sont
420
jamais précédés eux-mêmes de préfixes. Parfois, ils se mettent à sélectionner
l’allomorphe ɤ-. C’est le cas des préfixes de série 1 lorsqu’ils sont précédés du préfixe ade l’irréel91, comme nous l’avons vu plus haut. Toutefois, dans d’autres cas, les préfixes
de série 1 à l’aoriste sélectionnent tout de même l’allomorphe a- lorsqu’ils sont précédés
des préfixes de mouvement, le préfixe du futur proche, la négation mɯ-, le préfixe
interrogatif ɯ- ou par leur diverses formes rédupliquées (conditionnel etc.) :
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(175)
a)
ɣɯ-tɤ-akʰu « il est venu crier »
b)
jɯ-tɤ-aɕqʰe ʑo « il a failli tousser »
c)
mɯ-tɤ-akʰu « il n’a pas crié »
d)
tɯ-tɤ-akʰu nɤ « s’il a crié »
e)
tɯ-tɤ-aɕqʰe ʑo kɯ « il tousse de plus en plus »
f)
ɯ-tɤ́-aɕqʰe ? « est-ce-qu’il tousse »
Ce n’est probablement pas une coïncidence que ces groupes préfixes sont précisément
ceux qui exigent l’allomorphe a-.
Etant donné que les négations mɯ- et mɤ- sont en distribution complémentaire par
rapport aux catégories de TAM, et que seule la négation mɤ- apparaît au non-passé, et
peut donc dans certains contextes fusionner avec le préfixe a- / ɤ-, nous ne pouvons pas
savoir si mɯ- est un préfixe sélectionnant l’allomorphe a- ou sélectionnant l’allomorphe ɤ-.
Toutefois, par le fait même que ces deux négations sont en distribution complémentaire,
on peut les considérer, au moins du point de vue synchronique, comme des variantes
d’un même morphème. Ainsi, les faits ne contredisent pas notre généralisation : les
préfixes de séries 1 ne peuvent pas sélectionner l’allomorphe a- lorsqu’ils sont préfixés,
sauf si le préfixe sélectionne lui-même l’allomorphe a-.
7.1.2
Préfixes sélectionnant l’allomorphe ɤ-
Le reste des préfixes sélectionne l’allomorphe ɤ-. Cela comprend, en plus du préfixe
de deuxième personne et des préfixes de série 1 aux autres temps que l’aoriste, les
préfixes suivants : préfixes de série 2 (imperfectif) à vocalisme -ɯ, gérondif, préfixes des
formes nominales du verbe et certains préfixes dérivationnels.
Les préfixes de séries 2, comme nous l’avons évoqué dans l’introduction, deviennent
apparemment semblables aux préfixes de série 4. Il existe toutefois une différence
importante entre les deux : les préfixes de série 4 à initiale palatalisée, comme nous
91
Les préfixes de mouvement et la négation mɤ- peuvent eux-aussi être précédés du préfixe a- de l’irréel,
mais dans ces cas ils ne peuvent pas se trouver en contact avec le préfixe a- / ɤ- car un préfixe de série 1
est obligatoirement placé juste avant la racine élargie du verbe aussi bien à l’irréel qu’au jussif.
421
l’avons évoqué dans la section 5.3.1 p.358, ont deux formes en libre alternance : l’une à
vocalisme -ɤ, l’autre à vocalisme –o.
direction
variante en -ɤ
variante en -o
bas
pjɤ-
pjo-
aval
chɤ-
cho-
ouest
ɲɤ-
ɲo-
Tableau 314 : variantes en libres alternance des préfixes de série 4.
Or, les fusions des préfixes de série 2 avec le préfixe a- / ɤ- (à l’imperfectif non-passé,
notamment) donnent uniquement la variante à vocalisme -ɤ, ce qui permet de distinguer
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les deux.
direction
orthographe
prononciation
bas
pjɯ-ɤ
[pjɤ]
aval
chɯ-ɤ
[chɤ]
ouest
ɲɯ-ɤ
[ɲɤ]
Tableau 315 : Fusion des préfixes de série 2 avec le préfixe a- / ɤ-.
L’allomorphe ɤ- est utilisé avec toutes les formes nominales du verbe. Les verbes
statifs à préfixe a- / ɤ- ont donc une forme infinitive (nom d’action) en kɤ- au lieu d’une
forme en kɯ- : kɤ-rŋi « bleu », aoriste : nɯ-arŋi « il est devenu bleu ». Pour les verbes
dynamiques à préfixe a- / ɤ-, on ne peut pas distinguer le nom d’agent du nom d’action :
kɤ-ɕqʰe signifie aussi bien « le fait de tousser (kɤ-ɤɕqʰe) » que « celui qui tousse
(kɯ-ɤɕqʰe). » Avec ce type de formes, notre orthographe écrit kɤ- dans tous les cas pour
simplifier la transcription.
Les noms de degré, avec préfixe tɯ-, se forment également avec l’allomorphe ɤ- :
(176)
ɯ-tɯ-ɤɕqʰe nɯ « il tousse beaucoup / souvent »
Les noms d’action en tɯ- présentent également la forme ɤ- :
(177)
tɯ-ɤɕqʰe
« la toux »
Le gérondif des verbes contractes n’est pas distinct de celui des verbes sans préfixes
dérivationnels : il est formé d’un préfixe sɤ- suivi de la racine du verbe rédupliquée.
Exemples : sɤ-tsʰɯ-tsʰi « en buvant (verbe non contracte sans préfixe dérivationnel), »
sɤ-ɕqʰɯ-ɕqʰe « en toussant (verbe contracte) ». Cette dernière forme pourrait s’écrire
sɤ-ɤɕqhɯ-ɕqʰe dans notre orthographe, pour noter la présence du préfixe même si
celui-ci n’est pas apparent, mais, comme dans le cas des préfixes nominaux kɯ- / kɤ-,
nous préférons écrire sɤ- dans tous les cas pour ne pas alourdir notre transcription.
Les préfixes dérivationnels sélectionnent l’allomorphe ɤ-, mais l’ordre relatif des
422
préfixes dérivationnels par rapport au préfixe a- / ɤ- est variable. La plupart des préfixes
se placent après lui (préfixe nɯ- du moyen, préfixe mɯ- du réciproque), tandis que
d’autres préfixes se placent avant lui (préfixe sɯ- de causatif, préfixe ɣɤ- de causatif des
verbes statifs et le préfixe nɯ- de l’applicatif, qu’il convient de ne pas confondre avec le
moyen). Lorsque a- / ɤ- se trouve précédé d’un autre préfixe dérivationnel, le verbe cesse
d’être un verbe contracte, puisque dans ce cas les préfixes inflexionnels ne peuvent pas
entrer en contact avec a- / ɤ-. Exemple : kɤ-la « bouillir Intr. » est un verbe contracte, mais
sa forme causative kɤ-sɯ-ɤla « faire bouillir » ne l’est pas.
On rencontre dans toute la langue un seul cas de fusion de la forme sɯɣ- du préfixe
causatif avec le préfixe a- / ɤ- : il s’agit de l’aoriste du verbe kɤ-sɯɣɕe « envoyer ». Le
verbe kɤ-ɕe, comme nous l’avons vu, est le seul de toute la langue à présenter une
alternance de thème supplétive. Le thème 1 de ce verbe est -ɕe et le thème 2 est –ari. Les
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formes dérivées de ce verbe présentent bien sûr la même alternance. L’aoriste de
kɤ-sɯɣɕe est ainsi jɤ-sɤɣri : au lieu de former une racine élargie trisyllabique *sɯɣ-ɤri ou
de sélectionner l’allomorphe sɯ- à la place de sɯɣ- *sɯ-ɤri, la langue de kɤmɲɯ choisit
de fusionner sɯɣ- et ɤ-. Comme dans tous les autres cas les verbes contractes
sélectionnent l’allomorphe sɯ- du causatif, il n’y a aucun autre exemple de cette
contraction dans le reste de la langue.
7.1.3
Forme kɤ- du préfixe
Comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises dans ce chapître, les préfixes de
série 2, en fusionnant avec le préfixe a- / ɤ-, deviennent presque identiques avec ceux de
série 4. Or, tous les verbes contractes sont intransitifs, et comme nous l’avons vu, le
thème 3 de la racine des verbes intransitifs est toujours identique au thème 1 dans toutes
les langues rgyalronguiques que nous avons étudiées. De ce fait, l’imperfectif non-passé
devient identique au médiatif indirect passé. Toutefois, le japhug de kɤmɲɯ, seul parmi
toutes les variétés de japhug sur lesquelles nous avons travaillé, a développé une forme
verbale particulière : le préfixe a- / ɤ-, lorsqu’il est précédé de préfixes de série 4, se voit
adjoindre un préfixe kɤ-. Ce curieux phénomène est également présent avec le préfixe
continu asɯ- / ɤsɯ-. L’ajout de ce préfixe permet de désambiguïser la forme en question.
Nous appelons cette forme médiatif indirect passé 2 (MIP2), et dans les cas où le préfixe
pjɤ- est utilisé avec une valeur imperfective, médiatif indirect passé imperfectif 2 (MIF2).
Exemples : tu-ala « ça bout (IPF), » to-kɤ-la(-chɯ) « ça a bouilli (MIP2). » Une forme telle
que to-la (MIP 3s) est comprise et acceptée par les locuteurs, mais on n’en trouve aucun
exemple dans les textes. La raison pour laquelle cette forme est considérée tout de même
comme grammaticale est que les locuteurs du parler de kɤmɲɯ sont en contact avec les
locuteurs des autres dialectes japhug et sont habitués à entendre ce type de formes sans
423
préfixe kɤ-. Par ailleurs, comme nous le verrons ci-dessous, le MIP2 est restreint à la
troisième personne et le MIP est tout de même utilisé avec les verbes contractes aux
autres personnes.
Le MIP2 est optionnellement suffixé en -chɯ, un suffixe non-accentué qui
s’apparente sans doute au suffixe médiatif –cə dans la langue de tshobdun (Sun 2002 :
82). Ce suffixe apparaît aussi avec les verbes préfixés en asɯ- / ɤsɯ- au MIF2, et nulle
part ailleurs : dans le parler de kɤmɲɯ, le suffixe –chɯ requiert d’être adjoint à une forme
verbale préfixée par {préfixe de série 4 + kɤ + ɤ-} ou {préfixe de série 4 + kɤ + ɤsɯ-}.
Le préfixe kɤ- et le suffixe –chɯ au MIP2 et au MIF2 se retrouvent dans toutes les
formes verbales dérivées, telles que les formes rédupliquées :
(178)
tɯ-to-kɤ-ɕqʰé-cʰɯ ʑo kɯ « il tousse de plus en plus (il paraît) »
Toutefois, comme nous l’avons évoqué plus haut, il est notable que le MIP2 et le
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MIF2 ne s’utilisent qu’à la troisième personne. A la seconde personne (la première étant
quasiment inutilisée au médiatif indirect pour des raisons pragmatiques), seul le MIP peut
être utilisé. Toutefois, la seconde personne n’est pas ambiguë, elle ne peut être
confondue avec l’imperfectif non-passé :
(179)
to-tɯ-ɤɕqʰe
« tu as toussé (paraît-il) » MIP
(180)
tu-tɯ-ɤɕqʰe
« tu tousses » IPF
En effet, la fusion s’opère avec le préfixe de seconde personne et non avec le préfixe
directionnel.
L’origine du préfixe kɤ- du MIP2 et du MIF2 est assez évidente : il s’agit
originellement de la forme d’impersonnel des verbes intransitifs kɯ- fusionnée avec le
préfixe a- / ɤ- au MIP. Comme nous l’avons vu dans la section 5.1.2.4 p.349, on peut tout
à fait former l’impersonnel du MIP, par exemple : to-kɯ-mbro « avoir grandi » ; toutefois,
le MIP2 se distingue de l’impersonnel du MIP sur deux points : premièrement, même si le
MIP2, comme l’impersonnel, est restreint à la troisième personne, en revanche, il peut
former le duel et le pluriel, comme on peut le constater dans le paradigme suivant :
(181)
kɤ-ɕqʰe « tousser » au MIP2
to-kɤ-ɕqʰe (-cʰɯ)
to-kɤ-ɕqʰé-ndʑi (-cʰɯ)
to-kɤ-ɕqʰé-nɯ (-cʰɯ)
Deuxièmement, le MIP2 permet optionnellement la suffixation de –chɯ.
7.1.4
Un verbe irrégulier : kɤ-zɣɯt « arriver »
Parmi les verbes contractes, un seul présente des formes irrégulières. Il s’agit de
kɤ-zɣɯt « arriver. » A certaines formes de ce verbe, le préfixe a- / ɤ- disparaît alors sans
laisser de traces. Ceci comprend les formes de l’aoriste 2 et les noms déverbaux. Avec le
424
préfixe de seconde personne, la suppression du préfixe a- / ɤ- n’est qu’optionnelle.
(182)
a)
jɤ-tɯ-ɤzɣɯt / jɤ-tɯ-zɣɯt
« tu es arrivé »
b)
ju-tɯ-zɣɯt
« dès que tu arrives / es arrivé »
c)
ɯ-tɯ-zɣɯt (pjɤ-ɣɤji)
« il est arrivé très vite » (nom de degré)
d)
kɯ-zɣɯt
« celui qui est arrivé » (nom d’agent)
En l’absence de données directement comparables dans d’autres langues, il est difficile
de tirer une conclusion de cette exception. Toutefois, il est probable que la coexistence
des formes irrégulières avec les formes régulières (à la seconde personne) indique que
l’analogie est en train de gommer la dernière trace d’un phénomène morphophonologique
ancien92.
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7.1.5
Forme interrogative ɯ- : -j- épenthétique
Le seul procédé dont nous avons parlé jusqu’ici utilisé pour éviter le hiatus était la
fusion de la voyelle du préfixe avec a- / ɤ-. Il y a un cas ou ce procédé n’est pas utilisé : la
forme interrogative du non-passé des verbes contractes, où le préfixe interrogatif ɯ- est
en contact avec a- / ɤ-. Dans ce cas, on insère un segment -j- entre ɯ- et ɤ- :
ɯ́-j-atsɯtsu ?
« est-ce-qu’il va arriver à temps ?
Fonction du préfixe
Forme du préfixe
aoriste
préfixes de série 1 :
Allomorphe a- / ɤa-
tɤ-, pɯ-, lɤ-, thɯ-, kɤ-, nɯ-, jɤirréel / jussif
préfixes de série 1 :
ɤ-
tɤ-, pɯ-, lɤ-, thɯ-, kɤ-, nɯ-, jɤimperfectif non-passé
préfixes de série 2 :
ɤ-
pjɯ-, chɯ-, ɲɯseconde personne
tɯ-
ɤ-
négation
mɤ-
a-
mouvement
ɣɯ- / ɕɯ-
a-
immédiat
jɯ-
a-
interrogatif
ɯ́-
j-a-
nominalisateurs
kɯ-, kɤ-, tɯ-
ɤ-
gérondif
sɤ-
ɤ-
92
kɤ-zɣɯt est un verbe doublement préfixé dont la racine élargie peut s’écrire ɤ-z-ɣɯt. C’est un dérivé
du verbe transitif kɤ-ɣɯt « amener. » Le préfixe a- / ɤ- est ici le préfixe intransitivant, mais en revanche la
fonction de z- (allomorphe d’un *s- non attesté) n’est pas claire.
425
préfixes causatifs
sɯ-, sɯɣ-, ɣɤ-, nɯ-
ɤ-
impersonnel
kɯ-
ɤ-
médiatif indirect passé
préfixes de série 4 :
ɤ-
(forme dialectale)
to-, pjɤ-, lo-, chɯ-, ko-, ɲɤ-, jo-
Tableau 316: Récapitulatif de la distribution des allomorphes a- / ɤ- selon les préfixes
7.2
Morphosyntaxe comparée
Tout comme le tshobdun (Sun 2000a), les dialectes japhug ont subi un changement
*ŋa > a- au début de syllabe. Ce changement n’est toutefois attesté que par deux groupes
d’exemples : d’une part, le pronom *ŋajaŋ93 de première personne du singulier et le
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préfixe possessif *ŋa- qui ont donné régulièrement ɐɟiʔ / ɐ- en tshobdun et aʑo / a- dans
les dialectes japhug de gDong-brgyad94. D’autre part, plusieurs préfixes synonymes ŋaattesté tels quels en cogtse ont donné en japhug le préfixe a- / ɤ- des verbes contractes.
Le changement ŋa- Æ a- est aussi attesté sporadiquement en cogtse. Il est donc probable
qu’il s’est produit indépendamment en japhug et en tshobdun, et qu’il ne s’agit pas là
d’une innovation commune de ces deux langues.
Wei (2000 : 46-51 ; 80-83) a abordé dans sa thèse une fonction du préfixe ŋa- en
rgyalrong de cogtse : la dérivation de verbes intransitifs. Tout d’abord, nous proposerons
une critique des résultats de son travail, puis ensuite nous comparerons le
fonctionnement de ce préfixe en cogtse, en japhug, et également en tshobdun.
7.2.1
Cas de préfixes ŋa- sans fonction dérivationnelle.
Sur la base des exemples suivants a-k, Wei (2000 : 46-7) prétend que ŋa- / ŋɐpermet de dériver des verbes intransitifs, tandis que sa- / sɐ-, ʃa- / ʃɐ- et na- / nɐ- dérivent
des verbes transitifs.
(183)
a)
kə-ŋɐ-pkɐ̂n “changer (v.i.)”
ka-sa-kpân “changer (v.t.)”
b)
ka-ŋa-krú
“pleurer”
ka-ʃa-krú
“faire pleurer”
c)
kə-ŋa-rʃók
“se casser”
ka-sa-rʃók
“casser”
93
Cette forme signifiait à l’origine littéralement « moi-même ».
94
Les dialectes japhug de gSar-rdzong et de Da-tshang ont la forme ŋa comme pronom de première
personne singulier. Etant donné que le préfixe possessif est bien la forme a- dans ces dialectes, il est
possible que cette forme irrégulière soit due soit à l’influence du tibétain de l’Amdo, soit à celle du
rgyalrong oriental, les deux langues qui côtoient ces dialectes.
426
d)
kə-ŋɐ-cçolô “être mélangé”
kɐ-sɐ-cçolô “mélanger”
e)
kə-ŋɐ-jtə̂n
“s’accumuler”
kɐ-sɐ-jtə̂n
“accumuler”
f)
kə-ŋa-stô
“être droit”
ka-sa-stô
“mettre droit”
g)
ka-ŋa-pkí
“se cacher”
ka-ʃa-pkí
“cacher”
h)
kə-ŋa-nák
“être rapide”
ka-ʃa-nák
“render rapide”
i)
kə-ŋɐ-ndzót “aboyer”
kə-nɐ-ndzót “aboyer contre quelqu’un”
j)
ka-ŋa-kʰó
“crier”
ka-na-kʰó
“appeller”
k)
ka-ŋa-sŋô
“se quereller”
ka-na-sŋô
“gronder”
Comme nous le verrons dans la section 2.2, Wei a tout à fait raison de considérer ŋacomme un préfixe lié à la valence du verbe. Toutefois, pour au moins une partie des
exemples a-k, il n’est pas certain que ce soit ce préfixe qui soit en cause, mais un autre
préfixe synonyme. En effet, le préfixe intransitivant suppose un verbe transitif à la base
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duquel va être dérivé le verbe intransitif en ŋa-. Or, parmi tous ses exemples, aucun n’est
comparé à un verbe transitif non préfixé. Wei compare ces verbes intransitifs à des
verbes transitifs dérivés par des préfixes transitivants. Il n’explique pas clairement quel
verbe dans chacune des paires de verbes qu’il cite est le verbe de base, lequel est le
verbe dérivé.
Comparons les verbes a-k à leur cognats en japhug (lorsqu’ils en ont) :
(184)
b’. ka-ŋa-krú
“pleurer”
kɤ-ɣɤ-wu
e’. kə-ŋɐ-jtə̂n
“s’accumuler”
kɤ-ɤ-jtɯ
“être droit”
kɤ-ɤ-stu
f’.
kə-ŋa-stô
i’.
kə-ŋɐ-ndzót “aboyer”
kɤ-ɤ-ndzɯt
j’.
ka-ŋa-kʰó
kɤ-ɤ-kʰu
“crier”
Nous avons noté ici kɤ-ɤ- les verbes contractes. Presque tous les exemples de Wei
correspondent à des verbes contractes en japhug, à l’exception du verbe « pleurer », qui
a un préfixe ɣɤ- à la place de a- / ɤ-. En japhug, parmi ces cinq exemples, aucun verbe
préfixé n’a de verbe simple non-préfixé qui lui correspond. Cela signifie que même si a- /
ɤ- a eu un jour une valeur dérivationnelle en proto-rgyalrong dans ces exemples, il n’en a
plus aucune synchroniquement en japhug.
Parmi les exemples de Wei, on en trouve un autre qui n’a pas d’équivalent en japhug,
mais qui dans sa structure rappelle une classe particulière de verbes que l’on trouve en
japhug : les verbes à infixe -l-, qui ont été étudiés dans la section 6.8 p.413.
d)
kə-ŋɐ-cçolô “être mélangé”
kɐ-sɐ-cçolô “mélanger”
Dans les cinq exemples ci-dessus b’ à j’, étant donné que a- / ɤ- et ŋa- / ŋɐ- dans les
deux langues sont des préfixes inanalysables, le verbe intransitif est le verbe de base. Or,
si l’on examine le vocalisme des préfixes des verbes transitifs en a-k, il est aisé de
constater qu’il s’agit de –a ou de -ɐ, mais jamais de -ə, la forme habituelle de ces préfixes
427
en cogtse (sə- et ʃə- causatifs, nə- applicatif). Ce vocalisme irrégulier trouve une
explication en japhug : comme nous l’avons évoqué en 1.2, les préfixes sɯ-, ɣɤ- et
l’applicatif nɯ- en japhug se placent devant a- / ɤ- et sélectionnent l’allomorphe ɤ-, si bien
que le causatif des verbes contractes est toujours sɤ-, et l’applicatif toujours nɤWei constate que les préfixes ŋa- ont tendance à devenir des préfixes fusionnant
(comme ceux des verbes contractes en japhug) selon la fonction du préfixe et son
contexte : ainsi le préfixe ŋa- du médiatif indirect (Wei 2000 : 36, note 5), et le préfixe ŋaintransitivant précédé du préfixe nominalisant kə- (Wei 2000 : 50-51, exemples 17d-e).
Nous proposons donc que les préfixes causatifs / applicatifs à vocalisme a- / ɐ- des
exemples a-k sont en réalité le résultat de la fusion des préfixes sə-, ʃə-, nə- et du préfixe
ŋa-, qui n’apparaît jamais sous sa forme originelle dans ces cas. Les exemples a-k ne
sont donc en aucun cas une démonstration de la valeur intransitivante de ŋa- en cogtse. Il
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faut admettre qu’une partie des préfixes ŋa- n’a plus de sens analysable dans les langues
actuelles. Toutefois, comme nous l’avions dit en introduction, tous les verbes contractes
sont intransitifs ; il est donc possible que le préfixe *ŋa- ait eu, à un certain stade de
l’évolution des langues rgyalronguiques, une valeur analysable liée à la valence du verbe.
7.2.2
Dérivation de verbes intransitifs et statifs.
En japhug, une des fonctions du préfixe a- / ɤ- est de dériver des verbes intransitifs et
statifs à partir de verbes transitifs dynamiques. Du fait que le préfixe kɤ- de nominalisation
sélectionne l’allomorphe ɤ- du préfixe a- / ɤ-, la forme infinitive de ces verbes est
indistinguable de celle des verbes desquels ils sont dérivés. Pour mettre en valeur leur
différence, nous noterons kɤ-ɤ- la forme infinitive des verbes contractes tout au long de ce
chapitre. Si l’on considère un verbe tel que kɤ-ta « mettre », on peut en dériver un verbe
contracte kɤ-ɤ-ta « être mis. »
Ce verbe intransitif va accepter les mêmes catégories TAM que celles des autres
verbes intransitifs, sauf l’aoriste et le MIP2 :
(185)
a)
tɕoχtsi ɯ-taʁ ɕoʁɕoʁ ɲɯ-ɤta (MDR)
Un bout de papier a été posé sur la table (je le vois en ce moment).
b)
tɕoχtsi ɯ-taʁ ɕoʁɕoʁ ata (NPA)
Un bout de papier est / sera posé sur la table.
c)
tɕoχtsi ɯ-taʁ ɕoʁɕoʁ ku-ata (PRE)
Un bout de papier est posé sur la table (je le sais mais je ne le vois pas forcément).
d)
tɕoχtsi ɯ-taʁ ɕoʁɕoʁ pɯ-ata (PIF)
Un bout de papier était posé sur la table (je l’ai vu).
428
e)
tɕoχtsi ɯ-taʁ ɕoʁɕoʁ pjɤ-kɤ-tá-cʰɯ (MIF2)
Un bout de papier était posé sur la table (je ne l’ai pas vu).
L’aoriste et le MIP2 sont toutefois attestés avec au moins un verbe : le dérivé de kɤ-βzu
« faire », le verbe contracte kɤ-βzu « grandir jusqu’à un certain stade » peut se conjuguer
à ces deux temps :
(186)
tɤ-ɕi
kɤ-pʰɯt
tɤ-aβzu
orge
NAC:couper
AOR:3s:pousser jusqu’à un certain stade
On a fait pousser l’orge au point qu’il est prêt à être coupé (je l’ai vu pousser tout au long).
(187)
tɤ-ɕi
kɤ-pʰɯt
to-kɤ-βzú-cʰɯ
orge
NAC:couper
MIP2:3s:pousser jusqu’à un certain stade
On a fait pousser l’orge au point qu’il est prêt à être coupé (je ne l’ai pas vu pousser).
Le préfixe a- / ɤ-, même s’il supprime le sujet, implique que l’action a été produite par
un agent extérieur. Ainsi, le verbe kɤ-ɤ-prɤt « être coupé » dérivé de kɤ-prɤt « couper » a
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un sens légèrement différent de kɤ-mbrɤt « être coupé », dérivé par le voisement
intransitivant :
(188)
<dianhua> pjɤ-kɤ-ɤ-prɤ́t-cʰɯ
Quelqu’un a coupé la ligne (de téléphone).
(189)
<dianhua> pjɤ-mbrɤt
La ligne s’est coupée (d’elle-même).
La sémantique du verbe contracte dérivé est rarement aussi différente de celle du
verbe de base que dans le cas de kɤ-βzu. Voici quelques exemples :
(190)
a)
kɤ-mto
« voir »
kɤ-ɤ-mto
b)
kɤ-mtsʰɤm
« entendre »
kɤ-ɤ-mtsʰɤm « être audible »
c)
kɤ-rɤt
« écrire, dessiner »
kɤ-ɤ-rɤt
« être écrit, être dessiné »
d)
kɤ-rmbɯ
« amasser »
kɤ-ɤ-rmbɯ
« être amassé »
« être visible »
Comme nous l’avons observé en 1.2, les verbes contractes peuvent tout à fait être
précédés des préfixes causatifs et applicatifs. Toutefois, parmi tous les verbes que nous
avons étudiés ayant le préfixe a- / ɤ- intransitivant, seuls deux peuvent être préfixés du
causatif sɯ- : kɤ-ɤ-βzu « grandir jusqu’à un certain stade » et kɤ-ɤ-pa « devenir »95 dont
on peut dériver kɤ-sɯ-ɤ-βzu « préparer, faire en sorte que qqch soit prêt à »
et
kɤ-sɯ-ɤ-pa « transformer » comme dans l’exemple suivant :
(191)
tɤ-ɕi
kɤ-rŋu
tɤ-sɯ-ɤ-βzú-t-a
orge
NAC:frire
AOR:1s>3s:CAU:-ɤ-:faire
J’ai préparé l’orge pour qu’on puisse le faire frire.
Il n’est sans doute pas un hasard que les deux exemples auxquels le préfixe sɯ- peut
95
Etymologiquement, ce verbe signifiait « être fait ». C’est un dérivé de la racine PGR *pa « faire » qui a
donné kɤ-pa « fermer » en japhug.
429
être adjoint sont des verbes dont la relation sémantique avec le verbe de base non-préfixé
en a- / ɤ- n’est plus évidente en japhug. Il y a deux explications possibles à cet état de fait :
ou bien la dérivation causative n’est plus productive pour ce type de verbes depuis
longtemps et seuls quelques exemples ont réussi à se maintenir dans la langue, ou bien
elle n’était pas possible à un stade ancien de la langue et elle n’a pu leur être appliquée
que lorsque la sémantique du verbe préfixé en a- / ɤ- est devenue suffisamment éloignée
du verbe de base pour que a- / ɤ- ne soit plus considéré synchroniquement comme un
préfixe intransitivant.96
La préfixation en sɯ- n’est pas possible pour le reste des verbes de ce type. Ainsi de
kɤ-ɤ-rɤt « être écrit » on ne peut pas dériver une forme telle que *kɤ-sɯ-ɤ-rɤt.
L’incompatibilité entre les préfixes causatifs et a- / ɤ- est sans doute due à la même raison
que celle entre les causatifs et N- : la grammaire n’autorise pas de former un verbe
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transitif à partir d’un verbe intransitif déjà dérivé d’un verbe transitif.
Si le préfixe a- / ɤ- intransitivant dans les dialectes japhug appartient à la morphologie
dérivationnelle, il n’en est pas de même dans les dialectes apparentés. En cogtse, selon
le travail de Wei (2000 : 47-8), le préfixe ŋa- / ŋɐ- permet de supprimer un argument.
Toutefois, il diffère considérablement dans son usage des impersonnels du japhug, car
peut être utilisé avec les verbes intransitifs aussi bien qu’avec les verbes transitifs, et il n’a
pas le sens réflexif « soi-même » du préfixe impersonnel intransitif kɯ- du japhug.
Reprenons les exemples de Wei :
(192)
a)
nə-ŋáʃi-s ti, lɐmɐ́-kə rŋəwɐ̂ ka-səpá ra
Lorsque quelqu’un meurt, il faut demander à un lama de réciter un soutra.
b)
təzɐ̂ to-ŋáza-s wə-kʰú-j cçʰɐ̂ ka-mot ra
Après manger, il faut boire du vin.
Pour traduire en japhug les phrases (192), le seul moyen est de recourir aux deux préfixes
d’impersonnel kɯ- (supprime un actant à l’absolutif) et ɣɯ- (transitif, supprime l’actant à
l’ergatif) :
(193)
a)
nɯ-kɯ-si
tɕe,
AOR:IP2:3s:mourir CONJ
b)
βlama
kɯ tɯ-rpi
kɤ-sɯ-βzu
ra
lama
ERG sutra
NAC:CAU:faire
NPA:3s:devoir
cʰa
ra
tɯ-ndza tɤ́-ɣ-ndza
ɯ-qʰu
tɕe,
nourriture AOR:IP1:3>3s:manger
3s:après CONJ
kɤ-tsʰi
alcool NAC:boire
NPA:3s:devoir
Cette fonction est très clairement apparentée à celle du préfixe a- / ɤ- intransitivant,
qui diminue la valence du verbe. Il est important de noter que ce ŋa- peut être associé à
96
Cette double préfixation sɯ-ɤ- ne doit pas être confondue avec le préfixe intransitivant sɤ- qui été
abordé dans le chapitre 6.
430
des verbes intransitifs : c’est la une différence importante de plus avec son
fonctionnement en japhug, où il ne peut être préfixé qu’à des verbes transitifs.
On trouve dans la langue de tshobdun un préfixe cognat, le préfixe ɐ- qui, comme en
cogtse, est de nature inflexionnelle plutôt que dérivationnelle. Il permet de former des
passifs sans agent (無主事者被動). Sun et Shi (2002 : 90) donnent des exemples de ce
type de forme verbale :
(194)
a)
koʔ təjtʃe ɐ-tʃʰɔ-cə
Le champs a été labouré.
b)
ʃɔʃɔʔ-ta qɐɟwɛʔ ɐ-rèt-cə
Un poisson a été dessiné sur le papier.
Le suffixe –cə dans ces exemples est le cognat du suffixe –chɯ qui apparaît au MIP2, ce
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qui est un point commun supplémentaire entre le préfixe ɐ- du tshobdun et le préfixe a- /
ɤ- du japhug.
Pour traduire ce type de phrases en japhug, il est tout à fait approprié d’utiliser le
verbe contracte intransitif dérivé, et on a le choix entre le MIP2 (195), qui précise que l’on
n’a pas été témoin de l’action, l’aoriste (196), qui indique que l’on a été témoin de l’action,
voire le MDR (197), qui insiste sur le fait que l’on voit en ce moment le résultat de l’action)
(195)
a)
b)
kɯki
tɯ-ji
ki
lo-kɤ-ɤɕlú-cʰɯ
DMP
champs
DMP
MIP2:3s:être labouré
ɕoʁɕoʁ ɯ-taʁ
qaɟy
pjɤ-kɤ-ɤrɤ́t-cʰɯ
papier
3s:dessus
poisson
MIP2:3s:être dessiné
kɯki
tɯ-ji
ki
lɤ-aɕlu
DMP
champs
DMP
AOR:3s:être labouré
(196)
a)
b)
ɕoʁɕoʁ ɯ-taʁ
qaɟy
pɯ-arɤt
papier
3s:dessus
poisson
AOR:3s:être dessiné
kɯki
tɯ-ji
ɲɯ-ɤɕlu
DMP
champs
MDR:3s:être labouré
(197)
a)
b)
ɕoʁɕoʁ ɯ-taʁ
qaɟy
ɲɯ-ɤrɤt
papier
poisson
MDR:3s:être dessiné
3s:dessus
Si le préfixe ŋa- / ŋɐ- du cogtse, le préfixe ɐ- du tshobdun et le préfixe a- / ɤ- du
japhug sont indéniablement cognats, la fonction de ce préfixe en proto-rgyalronguique
n’est pas claire : s’agissait-il d’un préfixe dérivationnel comme en japhug, ou inflexionnel
comme dans les deux autres langues ? Fonctionnait-il comme un impersonnel, ou comme
un préfixe intransitivant ? Ces questions dépassent l’objectif de notre travail.
431
7.2.3
Préfixe réciproque
En cogtse, un préfixe ŋa- synonyme de celui que nous venons d’étudier permet de
former un verbe intransitif réciproque à partir d’un verbe transitif. L’ajout du préfixe ŋas’accompagne d’une réduplication radicale. Ainsi Lin (1993 : 256-7) cite les exemples
suivants :
(198)
a)
ka-top
« frapper »
ka-ŋa-top-top
« se frapper les uns les autres »
b)
ka-kor
« aider »
ka-ŋa-kor-kor
« s’aider les uns les autres »
c)
ka-prak « soutenir, aider à marcher » ka-ŋa-prak-prak « se soutenir les uns les autres »
d)
ka-zu
« éduquer »
ka-ŋa-zu-zu
« s’éduquer les uns les autres »
Un processus similaire est à l’oeuvre en japhug, mis à part que la réduplication ne
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fonctionne pas comme en cogtse, et que bien sûr en japhug on trouve le préfixe a- / ɤ- à la
place de ŋa-. Ainsi, on peut former de manière productive des dérivés de verbes
transitifs :
(199)
a)
kɤ-ndza
kɤ-ɤ-ndzɯ-ndza
« se manger les uns les autres »
b)
kɤ-nɯrɯtʂa « envier »
kɤ-ɤ-nɯrɯtʂɯ-tʂa
« s’envier les uns les autres »
c)
kɤ-rpu
kɤ-ɤ-rpɯ-rpu
« manger »
« cogner »
« se cogner les uns contre les autres »
Dans quelques rares cas, le verbe réciproque dérivé a un sens différent du verbe de base :
kɤ-lɤt « jeter, » kɤ-lɯ-lɤt « se battre. »
On trouve aussi un préfixe composé a- / ɤ- plus mɯ- qui forme le réflexif de quelques
verbes. Voici la liste complète des exemples de ce double préfixe dans nos données :
(200)
a)
kɤ-mto
« voir »
kɤ-ɤ-mɯ-mto
« se voir l’un l’autre »
b)
kɤ-rpu
« cogner »
kɤ-ɤ-mɯ-rpu
« se cogner les uns contre les autres »
c)
kɤ-ti
« dire »
kɤ-ɤ-mɯ-ti
« se dire l’un à l’autre »
d)
kɤ-tso
« comprendre »
kɤ-ɤ-mɯ-tsɯ-tso « se comprendre les uns les autres »
On trouve deux autres exemples, mais il ne font peut-être pas partie de cette catégorie,
parce qu’ils sont déjà dérivés des verbes contractes :
(201)
kɤ-ɤ-tɯɣ « toucher, rencontrer »
(202)
kɯ-ɤ-rmbat
« proche »
kɤ-ɤ-mɯ-tɯɣ
kɤ-ɤ-mɯ-rmbat
« se rencontrer »
« s’approcher l’un de l’autre »
Cette fonction du préfixe a- / ɤ- n’est sans doute pas sans rapport avec la fonction
d’intransitivant que nous avons étudiée. En effet, le propre d’un verbe réflexif est
d’identifier l’actant objet à l’actant sujet, ce qui revient à diminuer la valence du verbe. A la
différence du préfixe vu en 2.2, toutefois, le verbe ne devient pas statif.
432
7.2.4
Fonctions dérivationnelles non-productives
Il est possible, en étudiant la liste des verbes contractes, de trouver des classes de
verbes
ayant
des
propriétés
sémantiques
communes.
En
plus
de
fonctions
dérivationnelles, il semble que a- / ɤ- ait comme fonction de marquer certaines classes
sémantiques de verbes.
La première classe de ce type est celle des verbes statifs de forme d’objet. Pour
faciliter la comparaison, nous incluons les formes cognats dans le dialecte de somang
(Huang et Sun 2002) :
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(203)
a)
kɤ-ɤ-jɤr
« en biais »
kə-ŋa-zór-zor
b)
kɤ-ɤ-jʁu
« courbé »
kə-ŋa-rgó-rgo
c)
kɤ-ɤ-ntɤm
« plat »
kə-ntʰâm
d)
kɤ-ɤ-χcʰoβlu
« concave »
e)
kɤ-ɤ-βʑirdu
« carré »
f)
kɤ-ɤ-rtɯm
« rond »
g)
kɤ-ɤ-rʁurʁu
« froissé »
kə ŋa bʑírdo
On trouve toutefois des verbes appartenant à cette catégorie qui ne sont pas contractes :
kɤ-mɤ-mbɯr « protubérent ». On peut constater que les cognats de ces verbes en
somang ont le préfixe ŋa-, à l’exception du verbe « plat ». Les mots de la même catégorie
sémantique mais non cognats avec les mots japhug ci-dessus, ont également le préfixe
ŋa- : kə-ŋa-ntɕʰók « concave », et l’équivalent de kɤ-mɤ-mbɯr est un verbe à préfixe ŋa- :
kə-ŋa-mbə́r « protubérant. » C’est donc un phénomène répandu dans les langues
rgyalronguiques, sans aucun doute hérité de la proto-langue.
La deuxième catégorie de verbe est celle des verbes d’action corporelle
non-volontaire mais contrôlable, telles que :
(204)
a)
kɤ-ɤ-ɕqʰe
« tousser »
b)
kɤ-ɤ-tɕʰɯs
« éternuer »
c)
kɤ-ɤ-ndzɯqoʁ
« roter »
d)
kɤ-ɤ-qioʁ
« vomir »
e)
kɤ-ɤ-χom
« bailler »
f)
kɤ-ɤ-qʰrɯmbɤβ
« roter (après avoir bien mangé) »
Là aussi, on rencontre des exceptions telles que kɤ-mɯ-jpʰɤt « vomir », qui n’est pas un
verbe contracte. Une valeur comparable au préfixe ŋa- en rgyalrong oriental n’a pas pu
être mise en évidence : les dialectes cogtse et somang font usage de constructions
composées avec les verbes kə́-paʔ et kə-lát pour toute cette catégorie de verbes.
433
8 La nominalisation
Les langues rgyalronguiques sont particulièrement riches en formes nominales, qui
occupent un rôle important non seulement dans la création de noms dérivés, mais servent
aussi à former toutes sortes de subordonnées (relatives, compléments du verbe). La
forme considérée comme l’infinitif en japhug et à ce titre incluse dans le dictionnaire
comme tête d’entrée est celle du nom d’action. A part cette forme, on peut distinguer le
nom d’agent,
le nom oblique et le nom de degré. A ces quatre types les plus courants,
on peut préfixer une partie des affixes étudiés dans la conjugaison finie du verbe. On
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trouve par ailleurs plusieurs formes nominales dont la productivité est plus limitée.
Ce chapitre sera divisé en quatre parties :
z
Les noms relativisants (action, agent, instrument)
z
Les noms de degrés et les formes qui lui sont apparentées
z
Les autres types de nominalisation
z
La relativisation
8.1
Noms relativisants
Le nom d’action, d’agent et oblique se distinguent des autres types de noms
déverbaux en ce qu’ils permettent de former des relatives. Le nom d’action et, dans
quelques cas, le nom d’action sont aussi sélectionnés comme compléments de certaines
classes de verbes. Nous consacrerons une première section au problème de l’opposition
entre les préfixes kɯ- et kɤ- dans la formation des noms d’action, puis nous aborderons
tour à tour la formation et les fonctions morphosyntaxiques de chacun des noms
relativisants.
8.1.1
Préfixes kɤ- et kɯ-
Les noms d’action sont préfixés en kɤ- ou en kɯ-. Les verbes statifs (correspondant
aux adjectifs du français) n’ont qu’une forme infinitive en kɯ- en japhug. Selon Jackson
T.-S. Sun (2003a : 500) on trouve en fait des paires minimales entre verbes statifs et
dynamiques dans le dialecte de tshobdun. Il donne comme exemple la paire d’exemples
suivante en tshobdun (citée par Wei 2000 : 23) : kə-ngu « être pauvre », kɐ- ngu « devenir
pauvre. » Wei cite les exemples suivants en cogtse : kə-mʃór « être beau », kɐ-mʃór
« devenir beau » et kə-mbrô « grand, haut », ka-mbrô « devenir grand. » En japhug, on
434
trouve un phénomène similaire lorsqu’on combine les verbes statifs avec un verbe tel que
kɤ-sɤʑa « commencer » qui force une interprétation dynamique du procès :
(205)
kɤ-pe
ta-sɤʑa
NAC:être bien
AOR:3s>3:commencer
Il commence à devenir bon
Ce qui nous donne la paire kɯ-pe « bien » et kɤ-pe « devenir bon ».
Toutefois, on trouve dans les langues rgyalronguiques d’autres cas de kɯ- ou kə(selon les langues) à l’infinitif. Ces formes sont très difficiles à éliciter en japhug, et il
semble que les dialectes japhug aient perdu en grande partie la distinction kɤ- / kɯ- en
dehors des verbes statifs. Toutefois, il n’est pas à exclure qu’une étude plus approfondie
de ce phénomène contredise certaines des affirmations avancées dans cette section.
En cogtse, Wei (2000 : 21-24) présente des exemples de noms d’action à préfixe kə-
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
pour les verbes dynamiques désignant des actions effectuées par un agent non-humain.
Aucun des exemples de Wei n’a de préfixe kɯ- en japhug : kə-mtʃik « mordre »
correspond au japhug kɤ-mtsɯɣ avec un préfixe kɤ- et non kɯ-. Le seul verbe de ce type
qui se soit maintenu dans la langue à ma connaissance est kɯ-pa, un auxiliaire qui sert à
prédiquer les phrases avec adjectifs désignant un état visible. Ce verbe correspond au
cogtse kə́-paʔ, verbe auxiliaire à usage beaucoup plus varié (Wei 2000 : 24 ; Lin 1993 :
139).
Il semble qu’il reste aussi une autre trace fossilisée de préfixe kɯ- propre aux verbes
à agent non-humain. Dans l’expression préfixée de la négation mɤ-
(ces formes seront
étudiées dans la suite de cette section) mɤ-kɯ-mbrɤt « sans arrêt » liée au verbe kɤ-mbrɤt
« être coupé », qui n’admet pas d’agent humain (en somang, ce verbe est kə-mbrát), on a
bien un préfixe kɯ- au lieu de kɤ-. La forme régulière mɤ-kɤ-mbrɤt signifie simplement
« sans être coupé. » Les deux formes ne peuvent pas être utilisées l’une pour l’autre,
comparons les deux exemples :
(206)
mɤ-kɯ-mbrɤt *(mɤ-kɤ-mbrɤt)
ʑo
to-rɤɕmi
sans arrêt
adv.
MIP:3s:parler
Il parlait sans arrêt.
(207)
tɤ-ri uɣma
ʑo
ɲɯ-xtsʰɯm
ri
mɤ-kɤ-mbrɤt *(mɤ-kɯ-mbrɤt)
fil
adv.
MDR:3s:être fin
CONJ
NGPA:NAC:être coupé
très
kɤ-pɣo
tɤ-astʰɯ́t-a
NAC:enrouler
AOR:1s:finir
Bien que le fil soit très fin, je l’ai enroulé sans qu’il se casse.
La forme archaïque mɤ-kɯ-mbrɤt a développé le sens « sans arrêt » à côté du sens
originel de « sans être coupé », puis elle a été remplacée dans ce dernier sens par la
forme nouvelle mɤ-kɤ-mbrɤt lorsque la distinction entre verbe dynamiques à agents
humain et à agents non-humains a disparu en japhug.
435
Wei (2000 : 19) cite encore parmi les verbes à préfixe kə- les verbes modaux. Parmi
ses exemples, il inclut des adjectifs que nous ne discuterons pas ici, mais aussi quatre
verbes modaux. Trois d’entre eux ont un cognat en japhug, également préfixé en kɯ- :
(208)
a)
kə-ra
« être nécessaire »
kɯ-ra
b)
kə-kʰút
« avoir le droit »
kɯ-kʰɯ
c)
kə-zgát
« devoir »
d)
kə-mdɐ́k
« être temps de »
kɯ-mda
Parmi les quatre verbes ci-dessus, certains sont des verbes de modalité déontique
(devoir, être nécessaire) d’autres de modalité épistémique (pouvoir). Mais certains verbes
de modalité épistémique tels que kɤ-cʰa « pouvoir » et kɤ-spa « savoir » peuvent être
précédés du préfixe ka- en cogtse et kɤ- en japhug et s’accordent avec le sujet. Wei
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(2000 : 18) considère seulement les verbes modaux en kɯ- comme des verbes modaux.
Nous parlerons au cours de cette thèse de verbes de modalité statifs et non-statifs.
A cette liste des modaux statifs, on doit rajouter en japhug kɯ-ntsʰi « devoir ». Voici un
exemple de forme infinitive de verbe modal statif :
(209)
nɯ
ma
ji-kɤ-ndza
pɯ-nɯ-me
DML
à part
1p:NAC:manger PIF:MOY:3s:ne pas y avoir
kɯ-kʰɯ
ɕti
NAS:avoir le droit
NPA:3s:être (affirmatif)
tɕe
CONJ
(tɯsqar2.7)
Même si il n’y a pas d’autre nourriture pour nous, ça va quand même.
Une dernière catégorie de verbe à préfixe ka- abordée par Wei (2000 : 20-21) est
celle des verbes « ayant une proposition comme argument, » qui sont en quelque sorte
des auxiliaires à valeur aspectuelle. Voici ses exemples :
(210)
a)
kə-nəŋgɐ́j
« être différent (situation) »
b)
kə-ŋgrə̂l
« être habituel »
c)
kə-rə̂l
« rater, être reporté à plus tard »
d)
kə-ŋgrə́p
« être réalisé »
e)
kə-ndʐút
« se réaliser »
f)
kə-kʰʃə̂n
« se finir »
Seuls deux d’entre eux ont des cognats en japhug : kə-ŋgrə̂l et kə-ŋgrə́p, qui
correspondent à kɯ-ŋgrɤl et kɤ-ŋgrɯ. Dans cette classe, seul kɯ-ŋgrɤl a donc toujours le
préfixe kɯ-, kɤ-ŋgrɯ est devenu un verbe à préfixe kɤ-.
Pour expliquer la présence du préfixe kə- avec les verbes modaux statifs et les
auxiliaires aspectuels, Wei (2000 : 21) propose que ce type de verbe appartienne aux
verbes à agent non-humain. Quoi qu’il en soit, la répartition du préfixe kɯ- est devenue
plus réduite en japhug et il n’est pas évident qu’il soit possible de proposer une explication
436
satisfaisante pour leur répartition actuelle.
Wei (2000 : 14) propose une explication pour la présence du préfixe kə- à la place du
préfixe ka- pour les verbes statifs du cogtse. Il cite tout d’abord Jackson T.-S. Sun, selon
lequel la forme attributive des verbes statifs préfixée en kɯ- est en réalité une forme de
nom d’agent, et propose que les formes préfixées en kə- sont choisies comme infinitif
pour des raisons pragmatiques plus que morphologiques : les verbes statifs apparaissent
très rarement en cogtse dans des contextes où ils pourraient être préfixés en kɤ-. C’est
donc la forme nominale la plus courante, le nom d’agent, qui serait sélectionnée. Que
cette hypothèse soit valide ou non pour le japhug, nous emploierons une terminologie
différente pour les formes kɯ- de nom d’agent des verbes dynamiques (nom d’agent), et
pour les formes nominales kɯ- uniques des verbes statifs (nom d’action statif).
La distinction entre nom d’agent (préfixe ka- / kɐ-) et nom d’action (préfixe kə-) en
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cogtse est selon Wei (2000 : 80-1) liée à un préfixe ŋa- diminuant la valence du verbe : le
préfixe ka- / kɐ- serait en fait composé de kə-ŋa. Pour supporter son hypothèse, Wei cite
des paires de phrases où ka- alterne avec kə-ŋa sans changer de sens :
(211)
(212)
[to-ka-ʃkút
tə]
ná-mem
directionnel perfectif-ka-nourrir
NOM
imperfectif:être bon
[to-kə-ŋa-ʃkút
tə]
ná-mem
directionnel perfectif-kə-ŋa-nourrir NOM
imperfectif:être bon
Ce qui est fini (nourriture) était bon.
Le cognat de ce préfixe ŋa- en japhug a été spécialement étudié dans le chapitre 7.
Toutefois, en ce qui concerne le japhug du point de vue synchronique, rien ne permet
d’affirmer que le préfixe kɤ- des noms d’action était à l’origine composé de deux
morphèmes. Une différence fondamentale entre le ŋa- du cogtse et de son équivalent en
japhug est que ce dernier ne peut pas se préfixer aux verbes intransitifs. Or si le préfixe
kɤ- était synchroniquement composé de kɯ- et du préfixe a- / ɤ- des verbes contractes,
les verbes intransitifs ne devraient avoir que des formes nominalisées en kɯ-, ce qui n’est
pas le cas. Toutefois, il est possible que l’analyse de Wei soit valable pour un stade très
ancien du japhug.
Finallement, Wei (2000 : 12) cite également quatre verbes dont la forme infinitive
n’est pas préfixée en ka- ou en kə- en cogtse. Il s’agit de ŋós « être », mák « ne pas être »,
ndó « avoir », et mi ́ « ne pas avoir ». En japhug, les cognats de ces quatre verbes
peuvent être préfixés de kɯ- : kɯ-ŋu, kɯ-maʁ, kɯ-tu et kɯ-me. On peut rencontrer ces
formes dans les compléments du verbes tels que :
(213)
pʰɯntsʰoʁ
kɯ-rɯ
kɯ-ŋu
Phun-tshogs tibétain NAS:être
nɯ
ɲɤ-nɯ-jmɯ́t-a
NOM
MIP:MOY:1s>3s:oublier
J’ai oublié que Phuntshogs était tibétain.
La forme kɤ- est même possible avec le verbe « commencer » :
437
(214)
sloχpɯn
kɤ-ŋu
ta-sɤʑa
professeur
NAC:être
AOR:3s>3:commencer
Il a commencé à être professeur.
(215)
rŋɯl
kɤ-tu
ta-sɤza
argent
NAC:avoir
AOR:3s>3:commencer
Il a commencé à avoir de l’argent.
C’est le même phénomène qu’avec les autres verbes statifs, ce verbe force une
interprétation dynamique. Dans ce type de phrase, la forme en kɯ- est jugée « possible »
mais
« moins
correcte ».
En
d’autres
termes,
la
phrase
reste
parfaitement
compréhensible mais est fautive du point de vue morphologique.
Il existe deux formes irrégulières de nom d’action statif en kɯ- : ku-xti « grand » et
ku-ɣrum « blanc » (voir aussi la discussion sur ku-xti dans la section 4.3.2.2 p.281 et
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
suivantes). Ces deux verbes ont comme particularité de colorer en [u] tous les /ɯ/ des
préfixes directement accolés à la racine.
On trouve en japhug seulement trois verbes sans formes nominales. Il s’agit de
mɤ-xsi « je ne sais pas », de ɣɤʑu « avoir » et de maŋe « ne pas avoir ». Ces trois verbes
sont très irréguliers. mɤ-xsi est un verbe défectif qui ne s’emploie qu’à la première
personne du singulier, et ɣɤʑu / maŋe ont des formes de seconde personne très
inhabituelles (voir la section 5.1.2.1 p.339).
8.1.2
Noms d’action
Les noms d’actions sont la forme de citation la plus commune des verbes, bien que
certains locuteurs préfèrent citer des formes conjuguées. C’est cette forme qui a été
choisie dans le dictionnaire comme tête d’entrée. Elle est formée des préfixes kɤ- ou kɯ-,
comme nous l’avons décrit dans la section précédente, suivi de la racine élargie du verbe
au thème 1. Cette forme ne doit pas être confondue avec l’aoriste 3s des verbes
intransitifs qui sélectionnent le préfixe kɤ- :
(216)
kɤ-nɯmɲɯɣ « attraper le cancer de l’estomac ; il a attrapé le cancer de
l’estomac »
Ces noms peuvent être utilisés soit en tant que tels, comme arguments d’un verbe,
soit comme compléments du verbe ou enfin comme formes adverbiales.
Dans le cas des verbes transitifs, le nom d’action peut désigner le patient de l’action.
(217)
kɤ-ndza
« manger Æ nourriture »
Dans le cas des verbes intransitifs, il ne peut désigner que l’action elle-même et pas le
patient de l’action, même dans le cas de verbes intransitifs dérivés de transitifs. Ce sens
est évident dans les phrases telles que :
438
(218)
kɤ-saʁndɯ
nɯ
mɤ-kɯ-pe
ɕti
NAC:frapper les gens
NOM
NGNP:NAS:être bien NPA:3s:être
Ce n’est pas bien de frapper les gens. (le fait de frapper les gens n’est pas bien)
Le nom d’action des verbes transitifs peut toutefois aussi bien désigner l’action elle-même,
« le fait de » :
(219)
qartsɯ tɕe <xuegao>
hiver
CONJ
kɤ-ndza
glace
ɯ-tɯ-mɯɕtaʁ
NAC:manger
tɕʰom
3s:ND1:être froid
NPA:3s:être assez
En hiver, (le fait de) manger une glace c’est vraiment trop froid.
En préfixant un possessif à un verbe transitif, on peut indiquer l’agent de l’action :
(220)
a-kɤ-ndza
(221)
nɤ-kɤ-ndza
« ma nourriture = la nourriture que je mange = le fait que je mange»
« ta nourriture = la nourriture que tu manges = le fait que tu
manges»
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Dans le cas des verbes intransitifs, la morphologie permet aussi de préfixer un possessif
pour préciser l’agent :
(222)
a-kɤ-raχtɕi
uɣma
dɤn
1s:NAC:laver des choses
très
NPA:3s:être beaucoup
J’ai beaucoup de choses à laver (litt. : mes tâches de lavage sont nombreuses)
Mais dans la plupart des cas un pronom séparé est la construction préférée avec les
verbes intransitifs :
(223)
nɤʑo
kɤ-saʁndɯ
nɯ
mɯ-pɯ-pe
tu
NAC:frapper les gens
NOM
NGPA:PIF:3s:être bien
Ce n’était pas bien de ta part d’avoir frappé des gens.
Une forme telle que nɤ-kɤ-sɤʁndɯ est possible mais est jugée peu naturelle dans une
phrase telle que (223).
Dans le cas des verbes triactanciels comme kɤ-mbi « donner », la forme de nom
d’action peut désigner soit le patient (l’objet donné), soit le destinataire (celui auquel on
donne). Pour distinguer entre les deux, il est nécessaire de rajouter un nom tel que ɯ-spa
« matériau » pour préciser qu’il s’agit de l’objet donné, et tɯ-rme « homme » pour
préciser qu’il s’agit du destinataire.
(224)
a-kɤ-mbi ɯ-spa nɯ
« la chose que je donne »
(225)
a-kɤ-mbi tɯ-rme nɯ
« la personne à laquelle je donne.
Les possessifs ne sont pas les seuls morphèmes pouvant être préfixés au nom
d’action. On peut lui adjoindre également les préfixes directionnels de série 1 et 2 aussi
bien aux verbes transitifs qu’aux intransitifs, ce qui permet de préciser la valeur temporelle
et aspectuelle du nom déverbal. Nous appelons nom d’action perfectif la forme préfixée
des directionnels de série 1 et nom d’action imperfectif celle qui est préfixée des
directionnels de série 2 :
439
(226)
nɯ-kɤ-mbi
« la chose qui a été donnée, le fait d’avoir donné97 »
(227)
ɲɯ-kɤ-mbi
« la chose que l’on donne, le fait de donner (d’habitude) »
Comme le nom d’action simple, le nom d’action imperfectif sélectionne le thème 1 et non
le thème 3. Ainsi du verbe kɤ-ndza « manger » on formera :
(228)
tu-kɤ-ndza
« ce que l’on mange d’habitude, ce qui est comestible »
et non *tu-kɤ-ndze.
En revanche, les noms d’actions imperfectifs sélectionnent le thème 2. On doit donc dire :
(229)
tɤ-kɤ-tɯt
« ce qui a été dit, le fait d’avoir dit »
et non *tɤ-kɤ-ti.
Les préfixes de mouvement ɣɯ- et ɕɯ-, ainsi que la négation peuvent eux aussi être
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préfixés :
(230)
mɤ-kɤ-rɯndzɤtsʰi
« le fait de ne pas manger »
(231)
ɕɯ-kɤ-rɯndzɤtsʰi
« le fait d’aller manger »
(232)
ɣɯ-kɤ-rɯndzɤtsʰi
« le fait de venir manger »
Devant les noms d’action, le préfixe ɕɯ- présente les deux formes ɕ- et ɕɯ- bien que le
préfixe kɤ- de nominalisation soit synonyme avec le préfixe kɤ- de série 1 (vers l’est) qui
exige la forme ɕ-. Ainsi on peut distinguer :
(233)
ɕ- / ɕɯ-kɤ-ŋke
« le fait d’aller marcher »
(nom d’action)
(234)
ɕ-kɤ-ŋke
« il est allé marcher (vers l’est) »
(aoriste 3s)
Ces préfixes peuvent se combiner entre eux et avec les préfixes de séries 1 et 2 (nom
d’action perfectif et imperfectif). Ainsi on peut former :
(235)
a-nɯ-kɤ-mbi
la chose que j’ai donnée, la personne à laquelle j’ai donné
(236)
a-ɲɯ-kɤ-mbi
la chose que je donne / vais donner, la personne à laquelle je donne
Avec les noms d’action perfectifs et imperfectifs, on doit employer le négatif mɯ- à la
place de mɤ-. C’est exactement semblable aux formes finies du verbe, où l’aoriste aussi
bien que l’imperfectif non-passé sélectionnent mɯ- :
(237)
ci
nɯ
nɯ-rmi pa
mɯ-tɤ-kɤ-tɕɤt
nɯ
kɯ-lɤɣ
un
DML
3p:nom
NGPA:NACP:prendre
NOM
NAG:faire paître
en bas
to-ɕe
qʰe (Gesar. 136)
MIP:D-haut:3s:aller
CONJ
Celui, en bas, auquel on n’avait pas encore donné de nom (Gesar encore enfant)
était allé faire paître les animaux, ....
97
Cette forme est ambigüe avec le nom d’action préfixé du possessif nɯ-, qui signifierait alors « la
chose que vous donnez / qu’ils donnent » ou « la personne à laquelle vous donnez / ils donnent »
440
(238)
mɯ-tu-kɤ-ɕqʰe
ɯ-tɕʰɯβ, ...
NGPA:NACI:tousser
3s:pour
Afin de ne pas tousser, ...
Des formes composées plus complexes peuvent être élicitées, même si on n’en trouve
guère dans les textes.
(239)
nɤ-mɤ-ɕɯ-kɤ-mbi
« ce que tu ne vas pas donner »
(240)
mɯ-ɣɯ-nɯ-kɤ-mbi
« ce que l’on n’est pas venu donner »
Comme on peut le voir dans ces deux exemples, l’ordre relatif des préfixes du nom
d’action est donc :
possessif – négation – mouvement – directionnel – kɤ - racine élargie
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Toutefois, il n’est pas possible, pour une raison inexpliquée, d’ajouter plus de quatre
préfixes. Les formes de ce type sont agrammaticales, bien que compréhensibles :
(241)
*nɤ-mɤ-ɕ-tɤ-kɤ-ndza
« ce que tu n’es pas allé manger »
Le nom d’action est également utilisé comme complément de certains verbes. Nous
ne donnerons pas ici une liste exaustive, mais nous citerons quelques exemples
représentatifs : oublier (kɤ-jmɯt), commencer (kɤ-sɤʑa), aimer (kɤ-rga), enseigner
(kɤ-sɯɣɕɤt).
(242)
a)
aʑo nɯŋa
kɤ-χsu
ɲɤ-nɯ-jmɯ́t-a
je
NAC:nourrir
MIP:MOY:1s>3s:oublier
vache
J’ai oublié de nourrir les vaches.
b)
tɯ-ŋga kɤ-tʂɯβ
sɤʑe-a
habit
NPA:1s>3s:commencer
NAC:coudre
Je vais commencer à coudre les habits.
c)
aʑo
jɯɣi
kɤ-rtoʁ
rga
je
écriture
NAC:regarder
NPA:1s:être content
J’aime lire des livres.
d)
aʑo tɤrʑi
cʰo tsʰɯraŋ ni
kɤ-rɤrɤt
pjɯ-sɯxɕát-a
je
et
NAC:écrire
IPF:1s>3s:enseigner
rDorje
Tshering duel
J’ai appris à écrire à rDorje et à Tshering.
Dans ce type de construction, il n’est pas possible de préfixer les possessifs pour
indiquer le patient. En revanche, il est facultativement possible d’ajouter un
nominalisateur nɯ. Ainsi on peut dire de deux manières différentes :
441
(243)
aʑo ɣɯ-kɤ-sco ɲɤ-nɯ-jmɯt
(244)
aʑo ɣɯ-kɤ-sco nɯ ɲɤ-nɯ-jmɯt
Il a oublié de venir me raccompagner
Dans les phrases (243) et (244), on marque l’objet comme un pronom séparé,
comme dans le cas du sujet des verbes intransitifs. Il n’est en revanche pas permis de
dire :
(245)
*a-kɤ-sco ɲɤ-nɯ-jmɯt
Il n’est pas possible de se servir des noms d’action perfectifs et imperfectifs comme
complément de verbes tels que kɤ-jmɯt « oublier » ou kɤ-sɤʑa « commencer » :
(246)
*pɯ-kɤ-rtoʁ tɤ-sɤʑá-t-a
J’ai commencé à regarder.
Ce sont ces deux types de contraintes sur les noms d’agent compléments qui
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conduisent Wei (2000 : 70) à distinguer un « infinitif » par rapport aux formes nominales
en ka- (qu’il analyse comme venant toujours que kə+ŋa). Il ne semble pas nécessaire de
distinguer en japhug l’infinitif et le nom d’action qui, à la différence du cogtse, peut être
suffixé du nominalisateur nɯ. Malgré les deux contraintes en (245) et (246), on peut tout
de même préfixer les noms d’action compléments des préfixes négatifs et de
mouvement :
(247)
a)
ɯ-ɕki
rŋɯl
mɤ-kɤ-kʰo
nɯ
ɲɤ-nɯ-jmɯ́t-a
3s:DAT
argent
NGNP:NAC:passer NOM
MIP:MOY:1s>3s:oublier
J’ai oublié de ne pas lui donner de l’argent.
b)
jɯɣi
mɤ-kɤ-rtoʁ
tɤ-sɤʑá-t-a
écriture
NGNP:NAC:regarder
AOR:1s>3s:commencer
J’ai commencé à ne pas lire de livres.
c)
mɤ-ɕɯ-kɤ-qur
tʰaʁ
pɯ-tɕʰót-a
NGNP:HIN:NAC:aider
(décider)
PIF:1s>3s:décider
J’ai décidé de ne pas aller l’aider.
Dans le cas des noms d’action statifs, il est même possible de préfixer l’interrogatif
ɯ- suivi du négatif mɤ- (l’accent ne porte pas, exceptionnellement, sur la syllabe qui suit
l’interrogatif). Cette forme doit être suivie d’un suffixe -cʰɯ non accentué :
(248)
wo a-rcɤmbeŋga
pa-sát-nɯ
ɯ́-mɤ-kɯ-ɕtí-cʰɯ (koŋzoŋ.227)
oh 1s:mal habillé98
AOR:3p>3:tuer
QU:NGNP:NAS:être:chɯ
Ne serait-ce pas qu’il auraient tué mon (mari) mal habillé ?
98
Ce mot est un composé formé de rcu (dans tɤ-rcu « habit de peau »), mbe (de kɯ-mbe « vieux ») et
ŋga (de kɤ-ŋga « mettre un habit »).
442
(249)
a-lo
tɕu
rgɯnba
ci
ɣɤʑu
amont
LOC
monastère
un
NPA:3s:y avoir
ɯ-mɤ-kɯ-ŋú-cʰɯ (koŋzoŋ.195)
QU:NGNP:NAS:être:chɯ
Là-haut, il semble qu’il y ait un monastère.
(250)
ki
tú-ɣ-stu
ɯ-mɤ-kɯ-pé-cʰɯ
DMP
IPF: IP1:3>3s:être de cette façon
QU:NGNP:NAS:être bien:chɯ
Ne serait-ce pas bien de cette manière ?
La raison pour laquelle les verbes tels que kɤ-sɤʑa « commencer » n’ont pas de
complément nom d’action perfectif ou imperfectif est peut-être plutôt à chercher dans une
incompatibilité sémantique entre le verbe déterminant, qui donne un certaine valeur
aspectuelle à l’énoncé, et le déterminé.
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Il y a une autre raison pour laquelle nous n’avons pas jugé opportun de considérer le
préfixe des noms d’action comme un composé du préfixe de nom d’agent associé au
préfixe a- / ɤ- des verbes contractes (voir chapitre 7). Les exemples de Wei (2000 : 50)
montrent que les verbes transitifs nominalisés par ka- sont rendus intransitifs, comme en
témoigne (251), où l’insertion d’un sujet comme no « tu » n’est pas grammaticale.
(251)
[(*no) pkraʃés ka-tóp tə] mɐ́-hɐw
Ce n’est pas bien de frapper bKra-shis.
En japhug, la situation est tout autre : les noms d’action dérivés de verbes transitifs
gardent leur caractère transitif, et il est possible de leur adjoindre des sujets à l’ergatif :
(252)
ɬamu
kɯ
jilco
kɯ
tɤ-kɤ-qur
Lhamo ERG
voisins ERG
kɤ-nɤxtʂɯn
kɯ,... (qajdoskɤt.97)
NAC:remercier
particule
nɯ
uɣma
NACP:aider NOM
très
Comme Lhamo était très reconnaissante de l’aide des voisins, ...
(253)
ɬamu
kɯ
qɤjɣi
nɯ
kɤ-mbi
nɯ tu-ndze
Lhamo
ERG
pain
DML
NAC:donner
NOM
IPF:3s>3:manger
pjɤ-ŋu (qajdoskɤt.111)
MIP:3s:être
Alors qu’il s’apprêtait à manger le pain que lui avait donné Lhamo, ...
Il est donc impensable que le préfixe kɤ- des noms d’action du japhug soit comme en
cogtse la fusion du préfixe nominalisateur kɯ- et du préfixe a- / ɤ- intransitivant des
verbes contractes, au moins du point de vue synchronique.
Les noms d’actions peuvent enfin servir dans des subordonnées adverbiales. Ces
formations sont d’une productivité limitée. On trouve quelques cas d’adverbes formés du
nom d’action sans autre particule : kɯ-maqʰu « après, ensuite », kɯ-mɤku « d’abord ».
Certains vont se voire adjoindre une conjonction telle que nɤ pour marquer qu’il s’agit
443
d’une proposition indépendante, comme par exemple ɯ-mɤ-kɤ-sɯs nɤ « sans qu’il le
sache » du verbe kɤ-sɯs « savoir »
(254)
ɯ-kʰa
ra
nɯ-mɤ-kɤ-sɯs
nɤ
ɯʑo kɯ
qɤjɣi
3s:maison
pluriel
3p:NGPA:NAC:savoir
CONJ
il
pain
χsɯm
lo-βzu
trois
MIP:3s>3:faire
ERG
(qajdoskɤt.108)
Sans que les gens de sa famille ne le sachent, elle fit trois pains.
Dans d’autres cas, on peut leur adjoindre une particule kɯ de l’ergatif pour former
une causale, notamment avec le verbe kɤ-sɯso « penser » :
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(255)
tɕendɤre ,
nɯjʁo
kɤ-sɯso
kɯ
CONJ
NPA:3s:se fâcher
NAC:penser particule
nɯ
tʰa-sɯ-βlɯ
ɲɯ-ŋu (koŋzoŋ.315)
DML
AOR:CAU:3s>3:brûler
MDR:3s:être
tɤ-mdzɯ
épine
De peur qu’il ne se fâche, elle fit brûler l’arbre épineux (pendant que le roi n’était
pas là).
8.1.3
Nom d’agent
Le nom d’agent se forme avec le préfixe kɯ- et la racine élargie du verbe au thème 1.
Le nom d’agent des verbes transitifs est obligatoirement préfixé d’un possessif qui indique
l’actant du procès à l’absolutif :
(256)
nɤ-kɯ-ʁndɯ
« celui qui te frappe »
(257)
tɤ-mtʰɯm ɯ-kɯ-ndza
« celui qui mange de la viande »
Le nom d’agent permet donc à la fois de nominaliser l’actant unique à l’absolutif des
verbes intransitifs et l’actant à l’ergatif des verbes transitifs. Bien que le japhug soit une
langue ergative, et que cette ergativité se manifeste dans d’autres domaines de la
morphologie que le marquage casuel (formation de l’impersonnel, préfixes du nom
d’action), le nom d’agent est un pivot syntaxique de type accusatif. Ce point a été montré
pour le tshobdun par Sun et Shi (2002 : 96) et Sun (2003a : 497), et nous appliquons cette
analyse au japhug. Le sujet est donc l’actant de la phrase qui peut être nominalisé en nom
d’agent. De même, on appellera objet tout actant pouvant être nominalisé comme nom
d’action99.
De la même manière que le nom d’action, on peut dériver du nom d’agent un nom
99
Ce qui inclut à la fois l’objet direct à l’absolutif et l’objet indirect au datif, comme les exemples avec le
verbe « donner » dans la section précédente le montrent.
444
d’agent perfectif et un nom d’agent imperfectif. Le nom d’agent imperfectif se forme,
comme le nom d’action imperfectif, avec les préfixes de série 2 suivis du thème 1 :
(258)
ɯ-tu-kɯ-ti
« celui dit habituellement, celui qui va dire »
(259)
ɯ-tu-kɯ-ndza
« celui qui mange, celui qui va manger »
De même, le nom d’agent perfectif se forme, comme le nom d’action perfectif, avec
les préfixes de série 1 suivis du thème 2 :
(260)
ɯ-tɤ-kɯ-tɯt
« celui qui a dit »
Les autres préfixes compatibles avec le nom d’action (mouvement, négation) peuvent être
adjoints au nom d’agent exactement de la même manière.
Tout comme dans le cas du nom d’action, certains verbes sélectionnent le nom
d’agent comme complément. Ce phénomène a été remarqué en tshobdun par Sun
(2003a : 500), qui appelle cette construction « purposive ».
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C’est le cas notamment des verbes de mouvement :
(261)
nɤ-kɯ-rtoʁ
jɤ-ari-a
2s:NAG:regarder
AOR:1s:aller
Je suis allé te voir.
Le verbe kɤ-ʑɣɤpa « faire semblant » est aussi de ce type :
(262)
tʰɯ-kɯ-nɯmkɤqloʁ
tɤ-ʑɣɤpa
nɤ, (koŋzoŋ.125)
NAGP:tomber sur le ventre
AOR:1s:faire semblant
CONJ
Il fit semblant de tomber sur le ventre.
(263)
rɟaβlun tʰamtɕɤt
ka-nɯtsɯ́m-nɯ
ri
ministre
AOR:3p>3:amener
CONJ
tous
ɯʑo
kɯ-rɤntsʰom
il
NAG:faire une retraite
ɲɯ-ʑɣɤpa
ɕti
tɕe (Gesar.331)
MDR:3s:faire semblant
NPA:3s:être (affirmatif)
CONJ
Ils amenèrent tous les ministres, mais il faisait semblant de méditer.
Dans ces cas, le nom d’agent des verbes transitifs peut ne pas être préfixé d’un
possessif :
(264)
jɯɣi
kɯ-rtoʁ
écriture
NAG:regarder
jɤ-ari-a
AOR:1s:aller
Je suis allé lire un livre.
(265)
rɟɤlpu
ɯ-ŋga
kɯ-ta
tɤ-ari
nɤ, (koŋzoŋ.281)
rois
3s:habit
NAG:mettre
AOR:D-haut:3s:aller CONJ
Lorsqu’il est allé border le roi.
Enfin, on trouve des cas de verbes préfixés en kɯ- avec l’auxiliaire me « ne pas y avoir ».
Les verbes transitifs dans ce type de phrases ne sont pas préfixés de possessifs :
(266)
tɤ-kɯ-tɯt me *ɯ-tɤ-kɯ-tɯt me
Ça n’a pas été dit.
Dans ce type de phrases, il est probable que la forme préfixée en kɯ- est une forme
445
d’impersonnel plutôt qu’un nom d’agent.
Un certain nombre de noms d’agent sont devenus des noms à part entière, et même
s’ils dérivent de verbes transitifs, ne demandent pas d’être préfixés d’un possessif. C’est
le cas de kɯ-lɤɣ « pâtre », dérivé de kɤ-lɤɣ « faire paître ».
Cette forme ne doit pas être confondue avec d’une part le nom d’action des verbes
statifs, et d’autre part avec l’impersonnel de la troisième personne singulier du non-passé.
Ainsi, la forme kɯ-tso « celui qui comprend, qui sait » (nom d’agent) est synonyme de la
forme suivante :
(267)
tɯ-ʑo
tɤ́-ɣ-ndza
tɕe
kɯ-tso
soi-même
AOR:IP1:3>3s:manger
CONJ
NPA:IP2:3s:comprendre
Il faut manger pour savoir (si c’est bon).
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8.1.4
Nom oblique
Le nom oblique permet d’indiquer ou bien un objet par lequel l’action peut se produire
(instrument), ou bien le lieu où elle s’est produite, ou bien l’actant au datif. En raison de sa
multiplicité d’usages, nous l’appellerons nom déverbal oblique (noté NDO dans nos
gloses).
Il se forme avec un préfixe possessif, suivi d’un préfixe sɤ- suivi du thème 1. Devant
les verbes à préfixe dérivationnel à initiale sonante, sɤ-, tout comme le causatif sɯ-, a un
allomorphe z-. Toutefois, il est optionnel. Ainsi, du verbe kɤ-rɤrɤt « écrire » on peut dériver
trois noms obliques équivalents (signifiant à la fois « ce par quoi on écrit = crayon » et « la
où l’on écrit = papier ») :
(268)
a)
ɯ-z-rɤrɤt
b)
ɯ-sɤ-rɤrɤt
c)
ɯ-sɤ-z-rɤrɤt
Comme on peut le voir, le préfixe sɤ- peut dans ces cas être redoublé en sɤ-z- sans que le
sens du nom oblique ne soit modifié.
A la différence du nom d’action et du nom d’agent, le nom oblique n’a pas de forme
perfective. Il n’y a donc pas de noms tels que *ɯ-thɯ-z-rɤrɤt. On ne peut former qu’un
nom oblique imperfectif :
(269)
ɯ-cʰɯ-z-rɤrɤt
Le préfixe possessif des noms obliques indique invariablement le sujet, que le verbe soit
transitif ou intransitif :
(270)
a-z-rɤrɤt
« ce avec quoi j’écris »
(271)
tɤ-scos a-sɤ-rɤt
« ce avec quoi j’écris la lettre, l’endroit où j’écris la lettre »
On a donc là un autre manifestation du pivot accusatif en rgyalronguique. Ce fait a été
446
remarqué par Sun et Shi (2002 : 96) concernant le dialecte de tshobdun :
(272)
a)
ɬɐmu o-sɐ-ndzɐtʰi nəʔ kʰə́kʰos nɐ-ŋo
L’endroit où Lhamo a mangé est ici.
b)
krɐ́ʃi-ni-kə lɐmu ndzə-sɐ-mti nəʔ kʰə́kʰos nɐ-ŋo
C’est l’endroit où bKra-shis et son ami ont vu Lhamo.
c)
lɐmu-kə krɐ́ʃi-ni o-sɐ-mti nəʔ kʰə́kʰos nɐ-ŋo
C’est l’endroit où Lhamo a vu bKra-shis et son ami.
Dans les exemples de Jackson T.-S.Sun, le préfixe possessif s’accorde en nombre avec
l’actant à l’ergatif, mais avec l’actant unique dans le cas des verbes intransitifs. Si l’on
traduit ces phrases en japhug, on observera qu’il en est de même dans cette langue :
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(273)
a)
b)
c)
ɬamu
ɯ-sɤz-rɯndzɤtsʰi
kutɕu
ɲɯ-ŋu
Lhamo
3s:NDO:prendre un repas
ici
MDR:3s:être
ʑɤni
kɯ
ɬamu
ndʑɯ-sɤ-mto
kutɕu
ɲɯ-ŋu
eux deux
ERG
Lhamo
2d:NDO:voir
ici
MDR:3s:être
ɬamu
kɯ
ʑɤni
ɯ-sɤ-mto
kutɕu
ɲɯ-ŋu
Lhamo
ERG
eux deux
3s:NDO:voir
ici
MDR:3s:être
La seule différence entre (272) et (273) est qu’au lieu de « bKra-shis et son ami », la
traduction en japhug que nous avons élicitée a simplement « eux deux ». En japhug, le
nominalisateur nɯ correspondant au tshobdun nəʔ est possible mais facultatif.
Enfin, avec les verbes bitransitifs, le nom oblique permet de nominaliser l’actant au
datif : nɤ-sɤ-kʰo « celui auquel tu as donné ».
On trouve un exemple de nom déverbal oblique fossilisé dont le préfixe est devenu
une préinitiale ɯ-spa « matériau », dérivé du verbe faire *pa (ce verbe signifie « fermer »
en japhug moderne), ce mot signifiant littéralement à l’origine : « ce avec quoi l’on fait ».
Le nom oblique est lié à deux autres formes importantes du verbe : le gérondif et le
complément de but.
Le gérondif se forme en préfixant le verbe de sɤ- (ou sɤz- si le verbe a un préfixe
dérivationnel à initiale sonante) et en redoublant la dernière syllabe de la racine élargie du
verbe au thème 1 par la réduplication partielle. Voici quelques exemples utilisant les
verbes kɤ-ɕqʰe « tousser » et kɤ-nɯrɤɣo « chanter » (dérivé dénominal de rɤɣo
« chanson »). Une forme quasiment identique a été décrite en tshobdun (Sun 2003a : 500)
sous le nom de « converb construction ».
(274)
aʑo
sɤ-ɕqʰɯ-ɕqʰe
tu-ŋke-a
pɯ-ŋu
je
GER:tousser
IPF:D-haut:1s:aller PIF:3s:être
Je toussais en marchant.
447
(275)
sɤz-nɯrɤɣɯ-ɣo
jɤ-ari-a
GER:chanter
AOR:1s:aller
J’y suis allé en chantant.
Le complément de but (CB) se forme de la façon suivante : préfixe de personne
(sujet du verbe) + sɤ- (ou z- si le verbe a un préfixe dérivationnel à initiale sonante) +
racine élargie du verbe au thème 1 avec la dernière syllabe redoublée. Voici quelques
exemples avec kɤ-ndza « manger » et kɤ-nɤmɲo « regarder ».
(276)
tu-ɣɤɕqali
nɯ
<dianshi>
ɯ-z-nɤmɲɯ-mɲo ɲɯ-ŋu
IPF:3s:crier
NOM
télévision
3s:CB:regarder MDR:3s:être
S’il crie comme ça, c’est pour regarder la télévision.
(277)
tu-ɣɤɕqali
nɯ
tɤ-mtʰɯm
ɯ-sɤ-ndzɯ-ndza ɲɯ-ŋu
IPF:3s:crier
NOM
viande
3s:CB:manger MDR:3s:être
S’il crie comme ça, c’est pour pouvoir manger de la viande.
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On peut rajouter un préfixe directionnel de série 2 pour former un complément de but
imperfectif (CBI). Ainsi les compléments de but imperfectifs des deux exemples ci-dessus
seraient *ɯ-tu-z-nɤmɲɯ-mɲo et *ɯ-tu-sɤ-ndzɯ-ndza 100 . Enfin, on peut ajouter une
négation entre le préfixe de personne et le préfixe directionnel :
(278)
a-mɤ-tu-sɤ-ɕqʰɯ-ɕqʰe nɯ
smɤn
tu-ndze-a
ŋu
1s :NGNP:CBI:tousser
médicament
IPF:1s>3s:manger
NPA:1s:être
NOM
Afin de ne pas tousser, je prends des médicaments.
8.2
Nom de degré
A la différence des trois types de noms déverbaux précédents, ces noms ne peuvent
être utilisés ni comme complément du verbe, ni à l’intérieur d’une relative. Ils ne semblent
pas avoir fait l’objet d’une description dans les travaux sur les autres langues
rgyalronguiques. On distingue deux types de noms de degré : les noms en tɯ- préfixés
d’un possessif (type 1), les noms en tɤ- préfixés d’un possessif (type 2). Il convient de ne
pas confondre les noms de type 2 et les noms de type 1 des verbes contractes (voir le
chapitre 7) qui ont tɤ- dans tous les cas.
8.2.1
Noms de degré 1
Les noms de degré se forment en majorité à partir de verbes intransitifs, en préfixant
tɯ- au thème 1. Le possessif préfixé indique alors l’actant unique. Dans le cas des verbes
transitifs, le préfixe possessif indique l’actant marqué à l’ergatif. Ainsi, dans l’exemple
100
Ces deux formes n’ont pas pu être vérifiées avec mon informatrice de japhug, c’est pourquoi nous les
marquons d’une astérisque.
448
suivant, le verbe transitif kɤ-nɤla « être d’accord » est préfixé de la 3s, coréférent avec le
sujet à l’ergatif :
(279)
aʑo
pjɯ-sɤsɯɣɕát-a
a-mu
kɯ
je
IPF:1s:se consacrer à l’enseignement
1s:mère
ERG
ɯ-tɯ-nɤla
ɲɯ-saχaʁ
3s:ND1:être d’accord
MDR:3s:extrêmement
Je me consacre à l’enseignement, ma mère est très d’accord.
C’est là un autre cas de construction pivot de type accusatif en rgyalronguique, après
celle des noms d’agents.
Les noms de degré permettent d’exprimer soit le degré d’un état ou d’une action, soit
la fréquence d’une action, soit une qualité particulière. Du fait même qu’il s’agit de noms,
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ils sont incapables de prédiquer par eux-mêmes, et il faut rajouter soit la particule nɯ,
synonyme du démonstratif lointain, soit un verbe statif indiquant le degré tel que
kɯ-saχaʁ « extrême », kɯ tɕʰom « excessif » :
(280)
ɯ-tɯ-pe
nɯ !
3s:ND1:être bien
particule
Il est vraiment bien.
(281)
ɯ-tɯ-pe
ɲɯ-saχaʁ
3s:ND1:être bien
MDR:3s:extrêmement
Il est extrêmement bien.
Avec certains verbes dynamiques, l’ajout de ɲɯ-saχaʁ va indiquer la fréquence de
l’action :
(282)
ɯ-tɯ-ɕe
ɲɯ-saχaʁ
3s:ND1:aller
MDR:3s:extrêmement
Il y va souvent.
Pour donner un autre sens au nom de degré, il est alors nécessaire d’utiliser un autre
verbe statif que kɯ-saχaʁ. Le choix du verbe statif prédicat dépend de la sémantique du
verbe nominalisé :
(283)
ɯ-tɯ-ɕe
pjɤ-ɣɤji
3s:ND1:aller
MIP:3s:rapide
Il y est allé très vite.
Ce n’est toutefois pas le cas de tous les verbes dynamiques, surtout ceux qui sont
transitifs. Dans le dictionnaire, le maximum d’exemples de phrases avec des noms de
degré a été inclu pour permettre de saisir le fonctionnement de ces dérivés nominaux
avec chacun des verbes :
(284)
kɯki
ras
ki
laʁtɕʰa ɯ-tɯ-fkaβ
ɲɯ-saχaʁ
DMP
tissu
DMP
objets
MDR:3s:extrêmement
3s:ND1:couvrir
Ce bout de tissu peut recouvrir beaucoup d’objets.
449
(285)
kʰɯna
kɯ
qaʑo
ɯ-tɯ-βɟi
ɲɯ-saχaʁ
tɕe
chien
ERG
mouton
3s:ND1:poursuivre
MDR:3s:extrêmement
CONJ
kɤ-βraʁ
ɲɯ-ra
NAC:attacher
MDR:3s:devoir
Ce chien poursuit sans cesse les moutons, il faut l’attacher.
Utilisé avec des verbes transitifs, l’objet doit être présent :
(286)
nɯŋa-mu
ɯ-ndza
ɯ-tɯ-ndza
saχaʁ
vache
3s:nourriture
3s:ND1:manger
NPA:3s:extrêmement
*nɯŋa-mu ɯ-tɯ-ndza saχaʁ
La vache mange beaucoup.
L’ergatif est optionnellement possible pour le sujet d’un phrase telle que (286).
Non seulement l’objet reste, mais les compléments sont aussi conservés :
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(287)
tɕʰeme nɯ
kɤ-rɤɕmi
ɯ-tɯ-qʰa
ɲɯ-saχaʁ
fille
NAC:parler
3s:ND1:détester
MDR:3s:extrêmement
DML
Cette fille déteste qu’on lui parle
Le sens des verbes peut parfois changer légèrement ou subir une limitation dans son
utilisation lorsqu’on forme le nom de degré. Ainsi ɯ-tɯ-ndza ne peut s’employer que pour
désigner des animaux, et ɯ-tɯ-fkaβ peut seulement référer à un tissu ou tout objet qui
peut servir à recouvrir, si bien qu’on ne les rencontre qu’à la troisième personne. Même
les auxiliaires ŋu « être » et tu « avoir » peuvent former le nom de degré, avec un sens
particulier :
(288)
ɯ-tɯ-ŋu nɯ
« c’est vraiment correct »
(289)
ɯ-kɤ-ro ɯ-tɯ-tu saχaʁ
« il a vraiment beaucoup de possessions »
Comme nous l’avons indiqué, le préfixe possessif indique le sujet, mais parfois un
préfixe de troisième personne indique en fait une sorte d’impersonnel :
(290)
jɯɣi
ɯ-tɯ-ɣɤme
nɯ ?
écriture
3s:ND1:perdre
particule
Le livre a été perdu si vite ?
Ce type d’exemple pourrait laisser croire que le préfixe possessif du nom de degré
devient coréférent avec l’objet, ce qui falsifierait notre affirmation que le nom de degré est
un pivot de type accusatif. Toutefois, lorsque l’objet est au pluriel, il devient évident que ce
n’est pas le cas :
(291)
ruŋgu
jla
ra
ɯ-tɯ-sɤkʰar
βdi,
pâturage
yak hybride
pluriel
3s:ND1:enfermer
NPA:3s:être bien
nɯmáʁnɯ
tú-ɣ-nɯ-z-mɯrkɯ
ŋu
sinon
PIF:IP1:MOY:CAU:3>3s:voler
NPA:3s:être
Il faut bien enfermer les yaks hybrides sur les pâturages, sinon ils se feront voler.
La forme ɯ-tɯ-sɤkʰar a le préfixe ɯ- de singulier, or l’objet jla ra est au pluriel : si le
nom de degré s’accordait avec l’objet, on aurait la forme nɯ-tɯ-sɤkʰar à la place. Dans
450
l’exemple (291), on remarque d’ailleurs que la proposition subordonnée est à
l’impersonnel. Un certain nombre de verbes transitifs en japhug ne peuvent former que ce
type de noms à la troisième personne du singulier.
Une grande partie des verbes transitifs et quelques verbes intransitifs ne peuvent pas
former directement de nom de degré. Dans ces cas là, il faut former le nom de degré d’un
dérivé intransitif du verbe par le préfixe sɤ-. Par exemple le nom de degré du verbe
kɤ-nɤkʰe « maltraiter » sera en fait ɯ-tɯ-sɤ-nɤkʰe, dérivé du verbe intransitif kɤ-sɤ-nɤkʰe
« maltraiter les gens ».
On ne peut pas former de nom de degré avec tous les verbes intransitifs non plus,
mais la distribution des verbes avec lesquels on peut les former ne semble pas obéir à un
principe sémantique strict, puisque des verbes de sens très proches peuvent ou non
former des noms de degré. Ainsi kɤ-rɯndzɤtsʰi « manger, prendre un repas » peut former
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un nom de degré ɯ-tɯ-rɯndzɤtsʰi, tandis que de kɤ-nɯtʂʰɤɣndʑɤr « prendre un repas
(utilisé pour parler des serviteurs) » on ne peut dériver *ɯ-tɯ-nɯtʂʰɤɣndʑɤr.
On peut préfixer le négatif mɤ- au nom de degré :
(292)
ɯ-mɤ-tɯ-sɤstu
« c’est vraiment incroyable de... »
(293)
ɯ-mɤ-rɯndzɤtsʰi
« il n’a pas beaucoup d’appétit »
Le temps du verbe statif qui prédique le nom de degré n’est pas indépendent du
préfixe de personne. Alors qu’avec la troisième et la seconde personne on peut utiliser
aussi bien le MDR, le non-passé et le progressif, à la première personne le MDR est
prohibé (voir la section 5.4.2.2 p.384):
(294)
a)
ɯ-tɯ-pe ɲɯ-saχaʁ
« il est très bien (je le vois en ce moment) »
b)
ɯ-tɯ-pe saχaʁ
« il est, il sera bien »
c)
ɯ-tɯ-pe ku-saχaʁ
« il est bien en ce moment (je le sais) »
d)
a-tɯ-pe saχaʁ
« je suis, je serai très bien »
e)
a-tɯ-pe ku-saχaʁ
« je suis très bien »
f)
*a-tɯ-pe ɲɯ-saχaʁ
Dans certains cas, les noms de degré peuvent être suivis de l’ergatif et acquérir le
sens de « être ... au point de » :
(295)
ɯ-ʁi
ɯ-tɯ-fse
kɯ
maka
3s:petite sœur
3s:ND1:ressembler
ERG
pas du tout
mɯ-pɯ́-ɣ-sɤmbrɤqɤ́t-ndʑi (koŋzoŋ.266)
NGPA:AOR:INV:3>3d:distinguer
Elle ressemblait à sa petite soeur au point qu’on ne pouvait les distinguer.
451
(296)
ɯʑo ɯ-tɯ-ɲɟɤt
kɯ «
tɕʰi
tu-fse
ŋu »
il
ERG
quoi
IPF:3s:être de cette manière
NPA:3s:être
3s:ND1:regretter
ʑo
mɯ-ɲɤ-nɯ-tso
tɕe,
slaʁ
ʑo tɯ-ci
adv.
NGPA:MIP:APL:comprendre
CONJ
d’un coup
adv. eau
ŋgɯ
cʰo-mtsʰaʁ
tɕe
pjɤ-ʑɣɤ-sat
tɕe, (qajdoskɤt.117-118)
intérieur
MIP:3s:sauter
CONJ
MIP:REF:3s:tuer
CONJ
Il ne comprenait pas comment les choses en étaient arrivées là, et il regrettait
tellement qu’il se jeta d’un coup dans l’eau et se suicida.
Dans ces cas, le nom d’action n’est pas un actant du verbe, c’est un adjoint. Il ne semble
pas que les noms de degré puissent fonctionner comme sujets ou objets de verbes
transitifs.
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8.2.2
Les noms de degré 2 et les verbes de sensation physique
Les noms de degré de type 2 ne sont utilisés de manière habituelle que dans une
seule catégorie de verbes : ceux qui expriment une sensation physique (goût, douleur,
fatigue etc). Il n’est pas exclu que des recherches ultérieures permettent de découvrir
d’autres cas de noms de degré 2. Ce type de nom déverbal est difficile à éliciter car il n’est
pas d’un usage très courant. Nous n’en avons trouvé aucun exemple dans nos textes.
Le nom de degré 2 se forme d’un préfixe possessif, du préfixe tɤ- et du thème 1.
Toutefois, ont trouve deux exceptions : kɯ-ɲat « être fatigué » et kɯ-mŋɤm « avoir mal »,
dont les noms de degré 2 sont respectivement ɯ-tɤ́-ɣɲat (au lieu de *ɯ-tɤ-ɲat) et
ɯ-tɤ-ŋɤm (au lieu de *ɯ-tɤ-mŋɤm).
Voici une liste des verbes de sensation en japhug :
(297)
a)
kɯ-ɣɤdi
« puer »
b)
kɯ-mɤrtsaβ
« être piquant »
c)
kɯ-mɯm
« être bon à manger »
d)
kɯ-mpja
« être chaud »
e)
kɯ-mɯɕtaʁ
« être froid »
f)
kɯ-sɤɕke
« être brûlant »
g)
kɯ-tɕur
« être acide »
h)
kɯ-tsri
« être salé »
i)
kɤ-mtsɯr
« avoir faim »
j)
kɤ-zdɯɣ
« souffrir »
k)
kɯ-ɕpaʁ
« avoir soif »
l)
kɯ-fsɯr
« avoir faim (de viande) »
m) kɤ-ɲat
« être fatigué »
452
n)
kɯ-mŋɤm
« avoir mal »
o)
kɯ-ɴqa
« souffrir »
Dans le cas des verbes de sensation, le nom de degré 1 exprime un objet extérieur
qui cause la sensation d’un point de vue objectif :
(298)
ɯ-tɯ-mɤrtsaβ nɯ
« c’est très piquant »
(299)
ɯ-tɯ-mɯm nɯ
« c’est très bon à manger »
(300)
a-ngo
ɯ-tɯ-mŋɤm
jɤ-azɣɯt
1s:maladie
3s:ND1:avoir mal
AOR:3s:arriver
Ma maladie me fait mal (à nouveau).
Dans ce type de construction, la première et la seconde personnes sont le plus souvent
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interdites : *a-tɯ-mŋɤm jɤ-azɣɯt. Une phrase telle que a-tɯ-mɯm nɯ n’est pas jugée
radicalement impossible, mais signifierai « je suis bon à manger », ce qui la rend peu
plausible du point de vue pragmatique. L’utilisation du médiatif direct avec le nom de
degré 1 implique que l’on ressent soi-même la sensation en question :
(301)
ɯ-tɯ-mŋɤm ɲɯ-saχaʁ
« j’ai très mal »
Ainsi, pour dire « tu as très mal à la tête », on ne peut pas utiliser le médiatif direct :
*nɤ-ku ɯ-tɯ-mŋɤm ɲɯ-saχaʁ.
Une telle phrase signifierait qu’on ressent la douleur de l’autre comme si elle émanait de
son propre corps. Il faut utiliser le non-passé :
(302)
nɤ-ku
ɯ-tɯ-mŋɤm
saχaʁ
ŋgrɤl
2s:tête
3s:ND1:avoir mal
NPA:3s:extrêmement
NPA:3s:être d’habitude
Tu as (d’habitude) très mal à la tête.
Les noms de degrés de type 2, quand à eux, indiquent la sensation subjective de
l’actant coréférent au préfixe personnel :
(303)
ɯ-tɤ-mɯm ɲɯ-saχaʁ
« il trouve ça très bon à manger »
(304)
a-tɤ-ŋɤm ɣɤʑu
« j’ai très mal »
Les noms de degré de type 2 peuvent être prédiqués par des verbes existenciels tels
que tu ou ɣɤʑu. C’est là une autre différence avec le nom de degré 1 qui sont
incompatibles avec ce type de prédicats. Un forme telle que *ɯ-tɯ-mŋɤm ɣɤʑu est donc
impossible. On distingue donc :
(305)
a)
ɯ-tɤ-ŋɤm ɲɯ-saχaʁ
« il a très mal (je le vois) »
b)
ɯ-tɤ-ŋɤm ku-saχaʁ
« il a très mal (en ce moment) »
c)
ɯ-tɤ-ŋɤm tu
« il a mal »
d)
ɯ-tɤ-ŋɤm ɣɤʑu
« il a mal (je viens de m’en apercevoir) »
e)
ɯ-tɤ-ŋɤm pɯ-tu
« il avait mal »
453
Tout comme avec les noms de degré 1, ceux de type 2 préfixés de la première personne
n’admettent pas le MDR. On ne peut pas dire *a-tɤ-ŋɤm ɲɯ-saχaʁ. On ne peut pas non
plus utiliser les prédicats existentiels tu et me avec la première personne, il faut utiliser
ɣɤʑu et maŋe qui impliquent que l’on vient de découvrir le fait en question. C’est là un
paradoxe du même type que l’interdiction de MDR, puisque normalement ɣɤʑu et maŋe
sont incompatibles avec la première personne.
A l’opposition entre nom de degré de type 1 et de type 2, on peut rajouter celle entre
nom de degré et nom d’action.
(306)
ɯ-tɯ-mŋɤm
jɤ-azɣɯt
3s:ND1:avoir mal
AOR:3s:arriver
C’est le moment où il a le plus mal (sa douleur va et vient).
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(307)
ɯ-kɯ-mŋɤm
jɤ-azɣɯt
3s:NAS:avoir mal
AOR:3s:arriver
Sa douleur s’est déclarée.
Avec des verbes tels que kɤ-zɣɯt « arriver » et kɯ-mda « atteindre », les noms de degré
développent un sens de répétition régulière qui ne se retrouvent pas si l’on utilise un nom
d’action ou un autre type de nominalisation.
Un autre sens très particulier que peuvent acquérir les noms de degrés de type 2 des
verbes de sensation exprimant la fatigue ou la douleur est celui d’ « avoir souffert pour
rien » lorsqu’on ajoute l’auxiliaireɕti :
(308)
ɯ-tɤ-ɴqa pjɤ-ɕti
« il a souffert pour rien »
(309)
ɯ-tɤ-zdɯɣ
pjɤ-ɕti
ma paʁ
kɯ
<yangyu>
3s:ND2:souffrir
MIP:3s:être (affirmatif)
car cochon
ERG
pommes de terre
la-nɯ-ji
nɯ
cʰo-ɕkɯt
AOR: MOY:3s>3:planter NOM
MIP:3s:finir de manger
Il s’est fatigué pour rien car le cochon a mangé les pommes de terre qu’il avait
plantées.
On ne peut pas utiliser le nom de degré de type 1 dans ce cas : *ɯ-tɯ-zdɯɣ pjɤ-ɕti.
Toutefois, avec la plupart des autres verbes, on ne peut pas former ce type de
construction. Ainsi, avec kɤ-ɲɟɤt « regretter », il n’est pas permis de dire *ɯ-tɤ-ɲɟɤt ɕti ma,
il faut utiliser le nom d’action à la place :
(310)
ɯ-kɤ-nɯ-ɲɟɤt
spa
ɕti
ma
3s:NAC:MOY:regretter
matériau
NPA:être (affirmatif)
particule
Il regrette pour rien.
L’opposition type 1 / type 2 ne doit pas être confondue avec l’effet de l’ajout du
préfixe a- / ɤ- (voir le chapitre 7). Ainsi kɤ-mto « voir » et kɤ-ɤmto « être vu » vont former
chacun un nom de degré de type 1 différent :
454
(311)
ɯ-tɯ-mto ɲɯ-saχaʁ
« il voit facilement »
(312)
ɯ-tɯ-ɤmto [ɯtɤmto] ɲɯ-saχaʁ
« il est facilement vu »
Cette opposition tɯ- et tɤ- est toutefois d’une toute autre nature que celle que l’on observe
entre ɯ-tɯ-mɯm et ɯ-tɤ-mɯm.
Il ne faut pas les confondre non plus avec les noms d’actions en tɯ- / tɤ- (voir la
section suivante) dans les cas où ceux-ci peuvent être préfixés de possessifs.
Les verbes au non-passé à la seconde personne (lorsque le thème 3 est identique au
thème 1), préfixés de l’interrogatif, peuvent ressembler superficiellement à des noms de
degré 1, mais les deux formes sont accentuées différemment :
ɯ-tɯ-fkáβ
« il recouvre beaucoup (nom de degré) »
ɯ-tɯ́-fkaβ
« est-ce que tu vas couvrir ? » (non-passé)
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8.2.3
Nom d’action en tɯ-
Il convient de distinguer les noms de degré et les noms d’action en tɯ- (nom d’action
2, noté NAC2 dans nos gloses), bien que dans certains cas leurs formes puissent se
ressembler et que ces deux types de noms déverbaux sont peut-être liés
étymologiquement.
A la différence des noms de degrés, les noms d’action en tɯ- / tɤ- ne sont pas
nécessairement préfixés d’un possessif, et dans de nombreux cas il est même interdit
d’en préfixer. Le préfixe tɯ- a un grand nombre de fonctions différentes, et il n’est pas
clair s’il est encore pleinement productif en japhug. Nous commencerons par comparer le
japhug avec le cogtse, pour ensuite mettre en évidence les particularités du japhug.
De nombreux verbes en cogtse ont des doublets avec noms en tə-. Citons ici
quelques exemples de Wei (2000 : 31) :
(313)
a)
ka-tʂóp « coudre »
tətʂóp kə-pâ
b)
kə-ntʃʰâ « tuer un animal »
təntʃʰâ kə-pâ
c)
ka-rtʃI ̂
« laver »
tərtʃə́s kə-pâ
d)
kɐ-ʃmó « voler »
təʃmó kə́-pa
Dans les exemples ci-dessus, l’auxiliaire kə́-pa est est dérivé statif du verbe ka-páʔ
« faire ».
En japhug, on trouve des doublets du même type avec les auxiliaires kɤ-lɤt « jeter,
lancer » et kɤ-βzu « faire ». Nous indiquons toutes les formes à l’aoriste pour permettre
de comparer le préfixe directionnel de la forme simple et de la forme composée qui ne
sont pas toujours identiques :
(314)
a)
tɯ-rŋgɯ tɤ-βzú-t-a
kɤ-rŋgɯ-a
« j’ai dormi »
455
b)
tɯ-rɯndzɤtsʰi tɤ-βzú-t-a
tɤ-rɯndzɤtsʰi-a
« j’ai mangé »
c)
tɯ-rɤznde tɤ-βzú-t-a
tɤ-rɤzndi-a
« j’ai construit »
d)
tɯ-rɟaʁ pɯ-βzú-t-a
pɯ-rɟáʁ-a
« j’ai dansé »
e)
tɯ-ɕlu pɯ-lát-a
lɤ-ɕlu-a, pɯ-ɕlu-a
« j’ai labouré »
Dans le cas de certains verbes, kɤ-βzu et kɤ-lɤt sont tous deux possibles, et l’on peut
choisir différents préfixes directionnels pour affiner le sens du verbe :
(315)
tɤ-rte
ɯ-tɯ-tʂɯβ
pɯ-lát-a
chapeau
3s:NAC2:coudre
AOR:1s>3s:lancer
J’ai brodé le chapeau.
(316)
tɯ-tʂɯβ
NAC2:coudre
tʰɯ-βzú-t-a
AOR:D-aval:1s>3s:faire
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J’ai cousu (le long de la manche).
Les noms d’actions en tɯ- ont une sémantique plus large que celle des noms
d’action en kɤ-. Certains expriment la manière dont on fait une certaine action : tɯ-rɤt
« manière d’écrire » de kɤ-rɤt « écrire », tɯ-lɤɣ « manière de faire paître les animaux » de
kɤ-lɤɣ « faire paître », tɯ-taʁ « manière de tisser » de kɤ-taʁ « tisser ». On rencontre ce
type de signification dans une phrase telle que :
(317)
qaʑo
kɤ-lɤɣ
ɴqa
tɕe,
tɯ-lɤɣ
mouton
NAC:faire paître
NPA:3s:difficile
CONJ
NAC2:faire paître
pjɯ-kɯ-mkʰɤs
ra
NACI:être bon à faire
NPA:3s:devoir
C’est difficile de faire paître les moutons, il faut une bonne technique.
Ils peuvent aussi signifier « le résultat d’une action » dans certains contextes : ainsi tɯ-taʁ
veut dire également « ce qui est tissé ». Certaines phrases peuvent être polysémiques :
(318)
ɯʑo kɯ
jɯɣi
tɯ-rtoʁ
nɯ
uɣma
ɲɯ-pe
il
écriture
NAC2:regarder
NOM
très
MDR:3s:être bon
ERG
Le livre qu’il lit est très bien / Son habitude de lire les livres est très bonne.
Ils
peuvent
désigner
l’action
elle-même :
tɯ-ndzɯ « éducation » de kɤ-ndzɯ
« éducation », tɯ-rɟaʁ « danse », tɯ-mdzos « tabou » de kɤ-mdzos « s’interdire »,
tɯ-pɣaʁ « défrichage » de kɤ-pɣaʁ « retourner ». Voici un exemple de ce type de
phrases :
(319)
tɯ-ndzɯ
mɤ-ku-sɤŋo,
ɯ-mɯ
mbɯt
NAC2:éduquer
NGNP:PRE:3s:écouter
3s:ciel
NPA:3s:s’écrouler
Il n’écoute pas l’éducation (de ses parents), il va lui arriver des malheurs (litt. :
son ciel va s’écrouler).
On trouve enfin des cas difficiles à classer : tɯ-ɲɟoʁ « homme de main » de kɤ-ɲɟoʁ
456
« coller » (littéralement, à l’origine, « celui qui est collé » ?), tɯ-sɤɣɕe « direction, endroit
vers lequel on va » du verbe kɤ-sɯɣɕe « envoyer » avec un vocalisme irrégulier du préfixe
(voir l’exemple (323) comme exemple de ce mot). Ces deux mots ne sont toutefois
peut-être pas des noms d’actions en tɯ-, car leur préfixe tɯ- tombe lorsqu’on ajoute un
préfixe : a-sɤɣɕe « la direction où je vais », a-ɲɟoʁ « mon homme de main ».
Il y a plusieurs formes avec lesquelles ils ne faut pas confondre les noms d’actions en
tɯ.
Premièrement, la 2s des verbes au non-passé dont le thème 3 et le thème 1 sont
identiques : ainsi tɯ-lɤɣ peut signifier « tu vas faire paître les animaux ».
Deuxièmement, lorsqu’on les préfixes d’un possessif, il faut faire attention de ne pas
les confondre avec un nom de degré 1 : ɯ-tɯ-rɟaʁ peut signifier « une danse faite en son
honneur (nom d’action) » ou bien « il danse souvent (nom de degré) ».
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Enfin, on doit noter l’existence de certains noms d’action en tɯ- dérivés de verbes
contractes vont avoir une forme tɤ- qui peut laisser croire qu’il s’agit d’un nom en tɤ-. Ainsi
le nom tɤ-ɕqʰe « la toux », pourrait être transcrit tɯ-ɤɕqʰe dérivé du verbe kɤ-ɕqʰe
« tousser ».
8.2.4
Noms d’action en tɤ-
Les noms en tɤ- (nom d’action 3, NA3 dans nos gloses) ont un usage très différent.
Avec les verbes existentiels tu et ɣɤʑu, ils permettent de former une sorte de construction
impersonnelle. Ces noms sont formés d’un préfixe tɤ- suivi du thème 1, mais dans un
certain nombre de cas, les préfixes dérivationnels peuvent être supprimés : les verbes
préfixés en ɣɤ- et quelques verbes en nɯ- / nɤ- : kɤ-nɤre « rire », kɤ-nɤzraʁ « avoir
honte », kɤ-nɯmbjɯm « se chauffer au feu », dont les noms en tɤ- sont respectivement
tɤ-re, tɤ-zraʁ, et tɤ-mbjɯm. Les deux premiers sont synonymes avec les noms tɤ-re
« rire » et tɤ-zraʁ « honte » dont sont dérivés les verbes kɤ-nɤre et kɤ-nɤzraʁ. Lorsqu’il
existe déjà un nom préfixé en tɤ- lié à la racine verbale, il n’est pas possible de créer un
nouveau nom en tɤ- tel que *tɤ-nɤre ou *tɤ-nɤzraʁ.
Seuls les verbes intransitifs, atéliques et relatifs à un être humain peuvent former un
nom d’action en tɤ-. Il permettent de désigner quelqu’un indirectement. Aucun possessif
ne peut leur être préfixé, et ils doivent être suivi d’un prédicat existentiel tel que tu ou ɣɤʑu.
On peut dire par exemple :
(320)
tɤ-xti tu
« il est grand (en référence par exemple à un enfant qui est présent
mais qu’on ne veut pas désigner directement) »
(321)
tɤ-ɲaʁ tu « il a le teint foncé »
mais on ne peut pas dire *tɤ-tɯt tu de kɤ-tɯt « mûrir », *tɤ-rɤχtɕi tu de kɤ-rɤχtɕi « laver »,
*tɤ-mto tu de kɤ-mto « voir »: le premier ne s’applique pas à des humains, le second est
457
télique, le troisième est transitif. Avec les verbes statifs de couleur, on ne peut pas dire
par exemple *tɤ-rŋi tu parce que cela signifierait qu’un être humain est bleu.
Avec les verbes de sensation physique vus en 8.2.2, on peut aussi former des noms
d’action en tɤ-, et les deux verbes irréguliers kɯ-ɲat et kɯ-mŋɤm forment leurs noms
d’action de la même manière que le nom de degré sans le préfixe possessif : tɤ-ɣɲat et
tɤ-ŋɤm, ce qui prouve que ces deux types de noms sont apparentés au moins
diachroniquement.
Le verbe kɯ-mɤrtsaβ « épicé, pimenté » acquiert un sens particulier :
(322)
tɤ-mɤrtsaβ tu « il a un sale caractère »
Toutefois, tous les verbes répondant aux trois critères ci-dessus ne peuvent pas
former des noms d’action en tɤ-, mais les exceptions se limitent aux verbes d’existence et
de prédication comme kɯ-ŋu et kɯ-tu *tɤ-ŋu tu, *tɤ-tu tu, et à quelques verbes pour
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lesquels nous n’avons pas d’explication comme kɤ-ʁɟa « chauve » *tɤ-ʁɟa tu.
Les noms de d’action en tɤ- peuvent indiquer qu’une action se produit sans arrêt :
(323)
tɯ-sɤɣɕe
a-mɤ-pɯ́-ɣ-mto
tɕe, tɤ-nɤ-jɣɯ-jɣɤt
direction
NGNP:IRR:IP1:voir CONJ
tu
NAC3:faire des aller-retour
NPA:3s:y
avoir
Si l’on ne trouve pas (litt. : ne voit pas) la (bonne) direction où aller, on va devoir
faire beaucoup d’aller-retour.
(324)
tɤ-nɯrzandɤl
tu
NAC3:faire une réaction de haute montagne NPA:3s:y avoir
Il fait une réaction de haute montagne (à chaque fois qu’il y va).
Ils peuvent également désigner un état habituel :
(325)
tɤ-mpɕɤr
me
ma
tɤ-rɤmpɕɤr
tu
NAC3:être beau NPA:3s:ne pas y avoir
mais
NAC3:se maquiller NPA:3s:y avoir
Elle n’est pas belle mais elle aime se maquiller.
Enfin, pour les verbes exprimant une qualité dont on peut se servir, compatibles avec des
verbes tels que kɤ-ntɕʰos « utiliser » ou kɤ-spjɤt « se servir de », on peut former un nom
d’action en tɤ- obligatoirement préfixé d’un possessif, à la différence des autres usages de
ce type de préfixe nominalisateur.
(326)
ɯ-tɤ-χɕu
to-nɯ-spjɤt
3s:NAC3:être fort
MIP:MOY:3s>3:utiliser
Il a fait usage de sa force.
(327)
tɯ-tɤ-ɕqraʁ
tú-ɣ-nɯ-ntɕʰos
ra
soi-même-NAC3-être intelligent
IPF:IP1:MOY:3s>3:utiliser
NPA:3s:devoir
Il faut utiliser son intelligence.
Tous les verbes statifs désignant une particularité susceptible de constituer un
458
avantage peuvent entrer dans ce type de structure. C’est le cas de ku-xti « grand »,
kɯ-mbro « haut » etc.
Il ne faut pas confondre les noms d’action en tɤ- avec l’aoriste en tɤ- : tɤ-ɕqraʁ peut
signifier « il est devenu intelligent (aoriste) », aussi bien que « il est intelligent (nom
d’action en tɤ-) dans une phrase comme tɤ-ɕqraʁ tu.
On trouve quelques noms préfixés en tɤ- qui sont liés à des verbes transitifs : tɤ-ɕpʰɤt
« pièce de tissu pour raccomoder les habits » et tɤ-fkaβ « bouchon » apparentés
respectivement à kɤ-ɕpʰɤt « raccommoder » et à kɤ-fkaβ « couvrir ». Il ne semble pas que
ces noms sont apparentés aux noms d’action en tɤ-. Ce préfixe tɤ- n’est pas non plus la
contraction de tɯ+ɤ : même si tɤ-ɕpʰɤt et tɤ-fkaβ étaient des noms d’action en tɯ- des
verbes contractes intransitifs dérivés kɤ-ɤ-ɕpʰɤt « être réparé » et kɤ-ɤ-fkaβ « être
couvert », on comprend mal comment ils auraient développé un sens instrumental « ce
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par quoi on raccomode » et « ce par quoi on couvre ». Nous n’avons pas d’explication
concernant le rôle du préfixe tɤ- dans ces noms.
8.3
Autres types de nominalisation
Nous avons regroupé dans cette section tous les autres types de nominalisation en
japhug. Cela inclu les noms d’action sans marque et les noms d’action en -s, mais aussi
l’incorporation du verbe dans un nom, la nominalisation par réduplication et enfin, le
procédé le plus simple, la nominalisation par l’adjonction d’une particule nominalisatrice.
8.3.1
Nom d’action sans marque
On rencontre un quatrième type de nom d’action en japhug, que nous appelons nom
d’action sans marque (nous le notons NASM dans nos gloses), parce qu’ils ne sont pas
préfixés de morphèmes nominalisateurs. Ces noms sont formés d’un préfixe possessif et
du thème 1. Seuls les verbes transitifs ont la possibilité de former ce type de NOM.
A la différence des autres noms, dont le possessif préfixé indique le sujet, le
possessif des noms d’action sans marque indique l’objet. Ces noms ont une distribution
très limitée par rapport aux noms d’action en kɤ-. Nous avons pu trouver seulement deux
contextes où ils apparaissent : avec l’auxiliaire kɤ-rɲo « avoir eu comme expérience, avoir
déjà ... » et avec le modal mɤ-ra au négatif :
(328)
a)
ɯ-ndza
pɯ-rɲó-t-a
3s:NASM:manger
AOR:1s>3s:avoir fait l’expérience de
J’ai déjà mangé cela.
b)
rŋɯl
nɤ-mbi
mɯ-pɯ-rɲó-t-a
459
argent
2s:NASM:donner
NGPA:AOR:1s>3s:avoir fait l’expérience de
Je ne t’ai jamais donné de l’argent.
c)
ɯ-ndza
mɤ-ra
3s:NASM:manger
NGNP:NPA:devoir
Il ne faut pas manger cela.
Les trois phrases en (328) ont un équivalent avec les verbes d’action en kɤ- :
(329)
a)
b)
c)
kɤ-ndza
pɯ-rɲó-t-a
NAC:manger
AOR:1s>3s:avoir fait l’expérience de
rŋɯl
kɤ-mbi
mɯ-pɯ-ta-rɲo
argent
NAC:donner
NGPA:AOR:1>2s:avoir fait l’expérience de
kɤ-ndza
ra
NAC:manger
NPA:devoir
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Il faut manger cela.
Dans les phrases en (329), l’objet (direct ou indirect) n’est plus indiqué sur le verbe
complément, si bien que le verbe auxiliaire kɤ-rɲo doit indiquer cette information, ce qui
explique le passage de pɯ-rɲó-t-a à pɯ-ta-rɲo.
Avec tous les modaux statifs autres que mɤ-ra : jɤɣ « être autorisé », ra « devoir »,
khɯ « être possible, falloir », sna « être convenable », et avec les existentiels tu et ɣɤʑu
« y avoir » et leurs formes négatives, on ne peut pas utiliser de noms d’action sans
marque, alors que les noms d’action en kɤ- sont possibles.
8.3.2
Nom d’action en –s
Cette forme de nominalisation est la moins productive de la langue, mais son
ancienneté ne fait aucun doute, puisqu’on trouve des exemples de ce type en chinois
archaïque et en tibétain. La première étude sur les noms d’action en –s en rgyalronguique
est Jacques (2003), où nous avons montré l’existence d’un petit nombre d’exemples de
noms dérivés de verbes par un suffixe –s en rgyalrong oriental de So-mang, à partir des
données de Huang et Sun (2002).
En japhug, on trouve moins d’exemples qu’en somang. Ce sont : tɤ-scos, « lettre,
écriture » (le seul qui se trouve aussi en somang), tɤ-rkus « cadeau que l’on offre lorsque
l’on part en voyage » et tɯ-ʁjis, qui s’utilise uniquement dans l’expression tɯ-ʁjis kɤ-ɣi
« avoir envie ». tɤ-rkus est dérivé du verbe kɤ-rku « placer dans, ranger dans », et
signifiait à l’origine « ce qui a été placé, rangé », d’où le sens de « ce qui a été préparé ».
tɯ-ʁjis est dérivé de kɤ-ʁjit « penser » et signifiait « ce que l’on pense, ce à quoi l’on
pense », d’où le sens d’« envie ».
460
8.3.3
Incorporation
Comme nous l’avons vu dans la section sur la morphologie verbale dérivationnelle, le
japhug permet dans certains cas d’incorporer un actant dans le verbe. A l’inverse, il existe
un procédé qui permet de former un nom en incorporant un verbe. Paradoxalement, ce
n’est pas avec un nom que le verbe est incorporé, mais avec l’adverbe kɯzɣa
« longtemps, de nombreuses fois ».
Le nom résultant est composé de l’adverbe à l’état construit kɯzɣɤ plus la racine
élargie du verbe au thème 1. Le verbe kɤ-βzu « faire » sert ensuite d’auxilliaire, il va porter
le préfixe directionnel sélectionné par le verbe nominalisé, ainsi que les marques de
personne. Le sens de l’expression résultante est « faire ... tout le temps, de nombreuses
fois ». Voici quelques exemples à l’aoriste du verbe seul et du groupe avec verbe
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nominalisé pour montrer l’usage du préfixe directionnel sur le verbe auxilliaire :
(330)
na-ɕar
Il a cherché
kɯzɣɤ-ɕar ʑo na-βzu
Il a cherché très longtemps
ta-rtoʁ
Il a regardé
kɯzɣɤ-rtoʁ ʑo ta-βzu
Il a regardé très longtemps
pa-ndɯn
Il a lu
kɯzɣɤ-ndɯn ʑo pa-βzu
Il a lu très longtemps
L’auxilliaire peut porter tous les marquages de personnes possibles. En revanche, le
nom dérivé reste toujours invariable.
(331)
kɯzɣɤ-nɯkʰramba ʑo tó-ɣ-βzu-a
Il m’a trompé de nombreuses fois.
8.3.4
Nominalisation par réduplication
Comme nous l’avons vu dans les sections 5.4.4 p.392 et 6.7 p.413, la réduplication
partielle a de nombreuses fonctions différentes, et celle qui nous intéresse ici est une
forme de nominalisation. Le fonctionnement phonologique de cette réduplication est le
même que pour les autres déjà décrites dans le chapitre sur la morphologie verbale. Ces
formes sont donc susceptibles d’être ambiguës.
En plus d’une fonction syntaxique, la nominalisation par réduplication a également un
sens particulier : « tous, l’ensemble de ». Ainsi, on peut opérer la réduplication sur un
verbe déjà nominalisé : kɯ-mɤɕi « riche, celui qui est riche » devient kɯ-kɯ-mɤɕi « tous
ceux qui sont riches ». Ce procédé peut toutefois s’appliquer à un verbe conjugué à un
temps fini. Dans ces cas, le verbe est nominalisé, et prend le sens de l’actant à l’absolutif :
(332)
smɤn tɯ-ta-ndza
« Tous les médicaments qu’il a mangés »
L’ambiguïté de la réduplication fait que (332) peut aussi signifier selon le contexte :
« il s’est mis à manger de plus en plus de médicaments », « s’il mange des
461
médicaments », et « à chaque fois qu’il mange des médicaments ». C’est donc le
contexte syntaxique qui permet de trancher. Les verbes nominalisés par la réduplication
sont en général suivi du nominalisateur nɯ, ce qui permet d’éviter toute ambiguïté :
(333)
tɤ-ɕime
tɯ-lɤt
nɯnɯ
kɯ́nɤ
linɤ
jeune fille
cadette
DML
aussi
encore
[ku-xti
nɯ kɯ
tɯ-ta-stu]
nɯ
NAS:être grand
DMLERG
RED:AOR:3s>3:faire de cette manière
NOM
tu-ste
pjɤ-ŋu
IPF:3s>3:faire de cette manière
MIF:3s:être
(tɤruʁnɯs.251)
La cadette fit tout ce qu’avait fait son aînée.
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8.3.5
Nominalisateurs
Le japhug permet enfin de nominaliser des propositions entières par un moyen
purement syntaxique : un nominalisateur nɯ placé en fin de phrase. Les phrases dont le
verbe est déjà nominalisé comme nom d’action, nom d’agent ou nom oblique peuvent être
suivies de cet élément grammatical, y compris dans certains cas les noms d’action
compléments d’autres verbes, comme le montre l’exemple (244). C’est là une différence
avec l’équivalent de ce nominalisateur en cogtse, tə (voir Wei 2000 : 75), qui dans les
exemples donnés par Wei, n’apparaît jamais après un complément « infinitif ». Sun
(2003a : 500) décrit le cognat en tshobdun nəʔ du nominalisateur japhug comme un
« generic subordinator », car son usage ne se limite pas aux relatives, mais se retrouve
dans les temporelles ou les conditionnelles par exemple.
Le nominalisateur est indipensable pour former les relatives et complétives
non-nominalisées, ainsi que certaines constructions complexes que la morphologie
productive du japhug ne permet pas. Toutefois, le fonctionnement de nɯ sera étudié plus
en détail dans la section suivante sur les relatives.
Tout comme tə en cogtse, le nominalisateur nɯ est en fait le pronom et démonstratif
nɯ : cela. Dans certains cas, le démonstratif proche ki, ou même le marqueur de pluriel ra
peuvent être utilisés comme nominalisateurs de propositions :
(334)
wo
a-pa
[tɕʰos
kɤ-zgrɯβ]
ki
uɣma
ʑo
interjection
1s:père
religion
NAC:réaliser
DMP
très
adverbe
ɲɯ-ɴqa (srɤs.95)
MDR:3s:être difficile
Père, réaliser les enseignements bouddhiques est une chose très difficile.
(335)
tʰɤjtɕu
lɤ-tɯ-nɯɣe
pɯ-ŋu
ra
nɤ (taʁrdo.0)
quand
AOR:D-amont:2s:retourner
PIF:3s:être
NPA:3s:devoir CONJ
462
Et (les choses telles que) quand es-tu retournée à la maison ?
Le marqueur de pluriel ra dans ces utilisations postverbales ne doit pas être confondu
avec le verbe modal synonyme.
8.4
Relatives
La formation des relatives a été entrevue dans les sections précédentes, mais il était
légitime de lui consacrer une section à part entière car le japhug dispose de plusieurs
procédés pour relativiser. Comme nous allons le voir, le japhug fonctionne d’une manière
assez différente du cogtse, bien que ce soient les mêmes morphèmes qui prennent en
charge ces fonctions. Dans cette section, nous étudierons tout d’abord le fonctionnement
de la relativisation en cogtse, puis nous passerons en revue chacun des types de
nominalisations en japhug à partir de la fonction grammaticale de l’actant relativisé et non
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de la morphologie utilisée.
8.4.1
La relativisation en cogtse
En cogtse, Wei (2000 :86) distingue deux stratégies différentes pour relativiser une
phrase :
Premièrement, ce qu’il appelle une « non-stratégie » : le verbe est nominalisé en kəen conservant ses marques de personne, l’actant relativisé est supprimé dans la relative,
et dans le cas des verbes transitifs, l’autre actant doit être mis à l’absolutif, même si dans
la phrase de base il s’agissait de l’actant à l’ergatif. Voici deux exemples tirés de Wei
(2000 : 73), où dans un cas l’actant qui reste dans la relative est le sujet (336) et dans
l’autre l’objet (337). On peut marquer la relativisation du patient en ajoutant le préfixe ŋa(voir le chapitre 7). Le nominalisateur kə- peut devenir ka- lorsqu’il fusionne avec ŋa-. En
(340), to-ka-ʃkút est ainsi une variante de la forme plus transparente to-kə-ŋa-ʃkút aussi
attestée avec le même sens.
(336)
[pkraʃés
ko-kə-skɐ́-w
wə-zɐ̂
tə]
bKra-shis
aoriste-nom d’agent–cuire-3s
3s-nourriture
NOM
ná-mem
imperfectif:bon à manger
Le repas que bKra-shis a fait cuire.
(337)
[tə-mɲók
to-kə́-kə-w
tə]
na-nari ́
pain
aoriste-nom d’agent-acheter-3s
NOM
aoriste:rire
Celui qui a acheté le pain a ri
(338)
[to-ka-ʃpút
wə-kərŋú
tə]
ná-tsʰo
aoriste-nom d’action-élever
3s:bœuf
NOM
imperfectif:gras
Les boeufs qui ont été élevés sont gras.
463
(339)
[to-ka-ʃkút
tə]
aoriste-nom d’action-finir de manger
NOM
ná-mem
imperfectif:bon à manger
Ce que l’on a fini de manger est (était) très bon.
Deuxièmement, dans le type de construction qu’il appelle « complément à déterminé
interne » (internally headed complement), aucun actant n’est supprimé dans la relative, et
c’est celui à l’absolutif qui est relativisé (Wei 2000 : 79-80)
(340)
[tə-rmi-ndʒês-kə
kə-rgú
kə-jzá-ntʃʰ
tə]
wə-ɲam
homme-duel-ERG
bœuf
nom d’agent-nourrir-3d
NOM
3s:chair
ná-ndo
imperfectif:avoir
Les boeufs qui ont été nourris par ces deux personnes sont gras.
En japhug, les stratégies de relativisation sont différentes. La différence
fondamentale entre japhug et cogtse est tout d’abord morphologique. En japhug, les
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formes nominalisées en kɯ- et kɤ- ne peuvent en aucun cas porter des marques de
personne, alors que ce sont des formes de ce type qui sont utilisées en cogtse pour
toutes les relatives.
Par ailleurs, les noms d’action en kɤ- en japhug ne peuvent pas être analysés comme
étant composés d’un préfixe nominalisant kɯ- et d’un préfixe intransitivant ɤ- comme c’est
le cas en cogtse selon Wei (2000). En effet, nous avons montré dans la première partie
de ce chapitre que les phrases nominalisées par le nom d’action peuvent conserver leur
sujet à l’ergatif, ce qui serait impossible dans une relative du cogtse :
(341)
ɬamu
kɯ
qɤjɣi
nɯ
kɤ-mbi
nɯ
tu-ndze
Lhamo
ERG
pain
DML
NAC:donner
NOM
IPF:3s>3:manger
pjɤ-ŋu
(qajdoskɤt.111)
MIF:3s:être
Alors qu’il s’apprêtait à manger le pain que lui avait donné Lhamo
8.4.2
La relativisation en japhug
Nous allons présenter les stratégies possibles de relativisation selon la fonction
syntaxique de l’actant. On recense deux types principaux de relatives en japhug : les
relatives à verbe nominalisé, et les relatives à verbe non-nominalisé. Pour exemplifier ces
deux catégories, nous prenons des exemples de la relativisation de l’objet en (342) et
(343).
Dans le premier cas, le verbe est nominalisé en nom d’action, nom d’agent ou nom
oblique :
(342)
[rɤɣo
tsʰɯrɟin cʰɯ-kɤ-ti]
nɯ
aʑo mɯ́-j-nɯ-rge-a
464
chanson
souvent
NACI:dire
NOM
je
NGPA:MDR:APL:1s>3:être content
Je n’aime pas la chanson que l’on chante tout le temps.
Dans le second cas, le verbe est conjugué normalement, sans aucune marque de
nominalisation. L’objet reste in situ :
(343)
[nɤʑo
tsʰɯrɟin rɤɣo
tu
souvent
cʰɯ-tɯ-ti]
chanson IPF:2s>3:dire
nɯ aʑo mɯ́-j-nɯ-rge-a.
NOMje
NGPA:MDR:APL:1s>3:être content
Je n’aime pas la chanson que tu chantes tout le temps
Les relatives peuvent être suivies optionnellement d’un nominalisateur tel que nɯ.
8.4.2.1
Sujet
On ne peut relativiser le sujet, l’actant unique des verbes intransitifs et l’actant marqué
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à l’ergatif des verbes transitifs, qu’en utilisant les verbes nominalisés en nom d’agent.
Ainsi, pour dire « celui qui écrit une lettre », on doit dire :
(344)
tɤ-scos ɯ-kɯ-rɤt
Mais il est en revanche exclu de dire une phrase telle que (345), qui serait une
relative à verbe non-nominalisé.
(345)
*tɤ-scos pjɯ-rɤt ɣɯ ɯ-rme
Comme nous l’avons déjà vu dans la section 8.1.3 p.444, le nom d’agent des verbes
transitifs est préfixé d’un possessif qui est coréférent avec l’objet. Lorsque l’on forme une
relative, l’objet doit être marqué, et le sujet peut être optionnellement conservé, mais pert
sa marque d’ergatif :
(346)
?tɤ-potso
garçon
tɤ-scos ɯ-kɯ-rɤt
nɯ
lettre
NOM
3s:NAG:écrire
Le garçon qui écrit cette lettre
La présence du sujet dans ce type de relative est toutefois très rare, on n’en trouve
pas un seul exemple dans notre corpus de textes. Dans ces cas, on préfère extraire le
sujet. Ainsi, on peut reformuler (346) comme ceci :
(347)
tɤ-scos ɯ-kɯ-rɤt
tɤ-potso
nɯ
lettre
garçon
NOM
3s:NAG:écrire
On trouve un exemple de phrase de ce type dans notre corpus de textes :
(348)
iɕqʰa
nɯnɯ
ɯ-ɣɯ-jɤ-kɯ-qru
tɤ-tɕɯ
à l’instant
DML
3s:HER:NAGP:accueillir garçon
nɯnɯ (tɤruʁnɯs.231)
DML
Ce garçon qui était venu la chercher
Lorsque le verbe est intransitif, pour que la relative détermine un nom, il suffit de la
placer après celui-ci :
465
(349)
zrɯɣ
mɤ-kɯ-si
ɣɯ
ɯ-tʂɤm,
ca
mɤ-kɯ-si
pou
NGNP:NAG:mourir
GEN
3s:huile
chevrotain NGNP:NAG:mourir
ɣɯ
ɯ-mtsʰo (gesar.253)
GEN
3s:musc
De l’huile de poux qui ne sont pas morts, du musc de chevrotain qui n’est pas
mort.
Nous avons vu dans la section 8.1.1 que le nom d’action des verbes statifs était
formé avec le préfixe kɯ- : il n’est pas possible de distinguer le nom d’agent du nom
d’action avec ces verbes. Toutefois, il semble que les formes qui correspondent aux
adjectifs épithètes du français soient des relatives, comme l’a proposé Jackson T.-S.Sun
(2003a : 491). Ainsi, si l’on veut relativiser une phrase telle que :
(350)
ki
tɤ-potso ki
uɣma
ʑo ɲɯ-ɕqraʁ.
DMP
enfant
très
adv. MDR:3s:être intelligent
DMP
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Cet enfant est très intelligent.
Il faut utiliser le nom d’agent kɯ-ɕqraʁ « qui est intelligent » et le placer après le nom qu’il
détermine, comme c’est le cas pour toutes les relatives comme nous avons vu en (349) :
(351)
tɤ-potso uɣma
ʑo kɯ-ɕqraʁ
enfant
adv. NAS:être intelligent
très
Un enfant très intelligent (Litt. : un enfant qui est très intelligent)
Dans le sens inverse, il est possible dans tous les cas de transformer les noms suivis
« d’adjectifs épithètes » en phrases indépendantes.
(352)
tɕʰeme kɯ-mpɕɤr
Æ
ki
tɕʰeme ɲɯ-mpɕɤr
fille
Æ
DMP
fille
NAS:être belle
MDR:3s:être belle
une belle fille (Litt. : une fille qui est belle) Æ cette fille est belle
Enfin, il est possible d’utiliser les noms d’agent seuls, sans nom à déterminer. Il s’agit là
encore d’une relative :
(353)
nɯ-kɯ-ɣɤʁrɯ
pjɯ-tu
mɤ-jɤɣ,
NAGP:germer
PIF:3s:y avoir
NGNP:NPA:pouvoir
pɯ-kɯ-tsɣi
pjɯ-tu
mɤ-jɤɣ (sqar.23)
NAGP:pourrir
PIF:3s:y avoir
NGNP:NPA:pouvoir
Il ne faut pas qu’il y en ait qui aient germé, il ne faut pas qu’il en ait qui aient
pourri.
A l’exception des cas où les noms d’agent servent de complément, toutes les occurences
de noms d’agent en japhug sont donc des relatives, même si elles sont limitées au seul
verbe.
8.4.2.2
Objet
La relativisation de l’objet, l’actant marqué à l’absolutif des verbes transitifs, peut
466
s’opérer de deux manières différentes. La première stratégie possible est de nominaliser
le verbe avec le nom d’action. Dans ce type de phrases, l’agent à l’ergatif peut être
conservé :
(354)
krɤɕi
kɯ
tɯ-ndza tɤ-kɤ-βzu
bKra-shis
ERG repas
NACP:faire
nɯ
ɲɯ-mɯm
NOM
MDR:3s:être bon à manger
Le repas que bKra-shis a préparé est très bon.
L’extraction de l’objet est impossible dans ces phrases, même si l’on supprime le
sujet. Ainsi, on ne peut pas dire *tɤ-kɤ-βzu tɯ-ndza nɯ ɲɯ-mɯm. On peut marquer le
sujet par un possessif préfixé au nom d’action : nɤ-tɤ-kɤ-ndza « ce que tu as mangé ».
On peut former également des relatives à verbe non-nominalisé. Dans ces cas, la
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phrase relativisée est nominalisée par la simple particule nɯ :
(355)
ɯʑo
kɯ
jɯɣi ta-rtoʁ
nɯ
uɣma
ɲɯ-pe
il
ERG
livre AOR:3s>3:regarder
NOM
très
MDR:3s:être bon
Le livre qu’il a lu est très bon.
La phrase (355) ne signifie pas « celui qui a lu le livre est très bon », mais elle ne peut
pas signifier non plus « C’est bien qu’il ait lu le livre ». Enfin, on peut utiliser des phrases
dont le verbe est nominalisé par réduplication (voir section 8.3.4 p.461). Reprenons ici
l’exemple que nous avions donné :
(356)
tɤ-ɕime
tɯ-lɤt
nɯnɯ
kɯ́nɤ
linɤ
jeune fille
cadette
DML
aussi
encore
[ku-xti
nɯ kɯ
tɯ-ta-stu]
nɯ
NAS:être grand
DML ERG
RED:AOR:3s>3:faire de cette manière
NOM
tu-ste
pjɤ-ŋu
IPF:3s>3:faire de cette manière
MIF:3s:être
(tɤruʁnɯs.251)
La cadette fit tout ce qu’avait fait son aînée.
8.4.2.3
Instrument
La relativisation de l’instrument peut, tout comme celle de l’objet, s’effectuer de deux
manières. On peut tout d’abord employer le nom oblique, dont le fonctionnement a été
décrit en 8.1.4 p.446 :
(357)
lɤβzaŋ
ɣɯ
ɯ-tɤ-scos
ɯ-sɤ-rɤt
sɲɯɣjɯ nɯ
bLo-bzang
GEN
3s:lettre
3s:NDO:écrire
pinceau
NOM
Le pinceau avec lequel bLobzang écrit la lettre.
Le nom relativisé (en (357), il s’agit de sɲɯɣjɯ) est extrait de la phrase et placé après
467
le nom oblique. Le possessif préfixé au nom oblique est coréférent avec le sujet de la
phrase :
(358)
kʰa
ʁɤri
kɯ-nɯʁaʁ
tɤ-mu
nɯ
ra
kɯ
maison
devant
NAG:faire la fête
mère
DML
pluriel
ERG
nɯ-sɤz-nɯmbjɯm
si
cʰɯ-βlɯ́-nɯ
pjɤ-ŋu. (qaɕpa.227)
3p:NDO:se chauffer
bois
IPF:3p>3:brûler
MIF:3s:être
Les vieilles dames qui étaient en train de se reposer devant la maison étaient sur
le point de brûler le bois avec lequel elles (allaient) se réchauffer.
Dans la phrase ci-dessus, le préfixe nɯ- de troisième personne du pluriel est ici
coréférent avec le sujet à l’ergatif qui est aussi au pluriel.
On peut également former des relatives à verbe non-nominalisé. Dans ce cas,
l’actant relativisé est extrait. Ainsi, d’une phrase telle que (359), où l’instrument est
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marqué à l’ergatif, et le verbe est préfixé de sɯ-, un préfixe semblable au causatif (nous le
gloserons d’ailleurs comme un causatif), on peut dériver (360), où le groupe nominal
instrumental est extrait mais où le préfixe sɯ- est maintenu sur le verbe.
(359)
lɤβzaŋ
kɯ
sɲɯɣjɯ kɯ
tɤ-scos ci
pjɯ-sɯ-rɤt
bLo-bzang
ERG
pinceau
lettre
IPF:CAU:3s>3:écrire
ERG
un
bLobzang écrit une lettre avec un pinceau.
(360)
lɤβzaŋ
kɯ
tɤ-scos pjɯ-sɯ-rɤt
ɣɯ
bLo-bzang
ERG
lettre
GEN
IPF:CAU:3s>3:écrire
ɯ-sɲɯɣjɯ
(aʑɯɣ
nɯ-kʰɤm)
3s:pinceau
(1s:GEN
IMP:s:passer)
(Donne-moi) le pinceau avec lequel bLobzang a écrit la lettre.
8.4.2.4
Locatif
La relativisation d’un groupe nominal locatif s’opère d’une manière comparable à celle
de l’instrumental : on peut soit utiliser un verbe nominalisé en nom oblique, soit utiliser
une relative à verbe non-nominalisé. Des exemples du premier type ont déjà été
présentés en 8.1.4 p.446, voici un exemple du second type:
(361)
[iʑo ju-sɯɣ-ɕe-j]
ɣɯ
nous IPF:CAU:1s>3:aller GEN
ɯ-sɤtɕʰa
nɯ uɣma
sɤɣmu
3s:endroit
DML très
NPA:3s:être effrayant
L’endroit où nous l’avons envoyé est effrayant.
8.4.2.5
Génitif
Pour relativiser un nom déterminant au génitif, il suffit d’utiliser le nom d’agent comme
si c’était le déterminé qui était relativisé. Ainsi, d’une phrase telle que :
(362)
si
ɯ-pʰaʁ
ntsi
pjɤ-rom
468
arbre
3s:moitié
un d’une paire
MIF:3s:être sec
La moitié de cet arbre s’est desséchée.
On peut former la relative :
(363)
si
ɯ-pʰaʁ
ntsi
pɯ-kɯ-rom (tɤmu-kɤtsa.101)
arbre
3s:moitié
un d’une paire
NAGP:être desséché
Cette phrase est ambiguë : elle signifie à la fois « un arbre dont la moitié était
desséchée » (ce qu’elle signifie dans l’histoire en question) et « la moitié desséchée d’un
arbre ».
Toutefois, dans les rares cas où il faut relativiser un actant auquel le verbe attribue le
génitif, il est nécessaire d’employer une construction plus lourde avec un nom d’action :
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(364)
ɕu ɣɯ
ɕ-tʰɯ-kɤ-ta
nɯ
ɣɯ
nɯ,
tɕe
qui
HIN:NACP:mettre
NOM
GEN
NOM
CONJ
ɯ-ɕki
ɕɯ-kɯ-mɤrʑaβ
kɯ-ra
pjɤ-ɕti (tɤruʁnɯs.147)
3s:DAT
HIN:NAG:se marier
NAS:devoir
MIF:3s:être (affirmatif)
GEN
Il fallait se marier avec celui sur les genoux duquel on avait posé (une offrande)
(litt. : celui de ce qu’on est allé poser pour qui, c’est avec lui qu’il faut aller se marier).
En (364), les éléments coréférents ont été soulignés. Le premier nɯ détermine le nom
d’action ɕ-tʰɯ-kɤ-ta « ce qu’on est allé poser », le second est un pronom coréférent avec
l’interrogatif ɕu « qui ». La reprise pronominale est ici indispensable car la langue ne
dispose pas de construction pivot pour les actants au génitif, et n’a pas de pronoms
relatifs tels que duquel en français. Cette construction avec reprise pronominale est une
contre-clivée : le groupe nominal [ɕu ɣɯ ɕ-tʰɯ-kɤ-ta] nɯ ɣɯ nɯ, contient la relative
indiquées entre crochets.
8.5
Conclusion
L’importance de l’étude de la nominalisation en rgyalronguique dépasse l’étude de la
formation de noms à partir des verbes. C’est tout d’abord grâce à la nominalisation par le
nom d’agent que nous pouvons définir le sujet et l’objet en japhug, ce qui est important
pour une langue par ailleurs ergative. C’est ensuite par la nominalisation que sont
formées une grande partie des relatives et des compléments du verbe.
469
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478
Appendice A : Système de gloses
Notre système de gloses ne donne pas une glose par morphème, mais indique une
glose par catégorie morphologique : la catégorie TAM et le marquage de la personne,
même s’il sont marqués par différents affixes ou par une alternance de thème, sont
indiqués par un signe dans les gloses. Ce type de glose permet au lecteur de savoir sans
ambiguïté la forme grammaticale à laquelle il se trouve confrontée.
Nous indiquons les personnes par un nombre de 1 à 3, et utilisons les lettres
minuscule s, d et p respectivement pour singulier, duel, pluriel. Pour indiquer les relations
entre sujet et objet, nous employons la flèche >, l’actant sujet étant marqué à gauche et
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
l’actant objet à droite. 1s > 3p signifie donc : sujet à la première personne du singulier et
objet à la troisième du pluriel.
Lorsque les préfixes directionnels sont utilisés non pour marquer simplement une
catégorie de TAM (les préfixes intrinsèques du verbe) mais indiquer une direction, nous
ajoutons D- suivi de la direction (haut, bas, amont, aval, est, ouest) juste après la marque
de la catégorie de TAM.
Nous ne glosons que les préfixes dérivationnels productifs. Les symboles sont
séparés de deux points <:>.
abbré-
nom
exemple
marquage
aoriste
tɤ-ndzá-t-a
Préfixe directionnel de série 1
« je l’ai mangé »
(première et deuxième personne),
viation
AOR
Préfixe directionnel de série 3
(troisième
personne),
thème
2,
suffixe –t (1s et 2s)
AOR2
pjɯ-tɯ-mto
aoriste2
Préfixe directionnel de série 3 + tɯ
+ thème 1
APL
kɤ-nɯ-ŋke
applicatif
Préfixe nɯ- / nɤ-
« aller pour qqch »
CAU
kɤ-sɯ-ndza
causatif
Préfixe sɯ- / sɯɣ- / z-
« faire manger »
CB
complément
de
but
ɯ-sɤ-ndzɯ-ndza
Préfixe personnel, préfixe sɤ- / z-,
« afin d’en manger »
réduplication partielle de la dernière
syllabe de la
racine élargie du
verbe
CBI
complément
but imperfectif
de
ɯ-tu-sɤ-ndzɯ-ndza
Préfixe personnel, préfixe de série
« afin d’en manger »
2, préfixe sɤ- / z-, réduplication
partielle de la dernière syllabe de la
479
racine élargie du verbe
CNT
ɲɯ-ɤsɯ-ndza
continu
Préfixe ɤsɯ- / asɯ- / ɤz- / az-
« Il est / était en train de
manger »
DAT
datif
DMP
démonstratif
ɯ-ɕki
Préfixe personnel + ɕki
ki
proche
DML
nɯ
démonstratif
lointain
ERG
ergatif
kɯ
GEN
génitif
ɣɯ
GER
gérondif
sɤz-nɯrɤɣɯɣo
Préfixe sɤ- / sɤz-, réduplication
« en chantant »
partielle de la dernière syllabe de la
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
racine élargie du verbe
HER
mouvement vers soi
ɣɯ-ndze
Préfixe ɣɯ-
« il vient le manger »
HIN
IMP
mouvement vers les
ɕɯ-ndze-a
autres
« Je vais le manger »
impératif
tɤ-ndze
Préfixe ɕɯPréfixe de série 1, thème 3
« Mange ! »
IMM
INV
jɯ-na-ɕaβ
Préfixe jɯ-, peut s’adjoindre à
« il a failli le rattraper »
l’aoriste ou au non-passé
inverseur (pas noté
pjɯ́-ɣ-mto-a
Préfixe ɣ- accentué
pour les scénarios 3 >
« il m’a vu » 3s>1s
immédiat
2 ou 3 > 1)
IP1
nɯ́-ɣ-mbi
impersonnel 1
Préfixe ɣ-
« on le lui a donné »
IP2
tu-kɯ-mbro
impersonnel 2
Préfixe kɯ-
« on devient grand »
IPF
imperfectif non-passé
tu-ndze-a
Préfixe de série 2 et thème 3
« je mange de ça »
IRR
a-pɯ-ndze
irréel
Préfixe a-, préfixe pɯ- et thème 3
« S’il mange ça... »
JUS
jussif
a-tɤ-ndze
Préfixe a-, préfixe directionnel de
« qu’il mange ça ! »
série 1 et thème 3
LOC
locatif
zɯ / tɕu
MDR
médiatif direct
ɲɯ-ndze
Préfixe ɲɯ- et thème 3
« il le mange » (j’en suis
témoin)
MIF
médiatif
indirect
passé imperfectif
pjɤ-xti
Préfixe pjɤ-, thème 1
« il était grand » (je n’en ai
pas été témoin)
480
MIF2
médiatif
perfectif
passé
2
(verbes
contractes)
to-kɤ-mɤtí-ndʑi-chɯ
Préfixe directionnel de série 4,
« Ils ont discuté tous les
préfixe kɤ-
deux » (je n’en ai pas été
suffixe cʰɯ
témoin)
MIP
médiatif
indirect
passé
to-ndza
Préfixe directionnel de série 4,
« il l’a mangé »
thème 1, suffixe –t (1s et 2s)
(je n’en ai pas été témoin)
MIP2
médiatif
indirect 2
passé
(verbes
pjɤ-kɤ-tá-chɯ
Préfixe composé pjɤ-kɤ-
« c’était posé »
Suffixe cʰɯ
tɤ-nɯ-ndze
Préfixe nɯ-
contractes)
MOY
moyen
« Mangez cela » (poli)
NAC
kɤ-ndza
nom d'action
Préfixe kɤ-, thème 1
« le fait de manger, ce qui
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est mangé »
NAC2
tɯ-tʂɯβ
nom d’action 2
Préfixe tɯ-, thème 1
« l’action de coudre »
NAC3
nom d’action 3
tɤ-mpɕɤr
Préfixe tɤ-, thème 1
NACI
nom d'action
tu-kɤ-ti
Préfixe de série 2, préfixe kɤ-,
imperfectif
« ce qui est dit »
thème 1
nom d'action
tɤ-kɤ-ndza
Préfixe de série 1, préfixe kɤ-,
perfectif
« ce qui a été mangé, le fait
thème 2
NACP
d’avoir mangé »
NAG
ɯ-kɯ-ndza
nom d'agent
Préfixe kɯ-, thème 1
« celui qui a mangé ça »
NAGI
NAGP
NAS
nom d'agent
ɯ-tu-kɯ-ti
Préfixe de série 2, préfixe kɯ-,
imperfectif
« celui qui dit »
thème 1
nom d'agent
tɤ-kɯ-rɤndzɤtshi
Préfixe de série 1, préfixe kɯ-,
perfectif
« celui qui a pris son repas »
thème 1
nom d'action statif
kɯ-pe
Préfixe kɯ-, thème 1
« être bien »
NASM
sans
ɯ-ndza
Préfixe de personne, thème 1
statif
pɯ-kɯ-fse
Préfixe de série 1, préfixe kɯ-,
perfectif
« ce qui s’est passé »
thème 1
nom de degré 1
ɯ-tɯ-ŋɟɤt
Préfixe de personne, préfixe tɯ-,
nom
d’action
marque
NASP
ND1
nom
d'action
thème 1
ND2
nom de degré 2
ɯ-tɤ-zdɯɣ
Préfixe de personne, préfixe tɤ-,
thème 1
NDO
nom déverbal
z-rɤrɤt
oblique
sɤ-rɤrɤt
Préfixe z- ou sɤ-, thème 1
« ce avec quoi l’on écrit,
l’endroit où l’on écrit »
481
NGNP
négatif non-passé
mɤ-ndze
Préfixe mɤ-
« il n’en mangera pas »
NGPA
négatif passé
mɯ-ta-ndza
Préfixe mɯ-
« il n’en a pas mangé »
NOM
nɯ
nominalisateur
(morphème
probablement
identique au DML)
NPA
non-passé
ndze-a
Thème 3 non préfixé
« je le mange / je vais le
manger »
passé imperfectif
PIF
pɯ-xti
Préfixe pɯ-, thème 1
« il était grand »
PRE
présent
ku-ndze
« il
est
Préfixe ku-, thème 3
en
train
de
le
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
manger »
situation persistante
PST
pɤjkhu ku-nɯ-mtsɯ́r-a
Préfixe nɯ-. A l’aoriste, remplace le
« j’ai encore faim »
préfixe de série 1.
mɯ-nɯ-mtó-t-a
« je ne le vois plus »
ɯ́- interrogatif
QU
ɯ́-tɤ-tɯ-ndza-t
Préfixe ɯ́- accentué
« L’as-tu mangé ?»
RED
réduplication partielle
ndzɯ-ndze nɤ
« S’il le mange »
REF
réflexif
kɤ-ʑɣɤ-sat
Préfixe ʑɣɤ-
« se suicider »
On trouve douze verbes irréguliers en japhug de kɤmɲɯ :
kɤ-ɕe (AOR : jɤ-ari)
« aller »
kɤ-sɯɣɕe (AOR : jɤ-sɤɣri)
« envoyer qqun »
kɤ-ti (AOR : tɤ-tɯt)
« dire »
kɤ-ɣi (AOR : jɤ-ɣe)
« venir »
kɯ-ɲat (ND2 : ɯ-tɤ́-ɣɲat)
« être fatigué »
kɯ-mŋɤm (ND2 : ɯ-tɤ-ŋɤm)
« avoir mal »
ku-ɣrum
« être blanc »
ku-xti
« être grand »
ɣɤʑu (2s : ɣɤ-tɤ-ʑu)
« y avoir »
maŋe (2s : ma-ta-ŋe)
« ne pas y avoir »
mɤ-xsi : pas de suffixe –a
« je ne sais pas » (verbe défectif)
kɤ-ɤzɣɯt (2s : jɤ-tɯ-zɣɯt / jɤ-tɯ-ɤzɣɯt) « arriver »
482
Appendice B : Un exemple d’histoire.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
tɤ-ru ʁnɯs --- Les deux chefs de village
0
kɯɕɯŋgɯ
kɯɕɯŋgɯ
tɕe,
tɤ-ru
ʁnɯs
pjɤ-tú-ndʑi.
0
autrefois
autrefois
CONJ
chef de village
deux
MIP:3d:y avoir
0
Autrefois, il y avait deux chefs de village.
1
tɯ-tɯ-pɯ
1
1:maisonnée DML haut
1
pjɤ-rmi
1
MIF:3s:s'appeller
1
L’un d’eux s’appellait Kun-bzang yang-bstan-po du haut de la vallée.
2
tɯ-tɯ-pɯ
2
1:maisonnée DML
2
L’autre s’appelait le roi du bas de la vallée.
3
stot
tɯ-phu
3
haut
haut de la vallée kun-bzang-yang-bstan-po GEN
3
ɯ-rʑaβ
pjɤ-ra
3
3s:épouse
MIF:3s:avoir besoin
3
Le fils de Kun-bzang avait besoin d’une épouse.
4
ɯ-rʑaβ
kɯ-ɕar
jo-ɕe,
4
3s:épouse
NAG:chercher
MIP:3s:aller, CONJ
4
mɤ-kɯ-pɯpe
4
NGNP:NAS:RED:bon adverbe
4
Il partit chercher une épouse, et mit des habits de mauvaise qualité
5
khɯna-ndʐi
tɯ-rcu
ci
5
peau de chien
veste
5
nɤki
5
ainsi
5
Il prit une veste en peau de chien, et il y mit un petit sachet de sésame grillé.
nɯ
stot
nɯ
tɯ-phu
koŋ-βzoŋ-jaŋ-rtɤnbu
haut de la vallée
kun-bzang-yang-bstan-po
smɤt
tɯ-mda
rɟɤlpu
pjɤ-rmi.
bas
bas de la vallée
roi
MIF:3s:s'appeller
koŋ-βzoŋ-jaŋ-rtɤnbu
ʑo
ɣɯ
tɕendɤre
ɯ-tɕɯ
nɯnɯ
3s:fils
DML
ɯ-ŋga
3s:habit
to-ŋga,
MIP:3s>3:porter
to-ŋga,
nɯ
tɕu
une MIP:3s>3:porter, 3s:poitrine
DML
LOC
tɤ-sa-rŋu
ci
ɲɤ-rku
sésame grillés
un MIP:3s>3:mettre petit sachet MIP:3s>3:mettre
ɲɤ-rku
ɯ-phɯm
tɯ-lʁɤt-tɕɯ
483
6
tɕendɤre,
to-rɤŋgat
tɕe
chɤ-ɕe
tɕɤn,
6
CONJ
MIP:3s:partir CONJ
6
rɟɤlpu
ɣɯ
ɯ-sa-kaβ
nɯ
6
roi
GEN
3s:puits
DML LOC
6
Ensuite, il se mit en route, et il accrocha un collier en corail sur le puits du roi du bas
MIP:3s:aller CONJ
tɕu
smɤt
tɯ-mda
bas
bas de la vallée
pjirɯ
tɯ-tɤ-ri to-βraʁ.
corail
chaîne MIP:3s>3:accrocher
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
de la vallée.
7
tɕendɤre smɤt
tɯ-mda
rɟɤlpu
ɯ-me
χsɯm
pjɤ-tu,
7
CONJ
bas
bas de la vallée
roi
3s:fille
trois
MIF:3s:y avoir
7
ɯ-me
χsɯm
pjɤ-tu
tɕe
7
3s:fille
trois
MIF:3s:y avoir
CONJ
7
Le roi du bas de la vallée avait trois filles.
8
stu
ku-xti
nɯ
kɯ-kaβ
ko-ɕe
tɕe
8
superlatif
NAS:grande
DML
NAC:porter sur son dos
MIP:D-est :3s:aller
CONJ
nɤki
pjɯ-ru
tɕɤn
ainsi
MIP:D-bas:3s>3:regarder
CONJ
8
La plus grande alla prendre de l’eau, et elle regarda vers le bas.
9
sa-kaβ
ɯ-qa
9
puits
3s:pied DML
9
Au bas du puits, il y avait un collier en corail, (la réflexion de la chaîne sur la surface
nɯ
tɕu
pjirɯ
LOC corail
tɯ-tɤ-ri pjɤ-tu
tɕɤn,
chaîne MIF:3s:y avoir
CONJ
de l’eau du puits).
10 ɯ-ɲchɣaʁ-thɯm
nɯ
kɯ
to-sɯ-rku
nɤ
10 3s:récipient en écorce de bouleau DML ERG MIP:3s>3:puiser
10 to-sɯ-rku
ri
10 MIP:3s>3:puiser CONJ
CONJ
maka
mɯ-pjɤ-khɯ
pas du tout
NGPA:MIF:3s:pouvoir CONJ
10 ɲɤ-nɯri
tɕɤn
10 MIP:3s:aller-(forme fautive)
CONJ
tɕe
ɲɤ-nɯɕe,
MIP:3s:aller
10 Elle essayait de l’attraper avec son récipient en écorce de bouleau, mais elle n’y est
pas du tout parvenu.
484
11 "aki
ndʐɯnbu
tɯ-rme tɤ-rɤru
11 en bas
hôte
homme
IMP:s:se lever car 1s:père
aʑo
ɕi-a
ra"
to-ti
je
NPA:1s:aller
NPA:3s:devoir
MIP:3s>3:dire
11 mbɣom
tɕe
11 NPA:3s:pressé CONJ
ma a-pa
a-ma
zlɤβtɕhɯ
1s:mère
eau (honorifique)
11 (alors, elle voit le fils du roi déguisé en mendiant allongé par terre) « Vous, le
monsieur en bas, levez-vous car je dois passer, mes parents veulent de l’eau de
façon urgente », dit-elle
12 tɕeri
stot tɯ-phu
koŋβzoŋ-jaŋ-rtɤnbu
ɯ-tɕɯ
12 mais
haut haut de la vallée kun-bzang-yang-bstan-po 3s:fils
nɯ
kɯ
DML
ERG
12 Mais le fils de Kun-bzang yang-bstan-po du haut de la vallée (dit :)
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
13 "a-tɤɕime,
ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom
13 1s:jeune fille QU:IPF:2s:pressée
nɤ
tu-kɯ-nɯmɢla,
CONJ
IPF:2s>1s:passer par dessus
13 « Mademoiselle, si vous êtes pressée, passez moi par dessus,
14 mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom
nɤ
14 NGPA:QU:IPF:2s:pressée CONJ
tu-kɯ-nɯ-pjál-a
ma
IPF:2s>1s:contourner
car
14 si vous n’êtes pas pressée, contournez moi car
15 kɯ-sthi ci
15 autant
a-zrɯɣ a-ndʑirɯ
un 1s:poux 1s:lente
ɲɯ-dɤn"
to-ti
tɕe
MDR:3p:beaucoup
MIP:3s>3:dire
CONJ
15 je suis plein de poux et de lentes » dit-il,
16 tɤ-sa-rŋu
nɯ
tɯ-spra
rʁɯβ-rʁɯβ-rʁɯβ
16 sésame grillé
DML
une poignée onomatopée
to-ndza.
MIP:3s>3:manger
16 et il avala bruyamment une poignée de sésame grillé.
17 tɕendɤre
"ta-nɯmɢla
ɕti
ma
17 CONJ
NPA:1s>2:passer par dessus
NPA:3s:être
car
17 aʑo
ɕi-kɤ-pjɤl
mɤ-tsu-a"
to-ti,
17 je
HIN:NAC:contourner
NGN P :NPA:1s:avoir le temps
MIP:3s>3:dire
17 Je passerai par dessus car je n’ai pas le temps, dit-elle.
18 tɕe
nɯ tɯ-rme nɯ
ɲɤ-nɯmɢla
tɕe
18 CONJ DML homme DML MIP:3s>3:passer par dessus CONJ
ɲɤ-nɯɕe
tɕe
MIP:D-ouest:3s:partir CONJ
18 Alors elle passa par-dessus le garçon, et retourna chez elle (vers l’ouest).
485
19 tɕe
nɯ qhu
tɕe
nɤkínɯ, stu
19 CONJ
DML après
CONJ
ainsi
ku-xti
ɣɯ ɯ-pa
superlatif NAS:grande
19 kɯ-kaβ
pjɤ-ɣi,
tɕɤn
19 NAG:porter sur le dos
MIP:3s:arriver-BAS CONJ
nɯ
GEN 3s:cadette DML
ko-ɣi
tɕɤn
MIP:3s:arriver-EST CONJ
19 Ensuite, la soeur cadette de la grande fille vint prendre (de l’eau),
20 "aki
ndʐɯnbu
tɯ-rme tɤ-rɤru
20 en bas
hôte
homme
20 mbɣom
tɕe
20 NPA:3s:pressé CONJ
ma a-pa
IMP:s:se lever car 1s:père
a-ma
zlɤβtɕhɯ
2s:mère
eau (honorifique)
aʑo ɕi-káβ-a
ra"
je
NPA:3s:devoir MIP:3s>3:dire
HIN:NPA:1s>3s:porter
to-ti
20 « Vous, le monsieur en bas, levez-vous car je dois passer, mes parents veulent de
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
l’eau de façon urgente », dit-elle.
21 tɕeri
"ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom
nɤ
tu-kɯ-nɯmɢla,
21 mais
QU:IPF:2s:pressée
CONJ
IPF:2s>1s:enjamber
21 mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom
nɤ
tu-kɯ-nɯ-pjál-a
ma
21 NGPA:QU:IPF:2s:pressée
CONJ
IPF:MOY:2s>1s:contourner
car
21 Mais (il dit :) « si vous êtes pressée enjambez-moi, si vous n’êtes pas pressée
contournez-moi car
22 kɯ-sthi a-zrɯɣ a-ndʑirɯ
ɲɯ-dɤn"
to-ti
22 autant
1s:poux
MDR:3p:beaucoup
MIP:3s>3:dire CONJ
22 li
tɤ-sa-rŋu
nɯ
tɯ-spra
to-ndza.
22 encore
sésame grillé
DML
une poignée
MIP:3s>3:manger
1s:lente
tɕe
22 je suis plein de poux et de lentes » dit-il, et il avala une poignée de sésame grillé.
23 tɕeri
"ta-nɯmɢla
ɕti
ma aʑo kɤ-pjɤl
23 mais
NPA:1s>2:enjamber
NPA:3s:être-affirmatif
car je
ko-ɕe
tɕe
MIP:D-est :aller
CONJ
23 a-ʁa
me"
to-ti
tɕe
23 1s:temps
NPA:3s:ne pas avoir
MIP:3s>3:dire CONJ
NAC:contourner
23 mais elle dit « je vous enjamberai, car je n’ai pas le temps de vous contourner ».
24 sa-kaβ tɕe
pjɯ-ru
24 puits
IPF:D-bas:3s>3:regarder CONJ
CONJ
24 pjɤ-tu
tɕɤn
24 MIF:3s:y avoir
CONJ
tɕe
li
pjirɯ
tɯ-tɤ-ri nɯ
encore
corail
1:chaîne DML
24 Elle regarda vers le bas dans le puits, et vit elle aussi qu’il y avait un collier en corail
(en fait, la réflexion dans l’eau de la chaîne que le fils du roi avait accroché)
486
25 to-sɯ-rku
nɤ
25 MIP:CAU:3s>3:puiser CONJ
to-sɯ-rku
ri
maka
mɯ-pjɤ-khɯ
MIP:3s>3:puiser
CONJ
pas.du.tout NGPA:MIF:3s:pouvoir
25 Elle essayait de l’attraper (avec son récipient), mais elle ne réussit pas du tout.
26 tɕe
li
tɯ-ci
26 CONJ
encore eau
to-fkur
tɕe
MIP:3s>3:porter CONJ
ɲɤ-nɯɕe
MIP:D-ouest:3s:partir
26 puis elle prit l’eau sur ses épaules et partit.
27 tɕe
"aki
ndʐɯnbu
tɯ-rme
tɤ-rɤru
ma
27 CONJ
en bas
hôte
homme
IMP:s:se lever
car
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
NPA:3s:pressé
27 aʑo mbɣóm-a"
to-ti,
27 je
MIP:3s>3:dire
NPA:1s:être pressé
27 (la deuxième soeur) dit : « Vous, le monsieur en bas, levez-vous, car je suis
pressée » (ici, on observe une répétition dans le récit ).
29 tɕeri
"ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom
nɤ
tu-kɯ-nɯmɢla,
29 mais
QU:IPF:2s:pressée
CONJ
IPF:2s>1s:enjamber
29 mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom
nɤ
tu-kɯ-nɯ-pjál-a
ma
29 NGPA:QU:IPF:2s:pressée
CONJ
IPF:MOY:2s>1s:contourner
car
29 Mais (le fils du roi) dit : « Si vous êtes pressée enjambez-moi, si vous n’êtes pas
pressée contournez-moi car
30 kɯ-sthi a-zrɯɣ a-ndʑirɯ
ɲɯ-dɤn,
nɤ-pi
kɯ
30 autant
MNR:3s:beaucoup
2s:soeur
ERG
1s:poux 1s:lente
30 tɤ́-ɣ-nɯmɢla
ɕti"
to-ti
30 AOR:3s>1s:enjamber
NPA:3s:être (affirmatif)
MIP:3s>3:dire
30 j’ai beaucoup de poux et de lentes, votre soeur m’a enjambé, dit-il
31 "aʑo
nɯ ta-nɯmɢla
ɕti"
to-ti
tɕe
31 je
DML NPA:2s>1:enjamber
NPA:3s:être-affirmatif
MIP:3s>3:dire CONJ
31 « Je vais donc vous enjamber » dit-elle.
487
32 ɲɤ-nɯmɢla
tɕe
ɲɤ-nɯɕe
ɲɯ-ŋu.
32 MIP:D-ouest:3s>3:enjamber
CONJ
MIP:D-ouest:3s:rentrer
MDR:3s:être
32 tɕendɤre,
stu
kɯ-maqhu
tɕɤn,
nɯ-me stu
32 CONJ
superlatif NAS:suivant
CONJ
3p:fille
32 kɯ-kaβ
ko-ɣi,
32 NAC:porter sur le dos
MIP:D-est:3s:venir
kɯ-xtɕi
nɯ
superlatif NAS:petite
DML
32 Elle l’enjamba et rentra chez elle (vers l’ouest), puis la plus petite, leur fille la plus
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
petite vint (vers l’est) prendre (de l’eau).
33 tɕendɤre li
ko-ɣi
tɕe,
"aki
ndʐɯnbu tɯ-rme tɤ-rɤru
33 CONJ
MIP:D-est:3s:venir
CONJ
en bas
hôte
encore
homme IMP:s:se lever
33 ma a-pa
a-ma
zlɤβtɕhɯ
mbɣom
tɕe
33 car 1s:père
1s:mère
eau (honorifique)
NPA:3s:pressé
CONJ
33 Elle vint elle aussi, et dit : « Vous, le monsieur en bas, levez-vous car je dois passer,
mes parents veulent de l’eau de façon urgente,
34 aʑo mbɣóm-a"
to-ti.
34 je
MIP:3s>3:dire
NPA:1s:pressé
34 « je suis pressée » dit-elle.
35 "ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom nɤ
ku-kɯ-nɯmɢla,
mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom
35 QU:IPF:2s:pressée
IPF:2s>1s:enjamber
NGPA:QU:IPF:2s:pressée CONJ
CONJ
35 tu-kɯ-nɯ-pjál-a
ma
35 IPF:MOY:2s>1s:contourner
car
nɤ
35 « Si vous êtes pressée enjambez-moi, si vous n’êtes pas pressée contournez-moi car
36 nɤ-pi
ni
kɯ
36 2s:grande soeur
duel ERG
ʁnaʁna kɯ
ɣɯ́-nɯmɢlá-ndʑi
deux
NPA:3d>1s:enjamber
36 ɕti"
to-ti,
36 NPA:3s:être-affirmatif
MIP:3s>3:dire
ERG
(faute !)
36 vos deux soeurs m’ont enjambé. »
37 tɕénɤ
tɕheme nɯ kɯ
"ʁʑɯnɯ tɯ-rme kɤ-nɯmɢla
37 CONJ
fille
garçon
DML ERG
homme
37 me"
to-ti
tɕe,
37 NPA:3s:ne pas être
MIP:3s>3:dire
CONJ
NAC:enjamber
37 La fille dit : « On n’enjambe pas un garçon ».
488
38 to-nɯ-pjɤl
tɕe
ko-ɕe,
tɕe
38 MIP:MOY:3s>3:contourner
CONJ
MIP:D-est:3s:aller
CONJ
38 tɯ-ci
to-rku
tɕeri,
38 eau
MIP:3s>3:mettre
mais
38 Elle le contourna et alla vers l’est (continue sa route vers le puits), elle prit de l’eau
39 nɯnɯ
pjɤ-ɕqraʁ
tɕɤn
pjirɯ
tɯ-tɤri
nɯ
ɯ-qa
ntsɯ
39 celle-là
MIF:3s:intelligente
CONJ
corail
chaîne
DML
3s:pied
toujours
38 to-saʁthɯm
to-rku
nɤ
38 MIP:D-haut-3s>3:puiser
MIP:3s>3:mettre
CONJ
38 to-rku
mɯ-pjɤ-khɯ
tɕe,
38 MIP:3s>3:mettre
NGPA:MIF:3s:pouvoir
CONJ,
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
38 Celle-là était intelligente, elle (essaya) d’attraper le collier de corail (avec son
récipient en bouleau) en puisant au bas (du puits), mais elle n’y parvenait pas,
40 kɯ-maqhu
tɕe
40 NAS:être après CONJ
ɯ-ɲchɣaʁ-thɯm
nɯ
taʁ-nɤ-taʁ
3s:récipient en écorce de bouleau
DML
de plus en plus haut
40 to-tsɯm
tɕɤn,
40 MIP:D-haut:3s>3:emporter
CONJ
40 et ensuite, elle leva le récipient en bouleau vers le haut (pour attraper le collier).
41 pjirɯ
tɯ-tɤ-ri nɯ
pjɤ-nɯ-mɟa.
41 corail
chaîne DML
MIP:MOY:3s>3:ramasser
41 et elle obtint le collier de corail.
42 tɕe
nɯ rɟɤlpu
ɯ-tɕɯ
nɯ kɯ
"nɤ-ki
nɯ aʑɯɣ
ŋu
42 ensuite
DML roi
3s:fils
DML ERG
2s:DMP
DML 1s:GEN
NPA:3s:être
42 tɕeri
ɲɯ-ta-mbi"
to-ti.
42 CONJ
IPF:1s>2:donner
MIP:3s>3:dire
42 Alors, le fils du roi dit : « L’objet que tu tiens est à moi, mais je te le donne. »
43 tɕendɤre
tɕheme-pɯ nɯ kɯ pjirɯ
tɯ-tɤ-ri nɯ
to-nɯndo,
43 CONJ
fille:enfant
chaîne
MIP:3s>3:prendre
DML ERG corail
DML
43 alors la fille prit le collier de corail,
44 tɕe
"tɤ-rɤru
ma aʑo mbɣóm-a"
to-ti
ri,
44 CONJ
IMP:s:se lever
car je
MIP:3s>3:dire
CONJ
NPA:1s:pressé
44 et (elle dit :) Lève-toi car je suis pressée (répétition dans le récit).
489
45 "ɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom nɤ
tu-kɯ-nɯmɢla,
mɯ́-ɲɯ-tɯ-mbɣom
45 QU:IPF:2s:pressée
IPF:2s>1s:passer par dessus
NGPA:QU:IPF:2s:pressée CONJ
CONJ
45 tu-kɯ-nɯ-pjál-a
ma
45 IPF:MOY:2s>1s:contourner
car
nɤ
45 « Si vous êtes pressée enjambez-moi, si vous n’êtes pas pressée contournez-moi ;
46 nɤ-pi
ni
ʁnaʁna
kɯ
tɤ́-ɣ-nɯmɢlá-ndʑi
46 2s:grande soeur
duel
deux
ERG
AOR:3d>1s:enjamber
46 ɕti"
to-ti,
46 NPA:3s:être-affirmatif
MIP:3s>3:dire
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
46 vos deux soeurs m’ont enjambé. »
47 tɕeri
"ʁzɯnɯ tɯ-rme kɤ-nɯmɢla
me"
47 mais
garçon
NPA:3s:ne pas être MIP:3s>3:dire CONJ
homme
NAC:enjamber
to-ti
47 to-nɯpjɤl
tɕe
to-nɯɕe.
47 MIP:3s>3:contourner
CONJ
MIP:D-haut:3s:rentrer
tɕɤn,
47 mais elle dit « On n’enjambe pas un garçon », elle le contourna et rentra chez elle.
48 tɕe
nɯɕe
tɤŋu
tɕe,
to-ti
48 CONJ
NPA:3s:partir
au moment où
CONJ
MIP:3s>3:dire
48 et au moment de partir, il dit :
49 "wortɕhi
ʑo
nɤ-pa
nɤ-ma
ni
ndʑi-ɕki a-tɤ-tɯ-ti
49 s'il te plait
adverbe
2s:père
2s:mère
duel
3d:DAT
tɕe
JUS:2s>3:dire CONJ
49 « S’il te plaît, demande à tes parents
50 nɯ-paʁ-tshi
ɯ-kɯ-rɤru
ɲɯ-ɣi-a
ɯ́-ɲɯ-pe
50 2p:nourriture pour cochons
3s:NAG:surveiller
IPF:D-est:1s:arriver QU:MDR:3s:bien
ma
car
50 serait-il possible que je vienne surveiller vos cochons ?
51 kɯ-sthi
ci
a-zrɯɣ a-ndʑirɯ
ɲɯ-dɤn,
51 autant
un
1s:poux
MDR:3p:beaucoup
51 ɲɯ-nɤ-ndʐu-a
tɕe
51 MDR:1s:avoir froid CONJ
1s:lente
mɯ́-j-pe"
to-ti,
NGPA:MDR:bien
MIP:3s>3:dire
51 J’ai tant de lentes et de poux, j’ai froid, ce n’est pas bien comme ça. »
490
52 tɕendɤre
"jɤɣ
tɕe
tu-ti-a"
to-ti
tɕɤn
52 CONJ
NPA:3s:possible
CONJ
IPF:1s>3s:dire
MIP:3s>3:dire CONJ
52 to-nɯɕe
tɕe
ɲɤ-rɤfɕɤt.
52 MIP:D-haut:3s:rentre
CONJ
MIP:3>3:transmettre l'information
52 alors elle dit : « d’accord, je le dirai », rentra chez elle et transmit l’information
53 tɕeri
"jɤɣ"
to-tí-nɯ
tɕɤn,
nɯ smɤt
tɯ-mda
53 CONJ
NPA:3s:possible
MIP:3p>3:dire CONJ
DML bas
bas de la vallée
53 rɟɤlpu
ra
nɯ-paʁ-tshi
kɯ-rɤru
jo-ɕe
53 roi
pluriel
3p:nourriture pour cochon
NAG:surveiller
MIP::3s:aller
53 Il dirent « d’accord », et il (le fils du roi du haut de la vallée, déguisé en mendiant) alla
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
s’occuper de la nourriture des cochons du roi du bas de la vallée.
54 tɕendɤre
nɯ-me stu
54 CONJ
3p:fille
ku-xti
nɯ
superlatif NAS:grande
DML
54 paʁ-tshi
ɯ-kɯ-lɤt
pɯ-ɣe
tɕɤn,
54 nourriture pour cochon
3s:NAG:jeter
AOR:D-bas:3s:venir
CONJ
54 (Tout d’abord) l’aînée est descendue (dans la bauge des cochons, qui est située au
rez-de-chaussé des maisons traditionnelles, les gens habitant dans les étages), pour
donner la pâtée des cochons, (et à chaque fois qu’elle descendait)
55 nɯri
ɯ-ku
zɯ
tɤ-ŋkhɯt
to-lɤt,
55 CONJ
3s:tête
LOC
poing
MIP:3s>3:jeter
55 et elle lui donnait un coup de poing sur la tête,
56 nɯmáʁnɯ
scoʁ-qhu
ci
to-lɤt
pjɤ-ŋu
56 ou bien
revers de la louche
un
MIP:3s>3:jeter
MIF:3s:être
56 ou bien un coup du revers de la louche.
57 tɕendɤre
tɯ-lɤt
nɯ
57 CONJ
cadette DML
pjɤ-ɣi
ri
MIP:3s:venir
CONJ
57 Ensuite, la cadette est descendue,
58 línɤ
nɯ
tu-ste
pjɤ-ɕti
58 à nouveau
DML
IPF:3s>3:faire de cette manière
MIF:3s:être (affirmatif)
58 et elle agissait de la même façon.
491
59 tɕe
kɯ-máqhu
tɕe nɤkínɯ, nɯ-me stu
59 CONJ
NAS:être après CONJ
ainsi 3p:fille
kɯ-xtɕi nɯ
superlatif petite
pjɤ-ɣi,
DML
MIP:3s:venir
59 enfin, leur fille benjamine descendit,
60 tɕendɤre
nɤkínɯ,
"tɤ-rɤru"
to-ti
60 CONJ
ainsi
IMP:s:se lever MIP:3s>3:dire
ri,
"wo
CONJ
interjection
60 tɤ-saʁdɯ́ɣ-a
tɕe
nɤki,
tɤ-ŋkhɯt
tɤ-nɯ-lɤt
ma
60 NPA:1s:déranger
CONJ
ainsi
poing
IMP:APL:s:jeter
car
60 et elle dit « levez-vous », et il dit « Oh, je dérange, donnez-moi un coup de poing si
vous voulez, car
61 nɤ-pi
ni
kɯ ʁna-ʁna kɯ nɯ tɤ-ŋkhɯt tu-lɤ́t-ndʑi
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
61 2s:soeur duel ERG deux
ERG DML poing
pɯ-ɕti,"
to-ti
IPF:3d>3:jeter AOR:3s :être
MIP:3s>3:dire
61 vos deux soeurs m’ont donné des coups de poing.
62 tɕheme-pɯ nɯ kɯ "a,
ʁʑɯnɯ tɯ-rme kɤ-nɯ-ʁndɯ-ʁndɯ
62 fille:enfant
garçon
DML ERG interjection
62 me"
to-ti
62 NPA:3s:ne pas y avoir
MIP:3s>3:dire
homme
NAC:APL:RED:frapper
62 La petite fille dit alors « Ah, on ne frappe pas un garçon ».
63 tɕe
maka
mɯ-to-ʁndɯ.
63 CONJ
pas du tout
NGPA:MIP:3s>3:frapper
63 et elle ne le battit pas.
64 tɕe
"wortɕhi
ʑo
nɤ-mu
nɤ-wa
ni
64 CONJ
s'il vous
plaît adverbe
2s:mère
2s:père
duel 3s:DAT
64 tu-ɣi-a
ɯ́-ɲɯ-pe
ma,
64 IPF:D-haut:1s:venir
QU:MDR:3s:bien
car
ndʑi-ɕki nɯ-smi kɯ-βlɯ
3p:feu
NAG:allumer
64 « S’il vous plaît, demandez à vos parents si je peux aller (monter) m’occuper du feu,
65 kutɕu
ɲɯ-nɤndʐu-a
a-tɤ-tɯ-ti
je"
to-ti.
65 ici
MDR:1s:avoir froid
JUS:2s>3:dire
particule modale MIP:3s>3:dire
65 car ici j’ai froid », dit-il.
492
66 kɯ-mɤku
ɯ-pi
66 NAS:être avant 3s:grande soeur
ni
ndʑi-ɕki nɯ ra
to-ti
duel
3d:DAT
MIP:3s>3:dire CONJ
DML pluriel
ri,
66 mɯ-ɲɤ-rɤfɕɤ́t-ndʑi,
66 NGPA:MIP:3d>3:transmettre le message
66 Auparavant, il avait dit la même phrase à ses deux grandes soeurs, mais celles-ci
n’avaient pas transmis l’information.
67 tɕendɤre stu
67 CONJ
kɯ-xtɕi
superlatif NAS:petite
nɯ
tɤ-ari
tɕe
DML
AOR:D-haut:3s:aller CONJ
ɲɤ-rɤfɕɤt,
MIP:3s>3:raconter
67 et la plus petite monta (dans la partie de la maison où habitent les gens et transmit
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
l’information.
68 tɕe
"jɤɣ"
to-tí-nɯ
68 CONJ
NPA:3s:possible
MIP:3p>3:dire CONJ
68 tó-ɣ-sɯ-ɣe
tɕendɤre
to-ɕe
tɕe
MIP:D-haut:3s:aller CONJ
tɕɤn
68 MIP:D-haut:INV:CAU:3>3s:aller
CONJ
68 Ils dirent « d’accord » et il monta, ils le firent monter.
69 smɤt
tɯ-mda
rɟɤlpu
ra
nɯ-smi kɯ-βlɯ
69 bas
bas de la vallée
roi
pluriel
3p:feu
pjɤ-ŋu.
NAG:allumer MIF:3s:être
69 Il était la personne chargée de s’occuper du feu chez ceux du roi du bas de la vallée.
70 tɕe
kɯ-máqhu
tɕɤn
li
nɤkínɯ nɯ-me stu
70 CONJ
NAS:suivant
CONJ
encore
ainsi
ku-xti
cho
3s:fille
superlatif grande
et
tɕe
70 Ensuite, la fille aînée et
71 ɯ-pa
nɯ ni
tɤ-ŋké-ndʑi
tɕɤn
kɤ-arí-ndʑi
71 3s:cadette
DML duel
AOR:3d:marcher
CONJ
AOR:D-est:3d:aller CONJ
71 la cadette, lorsque qu’elles marchaient (dans la maison), lorsqu’elles allaient d’un
côté,
72 scoʁ-qhu
ci
tu-lɤ́t-ndʑi
nɯ-arí-ndʑi
tɕe
72 revers de la louche une fois
IPF:3d:frapper
AOR:D-ouest:3d:aller
CONJ
72 scoʁ-qhu
ntsɯ
tu-lɤ́t-ndʑi
toujours
IPF:3d:frapper MIF:3s:être
ci
72 revers de la louche une fois
pjɤ-ŋu.
72 elles lui donnaient un coup du revers de la louche, et lorsqu’elles allaient de l’autre,
elles lui donnaient un coup du revers de la louche.
493
73 stu
kɯ-xtɕi
nɯ
kɯ
maka
ʑo
nɯ ra
73 superlatif
NAS:petite
DML
ERG
pas du tout
adverbe
DML pluriel
73 mɯ-pjɤ-stu
tɕɤn,
73 NGPA:MIF:3s>3:faire de cette manière
CONJ
73 La benjamine ne fit pas du tout comme elles.
74 nɯstáʁnɯ
kɤ-ndzɤ-tshi
kɯ-tu
ra
tɕhi kɤ-cha
74 même
NAC:manger et boire
NAS:avoir
pluriel
quoi NAC:pouvoir
74 ɲɯ́-ɣ-mbi
pjɤ-ŋu
74 IPF:INV:3>3s:donner
MIF:3s:être
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
74 Elle lui donna à manger autant qu’elle pouvait.
75 tɕe
kɯ-máqhu
tɕe
stu
ku-xti
nɯ ɯ-ɕki
75 CONJ
NAS:être après
CONJ
superlatif NAG:être grandDML 3s:DAT
"wortɕhi
s'il vous plaît
75 Ensuite, il dit à la plus grande : « s’il vous plait,
76 nɤ-pa"
nɤ-ma
ni
ndʑi-ɕki a-tɤ-tɯ-ti
tɕɤn,
"ruŋgu
76 2s:père
2s:mère
duel
3d:DAT
CONJ
pâturages
JUS:2s>3:dire
76 nɯ-kɯ-lɤɣ
lu-ɕi-a"
ɯ́-ɲɯ-pe
a-tɤ-tɯ-ti
ma
76 3p:NAG:faire paître
IPF:1s:aller
QU:MDR:3s:être bien
JUS:2s>3:dire
car
76 Demandez à vos parents si je peux aller m’occuper de faire paître (votre bétail) dans
les pâturages,
77 kɯ-sthi ci
a-zrɯɣ a-ndʑirɯ
ɲɯ-dɤn",
to-ti
tɕeri
77 autant
un
1s:poux
MDR:3p:beaucoup
MIP:3s>3:dire
CONJ
77 stu
ku-xti
77 superlatif NAS:grande
1s:lente
nɯ
ɯ-pri
mɯ-ɲɤ-rɤfɕɤt.
DML
3s:message
NGPA:MIP:3s>3:passer l'information
77 car j’ai tant de poux et de lentes », mais l’aînée ne transmit pas le message.
78 nɯ
ɯ-pa
nɯ
ɕki línɤ
to-ti
78 DML
3s:cadette
DML
DAT encore
MIP:3s>3:dire CONJ
78 ɯ-pa
nɯ li
mɯ-ɲɤ-rɤfɕɤt.
78 3s:cadette
DML encore
NGPA:MIP:3s>3:passer l'information
ri,
78 Il dit la même chose à la cadette, mais celle-ci ne transmit pas non plus l’information.
494
79 tɕe
stu
kɯ-xtɕi
nɯ
ɯ-ɕki
tɕɤn
79 CONJ
superlatif
NAS:petite
DML
3s:DAT
CONJ
79 "wortɕhi
nɤ-pa
nɤ-ma
ni
ndʑi-ɕki
79 s'il vous plaît
2s:père
2s:mère
duel
3d:DAT
79 Alors, il dit à la benjamine : « s’il vous plaît, demandez à votre père et à votre mère
80 nɯ-kɯ-lɤɣ
lu-ɕi-a
ɯ́-ɲɯ-pe
80 3p:NAG:faire paître IPF:D-amont:1s:aller
a-tɤ-tɯ-ti
ma
QU:MDR:bien JUS:2s:dire
80 kɯ-sthi a-zrɯɣ
a-ndʑirɯ
ɲɯ-dɤn"
to-ti.
80 autant
1s:lente
MDR:3p:beaucoup
MIP:3p>3:dire
1s:poux
car
80 si je peux aller m’occuper d’aller faire paître les animaux, car j’ai tant de poux et de
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
lentes.
81 tɤ-sa-rŋu
kɯ-spra
81 sésame grillé une poignée
to-ndza
tɕendɤre
ɲɤ-rɤ-fɕɤt
MIP:3s>3:manger
CONJ
MIP:3s>3:passer l'information
81 tɕeri
"jɤɣ"
to-tí-nɯ,
81 CONJ
NPA:être possible
MIP:3p>3:dire
81 Et il mangea une poignée de sésame grillé, et elle transmit l’information, et ils dirent
« d’accord ».
82 tɕendɤre
nɯ-kɯ-lɤɣ
lo-ɕe.
82 CONJ
3p:NAG:faire paître
MIP:D-amont:3s:aller
82 Et il alla faire paître les animaux.
83 nɯ-kɯ-lɤɣ
lɤ-ari
tɕe
tɕendɤre
sɲikuku
ʑo
83 3p:NAG:faire paître AOR:D-amont:3s:aller
CONJ
CONJ
chaque jour
adverbe
83 tɤ-lu
ɯ-kɯ-ru
kɯ-ɕe
pjɤ-ra
83 lait
3s:NAG:regarder
NAG:aller
MIF:3s:devoir CONJ
tɕɤn,
83 Il alla faire paître les animaux, et il devait aller tous les jours s’occuper du lait.
84 nɯ-me stu
84 3p:fille
ku-xti
nɯ
superlatif NPA:3s:grand DML
lɤ-ari
tɕɤn,
AOR:D-amont:3s:aller
CONJ
84 C’était d’abord au tour de leur fille aînée de venir,
495
85 tɕe
nɯnɯ
tɤ-tɕɯ
nɯ
kɯ-saqru
chɯ-ɕe
pjɤ-ra
85 CONJ
celui-là
garçon
DML
NAG:accueillir
IPF:D-aval:3s:aller
MIF:3s:devoir
85 tɕe
ʑ-lu-qre
pjɤ-ra
85 CONJ
HIN:IPF:D-amont:3s>3:accueillir
MIF:3s:devoir CONJ
tɕe,
85 Le garçon devait aller auprès d’elle,
86 tɕendɤre stu
ku-xti
nɯ nɤkínɯ mbro
chɯ-tsɯm
tɕe
86 CONJ
NAS:grande
DML ainsi
IPF:3s>3:conduire
CONJ
superlatif
cheval
86 ʑ-lu-sɯ-qre
tɕɤn,
86 HIN:IPF:D-amont:CAU:3s>3:accueillir
CONJ
86 conduisant un cheval, il allait auprès de l’aînée (le causatif indique ici qu’il va auprès
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
d’elle avec son cheval).
87 ɯʑo
nɯ
tu-nɯmbrɤpɯ.
87 elle
DML
IPF:3s:monter à cheval
87 et elle montait à cheval.
88 iɕqha
nɤki
88 à l'instant ainsi
tɤ-ru
ɯ-tɕɯ
nɯnɯ
kɯ ɯ-mbro
tu-sɯ-mtshi
chef
3s:fils
DML
ERG 3s:cheval
IPF:CAU:3s>3:consuire
88 pjɤ-ŋu,
tɤ-nɯná-ndʑi tɕe
kɤ-rɯndzɤtshi
tɤ-mda
88 MIF:3s:être
AOR:3d:prendre un repas NAC:prendre un repas
tɕe,
AOR:3s:arriver CONJ
88 Et le fils du chef (dont nous avons parlé à l’instant) conduisait le cheval, lorsqu’arrivait
le moment de se reposer et de prendre un repas.
89 nɤki
tɕheme nɯ kɯ,
ɯʑo
kɯ, nɤki...
tɤ-mthɯm
nɤki...
89 ainsi
fille
DML ERG
elle
ERG ainsi
viande
ainsi
89 pɤlɤtɕɯ
nɯ ra
lonba
ɯʑo
tu-nɯ-ndze.
89 beurre et momo
DML pluriel
tout
elle
IPF:MOY:3s>3:manger
89 La fille mangeait toute la viande et tous les pains au beurre
90 ɯ-rkɯ
nɯ
ra
ɲɯ́-ɣ-mbi,
ɯ-rqhu...
90 3s:bord
DML
pluriel
IPF:INV:3s>3:donner
3s:peau
90 qɤjɣi
ɯ-rqhu nɯ
ra
ɲɯ́-ɣ-mbi.
90 pain
3s:peau
pluriel
IPF:INV:3s>3:donner
DML
90 et lui donnait la peau et les morceaux (brûlés) de pain.
496
91 tɤ-mthɯm
ta-ndza
tɕe,
ɯʑo
kɯ ɕa
tu-nɯ-ndze,
91 viande
AOR:3s>3:manger
CONJ
elle
ERG viande
IPF:MOY:3s>3:manger
91 Quand elle mangeait la viande, elle mangeait la viande elle-même,
92 iɕqha
tɤ-tɕɯ
nɯnɯ
ɕɤrɯ
ɲɯ́-ɣ-mbi
pjɤ-ŋu.
92 CONJ
garçon
DML
os
IPF:INV:3s>3:donner
MIF:3s:être
92 et donnait les os au garçon (dont nous venons de parler).
93 tɕendɤre,
nɯ
tu-ste
pjɤ-ŋu.
93 CONJ
DML
IPF:3s>3:faire de cette manière
MIF:3s:être
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
93 Elle agissait de cette façon.
94 nɯ qhu
tɕe
li
tɯ-lɤt
nɯ
lo-ɣi
tɕɤn,
94 DML après
CONJ
encore
cadette
DML
MIP:D-amont:venir
CONJ
94 Ensuite, la cadette arriva.
95 nɤki
"a-tɤ-ɕime,
nɤʑo
tɤ-nɯmbrɤpɯ
tɕe,
95 ainsi
1s:jeune fille
tu
IMP:s:monter à cheval
CONJ
95 (il dit :) « Jeune fille, montez à cheval,
96 aʑo mbro
tu-mtshi-a
96 je
IPF:1s>3s:conduire car 2s:grande soeur
cheval
ma nɤ-pi
kɯ
ERG
96 nɯ tu-ste
pɯ-ŋu"
to-ti
96 DML IPF:3s>3:faire de cette manière
PIF:3s:être
MIP:3s>3:dire
96 je conduirai le cheval car votre grande soeur a agit de cette façon. »
97 "o!
nɯ
ʁo
lɯski"
to-ti
tɕe,
97 interjection
DML
adverbe
bien sûr
MIP:3s>3:dire
CONJ
97 « Oh, bien sûr », dit-elle.
98 tɯ-lɤt
nɯ
ɯʑo
to-nɯmbrɤpɯ
li
tɤ-tɕɯ
nɯ
98 cadette
DML
elle
MIP:3s:monter à cheval
encore
garçon
DML
98 ɯ-mbro
to-sɯ-mtshi.
98 3s:cheval
MIP:CAU:3s>3:conduire
98 Elle monta à cheval et le garçon la conduisit.
497
99 to-rɯndzɤtshí-ndʑi
tɕe,
99 MIP:3d:prendre un repas CONJ
li
"nɤ-pi
kɯ, aʑo nɤki,
ɕɤrɯ
encore
2s:grande soeur
ERG je
os
ainsi
99 cho nɯ ra
qɤjɣi ɯ-rkɯ ra
ɲɯ́-ɣ-mbi-a
pɯ-ŋu"
to-ti
99 et
pain bord
IPF:3s>1s:donner
PIF:3s:être
MIP:3s>3:dire
DML pluriel
pluriel
99 Il prirent un repas, et le garçon dit cette fois aussi : « votre grande soeur m’a donné
les os et la croûte du pain »,
100 cha
kɯ́nɤ
ɯ-ʁɟo
ra
ɲó-ɣ-jtshi.
100 alcool
aussi
3s:alcool dilué
pluriel
MIP:INV:3>3s:donner à boire
100 En ce qui concerne l’alcool, la grande soeur lui avait aussi donné seulement de
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
l’alcool dilué (la narratrice rajoute un détail oublié).
101 "aʑo
kɯ́nɤ
ʁo
lɯski
ɕti"
to-ti
tɕɤn
101 je
aussi
adverbe
bien sûr
NPA:3s :être-affirmatif
MIP:3s>3:dire
CONJ
101 « Pour moi, ce sera pareil, bien sûr », dit (la cadette).
102 nɤki,
tɯ-ʁi
nɯ kɯ li
tɤ-mthɯm
ɯʑo
to-nɯ-ndza
102 ainsi
petite soeur
DML ERG encore
viande
elle
MIP:MOY:3s>3:manger
102 ɕɤrɯ
ɲó-ɣ-mbi,
102 os
MIP:INV:3>3s:donner
102 Ainsi, la cadette elle aussi mangea la viande pour elle et lui donna les os,
103 qɤjɣi
nɯ
ɯ-kɯ-mɯm
nɯ ra
ɯʑo
to-nɯ-ndza,
103 pain
DML
3s:NAS:bon à manger
DML pluriel
elle
MIP:MOY:3s>3:manger
103 ɯ-rqhu ɯ-rkɯ
nɯ
ra
tɤ-tɕɯ
nɯ ɲó-ɣ-mbi.
103 3s:peau 3:bords
DML
pluriel
garçon
DML MIP:INV:3>3s:donner
103 Elle mangea elle-même les morceaux bons à manger, et donna au garçon les
morceaux du bord et la croûte.
104 cha
kɯ́nɤ
ɯ-ʁɟo
ɲó-ɣ-jtshi.
104 alcool
aussi
3s:alcool dilué
MIP:3s>3:donner à boire
104 Comme alcool, elle lui donna aussi de l’alcool dilué.
105 tɕe
nɯ ra
tu-ste
tɕe
105 CONJ
DML pluriel
IPF:3s>3:faire de telle manière CONJ
chɤ-nɯɕe.
MIP:D-aval:3s:rentrer
105 Elle agit de cette façon et rentra chez elle.
498
106 ɯ-fso
tɕe,
tɕendɤre
nɤki,
106 3s:demain
CONJ
CONJ
ainsi
106 nɯ-me stu
106 3p:fille
kɯ-xtɕi nɯ
superlatif petite
DML
ɯ-βra
nɯ lo-ɣi,
3s:tour
DML MIP:D-amont:3s:arriver
106 Le lendemain ce fut le tour de la benjamine.
107 tɕendɤre
tɤ-lu
kɯ-ru
lo-ɣi
tɕe,
107 ainsi
lait
NAG:regarder
MIP:D-amont:3s:venir
CONJ
107 tɤ-tɕɯ
nɯ
li
mbro
to-ndo
tɕe,
107 garçon
DML
encore
cheval
MIP:tenir
CONJ
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
107 Elle vint s’occuper du lait, et le garçon amena encore un cheval.
108 ɯ-kɯ-qru
chɤ-ɕe
tɕe
"a-tɤ-ɕime,
nɤ-pi
108 3s:NAG:accueillir
MIP:D-aval :3s:aller CONJ
1s:jeune fille
2s:grande soeur
108 nɯ kɯ nɯ
tu-stú-ndʑi
108 DML ERG DML
IPF:faire de cette manière NPA:3s:être-affirmatif
ɕti
tɕe,
CONJ
108 Il descendit pour aller à sa rencontrer, et dit : « jeune fille, vos deux soeurs ont agit de
cette façon,
109 nɤʑo tɤ-nɯmbrɤpɯ"
109 tu
tɕe,
IMP:s:monter à cheval CONJ
"aʑo nɤ-mbro
tu-mtshi-a"
je
IPF:1s>3s:conduire MIP:3s>3:dire
2s:cheval
to-ti.
109 Montez à cheval, je conduirai votre cheval »
110 tɕe,
"a!
tɕiʑo
ʁnɯs
110 CONJ
interjection
nous deux deux
ma
maŋé-tɕi
tɕe,
à part
NPA:1d:ne pas y avoir
CONJ
110 (Elle répondit :) « Ah, il n’y a que nous deux ici,
111 ʑaka
kɯ-nɯ-βzu
mɤ-rtáʁ-tɕi,"
to-ti
tɕe,
111 chacun
NAG:MOY:faire
NGPA:1d:assez
MIP:3s>3:dire
CONJ
111 ɯʑo
to-nɯmbrɤpɯ,
111 elle
MIP:3s:monter à cheval
111 Nous sommes trop peu pour agir chacun dans son coin. » Elle monta à cheval,
112 ɯ-qhu
zɯ
tɤ-tɕɯ
nɯ
to-sɯ-ɣe
tɕe,
112 3s:après
LOC
garçon
DML
MIP:CAU:3s>3:venir CONJ
112 puis elle fit monter le garçon à l’arrière.
499
113 ʁnaʁna to-nɯmbrɤpɯ́-ndʑi,
kɤ-rɯndzɤtshi
113 les deux MIP:3d:monter à cheval NAC:prendre un repas
113 tɕheme-pɯ
nɯ
ɯ-ɕki
113 petite fille
DML
3s:DAT
tɤ-mda
tɕɤn,
AOR:3s:arriver
CONJ
113 Ils montèrent tous deux à cheval, et lorsque le moment fut venu de prendre un repas,
et il dit à la petit fille :
114 "aʑo
ɕɤrɯ
ɲɯ-kɯ-mbi-a,
qɤjɣi
nɯ ɯ-rqhu...
ɯ-rkɯ
cho
114 je
os
IPF:2s>1s:donner
pain
DML 3s:peau
3s:bord
et
114 ɯ-rqhu nɯ ra
ɲɯ-kɯ-mbi-a,
114 3s:peau DML pluriel
IPF:2s>1s:donner
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
114 « Vous pouvez me donner les os, me donner la croûte et le bord des pains,
115 cha
ra
ɯ-ʁɟo
115 alcool
pluriel
3s:alcool dilué IPF:2s>1s:donner à boire
115 ni
kɯ
115 duel ERG
ɲɯ-kɯ-jtshi-a
ma nɤ-pi
car 2s:grande soeur
tu-stú-ndʑi
ɲɯ-ɕti"
to-ti.
IPF:3d:faire de telle manière
MDR:3s:être-affirmatif
MIP:3s>3:dire
115 me donner de l’alcool dilué à boire car vos deux soeurs ont agi de la sorte. »
116 "a!
nɯ ʁo
tɕhi
a-pɯ-ŋu,
tɕiʑo
ʁnɯs
ma
116 interjection
DML adverbe
quoi
IRR:3s:être
nous deux
deux
à part
116 maŋé-tɕi
tɕe,
116 NPA:3d:ne pas y avoir
CONJ
116 « Ah ! comment cela serait-il convenable, nous ne sommes que deux,
117 ʑaka
kɯ-nɯ-ndza
mɤ-rtáʁ-tɕi"
to-ti
tɕe,
117 chacun
NAC:MOY:manger
NGPA:1d:assez
MDR:3s>3:dire
CONJ
117 nous sommes trop peu nombreux pour manger chacun de son côté », dit-elle
118 li
tɤ-mthɯm
nɯ kɯ-naχtɕɯɣ, qɤjɣi
nɯ
kɯ-naχtɕɯɣ,
118 encore
viande
DML NAS:pareil
DML
NAS:semblable
pain
118 et à nouveau, il prirent chacun la même quantité de viande, de pain,
119 cha
nɯ
kɯ-naχtɕɯɣ to-rɯndzɤtshí-ndʑi
tɕe,
119 alcool
DML
NAS:pareil
CONJ
MIP:3d:prendre un repas
119 et d’alcool (litt : « il prirent un repas, la viande pareille, le pain pareil, l’alcool pareil »).
500
120 tɕendɤre
nɤkínɯ to-rɯndzɤtshí-ndʑi
tɕe,
nɤki,
120 CONJ
ainsi
CONJ
ainsi
MIP:3d:prendre un repas
120 Ils prirent un repas, puis
121 "a-tɤ-ɕime,
ci
tɯ-mɯ ci
ɲɯ-jɯm
tɕe,
121 1s:jeune fille
un peu
ciel
MDR:3s:clair
CONJ
un peu
121 ci
kɤ-nɯ-rŋgɯ"
to-ti,
121 un peu
IMP:s:dormir
MIP:3s>3:dormir
121 (le garçon dit : ) « Il fait assez beau aujourd’hui, reposez-vous un peu. »
122 tɕendɤre tɤ-tɕɯ nɯ...
tɕheme nɯ kɯ ko-nɯ-rŋgɯ
122 CONJ
fille
garçon
DML
tɕe
tɕendɤre
DML ERG MIP:MOY:3s:dormir CONJ
CONJ
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
122 Puis la fille s’endormit,
123 tɤ-tɕɯ
nɯ kɯ nɯ-mbro
ɯ-rti
kɯ-tu
ci
123 garçon
DML ERG 3p:jument
3s:enceinte
NAC:avoir
une MIP:3s:y avoir CONJ
123 ɕ-to-sɯ-rɟɯɣ
tɕe
ɯ-pɯ
chɤ-sɯ-βde
123 HIN:MIP:CAU:3s>3:courir
CONJ
3s:fils
MIP:CAU:3s>3:jeter
123 tɕendɤre
ɯ-pɯ
chɤ-sɯ-βde
tɕe,
123 CONJ
3s:fils
MIP:CAU:3s>3:jeter
CONJ
pjɤ-tu
tɕendɤre
123 Ils avaient une jument enceinte, et le garçon la fit courrir, la fit avorter,
124 nɤki
nɯ-mbro
ɣɯ
ɯ-pɯ
nɯnɯ
tɕheme nɯ
ɣɯ
124 ainsi
3p:cheval
GEN
3s:fils
DML
fille
GEN
124 ɯ-ŋga
ɯ-pa
124 3s:habit 3s:bas
nɯ
tɕu
lo-rku,
DML
LOC
MIP:D-amont:3s>3:mettre
DML
124 Il mit l’embryon du cheval au bas des habits de la petite fille,
125 tɕe
ɯʑo
kɯ mbro
to-nɯmbrɤpɯ
tɕe
125 CONJ
il
ERG cheval
MIP:3s>3:monter à cheval
CONJ
125 ruŋgu
stu
125 pâturage superlatif
kɯ-mbro
tɕu
to-ɕe
tɕe,
NAS:haut
LOC
MIP:D-haut:3s:aller
CONJ
125 puis il alla à cheval vers le pâturage le plus haut de la montagne,
126 "qi!
a-tɤ-ɕime
nɤ-thi
nɤ-jme nɯ tɕhi ɲɯ-ŋu?"
to-ti,
126 interjection
1s:jeune fille
2s:aval
2s:queue DML quoi MIP:3s:être
MIP:3s>3:dire
126 et il dit : « Mademoiselle, qu’avez-vous donc sous vos jambes (litt : au bas de votre
corps)? »
501
127 tɕe
tɕheme
nɯ chɤ-rɤru
ri,
127 CONJ
fille
DML MIP:D-aval:3s:se lever
CONJ
nɯ tɕu pjɤ-kɤ-tá-chɯ
127 La fille se leva,
128 tɕe
nɯ mbro
ɯ-pɯ
nɯnɯ
ɯ-jme
128 CONJ
DML cheval
3s:fils
DML
3s:queue DML LOC MIP2:3s>3:poser
128 ɯ-tɯ-nɤzraʁ,
ɯ-tɯ-nɯzdɯɣ
pjɤ-saχaʁ,
128 3s:ND1:avoir honte
3s:ND1:être malheureux
MIF:3s:extrême
tɕe,
CONJ
128 l’embryon de cheval se trouvait posé entre ses jambes, et elle eut extrêmement honte
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
et devint très malheureuse.
129 tɕendɤre,
nɤkínɯ ɲɤ-ɣɤwu
129 CONJ
ainsi
tɕe,
MIP:3s:pleurer CONJ
uɣma
ɲɤ-nɯzdɯɣ
tɕeri,
très
MIP:3s:être malheureux
mais,
129 Elle se mit à pleurer, et devint très malheureuse, mais
130 "mɤ-nɯ-tɯ-nɯzdɯɣ
tɕɤn (a-mɤ-ɕ-tɤ-tɯ-nɤtɯt-...) mɤ-ɕɯ-nɤtɯti-a
130 NGNP:IMP:s:être malheureux CONJ NGNP:HIN:NP:1s>3s:raconter partout
130 tɕe,
tɕeri
smɯlɤm
kɤ-nɯ-mɟa
tɕe,
130 CONJ
mais
fête de la prière
NAC:APL:prendre
CONJ
130 (le garçon dit : ) « Ne soyez pas malheureuse, je n’irai pas raconter ça partout, mais
lorsque viendra (le verbe tɤ-mda est sous-entendu) le moment de célébrer la
cérémonie de la fête de la grande prière (litt : ramasser la prière, car les garçons
doivent ramasser un objet lancé par les filles),
131 aʑɯɣ
a-ɣɯ-thɯ-tɯ-khɤm
ra"
to-ti,
tɕendɤre
nɤkínɯ,
131 1s:GEN HER:JUS:D-aval:2s>3:donner NPA:3s:devoir MIP:3s>3:dire CONJ
ainsi
131 smɯlɤm
tɕe,
nɤkínɯ, tɕe
131 fête de la prière ainsi
CONJ
"jɤɣ"
to-ti
pjɤ-ra
NPA:3s:possible
MIP:3s>3:dire MIF:3s:devoir CONJ
131 vous devrez m’apporter (le présent) » dit-il, et elle ne pouvait faire autrement que
d’acquiescer.
132 tɕendɤre "smɯlɤm
kɤ-nɯ-mɟa
tɤ-mda
tɕe,
132 CONJ
NAC:APL:prendre
AOR:3s:arriver
CONJ
fête de la grande prière
132a-ɣɯ-lɤ-kɯ-sɯ-mtshám-a
ma
132 HER:JUS:D-amont:CAU:2s>1s:entendre
car
132 « quand la fête de la grande prière arrivera, informez-moi,
502
133 aʑo ɣi-a
ra"
133 je
NPA:3s:devoir CONJ
NPA:1s:venir
tɕe,
"smɯlɤm
nɯnɯ
fête de la grande prière
DML
133 car je viendrai sans aucun doute.
134 tha
nɤ-pi
ni
kɯ
134 particule modale
2s:grande soeur
duel ERG
tha
particule modale
134 kɯ-kɯ-mɤɕi tɤ-tɕɯ
kɯ-kɯ-ɣɯʁsrɯ
ɣɯ
ɕɯ-tá-ndʑi
ri,
134 RED:NAS:riche garçon
RED:NAS:beau
GEN
HIN:NPA:3d>3:mettre
CONJ
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
134 vos deux grandes soeurs donneront (leur présent) à des garçons riches et beaux ;
135 nɤʑo
aʑɯɣ
a-ɣɯ-thɯ-tɯ-te
ra"
to-ti,
135 tu
1s:GEN
HER:JUS:D-aval:2s>3:mettre NPA:3s:devoir MIP:3s>3:dire CONJ
135 tɕheme nɯ kɯ
"ɣa"
to-ti
pjɤ-ra.
135 fille
oui
MIP:3s>3:dire
MIF:3s:devoir
DML ERG
tɕe
135 vous devrez me le donner », dit-il et elle se dut de dire « oui ».
136 tɕendɤre
tɕɤthi
kha
uɣma
ʑo
kɯ-mɤɕi
136 CONJ
en bas
maison
très
adverbe
NAS:riche
136 pjɤ-ɕtí-nɯ
tɕe
nɯnɯ,
136 MIF:3p:être-assertif
CONJ
DML
136 Les (garçons) de maisons riches du bas de la vallée,
137 nɤki nɯ-smɯlɤm
to-mda
tɕe,
nɯ-tɕu
tɕɤn
tɕendɤre,
137 ainsi 3p:fête de la prière MIP:3s:arriver CONJ
à ce moment là
CONJ
CONJ
137 nɤki
smɯlɤm
to-mda
tɕe,
137 ainsi
fête de la prière
MIP:3s:arriver
CONJ
137 lorsque vint leur tour (de trouver une épouse) à la fête de la grande prière,
lorsqu’arriva la fête de la grande prière,
138 ɯʑo
ʑ-lo-sɯ-mtshɤm
tɕe,
kɯ-rcɤ-mbɯ-mbe
138 il
HIN:MIP:D-amont:CAU:3s>3:entendre
CONJ
NAG:s'habiller d'un vieil habit
138 nɯ
chɤ-ɕe
tɕe
138 DML
MIP:D-aval:3s:aller
CONJ
138 (la fille) l’en informa, et il descendit (des pâturages), habillé en haillons,
139 tɤ-rca
zɯ
pjɤ-kɤ-mdzɯ́t-chɯ
tɕe,
139 à la suite
LOC
MIP2:3s:s'asseoir
CONJ
139 et s’assit à la suite (des autres).
503
140 tɕe
ɯ-pi
ni
kɯ rcá-nɯ
140 CONJ
3s:grande soeur
duel ERG l'une après l'autre
maka
tɤ-tɕɯ
adverbe
garçon
140 kɯ-kɯ-ɣɯʁsrɯ
kɯ-kɯ-mɤɕi
ɣɯ
ʑo
nɯ-smɯlɤm
140 RED:NAS:beau
RED:NAS:riche
GEN
adverbe
3p:fête de la grande prière
140 s-chɤ-tá-ndʑi
tɕe,
140 HIN:MIP:D-aval:3d>3:mettre
CONJ
140 Les deux grandes soeurs offrirent l’une après l’autre des présents à des garçons
beaux et riches,
141 tɤ-mu
tɤ-wa
ni
uɣma
141 mère
père
duel très
pjɤ-rgá-ndʑi, tɕendɤre ɯʑɤɣ
tɤ-mda
MIF:3d:content CONJ
AOR:3s:arriver CONJ
3s:GEN
tɕe,
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
141 (Leur) père et (leur) mère étaient très contents, et lorsque ce fut son tour à elle (la
benjamine),
142 tɕendɤre
nɤkínɯ chɤ-mɟa
142 CONJ
ainsi
tɕe
li,
MIP:D-aval:3s>3:amener CONJ
encore
142 elle amena (son présent),
143 nɯ
ra
stu
kɯ-mna
tɤ-tɕɯ
143 DML
pluriel
superlatif NAG:être digne de garçon
143 kɯ-mɤɕi
ra
nɯ-ɕki ɕɯ-te
143 NAS:riche
pluriel
3p:DAT
kɯ-ɣɯ-ʁsrɯ cho
NAS:beau
et
pjɤ-ŋu
HIN:NPA:3s>3:mettre
MIF:3s:être
ri,
CONJ
143 et elle s’apprêtait à le donner à des garçons riches et beaux, les plus dignes (de le
recevoir)
144 iɕqha
[tɤ-] nɤki rcɤ-mbe-ŋga
nɯ kɯ, nɤki,
mbro-jme
144 CONJ
...
DML ERG ainsi
queue de cheval
ainsi celui qui portait un habit usé
144 ɲɤ-sɤlwɤlwɤt
tɕendɤre,
mbro-jme
ɲɤ-sɤlwɤlwɤt
tɕe,
144 MIP:3s>3:agiter
CONJ
queue de cheval
MIP:3s>3:agiter
CONJ
144 et le garçon, qui portait un habit usé, agita une queue de cheval (pour rappeler à la
benjamine sa promesse).
504
145 to-ʁjit
tɕe
145 MIP:3s:se souvenir CONJ
thɯ-kɯ-ndʐaβ
to-ʑɣɤ-pa
tɕɤn,
NAGP:rouler
MIP:3s:faire semblant
CONJ
145 ɯ-mbur tɕu
s-chɤ-βde
pjɤ-ra.
145 3s:giron LOC
HIN:MIP:3s:jeter
MIF:3s:devoir
145 Elle s’en souvint (de sa promesse), fit semblant de trébucher, et jeta son cadeau sur
le giron du garçon.
146 tɕendɤre chɤ-βde
tɕɤn
tɤ-ɣi {tɤ-ɣe}
ra
rcánɯ
146 CONJ
CONJ
AOR:D-haut:3s:venir!faute
pluriel
l'un après l'autre
MIP:3s:jeter
146 nɯ-mbrɯ
ɯ-tɯ-ŋgɯ,
146 3s:énervement 3p:ND1:s'énerver
nɯ-tɯ-nɯ-zdɯɣ pjɤ-saχaʁ
ʑo
3p:ND1:être triste
adverbe
MIF:3s:extrêmement
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
146 et ceux qui étaient venus en furent très fâchés et très attristés.
147 tɕendɤre
ɕu ɣɯ
ɕ-thɯ-kɤ-ta
nɯ
ɣɯ
nɯ,
147 CONJ
qui
HIN:NAC:D-aval:mettre
DML
GEN
DML
GEN
147 tɕe
ɯ-ɕki
ɕɯ-kɯ-mɤ-rʑaβ
kɯ-ra
pjɤ-ɕti
tɕe,
147 CONJ
3s:DAT
HIN:NAG:se marier
NAS:devoir
MIF:3s:être-affirmatif
CONJ
147 Il fallait se marier avec celui sur les genoux duquel on avait posé (une offrande)
148 tɕendɤre
to-zrɤŋgát-nɯ
tɕɤn
tɤ-pi
ni
ɣɯ
148 CONJ
MIP:3p>3:préparer le départ
CONJ
grande soeur
duel
GEN
148 rcánɯ
mbro,
jla,
ɕkɤt
148 l'un après l'autre
cheval
mdzo
charges
148 (Les gens de la famille du roi du bas de la vallée) préparèrent le départ (de leurs
filles), et les deux grandes soeurs (et leurs serviteurs) chargèrent sur leurs chevaux
et leurs yaks hybrides
149 rcánɯ
tɯ-rɟɯ
149 l'un après l'autre
richesse objet
149 tɕe
to-rɤŋgat,
149 CONJ
MIP:3s>3:partir
laχtɕha kɯ-dɯ-dɤn
ʑo
NAS:RED:beaucoup adverbe
to-rkú-nɯ
MIP:3p>3:mettre
149 de nombreux bagages et beaucoup de richesses, et elles partirent.
150 ʑɤni
ndɤre
150 eux deux en revanche
[ɯʑo]
nɯ-mbrɯ
to-ŋgɯ
ɕti
tɕe,
il
3p:colère
MIP:3s:se fâcher
NPA:3s:être
CONJ
150 (Le garçon et la fille), en revanche, comme (les gens de la famille) étaient fâchés,
505
151 ɴɢarpa
ci
ma
mɯ-to-zrɤŋgát-nɯ
tɕe,
151 boeuf bâtard
un
à part
NGPA:MIP:3s>3:préparer le départ CONJ
151 (ceux-ci) ne préparèrent pour eux qu’un boeuf bâtard,
152 ɯ-ɕkɤt
ɯ-phaʁ nɯ nɤki,
thɤfka-lɤɣi
to-rkú-nɯ
152 3s:charge
3s:moitié DML ainsi
cendre
MIP:3p>3:mettre
152 et chargèrent (pour tout bagage) une moitié de cendre (et une moitié de pierre).
153 tɕe
ndʑi-ɕkɤt
nɯ ɯ-mgo
ɯ-tshɤt
153 CONJ
3d:charge
DML 3s:nourriture pour le voyage
3s:remplacement
153 nɯ
thɤfka-lɤɣi
to-rkú-nɯ
153 DML
cendre
MIP:3p>3:mettre
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
153 A la place de nourriture, ils chargèrent de la cendre (pour le garçon et la benjamine).
154 ɯ-pi
ni
154 3s:grande soeur
duel GEN
155 mgo
ɣɯ
nɯ
155 nourriture pour le voyage DML
[nɯ]
nɯ-laχtɕha
nɤki,
ɕɤmɯɣdɯ
tɯ-kri
...
3p:affaires
ainsi
fusil
huile
ra
to-rkú-nɯ
pluriel
MIP:3s>3:mettre
155 Les gens chargèrent les objets : fusil, huile, nourriture pour les deux grandes soeurs
de la benjamine,
155 ʑɤni
ɣɯ nɯ ra
155 eux deux GEN DML pluriel
[kɯ-ra...]
kɯ-tu
NAS:devoir(faute)
NAS:avoir
155 pjɤ-me
tɕe,
tɕe
to-rɤŋgát-ndʑi
tɕe,
155 MIF:3s:ne pas y avoir
CONJ
CONJ
MIP:3d:partir
CONJ
155 et comme eux deux n’avaient pas toutes ces choses, ils partirent (en premier).
156 tɤ-pi
stu
ku-xti
cho nɯ
156 grande soeur superlatif NAS:grand
et
DML
156 ɯ-pa
nɯ ra
cho ko-ɬóq-nɯ
156 3s:cadette
DML pluriel
et
MIP:D-est:3p:partir
156 (Puis) l’aînée et sa cadette se mirent en route.
506
157 tɕeri
ku jo-ɕé-nɯ
ri
nɤki,
tɤ-jpɣom
pjɤ-tu,
157 mais
est MIP:3p:aller
CONJ
ainsi
glace
MIF:3s:y avoir
157 tɤ-jpɣom pjɤ-tu
157 glace
tɕe,
MIF:3s:y avoir CONJ
157 Ils allèrent vers l’est, et il y avait de la glace
158 tɕendɤre
tɤ-jpɣom
kɯ-saχaʁ
ɯ-taʁ
158 CONJ
glace
NAS:extrêmement
3s:dessus
158 kɯ-ɬoʁ
pjɤ-ra
tɕe,
158 NAG:partir
MIF:3s:devoir
CONJ
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
158 Il fallait traverser une grande étendue du glace.
159 tɯ-kri
mgo
ra
159 huile
nourriture pour le voyage pluriel
159 ko-lɤ́t-nɯ
tɕɤn
159 MIP:D-est:3p>3:éparpiller CONJ
nɤkínɯ
[kolɤt]
ainsi
...
ko-ɕé-nɯ
ri
MIP:D-est:3s:aller
CONJ
159 (Les deux soeurs, leurs maris et leurs serviteurs) éparpillèrent la nourriture pour le
voyage et l’huile (sur la glace) et continuèrent vers l’est,
160 nɯ-snama
cho nɯ-tɯ-rme
ra
ɯ-qiɯ
pjɤ-ndʐáβ-nɯ,
160 3p:bétail
et
pluriel
3s:moitié
MIP:D-bas:3p:rouler
160 ɯ-qiɯ
ko-nɯɬóq-nɯ.
160 3s:moitié
MIP:D-est:3p:passer
3p:hommes
160 La moitié de leurs animaux et de leurs hommes tomba (et ils mourirent) et (seule) la
moitié passa (indemme).
161 tɕendɤre
nɤkínɯ,
ko-nɯrɤtʂhá-nɯ
tɕendɤre,
161 CONJ
ainsi
MIP:3p:prendre le thé
CONJ
161 nɯ-sqhi
ra
pjɤ-me,
161 3p:tripode
pluriel
MIF:3s:ne pas y avoir
161 Ensuite, ils préparèrent une collation, mais comme ils n’avaient pas de trépied,
162 tɕendɤre
nɤkínɯ
ʑɤni
ko-mɤkú-ndʑi
162 CONJ
ainsi
eux deux MIP:D-est:3d:être en avance
tɕɤn,
CONJ
162 (le garçon et la benjamine) étaient partis en avance (partie qui aurait dû se situer
avant le récit du départ des deux grandes soeurs),
507
163 sqhi
nɤkínɯ, nɯ-sqhi {ndʑi-sqhi}
nɯ
pjɤ-me
tɕɤn,
163 tripode
ainsi
DML
MIF:3s:ne pas y avoir
CONJ
163 tɕe
ndʑi-mthɯm
ɣɯ
ɯ-tshɤt
nɯ
163 CONJ
3d:viande
GEN
3s:remplacement
DML
3p:tripode(faute)
163 Comme ils n’avaient pas de tripode, à la place de leur viande (erreur dans la récit, on
devrait avoir : à la place du tripode)
164 rdɤstaʁ to-rkú-nɯ
ɕti
tɕe,
164 pierre
NPA:3s:être-affirmatif
CONJ
MIP:3p>3:mettre
164 rdɤstaʁ kɯ
sqhi
ko-nɯ-βzú-nɯ,
164 pierre
tripode
MIP:MOY:3p>3:faire
ERG
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
164 ils placèrent des pierres pour former un tripode.
165 nɤkínɯ ndʑi-ɕɤmɯɣdɯ
ɯ-tshɤt
nɯ laʁjɯɣ
to-rkú-nɯ
165 ainsi
3s:remplacement
DML bâton
MIP:3p>3:mettre
3d:fusil
165 ɕti
qhe,
nɯ ra
pjɤ-chɤ́β-ndʑi
qhe,
165 NPA:3s:être-affirmatif
CONJ
DML pluriel
MIP:3d>3:briser
CONJ
165 Comme à la place de leurs fusils, on avait chargé des bâtons (détail oublié dans le
récit ci-dessus)
166 tʂha
to-nɯ-βlɯ́-ndʑi
qhe
166 thé
MIP:MOY:3d>3:chauffer CONJ
166 tɕe
ko-nɯɬóʁ-ndʑi,
166 CONJ
MIP:D-est:3d:passer
to-nɯ-rɯndzɤtshí-ndʑi,
MIP:MOY:3d:prendre un repas
166 ils firent chauffer leur thé (en utilisant les bâtons comme combustible), ils prirent leur
repas, et s’en allèrent.
167 tɕe
"tɕhi,
tɕhi
tɤ-tɯ-fsé-ndʑi
tɕe,
kɤ-tɯ-ɬóʁ-ndʑi"
167 CONJ
quoi
quoi
AOR:2d:faire de cette fq̣on
CONJ
AOR:D-est:2d:partir
167 to-tí-nɯ ri,
167 MIP:3p>3:dire CONJ
167 « Par quel moyen êtes vous passés ? » demandèrent (les grandes soeurs, leurs
maris et leurs serviteurs).
508
168 "tɕiʑo
ndɤre
tɕi-laχtɕha
ri
168 nous deux
CONJ
1d:objet
CONJ
168 tɤ-kɤ-rku
maŋe
168 NACP:mettre NPA:3s:ne pas y avoir
ɕti
tɕe,
NPA:3s:être-affirmatif
CONJ
168 « Comme nous n’avions aucun objet à mettre (dans le foyer)
169 sqhi
ɯ-tshɤt
nɯ tɕi-χpɯm
tɯ-ka"
169 tripode
3s:remplacement
DML 1d:genou
chacun
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
169 à la place d’un tripode, nous avons (mis) nos genoux. »
170 tɤ-tɕɯ
nɯ kɯ
"aʑo
tɤ-tɕɯ
ɲɯ-ŋu-a
tɕe,
170 garçon
DML ERG
je
garçon
MDR:1s:être
CONJ
170 a-χpɯm ʁnɯs
nɯ
kɤ-tá-t-a,
170 1s:genou deux
DML
AOR:1s>3s:mettre
170 Le garçon dit : « comme je suis un garçon, j’ai mis mes deux genoux,
171 a-zda
tɕheme ɕti
tɕe,
171 1s:compagnon
fille
CONJ
NPA:3s:être-affirmatif
171 ɯ-χpɯm
ɯ-ntsi
nɯ
ka-ta
tɕe,
171 3s:genou
3s:un
DML
AOR:3s>3:mettre
CONJ
171 Comme ma compagne est une fille, elle a mis un genou,
172 tɕe
[tɤ-]
tɤ-βlɯ́-tɕi
tɕe
tɕi-ɕɤmɯɣdɯ
ra
172 CONJ
...
AOR:1d:chauffer
CONJ
1d:fusil
pluriel
172 thɯ-nɯ-βlɯ́-tɕi
tɕe,
172 AOR:APL:1d:brûler CONJ
tɤ-nɯ-rɯndzɤtshí-tɕi."
to-ti,
AOR:APL:1d:prendre un repas
MIP:3s>3:dire
172 Les deux soeurs firent brûler leurs fusils et prirent un repas.
173 tɕe
nɯ ra
to-stú-nɯ
ri,
173 CONJ
DML pluriel
MIP:3p>3:faire de cette manière
CONJ
173 Ils (les grandes soeurs etc.) agirent de cette manière.
174 ndɤre
smi
[tu-tɯ-nɯ-βze] {tu-tɯ-nɯ-βzu}
pjɤ-sɤɕke
ʑo,
174 CONJ
feu
AOR2:faire
MIF:3s>3:brûlant
adverbe
174 tɯ-ka
nɯ-χpɯm
jo-nɯrɤɕí-nɯ
tɕe,
174 chacun
3p:genou
MIP:3p>3:retirer
CONJ
174 Aussitôt que le feu fut allumé, c’était brûlant et chacun retira ses genoux.
509
175 kɤ-nɯrɤtʂha
ra
175 NAC:prendre le thé pluriel
mɯ-pjɤ-ŋgrɯ
ɲɯ-ŋu,
NGPA:MIP:3s:réussir
MDR:3s:être
175 Ils ne réussirent pas du tout à prendre le thé.
176 tɕendɤre,
li
jo-ɕé-ndʑi
tɕɤn
nɤkínɯ, [jo-ɕé-nɯ]
176 CONJ
encore
MIP:3d:aller
CONJ
ainsi
MIP:3p:aller
176 jo-ɕé-ndʑi
tɕe
176 MIP:3d:aller
CONJ
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
176 Alors (le garçon et la fille) allèrent et allèrent,
177 tɕendɤre
nɤkínɯ
ɯ-pi
nɯ
ra
nɯ
177 CONJ
ainsi
3s:grande soeur
DML
pluriel
DML
177 kɯ-fse
jo-nɯɬóʁ-nɯ.
177 NAS:être d’une certaine façon
MIP:3p:passer
177 et les deux soeurs aînées s’en allèrent de cette façon.
178 ʑɤni
li
178 eux deux encore
jo-ɕé-ndʑi
tɕe,
tɕendɤre
[jla]
mbro
jla
MIP:3d:aller
CONJ
CONJ
mdzo
cheval
mdzo
178 kɯ-saχaʁ
stomku kɯ-jɯ-jom
tɕe
178 NAS:extrêmement beaucoup
plaine
CONJ
NAS:RED:large
178 Ils allèrent encore, et ils trouvèrent une plaine très large,
179 mbro
jla
kɯ-saχaʁ
ɲɤ-kɤ-tɯ́ɣ-ndʑi
tɕe,
179 cheval
mdzo
NAS:extrêmement nombreux
MIP2:3d>3:rencontrer
CONJ
179 où se trouvaient plein de chevaux et de yaks hybrides.
180 tɕe
tɕheme nɯ
kɯ
"χawo
180 CONJ
fille
ERG
interjection
DML
180 kɯ ra
tɕiʑɤɣ
a-pɯ-ŋú-nɯ
kɯ-ɣe"
to-ti,
180 DMP pluriel
1d:GEN
IRR:3p:être
CONJ
MIP:3s>3:dire
180 La fille dit « Si seulement tout cela pouvait être à nous ! »
510
181 tɕeri
tɤ-tɕɯ
nɯ kɯ
"nɯ-βde
wo
181 mais
garçon
DML ERG
IMP:s:jeter
interjection
181 tɕiʑɤɣ
ɯ́-mɯ-pjɤ-ŋu
181 1d:GEN QU:NGPA:MIF:3s:être
smɯlɤm nɯ"
to-ti
prière
MIP:3s>3:dire
DML
181 Le garçon dit : « Ne t'en occupe pas, qui sait, (ces choses) sont peut-être à nous. »
182 tɕe
lo-ɕé-ndʑi
nɤ
lo-ɕé-ndʑi,
182 CONJ
MIP:D-amont:3d:aller
CONJ
MIP:D-amont:3d:aller
182 lo-ɕé-ndʑi
nɤ
lo-ɕé-ndʑi
tɕe
182 MIP:D-amont:3d:aller
CONJ
MIP:D-amont:3d:aller
CONJ
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
182 Puis ils allèrent et ils allèrent,
183 nɯtɕu
tɕe
rcánɯ
li
maka
tɤ-rɤku kɯ-pɯ-pe
183 là
CONJ
surprenant
encore
adverbe
récolte
NAS:RED:bien à nouveau
183 rcánɯ
tɯ-ji
kɯ-jɯ-jom
ɲɤ-tɯ́ɣ-ndʑi,
183 surprenant
champs
NAS:RED:large
MIP:D-est:3d>3:rencontrer
183 Et là, ils trouvèrent, des champs très larges et des récoltes très bonnes.
184 tɕendɤre,
tɕheme nɯ kɯ
"χawo
kɯkɯ
ra
184 CONJ
fille
interjection
DMP
pluriel
184 tɕiʑɤɣ
DML ERG
mɤ-nɯ-ŋu
184 1d:GEN NGNP:NPA:MOY:3s:être
kɯ-ɣe"
to-ti,
particule modale
MIP:3s>3:dire
184 Puis la fille dit : « Ah, si ces choses étaient à nous ! »
185 tɤ-tɕɯ
nɯ
kɯ
"nɯ-βde
wo,
185 garçon
DML
ERG
IMP:s:jeter
interjection
185 tɕiʑɤɣ
ɯ́-mɤ-pjɤ-ŋu
185 1d:GEN QU:NGPA:MIF:3s:être
smɯlɤm
nɯ"
to-ti,
prière
DML
MIP:3s>3:dire
185 Le garçon dit : « Ne t'en occupe pas, qui sait, (ces choses) sont peut-être à nous. »
186 tɕendɤre
li
lo-ɕé-ndʑi
nɤ
lo-ɕé-ndʑi
tɕe
186 CONJ
encore
MIP:D-amont:3d:aller
CONJ
MIP:D-amont:3d:aller
CONJ
186 Puis ils allèrent et allèrent,
511
187 tɕɤlo
rcánɯ
maka
kha
kɯ-ɣɯʁsɯ-ʁsrɯ χsɤrɯ
187 amont
surprenant
adverbe
maison
NAS:RED:belle
187 kɯ-saχaʁ
ʑo
or
ɲɤ-tɯ́ɣ-ndʑi
tɕe,
187 NAS:extrêmement beaucoup adverbe MIP:D-est:3d>3:rencontrer
CONJ
187 En amont, ils virent une belle maison avec beaucoup d’or,
188 "χawo!
ki
ɕu ɣɯ
ku-nɯ-ŋu
kɯ-ɣe?
188 interjection
DMP
qui
PRE:CNT:3s:être
particule modale
188 ɯ-tɯ-pe
nɯ"
to-ti
188 3s:ND1:bien
particule
MIP:3s>3:dire CONJ
GEN
ri,
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
188 (La fille) dit : « Oh à qui cela peut-il bien appartenir ? Comme c’est bien ! »
189 tɤ-tɕɯ
nɯ kɯ
"nɯ-βde
wo,
189 garçon
DML ERG
IMP:s:jeter
interjection
189 tɕiʑɤɣ
ɯ́-mɤ-pjɤ-ŋu
189 1d:GEN QU:NGPA:MIF:3s:être
smɯlɤm
nɯ"
to-ti,
prière
particule
MIP:3s>3:dire
189 Le garçon dit : « Ne t'en occupe pas, qui sait, (ces choses) sont peut-être à nous. »
190 tɕendɤre
lo-ɕé-ndʑi
nɤ
lo-ɕé-ndʑi
190 CONJ
MIP:D-amont:3d:aller CONJ
tɕe,
MIP:D-amont:3d:aller CONJ
190 Puis ils allèrent et allèrent,
191 tɕe
tɤ-tɕɯ
nɯ kɯ
"kɯtɕu kɤ-rɤʑi
je
tɕe,
191 CONJ
garçon
DML ERG
ici
particule modale
CONJ
to-ti
tɕe,
MIP:3s>3:dire
CONJ
IMP:s:rester
191 Puis le garçon dit : « Reste ici,
192 aʑo
ci
lu-mɤku-a
nɤ"
192 je
un peu
IPF:D-amont:1s:aller en avant CONJ
192 je vais d’abord y aller en premier ».
193 tɕheme nɯ kɯ
"ɣa"
to-ti
193 fille
oui
MIP:3s>3:dire CONJ
DML ERG
tɕe
pjɤ-rɤʑi.
MIF:3s:rester
193 La fille dit oui et resta là où elle était.
512
194 toʁde
tɕe,
194 un peu après CONJ
rcánɯ
kɯ-saqru
suprenant
NAG:accueillir
194 kɯ-saχaʁ
ʑo
jo-ɣí-nɯ,
194 NAS:extrêment nombreux
adverbe
MIP:3s:venir
194 Un moment après, contrairement à toute attente, des (serviteurs) virent en très grand
nombre pour l’inviter à partir.
195 mbro
to-ndó-nɯ,
tɯ-rme to-ndó-nɯ,
195 cheval
MIP:3s>3:tenir
homme
195 thɤjco
ra
ɲɤ-sprɤ́t-nɯ
195 palanquin
pluriel
MIP:3s>3:préparer
MIP:3s>3:tenir
195 (Dans le cortège venu pour l’accueillir, il y avait) des chevaux et des hommes, et ils
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
avaient préparé des palanquins.
196 tɕendɤre
tɕheme
nɯ ɕki
"a-tɤ-ɕime
ɯ-pɯ́-ɤɴqa
196 CONJ
fille
DML DAT
1s:fille
QU:AOR:3s:fatigué CONJ
196 a-tɤ-ɕime
ɯ-pɯ́-ɤɴqa"
to-tí-nɯ
196 1s:fille
QU:AOR:3s:fatigué
MIP:3p>3:dire
nɤ,
196 Ils dirent à la jeune fille : « Mademoiselle, vous devez être fatiguée ».
197 tɕendɤre
maka,
tɕheme
nɯ
197 CONJ
pas du tout
fille
DML
197 maka
mɯ-ɲɤ-stu
ri,
mɯ-to-khɯ́-nɯ,
197 pas du tout
NGPA:MIP:3s:croire
CONJ
NGPA:MIP:3p:être d'accord
197 La fille ne croyait pas (ce qui lui arrivait) ; elle n’était pas d’accord (pour les suivre)
198 tɕendɤre
nɤkínɯ "[rŋɯl]
χsɤr
thɤjco
taʁ tɯ-nɯ-ɕe
198 CONJ
ainsi
or
palanquin
sur NPA:MOY:2s:partir CONJ
argent
ɕi,
198 et (les serviteurs) dirent : « Monterez-vous dans le palanquin d’or,
199 rŋɯl
thɤjco
taʁ tɯ-nɯ-ɕe
ɕi,
199 argent
palanquin
sur NPA:MOY:2s:partir
CONJ
199 si
thɤjco
199 bois
palanquin sur
taʁ
tɯ-nɯ-ɕe?"
to-tí-nɯ.
NPA:MOY:2s:partir
MIP:3p>3:dire
199 le palanquin d’argent ou le palanquin de bois ?
513
200 tɕeri
tɕheme nɯ kɯ
"awo,
aʑo
a-rŋɯ-rŋɯl
200 mais
fille
interjection
je
1s:RED:argent
DML ERG
200 a-χsɯ-χsɤr
ra
mɤ-ra
nɤ,
200 1s:RED:or
pluriel
NGNP:3s:devoir
CONJ
200 La fille dit « Oh, je n’ai pas besoin de cet or et de cet argent,
201 si
thɤjco
taʁ tu-ɕi-a
201 bois
palanquin sur IPF:D-haut:1s:aller
jɤɣ"
to-ti.
NPA:3s:devoir
MIP:3s>3:dire
201 j’irai dans le palanquin de bois. »
202 tɕeri,
rŋɯl
thɤjco
taʁ
202 mais
argent
palanquin sur
tó-ɣ-sɯxɕe,
MIP:D-haut:INV:3s>3:aller
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
202 mais ils la firent monter dans le palanquin d’argent (le palanquin d’or étant réservé au
roi)
203 tɕendɤre
nɯ kɯ-fse
jó-ɣ-tsɯm,
203 CONJ
DML NAS:être de cette façon
MIP:INV:3s>3:déplacer
203 tɕe
jɤ-azɣɯ́t-nɯ
tɕɤn,
203 CONJ
AOR:3p>3:atteindre
CONJ
203 Et ils l’emportèrent de cette façon, et lorsqu’ils arrivèrent (au palais),
204 "a-tɤ-ɕime
nɤʑo
nɤki,
χsɤr
rɟɤskɤt
taʁ tɯ-nɯɕe
ɕi?
204 1s:jeune fille
tu
ainsi
or
escalier
sur NPA:2s:partir
CONJ
204 (les serviteurs dirent : ) « Mademoiselle, irez-vous sur l’escalier d’or,
205 rŋɯl
rɟɤskɤt
taʁ
tɯ-nɯɕe
ɕi?
205 argent
escalier
sur
NPA:2s:partir
CONJ
205 si
rɟɤskɤt
taʁ tɯ-nɯɕe?"
to-tí-nɯ.
205 bois
escalier
sur NPA:2s:partir
MIP:3p>3:dire
205 sur l’escalier d’argent ou sur l’escalier de bois ? »
206 "wo
aʑo a-rŋɯrŋɯl
206 interjection
je
a-χsɤχsɤr
1s:RED:argent 1s:RED:or
ra
mɤ-fɕɤt
pluriel
NGNP:NPA:3s:avoir cette chance
206 kɯ
si
rɟɤskɤt
tu-nɯɕe-a
jɤɣ!"
to-ti
206 ERG
bois
escalier
IPF:1s:partir
NPA:3s:pouvoir
MIP:3s>3:dire
206 (Elle) dit : « Oh, comme il ne convient pas que j’aille sur les (escaliers) d’argent et
d’or, j’irai sur l’escalier de bois ! »
514
207 tɕeri
mɯ-to-khɯ́-nɯ
tɕe
207 mais
NGPA:MIP:3p:être d'accord
CONJ
207 rŋɯl
rɟɤskɤt
taʁ
tó-ɣ-sɯɣ-ɕe,
tɕendɤre
207 argent
escalier
sur
MIP:D-haut:INV:CAU:3>3s:aller
CONJ
207 mais (les serviteurs) n’étaient pas d’accord et la firent monter par l’escalier en argent.
208 li
nɤkínɯ
nɯ-kha
tɤ-azɣɯ́t-nɯ
tɕe,
tɕendɤre
208 encore
ainsi
3p:maison
AOR:D-haut:3p>3:atteindre
CONJ
CONJ
208 Une fois arrivés dans la maison,
209 "a-tɤ-ɕime,
nɤʑo
χsɤr [rɟɤskɤt] χsɤr khri taʁ
tɯ-nɯɕe
ɕi?
209 1s:jeune fille
tu
or
NPA:2s:partir
CONJ
escalier
or
trône sur
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
209 ils dirent : « Mademoiselle, irez-vous sur le trône d’or,
210 rŋɯl
khri taʁ tɯ-nɯɕe
ɕi?
si
khri taʁ
210 argent
trône sur NPA:2s:partir
CONJ
bois trône sur
tɯ-nɯɕe?"
to-tí-nɯ
NPA:2s:partir
MIP:3p>3:dire
210 sur le trône d’argent ou sur le trône de bois ? »
211 "aʑo
a-rŋɯl
211 je
1s:argent 1s:or
211 si
khri
211 bois trône
a-χsɤr
ra
ma-fɕɤt
tɕe,
pluriel
ne convient pas
CONJ
taʁ
tu-nɯɕe-a
jɤɣ!"
sur
IPF:D-haut:1s:partir
NPA:3s:devoir
to-ti,
MIP:3p>3:dire
211 Elle dit : « Il ne convient pas que j’aille sur les trônes en argent ou en or, j’irai donc
sur le trône en bois. »
212 tɕeri
rŋɯl
khri
taʁ tó-ɣ-sɯxɕe,
tɕe
nɯtɕu
212 mais
argent
trône
sur MIP:D-haut:INV:CAU:3>3s:aller
CONJ
là
212 ko-nɯ-mdzɯ
pjɤ-ŋu
tɕe,
212 MIP:MOY:3s:s'asseoir
MIF:3s:être
CONJ
212 Mais ils la firent aller sur le trône d’argent, et elle s’assit là.
213 ɯ-tɯ-nɯzdɯɣ
pjɤ-saχaʁ
tɕe,
tɕénɤ,
213 3s:NDG:malheureux
MIF:3s:extrêmement
CONJ
CONJ
213 "a-χti
nɯ
ŋotɕu
jɤ-nɯri
kɯ-ma ?
213 1s:mari
DML
où
AOR:3s:partir particule modale
213 Elle était très malheureuse, et se demandait « où est donc passé mon mari ?
515
214 kɤ-mto maŋe
tɕe,
pɯ́-ɣ-sat
ɯβrɤ-ŋu
ma?"
214 NAC:voir NPA:3s:ne pas y avoir
CONJ
AOR:INV:3s>3:tuer hypothétique:3s:être particule
214 to-ʁjit
pjɤ-ŋu,
tɕendɤre,
214 MIP:3s>3:penser
MIF:3s:être
CONJ
214 On ne le voit pas, ne serait-ce pas qu’ils l’ont tué ? »,
215 uɣma
ʑo
chɯ-nɯzdɯɣ
pjɤ-ŋu
tɕe,
215 très
adverbe
IPF:3s:triste
MIF:3s:être CONJ
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
215 Elle était très triste.
216 ɯ-qom
ci
pjɤ-ɕlɯɣ,
tɕe
216 3s:larme
une MIP:3s:lâcher CONJ
"u!
a-tɤ-ɕime,
interjection
1s:jeune fille
216 tɕhi
ku-tɯ-ɣɤwu"
to-ti
ri
216 quoi
PRE:2s:pleurer
MIP:3s>3:dire CONJ
216 Elle laissa couler une larme, (et un serviteur demanda : ) « Mademoiselle, pourquoi
pleurez-vous ? »
217 "mɤ-kɯ-pe
ɣɤʑu
217 NGNP:NAS:bien NPA:3s:y avoir
ɯβrɤ-ŋu?"
to-ti
ri,
hypothétique:3s:être
MIP:3s>3:dire
CONJ
217 « Y-aurait-il quelquechose qui ne vous convient pas ? »
218 "maʁjári
nɤkínɯ,
ɲɯ-ɣɤkhɯ
218 non, c'est que
ainsi,
MDR:3s:fumer CONJ
218 ɕti"
to-ti,
218 NPA:3s:être-affirmatif
MIP:3s>3:dire CONJ
tɕe
tɕendɤre
núɣndʐa
c'est la raison
nɤkínɯ,
ainsi
218 Elle dit : « Non, c’est à cause de la fumée. » (elle croit que ce sont les serviteurs qui
ont tué son mari et ne veut pas dévoiler ses sentiments)
219 kɯ-maqhu
tɕe
219 NAS:être après CONJ
li
ɲɯ-nɯzdɯɣ
ɯ-sɯmpa
tɕu
encore
MDR:3s:triste
3s:pensée
LOC
219 ɲɯ-nɯzdɯɣ
pjɤ-ŋu
ri,
nɤkínɯ
219 MDR:3s:triste
MIF:3s:être
CONJ
ainsi
219 Ensuite, elle était toujours triste,
516
220 kɯm
ci
to-cɯ́-nɯ
220 porte
une MIP:3p>3:ouvrir
ri,
kɯ-maqhu
nɯtɕu
iɕqha
CONJ
NAS:être après
là
à l’instant
220 khɯ-ndʐi-rcu
nɯ
pjɤ-ɴqoʁ.
220 habit en peau de chien
DML
MIF:3s:être accroché
220 Ils ouvrirent une porte, et ensuite, à cet endroit, l’habit en peau de chien (dont nous
parlions à l’instant) était accroché.
221 tɕendɤre "pɯ́-ɣ-sat
221 CONJ
ɯ-βrɤ-ŋu
ma"
AOR:INV:3s>3:tuer hypothétique:3s:être
221 ɲɯ-nɯzdɯɣ
pjɤ-ŋu.
221 MDR:3s:être malheureuse
MIF:3s:être
ɲɯ-ʁjit
tɕe,
particule MIP:3s>3:penser
CONJ
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
221 Elle pensa : « Ne serait-ce donc pas qu’ils l’ont tué ? », et elle en fut malheureuse.
222 tɕeri,
li
nɤkínɯ, to-thú-nɯ
ri,
li
222 mais
encore
ainsi
CONJ
encore
MIP:3p>3:demander
222 "maʁ
ɲɯ-ɣɤkhɯ
ndʐa
222 NPA:ne pas être
MDR:3s:fumer NPA:être la raison
ɕti"
to-ti,
NPA:3s:être-affirmatif
MIP:3s>3:dire
222 Ils lui demandèrent encore, et elle dit à nouveau : « Non, c’est à cause de la fumée
(que je tousse). »
223 tɕe
kɯ-maqhu
tɕɤn
223 CONJ
NAS:être après CONJ
qale ci
jo-ɣi
tɕɤn,
vent un
MIP:3s:venir
CONJ
223 Ensuite, un vent a soufflé,
224 ndʑi-thɤβ
nɯ
jɤlwa
pjɤ-ŋu
tɕe,
jɤlwa
nɯ
224 3d:entre
DML
rideau
MIF:3s:être
CONJ
rideau
DML
224 ci
to-pɣaʁ
rin,
224 un peu
MIP:3s>3:retourner
CONJ
224 Entre eux (la fille et le garçon), il y avait un rideau, et ce rideau s’est retourné,
225 ɯ-rkɯ
nɯ tɕu tɤ-tɕɯ
kɯ-ɣɤχsɯ-χsɯrɯ ʑo
ci
pjɤ-kɤ-nɯ-mdzɯ́-chɯ,
225 3s:côté
DML LOC garçon
NAS:RED:beau
un
MIP2:MOY:3s:être assis
adverbe
225 De l’autre côté, un garçon très beau était assis,
226 χsɤr khri
taʁ nɯ
tɕu
pjɤ-kɤ-nɯ-mdzɯ́-chɯ,
226 or
sur DML
LOC
MIP2:MOY:3s:être assis
trône
226 Il était assis sur un trône d’or,
517
227 tɕendɤre
ɯ-re
ci
ɕmɯɣ
ɲɤ-ɕlɯɣ,
227 CONJ
3s:rire
un
légèrement
MIP:3s>3:lâcher
227 "a-tɤ-ɕime,
tɕhi
ku-tɯ-nɤre?"
to-tí-nɯ
227 1s:jeune fille
quoi
PRE:2s:rire
MIP:3p>3:sire CONJ
tɕeri
227 Elle lâcha un rire et ils demandèrent : « Mademoiselle, pourquoi riez-vous ? »
228 "tɕɤthi
khɯɣŋɟɯ
zɯ mɯrmɯmbju ʁnɯs
nɤki,
228 en aval
fenêtre
LOC hirondelle
ainsi
deux
228 pɣɤtɕɯ ʁnɯs
ɲɤ-nɯɣró-ndʑi
tɕe,
228 moineau deux
MIP:3d:s'amuser
CONJ
228 Dehors, sur la fenêtre, deux hirondelles, deux moineaux étaient en train de jouer
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
ensemble,
229 nɯ
ɲɯ-nɤri-a
ɕti
wo"
to-ti.
229 DML
MDR:1s:rire
NPA:3s:être-affirmatif
interjection
MIP:3s>3:dire
229 voilà pourquoi j’ai ri.
230 tɕendɤre
nɯ kɯ-fse,
pjɤ-rɤʑí-nɯ tɕe,
230 CONJ
DML NAS:ressembler
MIF:3p:rester
CONJ
230 tɕeri
kɯ-maqhu
tɕe,
tɕe
nɤki,
230 mais
NAS:être après
CONJ
CONJ
ainsi
230 Ils restèrent ainsi, puis
231 iɕqha
nɯnɯ
ɯ-ɣɯ-jɤ-kɯ-qru
tɤ-tɕɯ
nɯnɯ
stɤt
DML
haut
231 à l'instant DML
3s:HER:NAGP:accueillir garçon
231 tɯ-phu
koŋ-βzoŋ-jaŋ-rtɤn-bu
ɣɯ
ɯ-tɕɯ
nɯ
231 haut de la vallée
kun-bzang-yang-bstan-po
GEN
3s:fils
DML
231 Le garçon (dont nous avions parlé plus haut), qui était venu la chercher, le fils de
Kun-bzang-yang-bstan-po du haut de la vallée,
232 ɯ-rʑaβ
kɯ-ɕar
jo-ɕe
232 3s:épouse
NAG:chercher MIP:3s:aller
tɕe,
CONJ
232 ɯʑo
ɣɯ-jó-ɣ-nɯ-qru
pjɤ-ɕti
232 elle
HER:MIP:INV:MOY:3s:>3:accueillir MIF:3s:être-affirmatif
tɕɤn,
CONJ
232 était allé rechercher une épouse, et l’avait ramenée.
518
233 tɕe,
nɯ-tɯ-mɤɕi pjɤ-saχaʁ
tɕe,
233 CONJ
3p:ND1:riche
CONJ
MIF:extrêmement
233 nɯ-tɯ-rma
ɯ-tɯ-khɯ
pjɤ-saχaʁ
tɕe,
233 3p:vie quotidienne
3s:ND1:possible
MIF:extrêmement
CONJ
233 Ils étaient très riches, et leur vie était très agréable,
234 tɯ-rma
tɯ-βlɯ
chɤ-nɤsɤɲcɣɤ-ɲcɣɤ́t-nɯ
234 vie quotidienne
feu
MIP:RED:3p:de plus en plus brûlant
234 « Le feu dans leur vie était de plus en plus brûlant » = ils furent heureux et eurent
beaucoup d’enfants.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Passage rajouté après :
235 nɤrwa
kɯ-lɤɣ
ló-ɣ-sɯxɕe
tɕɤn,
235 pâturage NAG:faire paître
MIP:D-aval:INV:3>3s:envoyer
CONJ
235 stu
tɕɤn,
nɤki
"a-ftsoʁ
235 superlatif NAS:être avant
CONJ
ainsi
1s:mdzo femelle
235 stu
ku-xti
nɯ-ɬoʁ
tɕɤn,
235 superlatif
NAS:grande
AOR:3s:mettre bas
CONJ
kɯ-maku
235 On l’envoya faire paître le bétail dans le pâturage, et (il dit à) l’aînée : « Ma femelle de
yak hybride aînée a mis bas,
236 a-tɤ-ɕime
stu
ku-xti
a-lɤ-ɣi
236 1s:jeune fille
superlatif
NAS:grand
JUS:D-amont:3s:venir
236 ɲɤ-ra"
to-ti,
tɕendɤre,
236 MIP:3:devoir
MIP:3s>3:dire
CONJ
236 mademoiselle l’aînée, venez s’il vous plaît ! »
237 tɤ-ɕime stu
ku-xti
237 jeune fille superlatif NAS:grande
nɯ lo-ɣi
nɯ ɯ-qhu
tɕe, nɤki
DML MIP:D-amont:3s:venir
DML 3s:après CONJ ainsi
237 La jeune fille aînée vint et après,
238 "a-tɤ-ɕime,
tɯ-lɤt
nɯ
a-lɤ-ɣi
ma
238 1s:jeune fille
cadette
DML
JUS:D-amont:3s:venir
car
238 a-ftsoʁ
tɯ-lɤt
nɯ
nɯ-ɬoʁ"
to-ti,
238 1s:mdzo femelle
cadette
DML
AOR:3s:mettre bas
MIP:3s>3:dire
238 Il dit : « Mademoiselle la cadette, venez car ma femelle de yak hybride cadette a mis
bas,
519
239 tɕendɤre,
tɤ-ɕime tɯ-lɤt
nɯ
lo-ɣi
kɯ-maqhu
tɕe,
239 CONJ
jeune fille cadette
DML
MIP:D-amont:3s:venir
NAS:être après CONJ
239 et la fille cadette vint, en ensuite,
240 línɤ
ki
"a-tɤ-ɕime
stu
kɯ-xtɕi
nɯ
240 encore
DMP
1s:jeune fille
superlatif
NAS:petite
DML
240 Il dit encore : « Mademoiselle la benjamine,
241 a-lɤ-ɣi
ma
a-ftsoʁ
241 JUS:D-amont:3s:venir
car
1s:mdzo femelle
241 stu
nɯ
nɯ-ɬoʁ"
to-ti
DML
AOR:3s:mettre bas
MIP:3s>3:dire
kɯ-xtɕi
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
241 superlatif NAS:petite
241 venez car ma femelle de yak hybride la plus petite vient de mettre bas. »
242 tɕendɤre,
nɯ ra
ci
mphru
ci
ʑo
242 CONJ
DML pluriel
une à la suite une adverbe
[lo-sɯ-ɣe] {lo-sɯ-ɣi}.
MIP:D-amont:CAU:3s>3:venir!faute
242 Ainsi, il les fit venir l’une après l’autre (sur le pâturage).
520
Appendice C : paradigmes
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
1s
1d
1p
2s
ta-mto
2d
ta-mtó-ndʑɯ
2p
3s
3d
mtám-a
mtam-á-ndʑɯ
ta-mtó-nɯ
3p
mtam-á-nɯ
1s
mto-tɕɯ
1d
mto-j
1p
tɯ-mtɤm
2s
tɯ-mto-ndʑɯ
2d
kɯ-mto-a-nɯ
tɯ-mto-nɯ
2p
ɣɯ-mto-a
mtɤm
3s
kɯ-mto-a
kɯ-mto-a-ndʑɯ
kɯ-mtó-tɕɯ
kɯ-mto-j
ɣɯ́-mto
ɣɯ-mto-a-ndʑɯ
ɣɯ-mto-tɕɯ
ɣɯ-mto-j
tɯ́-ɣ-mto
tɯ́-ɣ-mto-ndʑɯ
ɣɯ́-mto-ndʑɯ
ɣɯ́-mto-nɯ
mtó-ndʑɯ
tɯ́-ɣ-mto-nɯ
ɣɯ́-mto
ɣɯ́-mto-ndʑɯ
ɣɯ-mto-a-nɯ
3d
ɣɯ́-mto-nɯ
mtó-nɯ
ɣɯ́-mto
ɣɯ́-mto-ndʑɯ
3p
ɣɯ́-mto-nɯ
Le verbe kɤ-mto « voir » au non-passé
Les lignes indiquent le sujet, les colonnes l’objet. Les cases où le thème 3 est utilisé sont indiquées en gras.
521
Structure du mot verbal
Nous appelons racine verbale élargie la racine du verbe adjointe de tout ses préfixes dérivationnels excepté les cinq suivants : ʑɣɤ- réflexif, nɯ- moyen, nɯ- applicatif et sɯcausatif qui sont encore très productifs, ainsi que le préfixe a- / ɤ- des verbes contractes.
Lorsqu’une colonne est découpée en plusieurs cases, cela signifie que seule une case de la colonne peut être remplie à la fois pour un verbe : ainsi, il est impossible d’avoir
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
à la fois un marqueur de seconde personne sujet / première personne objet kɯ- et un impersonnel ɣɯ-.
préfixes flexionnels
affixes dérivationnels
suffixes flexionnels
a-
mɯ-
ɕɯ- / ɣɯ-
Préfixes
nɯ-
tɯ-
ɣ-
ʑɣɤ-
sɯ-
-a / -ɤ
nɯ-
racine
-t
suffixes
irréel
mɤ-
mouvement
directionnels
situation
seconde
inverseur
réflexif
causatif
(verbes
moyen
verbale
première
d’accord
négatifs
vers
les
(quatre
persistente
personne
élargie
et
-a
/
séries)
seconde
-tɕi
personne
-ji
singulier
-ndʑɯ
de
-nɯ
ɯ́-
/
interrogatif
autres
contractes)
ɣɯ- / kɯimpersonnels
vers soi
kɯ-
nɯ-
2>1
applicatif
ta-
l’aoriste
1>2
Structure des formes verbales nominalisées
Préfixes personnels
a-, nɤ-, ɯtɕɯ-, ndʑɯ-, ji-, nɯ-
mɯ- / mɤ-
ɕɯ- / ɣɯ-
Préfixes directionnels
Préfixes nominalisateurs
(quatre séries)
kɯ- kɤ- sɤ- tɯ- tɤ-
ʑɣɤ-
sɯ-
-a / -ɤ
(verbes
nɯ-
racine
verbale
élargie
contractes)
522
accord verbal
pronoms
possessifs
1s
R-a̻
a-ʑo
a-
1d
R-tɕɯ̻
tɕɯ-ʑo
tɕɯ-
1p
R-ji̻
i-ʑo
i-
2s
tɯ-R
nɤ-ʑo
nɤ-
2d
tɯ-R-ndʑɯ̻
ndʑɯ-ʑo
ndʑɯ-
2p
tɯ-R-nɯ̻
nɯ-ʑo
nɯ-
3s
R
ɯ-ʑo
ɯ-
3d
R-ndʑɯ̻
ʑɤ-ni
ndʑɯ-
3p
R-nɯ̻
ʑa-ra
nɯ-
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
Suffixes d’accord; pronoms et préfixes possessifs en japhug
523
1
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
2
Introduction ......................................................................................................... 1
1.1
Le pays rGyal-rong ............................................................................... 1
1.2
Répartition et classification des langues rgyalronguiques .................... 3
1.3
Histoire des études rgyalrong ............................................................... 8
1.4
Structure de la thèse .......................................................................... 10
Phonologie........................................................................................................ 12
2.1
La syllabe et la réduplication partielle................................................. 12
2.2
Phonèmes consonantiques initiaux .................................................... 15
2.2.1
Les labiales ........................................................................................ 16
2.2.2
Les dentales ....................................................................................... 18
2.2.3
Les alvéolo-palatales et les rétroflexes............................................... 19
2.2.4
Les palatales ...................................................................................... 21
2.2.5
Les vélaires et les uvulaires ............................................................... 22
2.2.6
Conclusion.......................................................................................... 24
2.3
Les groupes de consonnes initiaux .................................................... 25
2.3.1
Les médianes ..................................................................................... 25
2.3.1.1
Le phonème /w/ en médiane ................................................ 26
2.3.1.2
Le phonème /l/ en médiane.................................................. 26
2.3.1.3
Le phonème /r/ en position médiane .................................... 27
2.3.1.4
Le phonème /j/ en position médiane .................................... 28
2.3.1.5
le phonème /ɣ/ en position médiane..................................... 30
2.3.1.6
Conclusion ........................................................................... 31
2.3.2
Les préinitiales.................................................................................... 31
2.3.2.1
Les phonèmes /p/ et /w/ en position préinitiale..................... 32
2.3.2.2
Les fricatives /s/ et /z/ en position préinitiale. ....................... 36
2.3.2.3
La sonante /l/ en position préinitiale. .................................... 37
2.3.2.4
Les fricatives /ɕ/ ~ /ʑ/ en position préinitiale......................... 39
2.3.2.5
Les phonèmes /r/ et /ʂ/ en position préinitiale ...................... 40
2.3.2.6
Le phonème /j/ en position préinitiale ................................... 42
2.3.2.7
Les phonèmes /k/ et /x/ ~ /ɣ/ en position préinitiale.............. 44
2.3.2.8
Les phonèmes /χ/ ~ /ʁ/ en position préinitiale ...................... 46
2.3.2.9
Les occlusives nasales /m/, /n/, /ŋ/ en préinitiale et les
prénasalisées. ........................................................................................... 47
2.3.2.10
2.3.3
Conclusion ........................................................................... 52
Désambiguïsation des groupes initiaux. ............................................. 53
2.3.3.1
Le phonème /ʁ/ : médiane ou initiale ?................................. 53
2.3.3.2
Groupes à initiales non-ambiguës........................................ 55
524
2.3.3.3
Ambiguïté structurelle........................................................... 56
2.3.4
Conclusion.......................................................................................... 60
2.3.5
Etude synthétique des groupes initiaux .............................................. 60
2.3.5.1
Groupes sans préinitiales..................................................... 62
2.3.5.2
Groupes avec la préinitiale /N/ ............................................. 63
2.3.5.3
Groupes avec les préinitiales /w/ et /m/................................ 63
2.3.5.4
Groupes avec les préinitiales /s/ ~ /z/................................... 65
2.3.5.5
Groupes avec les préinitiales /l/ et /n/ .................................. 66
2.3.5.6
Groupes avec les préinitiales /ɕ/ et /ʑ/ ................................. 66
2.3.5.7
Groupes avec les préinitiales /r/ et /ʂ/. ................................. 67
2.3.5.8
Groupes avec la préinitiale /j/ et avec les préinitiales /x/ ~ /ɣ/
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
69
3
2.3.5.9
Les groupes à préinitiales /χ/ ~ /ʁ/........................................ 70
2.3.5.10
Analyse ................................................................................ 71
2.4
Rimes ................................................................................................. 73
2.4.1
Syllabes ouvertes ............................................................................... 74
2.4.2
Syllabes fermées ................................................................................ 75
2.4.3
Rimes marginales............................................................................... 78
2.4.4
Resyllabification et influence des autres syllabes............................... 80
2.4.5
Contraintes sur les géminées ............................................................. 81
2.4.6
Conclusion.......................................................................................... 82
Stratification des emprunts tibétains ................................................................. 83
3.1
Correspondances entre japhug et tibétain.......................................... 84
3.1.1
Rimes ................................................................................................. 85
3.1.2
Groupes de consonnes ...................................................................... 93
3.1.2.1
Groupes de consonnes en tibétain classique....................... 93
3.1.2.2
Correspondances des groupes de consonnes initiaux entre
tibétain classique et japhug ....................................................................... 97
3.1.2.3
3.1.3
Conclusion ......................................................................... 128
Interaction entre la morphologie du tibétain et les règles de
correspondance. ............................................................................................. 129
3.1.3.1
Dissyllabes ......................................................................... 129
3.1.3.2
Morphologie verbale........................................................... 133
3.1.4
Conclusion........................................................................................ 140
3.2
Analyse des couches d’emprunts ..................................................... 140
3.2.1
Cognats entre japhug et tibétain....................................................... 142
3.2.1.1
Du proto-rgyalrong au japhug............................................. 143
3.2.1.2
Du proto-tibétain au tibétain ancien.................................... 146
525
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
3.2.1.3
Correspondances incohérentes. ........................................ 150
3.2.1.4
Autres cas .......................................................................... 163
3.2.1.5
Cognats du japhug et du tibétain........................................ 169
3.2.2
Couches des dialectes tibétains de l’Amdo ...................................... 174
3.2.3
Phonologie historique du japhug et stratification des emprunts........ 178
3.2.3.1
Les correspondances de la rime –ang en japhug............... 182
3.2.3.2
Les correspondances des rimes
japhug.
186
3.2.3.3
Les correspondances de la rime –o ................................... 190
3.2.3.4
Les correspondances de la rime –am ................................ 193
3.2.3.5
Les correspondances des rimes -ad, -ar et –as ................. 194
3.2.3.6
Syllabes affaiblies .............................................................. 195
3.2.3.7
Formes non-attestées en tibétain classique. ...................... 198
3.2.4
4
–od, –or, –os et –on en
Conclusion........................................................................................ 199
Phonologie historique du japhug..................................................................... 201
4.1
Accent tonal...................................................................................... 203
4.2
Rimes du japhug............................................................................... 204
4.2.1
Rimes du japhug en syllabe ouverte : voyelles antérieures et -a...... 207
4.2.1.1
Rime -a du japhug .............................................................. 207
4.2.1.2
Rimes -e et -ɤj du japhug ................................................... 213
4.2.1.3
Rime -i du japhug ............................................................... 218
4.2.1.4
Conclusion ......................................................................... 227
4.2.2
Rimes du japhug en syllabe ouverte : voyelles postérieures. ........... 228
4.2.2.1
Rime -o du japhug .............................................................. 228
4.2.2.2
Rime -u du japhug .............................................................. 232
4.2.2.3
Rime -ɯ du japhug ............................................................. 234
4.2.2.4
Conclusion ......................................................................... 239
4.2.3
Rimes à syllabe fermée en japhug ................................................... 240
4.2.3.1
Rimes du japhug fermées en -β ......................................... 240
4.2.3.2
Rimes du japhug fermées en -m ........................................ 243
4.2.3.3
Rimes du japhug fermées en -t .......................................... 249
4.2.3.4
Rimes du japhug fermées en -s ......................................... 253
4.2.3.5
Rimes du japhug fermées en -r .......................................... 256
4.2.3.6
Rimes du japhug fermées en -ɣ ......................................... 259
4.2.3.7
Rimes du japhug fermées en -ʁ ......................................... 262
4.2.3.8
Le systèmes des rimes : conclusion................................... 265
4.3
Les consonnes initiales du japhug.................................................... 268
4.3.1
Les préinitiales du PGR.................................................................... 269
526
4.3.2
Les occlusives et affriquées du japhug............................................. 272
4.3.2.1
Les occlusives labiales....................................................... 273
4.3.2.2
Les occlusives dentales ..................................................... 281
4.3.2.3
Les occlusives affriquées ................................................... 287
4.3.2.4
Les occlusives palatales..................................................... 296
4.3.2.5
Les occlusives vélaires....................................................... 300
4.3.2.6
Les occlusives uvulaires..................................................... 305
4.3.3
L’origine des consonnes voisées du japhug ..................................... 310
4.3.4
Fricatives et approximantes.............................................................. 317
Conclusion ...................................................................................................... 330
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
5
Morphologie verbale flexionnelle .................................................................... 336
5.1
Accord et transitivité ......................................................................... 337
5.1.1
Transitivité ........................................................................................ 337
5.1.2
Système d’accord ............................................................................. 338
5.1.2.1
Pronoms et affixes de personnes....................................... 339
5.1.2.2
Verbes transitifs ................................................................. 342
5.1.2.3
Le préfixe ɣ- ....................................................................... 346
5.1.2.4
Le préfixe kɯ- impersonnel ................................................ 349
5.2
Alternance des thèmes..................................................................... 349
5.2.1
Assimilation et Umlaut ...................................................................... 349
5.2.2
Alternance des thèmes dans les dialectes japhug............................ 351
5.3
Les préfixes directionnels ................................................................. 358
5.3.1
Le système des préfixes directionnels en japhug ............................. 358
5.3.2
Le fonctionnement des préfixes directionnels................................... 362
5.4
Les catégories de TAM en japhug .................................................... 370
5.4.1
Passé ............................................................................................... 371
5.4.1.1
Aoriste et imperfectif........................................................... 373
5.4.1.2
Catégories aspectuelles secondaires au passé ................. 378
5.4.1.3
Le médiatif indirect ............................................................. 380
5.4.2
Les catégories du non-passé (futur et présent) ................................ 382
5.4.2.1
Présent............................................................................... 383
5.4.2.2
Médiatif direct..................................................................... 384
5.4.2.3
Imperfectif .......................................................................... 388
5.4.2.4
Non-passé.......................................................................... 390
5.4.3
Les catégories modales.................................................................... 391
5.4.4
Les fonctions flexionnelles de la réduplication partielle .................... 392
5.4.4.1
Subordonnées conditionnelles : réduplication / irréel ......... 393
5.4.4.2
Expression d’une augmentation ......................................... 395
527
5.4.4.3
5.4.5
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
6
7
8
Expression d’une action se répétant systématiquement .... 395
Autres préfixes flexionnels................................................................ 396
5.4.5.1
Préfixes de déplacement ɕɯ- et ɣɯ- .................................. 396
5.4.5.2
Le préfixe nɯ- de situation persistante............................... 397
5.4.5.3
Préfixe jɯ- d’immédiat........................................................ 398
5.4.5.4
Préfixe nɯ- de voix moyenne............................................. 399
5.4.5.5
Préfixe ɯ- interrogatif ......................................................... 400
Morphologie verbale dérivationnelle ............................................................... 402
6.1
Les préfixes causatifs sɯ- / ɕɯ- et ɣɤ- ............................................. 402
6.2
Préfixes dénominaux ........................................................................ 405
6.3
Préfixe nɯ- / nɤ- applicatif ................................................................ 407
6.4
Préfixes rɤ- / sɤ- intransitivants......................................................... 409
6.5
Autres affixes.................................................................................... 409
6.6
Le voisement des initiales ................................................................ 411
6.7
Les fonctions dérivationnelles de la réduplication partielle ............... 413
6.8
L’infixation en –l-............................................................................... 413
6.9
Incorporation .................................................................................... 415
6.10
Conclusion........................................................................................ 417
Les verbes contractes..................................................................................... 418
7.1
Morphophonologie............................................................................ 418
7.1.1
Préfixes sélectionnant l’allomorphe a- .............................................. 420
7.1.2
Préfixes sélectionnant l’allomorphe ɤ- .............................................. 421
7.1.3
Forme kɤ- du préfixe......................................................................... 423
7.1.4
Un verbe irrégulier : kɤ-zɣɯt « arriver »............................................ 424
7.1.5
Forme interrogative ɯ- : -j- épenthétique ......................................... 425
7.2
Morphosyntaxe comparée ................................................................ 426
7.2.1
Cas de préfixes ŋa- sans fonction dérivationnelle. ........................... 426
7.2.2
Dérivation de verbes intransitifs et statifs. ........................................ 428
7.2.3
Préfixe réciproque ............................................................................ 432
7.2.4
Fonctions dérivationnelles non-productives...................................... 433
La nominalisation............................................................................................ 434
8.1
Noms relativisants ............................................................................ 434
8.1.1
Préfixes kɤ- et kɯ-............................................................................ 434
8.1.2
Noms d’action................................................................................... 438
8.1.3
Nom d’agent ..................................................................................... 444
8.1.4
Nom oblique ..................................................................................... 446
8.2
Nom de degré................................................................................... 448
8.2.1
Noms de degré 1 .............................................................................. 448
528
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
8.2.2
Les noms de degré 2 et les verbes de sensation physique .............. 452
8.2.3
Nom d’action en tɯ- ......................................................................... 455
8.2.4
Noms d’action en tɤ-......................................................................... 457
8.3
Autres types de nominalisation......................................................... 459
8.3.1
Nom d’action sans marque............................................................... 459
8.3.2
Nom d’action en –s ........................................................................... 460
8.3.3
Incorporation .................................................................................... 461
8.3.4
Nominalisation par réduplication....................................................... 461
8.3.5
Nominalisateurs................................................................................ 462
8.4
Relatives........................................................................................... 463
8.4.1
La relativisation en cogtse ................................................................ 463
8.4.2
La relativisation en japhug................................................................ 464
8.5
8.4.2.1
Sujet ................................................................................... 465
8.4.2.2
Objet................................................................................... 466
8.4.2.3
Instrument .......................................................................... 467
8.4.2.4
Locatif................................................................................. 468
8.4.2.5
Génitif................................................................................. 468
Conclusion........................................................................................ 469
Bibliographie .......................................................................................................... 470
Appendice A : Système de gloses ......................................................................... 479
Appendice B : Un exemple d’histoire. .................................................................... 483
Appendice C : paradigmes..................................................................................... 521
529
Errata.
tel-00138568, version 1 - 26 Mar 2007
24.03.2007. Quelques erreurs ont été corrigées pp. 314, 383, 393, 415.
530